3ème dimanche ordinaire

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 18/01/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

PROCLAMER L’EVANGILE AVANT D’EXPLIQUER LES CONSEQUENCES

Jésus semble avoir été au départ un disciple de Jean-Baptiste (de même que ses futurs apôtres) mais un jour les soldats viennent arrêter le prophète intrépide qui avait l’audace de dénoncer les mœurs coupables du roi  - drame que Marc racontera plus tard (6, 17).

Ce choc constitue un appel pour Jésus : toutefois sans prendre la place de Jean sur les bords du Jourdain, il fuit vers le nord, dans son district de Galilée. Au lieu d’appeler les gens à lui dans la solitude, comme le faisait son maître, Jésus sera un prophète itinérant, allant à la rencontre des gens.

De même les chrétiens s’approchent des autres, participent à la vie de la cité.

LE TOURNANT DE L’HISTOIRE

La prédication de Jésus est toute nouvelle. Il ne demande plus de préparer la route du Seigneur qui va venir on ne sait quand … mais, tel un héraut, il proclame la Bonne Nouvelle : l’heure a sonné, le Seigneur est tout proche et il va instaurer son règne.

Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu. Il disait : « Les

temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »

L’urgence n’est plus de s’enfuir dans la solitude, ni de se priver et de jeûner mais de CROIRE ce messager, donc de changer sa propre façon de voir le monde et la vie. La « conversion » opère un changement radical.

On croyait en un Dieu au ciel : il vient sur terre parmi les hommes.

On croyait que Dieu était une Puissance impassible dans l’infini : il est un acteur qui entre dans la vie des hommes, dans la société humaine pour en corriger le sens et la remettre sur la bonne route.

On croyait que la fin du monde allait provoquer une déflagration apocalyptique : elle s’immisce déjà en douceur et chaque personne, devant Jésus, doit opter. Le croyant se déclare pour lui, se jette dans cette Bonne Nouvelle qui renverse nos idoles et dévalorise les faux bonheurs.

Retenons bien cet appel préliminaire de Jésus qui définit son programme et la mission qu’il va accomplir jusqu’au bout. En décalquant le verbe grec (kerussein), on appelle cette proclamation le KERYGME, action essentielle que remplissaient les hérauts (kerux) de l’antiquité chargés d’annoncer partout les grandes nouvelles de l’Etat.

C’est après seulement, lorsque les auditeurs acceptent cette annonce et décident de changer de vie pour entrer dans le Royaume de Dieu qui vient, que l’on peut leur expliquer les conséquences de cette foi nouvelle. Cette seconde manière de prêcher s’appelle la CATECHESE : les homélies révèlent les détails de l’Evangile, les monitions expliquent le sens des rites, la morale apprend les lignes de conduite.

Dans une Europe que l’on avait déclarée trop tôt « chrétienne », la catéchèse a longtemps pris la place du kérygme. On catéchisait, on expliquait la vie chrétienne à des gens qui n’avaient pas la foi, qui n’avaient jamais opté de façon personnelle pour Jésus ; on donnait des sacrements et on inculquait une morale sans que, au préalable, on ait proposé aux personnes d’écouter la grande proclamation de Jésus et d’exprimer librement qu’elles avaient perçu la force de ce message et qu’elles décidaient de vivre selon l’Evangile.

On ne naît pas chrétien : on le devient. C’est la décision de foi – qui est toujours à renouveler car elle n’est jamais acquise de façon définitive – qui permet de demander le baptême, de saisir les raisons de la morale chrétienne et la beauté de la liturgie. Et de comprendre sa place dans l’Eglise et les motifs de sa mission. La religion peut être une convenance, un héritage, une habitude, un conformisme - jamais la foi chrétienne

Le pape François ne cesse de répéter qu’il nous faut sortir d’un espace d’Eglise et d’une catéchèse à usage interne pour, à nouveau, imiter Jésus qui proclamait le kérygme, qui circulait en interpelant les gens : « C’est le moment : Dieu vient établir son règne dans notre société rongée par le mal : croyez-le et adoptez-en sur le champ les conséquences ».

LA PREMIERE INSTITUTION DE L’EGLISE : DES APOTRES ITINERANTS.

Passant le long de la mer de Galilée, Jésus vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter les filets dans la mer, car c’étaient des pêcheurs. Il leur dit : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.

Jésus avança un peu et il vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque et réparaient les filets. Aussitôt, Jésus les appela. Alors, laissant dans la barque leur père Zébédée avec ses ouvriers, ils partirent à sa suite.

Dimanche passé, l’évangile de Jean nous a expliqué pourquoi ces pêcheurs ont obéi sur le champ à cet appel : c’est parce qu’ils avaient connu Jésus près de Jean-Baptiste et que celui-ci les avait orientés à suivre Jésus. L’heure maintenant est arrivée : Jésus a besoin de collaborateurs proches.

Que leur est-il demandé ? De suivre Jésus, de marcher sur ses traces, de recueillir les enseignements qu’il lance (à la façon des rabbins du temps), de regarder ce qu’il fait et comment il le fait, de le questionner quand ils ne comprennent pas bien.

A cette école ambulante, pauvre, semée d’embûches et sans autre assurance que la foi-confiance, ils vont apprendre à « pêcher les hommes ». Tâche urgente, capitale car les hommes, faits pour vivre sur la terre du droit et respirer le souffle de Dieu, basculent dans la mer du mal, ils s’abîment dans les vices et les perversités, ils coulent dans la tristesse et le désespoir, ils font naufrage dans les mensonges, ils se débattent dans les flots en furie des haines.

Il faut vite « les pêcher » : cela ne veut pas dire les prendre par surprise dans les filets de l’Eglise, en faire un bloc fidèle aux rites et aux appels des cloches. Cela signifie les sauver, les remettre debout, solides sur le roc de la foi, leur permettre de souffler, leur rendre leur dignité.

La mission chrétienne n’emprisonne pas : elle libère.

Pour accomplir cette œuvre première, des hommes et des femmes se présentent, acceptent de rompre les liens les plus chers, refusent toute activité lucrative et tout souci de carrière. Ils partiront dans une aventure dont ils ne connaissent pas les aléas : ils rencontreront accueil et refus, sympathie et injures. Reçus ici avec allégresse, ils iront là le ventre creux.

Telle est, dès le premier jour et jusqu’au dernier, la tâche centrale de l’Eglise : être sans cesse en mouvement, se diriger vers les nouveaux horizons et proclamer d’abord la Bonne Nouvelle.

Avant d’aller vers Dieu, croyez que son Fils, son re-présentant, son Messie, vient à vous.

Avant de parvenir à vaincre vos défauts, croyez qu’il s’approche de vous tel que vous êtes.

Avant de l’aimer, sachez qu’il vous aime.

Avant de le voir, sachez qu’il vous regarde sans vous juger.

Et si les disciples de Jésus – les chrétiens, l’Eglise – vous déçoivent, n’oubliez pas que vous aussi vous le décevrez.

Quand l’actualité vous bombarde de mauvaises nouvelles et vous fait craindre le pire, écoutez la Bonne Nouvelle, qui ne sera jamais ni éteinte ni périmée : Dieu est l’avenir de l’homme.

