Fête de la Trinité

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 1/05/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

PÈRE, FILS ET ESPRIT : DIEU EST AMOUR

Après Pâques et l’Ascension qui ont dévoilé le mystère du Christ, après la Pentecôte qui a célébré le don de l’Esprit de Dieu, l’Eglise aujourd’hui nous invite à contempler le mystère de Dieu tel qu’il s’est révélé tout au long d’un immense processus historique.

Qui donc est Dieu ? Que signifie ce mot ? Pourquoi tous les peuples ont-ils toujours vénéré et prié une ou des divinités qu’ils n’avaient jamais vues ? Projection de nos peurs ? Remède à nos angoisses ? Superstition naïve que la modernité peut enfin éliminer ? Il est dangereux d’avoir une fausse idée de la divinité et tout autant d’éliminer Dieu comme s’il était l’obstacle à l’épanouissement de l’homme et à la réussite de la société. On sait les déviations, les crimes que la déviation religieuse a provoqués : bûchers, persécutions des hérétiques, croisades, massacres. Au nom de Dieu, certains aujourd’hui encore égorgent, violent.

La Bible montre le cheminement séculaire qu’un petit peuple a dû parcourir pour épurer peu à peu ses conceptions religieuses. Dieu n’est pas un Baal qui assure fécondité des troupeaux et fertilité des champs ; Dieu n’est pas un guerrier qui envoie son peuple exterminer tous ses ennemis ; Dieu n’est pas un sadique qui demande aux pères de lui immoler leurs fils ; Dieu n’est pas celui qui assure toujours la victoire ; Dieu n’est pas un regard qui transperce le pécheur ; Dieu n’est pas un despote qui déchaîne sa colère contre l’innocent (Job) ; Dieu n’est pas un Juge faisant le compte de nos fautes pour nous envoyer en enfer. Il a fallu des siècles pour qu’enfin un chrétien écrive ce que ni la Bible juive ni le Coran musulman n’auraient dit : « DIEU EST AMOUR » ( 1ère Lettre de Jean 4, 8 et 16).

Dieu est PERE – et encore faut-il comprendre ce mot au sens de l’Evangile : non un dominateur à éliminer pour être libre mais comme le père pleurant de joie en accueillant son fils prodigue.

Dieu est FILS-PAROLE – non comme un pantin obéissant à la Loi mais comme homme libre et responsable, qui s’engage en toute conscience à réaliser une mission où il peut s’accomplir.

Dieu est ESPRIT – non comme une vague spiritualité où l’homme, laissé à lui-même, tente d’atteindre la maîtrise et le repos de l’âme par une dure ascèse. Mais comme une Présence qui nous rend enfants adoptifs de Dieu.

C’est le lien entre ce Dieu et l’homme que les premiers chrétiens célébraient dans la joie - comme le montre l’Evangile, finale de l’évangile de Matthieu, dont les trois déclarations capitales sont à méditer.

Au temps de Pâques, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.

Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

JESUS EST SEIGNEUR

Au lendemain de son baptême, Jésus avait rejeté le satan qui lui promettait de lui donner tous les royaumes de la terre s’il consentait à l’adorer en adoptant des moyens de séduction et de puissance (Matt 4, 9) et, à l’inverse, il avait opté pour l’humilité et l’amour jusqu’au don de sa vie. C’est pourquoi son Père l’a institué comme Seigneur du ciel et de la terre. En conséquence ses disciples doivent suivre son chemin : ne pas succomber à l’appel des idoles (richesses, avidité, enjôlement, séduction, violence, appui de César) et prendre le chemin resserré qui mène à la Vie (7, 14)

ORDRE DE MISSION

Si l’idolâtrie est le péril capital où l’humanité s’enfonce dans l’horreur et va à la perdition, si la reconnaissance du Christ Seigneur est LA Bonne Nouvelle qui libère les hommes et les conduit à leur plénitude à la rencontre de Dieu, alors il n’est pas facultatif de garder cette certitude dans l’intérieur d’une conscience pieuse ou des cultes privés. La mission n’est pas recherche de pouvoir d’une religion qui veut se soumettre le monde, elle n’est pas élan de fanatiques qui veulent imposer leurs convictions : elle est comme la fleur qui s’ouvre, comme la vigne qui offre ses fruits à tous, comme une joie qui se multiplie en se partageant, comme un bonheur que l’on ne peut cacher, comme un soleil qui dissipe les ténèbres.

