Quatrième dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

ÊTRE GUIDÉ POUR ÊTRE LIBRE

Dans notre société urbaine et technicienne, le mot de « pastorale » utilisé par l’Eglise ne sonne-t-il pas d’une manière désuète ? Les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus rien à faire avec ce monde de brebis, de bergeries, de bêlements, de prés d’herbe tendre : au contraire cette comparaison des croyants avec des moutons est insupportable dans un monde qui exalte la liberté individuelle et la recherche de l’originalité. On ne veut plus d’une Eglise qui enrégimente, de « pasteurs » qui dictent une pensée unique et font marcher un peuple en bêlant des cantiques.

Cependant, quand on regarde notre monde détaché de tout lien religieux, comment ne pas voir combien les foules, avides de liberté, sont grégaires, soumises à la dictature des modes, fascinées par des idoles, formatées par les slogans publicitaires. « Il faut » porter telle fringue, avoir vu ce spectacle, être allé dans tel restaurant. Et chacun de rivaliser pour avoir toujours plus de « chaînes » de tv !

Et d’ailleurs où nous mènent les leaders d’opinions ? Dans la ronde des besoins satisfaits qui laissent les cœurs inassouvis. Dans le carrousel des caddies qui débordent alors que le nombre de pauvres augmente. Dans la course aux «nouveautés » qui ne nous empêchent pas de vieillir. Dans les embouteillages où les voyageurs pressés s’encaquent.

Il est plus difficile qu’on ne croit d’être vraiment libre !

En ce dimanche, il est très libérateur pour les chrétiens de contempler Celui qui se présente comme le seul Guide authentique et de comprendre qu’à sa suite, nous cheminons comme des personnes libres.

LE BON BERGER

Jésus disait aux Juifs : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.

La parabole du Bon Berger suit immédiatement le récit de la guérison de l’aveugle-né qui s’est achevé sur un heurt violent entre Jésus et les Pharisiens qui le détestent. C’est encore à eux qu’il adresse cette parabole qui, loin d’être une mièvrerie, est au contraire très polémique. Vous expliquez la Loi, lance Jésus à ses ennemis, vous détaillez les préceptes, vous organisez des liturgies mais votre cœur est loin des gens et lorsque survient le péril, vous vous tenez à l’écart.

Tandis que moi, affirme Jésus, je marche en tête des miens que j’aime, et je m’expose pour eux en première ligne. En effet lorsque ses ennemis viendront l’arrêter au jardin des oliviers, Jésus se présentera seul devant eux et il permettra à ses disciples de s’enfuir (18, 8). Il ira seul au supplice de la croix pour eux. Car ses disciples ne sont pas de simples élèves, des membres de son organisation, des adeptes de sa doctrine : chacun « compte pour lui », a une valeur infinie et mérite qu’il donne sa vie pour lui. 

L’AMOUR PERE/FILS FONDE L’AMOUR FILS/DISCIPLES.

Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.

D’abord deux remarques de vocabulaire. En hébreu, le verbe « connaître » employé pour des personnes ne se limite pas à des informations superficielles sur l’identité, l’adresse, la profession d’une personne mais connote aussi l’amour, l’attachement profond.

D’autre part le « comme » ne signifie pas seulement une comparaison (faites comme moi) mais aussi un effet, une similitude : c’est « parce que » Père et Fils se connaissent et s’aiment de cette façon que le Fils peut aimer les siens. On peut donc dire ceci :

Jésus se perçoit comme le Fils infiniment aimé par son Père : c’est ce même amour infini qu’il porte à ses disciples et c’est pour cela qu’il est capable de donner sa vie pour eux. Et eux, en retour, sont entraînés à partager cet amour avec lui.

La charité chrétienne n’est pas une bonne entente, une concorde entre gens bien élevés : elle n’est rien moins que l’effusion de l’amour divin de Jésus pour les siens et donc des siens pour le Père et entre eux.

VERS L’UNITE

J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.

Jésus a soustrait ses disciples puis maintenant l’aveugle guéri hors de l’emprise d’un système religieux qui imposait un joug de contraintes : désormais ils sont ses brebis qu’il conduit vers le Père.

A présent son regard s’étend au-delà de toute frontière : « il faut » - c.à.d. c’est le projet de Dieu son Père - qu’il opère partout la même sortie de la multitude des hommes qui sont actuellement enclos dans des systèmes similaires. Cela justifie l’importance de la mission.

Partout et jusqu’à la fin des temps, des hommes entendront  la voix de Jésus – c.à.d. l’appel de l’Evangile – et ils formeront une seule communauté, une seule Eglise. La foi ne laminera pas les différences, ne coulera pas dans le même moule et les disciples ne seront pas des « moutons de panurge » car au contraire la foi éveille la personnalité, suscite les talents personnels, éveille à des initiatives toujours nouvelles. Que de différences entre les Saint(s), entre Benoît dans son abbaye et François-Xavier courant à l’autre bout du monde, entre la petite Thérèse dans son carmel et mère Térésa au chevet des mourants.

Ainsi saint Paul exulte de voir les murs entre nations s’écrouler : « Jésus a aboli la Loi et ses commandements avec leurs observances. Il a voulu, à partir du Juif et de païen, créer en Lui un seul homme nouveau en établissant la paix et les réconcilier avec Dieu tous les deux en un seul corps » ( Eph 2, 15)

DONNER SA VIE UN JOUR POUR LA RECEVOIR TOUJOURS

Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »

La « pastorale » de Jésus n’a rien d’une scène paisible: affirmer qu’il est plus capable que Caïphe de conduire les hommes à Dieu est une affirmation intolérable, appeler ses disciples à se détourner des grands prêtres et à écouter son enseignement plutôt que celui des scribes spécialistes des Ecritures, quel scandale ! Ces affirmations audacieuses ne peuvent qu’attiser l’incompréhension, la rage, l’hostilité, la haine de ceux qui se croient les pasteurs authentiques.

Déjà on a voulu arrêter Jésus (7, 32 ; 8, 20), certains ont cherché à le lapider (8, 59) : l’étau se referme sur lui et on parviendra bientôt à le supprimer. Mais Jésus n’est pas la victime d’un complot : il a reçu mission de son Père et il l’accomplit jusqu’au bout. On ne le supprimera pas : c’est lui qui se donne par amour de son Père et des hommes. C’est pourquoi il retrouvera cette vie.

La certitude de l’amour du Père plus fort que la mort est pour lui promesse de résurrection.

Quatrième dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

« Je suis le bon pasteur, c’est-à-dire le vrai berger » : l’Evangile de Jean a ceci de caractéristique qu’il est le seul à présenter Jésus en train de dire : « je suis ». Il le fait à plusieurs reprises : je suis le pain de vie, je suis la lumière du monde, je suis la résurrection et la vie. Tous ces titres nous rappellent combien Jésus dépasse notre entendement. Dieu est plus grand que notre cœur et que notre intelligence. Tout ce que nous pouvons savoir de Dieu, ce n’est qu’un petit aspect de cette immense et insondable personnalité qu’est le Christ, qu’est Dieu. Voilà pourquoi il y a dans l’Eglise tant de mouvements et tant de tendances différentes. Il y a les conservateurs et les progressistes. Il y a les charismatiques et les fonctionnaires du culte. Toutes ces images de Dieu, toutes ces sensibilités dans la foi et dans l’engagement chrétien sont autant de cordes dans un piano, autant de fleurs différentes dans un bouquet. Tous ces différents titres donnés à Jésus sont autant de cris de joie et d’émerveillement devant la splendeur du Bien-aimé. Tout cela nous invite à la modestie et à la reconnaissance. Non ! Je ne suis pas plus malin qu’un autre. Je n’ai qu’une petite perception de l’immense et insondable mystère qu’est l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous.

