4eme dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 21/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Les professeurs d’histoire de l’art se plaignent du manque de culture religieuse de leurs élèves qui, devant les innombrables tableaux de l’Annonciation à Marie, s’interrogent sur la signification de ce jeune homme aux grandes ailes inutiles, incliné devant une jeune fille très émue. Peu y reconnaissent l’ange Gabriel devant Marie.

Ce qui, pendant les siècles, a provoqué l’admiration et la ferveur des foules, n’évoque plus rien à la majorité de nos contemporains et l’on peut ajouter que notre culture post-chrétienne conduit les chrétiens eux-mêmes à s’interroger sur cette scène d’une densité spirituelle pourtant exceptionnelle. Qu’en est-il de la vérité de ce récit ? Quel est son message pour nous, aujourd’hui ?

L’Annonciation nous raconte en effet un événement qui est de l’ordre du merveilleux. Avez vous souvent rencontré des anges ? Ce récit est rédigé comme un mythe, comme un poème, comme un concentré de symboles. Nous sommes invités à l’écouter et à le décrypter. Comme une pièce de musique, à plusieurs voix, à plusieurs harmoniques. Le message essentiel n’est pas nécessairement le sens le plus immédiat.

Oui, nous pouvons nous interroger, car il n’est gère possible aujourd’hui d’être un croyant naïf, un chrétien protégé. La foi n’abolit pas l’intelligence, tout au contraire elle la stimule dans sa recherche de vérité. Avoir la foi, c’est ne pas se protéger dans un système de pensée tout fait. C’est ne pas avoir peur de perdre des illusions, s’il le faut… La foi, c’est faire confiance et dans un premier temps, accepter de ne pas savoir. Mais c’est pour mieux vérifier la vérité de ce qui est annoncé. La foi conduit à la pratique, à la vérification.

La foi communique le courage intellectuel d’aborder toutes les questions car la vérité chrétienne présente plus de questions que de réponses. A l’Annonciation, Marie n’a pas peur d’exprimer sa question, de manière pragmatique : « Comment cela pourra-t-il se faire puisque je ne connais point d’homme ? » Et la réponse de l’ange ne répond pas vraiment, elle renforce le mystère. « Rien n’est impossible à Dieu ».

La question redouble pour nous aujourd’hui car l’étude comparative des religions nous apprend que Jésus n’est pas le premier à naître d’une vierge. Des légendes historiques racontent que Bouddha serait né ainsi. Et, peu avant Jésus, la mère de l’empereur César-Auguste, l’aurait conçu de la même façon, dans le temple d’Apollon. Il est facile de trouver sur Internet ces récits déroutants.

Nous avons appris à lire la Bible en tenant compte des genres littéraires. L’auteur ne cherche pas à nous abuser. Il n’est pas un menteur. Il s’exprime simplement dans le langage de son temps et ce qu’il faut entendre n’est pas toujours la littéralité stricte des mots qu’il utilise. Il faut entendre ce que l’auteur a l’intention de communiquer, ce qu’il veut dire.

Alors que veut-il nous communiquer ? Quel message faut-il retenir qui utilise ces métaphores si puissantes, ces mythes qui traversent l’histoire de l’humanité et qui, pour une fois, pourquoi pas, quand la Parole prend corps, quand le Verbe se fait chair, se font réalité ?

Quel message se propage-t-il à travers la Bible, par ces femmes stériles qui enfantent finalement des personnages aussi providentiels que Samson ou Samuel? Quel message, sinon celui de la Paternité de Dieu, fondement de toute vraie paternité ?

L’Annonciation nous dit qu’il se produit en Jésus-Christ quelque chose de totalement nouveau. Cette nouveauté ne vient pas simplement, dans le cours des choses, comme naturellement mais elle vient d’ailleurs. « L’Esprit saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre ». Il y a la puissance et il y a la douceur qui n’est pas celle l’éclair mais celle de l’ombre car tout est ici d’une immense discrétion.

Comment cela s’est-il produit, nous ne le savons pas, cet épisode de l’évangile est le dernier à être écrit, après tout le reste, comme lorsque l’on remonte la vie d’un héros pour découvrir, de manière rétrospective, après tous ses hauts faits, où il a vécu son enfance, et finalement où il est né. Du point de vue de l’histoire, l’Annonciation est un non-événement. Mais l’incendie qui a suivi prouve l’étincelle qui l’a provoqué, cette étincelle que nous pouvons recueillir nous aussi dans notre cœur.

Car ce qui est le plus extraordinaire de tout, le plus merveilleux, le plus exceptionnel, c’est que cette fécondité spirituelle tout à fait intime et personnelle n’est pas exclusive, elle est appelée à être partagée, à être multipliée. « Qui est ma mère, qui sont mes frères, mes sœurs ? Tous ceux qui mettent en pratique la parole de Dieu ! »

Ce que nous dit le récit de l’Annonciation, c’est qu’en fêtant bientôt Noël, nous sommes tous, ici et maintenant, appelés à recevoir le message des envoyés pour donner corps au projet, au désir, à l’amour de Dieu.

4eme dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 21/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Temps de l’Avent, année B, quatrième dimanche

Annonciation : Luc 1, 26 – 38

 

L’Evangile d’aujourd’hui nous raconte la très annonce faite à Marie. Ce récit de l’Annonciation déploie ses splendeurs quand on le compare avec le récit de la venue de Jean-Baptiste. Dans l’un et l’autre récits, un ange apparaît et annonce le miracle à venir. Mais l’ambiance est toute différente. Dans l’annonce faite à Zacharie, le futur père de Jean-Baptiste, l’atmosphère est lourde et pesante. C’est la crainte qui domine, ou tout au moins un étonnement craintif. Zacharie est dépassé. Il en devient muet. Il devient comme stérile. Il s’enferme chez lui jusqu’au jour de la naissance de son fils. Avec l’Annonciation, il en est tout autrement. L’atmosphère est à la sérénité et la confiance. « Qu’il me soit fait selon ta parole » : voilà les paroles toutes simples prononcées par Marie. Et pourtant la situation est grave. Si Marie est convaincue d’avoir eu une relation coupable, elle sera tout simplement lapidée. « Voici la servante du Seigneur », voilà tout ce qu’elle trouve à dire. Elle n’est pas écrasée par ce nouvel événement. Elle le transforme en geste d’amour et de dévouement. Elle ne s’enferme pas chez elle pour cacher son état, ni pour pleurer sur ses illusions perdues. Elle part aussitôt aller aider sa cousine Elisabeth. Cette visite de l’ange ne la rend pas stérile en amour ou muette comme Zacharie. Elle la pousse à aller aider sa proche parente.

L’attitude de Marie lors de l’Annonciation pourrait également être comparée à celui du roi Hérode lors de la naissance de Jésus. Le roi est inquiet. L’annonce de la naissance d’un nouveau roi pourrait mettre en péril sa situation et aussi sa vie. Il consulte les savants pour savoir où pourrait bien naître un tel rival. Il ne veut pas le saluer. Il veut le tuer. Il demande aux mages de revenir lui dire où trouver ce nouveau-né. Tout est bon pour savoir où se trouve le danger. Et la peur de perdre son poste et aussi sa vie est si grande qu’il n’hésite pas à faire périr tous les enfants nouveau-nés de la région. La peur et l’égoïsme conduisent au meurtre et au massacre.