Cette mission est universelle : elle s’adresse à tout être humain quelle que soit son statut social, sa langue, sa culture. Dans tous les continents, dans les bidonvilles crasseux comme dans les laboratoires en pointe, du 1er siècle jusqu’au dernier, l’Evangile ne sera jamais dévalué, inadapté. Quels que soient les refus auxquels il se heurte, le missionnaire sait que, au fond de tous les cœurs, même les plus corrompus, il y a une attente du Christ.

a)  LE BAPTÊME : IMMERSION DANS LE MYSTERE DE DIEU

Dès l’origine, ce rite a été proposé et accompli pour tous ceux qui désiraient se convertir. Sans doute d’abord effectué « au nom de Jésus » (Ac 2, 38), quand Matthieu écrit son livret, dans les années 80-85, il est fait « au Nom du Père, du Fils et de l’Esprit ». On ne se confère pas ce rite : il faut le demander à une Eglise que l’on sait pécheresse. Les premiers convertis savaient que Pierre avait été un lâche : il ne se prétendait pas parfait mais pardonné. En se laissant plonger dans l’eau, le païen meurt au péché et en se relevant, il communie à la Résurrection du Christ ; il renaît, il devient une créature nouvelle.

b)  VIVRE SELON L’EVANGILE

Il ne suffit évidemment pas d’être baptisé et inscrit dans un registre : le rite inaugural est la porte qui ouvre le nouveau chemin où le converti s’engage. Il a tout à apprendre : d’abord la vie de Jésus à travers les évangiles car la foi n’est pas d’abord une morale mais un lien, un attachement à une Personne. On n’exige pas du converti qu’il jure d’être un impeccable pratiquant de la Loi chrétienne : il est invité à se laisser aimer par Jésus et à l’aimer, à le reconnaître vraiment comme son Seigneur qui ne veut que son bonheur mais qui ne cessera jamais d’imposer toutes ses exigences : « tout ce que je vous ai commandé ».

« La vie est un temps donné pour apprendre à aimer » (abbé Pierre)

JESUS EMMANUEL : « DIEU AVEC NOUS »

Dans l’annonciation à Joseph, l’Ange lui avait demandé d’appeler le nouveau-né « Jésus …car il sauvera son peuple de ses péchés » (En effet Iéshouah signifie « Dieu sauve »). Maintenant que la Pâque a réalisé ce salut, Jésus peut recevoir le nom de la promesse prophétique : «  Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel » qui veut dire « Dieu-avec-nous » (Isaïe 7, 14 = Matt 1, 23).

Pour Luc, l’Ascension témoigne de la présence glorieuse du Ressuscité près de son Père ; Matthieu, lui, précise qu’il n’y a là aucun éloignement et que Jésus vivant demeure auprès de ses disciples à jamais. Les deux évangélistes se complètent : l’un dit que l’humanité est près de Dieu et l’autre que Dieu est près des hommes.

L’obstacle du péché est levé : à partir de la Galilée où ils avaient commencé à suivre le maître qui les appelait, les disciples peuvent maintenant s’élancer sur tous les chemins du monde, accompagnés invisiblement mais efficacement par ce même Jésus qui, ressuscité et vivant, demeure en eux, avec eux. Sa présence inamissible leur permettra de poursuivre sa mission sur son modèle: annoncer la Bonne Nouvelle, plonger les convertis en Dieu, leur apprendre à vivre selon l’enseignement de l’Evangile, soigner les malades et handicapés, dénoncer les mensonges, purifier l’institution religieuse. Donc également rencontrer contradictions, hostilité et croix.

Ils ne sont plus un groupe d’hommes qui suit un maître mais une communauté christique qui va essaimer, fonder ici et là d’autres communautés, toutes unies par la même confession de foi et par le partage du Pain et du Vin où se manifeste la présence d’Emmanuel.