            Cette modestie nous permet et nous invite à accepter ce titre de gloire d’être des brebis, les brebis du Seigneur. Certes, dire de quelqu’un que c’est une brebis, un mouton, ce n’est pas une remarque flatteuse. Cela évoque la soumission et la bêtise. Non, sommes-nous prêts à crier, non, je ne suis pas un mouton, je suis fort et fier, prêt à me battre pour ma liberté et mon indépendance. Mais que nous dit le texte ? « Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom ». Oui, en vérité, je ne suis pas un homme perdu dans l’immensité froide et sombre de l’univers, je ne suis pas perdu dans le fleuve immense de l’histoire de l’humanité. Fussé-je un grain de sable sur le rivage de l’éternité, Dieu connaît mon nom et il m’appelle par mon nom et je le suis parce qu’il me connaît personnellement. Et ce Dieu, il me met en garde, en garde de suivre de faux bergers, de faux pasteurs. Et quels sont-ils ces pasteurs qui suivent leur propre intérêt ? Ne serait-ce pas moi, moi-même quand emporté par l’orgueil je veux imposer ma conception étroite et partielle de Dieu, quand je parle intelligemment de la vraie Eglise alors que par mes propos je déchire le manteau sacré de Jésus crucifié ?

            Oui, l’Evangile d’aujourd’hui nous invite à la modestie et à l’humilité. Non pas à une humilité de ver de terre devant la toute-puissance de Dieu, mais l’humilité admirative du croyant devant l’immense bonté de Dieu pour chacun d’entre nous, l’humilité de celui qui reconnaît que Dieu est beaucoup plus grand, beaucoup plus beau que je ne peux l’imaginer, et qu’avec tous mes frères et sœurs j’essaie de chanter. Oui, Dieu nous appelle tous par notre nom et tous nous le suivons parce qu’il est la voie, la vérité et la vie.

Troisième dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Chez saint Luc, la résurrection est présentée en un chapitre de 3 scènes qui se déroulent le même jour, à Pâques, au premier jour de la semaine.

A L’AUBE D’abord tôt matin, les femmes, qui avaient vu mourir Jésus, viennent à la tombe avec des aromates pour oindre le corps et la découvrent vide. Deux «anges » leur annoncent qu’il est ressuscité et ils ajoutent : « Rappelez-vous que, en Galilée, il vous disait : « Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le 3ème jour, il ressuscite ». Elles se rappellent en effet ces paroles, courent alerter les apôtres qui, incrédules, tiennent leurs propos pour « du délire » !

PENDANT LA JOURNEE Ensuite Luc raconte la célèbre histoire des deux disciples qui, effondrés par la mort du maître, ont décidé de rentrer chez eux, à Emmaüs. Sur le chemin, un inconnu s’approche, entre dans leur conversation puis les enseigne : « Cœurs lents à croire tout ce qu’ont dit les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? ». Et il se met à leur expliquer dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.

Intrigués, à l’approche du village, ils invitent l’inconnu à la maison. A table celui-ci rompt le pain, le leur donne et soudain disparaît. Bouleversés Cléophas et son ami s’écrient : « Notre cœur ne brûlait-il pas tandis qu’en chemin il nous ouvrait les Ecritures ? ». Immédiatement ils retournent à Jérusalem où les apôtres réunis leur annoncent que Jésus est bien ressuscité et qu’il est apparu à Pierre. Les deux amis racontent leur journée et comment ils ont « reconnu Jésus à la fraction du pain ». 

LE SOIR (c’est l’évangile d’aujourd’hui)

Comme ils en parlaient encore, Jésus lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! » Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds.

Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux. Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures.

Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins.

Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. » 

  1. LA RESURRECTION OUVRE LES ECRITURES

La découverte du Ressuscité n’est vraiment pas une chose qui va de soi et si aujourd’hui nous la chantons sans problème c’est sans doute parce que nous la voyons comme une sorte de happy end, une fin heureuse après une Passion qui n’était qu’un moment pénible à traverser. Ce n’est pas du tout ainsi que les disciples l’ont vécue : au contraire ce fut un choc immense, un bouleversement inattendu, un refus devant l’incroyable, un combat contre l’impossible.

Pourtant Jésus vivant ne multiplie pas les apparitions, n’impose pas de preuves péremptoires, ne conduit pas à des expériences mystiques éthérées : chaque fois il renvoie aux Ecritures qu’il s’agit de lire, relire, méditer.

Certes tous les disciples les connaissaient mais ils n’en retenaient que les perspectives triomphales : le Messie promis viendrait éliminer le mal, châtier les impies, rendre l’indépendance à son peuple, transfigurer la société. N’était-ce pas le rêve des apôtres qui s’étaient mis à suivre Jésus ? Simon ne devait pas être le seul à dissimuler un poignard, Jacques et Jean ambitionnaient les places d’honneur dans le grand Royaume de David et tous sans doute caressaient le même rêve qui s’était fracassé au Golgotha.

Le Ressuscité travaille à ouvrir les cœurs à une intelligence plus authentique des Ecritures : il casse la gangue qui les enfermait dans une vision mesquine et nationaliste, il révèle un Messie humble, qui vient partager la condition des pauvres, offre une espérance universelle, apporte la victoire sur le véritable ennemi de l’homme, la mort. C’est la Pâque de Jésus qui ouvre le Livre comme c’est le Livre qui introduit au mystère pascal. Le concile écrivait : « Le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien et l’Ancien est dévoilé dans le Nouveau » (La Révélation § 5)

Les Evangiles, les Actes des Apôtres, les Lettres apostoliques montrent la prédication nouvelle que les disciples, éclairés par le mystère pascal, ont pu effectuer. Sur les ruines de leurs anciennes illusions, ils annonçaient la Bonne Nouvelle : les Ecritures étaient accomplies non comme nous l’imaginions mais de façon bien plus extraordinaire.

  1. LA RESURRECTION DEVIENT MISSION.

Le Messie ne transforme pas le monde d’un coup de baguette magique. On l’a fait taire au Golgotha : dorénavant sa voix, démultipliée par ses disciples, va retentir aux quatre coins du monde et jusqu’à la fin des temps.

« ……..la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins……… »

Pâques devient proclamation, joyeuse annonce. Les disciples font rouler les pierres derrière lesquelles les hommes meurent de solitude et ils les invitent, quels qu’ils soient, à sortir de leur résignation et à entrer dans la lumière des Ecritures. La Croix de Jésus n’est pas condamnation des coupables mais source de pardon et de miséricorde. Ses plaies sont notre Paix.

  1. L’ATTENTE DE L’ESPRIT 

Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. »

Luc n’achève pas son Evangile par un départ en mission mais par une attente. Car l’annonce pascale ne peut s’opérer par un rayonnement personnel, le faste, le déploiement des ressources humaines, la bonne volonté, la conviction. Elle est œuvre divine, provoquée par le Souffle qui a pu relever le Fils de l’homme couché dans le tombeau.

Le carême de 40 jours nous demandait de « faire » des sacrifices : le temps pascal de 50 jours sollicite notre « attente », notre désir de l’Esprit.