Voilà trois attitudes différentes devant les aléas de la vie : la peur qui paralyse, la peur qui détruit, la confiance qui libère. Et pourtant, Marie connaîtra la fuite en Egypte, la recherche de son fils à Jérusalem, les longues marches dans la Judée et la Galilée, et enfin la crucifixion. Et pourtant elle est tout le temps restée auprès de son fils, auprès de son Sauveur. Pour elle, la naissance de Jésus ne l’a pas conforté dans ses petites habitudes, ni dans sa petite vie. La naissance de Jésus l’a projetée sur de nouvelles routes vers une nouvelle vie. Hérode craignait toute forme de changements parce que cela signifiait pour lui un péril. Zacharie a été écrasé par la nouvelle de la naissance de son fils. Il en est devenu muet. Marie n’a pas fait de grands discours. Elle est partie aider sa cousine. Puissions-nous nous aussi retrouver cette paisible confiance en Dieu qui nous permet non seulement d’affronter toutes les difficultés, mais aussi de nous ouvrir à la détresse des autres pour mieux les aider. « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole ».

 

Philippe Henne

 

4eme dimanche de l'Avent (B)

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 21/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015


Un homme se promenant le long de la mer à Ostende, trébuche sur une vieille lampe. Il la ramasse, la frotte et un génie en sort et lui dit : « puisque tu m'as libéré, je t'accorde un vœu ! ». Au bout d'un moment, le promeneur se décide et demande : « J'ai toujours rêvé d'un voyage à New York, malheureusement j'ai peur de l'avion et j'ai le mal de mer. Pouvez-vous me construire un pont jusqu'à New York, pour que je puisse m'y rendre en voiture ? » Le génie ne dit rien pendant quelques secondes, puis éclate de rire : « Mais ce que tu me demandes est impossible à réaliser. Pense au béton qu'il faudra faire couler, aux tonnes d'acier nécessaire pour soutenir un tel pont. Je suis un génie, mais je ne peux pas faire de miracle. Il faut tout de même rester dans le domaine du raisonnable ! Demande-moi autre chose, un pont, c'est trop compliqué ! » L'homme se remet à nouveau à réfléchir. Au bout de quelques minutes il trouve autre chose : « Je suis marié et j'ai quatre charmantes filles. Elles trouvent que je ne m'intéresse pas assez à elle, que je ne les écoute pas jusqu'au bout. Ce que je voudrais, c'est de pouvoir comprendre les femmes, c'est-à-dire savoir ce qu'elles ressentent, ce qu'elles pensent lorsqu'elles sont silencieuses, ce qu'elles veulent vraiment dire lorsqu'elles disent non. Bref, comprendre leur psychologie. » Le génie le regarde perplexe, puis lui demande : « Au fait, le pont, tu le veux avec 2 ou 4 voies ? »

Le génie n'a donc pas été capable de résoudre le mystère de la psychologie féminine, tout comme il en aurait été vraisemblablement incapable de le faire pour la psychologie masculine. Et c'est tant mieux ! En effet, le mystère que nous sommes vis-à-vis de nous-même et des autres nous rappelle que la vie n'est pas une équation qui se déchiffre mais plutôt qu'elle se décline au rythme de nos saisons. Ne pourrions-nous pas aller jusqu'à prétendre que la notion même de mystère donne un goût différent à la vie. Tout n'est pas su. Tout n'est pas connu. Tout ne peut être maîtrisé. Il y a du mystère dans chaque vie et même dans celle du Fils de Dieu. En Christ, il y a le mystère de sa conception ainsi que celui de sa résurrection. Le début et la fin de sa vie sont marqués par le mystère. Nous ne pouvons les expliquer, nous ne pouvons les comprendre seulement les méditer pour nous laisser prendre à notre tour sous l'ombre divine qui continue à se dévoiler à nous par tous ceux et celles qui marchent avec nous sur notre route humaine. De la sorte, nous devenons un peu des anges les uns pour les autres. Accepter d'entrer dans le mystère de la vie, accepter d'entrer dans le mystère de la foi, nous permet alors de continuer, à l'instar de Marie, de nous laisser bouleverser par des événements imprévus, par ces personnes qui nous conduisent au plus près de nous-même. Se laisser bouleverser, c'est aussi accepter de ne pas avoir la main mise sur tout, de vivre une certaine forme de dé-maîtrise, un lâcher prise. Dans cette aventure, nous ne sommes pas seuls. Dieu est venu en notre monde pour nous accompagner. Il est à nos côtés. Mieux encore, il vient nous rejoindre chacune et chacun dans notre part sacrée. Quelle que soit notre condition physique, quel que soit notre état d'âme, Dieu vient résider dans notre crèche intérieure. Pour en prendre conscience, il nous suffit d'oser le pari de la confiance. Ayons, comme Marie, cette disponibilité intérieure du cœur pour nous permettre de partir, repartir au plus profond de notre être et de retrouver tout ce qui fait notre dignité. L'histoire d'Elisabeth nous le rappelle avec force. Il n'y pas d'âge pour la fécondité. Toutes et tous, nous y sommes appelés. Face au mystère de la vie, le bouleversement de la foi opère en nous un déplacement et un engendrement. En effet, nous quittons notre vision humaine pour entrer dans le champ de celle du Père. Dans la tendresse, par des paroles et des gestes d'amour et d'amitié, nous permettons lors de la rencontre vécue en vérité à ce que d'autres s'engendrent à eux-mêmes en retrouvant leur part sacrée où Dieu a choisi de venir inhabiter. Toutes et tous, nous sommes capables de vivre notre fécondité lorsque nous acceptons de nous poser au plus près de nos bouleversements intérieurs. Marie nous ouvre la voie, une voie offerte à l'amour de Dieu dans le don à l'amour de l'autre. Le nom de Marie devient ainsi l'anagramme vivant du verbe aimer. Bouleversés par Dieu, vivons nos différentes fécondités d'engendrement car l'Esprit est avec nous dans cette traversée de la vie. En Dieu, notre vie se vit, se passe, et surtout, se dépasse.

Amen

3eme dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 14/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Jean-Baptiste

Troisième dimanche de l’Avent, année B

 

Quel étrange personnage que ce Jean-Baptiste. Il est là, à la porte de tous les quatre Evangiles, baptisant, prophétisant. Il ouvre la porte à Jésus et puis se retire, énigmatique. Il a intrigué les premiers chrétiens qui se sont demandés quel pouvait bien être son rôle dans l’histoire du salut, quelle pouvait être sa signification pour chacun d’entre nous. la preuve qu’il était étrange et difficile à comprendre, c’est que les Evangiles n’en parlent pas de la même façon. L’histoire que nous connaissons le mieux, c’est celle de l’Evangile selon saint Luc qui nous raconte la naissance merveilleuse de Jean : son père, Zacharie, reçoit la visite d’un ange qui annonce la naissance de son fils ; Zacharie a du mal à y croire et il est puni : il restera muet jusqu’à la naissance de Jean ; Elisabeth, malgré son grand âge, a le bonheur d’enfanter. Tout depuis le début annonce l’arrivée d’un grand personnage. D’ailleurs le choix de son nom provoquera l’étonnement : Zacharie lui donne un nouveau nom contrairement à la coutume qui voulait que l’enfant reçoive un nom communément utilisé dans la famille. Et les gens s’étonnaient. Ils se disaient que ce serait là quelqu’un de grand, quelqu’un d’envoyé par Dieu.

Ici, dans cet Evangile selon saint Jean, rien de tout cela. L’Evangile dit simplement : « il y eut un homme ». Quoi de plus neutre et plus imprécis. « Un homme » : ce n’est ni un scribe, ni un pharisien, ni un évêque, ni un dominicain. C’est un homme, comme vous et moi, tout simplement. Et cette modestie dans la présentation est encore renforcée par sa place dans le récit. Car la mention de Jean se fait à l’intérieur du Prologue de l’Evangile selon saint Jean. Vous vous rappelez le Prologue. C’est cet espèce de chant incantatoire en l’honneur du Logos : « au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu ». C’est donc à l’intérieur de cette incantation à la fois belle et mystérieuse que surgit « un homme, appelé Jean ». Quoi de plus simple et plus humble. Et pourtant cet homme sera appelé par Jésus le plus grand de tous les prophètes. Et il l’est assurément.