 

Vigile de Pentecôte

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 23/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Au moment où des millions de personnes sont assises chez elles confortablement —aussi confortablement que dans cette église— pour suivre le concours Eurovision —et savoir quelle sera la plus belle voix — nous voici rassemblés, en plus petit comité. Rassemblés pour invoquer une toute autre voix ! Non une voix qui brille, qui donne de l’éclat,  ou du rythm inside, un rythme intérieure, mais une voix silencieuse, toute intérieure. Ce que nous invoquons ce soir —l’Esprit— ce n’est pas une voix, une parole. C’est plus exactement, ce qui nous donne de la voix. Ce qui porte la Parole, comme on porte la Vie.

L’Esprit est en effet non ce qui nous parle, ce qui s’entend, mais ce qui nous fait parler, ce qui fait que nous nous entendons. Il est comme cette source d’eau vive lorsque notre communication devient harmonieuse.
Il est comme ce principe de vie qui vient nous donner sagesse dans l’épreuve. Il est cet élan vital qui donne courage. Il est ce souffle qui nous donne de parler, de donner de la voix. Il est comme 
cette voix indicible inscrite au fond de chacun, qui peut venir assouplir ce qui est raide, crispé. Oui l’Esprit est bien ce principe de vie, tout simplement, donné à tous ceux qui l’invoquent —in-vocare— c’est à dire qui l’appellent au fond d’eux-mêmes.

Cet Esprit est bien plus qu’une parole. Il est ce qui vient assurer notre parole et la rendre audible, crédible, malgré toutes nos contradictions et nos incohérences.  Le souffle n’est pas ce trait d’Esprit d’un instant, mais cet élan qui nous fait parler, qui rend nos existences parlantes même lorsque tout semble se taire.

Oui, l’Esprit est avant tout non ce qui se fait entendre, mais ce principe de vie qui fait que l’on peut s’entendre, car l’Esprit ne fait rien pour lui-même. Invoquer l’Esprit devient alors vouloir discrètement, humblement, mettre de l’harmonie, accueillir plusieurs voix sur la portée de sa vie. 

Invoquer l’Esprit, c’est s’accorder, 
c’est à dire se mettre à l’écoute du coeur de l’autre,
Invoquer l’Esprit, c’est accueillir des soupirs, faire place aux silences,
Se risquer à mettre des nuances, du timbre, de l’élan.

Invoquer l’Esprit, c’est tout simplement vivre la liberté, et interpréter la partition de la vie, de sa vie, sans vouloir y mettre trop de puissance… Vivre de l’Esprit, c’est vivre la vie tout simplement, sans la surjouer, ou jouer avec elle.

Il y a quelques mois, j’ai eu l’occasion d’entendre le grand chef d’orchestre gantois, Philippe Herreweghe, présenter la passion selon Saint Jean. Et, en parlant de l’interprétation d’une oeuvre, il a dit cette phrase que je trouve extraordinaire. «Lorsqu’on entend l’interprétation, c’est qu’elle n’est pas bonne, car elle fait écran entre l’oeuvre et l’auditeur».  Par cela, il voulait dire qu’il n’aimait que l’on puisse reconnaitre son style, et que cela fasse écran à l’oeuvre.

La Pentecôte nous invite à ne pas surjouer notre propre vie, mais plutôt de nous laisser imprégner par l’Esprit de Dieu, qui vient souffler où il veut.

La Pentecôte devient ainsi cette fête qui veut que nous n’avons plus prise sur Dieu… Car durant des millénaires, les humains ont voulu mettre le grappin sur Dieu. Dire qu’il fallait passer par un intermédiaire, un roi investi de l’Esprit de Dieu, un prêtre, une institution… Mais par l’événement de la Pentecôte, l’Esprit de Dieu s’inscrit désormais en chacun. Il suffit de descendre en nous, pour découvrir ce que le souffle de l’Esprit vient nous dire. Ce que nous célébrons est bien ce Dieu qui se partage, cet Esprit de Dieu qui se répand en nous, en mondiovision…

Et puisque cet Esprit est partagé, voilà pourquoi il est si difficile de l’entendre… sans cesse étouffé par nos incompréhensions !
Oui, notre communication est bien difficile…
Entre ce que je pense,
ce que je veux dire, 
ce que je crois dire
ce que je dis,
ce que vous voulez entendre,
ce que vous entendez
ce que vous croyez comprendre
ce que vous voulez comprendre
et ce que vous comprenez,
Entre nous, avouez qu’il y a de quoi se méprendre !