 

2ème dimanche ordinaire

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 18/01/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année: 2014-2015

« Que cherchez vous ? »

Cette question nous touche en plein cœur. Que cherchez vous ? Que cherchons nous ici ? Qu’est ce que je cherche dans ma vie ? Je vous laisse une minute pour y penser, pour laisser monter en vous la réponse, pour vous entendre vous-même la formuler avec vos mots à vous. Qu’est-ce que je cherche dans ma vie ? Quel est mon plus profond désir ?

Vous l’avez perçu dans cet exercice, il faut beaucoup de temps pour prendre conscience de ce que nous cherchons vraiment. Nous cherchons quelque chose, c’est certain car nous sommes insatisfaits mais ce que nous cherchons précisément reste flou. C’est difficile à identifier.

Notre désir n’est pas autonome, il faut le libérer. Il est sous l’influence de ce que désirent les autres autour de nous, il est sous l’influence des modes et de la publicité. Nous cherchons ce que l’on nous a montré qu’il faut chercher. Comme les oiseaux qui volent en groupe, nous suivons le mouvement. Nous nous maintenons dans la norme, dans le troupeau, comme dans un ventre maternel bien chaud. Ecouter notre désir profond, c’est accepter d’être personnel, original, isolé peut être mais debout et bien vivant.

Que cherchez vous ? Posons nous la question régulièrement en sachant que si les hommes acceptaient honnêtement de se déterminer face à cette question de fond, tout changerait et nous serions en paix.

***

Ce que nous cherchons est mystérieux. Si nous pouvons le désigner plus ou moins bien, cela se trouve en fait au-delà de ce que nous sommes capables d’exprimer, parce que c’est au-delà de ce que nous pouvons imaginer, de ce que nous pouvons savoir de notre propre désir. Car notre désir est comme habité par une présence, un mystère à découvrir. Je ne désire pas ce que je veux. Je ne peux pas décider de ce que je vais désirer. Ce désir qui est en moi n’est pas un produit de ma volonté. Je le découvre déjà là. La bonne attitude n’est pas de l’endormir ni de le dominer, encore moins de le tuer. La bonne attitude est de comprendre où il va, vers quoi il pointe, quelle est son orientation car, ultimement, ce désir qui se trouve en moi, est un désir de Dieu. « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi » écrit saint Augustin.

Que cherchez vous ? Ce que nous recherchons, depuis toujours, et tout naturellement, c’est Dieu. La vocation, l’appel n’est pas quelque chose d’optionnel qui viendrait pour certains de l’extérieur et comme brutalement. C’est quelque chose qui est là, depuis le commencement, dans ce qui nous structure tous le plus profondément, dans notre nature même. Il y a un désir naturel en l’homme, de voir Dieu. C’est donc dans le prolongement même de ce que je cherche, le plus souvent très maladroitement, que je vais rencontrer le Christ et que je vais m’ouvrir à la foi.

C’est derrière son bureau, le nez dans ses comptes, que Matthieu entend l’appel de celui qui remet toutes les dettes et pardonne le péché. C’est monté sur sa branche que Zachée entend l’appel à descendre pour recevoir Jésus chez lui. C’est dans le tombeau où il se cache, alors qu’il est nu, à moitié mort, que le possédé de Gérasa revient à la vie sociale. C’est au milieu d’une foule prête à la lyncher que la femme adultère rencontre celui qui prend sur lui le péché du monde. C’est quand Pierre coule à pic, devant une servante, qu’il croise le regard de Jésus, se découvre pardonné et reprend pied.

C’est parce qu’il cherche un livre de chevalerie et n’en trouve pas, qu’Ignace de Loyola ouvre la Bible. C’est par la philosophie qu’Edith Stein rencontre le Ressuscité. C’est au bord du puits que la Samaritaine entend parler de l’eau vive. C’est dans ce que je cherche, qui n’est pas nécessairement bon ni sublime, que je rencontre le maître de ma vie.

C’est en cherchant les chrétiens qu’il veut éliminer, que Paul est retourné. Le Christ s’identifie à ceux qu’il veut tuer. « Je suis Celui que tu persécutes ». Paul, à son tour sera persécuté. Il pourra dire alors : « ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi ».

Que cherchez vous ? N’ayez pas peur d’avancer dans votre recherche et de vérifier. Il faut aller y voir. Il faut suivre son désir et se lancer dans l’aventure pour faire l’expérience de ce qu’il promet. Que cherchez vous ? Qu’est-ce que je désire pour le moment ? Quel est mon souci, mon attente, mon espoir immédiat, basique, matériel, concret ? C’est là que Dieu vient me chercher et pas ailleurs puisque, ailleurs, je n’y suis pas !

Ce désir doit se purifier, connaître bien des épreuves et bien des conversions. Les apôtres abandonnent finalement et, quand toutes les illusions sont perdues, une femme, malgré tout, continue à chercher, à chercher un cadavre, pour accomplir son deuil. Et là, près du tombeau, la Madeleine entend cette même question. « Marie, qui cherches-tu ? ». Elle court alors annoncer la bonne nouvelle, tout comme les deux disciples vont imm édiatement appeler les autres. Quand le désir trouve son objet, il se produit une contagion : la joie est communicative, la partager devient une nécessité. Ce que nous cherchons, je l’ai trouvé ! « Je l’ai trouvé, celui que mon cœur aime ! »

***

Mais soyons patients. Quand nous voulons témoigner de notre foi, apprenons à ne pas trop vite asséner nos réponses, commençons par les questions. Comme Jésus, mettons nous à l’écoute et demandons doucement, avec une vraie curiosité : « que cherchez vous ? »

 

2ème dimanche ordinaire

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 11/01/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année: 2014-2015

DE LA LOI À LA GRÂCE

A l’origine, la foi est souvent une croyance héritée, l’obéissance à des préceptes, le goût du sacré. Sa maturation est de passer du « faire » au « recevoir ». Il faut passer de Jean-Baptiste à Jésus. Du maître exigeant à l’agneau immolé. De l’impératif au passif actif. De « Tu dois » à « Tu es ».

Le lendemain encore, Jean se trouvait là avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu ». Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus. Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? ».
Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? »
Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était vers la dixième heure (environ quatre heures de l’après-midi).
André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu la parole de Jean et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord Simon, son propre frère, et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie » – ce qui veut dire : Christ. André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képhas » – ce qui veut dire : Pierre.

JESUS EST L’AGNEAU DE DIEU QUI PORTE / EMPORTE LE PÉCHÉ DU MONDE

C’est le premier titre donné à Jésus dans l’évangile de Jean : Jean le Baptiste dissuade ses disciples de s’accrocher à lui et il les presse de suivre Jésus qui est en train de le quitter. Il ne suffit pas de dire : « Fais ceci ; ne fais pas cela ; observe les règlements». Le salut ne viendra pas d’une morale stricte, d’une obéissance dictée par des codes, des colères, des menaces. Par quoi alors ? Par qui surtout ?