Il résume à lui tout seul toute l’histoire du salut. Il est l’héritier d’Abraham et de la première alliance que Dieu fit avec un homme et avec toute sa famille. Il est l’héritier de Moïse et de cette grande alliance que Dieu fit avec un homme et tout son peuple. Il est l’héritier des prophètes qui ont mis en garde le peuple contre la trahison et qui ont annoncé la venue d’un Messie, d’un sauveur. Mais, si Jean est riche de toute cette tradition, il n’en est pas le prisonnier. Toute cette leçon d’amour entre Dieu et son peuple n’a pas rendu Jean stérile et endormi. Elle a au contraire creusé en lui le désir impatient de rencontrer le Bien-aimé dont on a tellement parlé. Jean ne s’est pas laisser engraisser dans un monceau de certitude déversé par une vie pleine de bonnes intentions. Il n’est pas devenu un pharisien, sûr de sa foi et de lui-même, juste capable de condamner et de calomnier. Il est devenu affamé et assoiffé de la présence de Dieu dans sa vie. Il est impatient de rencontrer le Bien-aimé. Il invite tous ses voisins à faire comme lui, à redécouvrir la vérité dans sa vie et dans le monde. Non, le plus important, ce n’est pas l’argent. Non, le plus important, ce n’est pas le pouvoir. Oui, le plus important, c’est de guetter partout autour de soi les miettes d’amour que Dieu nous jette et nous lance. Oui, si Jean a été le premier à pouvoir dire : « voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », c’est parce qu’il était avide de rencontrer le sauveur, c’est parce qu’il savait qu’il avait besoin d’être sauvé.

Et c’est en cela que Jean est pour nous tous un bel exemple à suivre, non pas dans la fortune ou le succès, mais dans l’attente impatiente de la rencontre avec le Bien-aimé. Que cette Eucharistie creuse encore plus profondément notre soif et notre faim de Dieu afin que nous puissions le reconnaître dans notre vie de tous les jours.

Philippe Henne

3eme dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 7/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Le personnage de Jean-Baptiste revêt une telle importance qu’après le texte de Marc, lu dimanche passé, la liturgie nous présente aujourd’hui celui de l’évangile de Jean. Lorsque ce dernier rédige son livret (vers les années 95-100 de notre ère), les communautés chrétiennes se heurtent à d’autres groupes qui prétendent que c’est leur maître, Jean-Baptiste, qui est le vrai Messie puisque Jésus a été son disciple et lui a demandé le baptême. A la suite des premiers évangélistes, Jean confirme la grandeur de ce prophète mais qui, comme il l’affirma lui-même, ne fut que le précurseur du seul Messie, Iéshouah , Jésus. Dans le Prologue solennel qui ouvre son œuvre, Jean situe la fonction de Jean-Baptiste.

Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean.

Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui.

Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.

Le rôle de Jean-Baptiste, fut d’être le premier grand TEMOIN de Jésus : il le désigna, lui ouvrit la route mais ensuite il s’effaça devant lui, authentique et unique LUMIERE, Révélation plénière, le seul capable de dissiper les ténèbres où se débat l’humanité. Que signifie témoigner ? Jean raconte.

L’ENQUETE EST OUVERTE

Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? ». Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement : « Je ne suis pas le Christ. »

  • Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ?  - Je ne le suis pas.
  • Es-tu le Prophète annoncé ?  - Non. 

- Alors qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? »

- Je suis « la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur », comme a dit le prophète Isaïe. 

Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens.

- Alors pourquoi baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? 

-  Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »

             * Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait.

Prévenues du succès populaire d’un inconnu qui harangue les foules et leur promet le salut par l’immersion dans les eaux du Jourdain, les autorités religieuses de la capitale, inquiètes, envoient une commission d’enquête. L’évangéliste les appelle « Les Juifs » : curieuse appellation -  puisque tous les personnages du livre, sauf quelques romains, sont juifs – et dangereuse car elle va ouvrir la porte à la violente hostilité chrétienne contre ce peuple. En fait Jean désigne de la sorte le groupe de responsables religieux (grands prêtres, anciens, scribes, pharisiens) qui d’emblée se ferment à la révélation de Jésus et lui en veulent de plus en plus. Pourtant quelque part Jean dira quand même : « Le salut vient des juifs » (4, 22).

L’évangile commence donc par un procès et l’interrogatoire du premier suspect. Qui est-il et de quel droit agit-il ainsi puisque la Loi de Dieu affirme solennellement que le salut de l’humanité ne s’effectuera que par la pratique obéissante à toute la Loi et par les sacrifices offerts au temple de Jérusalem ?

Jean refuse de parler de lui-même. Il n’est, dit-il, qu’une voix qui répercute la bonne nouvelle lancée jadis par un prophète qui annonçait à ses compatriotes déportés à Babylone de préparer une route car, après un exil de 50 ans, on allait rentrer au pays (Is 40).

Cette libération miraculeuse fit grosse impression et elle fut plus tard interprétée au sens spirituel. Puisque Dieu avait fait sortir, une 1ère fois, nos ancêtres de l’esclavage en Egypte, puis, une 2ème fois, de l’exil en Mésopotamie, un jour il effectuerait notre 3ème et définitive libération. Non du joug d’une puissance étrangère mais de celui du péché qui, même en Israël, pesait sur tout le monde. C’est ainsi qu’à Qumran, les Esséniens s’était repliés dans la solitude, appliqués à l’étude incessante de la Loi, acharnés à son observance minutieuse et se donnant des bains quotidiens répétés : c’est nous, de la sorte, qui « préparons dans le désert » la venue du Messie.

Qui donc préparait la venue du Messie, le roi oint de Dieu qui réaliserait la libération finale et apporterait la shalom, la paix ? L’inconnu appelé Jean prétend : ce n’est ni l’organisation religieuse du temple ni les sectaires de Qumran ni les zélotes qui prônaient la lutte armée…ni moi, ajoute-t-il.

- Alors pourquoi baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? 

-  Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »

Jean, avec vigueur, appelle les gens au repentir, secoue les consciences, menace, promet et même il effectue un rite de purification par l’eau : préparation réelle mais qui a des limites. Les anciennes générations avaient été, politiquement, libérées par Dieu, instruites, admonestées, encouragées par la lignée des prophètes ; elles avaient observé sacrifices, fêtes, jeûnes, pèlerinages…Rien n’y a fait. Le Royaume de Dieu n’est pas venu. Je ne réussirai pas davantage, avoue Jean : impuissant à l’effectuer, je ne puis que l’annoncer comme l’œuvre prochaine d’un autre. Voilà la Bonne Nouvelle, mon témoignage solide à la face de tous mes juges.

Oui, un autre va venir après moi, il est déjà présent dans la foule mais inconnu, incognito et il inaugurera le Royaume de la liberté, de la lumière et de la Vie. Non parce qu’il prêchera mieux ou pratiquera davantage d’ascèse, non parce qu’il inventera un rite plus efficace (il baptisera comme Jean) mais parce que lui, Jésus, est comblé de l’Esprit de Dieu.

« Jean témoigna : « J’ai vu l’Esprit, telle une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui….C’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint » (1, 33)

Depuis des siècles, la Parole de Dieu était bien proclamée, entendue, expliquée mais l’Esprit n’était pas donné. C’était donc une parole vraie mais « essoufflée », sans la puissance divine nécessaire pour toucher les cœurs, les saisir, les retourner, et les entraîner enfin sur le chemin du droit et de la justice.

NOTRE TEMOIGNAGE : LA SINGULARITE UNIQUE DE JESUS

« Vous verrez, nous disait un vieux professeur de théologie, beaucoup de catholiques vivent sous le régime de l’ancien Testament : on écoute des prescriptions, on demande ce qu’il faut faire puis on s’efforce de mettre tout cela en pratique. Evidemment on n’y arrive pas, on se décourage ou on abandonne une foi impraticable et des rites inefficaces ».