La pierre a été roulée, la tombe a été ouverte et le Ressuscité est apparu.

Le Ressuscité a ouvert les Ecritures et elles sont devenues lumière.

Le temps pascal doit écarter la tonne d’excuses derrière lesquelles nous nous protégeons et le Souffle nous entraînera sur le chemin du témoignage.

 

Deuxième dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 5/04/15
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

C’est depuis 2001 qu’à la demande du pape Jean-Paul II l’Eglise catholique romaine célèbre de façon particulière la miséricorde divine le deuxième dimanche de Pâques. Cette dévotion a été inspirée au pape par la vie édifiante de sœur Faustine, une sœur polonaise qui vécut et mourut au début du vingtième siècle. Le pape François a promulgué une année particulière consacrée à la miséricorde divine : ce sera du 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, au 20 décembre 2016.

            Mais qu’est-ce que la miséricorde ? C’est qu’en fait la miséricorde divine est toute différente de la miséricorde humaine. Qu’est-ce que la miséricorde humaine ? Imaginons un juge qui a devant lui au tribunal un jeune homme accusé d’avoir fumé un peu de canabis un samedi soir. Et voilà que de façon assez surprenante le juge déclare un non-lieu. Non, le jeune homme ne sera pas poursuivi. Il est pardonné. Sa faute, oubliée. Le juge a fait preuve de miséricorde. Que se passe-t-il ? Peut-être le juge a-t-il passé un bon weekend, peut-être a-t-il gagné au loto, peut-être a-t-il appris la soudaine et inattendue guérison d’un de ses enfants. En tout cas, ce geste est ponctuel : cela arrive une fois, et pas deux. Ce geste est arbitraire : le juge n’a pas appliqué la loi, les accusés précédents ont peut-être été condamnés à de lourdes peines, le juge a eu un caprice. Ce geste est non seulement ponctuel et arbitraire, mais il est aussi isolé : le juge ne reverra plus ce jeune homme. Celui-ci aura-t-il compris la chance qu’il a eu et va-t-il se repentir et ne plus jamais consommer de drogues, ou bien va-t-il retomber dans les mêmes actes de faiblesse qu’auparavant. Nul ne le sait et le juge ne s’en préoccupe pas. Ca, c’est la miséricorde humaine : ponctuelle, arbitraire, isolée.

            La miséricorde divine est toute différente : c’est celle qui se manifeste lors du retour du fils prodigue. Le père est là, sur sa tour, en train de guetter le retour de son fils, il en est malade. La miséricorde dans la Bible, c’est quelque chose qui vous prend aux entrailles, comme l’amour d’une mère pour son enfant crucifié sur une croix. C’est toute la personne qui vibre de cet amour douloureux. C’est sans doute pour cela que la Bible grecque utilise ce mot un peu barbare d’amour matricielle. C’est dans ses entrailles que le père souffre quand il voit son fils s’éloigner de lui. Mais cette miséricorde n’est pas d’un instant : c’est depuis des jours, des semaines que le père veille et s’inquiète pour son fils. C’est depuis des siècles que Dieu s’inquiète devant la barbarie humaine. C’est depuis des siècles que Dieu envoie des patriarches, des prophètes et même son Fils pour nous arracher aux horreurs de notre orgueil, de notre vantardise, de nos fanfaronnades. C’est la même miséricorde émue que le Seigneur exprime à Moïse quand il lui dit qu’il a visité son peuple et qu’il a vu dans quel état d’esclavage il était réduit en Egypte. Le Seigneur a vu la misère de son peuple et il a décidé de le sauver.

            Et cela me fait penser à la spiritualité de l’ordre religieux que je sers, les dominicains. Chez nous, lorsqu’un jeune homme fait sa demande officielle pour pouvoir entrer dans l’ordre, il se couche sur le ventre devant le supérieur. Celui-ci, confortablement assis, demande au jeune homme : « que cherchez-vous ? ». le candidat répond : « la miséricorde de Dieu et la vôtre ». Et c’est vrai qu’au début de la vie religieuse, les jeunes dominicains pensent qu’ils doivent faire preuve de beaucoup de miséricorde à l’égard de leurs confrères plus anciens. Certes, certains d’entre eux sont de grands saints, mais ils le cachent bien. Mais, au fil des ans, après quelques erreurs et plusieurs échecs nous nous reconnaissons mendiants devant Dieu et devant les autres, mendiants de cette miséricorde divine, de cet amour matriciel, qui nous rend confiance en nous-mêmes, et qui révèle notre véritable dignité, celle d’enfants de Dieu, infiniment dépendants de son amour.

            Puissions, au cours de ce dimanche de la miséricorde, reconnaître la puissance créatrice et libératrice de cet amour. Nous pourrons alors, avec tous nos frères et sœurs, chanter les merveilles de cette miséricorde infinie et l’offrir à tous nos proches.

Dimanche de Pâques

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015


Savez-vous ce qu’est la ductilité 

On parle de ductilité pour exprimer cette propriété des matériaux qui peuvent se laisser étirer, travailler, déformer sans rompre. Ces corps peuvent, avec souplesse être étirés sans rompre et puis reprendre leur position initiale.

Voilà le sens strict, mais il y également un sens plus larges. On parle aussi de personnes ductiles, corvéables, malléables. Dans le monde l’entreprise, c’est
—paraît-il— un terme qui devient à la mode. Un employé est dit ductile lorsqu’il arrive à accomplir plusieurs obligations au sein d’une même entreprise. Sans rompre. Il a cette force d’être polyvalent, plastique et… quand on tire sur la corde, il ne rompt pas… Il y a peutêtre au fond de nous un instinct de conservation, un instinct ductile ; qui accepte certes le changement, tout en voulant garder un peu du passé… Il y acette force qui veut toujours s’inspirer du passé, qui refuse la transition…

La résurrection… c’est l’inverse de cette ductilité ! Oui, l’inverse. Aujourd’hui, nous ne sommes pas dans la commémoration ou le souvenir. Etre résurrectionnel ne consiste pas à être créatif pour transformer notre passé, l’embaumer et le mettre ainsi au goût du jour. Lorsque le passé est encore vivant, nous n’avons comme avenir qu’un futur déjà mort… (Là je fais un lien cliquable vers le site Resurrexit qui ne vous dispense pas d’assister à la Vigile).

La résurrection —si on peut se risquer à en parler— est davantage que tout cela. Pâques n’est pas le passé qui refait surface, fût-il transformé. C’est tout au contraire l’avenir qui s’offre à nous. C’est un futur qui se fait proche. Pour cela, il faut avoir l’audace de la fragilité. L’inverse de la ductilité est d’ailleurs la fragilité ! Un corps non ductile est dit fragile. Il nous faut accepter certaines ruptures. Certaines transitions. Pâque, le grand passage, nous invite à célébrer la beauté de cette fragilité qui accepte de rompre avec ce qui nous enferme.

Pour vivre Pâques, il faudra donc se rendre dans ses propres lieux de fragilité. Faire comme Marie, se risquer à se rendre au tombeau plutôt de faire comme s’il n’était pas là… Se rendre au tombeau non pour commémorer quoi que ce soit, mais pour voir qu’il est vide et qu’il ouvre un avenir.
Vivre Pâques, consiste alors à faire la grande traversée de l’échec.
Vivre le Pâques, c’est intégrer le grand silence du samedi saint, le silence du tombeau, pour découvrir que le Christ ne nous y attend pas.