Pour comprendre, il faut toujours repartir de l’Exode. Les Hébreux, traités en esclaves pour réaliser les travaux les plus lourds, étaient prisonniers en Egypte, incapables de s’enfuir. Or, un certain printemps, alors que, selon la coutume, ils célébraient la fête de Pessah (=passage) en mangeant un agneau nouveau-né, Moïse donna le signal de départ et ils partirent dans la nuit. L’armée ne put jamais les rejoindre et, dans le désert, Dieu fit alliance avec eux. Enfin la liberté !
Cet événement fondateur alimenta une méditation permanente : ainsi donc, sans combat, grâce à Dieu, nous sommes devenus un peuple libre et le jeune agneau, image de la fragilité et de l’innocence, a été le seul à payer de sa vie ! Comme si son sacrifice avait  permis notre libération !
Jusqu’à la fin des temps, Pessah demeure la mémoire nécessaire d’Israël : le salut n’est pas œuvre des hommes mais de Dieu…grâce au sang d’un innocent !!?? Pourquoi ?

Mais sortir de prison ne suffit pas. Un esclave, hélas, peut échapper aux griffes d’un tyran et en reproduire la conduite ignoble. Ainsi, parvenus en Israël sur la terre reçue de Dieu, à nouveau les forts écrasaient les faibles, les orgueilleux se pavanaient, les nantis accumulaient des fortunes et laissaient leurs frères mourir de faim, les juges corrompus rendaient des sentences injustes et bafouaient le droit.
L’un après l’autre, les Prophètes, depuis Elie jusque Malachie, avaient beau dénoncer les scandales,  rappeler les exigences de l’Alliance, vitupérer contre les injustices. En vain !
Alors le châtiment survint et au 6ème siècle avant notre ère, Jérusalem fut détruite et sa population déportée à Babylone. Le projet de Dieu semblait anéanti, le fameux Roi-Messie qu’il avait promis ne venait pas et Israël semblait voué à la disparition.
Or, c’est alors, au cœur de la détresse, qu’un prophète lança un oracle pathétique, inouï, extraordinaire : ce n’est plus le sang d’un agneau qui nous fera sortir du mal mais le Messie lui-même car celui que l’on attend comme un souverain puissant sera au contraire comme un serviteur de Dieu, humilié et tué pour le pardon de tous.
 « Qui va croire ce que nous avons entendu dire ? Devant Dieu, il est méprisé, laissé de côté. En fait ce sont nos souffrances qu’il porte, nos douleurs qu’il supporte. Nous pensions qu’il était frappé par Dieu mais il est déshonoré à cause de nos révoltes, broyé à cause de nos perversités. La sanction, gage de notre paix, est sur lui. Dans ses plaies, se trouve notre guérison. Comme un agneau, il n’ouvre pas la bouche… Seigneur, si tu fais de sa vie, un sacrifice de réparation, il verra une descendance et prolongera ses jours. Ayant payé de sa personne, il dispensera la justice, lui, mon Serviteur, au profit des multitudes parce qu’il s’est dépouillé jusqu’à la mort. Il a porté les fautes des foules » (Isaïe 53)
Jean-Baptiste perçoit que Jésus est ce « Serviteur souffrant », cet « agneau ». La majorité de ses disciples ne le croient pas et restent avec lui mais deux hommes ont compris et se mettent à suivre Jésus : André et un anonyme. N’est-ce pas Jean lui-même qui reste incognito pour que le lecteur puisse se sentir lui-même interpelé : « Et si moi aussi, aujourd’hui, je suivais Jésus l’Agneau ? »

QUE CHERCHEZ-VOUS ?

Sans un mot, Jésus quitte la solitude et la dure ascèse du maître. Derrière lui il entend des pas et interpelle les deux jeunes gens : QUE CHERCHEZ-VOUS ?
C’est la première parole de Jésus dans l’évangile et elle nous vise en plein cœur. Quel est ton désir ?
Tu cherches les grandes manifestations religieuses, les liturgies somptueuses, les pèlerinages de masse ? Va rejoindre les foules au Temple.
Tu cherches la vie parfaite dans la solitude et l’ermitage ? Rejoins les sectaires de Qumran.
Tu cherches la libération par la violence, la révolte armée ? Fourbis tes armes et rejoins les groupes zélotes qui préparent la révolution.
Tu cherches à bâtir ta propre justice en observant les moindres préceptes, en portant le joug intolérable des commandements ? Va t’inscrire chez les Pharisiens.
Tu cherches une existence paisible, enfermée dans le cocon du profit et de la consommation ? Rejoins les foules bombardées de slogans publicitaires et béates devant leurs besoins assouvis.
OÙ DEMEURES-TU ? Les deux jeunes ignorent tout de ce Jésus mais ils sont décidés à le suivre, à être avec lui, à devenir ses disciples, à commencer une nouvelle aventure dont ils ne savent encore rien.
Croire c’est CHERCHER JESUS…désirer DEMEURER AVEC LUI…LUI FAIRE CONFIANCE …

LA MISSION

André court prévenir son frère…et tout de suite après Jésus appellera Philippe qui, sur le champ, se précipitera pour annoncer la nouvelle à son ami Nathanaël : « NOUS AVONS TROUVÉ … C’EST LE MESSIE ». Car la foi en Jésus n’enferme pas dans une jouissance individuelle : de soi elle entraîne la RECHERCHE DU FRERE  pour lui annoncer la Bonne Nouvelle, partager l’Evangile, communier dans la même espérance, exulter dans la même joie. La mission est comme une réaction en chaîne. Toute communauté chrétienne qui veut jouir seule de Jésus meurt. « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons afin que vous soyez en communion avec nous » (1 Jean 1, 3).

Oh, les premiers disciples sont encore pleins d’illusions : on verra comment ils désirent encore la réussite, les bonnes places, le pouvoir. C’est pourquoi, lorsque l’Agneau sera arrêté et mis à mort, ils ne se souviendront plus du « Serviteur Souffrant » et ils s’enfuiront dans la nuit. Refusant d’être libérés par le sang de Jésus, ils redeviendront prisonniers de leurs peurs, de leurs besoins, de leur lâcheté.
Une femme, elle, continuera à chercher: Marie-Madeleine en larmes se glisse vers le tombeau où repose, croit-elle, le corps inanimé de son maître. Et dans la première lueur de l’aube, celui-ci, par derrière, appelle doucement sa disciple : « MARIE QUI CHERCHES-TU ? ». Non plus QUE mais QUI.
Et donc « VA DIRE A MES FRERES… ». La mission va exploser. A partir de Jérusalem, les disciples vont s’éparpiller, courir dans toutes les directions et bientôt dans les grandes villes naîtront des communautés qui, le dimanche, se rassembleront et confesseront leur foi :
            VOICI L’AGNEAU DE DIEU QUI ENLEVE NOS FAUTES…
Continuons à déranger le monde en lui posant la question : « Que cherchez-vous ? »

Baptême du Seigneur

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 11/01/15
Année: 2014-2015

Caricature ou perversion ?

Des millions de personnes vont défiler aujourd’hui pour la paix et la liberté.
Avec les événements qui nous ont secoués cette semaine nous avons entendu les mots suivants : caricatures, vengeance, honneur de Dieu…
Cela pose plusieurs questions : 
1° Où se trouvent les pires caricatures ? 
2°Où se trouve la vraie représentation de Dieu, de ses prophètes et de l’humanité ?
3° Comment retrouver l’image et ressemblance de Dieu à laquelle l’homme a été créé ?