Mais voilà que l’Esprit vient s’inscrire au coeur de nos incompréhensions et de nos relations, pour nous donner d’entendre, dans notre propre langue les merveilles de Dieu.

Alors, appelons avec humilité la venue de l'Esprit dans nos coeurs ! C'est lui —parce qu'il est principe d’écoute et d’unité— qui peut faire toutes choses nouvelles, laver ce qui est souillé, guérir ce qui est blessé, assouplir ce qui est raide, réchauffer ce qui est refroidi et recréer nos vies. Viens Esprit Saint, allume en nous ce feu de ton amour ! Amen.

Septième dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 1/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

            Nous voici plongés dans une drôle de période, entre deux fêtes, entre l’Ascension et la Pentecôte. Nous voici plongés dans la monotonie des dimanches ordinaires alors que nous avons célébré l’exaltation de la divinité du Christ avec la fête de l’Ascension et que nous allons célébrer la force irrésistible de l’Esprit avec la fête de la Pentecôte. Et c’et un peu comme notre vie de tous les jours. Nous connaissons parfois la joie, l’exaltation des grandes fêtes, mais nous sommes souvent plongés dans la monotonie de tous les jours. Et cet Evangile nous donne le mot-clef pour gérer cette période : c’est le mot « fidélité ». Mais qu’est-ce que cela veut dire : la fidélité ? Pour moi, la grande question qui se pose, comme prêtre, comme religieux, c’est de savoir quelle est la différence entre la fidélité et l’entêtement. Dans la vie religieuse, dans la liturgie, qu’est-ce qu’il faut garder ? La tonsure, l’habit religieux, la prière pendant la nuit ? Alors la question qui se pose est de savoir ce qu’il faut garder et qu’on peut lâcher. Ou, plus exactement, il faut discerner ce qui nous fait vivre et nous permet de rester fidèle au Christ. Il faut alors chercher dans les Ecritures ce qui pourrait nous éclairer. Justement, je pense que c’est cette période entre l’Ascension et la Pentecôte qui peut nous éclairer. Que font les apôtres ? Ils restent ensemble. Ils prient. Que font-ils ? Ils prient. Qui est avec eux ? La Vierge. Elle, la mère de Jésus, elle aurait pu crier, hurler de colère et de douleur parce que son Fils est mort, et que les apôtres, ces gredins, ont accompagné et suivi son fils sur le chemin révolutionnaire de miracles peut-être, mais aussi de paroles choquantes qui l’ont conduit à la mort. Et bien, non ! La Vierge est là, avec les apôtres, en prière. Et cela nous donne deux pistes de réflexion pour notre vie de fidélité. Tout d’abord, la prière, c’est-à-dire cette intimité avec Dieu. Oh ! Ce ne sont pas toujours des cris de joie et d’extase. C’est le plus souvent des paroles sans intérêt, mais qui peuvent exprimer la complicité qui existe entre Dieu et nous. Dans un couple, dans une famille, ce ne sont pas toujours des cris de joie, ni de grandes déclarations d’amour. C’est souvent tout simplement des paroles de tous les jours qui font que tu existes pour moi et que j’existe pour toi. La deuxième piste de réflexion me paraît être le désir de partager et de se retrouver. Certains se plaignent que nos églises sont vides. Moi, je dis, profitons-en pour approfondir et enrichir notre relation communautaire, osons rencontrer notre voisin, osons rencontrer Dieu à travers notre voisin. Il ne s’agit pas d’en faire un ami, il s’agit d’en faire un frère. Il ne s’agit pas d’être d’accord avec lui. Il s’agit de découvrir, grâce à lui, une autre manière d’aimer Dieu et d’être aimé par lui. Et c’est là sans doute l’attitude fondamentale de la Vierge et des apôtres : l’attente angoissée d’un signe de Dieu dans leur vie de tous les jours. Si Marie et les apôtres pont pue recevoir la grâce de l’Esprit saint à la Pentecôte, c’est parce qu’ils n’étaient ni amers ni déçus, ni assoupis ni indifférents. C’est parce qu’ils avaient infiniment soif de la présence de Dieu dans leur vie. Laissons donc notre cœur être bouleversé par l’angoisse de rencontrer Dieu dans notre vie de tous les jours, de le rencontrer dans les hommes et les femmes que nous rencontrons, parce que leur présence et leurs maladresses nous parlent de Dieu.