En effet celui qui considère Jésus comme un prophète, un sage, un guérisseur ne l’a pas compris. Jean-Baptiste disait : « il vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. ». Donc la Loi, les Prophètes, les Sages, les rites de purification ne sont pas accessoires, dépassés, ringards. On ne vient en effet à Jésus que par Jean : il nous indique la route, nous presse de nous mettre à l’œuvre pour un dur travail de « préparation ». Mais le Royaume est « plus outre ».

Comme Jean-Baptiste, l’Eglise n’a pas à se présenter elle-même, à se vanter de ses réalisations. Toujours on ne cessera de l’interroger, de lui intenter un procès. Car le procès contre Jésus n’aura jamais de fin, les questions sarcastiques continueront à pleuvoir : nous sommes les témoins de celui qui vient derrière nous, que nous connaissons mal nous-mêmes et que trop souvent, hélas, nos lâchetés trahissent et défigurent.

Devant les hommes qui cherchent encore la fraternité (le village de Noël), la lumière (les guirlandes), l’arbre de vie (le sapin), la société du don (les cadeaux), l’allégresse et le rire (les alcools), nous témoignons que leur désir doit aller plus loin et qu’ils ne trouveront le vrai bonheur qu’en découvrant Celui qui veut leur offrir ce qu’ils cherchent à tâtons : la lumière de la Vérité, l’eucharistie gratuite, la joie folle de l’Esprit nouveau, l’Amour. Mais par l’arbre de la croix.

L’Avent nous veut en avant. Précurseurs et Témoins. Bonne Nouvelle, Evangile: IL VIENT TOUJOURS. IL EST TOUJOURS EN TRAIN DE VENIR.

2eme dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 7/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

En ces temps de guerres, de crises et d’incertitudes, en ces temps obscurs et troublants, nous voulons vivre l’Avent comme un ressourcement pour espérer ce qu’il faut espérer, pour nous investir dans ce qui mérite d’être promu, pour engager notre vie là où s’ouvre l’avenir. Et alors la figure des prophètes nous intéresse. Comme les étoiles de la voie lactée, ils indiquent dans la nuit une voie, une direction, un sens.

De très grands prophètes comme Jean Baptiste ou Isaïe peuvent nous sembler lointains, mais nous avons des figures prophétiques proches : chaque génération a son lot ! Ils ont cru en l’impossible et ils ont participé à son avènement. Ils ont tenu bon dans l’épreuve, celle de la prison et même parfois celle de la torture. Ils ont payé leur engagement de leur vie, soit parce qu’ils ont été assassinés soit parce qu’ils ont donné tout leur souffle, tout simplement, oui, tout leur souffle et pas seulement le dernier : on peut donner sa vie sans nécessairement être tué ! Et donner sa vie dans la durée, c’est s’échanger contre une autre réalité, c’est devenir vivant autrement.

Il y a eu les héros obscurs de la grande guerre, il y a cent ans. Puis il y a eu les résistants contre le nazisme et l’invasion. Il y a eu Gandhi et l’indépendance de l’Inde, Martin Luther King et la fin des discriminations raciales. Plus proche encore, nous avons la figure de Nelson Mandela, qui après 27 ans de prison et de travaux forcés, par sa force d’âme, est venu à bout de l’apartheid.

Des films nous font partager la vie de figures moins connues comme celle des moines de Tibhérine (« Des hommes et des dieux »), ou comme tout récemment, « Marie Hurtin », cette jeune religieuse du 19ème siècle qui réinvente le langage, avec le toucher, pour sortir de son enfermement un enfant aveugle et sourd. Les prophètes autour de nous sont innombrables, il suffit d’ouvrir les yeux.

Ces figures nous montrent qu’il est possible, qu’il est raisonnable, qu’il est pleinement humain, d’espérer autre chose, même contre toute espérance, c’est à dire contre tout pseudo-réalisme, de vouloir le meilleur, de tendre de toutes ses forces vers un monde de justice et de paix… même si les écrans nous mettent sous les yeux des drames insupportables, des souffrances inouïes, des catastrophes humanitaires inimaginables.

Il est possible de vivre l’espérance de Noël sans se détourner de l’actualité des migrants qui sombrent en méditerranée ou qui s’empalent sur les barbelés de la forteresse Europe ou qui se font électrocuter entre le Mexique et les Etats Unis. Il est possible de vivre Noël le cœur battant et les yeux ouverts. Il est possible de célébrer la naissance du Prince de la paix, autrement que barricadé chez soi, autour de quelques enfants pourris-gâtés. Il est possible d’espérer à fond et sans mesure, comme le dit saint Pierre, rien moins qu’ « un ciel nouveau et une terre nouvelle », c’est à dire une nouvelle création.

C’est possible et nous ne sommes pas les premiers. C’est possible et c’est le contraire qui serait anormal, car cette espérance folle est ce qu’il y a de plus raisonnable. Elle s’appuie sur la promesse de Dieu. Ne pas espérer, à cette dimension là, serait ne pas le prendre au sérieux.

La résurrection de Jésus Christ nous assure que le monde a déjà changé. Il y a une autre rive. L’injustice et la force n’auront pas le dernier mot.

Notre attente n’est pas orpheline. Nous ne sommes pas seuls, Dieu est avec nous. En devenant son ami, nous découvrons qu’il est encore plus impatient que nous, que son désir est bien plus vif que le nôtre, qu’il nous précède sur nos chemins. C’est lui qui nous invite à veiller, pour nous associer à son œuvre créatrice et recréatrice.

Parce que Dieu est le premier concerné, le premier intéressé, nous pouvons être assurés de la réalisation de ses promesses. Il est discret mais il est Dieu. A Noël notre regard ne se porte pas vers le passé pour le passé, mais vers l’avenir, avec l’élan de tout ce qui a déjà été réalisé.

Notre attente s’appuie sur sa promesse et sur l’expérience émerveillée de tout ce qui a déjà été fait. Il est venu et il revient.

Nous pouvons avoir à la bouche le dernier mot de l’Apocalypse, la toute dernière phrase, comme un soupir. Il dit le désir, l’attente impatiente d’un amour : « L’Esprit et l’Epouse disent ‘Viens ! Oui Viens Seigneur Jésus’ ! »

Epiphanie

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 4/01/15
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

JÉSUS SUPER « STAR »

Dans notre société, Noël a laissé quelques traces : réjouissances, bougies et cadeaux - mais que reste-t-il de l’Epiphanie ? Certains placent encore dans leur crèche les rois et leurs chameaux, la majorité surtout achète le gâteau des rois dans l’espoir d’y trouver la fève tandis que quelques articles de journaux s’interrogent encore sur la nature de cette fameuse étoile (comète de Halley, conjonction de planètes ?) afin de préciser l’année de l’événement.
Folklore, gourmandise, fausse science : Est-ce là toute l’Epiphanie ? Ce n’est en tout cas pas dans ce but que Matthieu nous a rapporté cet épisode qui mérite une réflexion approfondie pour renforcer notre foi

L’UNIVERS A-T-IL UN SENS ?