Vivre la grande traversée pascale, c’est lâcher prise, rompre tout simplement.

Rompre… Oui mais pour faire place à une douce, discrète transformation intérieure. Pour accueillir un avenir, une révélation, tout simplement.

Vous aurez peut-être déjà remarqué que dans l’évangile que nous venons d’entendre, il n’y a pas de témoins de l’acte de ressusciter. Jésus ne s’est pas « montré ressuscitant », mais il a appris aux siens à le reconnaître ressuscité, ce qui est tout différent. Le récit que nous venons d’entendre est très exactement le récit d’une révélation. Marie Madeleine se trouve en présence de quelqu’un qui lui annonce que Jésus est ressuscité.

Le tombeau, en ce sens, n’a rien d’une preuve. Le tombeau, la mort, l’échec est simplement, paradoxalement, le lieu d’une annonce. Une annonce qui nous dit : « Circule, il n’y a plus rien à voir dans ta vie à cet endroit-là ». Quitte ce lieu-là qui te retient. Ne commémore pas ce que tu as été, mais accueille ce que tu deviens. Quel que soit ton âge, Celui qui vient, ton avenir est plus réel que ton passé. Ta vie de précède en Galilée. Voilà l’annonce pascale.

Le tombeau symbolise en nous ces lieux qu’il faut abandonner. La tradition chrétienne a très vite oublié le tombeau… et l’iconographie chrétienne ne présente que très tardivement la sortie du tombeau. La première illustration connue date paraît-il du 6ème siècle…

Pour finir, je vous invite à méditer l’icône de l’anastasis, écrite par Jacques Noé, laïc dominicain, qui nous accompagnera dans cette église durant tout le temps pascal. Vous voyez le Christ qui sort des enfers, nous entrainant avec lui.

Voilà le souhait que je vous formule en jour de la résurrection. Vivre une réelle rupture au sens le plus noble. Sortir de ce qui vous enferme pour accueillir celui qui vient au lieu même de ce qui est mort en vous, et qu’il faut abandonner.

Que cette joie, cette extraordinaire liberté de Pâques vous accompagne et vous recrée! Amen.

 

 

 

Quatrième dimanche de Pâques

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 26/04/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

CORPS DISPARU…CORPS EUCHARISTIQUE…CORPS COMMUNAUTÉ

La Bonne Nouvelle qui a jadis donné naissance à l’Eglise, qui aujourd’hui nous rassemble dans la joie et qui doit être proclamée demain et jusqu’à la fin des siècles pour sauver l’humanité est celle-ci : « JESUS CRUCIFIE EST RESSUSCITE ».

Cette nouvelle est stupéfiante pour nous, inadmissible pour des multitudes. Si un faussaire l’avait inventée, on imagine la foule des arguments, les images époustouflantes qu’il aurait utilisées pour tenter de prouver son affirmation. Chez Marc au contraire quelle sobriété ! 8 versets seulement et se concluant sur un curieux silence ! C’est pourquoi très vite on a ajouté à cette fin subite un résumé des apparitions racontées dans les autres évangiles mais les versets suivants, 9 à 20, ne sont pas de Marc.

Méditons ces quelques lignes qui ont paru suffisantes à notre auteur.

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande. En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes.

Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. (FIN)

D’abord ce fait était absolument inimaginable pour les premiers disciples. Les hommes, Pierre et les autres, s’étaient enfuis lorsqu’on était venu arrêter Jésus à Gethsémani et ils se terraient on ne sait où. Seules quelques femmes avaient osé rester : Marie-Madeleine et ses compagnes étaient déjà disciples de Jésus en Galilée et elles l’avaient accompagné dans sa montée à Jérusalem (15, 41); au calvaire, elles avaient vu Jésus mourir sur la croix (15, 40) ; ensuite elles avaient vu Joseph d’Arimathée descendre le corps du gibet, le glisser dans une tombe et rouler la pierre (15, 47).

Après l’arrêt de la journée du shabbat, elles « cherchent Jésus de Nazareth le crucifié » et elles viennent à la tombe avec des onguents dans l’intention d’accomplir l’onction qui n’avait pu se faire après la mort. Ces femmes sont donc témoins oculaires du drame : Jésus est bien mort.

La résurrection se découvre en cherchant un Jésus que l’on aime et qui a été crucifié.

La tombe est ouverte et vide : le cadavre a disparu. Cela ne prouve absolument rien car on peut présumer que des disciples, pendant la nuit, sont venus le subtiliser pour l’enterrer dans le désert.

Au lieu de voir Jésus mort, elles voient (Marc emploie un autre verbe) un messager divin mais surtout elles l’entendent : elles venaient voir un cadavre et elles perçoivent un message. Pour Marc, la Résurrection n’est pas une expérience mystique, une extase mais, au creux du silence de mort, l’annonce d’une nouvelle incroyable. Avant, Jésus était vu : maintenant il est dit, proclamé. Les femmes n’exigent plus de voir : elles reçoivent mission d’être les apôtres (messagères) des apôtres hommes. Ceux-ci doivent accepter d’entendre par les femmes la Parole qui porte la vie.

N’est-ce pas normal dès lors qu’au contraire des synagogues et des mosquées qui ne rassemblent que des hommes, les églises chrétiennes soient en majorité fréquentées par les femmes ?

« Il vous précède en Galilée : là vous le verrez comme il l’a dit ». Il faut croire les femmes sur parole puis courir au rendez-vous que Jésus avait fixé : en Galilée c.à.d. là même où l’aventure Jésus avait débuté.

Et, surprise totale de la fin de l’évangile, les femmes n’obéissent pas à l’ordre de Dieu ! Ecrasées, bouleversées, sidérées, elles sont incapables de dire : « Jésus est ressuscité » !

Certes elles surmonteront leur peur et parleront – sinon Jésus serait oublié et Marc n’aurait pas écrit son évangile – mais il n’est pas simple d’annoncer la résurrection. Nous-mêmes qui aimons tant raconter nos voyages, les spectacles auxquels nous avons assisté, les films que nous avons vus…sommes-nous capables, demain, de transmettre ce que la fête de Pâques nous a affirmé : « Jésus crucifié est ressuscité » ? Or il s’agit de la nouvelle la plus essentielle de l’histoire  

Marc ose terminer son livre sur ce silence. Dès lors il ne reste plus au lecteur qu’à « aller en Galilée », non y faire un pèlerinage (il n’y a plus rien à voir) mais retourner à la première page de l’évangile où tout a commencé. C’est en reparcourant la vie de Jésus et en méditant ses paroles et ses actions, que nous pourrons comprendre la fin. Puisque les hommes refusaient le changement de vie qu’il exigeait pour que vienne le royaume de Dieu, il ne pouvait que se heurter à l’hostilité et à la haine. La croix n’était pas une fatalité imposée par le destin mais la conséquence du NON des hommes à Dieu et à son Fils. Et parce qu’il a accompli sa mission jusqu’au paroxysme de la souffrance et de l’amour, il devait être mis à mort par les hommes et être ressuscité par son Père.

Bref l’évangile de Pâques ne s’ouvre pas quand nous fermons l’évangile: au contraire la résurrection nous renvoie au commencement, à nouveau à la suite de Jésus, sur le chemin des disciples. C’est en tentant de vivre selon l’Evangile que nous découvrirons Jésus vivant.