Caricature ou perversion ?

Nous le lisons dans le livre de la Genèse : Dieu créa l’homme à son image et ressemblance, homme et femme il les créa ».
Mais l’image et ressemblance a été perdue. L’homme est souvent une caricature de Dieu. Il peut même parfois en présenter une image pervertie car une caricature accentue certains traits, cela reste cependant reconnaissable. La perversion, c’est bien pire : cela prétend présenter l’original mais cela présente en fait le contraire !
Si Dieu est amour. La haine, c’est le contraire de l’amour. Si Dieu est la vie, donner la mort est le contraire de la vie. Si Dieu est pardon, attiser les tension, c’est le contraire, il ne s’agit plus d’une caricature, il s’agit d’une perversion.
 
Où se trouve la vraie représentation de Dieu, de ses prophètes et de l’humanité ?

Alors où se trouve la vraie image de Dieu et la vraie image de l’humanité ? Nous venons de l’entendre dans ce passage de l’évangile : « Tu es mon Fils bien aimé, en toi se trouve ma joie » !
C’est le Fils qui peut nous réintroduire dans notre vraie identité d’enfants de Dieu. Car il est en relation, lui, avec le Père, avec Dieu et c’est cette relation de confiance, de foi, d’espérance et d’amour que nous avons perdue. Dieu est amour, Dieu est relation. Il est Père, Fils et Saint Esprit et Jésus nous invite à entrer dans cette communion, dans cette unité dans la diversité, dans cette communauté qui est vie et qui est joie.

Comment retrouver l’image et ressemblance de Dieu à laquelle l’homme a été créé ?

Comment cela est-ce possible ? Par le baptême, précisément. Car il ne s’agit pas d’un détail, d’une petite chose de rien. Il s’agit de renaître, radicalement. Il s’agit donc de mourir à la caricature, de mourir à la fermeture sur soi, à l’égoïsme, de renoncer à tous les mécanismes de peur et de mort, pour renaître à une vie nouvelle. Une vie qui est relation, qui est amitié, solidarité. Une vie qui est don et pardon. Une vie qui est celle là même du Souffle de Dieu, de son élan, de son dynamisme, de son Esprit.
Et cela se vit dans le baptême car le baptême, ce n’est pas seulement une goutte d’eau mise sur le front. Ce n’est pas seulement de laver ce qui est superficiel, c’est renaître radicalement.
« baptisés dans le Christ, c’est dans sa mort et sa résurrection que vous avez été plongés. Initialement le baptême était un baptême par immersion. Les orthodoxes le pratiquent encore. Ils plongent le nouveau-né et quand il sort de l’eau, il crie très fort. C’est le nouveau souffle, comme une nouvelle naissance. Dans la mort et la résurrection de Jésus, l’amour est allé jusqu’au bout, Dieu est allé jusqu’au bout. Jusqu’au bout de la vulnérabilité et jusqu’au bout du pardon. Il s’est manifesté le plus fort, le plus haut, non pas parce qu’il se serait vengé mais parce qu’il a été capable de tout absorber, de tout prendre sur lui. Comme le dit Jésus à la veille de sa passion : Il a vaincu le monde. Le mal ne pouvait aller plus loin. Et, dans la résurrection du supplicié, l’amour s’est montré le plus fort. Dieu s’est manifesté.
Nous sommes invités à vivre de cet Esprit là. Nous sommes invités à comprendre que la force véritable, que la vie véritable, que l’amour véritable, est à ce prix là, et que cela vaut la peine et que c’est possible, et qu’il n’y a pas d’autre chemin. Le reste est caricature, le reste est perversion.

Nous pouvons nous mettre à la suite de Jésus, pour donner de Dieu une image belle et joyeuse, en nous laissant entrainer dans son Esprit qui renouvelle toute chose. Il faut que l’humanité retrouve son vrai visage, un visage de paix, un visage gracieux, gracié, un visage de beauté : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai toute ma joie ».


Baptême du Seigneur

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 4/01/14
Année: 2014-2015

Saint Marc commence son évangile par le baptême de Jésus. Celui-ci est sans doute né 5 ans avant la date traditionnelle et son baptême a dû avoir lieu en l’an 28 : entre les deux événements s’étend donc une longue période d’environ 33 ans. Il est sans doute bien de méditer au préalable sur ce temps qui paraît « vide ».

La vie en Israël est alors extrêmement pénible : le pays est occupé depuis 90 ans par les Romains qui pressurent la population ; les résistants armés se font arrêter et crucifier ; la civilisation hellénistique se répand dans tout l’Empire, avec ses théâtres, ses gymnases, ses jeux de cirque et ses villas modernes.

Dans un minuscule village à l’écart de tout, le jeune Jésus fréquente la synagogue, y fait ses études, apprend l’histoire de son peuple dans les Ecritures et son père lui transmet son métier de charpentier. Jésus mène la vie ordinaire, sans auréole ni miracle, et rien ne le distingue de ses camarades. Le seul événement important qui a dû arriver, c’est le décès de son père. Dans la petite demeure, la maman et son fils mènent une vie difficile, sans confort, sans gaspillage mais l’essentiel est là : l’amour.

Ainsi les hommes mènent une vie ordinaire : il ne se passe rien et les journées se ressemblent toutes. Or il n’y a jamais de temps à perdre : si banale soit-elle, chaque journée nous construit si nous l’assumons. Et peut-être, à certains moments, Dieu nous adressera-t-il un signal de changement. N’anticipons pas l’appel de Dieu : il survient lorsque nous sommes mûrs pour y répondre. Ainsi en fut-il pour le jeune Nazaréen.

Un jour, une rumeur parvient au village : alors qu’il n’y avait plus eu de prophètes depuis des siècles et que Dieu semblait avoir abandonné son peuple, le bruit court qu’un certain Iohanan (Jean), en Judée, annonce un changement imminent : il exhorte les gens et il les plonge dans les eaux du fleuve Jourdain.

Pour Jésus, c’est un appel : accompagné peut-être de l’un ou l’autre voisin, il décide d’aller voir. Le sait-il ? C’est le grand tournant de sa vie. Il ne reviendra plus chez sa mère que pour un bref passage.

Jean-Baptiste proclamait dans le désert: « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

Jean est conscient des limites de son action : à sa parole véhémente, les gens avouent leurs fautes et demandent le baptême. Mais, après, changent-ils de vie ? Depuis Moïse, tous les prophètes ont fait cette expérience : ils dénoncent le mal, les gens promettent de se convertir…mais ils se retrouvent ensuite sous des lois qu’ils ne peuvent mettre en pratique complètement.

Dernier des prophètes, Jean a pressenti la merveille qui va se produire : il sera suivi par un autre tellement différent qu’il y aura entre eux un abîme plus grand encore qu’entre un maître et son esclave. En effet cet autre, « plus puissant », communiquera ce qu’il est seul à pouvoir réaliser : plonger (sens du mot baptême) les hommes dans l’Esprit de Dieu c.à.d. son Souffle, sa Vie.

LE BAPTEME DE JESUS

En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain.

Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Une voix vint des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

Les 4 évangélistes notent le fait surprenant que Jésus a demandé le baptême à Jean. Il était un simple candidat mais alors que les gens, après le rite, se rhabillaient et s’en retournaient chez eux, Jésus, lui, va faire une expérience personnelle foudroyante que Marc essaie d’évoquer.