Des foules de savants effectuent un travail colossal et admirable pour percer les secrets de la matière, ils s’acharnent pour découvrir le mystère de l’origine du monde mais ils n’y voient souvent qu’une nature soumise aux lois du hasard et de la nécessité. Une aventure de 13, 7 milliards d’années. Qui a commencé. Qui finira. Et où, quelque part, dans un coin perdu du cosmos, une curieuse espèce appelée « humanité » se développe et se prépare à tout faire sauter. Née de rien, elle ne va nulle part. Capable de Mozart et d’Auschwitz. Absurde, n’est-il pas ?...
Il est toutefois donné à certains de percevoir dans cette immensité grandiose une interrogation que nul progrès ne parvient à effacer. Il y aura toujours un au-delà de la connaissance scientifique.
Etaient-ils trois ? En tout cas les mages n’étaient ni des rois, ni des magiciens : ils étaient les savants de l’époque qui, du haut de leur ziggurat (comme la tour de Babel), scrutaient la course des étoiles pour y percevoir les signaux des dieux. Pour eux le ciel parlait : mais que disait-il ? Les figures du zodiaque donnaient-elles la réponse aux questions de l’homme, permettaient-elles de prédire l’avenir ?
Alors ils se mirent en route, en quête de vérité. Au sein même du grand livre de la nature, il devait y avoir un autre livre qui donnait le sens de ce que les hommes vivent.
Heureux ceux qui n’éteignent pas la petite étoile d’espérance qui scintille dans leur cœur et qui les incite à creuser leur quête. Heureux ceux qui osent sortir du carcan de leurs certitudes et bravent les ricanements de leurs confrères pour se mettre en route. La foi, c’est d’abord chercher.
La réponse à la question de l’homme n’est pas dans la danse des étoiles. Mais où alors ?...

LE GRAND LIVRE DE L’ESPERANCE

La Bible n’est pas un catéchisme, une méthode, un traité, mais une histoire, l’histoire d’un petit peuple qui, comme tous les autres, cherche le bonheur, la justice et la paix. Cet idéal, hélas, n’est jamais atteint et les désastres se succèdent : orgueil des nantis, oppression des puissants, guerres, invasions des troupes étrangères, destructions, déportation. Cependant Israël, déchiré, garde l’espérance : un jour, imprévisible mais certain, Dieu enverra un roi qui, enfin, établira une société de droit et de justice. Ce roi, consacré, oint par Dieu même - donc appelé le Messie, le Christ - sera le chef, le guide, le bon berger qui fera le bonheur de son peuple et le conduira à Dieu. Alors ce petit peuple accomplira la mission pour laquelle il a été appelé par Dieu : établir la paix de toutes les nations.
La Bible n’est donc pas une histoire close, une collection de faits passés mais un livre ouvert. Dans les murs du mal, des échecs, des souffrances, il y a une brèche ; mais seul le Messie de Dieu peut l’ouvrir. Tous les prophètes, sous des modes différents, annoncent cette Promesse. Même un prophète païen que son roi envoyait pour maudire Israël dut se résoudre à annoncer cette vocation :
« Oracle de Balaam, fils de Béor, l’homme à l’œil ouvert, qui possède la science du Très-Haut, qui voit ce que Dieu lui montre. Je le vois mais ce n’est pas pour maintenant.
D’Israël monte une étoile, d’Israël surgit un roi »          (Nombres 24, 15).

Nos mages se rendent donc dans le pays du Livre ; à Jérusalem, on leur montre toutes les prophéties sur ce messie, cette « étoile » à venir, et notamment celle qui dit que le Christ naîtra dans le petit village de Bethléem, origine de son ancêtre David :
« Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda,
car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël…
au temps où enfantera celle qui doit enfanter…et il sera la Paix » (Michée 5, 1-4)


INTERPRETER LA BIBLE

Là justement surgit un nouveau problème. On peut avoir une bible, la connaître, en devenir spécialiste…et refuser d’aller là où elle invite à se rendre. Le roi Hérode et les scribes du temple savent expliquer leurs Ecritures mais pour eux elles demeurent des hypothèses perdues dans un avenir lointain.
Or les mages, eux, ne doutent pas que l’antique prophétie est aujourd’hui réalisée et ils repartent, seuls, vers ce petit village. Quelle surprise ! Quelle conversion leur est  demandée ! Ils avaient entrepris un long voyage pour saluer un Roi dans son palais à Jérusalem…et les voici dans une cahute de campagne où un jeune couple leur montre leur nouveau-né ! Ils se demandaient ce que l’étoile pouvait signifier : voilà qu’ils la découvrent : la véritable étoile, « la star », l’Epiphanie (mot qui signifie la Manifestation de Dieu) est là dans ce petit pauvre. Ils désiraient la richesse : ils comprennent que la richesse est de donner.  
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Les cadeaux ont évidemment une valeur symbolique et déclinent l’identité de l’enfant : l’or pour un Roi, l’encens pour un Dieu, la myrrhe, parfum pour l’amour (Cantique des cantiques) et aromate pour un mort (Jean 19, 39).
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
La foi en Jésus, sa reconnaissance comme Messie, c.à.d. Sauveur unique, provoque un changement de cap, une conversion de la manière de vivre. Le pape François vient encore de nous exhorter à oser vivre à contre-courant, à refuser l’idolâtrie si répandue dans  notre monde. Plier les genoux devant le Christ de la crèche rend libre, débarrasse des chaînes dans lesquelles on veut nous enfermer (modes, matraquage publicitaire, idéologies, pensée unique) et nous pouvons oser du neuf.

EPIPHANIE FETE DE LA MISSION

Ainsi, au début de son évangile, Matthieu a raconté une histoire qui anticipe ce qui va se produire dans la suite : l’enfant pauvre de Bethléem sera le condamné à mort du Golgotha. L’Evangile est encadré par les marques de la grande pauvreté (crèche et croix) – critique virulente d’une société qui adore le veau d’or et d’une religion qui tremble sous une divinité toute-puissante.
Comme le roi Hérode et ses scribes, les autorités de Jérusalem rejetteront Jésus comme Messie, ils ne comprendront pas qu’il accomplit les Ecritures. Refusé par la majorité de son peuple, Jésus sera cependant accueilli, reconnu et adoré par les païens,  dont les mages étaient les prémices.

Comme les mages, les chrétiens prendront « un autre chemin » : ils ne chercheront plus leur salut dans les sacrifices du temple et les observances de la Loi mais dans  la foi en Jésus seul. Comme Hérode avait fait exécuter les enfants de Bethléem, ainsi, après l’exécution de Jésus, on s’acharnera contre les premiers chrétiens. Et cependant ils resteront remplis, comme les mages, d’ « une grande joie »

L’Epiphanie est donc la fête de la mission près des païens, ces multitudes immenses qui ne connaissent pas le Christ ou, s’ils l’ont connu dans leur enfance, s’en sont détournés. Il faut que ces personnes voient des étoiles, non des vedettes éblouissantes, mais des « signes » qui indiquent un chemin afin que, comme les mages, elles acceptent de sortir de leur nuit pour adorer un jour Celui est « la Lumière du monde ». Saint Paul écrivait : « « Agissez en tout afin d’être sans reproche et sans compromission, enfants de Dieu au milieu d’une société pervertie  où vous apparaissez comme des sources de lumière dans le monde, vous qui portez la Parole de Vie »  (S. Paul aux Philippiens  2, 14)