Pentecôte

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 24/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

« LA LOI NOUVELLE, C’EST LA GRÂCE DU SAINT-ESPRIT »

                                                (Saint Thomas d’Aquin)

Il est toujours enchanteur de voir comment Dieu réalise peu à peu son projet et comment donc les hommes sont conduits à convertir leurs idées religieuses.

LES TROIS GRANDES FÊTES DE LA NATURE

Depuis des temps immémoriaux, les peuplades du Proche-Orient rythmaient leur année par trois grandes fêtes religieuses.

En début d’année, à la première lune, les bergers nomades célébraient PESSAH (Pâque) : en cette nuit, ils partageaient un jeune agneau rôti avant de se disperser avec leurs troupeaux à la recherche des nouveaux pâturages. Les cultivateurs, eux, jetaient le vieux levain et pendant 8 jours mangeaient du pain non levé : FETE DES AZYMES.

Sept semaines plus tard, quand, après l’orge, le froment était fauché et rentré, on se réjouissait par la fête des moissons, ou SHAVOUÔT : FÊTE DES SEMAINES.

A la fin du temps des vendanges et de la récolte des fruits, pendant lequel les travailleurs logeaient sous tente ou dans des cabanes, on organisait 8 jours de festivités très joyeuses : FETE DE SOUKKÔT (cabanes). Tous rendaient grâce à Dieu (ou aux dieux) pour les bienfaits reçus en cette année et pour lui demander les pluies d’hiver.

---------   Ainsi les fêtes scandaient les rythmes de la nature dans l’éternel retour des saisons : il importait de s’attirer les bonnes grâces de la divinité afin d’être bénis par la fécondité des champs et la prospérité des troupeaux. Le rapport à Dieu veillait aux moyens de subsistance.

LES FÊTES DEVIENNENT DES SOUVENIRS D’HISTOIRE

Cas unique dans toute la région de Canaan, le petit peuple d’Israël va connaître un processus que l’on appelle « historicisation des fêtes » : celles-ci ne sont plus liées à la nature mais à l’histoire.

Dorénavant PESSAH et AZYMES marquent le souvenir de l’événement fondateur d’Israël : en effet la libération de l’esclavage et la sortie d’Egypte se sont déroulées la nuit du sacrifice de l’agneau, alors que l’on mangeait des pains non levés.

SHAVOUÔT – que la traduction grecque va appeler « pentecostès » (50ème), d’où le français PENTECÔTE - célèbre le moment solennel où, le 3ème mois après l’exode, les Hébreux se sont retrouvés au mont Sinaï où YHWH, Dieu unique, a fait Alliance avec eux en leur donnant sa Loi (Ex 19,1)

SOUKKÔT rappelle la longue marche d’Israël à travers le désert, quand on campait sous tentes, guidés par la Nuée de Dieu et nourris par la manne.

Ainsi les 3 festivités qui demandaient des biens matériels, célèbrent désormais la libération des hommes – le don de la Loi divine – le but de la vie qui est pèlerinage vers la terre de Dieu.

ECHEC DES FÊTES ET PROMESSE

Mais il ne suffit pas d’observer des rites à dates fixes : il faut impérativement mettre en pratique ce que les fêtes célèbrent. Et hélas, Israël est loin du compte ! L’un après l’autre, tous les prophètes critiquent les manquements graves, vitupèrent contre les injustices flagrantes : des dirigeants redeviennent des petits pharaons exploiteurs de leurs frères, des juges se laissent corrompre, des rois abusent de leur puissance, des nantis amassent des fortunes, le Décalogue est bafoué.