Enfin plus précisément la finale de Marc termine le récit de la Passion qui commence avec le chapitre 14. Or ce récit débute par deux actions capitales.

D’abord une femme a versé un parfum sur la tête de Jésus attablé chez un pharisien et Jésus a justifié cet acte fou : « D’avance elle a parfumé mon corps pour l’ensevelissement » (14, 8). C’est pourquoi, après sa mort, le corps n’a pas reçu d’onction : la pécheresse, au nom de tous les pécheurs, avait déjà oint celui qui, par sa miséricorde, allait devenir Roi de l’humanité pardonnée.

Et ensuite, Marc a raconté l’ultime repas de Jésus avec les siens : « Il prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit, le leur donna et dit : « Prenez : ceci est mon corps ». Puis il prit un coupe, la leur donna …et leur dit : « Ceci est mon sang de l’Alliance, versé pour la multitude » (14, 22-25). Parce que ce corps était consacré puis donné aux disciples, il ne pouvait être retenu dans l’antre de la mort.

Notre rencontre du Ressuscité, selon Marc, se réalise en relisant sa vie écrite dans l’Evangile et en partageant son Corps – c.à.d. en prenant part à l’Eucharistie du dimanche.

Car Marc insiste sur l’importance de ce jour : « Le shabbat fut passé…De grand matin, le premier jour de la semaine…le soleil étant déjà levé », les femmes vont découvrir la Résurrection. Or, dès le début, évoquant le mystère de la création, la Bible avait raconté que « le premier jour » Dieu avait créé la Lumière (Gen 1,3). Quelle était cette lumière alors que le soleil et les astres n’étaient pas encore apparus ? … Les rabbins expliquaient que cette Lumière mystérieuse, créée puis évanouie, était celle du Messie que Dieu enverrait un jour pour illuminer l’humanité égarée dans les ténèbres du péché.

C’est pourquoi les premiers disciples tout de suite ont fait du 1er jour de la semaine (car le shabbat est le 7ème et dernier) le grand jour de fête où les croyants se rassemblent pour lire la vie de Jésus depuis la Galilée, manger son Corps et devenir son Corps. Ils l’appelèrent « jour du Seigneur » - en latin « domenica » qui donna notre mot « dimanche » et qui fut, pendant plus de 2 siècles, la seule fête que les disciples célébraient (ce n’est que plus tard que l’on inventa le cycle annuel)

 Convertis à l’enseignement de Jésus, soucieux des pauvres et des malades, en butte comme lui à la persécution et obligés de porter leur croix, ils n’allaient plus au tombeau de Jérusalem et ne demandaient plus d’apparitions : leur assemblée fraternelle et réconciliée était l’apparition, imparfaite mais réelle, du CORPS DE JESUS VIVANT.

Nous avons encore à l’être aujourd’hui. ALLELUIA.

Vigile pascale

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Vendredi Saint

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 15/02/15
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Pourquoi Jésus est-il mort ?

Certains diront « Jésus est mort pour nos péchés » et cette formule toute faite, qui s’apparente à de la langue de bois, dit encore qu’il est bien mort.

Car réfléchissons-y sérieusement : Jésus serait-il mort à cause des alcooliques, des adultères, des menteurs ou des voleurs ? Non, il ne les dérangeait pas. Ce sont tout au contraire les gens bien, les champions de la bonne conscience, les grands prêtres et les pharisiens, en un mot les religieux, les pratiquants, comme vous et moi, qui ont voulu et qui ont obtenu sa mort.

 Vous avez entendu l’Evangile est très clair. Jésus a des ennemis. Ses ennemis, ce sont les défenseurs du Temple, les obsédés de la Loi, les névrosés du sacré. Jésus a des ennemis : ceux qui veulent imposer le Sabbat, les sacrifices, l’exclusion des pécheurs, la mise à distance des femmes et des étrangers, la culpabilisation des malades et des handicapés. Jésus a des ennemis : les partisans de l’ordre, compris comme le statut quo, ceux qui décident qu’il est bon qu’un seul homme meure pour le salut national. Jésus est sacrifié aux plus hauts intérêts, ceux de la religion et ceux de l’Etat, curieusement alliés dans cette barbarie.

Plus encore, Jésus est mis à mort au nom de Dieu. Ce ne sont pas les athées, les incroyants ni même les pécheurs qui veulent sa mort, ce sont ceux qui s’opposent à la manière de Jésus d’impliquer Dieu dans la vie humaine, dans la guérison, dans la réconciliation, dans la libération. Nous le voyons au Proche Orient, mais c’est également vrai partout, plus ou moins douloureusement : il n’est pas vrai que toutes les représentations de Dieu soient complémentaires. Certaines théologies sont incompatibles. Sur ce point Jésus n’a pas eu peur du conflit. Son Dieu n’est pas celui des religieux au pouvoir. Son Dieu n’est pas non plus César divinisé, le politique qui se prend pour le tout. Son Dieu n’est pas davantage l’idole de la foule et son culte des solutions simplistes dans la facilité. Le Dieu de Jésus est tellement puissant qu’il est capable d’être faible, de renoncer à la force, ainsi qu’aux mécanismes habituels de la culpabilisation et de la peur. Son Dieu n’est pas un terroriste mais un Dieu Père. Sa victoire sera celle de l’amour. Sa victoire sera une victoire dans les cœurs. Et cela suppose la liberté, l’égalité, la vulnérabilité, conditions indispensables pour que puisse s’établir une vraie réciprocité.

Dans le conflit des valeurs, dans le conflit des absolus, dans le conflit des représentations de Dieu, à notre tour, nous devons choisir. Ou bien des soi-disant valeurs qui sont en fait des idoles déguisées, comme celles de la purification ethnique, de la sécurité à tout prix, ou des soi-disant lois du marché… ou bien des pseudo dieux, des absolus que nous avons en fait fabriqués, tout comme les Temples ou les règlements, ou bien le Dieu de Jésus-Christ. Ou bien les sacrifices humains, ou bien le pardon et la réconciliation. Ou bien la guerre et l’apocalypse, ou bien la vraie fraternité qu’établit un Père commun.

Pourquoi Jésus est-il mort ? Il est mort parce qu’il n’a jamais cessé, dans ses paroles, dans ses actes, jusque dans son procès et même son exécution, de manifester qui est son Dieu. Pourquoi Jésus est-il mort ? Parce que ce Dieu là, son Père, son Dieu, n’était pas compatible avec les représentations de Dieu, sociales, politiques et religieuses de son temps.

Chemin de Croix

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 5/04/15
Année: 2014-2015

Première station : Jésus est ressuscité

            Ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus ; sur lui la mort n’a plus aucun pouvoir. Car il est mort, et c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ; il est vivant et c’est pour Dieu qu’il est vivant. De même vous aussi, pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus-Christ (Romains 6, 9 – 11).

            La résurrection est une chose incroyable, inimaginable. Nous pouvons concevoir une vie éternelle sur terre, mais nous savons que ce serait vite l’enfer, car notre corps deviendrait de plus en plus vieux, de plus en plus malade. Ce n’est pas à cette vie-là que nous sommes appelés, mais à une nouvelle vie, entièrement transformée. Aussi différente de la vie actuelle que la vie d’un fœtus peut être différente de notre vie sur terre.

            Seigneur, apprends-nous à laisser de côté les faux rêves de vie éternelle sur terre pour découvrir la vie éternelle dans ton amour.