La communication de Dieu avec les hommes qui semblait fermée (absence de prophètes) s’ouvre subitement et le Souffle de Dieu investit Jésus. De façon très douce. Comme la colombe qui, après le déluge, était venue vers Noé pour lui apporter le rameau d’olivier : ainsi sur Jésus, en lui et par lui, arrive la paix du monde.

Et Jésus entend : « TU ES MON FILS ». Par cette déclaration solennelle qui proclamait l’investiture d’un nouveau roi (Psaume 2, 7), Jésus reçoit sa vocation : Dieu le comble de son Esprit non pour le rendre « fils » (car il l’est de naissance) mais afin qu’il inaugure sur terre son Royaume. Il est LE FILS BIEN AIME, à un titre exceptionnel et en lui DIEU TROUVE TOUTE SA JOIE – citation d’Isaïe 42, 1.

La suite de l’évangile montrera comment les disciples, peu à peu, et avec beaucoup de difficultés, découvriront cette identité de Jésus en s’ouvrant à sa signification inouïe: Jésus est FILS, ROI, à un titre totalement inédit, communiant à Dieu son PERE dans le Souffle de l’ESPRIT-SAINT.

Bouleversé, Jésus laisse ses voisins repartir en Galilée et, tout seul, il s’enfonce dans la solitude afin de réfléchir à la vocation qu’il vient de recevoir :

Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert et pendant 40 jours, il fut tenté par satan.

Car le don de l’Esprit n’est pas une contrainte : la liberté humaine doit choisir comment le mettre en œuvre. Rejetant les tentations séduisantes mais qui mènent l’humanité à la ruine, Jésus pourra ensuite annoncer le Royaume par la Parole, la pauvreté et l’amour.

LE BAPTÊME CHRÉTIEN

Selon les évangiles, Jésus n’a jamais pratiqué le baptême ; cependant tout de suite, les apôtres marqueront la conversion et l’entrée dans l’Eglise par ce rite. La Pentecôte est le modèle de cette interpellation:

« Le cœur bouleversé d’entendre le discours de Pierre, les gens demandèrent : Que devons-nous faire ? » et Pierre répondit : «  Convertissez-vous et que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés et vous recevrez le don du Saint Esprit » (Actes 2, 37).

Le rite est complètement transfiguré : effectué « au nom de Jésus » il plonge l’homme dans l’Esprit.

COMPRENDRE NOTRE BAPTEME A PARTIR DE CELUI DE JESUS

Le rite baptismal n’est donc pas la sacralisation de la naissance d’un bébé, une pratique habituelle que l’on se transmet par héritage, un rite familial.

Au commencement il y a d’abord proclamation de la Bonne Nouvelle par un témoin : « Jésus a donné sa vie pour nous pardonner ; il est vivant, il est l’unique Sauveur : faites confiance, croyez ce message». En effet « la foi vient de la prédication qui est l’annonce de la Parole du Christ » (Rom 10, 17)

Si beaucoup se détournent, certains, bouleversés, atteints au cœur, croient : ils se présentent à la communauté chrétienne et ils y sont admis en acceptant le baptême.

Ce rite est donc une décision personnelle comme le dira saint Pierre : «  Le baptême vous sauve maintenant : il n’est pas la purification des souillures du corps mais l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience ; il vous sauve par la Résurrection de Jésus Christ » (1 Pi 3, 21).

Saint Paul, le converti qui a reçu le baptême, explique que le baptême est communion au mystère pascal de Jésus : « Baptisés en Jésus Christ, nous avons été baptisés dans sa mort….Nous avons été ensevelis avec lui afin que, comme le Christ est ressuscité, nous menions une vie nouvelle…Mettez-vous au service de Dieu. Le péché n’aura plus d’empire sur vous puisque vous n’êtes plus sous la loi mais sous la grâce » (Rom 6, 3…).

Le baptême n’est donc pas un coup d’éponge, une amélioration mais une nouvelle naissance, un changement radical de l’être. Il est don de soi-même au Christ vivant et en même temps intégration dans une communauté chrétienne. Celle-ci (la paroisse) se doit donc d’être une famille dont tous les membres forment le Corps du Christ : elle n’est pas une secte fermée sur elle-même mais une communion toujours ouverte, désireuse d’accueillir de nouveaux membres, fêtant leur entrée dans la joie, leur enseignant à vivre selon l’Evangile, et célébrant chaque semaine Jésus Ressuscité qui se donne à tous ses frères comme Pain de Vie et Vin de l’Alliance.

Comme Jésus, le baptisé ne doit pas s’étonner d’être tenté, assailli de doutes. Ni de rencontrer incompréhension, scepticisme, critiques. Ni de connaître des chutes (seul Jésus a résisté)

Le régime de chrétienté s’effrite et disparaît. On ne naît pas chrétien : on le devient. Puissent les adultes qui, de plus en plus nombreux, demandent le baptême, revivifier nos communautés, renforcer notre assurance d’être, par grâce, des enfants de Dieu, et activer notre zèle missionnaire.

Epiphanie du Seigneur

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 4/01/14
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Depuis la nuit des temps, les étoiles ont fasciné le regard et le cœur des humains. Elles sont souvent le symbole de notre destin. Elles nous confrontent à notre avenir, que certains astrologues se plaisent à prédire… Depuis toujours —peu importe les raisons d’ailleurs— les étoiles ont eu une place privilégiée dans l'imaginaire des hommes…

Et chez beaucoup de nos contemporains, à des degrés divers, il y a comme un mage païen, qui sommeille, qui croit «à sa bonne étoile», qui éprouve ce besoin de sécurité, celle d'une présence céleste qui donnerait des réponses, et fournirait des certitudes : bref, un Dieu dans les étoiles, à lire comme un horoscope ! Un dieu sidérant en quelque sorte ! Sidérer vient du latin siderari et signifie subir l’influence des astres. Un dieu sidérant serait comme une énigme à déchiffrer, une bonne étoile qui offrirait des réponses à l’humain.

Etre sidéré par Dieu, comme on peut être sidéré par une personne, c’est ne voir, ou n’espérer en lui que de la lumière, de l’éclat, de la brillance..

Voilà la figure d’un Dieu qui pourrait certes nous rassurer, mais qui ne se trouve pas à contempler dans la crèche. Aujourd'hui, le Christ se donne au monde sans éclat, et devient l’étoile pour nos vies, dans une humanité assumée, dans une humanité désirée.

Voilà le chemin risqué qu’ont emprunté les mages ! Ils ont su quitter la ‘sidération’ d’un Dieu qui se lit dans les étoiles pour découvrir un autre visage de Dieu, en creusant, en eux, leur désir de Dieu.