C’est pourquoi survient ce que les prophètes appellent un châtiment de Dieu : en – 587, Jérusalem est détruite, le temple incendié, la population déportée à Babylone. Les fêtes hypocrites n’ont pu empêcher le désastre. Est-ce la fin de l’aventure ?

C’est alors que, sur l’amas de ruines, deux voix vont relancer une espérance extraordinaire :

« Oracle du Seigneur : des jours viennent où je conclurai une NOUVELLE ALLIANCE. Elle sera différente de celle que j’ai conclue avec leurs pères. Je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, je les inscrirai dans leur être…Ils me connaîtront tous ; je pardonne leurs crimes…….. » (Jérémie 31, 31)

«Je ferai sur vous une aspersion d’eau pure…Je vous donnerai un cœur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf. J’enlèverai votre cœur de pierre et vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois » (Ezéchiel 36, 22-27)

Dieu ne rejette pas son peuple, il ne promet pas une autre Loi ou des prescriptions plus faciles à pratiquer. La même Loi ne sera plus écrite, lue, apprise, appliquée par effort humain : elle sera force intérieure capable de faire ce qu’elle sait.

Quand donc cette Loi nouvelle sera-t-elle promulguée ? Nul délai n’est précisé. Et les siècles passent

LA NOUVELLE ALLIANCE - LA PENTECÔTE

Jésus survient. D’abord il enseigne, il redit la Loi qu’il n’est pas venu abolir mais accomplir. Rebelles, excédés, les autorités décident de l’éliminer mais Jésus est conscient et il décide d’accepter la mort sur la croix précisément à la fête de PESSAH. En donnant à ses disciples, le pain azyme et la coupe, il leur révèle : « Ceci est mon corps…Ceci est le sang de la Nouvelle Alliance… ». Il est l’authentique agneau pascal qui ne libère pas d’un joug étranger mais de l’esclavage du péché.

50 jours plus tard, dit Luc, le jour même où Jérusalem fêtait la Pentecôte c.à.d. la gloire du Décalogue, le Souffle de l’Esprit allume dans les disciples le feu de l’amour. L’Esprit est souffle qui fait sortir, qui emporte hors de tout refuge et envoie à la rencontre des hommes ; il ne s’agit plus d’un texte écrit dans une langue particulière à traduire dans les autres langues. Chacun peut entendre car tout cœur attend l’amour. Le feu peut s’allumer dans le cœur de tout humain et va donc travailler à réunir les hommes de tous pays en une seule communauté.

L’Alliance Nouvelle est scellée, ouverte à quiconque reconnaît que la croix de Jésus lui offre le pardon de ses fautes et qui accepte désormais d’entrer dans sa communauté et de se laisser conduire par l’Esprit.

LA FÊTE HEBDOMADAIRE D’UN PEUPLE EN MARCHE

Et la 3ème fête, celle des TENTES ? Le peuple des disciples de Jésus se construit comme Temple nouveau bâti sur la pierre d’angle, le Christ. Et chaque dimanche, ce peuple se rassemble dans l’église, sa TENTE DE REUNION, pour célébrer PESSAH, manger l’hostie azyme, boire le vin de PENTECÔTE de la Nouvelle Alliance et en sortir en proclamant les Merveilles de Dieu.

Toute rencontre chrétienne, toute liturgie devrait offrir un spectacle étonnant – en tout cas qui devrait l’être si nous acceptions de ne plus être des résignés soumis à corvée, des croyants écrasés par une Loi écrite mais des hommes libres qui se laissent emporter par le Souffle de l’amour.

EVOLUTION DE LA RELIGION

Au début, l’homme conçoit Dieu comme une divinité tutélaire dont il implore les bienfaits (un Dieu « père Noël » qui doit donner des cadeaux, bénir les animaux, faire réussir aux examens).

La première conversion est d’écouter Dieu et de décider d’accomplir ses volontés.