2eme dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 7/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Sur RCF Liège, dans le cadre de l’émission Gastrothéo, vous auriez pu entendre la recette suivante : vous posez un demi crottin de Chavignol sur une rondelle de pomme. Ensuite, vous déposez deux sauterelles que vous arrosez abondamment de miel sauvage et que vous épicez de thym frais. Vous passez le tout sous le grill pendant quelques minutes puis vous déposez la préparation sur une petite salade, comme dirait notre conseillière culinaire Geneviève Bleus. Cette recette agrémenterait bien évidemment les commentaires bibliques que le frère Raphaël Devillers aurait préalablement partagés durant ce programme puisqu’elle s’inspire de deux ingrédients chers à Jean Baptiste qui s’en nourrissait, comme nous venons de l’entendre dans l’évangile.
Des sauterelles et du miel comme nourriture. Nous pourrions en rester à un commentaire gastronomique. Toutefois, s’ils sont mentionnés, c’est qu’ils peuvent également avoir un contenu théologique. Commençons par les sauterelles. Ces dernières peuvent faire référence à celles des dix plaies d’Egypte racontées dans le livre de l’Exode. « Les sauterelles couvrirent la surface de toute la terre et la terre fut dans l'obscurité ; elles dévorèrent toutes les plantes de la terre et tous les fruits des arbres, tout ce que la grêle avait laissé et il ne resta aucune verdure aux arbres ni aux plantes des champs dans tout le pays d'Égypte ». Rappelons-nous, ces plaies étaient les dix châtiments que Dieu infligea à l'Égypte pour convaincre Pharaon de laisser partir le peuple d'Israël. Elles ont été vécues comme un moyen de pression extraordinaire pour qu’une libération puisse se vivre. En ce sens, les sauterelles que mangent Jean-Baptiste sont, pour nous, signes que nous aussi, alors que nous subissons des plaies, voire que nous en commettions, sommes invités à entrer dans un chemin de libération en préparant le chemin du Seigneur et en rendant droits ses sentiers. Tant d’attitudes, de regards, de gestes ou encore de mots peuvent blesser l’être humain. Nous sommes parfois encombrés de tout cela: des paroles qui ont dépassé notre pensée, des gestes que nous n’arrivons pas toujours à comprendre, des actes qui ont fait souffrir, des blessures qui n’arrivent pas à se cicatriser. Et tout cela nous encombre et peut envenimer l’ensemble de notre vie en nous empêchant de nous mettre debout et d’avancer pour, à notre propre rythme, vivre de cette vie qui nous est promise en Dieu. Alors aujourd’hui nous sommes conviés à vivre un moment de souvenir, à nous rappeler tout ce qui nous encombre pour mieux pouvoir nous désencombrer tant de nous-même que des autres en les déposant au pied de cet autel. Il ne s’agit certainement pas d’oublier. En effet, il nous est impossible de décider d’oublier. Non il s’agit de nous rappeler ces événements, ces mots, ces gestes, ces attitudes. De nous en rappeler pour mieux les intégrer à notre histoire. Reconnaître que c’est aussi par eux que nous sommes devenus qui nous sommes aujourd’hui. Toutes et tous, nous avons été tant façonnés dans le bonheur que dans les épreuves. Faisons acte de souvenir pour que ces derniers deviennent, au fil de nos années, douceur à notre mémoire blessée. Les sauterelles de Jean-Baptiste expriment peut-être ainsi la dureté de la vie tout en nous ouvrant vers un chemin de libération intérieure où Dieu nous attend. Il nous accueille avec cette patience et cette tendresse qui le caractérisent. Il nous invite à nous remettre debout malgré nos cicatrices intérieures. Lorsque nous prenons conscience de cette réconciliation offerte, les sauterelles font alors place au miel sauvage, c’est-à-dire à la douceur de la Parole de Dieu. Notre Dieu révélé en Jésus-Christ est un Dieu de « tendresse et de pitié, lent à la colère et plein d’amour », pour reprendre les mots du psalmiste. C’est précisément ce Dieu-là qui vient à nous en devenant l’un de nous. Accueillir cette merveilleuse nouvelle demande de s’y préparer, de se désencombrer, de se libérer pour laisser toute la place à Celui qui s’est incarné par Amour pour nous. Les sauterelles nous ont conduit au miel. La prise de conscience de notre propre réalité nous ouvre ainsi à la tendresse divine qui jamais ne s’éteindra.
Amen

1er dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 30/11/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2014-2015

« Que la Grâce et la Paix soient toujours avec vous,
de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur »

On accuse souvent l’Eglise d’être en retard sur son époque, embourbée dans des coutumes désuètes, apeurée devant le monde moderne. Certains de ces reproches sont parfois mérités car l’Eglise proclame aujourd’hui qu’elle devrait être en avance sur son temps puisque, un mois avant la société, elle entre dans l’année 2015. Nous sommes donc invités ce jour non seulement à répéter des « Bonne Année ! » mais à prier pour que la grâce nous travaille, à nous interroger sur « le temps » et à reprendre conscience de nos privilèges, lesquels sont également des responsabilités.
Privilège : d’abord nous savons pourquoi nous entrons en 2015 : c’est parce que le calendrier a été établi à partir de la venue du Christ dans l’histoire (même si le moine Denys le Petit, chargé du calcul, a commis une légère erreur et que nous entrons sans doute en 2020 ou 21). L’histoire porte donc essentiellement l’accomplissement progressif du mystère du salut de l’humanité.
Ensuite nous savons vers quoi nous nous dirigeons. L’histoire n’est pas une simple succession d’années qui nous emportent vers la déflagration finale et le néant : elle nous conduit à la rencontre du même Christ. Celui qui fut un pauvre homme, méprisé et condamné, sera le Juge de l’humanité dans la Gloire de Dieu. A quelques jours de son rejet par les hommes et de sa Passion, il l’affirmait clairement à ses disciples comme nous le redit l’évangile de ce jour :
Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
«  Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment.
C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller.
Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis.
Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
Jésus se compare à un maître qui a fondé une maison : son Eglise n’a pas un territoire, elle ne se démarque pas de la marche du monde.
Cette communauté, il l’a voulue organisée : « il a donné tout pouvoir à ses serviteurs » les apôtres : ils communiquent Sa vie, proclament son Evangile, donnent le pardon à toux ceux qui le demandent.
Les chrétiens ne sont pas des moutons qui se contentent d’obéir à des ordres, ni des soldats qui partent à la conquête du monde. « Il a fixé à chacun son travail » : chacun a reçu une vocation unique, un ou des talents qu’il doit mettre en œuvre pour que le témoignage du Christ se répande dans le monde entier et que la Maison se remplisse. Non par la violence mais par la séduction de la beauté du message.
« Le portier » c.à.d. le responsable de l’Eglise universelle et tous ceux qui ont reçu mission de conduire leurs frères sont l’objet d’une exhortation spéciale parce que leur fonction est essentielle : garder leurs frères dans la concorde, veiller à la lumière de la foi, relever les déchus, rendre force aux découragés, réfuter les objections, encourager dans les persécutions.

A ECHEANCE INDETERMINEE

Des millions d’êtres humains ont commencé 2014 dans l’allégresse, dotés d’une bonne santé et d’une belle situation et ne verront pas l’année suivante ; les savants cherchent le nombre de milliards d’années qui restent à l’univers ; devant les dangers qui s’accumulent de plus en plus menaçants, certains annoncent une fin plus proche qu’on ne l’avait cru. Impossible donc de prédire le terme. Jésus ne précise pas la date afin que nous ne vivions pas dans l’angoisse du péril imminent mais il dévoile le contenu de l’événement : ce ne sera pas essentiellement l’arrêt du cœur, la catastrophe, la mort, la déflagration finale mais sa rencontre avec lui : « Le Maître de maison reviendra ».
Il jette quand même une certaine lueur sur le moment : « soir – minuit- chant du coq – matin » : les 4 veilles de la nuit romaine. Comme si sa venue n’allait pas survenir en pleine lumière quand tout semble aller pour le mieux, mais à l’heure nocturne, lorsque l’humanité traverse les ténèbres et que la tentation du sommeil et de l’oubli est la plus forte. La nuit nous décourage ? C’est Lui qui approche.

LE GRAND DEVOIR : VEILLER


Répété à 4 reprises en finale de l’ultime instruction de Jésus à ses disciples, la consigne de « VEILLER », liée à celle d’ « AIMER » est l’une des plus importantes de l’Evangile. Il ne s’agit évidemment pas que la peur nous empêche de dormir. La vigilance de certains est nécessaire pour la survie des autres.
Le berger veille sur son troupeau parce qu’il sait que des prédateurs rôdent et que ses bêtes sont fragiles ; la sentinelle reçoit l’ordre de demeurer vigilante pour que ses camarades puissent prendre du repos et afin d’alerter au moindre danger ; l’’infirmière veille au chevet d’un malade à la santé déclinante.