Désirer —de-siderare— c’est justement quitter les étoiles, avoir les pieds sur terre. Quitter la fascination, qui est toujours un refus de la distance, pour découvrir le vrai désir, qui accepte que l’autre nous échappe. Désirer quelqu’un, c’est tout l’inverse de vouloir se l’approprier. C’est le vouloir comme autre, comme sujet, comme une personne qui nous échappe.
Désirer Dieu, c’est également accepter qu’il nous échappe. Désirer Dieu, c’est accepté d’être amené dans des endroits insoupçonnés et inattendus. Et tel est bien le chemin du vrai désir : quitter l’idéalisation, ne pas voir l’autre comme une étoile à imiter, mais se nourrir de la différence. Accepter l’autre tel qu’il est et pas tel que nous voulons qu’il soit. Le chemin des mages quitte donc la sidération d’un dieu énigme, pour nous révéler un dieu qui se laisse découvrir dans le mystère de l’humain…

Le chemin est vrai pour Dieu, comme il est vrai dans nos rencontres.
La rencontre en vérité est toujours un chemin qui accueille la différence et accepte de se laisser dérouter. C’est le chemin de ceux qui viennent du pays de la sagesse. C’est une quête qui part de ce que nous sommes —de nos superstitions peut-être, de nos rites un peu païens même, peu importe— mais qui ose aller au-delà, une quête qui veut creuser ce désir de rencontre,
cette ouverture à d’autres cultures, d’autres horizons, cette ouverture à l’autre tel qu’il se donne, tout simplement.
Désirer l’autre, quel qu’il soit, c’est le désirer comme autre. L’autre ne nous confronte pas à nos manques, mais nous révèle ce que nous avons, ce que nous pouvons donner.

Désirer l’autre, ne pas être dans la sidération, la fascination, c’est se réjouir de ce qu’il est, c’est voir ce qu’il peut toujours offrir ! Ce n’est pas voir en l’autre une menace ou en faire une étoile, une star, un concurrent. Dans ce cas, la violence n’est jamais loin ! Et c’est d’ailleurs ce que nous raconte l’histoire d’Hérode. Confronté au désir des mages de rencontrer leur roi, Hérode sent monter secrètement en lui le désir de s’approprier l’objet du désir de l’autre et de le détruire !

Tout autre est le chemin des mages proposé par l’Evangile. Ils ont été capables de quitter leurs images, leurs idéaux pour transformer leur désir. Ils ont été capables de cette transformation intérieure parce qu’ils avaient au fond d’eux ce désir de Dieu, ce désir de l’autre, cette capacité d’être transformé par une rencontre.

Alors, en ce début d’année, prenons ce chemin des mages, laissons-nous surprendre par la nouveauté d’une histoire inattendue. Faisons l’exercice ! Quels sont nos rêves, nos superstitions qui nous empêchent d’avancer ?
Quels sont ces inaccessibles étoiles qui nous éloignent de ce que nous sommes réellement ? Lorsque l’étoile s’arrête, lorsque nous avons l’impression de stagner, la crèche nous ouvre toujours un nouveau chemin d’enfantement et d’intériorité. Car Dieu réside dans notre humanité. Il y a désormais toutes ces étoiles intérieures à suivre dans nos rencontres,
pour découvrir dans chacun et chacune d’entre nous
un Dieu résidant dans notre humanité,
un Dieu désirant cette humanité. Amen.

 

 

Epiphanie du Seigneur

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 4/01/14
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

            Toute la fête de l’Epiphanie est basée sur le choc des images et des préjugés. Le premier contraste est bien connu et bien apparent : c’est celui qui oppose la gloire et la richesse des mages à la pauvreté et la misère du nouveau-né. Les peintres se sont régalés dans la représentation de ce contraste. A la richesse des vêtements et des parures orientales s’oppose la misère, certes propre et bien faite, mais la misère quand même du nourrission et de ses parents.

            Et pourtant l’opposition est bien plus grande encore. D’où viennent ces mages ? D’Orient, certes, mais plus précisément de la Mésopotamie. C’est-à-dire de la région de Babylone. Ah ! Quelle ville peut-elle être plus détestée que Babylone ? Dans le l ivre des psaumes, il est un chant qui commence merveilleusement : « aux bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion » (Psaume 136, 1). C’est dans ce cadre romantique à souhait et dans cette douce atmosphère déprimée que les gens de Babylone demandent aux Hébreux de leur chanter un chant de leur pays. La réaction est immédiate, violente, brutale : « O Babylone misérable, heureux qui te revaudras le maux que tu nous valus ». Cette menace ne reste pas vague et générale. Elle devient précise, d’une cruauté scandaleuse : « heureux qui saisira tes enfants, pour les briser contre le roc » (Psaume 136, 9). Comment peut-on dire de telles choses ? Comment peut-on souhaiter de telles horreurs ? Cela illustre toute la haine que certains Hébreux avaient pour le peuple de Babylone. Ils allaient jusqu’à souhaiter que les enfants aient le crâne brisé sur le roc. Et voilà que des mages venus de cette ville abhorrée viennent adorer l’Enfant-Dieu. Ce n’est pas Hérode qui s’approchera du Fils de Dieu. Il a trop peur de perdre son poste de roi. Ce ne sont pas les scribes qui reconnaîtront la venue du Sauveur. Ils sont trop occupés à étudier la lettre des Ecritures et les images de la Bible pour y reconnaître la dimension révolutionnaire des prophéties et des révélations divines. Ce ne sont pas les pharisiens qui s’agenouilleront devant l’Enfant-Roi de l’univers. Ils sont trop imbus d’eux-mêmes, tellement convaincus d’avoir tout compris qu’ils expliquent à tout le monde, même au grand-prêtre ce que c’est que la vraie religion. Non ! Ce sont des païens, prêtres et savants d’une religion cruelle qui quittent tout pour s’agenouiller devant un bébé qui crie et qui braille. Et la première question que nous pouvons nous poser est la suivante : quels sont les Babyloniens d’aujourd’hui ? Quelles sont les personnes que nous craignons tellement que nous ne les croyons à tout jamais exclus de tout salut chrétien ? Quels sont ces horribles persécuteurs qui nous ont fait tant souffrir et qui continuent à nous menacer ? Dieu nous dit aujourd’hui que ces horribles personnages seront peut-être qui reconnaîtront le vrai Dieu présent dans notre vie d’aujourd’hui.