 

Deuxième station : les femmes découvrent le tombeau ouvert

            Le premier jour de la semaine, de grand matin, les femmes virent à la tombe ne portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau. Etant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus (Luc 24, 1 – 2)

            Rien ne se passe jamais comme prévu. On craint le pire et c’est moins qu’on ne le pensait. On espérait une belle fête et c’est la dispute, une belle rencontre et c’est l’indifférence. Et pourtant depuis Abraham jusqu’à Marie tant d’hommes et de femmes ont vu leur vie bouleversée par la maladie ou la mort d’un proche, par la faillite financière ou l’échec conjugal. Apprenons-nous, Seigneur, à être comme des disciples et ses femmes au tombeau : déconcertés, mais ouverts à la surprise de ta Bonne Nouvelle.

            Ouvre nos cœurs, Seigneur, aux surprises de la vie. Qu’elles soient pour chacun d’entre nous l’occasion de te découvrir présent, autrement, plus profondément.

 

Troisième station : le Ressuscité se manifeste à Marie de Magdala

            Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait … elle se retourne et voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était lui (Jean 20, 11. 12).

            Nous voudrions tant rencontrer Jésus, nous voudrions tant rencontrer l’amour, mais il est là et nous ne le reconnaissons pas. Nous sommes comme certains enfants qui réclament à cor et cri un geste d’amour, une attention sans faille. C’est une attitude d’enfants gâtés. Dieu nous a offert son amour et patiemment s’adapte à chacun d’entre nous. Il nous invite à dépasser nos larmes pour ouvrir nos yeux à sa lumière incomparable.

            Transforme, Seigneur, notre soif d’amour de telle sorte que nous puissions te découvrir là où tu es, et non pas là où nous voulons que tu sois.

 

Quatrième station : Pierre et l’autre disciple au tombeau

            Alors Pierre sortit, ainsi que l’autre disciple, et ils allèrent au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées. Toutefois il n’entra pas (Jean 20, 3 – 5).

            C’était toujours la course, même en amour. Suis-je le plus beau ? Suis-je le plus aimable ? Ma femme ne me néglige-t-elle pas en faveur des enfants ? Mon mari m’aime-t-il encore vraiment ? Dieu se donne à chacun d’entre nous. Comme le soleil, il brille sur chacun d’entre nous. Ce n’est pas lui qui ferme les volets de notre cœur ou les portes de notre âme. Chez lui, il n’y a pas de course. Il n’y a que le seul plaisir de sa présence et de son amour irradiant.

            Ouvre notre cœur à ton immense amour et cela nous suffit. Que chacun connaisse le même bonheur que moi.

 

Cinquième station : le Ressuscité se dévoile à la fraction du pain

            Ils s’approchèrent du village où ils se rendaient, et lui fit mine d’aller plus loin. Ils le pressèrent en disant : « reste avec nous, car le soir vient et la journée déjà est avancée. » Et il entra pour rester avec eux. Or, quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent, puis il leur devint invisible (Luc 24, 28 – 31).

            Les disciples avaient discuté toute la journée avec Jésus, mais ils n’ont pas été convaincus : non, Jésus est mort, et bien mort, voilà la lourde conviction qui obscurcit leur intelligence et leur cœur. Ils ne reconnaissent Jésus qu’à la fraction du pain, c’est-à-dire à un geste de partage, d’amitié et de fraternité.

            Apprends-nous, Seigneur, à te découvrir dans les petits gestes quotidiens d’amour et d’amitié que tant d’hommes et de femmes nous offrent autour de nous.

 

Sixième station : le Ressuscité apparaît aux apôtres

            Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : « la paix soit avec vous » (Jean 20, 19).

            Enfermés dans les murailles de la peur, nous fuyons les autres : ils peuvent nous juger, ils peuvent nous blesser. Et voilà que Jésus paraît et nous donne sa paix. Cette paix, c’est l’immense confiance que Dieu donne à chacun d’entre nous. Il sait de quoi nous sommes capables, il nous offre la chance de pouvoir devenir nous-mêmes. Avec lui auprès de nous, nous osons vivre et tendre la main aux autres.

            Verse, Seigneur, dans nos cœurs desséchés par la peur, l’eau vive de ton amour afin que, pleins de confiance dans ta miséricorde, nous puissions sans cesse nous relever et recommencer à vivre.

 

Septième station : le Ressuscité confirme la foi de Thomas

            Jésus dit à Thomas : « avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-là dans mon côté, cesse d’être incrédule et deviens un homme de foi. » Thomas lui répondit : « mon Seigneur et mon Dieu » (Jean 20, 27 – 28).

            Combien de fois n’avons-nous pas envie de demander à notre conjoint, à nos proches : « tu m’aimes ? » ? Certaines le demandent ouvertement, certains hommes le pensent en secret. On n’est jamais sûr. Et on ne le sera jamais. Voilà pourquoi la méditation de toutes les merveilles accomplies par Dieu dans notre vie nous ouvre sur la confiance en l’avenir. Car Dieu est fidèle.

            Ouvre nos yeux, Seigneur, sur les splendeurs de ton amour. Que notre foi en toi se nourrisse chaque jour de la confiance en ta fidélité.

 

Huitième station : le Ressuscité se manifeste près du lac de Tibériade

            Jésus se manifesta de nouveau sur les bords de la mer de Tibériade … une fois descendus à terre, les apôtres virent u feu de braise sur lequel on avait disposé du poisson et du pain. Jésus leur dit : « apportez donc ces poissons que vous venez de prendre » (Jean 21, 1. 9 – 10).

            Au cours de notre tumultueuse traversée de la vie, Jésus se tient sur le rivage. Il nous prépare les victuailles nécessaires pour cette étrange traversée. Il nous demande d’apporter ce que nous avons pu prendre.

            Accueille, Seigneur, les petites réussites et nos gros échecs. Toi seul peux les transformer en chants de louange et d’amour. Bénis-les. Bénis-nous.

 

Neuvième station : le Ressuscité fit de Pierre le pasteur de l’Eglise

            Une troisième fois, il dit : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » ; Pierre fut attristé de ce que Jésus lui avait dit une troisième fois : « m’aimes-tu ? » et il reprit : « Seigneur, toi qui connais toutes choses, tu sais bien que je t’aime. » Et Jésus lui dit : « pais mes brebis. »

            « Toi qui connais toutes choses, tu sais bien que je t’aime » : n’est-ce pas là ce que tous nous pouvons dire, laïcs, religieux, prêtres, évêques, pape. C’est Dieu qui appelle chacun de nous à accomplir sa volonté sur terre. Et c’est chacun de nous qui le trahissons par nos petits mensonges, nos petits efforts de goûter le confort loin de Dieu, loin des autres.

            Seigneur, tu sais combien nous voudrions être heureux avec toi, et parfois sans toi. Renverse nos replis frileux en de magnifiques élans d’amour vers toi et les autres.

 

Dixième station : le Ressuscité envoie les disciples dans le monde

            Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Matthieu 28, 18 – 20).

            La foi, connaître Dieu est une trop belle chose pour la garder pour soi tout seul. Il faut le dire et le chanter : Dieu nous aime pour l’éternité. Que ce soit en famille ou dans la solitude d’une triste chambre, que ce soit dans le milieu de travail agité et sans merci ou que ce soit dans la voiture pendant les navettes, tout est occasion pour chanter la gloire et la beauté de Dieu.