Le disciple de Jésus se bat contre l’assoupissement et l’oubli, il garde conscience de l’enjeu de sa vie, de sa responsabilité vis-à-vis des hommes. Il ne cherche pas seulement à être au courant des événements du monde : il tente d’en percevoir le sens et les signes que fait Dieu dans l’actualité. Il n’est pas un cassandre qui se lamente sur les mauvaises nouvelles : au contraire il est un vrai prophète qui rend l’espérance quand tout s’écroule, qui montre les étoiles quand les ténèbres terrifient, qui alerte ses  frères aveugles sur un danger imminent.
« Chacun a son travail fixé » car la vigilance est active. Lors des précédents dimanches, Matthieu nous redisait que chacun – même celui qui n’en n’a reçu qu’un – est tenu de faire fructifier son talent ; qu’il faut absolument avoir sa lampe allumée et conserver une provision d’huile (l’Esprit-Saint) lorsque font rage les tempêtes qui se déchaînent pour éteindre la foi.
Ainsi chaque jour de chaque créature humaine a une importance unique. Nous savons donc comment il nous faut vivre : au milieu des temps Jésus nous l’a révélé.

C’est pourquoi l’Eglise entre déjà aujourd’hui dans la nouvelle année. Non bardée de certitudes pour condamner les incrédules. Non drapée dans son honneur et fière de ses privilèges. Mais chargée de mission pour le monde, nommée avant-garde de l’humanité qui se débat dans les ténèbres du mal.
Humiliée de n’avoir jamais très bien accompli sa mission, elle se tourne vers son Seigneur et lui demande la grâce de se convertir et d’assumer ses responsabilités : alerter les hommes sur les périls mortels de l’orgueil, de la haine, de la violence, rendre courage à ceux qui sont abîmés, relever ceux qui sont tombés, éclairer les désespérés.  
Lorsqu’elle est vraie, l’Eglise est prophétique. Elle n’assomme pas des certitudes, elle ne défend pas sa vanité, elle ne racole pas pour accroître ses effectifs. Si elle est la Voix qui souvent se perd dans le désert, elle est surtout un peuple, une communauté d’hommes, de femmes et d’enfants qui partagent la même condition humaine et ne désertent pas les combats des hommes. Quand la nuit s’étend, qu’il est beau et courageux d’annoncer l’aube.
L’année 2015 ne sera peut-être pas bonne (à vue humaine) mais elle sera sainte parce que le souffle de l’Esprit continue à emporter le monde du Père à la rencontre de son Fils. Parce que la longévité ne se confond pas avec l’éternité. Parce que la croix du Christ, plantée au centre de l’histoire, proclame que l’horreur peut se transformer en honneur, et parce qu’elle annonce toujours Pâques.

4ème dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 21/12/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

En cette ultime étape du chemin d’Avent, je vous invite, avant de lire, de regarder et contempler. Sur Google, demandez : « fra angelico annonciation » et vous re-découvrez des merveilles. Surtout - ma préférée- la fresque du couvent Saint Marc où chaque frère avait sur un mur de sa cellule un chef-d’œuvre estimé aujourd’hui à des millions de dollars !

Contemplons Marie. Dans un lieu nu, sans décoration, mais ouvert vers un jardin (le paradis), une jeune femme simplement vêtue, sans fards ni bijoux. Qui est-elle ? Saint Luc ne dit rien de ses qualités, ses vertus, ses privilèges. Elle habite dans un petit village perdu et dédaigné de Galilée (Jn 1, 46) ; elle doit avoir environ 14-15 ans, l’âge où l’on mariait les filles à l’époque ; on a célébré son mariage avec Joseph, un charpentier, descendant lointain (et désargenté) du grand roi David ; selon la coutume, elle vit encore chez ses parents avant de commencer la vie commune avec son époux.

Que fait-elle ? Elle écoute de tout son être. ELLE EST ECOUTE.

Un envoyé de Dieu, légèrement incliné devant elle, lui parle. Le peintre l’a représenté selon l’image habituelle mais Luc ne dit même pas que Marie l’a vu. Seul importe le message : il vient de Dieu.

Le plus grand événement de l’histoire n’est pas que l’homme s’envole vers les astres mais que Dieu descende vers l’humanité. Et cet événement est conversation. Echange entre deux libertés. D’emblée offre de la joie : « Réjouis-toi » (et non l’ancienne traduction banale : « Je vous salue »). Tu es « comblée de grâce » : l’amour de Dieu t’a remplie au maximum et te sera conservé à jamais.

À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.

Comment, nous, écoutons-nous la Parole de Dieu ? Avec impatience (j’ai tant de choses à faire). Avec scepticisme (est-ce que c’est vrai ?). Avec ennui (bof je connais). Avec lassitude (le prédicateur est si long !). Pouvons-nous acclamer une Parole dite « de Dieu » si elle nous laisse froids, impassibles ?

1) CHERCHER A COMPRENDRE LE SENS

Marie, elle, s’ouvre à l’écoute et cette Parole la bouleverse, la chamboule – preuve qu’elle vient bien « de Dieu » et elle se laisse saisir par elle. Elle questionne, elle cherche à la comprendre c.à.d. elle consent à se laisser prendre par elle. La foi commence par une surprise, un étonnement, un choc de tout l’être et elle secoue l’intelligence, suscite des questions, éveille le désir de savoir.

L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus ». Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »

Les Ecritures d’Israël – ce que nous appelons Ancien Testament – racontent l’histoire d’un peuple qui va d’échec en échec mais qui ne désespère jamais. Dieu a fait une promesse donc il la tiendra ; nous n’avons jamais été capables de constituer une communauté heureuse, bâtie sur le droit et la justice donc Dieu, un jour, nous enverra le Roi qui, enfin, achèvera le Dessein de Dieu ; l’oracle du prophète Isaïe au roi Akhas – et qui ne s’était pas réalisé à son époque – n’est plus un événement du passé, il s’accomplira un jour : une jeune femme enfantera le Messie.

Marie connaît bien cette prophétie qui était lue et commentée par le rabbin de la synagogue…mais ce qui la bouleverse, c’est qu’elle s’adresse aujourd’hui à elle. On sort d’une leçon d’histoire (« en ce temps-là ») et d’une promesse projetée dans un avenir lointain. CETTE FEMME C’EST TOI MAINTENANT.

La foi c’est l’actualité de l’Ecriture. Une flèche qui perce le cœur : IL S’AGIT DE TOI.

Marie pourrait bien s’esquiver, se déclarer indigne, demander un délai de réflexion, renvoyer à une plus grande dame puisqu’elle n’est qu’une petite paysanne, solliciter un moment pour aller demander la permission à ses parents ou à Joseph….Non, elle entre dans le dialogue, elle accepte.

2) BUTER SUR SES LIMITES : RECONNAITRE L’ŒUVRE DE DIEU

Mais après avoir questionné sur le sens du message, elle bute à présent sur la possibilité de sa réalisation qu’elle comprend immédiate. « Comment… ? » puisque je vis encore chez mes parents et n’ai pas de relations conjugales (sens du verbe « connaître » en ce temps)

Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? »

L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu.

L’humanité ne peut, d’elle-même, se donner « le sauveur » : tous les essais ont échoué et les plus beaux projets ont basculé dans la barbarie. L’humanité ne peut se « faire » par ses seules ressources : elle doit recevoir de Dieu même.

Jadis les hommes avaient bâti un sanctuaire sur les ordres de Dieu mais il avait fallu que la Gloire de YHWH descende et investisse le lieu le plus saint. (Exode 40, 34 ; 1 Rois 8, 10). Aujourd’hui Marie est appelée à être le Nouveau Temple et son fils, en elle, sera « le Saint des Saints ». Après l’échec répété des lieux sacrés, des idéologies, des tyrans, voici le temps de la femme, docile au Souffle de Dieu et devenant réceptacle de la Vie nouvelle.