            Allons plus loin et posons-nous cette question : pourquoi donc ces mages ont-ils quitté leur laboratoire bien confortable pour traverser le désert de Syrie et aboutir à une misérable étable battue par le vent et par la pluie ? Ils ont tout quitté parce qu’ils ont vu une étoile. Et oui, pour eux, comme pour tous les coreligionnaires, le destin de chacun être humain est inscrit dans les étoiles. Ce sont eux, les mages, qui ont créé et développé l’astrologie. Si aujourd’hui certains d’entre nous lisent leur horoscope, c’est parce que les mages de Babylone ont cherché à établir le destin de chacun à partir des étoiles. Et c’est là sans doute l’une des plus belles incohérences de ce récit. Dieu se sert des superstitions païennes pour élever les peuples égarés à la lumière de son entière vérité. Et c’est là la deuxième question que nous pouvons nous poser : quel est dans le monde d’aujourd’hui le culte païen qui pourrait être transfiguré et transformé en leçon d’amour pour Dieu ? Serait-ce l’appât du gain, le recherche du plaisir, la peur de la mort et de la souffrance ? Quel signe Dieu enverrait-il dans le monde d’aujourd’hui pour que les hommes se lèvent soudain, renoncent à leur petit confort personnel et s’élancent à la recherche de l’étoile du bonheur ?
            Et je terminerai par cette troisième et dernière constatation : les mages n’ont pas été déçus de voir un bébé à la place d’une étoile. Ils ont été très certainement surpris, mais ils ont accepté cette forme nouvelle et apparemment décevante de ce Dieu tout-puissant. Ils se sont prosternés et ils l’ont adoré. Ils ont été capables de cette conversion parce qu’ils avaient infiniment besoin de Dieu. Ils le cherchaient même la nuit à travers les étoiles. Et cette quête était tellement brûlante qu’ils ont tout quitté pour le chercher encore plus loin. Hérode n’avait pas besoin de Dieu : il avait le pouvoir. Les scribes n’avaient pas besoin de Dieu : ils avaient leurs discussions théologiques, ils parlaient de l’amour et s’endormaient dans leur fauteuil. Les pharisiens n’avaient pas besoin de Dieu : ils avaient leurs prières qu’ils accomplissaient scrupuleusement, ils parlaient de Dieu, mais ils n’écoutaient plus ce Dieu qui leur parlait à travers les étrangers, les marginaux, les exploités. L’évangile de ce jour nous propose donc l’image de gens passionnés par la question de Dieu, tellement passionnés par cette question qu’ils ont été capables de quitter le confort douillet et rassurant de leur laboratoire pour accueillir dans la misère humaine la présence du Bien-aimé sauveur de tous les hommes.

            Alors, en cette fête de l’Epiphanie, prenons le risque d’être surpris par les manifestations de Dieu dans notre vie et posons-nous cette question : quelle sera l’étoile qui m’emportera dans une nouvelle aventure d’amour avec Dieu ?

Marie, mère de Dieu

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 1/01/15
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Le concile Vatican II a voulu renouer avec la plus vieille tradition liturgique de l’Eglise. C’est ainsi que les évêques réunis en concile ont voulu retrouver les rites et les prières des premiers chrétiens. Voilà pourquoi le pape Paul VI a replacé la fête de Sainte Marie Mère de Dieu le premier janvier. Ce n’est pas parce que c’est le premier jour de l’an. Ce qui était le plus important pour les premiers chrétiens et ce que le concile nous invite à redécouvrir, c’est que nous célébrons la fête de Marie, Mère de Dieu, une semaine après la naissance de son Fils. C’est la fin de l’octave de Noël.

Et c’est un très beau symbole.   Les célébrations de la fête de Noël commencent avec celle de la Nativité et elles se terminent par la méditation du rôle de Marie, une femme, dans l’histoire du salut. Et Marie a eu un destin bien particulier puisque, célibataire, elle s’est retrouvée enceinte. Et c’était là un bien difficile début de vie adulte. Elle a risqué la répudiation, c’est-à-dire la honte et l’exclusion. Elle a pourtant été le signe et l’agent de la réconciliation. C’est autour d’elle et de son Fils que les bergers se sont rassemblés pendant la nuit. Ces bergers étaient des êtres frustres, sans éducation et marginalisés par leur propre travail. Ils vivaient en dehors des villages et n’avaient guère la possibilité de fréquenter leurs congénères puisqu’ils étaient de jour comme de nuit à l’extérieur. A ces marginaux s’ajoutent les princes de la science et de la société. Les mages, qu’on a vite appelés rois mages, étaient des savants, reconnus pour leur science et respectés dans la société. Ils n’ont rien à voir avec des bergers. Et pourtant ce sont ainsi des êtres tellement différents qui se rassemblent auprès de la Vierge et de son Enfant. Par sa maternité, Marie et, par sa naissance, le Christ réunissent autour l’humanité tout entière.

C’est sans doute une des raisons pour lesquelles le pape Paul VI a proclamé ce premier janvier journée mondiale de la paix. Et ce pape nous donne ainsi une magnifique perspective à ce que peut être, ce que doit être la paix. Non pas simplement l’absence de guerre ou de querelle, mais la réunion de tous les hommes, que ce soit des bergers palestiniens ou des mages venus d’Orient. Et cette réunion ne se fait pas autour d’une table de négociation, ni même une table de festin, elle se fait autour d’un petit enfant et de sa mère. Marie donne son enfant à l’humanité afin que tous les hommes puissent être sauvés. Elle peut le faire parce que Dieu, en tout premier lieu, a donné Son fils à toute l’humanité afin que nous tous, nous puissions découvrir l’infinie tendresse pour chacun d’entre nous.

Marie donne ce qu’elle a reçu, son enfant. Puissions-nous, nous aussi, donner ce que nous avons reçu, la vie, l’amour de Dieu sans cesse présent dans notre vie.

Sainte Famille

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 28/12/14
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Noël, année B

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 25/12/14
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Avouons-le, il y a un côté un peu paradoxal autour des fêtes de Noël.

D’un côté, nous pensons à nos proches, mais, dans certaines familles,
c’est parfois de la distance et de la solitude qui se crée.

Nous faisons des cadeaux, mais ceux-ci deviennent presque des obligations et perdent ainsi de leur gratuité…

D’un côté, il y a de l'émerveillement, de la douceur et un peu de magie…
Mais il y a aussi une frénésie qui agite notre société, qui sature les parkings de Liège et fait sauter les systèmes de paiement !

J’aime le mot de l’humoriste français Pierre Desproges, qui a cette expression caustique sur les fêtes de fin d’années. Il dit ceci : « Le nouvel an est l’occasion de festivités exactement semblables à celles de Noël, à ce détail près qu’il s’agit cette fois d’un rite païen… »

Toutefois, voici qu’à Noël retentit au fond de chacun et chacune de nous ce cri: « Un enfant nous est né ! » « Il y a quelque chose en toi qui est en train de naître. Ne le vois-tu pas ? »Voilà, sans aucun emballage, le cadeau de Dieu. Dieu se fait présent. Il se fait surprise. Il a foi en l’humain. Par le mystère de son incarnation, Dieu se fait présent à chacun et chacune d’entre nous et ouvre dans notre cœur une brèche, comme une crèche, où il vient reposer. Voilà la surprise, le cadeau de Dieu… Alors, ne dites pas « je l’ai déjà » ! Car c’est un cadeau toujours neuf, une invitation qui ne vieillit pas !

Parfois, nous renvoyons cet appel de Dieu à naître, loin de nous, dans la salle commune de nos attentes, de notre nostalgie où nous ne pouvons éclore, dans un passé révolu. Mais vivre Noël, c’est croire à un avenir nouveau, un heureux enfantement dans sa vie. A chacun de nous de découvrir ce lieu insoupçonné, cette mangeoire où nous pourrons nous nourrir à l’humanité de Dieu. Dieu se révèlera ainsi dans des dimensions de notre vie où nous ne l’attendons pas… dans une mangeoire et pas dans la salle commune… Ce mot grec est d’ailleurs utilisé deux fois chez Luc dans son évangile. Au début et à la fin. A la nativité et à Pâques. Comme la mangeoire de Noël où Dieu se donne, nous renvoyait déjà au repas pascal, où ce Dieu fragile et dépendant des hommes, donne sa vie pour eux par amour.
Noël prend ainsi tout son sens… à Pâques ! Et pour nous aussi, notre première naissance, biologique, n’a de sens que si elle amène dans notre propre vie de nouvelles naissances. Car il y a dans toute vie dss renaissances, des résurrections, qui nous mettent au monde, toutes ces fois où nous renaissons à nous-mêmes.