            Apprends-nous, Seigneur, à faire de chacune de nos rencontres une occasion de te rencontrer. Apprends-nous, Seigneur, à profiter de chaque instant de silence et de solitude pour entendre le doux murmure de tes mots d’amour.

 

Onzième station : le Ressuscité monte au ciel

            Jésus les emmena jusque vers Béthanie et, levant les mains, il les bénit. Or, comme il les bénissait, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Eux, après s’être prosternés devant lui, retournèrent à Jérusalem pleins de joie (Luc 24, 50 – 52).

            Jésus n’est pas monté au ciel, comme on monterait au quatorzième étage. Ce sont les apôtres qui ont soudain pris conscience que ce Jésus qu’ils ont bien connu est vraiment Dieu et qu’il habite au ciel, mais qu’il est toujours présent sur terre. C’est pour cela que les apôtres retournent tout joyeux à Jérusalem parce qu’ils savent que Jésus est vraiment Dieu et qu’il est toujours au milieu de nous.

            Apprends-nous, Seigneur, à adorer ton immense majesté divine et à découvrir les traces de ta présence dans notre vie de tous les jours.

Douzième station : avec Marie, dans l’attente de l’Esprit saint

            A leur retour à Jérusalem, les apôtres montrent dans la chambre haute où ils se retrouvèrent tous. Il y avait là Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélémy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le zélote et Jude fils de Jacques. Tous, unanimes, étaient assidus à la prière, avec quelques femmes dont Marie, la mère de Jésus, et avec les frères de Jésus (Actes 1, 13 – 14).

            Marie aurait pu maudire tous les disciples parce que leur seule présence lui rappelle que son fils a été condamné à mort. Mais non ! C’est avec eux qu’elle prie.

            Seigneur, donne-nous la force de nous arracher à la tristesse du désespoir pour pouvoir prier avec tous nos frères, car c’est ainsi et seulement ainsi que nous pourrons recevoir la grâce et la force de ton Esprit.

 

Treizième station : le Ressuscité envoie l’Esprit saint

Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Tout à coup survint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie ; alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux (Actes 2, 1 – 3).

            Et voilà ! C’est la joie qui explose dans notre cœur après de longs mois de détresse. Hélas ! Cela ne se passe pas comme ça. Souvent, nous nous sentons abandonnés de Dieu et des autres. Et pourtant, il y a autour de nous de petits sourires que Dieu nous adresse à travers des gens apparemment sans importance. Ces petits sourires sont comme de petites gouttes d’eau qui cachent l’océan d’amour de Dieu pour chacun d’entre nous.

            Tu remplis, Seigneur, l’univers de ta présence bienveillante. Ouvre nos yeux afin que nous puissions voir et accueillir ces petits signes de ton immense présence.

 

Quatorzième station : le Ressuscité vit dans la première communauté

            Unanimes, les croyants se rendaient chaque jour assidûment au Temple ; ils rompaient le pain à domicile, prenant leur nourriture dans l’allégresse et la simplicité de cœur. Ils louaient Dieu et trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier (Actes 2, 46 – 47).

            Ce qui nous réunit, ce n’est pas la sympathie ou un programme politique ou une grande œuvre à réaliser. Ce qui nous réunit, c’est la conviction que Dieu nous aime et que nous ne nous pouvons que le remercier de son don de vie et d’amour.

            Apprends-nous, Seigneur, à bien profiter des moments de prière afin que nous puissions goûter le pain de ta présence et les paroles de ton amour.

Dimanche des Rameaux

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 29/03/15
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

LA TRAGIQUE MÉPRISE

Jésus n’a pas décidé de mourir afin d’être la victime qui apaise la colère de Dieu contre les pécheurs : il monte à Jérusalem parce que c’est le pèlerinage obligatoire du printemps, célébration de 8 jours de la sortie des Hébreux hors de l’esclavage en Egypte. La Pâque est donc la grande fête de la libération : en sacrifiant et en mangeant ensemble un jeune agneau, comme les ancêtres l’ont fait pour accomplir leur exode, le peuple chante son Dieu qui veut que les hommes soient libres et qu’aucun ne soit tyran des autres. Le souvenir de la libération hors d’Egypte est la promesse certaine des futures interventions de Dieu qui libère. Donc Pâque est aussi possibilité de l’arrivée du Messie. Quelle libération apporte-t-il ?

Cette année-là, Jésus est sans illusions et, en route, il n’a cessé de prévenir ses disciples du sort tragique qui l’attend : on le refusera, on le mettra à mort mais c’est ainsi qu’il sera lui-même réellement le véritable agneau pascal dont le sacrifice obtiendra le pardon des péchés, la libération de l’esclavage du mal. Son Père ne lui épargnera pas la mort mais la lui fera traverser. Alors le Royaume viendra. 

Ce message répété déconcerte totalement les disciples qui sont persuadés que Jésus, le Messie attendu, va être triomphalement accueilli par la capitale où il soulèvera la population pour arracher la libération du joug romain. Et en effet, lorsqu’on apprend l’arrivée de ce Galiléen qui annonce la venue du Règne de Dieu, qui appartient à la descendance du grand roi David et qui opère des guérisons extraordinaires, l’effervescence éclate et on organise « la Joyeuse Entrée » du Libérateur.

Lorsqu’ils approchent de Jérusalem, vers Bethphagé et Béthanie, près du mont des Oliviers, Jésus envoie deux de ses disciples et leur dit : « Allez au village qui est en face de vous. Dès que vous y entrerez, vous trouverez un petit âne attaché, sur lequel personne ne s’est encore assis. Détachez-le et amenez-le. Si l’on vous dit : “Que faites-vous là ?”, répondez : “Le Seigneur en a besoin, mais il vous le renverra aussitôt.” » Ils partirent, trouvèrent un petit âne attaché près d’une porte, dehors, dans la rue, et ils le détachèrent. Des gens qui se trouvaient là leur demandaient : « Qu’avez-vous à détacher cet ânon ? » Ils répondirent ce que Jésus leur avait dit, et on les laissa faire. Ils amenèrent le petit âne à Jésus, le couvrirent de leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus.

Alors, beaucoup de gens étendirent leurs manteaux sur le chemin, d’autres, des feuillages coupés dans les champs. Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! » Jésus entra à Jérusalem, dans le Temple. Il parcourut du regard toutes choses et, comme c’était déjà le soir, il sortit pour aller à Béthanie avec les Douze.

La foule est sans doute étonnée de voir Jésus pénétrer en ville assis sur un petit âne mais personne, semble-t-il, ne comprend qu’il veut ainsi réaliser ce qu’un prophète avait jadis annoncé (cité par Matthieu et Jean) :

« Tressaille d’allégresse, fille de Sion. Pousse des acclamations, fille de Jérusalem ! Voici que ton Roi s’avance vers toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, un ânon tout jeune.

Il supprimera le char de guerre d’Israël et le char de combat de Jérusalem. Et il proclamera la paix pour les nations…. » (Zacharie 9, 9)

Oui Jésus est bien Roi mais il n’a rien de commun avec Louis XIV, Napoléon et tous les ambitieux avides de pouvoir et rêvant de batailles, d’extermination de l’ennemi et de grandeur. Il n’a pas choisi un cheval mais un ânon qui signifie bien qu’il est un Messie humble, sans force, s’avançant avec patience, sans nul éclat et qui veut la paix dans son peuple et entre tous les peuples du monde.