La 2ème est d’écouter l’Evangile de Jésus et de vouloir être son disciple par la pratique.

La 3ème est de s’ouvrir au Souffle de l’Esprit qui créé la communion d’un peuple universel en pèlerinage vers la Maison du Père.

A la Pentecôte, tout est dit. L’Esprit-Saint est en nous, il nous conduit vers la Vérité tout entière, nous constitue témoins du Christ, nous rend cibles de critiques et de persécutions, nous comble de la joie parfaite que personne ne peut nous enlever.

Septième dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 17/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015


Ascension du Seigneur

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 14/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Lors des conférences Resurrexit données dans cette église ces derniers mardis, les frères Philippe et Dominique nous rappelaient cette évidence qu’il y a dans la vie deux certitudes. Celle qui veut que nous sommes nés, et celle qui veut que nous allons mourir.
Et il est vrai qu’il y a deux types d’épreuves fondamentales. Ce qui commence, é-clot, et ce qui se clôt, se termine et s’achève. Lorsqu’une histoire commence —qu’elle soit affective, professionnelle, familiale— il faut toujours s’adapter, il faut découvrir, accueillir ce qui vient. Mais lorsqu’une histoire s’achève, les choses ne sont pas plus évidentes.
Comme s’il y avait deux épreuves cruciales, existentielles : ce qui se commence et ce qui s’achève. Naître, c’est commencer à vivre, apparaître au monde. Mais vivre, c’est aussi apprendre à mourir, à s’effacer, à se retirer.

Et nous voici aujourd’hui devant une fin, comme une épreuve qui vient nous prouver comme chrétiens : les dernières lignes de l’Evangile de Marc. Peu importe si certains biblistes vous diront qu’il s’agit d’un ajout à la finale de Marc, nous sommes aujourd’hui en présence d’une histoire qui se termine, certes, mais comme un point d’orgue : à nous maintenant de maintenir vivant, de garder la tonalité de l’Evangile.

Le départ de Jésus —ce qu’on appelle symboliquement l’ascension— est une invitation à apprivoiser la vie, la nôtre. Vivre de manière responsable comme témoin de l’évangile, et non sous la dictée d’un Dieu qui interviendrait dans le monde. L’Ascension de Jésus nous donne bien une mission : être témoins du ressuscité en pleine liberté, par des gestes simples de bienveillance. Par l’événement de l’Ascensions, le Fils s'efface de notre monde pour nous laisser un nouvel espace, une réelle mission. Et il nous laisse les mains libres dans « une absence pleine de la présence de l'Esprit ». Le Christ s’invite ainsi en chacune et chacun de nous pour que nous conduisions plus librement encore nos vies.

Pour que nous prenions aussi un peu de recul… par rapport à nous-mêmes. Pour que nous devenions des être ascensionnels !

Pour être ascensionnel, il faut prendre de la hauteur sur sa vie.

Il s’agit de discerner l’essentiel, apprendre à lâcher prise, accepter de ne pas tout contrôler. Il est des moments de grâce dans la vie où le retrait, l'effacement nous permettent d’apprécier qui nous sommes, ce qui l'essence de notre existence. Cela nous demandera peut-être de la patience et d’accepter de passer à autre chose dans notre propre chemin.
Pour être ascensionnel, il ne s'agit donc en rien de se nier, de s’effacer, mais voir dans notre histoire —et celle de ceux qui nous entourent— les signes d’un relèvement toujours possible. Les signes sont ainsi pour nous, non des déclencheurs de la foi, mais des effets de notre confiance en la vie.

Et voici les signes, nous dit Marc, qui accompagnent ceux qui se risquent à croire.

1. « ils expulseront les démons, les possédés » ;

les disciples du ressuscité, vous et moi, avons pour mission première de chasser ce qui possède l’humain, ce qui l’aliène, ce qui le dépossède de lui-même. Remettre de l’humanité dans un monde déshumanisé, voilà la mission première, qui fait que nous devons

2. parler en langues nouvelles ;

les disciples du ressuscité ont sans cesse à inventer des nouveaux chemins, à explorer de nouvelles manières d’entrer en relation, de s’adresser à l’humain. Quitter la langue de buis ! Pour cela, pour apprendre la langue de l’autre, son altérité, il faut s’aventurer et…

3. prendre des serpents dans nos mains

plutôt que de fuir, les disciples du ressuscité ne doivent pas avoir peur d’affronter ce qui fâche, les défis, pour que

4. nous imposions les mains aux malades, et que les malades s’en trouvent bien. »

Voilà le critère ultime des disciples du ressuscité : la bienveillance.