Vivre Noël, chaque année, chaque instant, c’est donc prendre le chemin de Dieu, chercher les moments qui nous remettent au monde.
Ces moments de grâce où nous nous renaissons, et nourrissons les autres. Lorsqu’une simple parole fait lever chez un proche un peu de lumière
sur les ténèbres d’une histoire difficile.

Lorsqu’un simple geste prodigue de la joie à un ami.
Lorsque un service tout simple porte un peu de tendresse.

Vivre ces renaissances, ces petits gestes —renaître à soi-même— c’est être comme Dieu, bien en chair, c’est être bien dans son corps et sa vie!
Vivre cette nativité, ce n’est pas célébrer un événement historique,

mais ouvrir un nouvel avenir dans sa vie.
Fêter ce Noël-là, c’est déjà se mettre sur le chemin de Pâques !
C’est se poser cette question de notre seconde naissance,
celle où nous avons à advenir à nous-mêmes, celle où nous pouvons naître en Dieu ?
Voilà ce que Noël nous invite à vivre pour nous-mêmes.
Pas un anniversaire de naissance, qui nous fait regarder vers notre passé, Mais une fête de renaissance, qui nous fait rajeunir,

une fête qui nous invite ainsi à mettre au monde l'enfant que nous sommes,
une fête qui nous pousse àporter Dieu au monde, ce Dieu fragile qui dans la mangeoire, vient restaurer l’humain. Amen.
A toutes et à tous, belle renaissance, et joyeux noël !

Noël, année B

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 25/12/14
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Qui est donc ce bébé dans la crèche que les bergers viennent adorer cette nuit ? Qui est ce jeune enfant qui met en route les chercheurs, les scientifiques du monde entier ? Qui est celui dont les mages suivent l'étoile jusqu'à la grotte de Bethléem ? Qui est ce bébé devant qui se prosternent ces princes en offrant ce qu’ils ont de meilleur ? Qui est-il donc, ce petit bonhomme qui reçoit l’or, l’encens et la myrrhe, arrivant du Sud, du Nord, de l’Orient et de l’Occident ?
Il est le fils de Dieu, il est l’Emmanuel, le roi de l’univers, Dieu-avec-nous.

Mais encore ? Ici, l’Evangile de Jean, dans une audace inouïe, dans une intuition spirituelle indépassable, dans un acte de contemplation qui atteint le sublime, nous présente ce bébé comme le Verbe qui prend chair, oui, en latin Verbum, le Verbe, en grec Logos, en français la Parole.

***

Il est la Parole créatrice, le Logos, la vérité de toute chose, le Verbe en qui Dieu se dit et par lequel il crée le cosmos. Cet enfant, c’est le Souffle de Dieu qui l’engendre dans le sein de Marie, c’est dans l’Esprit de Dieu qu’il est conçu. Et il résume, il incarne le secret de l’univers. Il est la pensée de Dieu sur lui-même et sur la création.

Logos, il est la science véritable, la connaissance de tout ce qui peut être dit, de tout ce qui a été fait, car tout a été fait par lui. Le nom des sciences se dit en mettant le mot « logos » à la fin de ce qui les concerne : il y a la « géologie » qui est la science de la terre, la science de l’évolution de la croute terrestre. Il y a l’ « astrologie » qui est la science des étoiles et de toute la mécanique céleste. Il y a la « biologie », la science de la vie et de l’évolution des êtres vivants. Il y a l’archéologie qui est la science du passé, ou la futurologie, celle de l’avenir. Il y a la « psychologie » qui est la science de l’esprit humain, la « théologie » qui est la science des choses de Dieu… « Logie », Logos, Logique. Ce bébé est le Verbe, la Parole, la vérité intime, l’intelligence fondamentale, principielle, originelle, originale, de tout ce qui est.

Oui, le « moi » de ce bébé, le « je » de cet enfant, c’est le même « je » que la vérité de toute chose, que cette parole créatrice qui fait qu’il y a quelque chose plutôt que rien. Quand il dira « Je suis », il dira le nom de Dieu, révélé à Moïse dans le buisson ardent. Quand les soldats viendront arrêter Jésus de Nazareth et qu’il dira « c’est moi ! » Ils tomberont à terre devant l’affirmation de Dieu. Pour le moment il ne parle pas, il ne sait pas encore parler ! Il devient, il prend chair, il entre dans l’histoire, il se rend présent, Dieu-avec-nous, comme un humain pleinement humain.

Il est dès le commencement, en archè, entendez « dans le principe » in principio, car il a toujours existé, les juifs disent bereschit, en tête ! Ce commencement, il est aussi bien en arrière, qu’en avant ou qu’au fondement. Il « récapitule » tout. Il est le Premier, l’archétype, le modèle. En lui réside la logique de tout ce qui tient debout, de tout ce qui subsiste, de tout ce qui a du sens et de la cohérence. Sans lui rien de tient le coup, rien ne peut exister vraiment, sans lui tout s’effondrerait immédiatement. Il est la Parole de Dieu qui soutient tout dans l’existence, dans la cohérence, parce que, de tout ce qui est, il est la logique, la forme, l’idée, la pensée, l’intention, le projet de Dieu. Oui, nous dit l’apôtre saint Jean, ce bébé-là est le Verbe, le Logos, la Parole au principe de tout.

Il incarne tout cela et il va le révéler. Il va révéler la Vie, il va révéler l’homme, « voici l’homme » dit Pilate sans se rendre compte combien il a raison ! Cet enfant, mis en croix déploie toute l’envergure humaine et, ce faisant, révèle les abimes de Dieu. Car « Dieu personne ne l’a jamais vu, mais lui, il nous l’a fait connaître ». « Aimez vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Jusque là, on n’avait jamais aimé comme il nous a aimés. Jusque là on n’avait jamais bien compris ce que le mot « aimer » pouvait signifier, ni ce que le mot « Dieu » pouvait désigner.

Voici donc qu’il prend corps, sarx egeneto en grec, verbum caro factum est, en latin, « le Verbe se fait chair ». Il devient sensible, accessible, vulnérable, dans un monde qui le refuse et lui tourne le dos. « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu ». « Il est venu dans le monde, lui par qui le monde a été fait et le monde ne l’a pas reconnu. » Il vient le conquérir par sa faiblesse. Il vient le désarmer de ses mains nues.

***

La reconnaissance, c’est l’amour et, être reconnu, c’est exister dans le paradis.
Alors ceux qui le reçoivent, « ceux qui croient en son nom », deviennent, par lui, à leur tour « enfants de Dieu ». Eux aussi, ils naissent à la vie, comme lui, dans le Souffle de l’Esprit, fils de Dieu.

Fêter Noël c’est aussi fêter notre naissance à la foi car cet enfant ne garde rien pour lui. Il est le Principe, il est le commencement, il est le don de se donner. Tout ce qu’il a, il nous l’offre, il nous le communique, il nous le donne à profusion. « Nous avons part à sa plénitude, nous recevons grâce après grâce », cadeau après cadeau.

C’est Noël !