C’est pourquoi Marie pourra appeler son enfant « IESHOUAH » (en hébreu : « Dieu sauve ») car le salut n’est ni financier, ni culturel, ni scientifique, ni politique. Il est radicalement œuvre de Dieu : pardon des péchés, libération du mal, communion à la Vie divine. A cette profondeur, il n’est plus question de territoire, d’armée, de faste, de palais, de banques mais d’un peuple nouveau qui, à l’exemple et à la suite de Marie, se laisse bousculer et pénétrer par la Parole pour être la communauté pauvre, pacifique, heureuse. Avec Marie et Joseph, l’Eglise ne se fait pas elle-même, elle ne se construit pas. Perdant tout orgueil et toute morgue, elle jubile de reconnaissance et de gratitude. « Réjouis-toi, Eglise ».

Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. « Car rien n’est impossible à Dieu ». »

Marie n’a demandé aucun prodige pour contrôler la vérité du message : celui-ci porte sa propre authenticité et elle fait confiance. Mais « un signe » lui est révélé : sa cousine, demeurée stérile après plusieurs années de mariage, est enceinte – ce que Luc a raconté peu avant. Marie apprend, dans la joie, qu’elle est précédée. Car on ne vit sa vocation qu’ensemble. L’indice de la réalité du message reçu et accepté, c’est la vie chez l’autre.

Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »

Marie, silencieuse, a d’abord ECOUTÉ une Parole venue d’ailleurs.

Interloquée, ébahie, intriguée, elle a QUESTIONNÉ, elle a cherché à comprendre la signification.

Butant sur ses limites, elle a demandé COMMENT cet oracle était possible. Par l’Esprit, force de Dieu.

Enfin éclairée, et sans demander davantage, elle ACCEPTE.

Etre la servante n’est pas aveu d’humilité et de pauvreté mais engagement. J’accueille cette Parole pour moi, ce projet qui doit s’accomplir en moi et par moi. Je décide de me donner de tout mon être afin de laisser s’accomplir ce dessein extraordinaire. Car la foi n’est pas un oui des lèvres, un acquiescement intellectuel, une émotion factice, un rayon religieux perdu dans une vie qui reste païenne mais un don de sa personne afin que la Parole prononcée aille à sa fin. Le Verbe doit devenir chair – et d’abord en Marie. La démarche de foi est celle de la femme qui s’engage dans la maternité : âme, esprit et corps.

« Que tout m’advienne ». Croire, c’est se mettre au service d’un projet qui nous dépasse mais qui ne peut s’effectuer qu’en nous, par nous. Il s’agit d’humaniser Dieu.

« Alors l’ange la quitta »….Et il ne reviendra plus ! Ni à la crèche ni au Golgotha. C’est la mémoire de l’annonce initiale qui conduit le croyant à persévérer, à travers joies et souffrances, jusqu’à la nouvelle naissance de la Résurrection. Car peut-on avoir un enfant si la mort peut vous l’enlever à jamais ?

 

Rien n’est plus propice que cette Annonciation pour nous préparer à Noël. Que Dieu cesse enfin d’être rejeté dans les marges de notre existence. Parle, Seigneur, me voici pour te servir.

1er dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 30/11/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Ce vendredi matin, dans la boîte aux lettres de la communauté dominicaine de Liège, se trouvaient deux procès-verbaux pour excès de vitesse…
Comme prieur, je me suis bien entendu emparé des enveloppes et après une rapide vérification dans l’agenda de l’utilisation de la voiture, il m’est bien vite apparu que ces deux PV… m’étaient destinés ! Merci de ne pas tous me rappeler à la sortie de la célébration que je dois faire plus attention…
Le comble dans cette histoire, c’est que ces excès de vitesse se sont produits alors que j’avais tout le temps devant moi et que n’avais aucune raison d’être pressé et de rouler un peu trop vite!

Il faut bien reconnaître que nous sommes tous, à des degrés divers, pris dans cette spirale où tout doit aller plus vite, où l’on a peur de perdre son temps… On gère en effet bien souvent l’urgence avant l’importance.

Et voilà que la parole d’Evangile vient s’inscrire au cœur de cette course effrénée. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : « Veillez ! » L’avent n’est pas le temps de l’attente ou de la préparation à Noël. C’est le temps qui nous rappelle la juste place du temps, qui nous invite à nous ouvrir à ce qui ad-vient. Veiller, ce n’est pas être invité à la lenteur, à l’attente passive, mais à être atten-tif, à être présent à ce qui advient. Comme l’écrit le poète, « N’essaie pas que ce qui arrive arrive comme tu veux, mais veux ce qui arrive comme il arrive, et tu seras heureux » Veiller, c’est donc s’ouvrir à ce qui se présente, c’est apprivoiser le temps qui passe.
Ce que je vous dis là, je le dis à tous : « Veillez ! » Quelles que soient nos convictions ou notre âge, nous avons tous à veiller ! C’est à dire à nous éveiller à la vie. Car veiller, fondamentalement, c’est être réveillé, curieux de tout, prêt à être surpris. C’est une démarche qui nous fait sortir de notre hébétude, de notre somnolence. Veiller, c’est s’éveiller à la vie de Dieu ; c’est l’inverse de vieillir. C’est rajeunir, poser un regard toujours neuf sur la vie. Il s’agit bien de s’ouvrir à ce qui vient, d’habiter le temps qui nous est donné.

L’attente peut parfois nous énerver quand ce que nous savons qui doit arriver ne vient pas comme nous l’espérons. Lorsque quelque chose ou quelqu’un se fait attendre, se fait désirer, l’impatience grandit, la violence n’est pas loin…
Tout autre est l’attente de l’avent. Ce n’est pas attendre ce que nous connaissons, mais s’ouvrir à l’inconnu de Dieu. C’est être ouvert, accueillir la vie que nous ne maîtrisons pas. C’est cela être éveillé. C’est redécouvrir ce que le temps est pour nous réellement : le visage de l'éternité, le chemin que prend l'éternité de Dieu pour nous rencontrer.

L’avent nous invite donc à changer notre regard sur le monde, à être l’ « avent garde » d’un monde nouveau.

Alors, heureux ceux qui prennent le temps de la patience, ils découvriront la source de la sagesse!

Heureux ce qui prennent le temps de rire, ils découvriront une perpétuelle jeunesse dans leur vie.

Heureux ceux qui prennent le temps d'aimer et d'être aimé, ils découvriront qu’aimer c’est rendre le temps de le partager.

Voilà notre programme d’Avent ! Prendre de temps de s’éveiller, de nous éveiller au Dieu des vivants qui vit au plus profond de nous, à chaque instant de notre vie, de nous émerveiller dans la simplicité de notre quotidien.  Oui, les veilleurs selon l’évangile sont des êtres attentifs au présent, des êtres qui ne procrastinent pas ! Et je terminerai par là.

Procrastiner, c’est remettre au lendemain ce que l’on peut faire dès aujourd’hui. C’est faire de l’excès de lenteur… C’est remettre tout à plus tard… Finalement, procrastiner, c’est se croire au-dessus du temps, ou se dire victime du temps qui passe… A quoi bon le faire aujourd’hui… Or, les veilleurs sont ceux qui apprivoisent la mortalité : qui font dès aujourd’hui, ce qu’ils ne pourront peut être pas faire plus tard… Alors, ne procrastinons pas ! A nous d’offrir sans tarder une parole toute simple de réconfort, un geste…

Soyons ces veilleurs, ces éveilleurs d’humanité, qui portent au monde un regard nouveau, un regard divin, toujours capable de s’émerveiller. Amen.