Et que va-t-il faire ? Il se dirige vers le temple comme vers son palais ; le lendemain, il revient dans « la Maison de son Père » pour en chasser les marchands de bétail et les changeurs (11, 15) ; puis, les jours suivants, il s’installe sur l’esplanade et il ENSEIGNE le peuple. (11, 18 ; 11, 35.38…).

Au lieu de provoquer le soulèvement, condamner le monde païen et menacer de l’enfer, Jésus cherche à convertir son peuple et d’abord les autorités qui ont fait déraper le culte dans le trafic, la morale dans le légalisme, le droit dans le juridisme et qui ont transformé la Loi en un carcan insupportable.

C’est pourquoi, de plus en plus excédés par cette prétention, déçus devant ce pseudo-libérateur qui semble impuissant, les gens vont se retourner contre lui et les joyeuses ovations se transformeront en cris de haine : « Crucifie-le ! Crucifie-le ». Celui qui était monté sur un petit âne sera monté sur la croix.

Tant de fois, hélas, dans son histoire, l’Eglise a aimé les manifestations triomphales. Et beaucoup veulent un Dieu qui donne prospérité dans les affaires, soleil pendant les vacances et réussite aux examens.

 Aujourd’hui les temps ont changé. On caricature l’Eglise sans vergogne, on brise des statues, on profane des tabernacles et surtout on persécute et on tue des chrétiens comme jamais on ne l’a fait dans l’histoire. Les fidèles sont « des ânes ridicules » ! Faut-il se lamenter ou s’en réjouir ?

L’Eglise est forcée d’abandonner son cheval de bataille et ses cortèges de pourpre pour s’avancer dorénavant en toute simplicité, sans force, vulnérable, ridicule et insignifiante. Elle suit son Seigneur. Car c’est quand elle est faible qu’elle est forte (cf. Saint Paul - 2 Cor 12, 10)

Aujourd’hui nous mimons cette entrée des rameaux qui clôture notre cheminement de carême mais ensuite nous écoutons l’hymne au Christ que chantaient déjà nos frères et sœurs des premières générations :

« Le Christ qui était de condition divine…se dépouilla…devenant obéissant jusqu’à mourir sur une croix…C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout et lui a conféré le titre de Seigneur »

(Paul aux Philippiens 2).

Et nous nous engageons, en cette Grande Semaine, à écouter les enseignements de Jésus, à avouer que nous ne les avons pas toujours suivis, à contempler la croix, à nous laisser purifier par Celui qui désire être notre Roi, mais dans la liberté, la pauvreté, la tendresse.

Pour Jésus la paix du monde commence par une Eglise purifiée.

C’est au crucifix que nous accrochons notre brin de buis mais à Pâques, nos « HOSANNAH » de ce jour deviendront des « ALLELUIA » pour le crucifié devenu NOTRE SEIGNEUR.

5eme dimanche de Carême A

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 15/03/15
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2014-2015

Crime et châtiment : un chef d'oeuvre de Dostoïevski racontant une désescalade sociale, le chute et l'exil d'un étudiant, nommé Raskolnikov qui commet un meurtre pour sortir de sa condition. Un livre au climat lourd et plein de culpabilité. Et pourtant —au coeur du récit— le personnage central est pris d’un soudain désir de vivre. Et dans un célèbre passage, il demande à Sonia, une prostituée dont il est tombé amoureux, de lui lire le chapitre de Jean que nous venons d'entendre. « Lis-moi le chapitre sur Lazare ! » dit-il à Sonia. « Lis-moi les pages où il est question de la résurrection, trouve-moi ça dans l'Evangile. J'ai besoin de les entendre. » Et Sonia ouvre le livre, trouve la page et lit le chapitre jusqu'à cette exclamation « Lazare, sors ! Et le mort sortit ! »

Ce livre, Crime et châtiment, est une allégorie de la résurrection, l'image d'un nouveau départ malgré le deuil et l'échec, la culpabilité. Et l’histoire de Lazare est une allégorie de notre condition humaine, de nos existences. Qui ont parfois peine à vivre, comme Lazare ! Qui sont frappées d’asthénie, comme Lazare ! Qui restent muettes, comme Lazare.
Derrière l’histoire de Lazare, il y a toutes nos histoires qui veulent entendre une parole nous dire « Sors ! »

L'enjeu de cet Evangile n'est pas celui d'un salut après la mort, ou d'une manifestation miraculeuse de puissance, mais avant tout de notre vie avant la mort ! Il s'agit bien de vivre dès aujourd'hui, et non de dévivre.
Car il y a tant de personnes —vous et moi— qui parfois cessent de vivre, sans pour autant mourir. Des intermittents de la vie ! Or, l’enjeu décisif de toute existence, ce n’est pas de mourir, mais de mourir vivant.

Pour marcher sur ce chemin de vie, il faut pouvoir entendre cet appel ! « Sors » dit Jésus. Quitte tes forces de morts intérieures. Sors de tes terres d'esclavage, de tes histoires passées comme la Samaritaine, de tes aveuglements comme l’aveugle-né, de ton passé, comme Raskolnikov !
Il faut que quelqu'un nous dise: « Sors ! » Prends l’air frais de l’Esprit. Sors de toi, de tes peurs, roule la pierre de ton tombeau, car ta vie sent le renfermé !

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais les proches de Lazare ne parlent pas de lui comme un mort, avant que Jésus ne dise lui-même que « Lazare est mort ». Un peu comme s'il y avait des morts en nous que nous ne voulons pas voir, mais que le Christ nous invite à regarder lucidement!

Il y a toutes ces morts sociales, familiales, qu'il faut combattre. Ces amitiés qui se meurent. Nous avons tellement de facilité à nous enfermer dans nos tombeaux... C'est à ce moment là qu'il faut s'entendre dire « Sors ! » Plonge dans la vie. Vis ton baptême, celui qui te plonge dans un deuil pour t’ouvrir un chemin de résurrection. Car pour renaître, il faut savoir mourir. Faire le deuil de ce qui n'est plus. Voilà le difficile travail du deuil et de l’enfantement, qui précède toute résurrection: ne pas ligoter l'être aimé dans des liens, mais le délier, pour qu'il puisse librement continuer à avancer.

Le chemin de Lazare est un chemin de baptême. Les trois évangiles que nous avons lus ces derniers dimanches parlent en effet tous de baptême, pour nous préparer à Pâques. A côté de l'eau vive de la Samaritaine, à côté de l'eau de la piscine de Siloé, il y a aujourd’hui Lazare, qui quitte sa maladie pour se relever. Il quitte cette maladie qui le rend sans force, pour découvrir une délivrance.

Et dans cette histoire, vous l'avez entendu, tout le monde pleure ! Marie, Jésus, les juifs qui les entourent. Comme si les larmes —quand il n'y a parfois plus rien à espérer— étaient signe de cette eau d'un nouveau baptême. Comme si parfois nos larmes d'enfant, nos larmes de deuil, pouvaient conduire à l'enfantement d'un monde nouveau. Les pères de l'Eglise appelaient d'ailleurs les larmes notre deuxième baptême...

Voilà ce à nous appelle ce texte, qui n’a rien d’une manifestation de puissance. C’est la fragilité, la traversée l’en-bas pour s'entendre finalement dire: Sors, renais à la vie ! Voilà le mystère de Pâques que nous nous préparons à célébrer. Amen.