Notre monde, selon l’expression de Charles Taylor, est « un monde de contrôle et de surveillance ». Mais le monde nouveau que nous avons à créer est un monde de lâcher prise, et de bienveillance.

Dès lors, si grâce à l’Evangile et cette mission qui nous est confiée, toutes nos épreuves qui commencent et se terminent peuvent devenir des occasions de fécondité, alors nous serons des témoins véridiques, des êtres travaillés de l’intérieur, des êtres ascensionnels, capables d’embraser le monde par des gestes de douceur et de bienveillance. Amen.

Ascension du Seigneur

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 14/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Il y a deux aspects dans cette ascension que nous célébrons :

- Un aspect heureux : Le Christ monte dans les cieux. Avec son humanité

ressuscitée, il participe à la vie de Dieu. Comme dit le Credo : il est assis à la droite du Père.

- Un aspect malheureux ou du moins douloureux accompagne ce fait : il s’agit d’un départ. Les apôtres perdent Jésus de vue. Celui-ci échappe à leurs regards ;

Ces deux volets ouvrent sur une perspective : dans l’attente du retour de Jésus, il va falloir vivre et s’organiser…

Je reprends le premier point : la glorification de Jésus. Quand on aime quelqu’un on s’intéresse à ce qui lui arrive personnellement et pas seulement aux conséquences qui en découlent pour soi.

Le Christ entre dans la vie de Dieu. Il atteint la perfection de la vie. La nuée lumineuse qui le masque à nos regards rappelle l’Exode et la présence de Dieu. C’est parce que le Christ est comme happé par le Dieu vivant, qu’il n’est plus possible de le voir. Impossible de voir Dieu sans mourir… Cette nuée fait écran parce que la gloire du Christ est incompatible avec notre condition historique. D’une certaine manière la nuée nous protège de la manifestation totale du Christ glorifié, manifestation qui ferait éclater notre condition présente dans l’espace et dans le temps. « Jésus ne saurait se rendre visible tel qu’il est réellement sans détruire le monde présent qui est encore celui de la mort ; Nous ne connaîtrons pleinement le monde de la résurrection qu’au jour de la parousie, à la fin de l’histoire ».

L’épître aux hébreux parle en images : « A travers le voile, c’est-à-dire dans sa chair, Jésus a inauguré une voie nouvelle et vivante » (He 10,19). « Une voie nouvelle et vivante », c’est le langage de l’alpinisme, pas étonnant pour une « ascension » !

Imaginez l’humanité bloquée dans la paroi, inexpérimentée, ne sachant par où passer, ne pouvant ni reculer, ni avancer : des hommes perdus ! Un guide les rejoint, il prend la tête, il les précède au sommet ! C’est gagné, ils sont sauvés !

Les conséquences pour nous, les voici :

L’impasse de l’existence humaine a sauté.

L’esclavage de la chair et de la mort est aboli.

La peur est détrônée par la confiance.

Le Non-Sens cède à l’Espérance.

« Une voie nouvelle est ouverte vers la Vie » !

Tout cela se dit bien sûr à travers des images et si vous préférez l’univers marin à celui de la montagne, on peut essayer ! Suivant l’épître aux hébreux « notre espérance est pour nous comme une ancre de l’âme, bien fermement fixée, qui pénètre au delà du voile, là où est entré pour nous en précurseur, Jésus, devenu grand prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech (He 6,18).

Ici l’image maritime se mêle à l’image du Temple et la seconde image vient heureusement corriger la première car si l’ancre permet de tenir, il faut éviter de la rejoindre au fond… Le voile du Temple, lui, peut en revanche être franchi pour accéder au « Saint des Saints », en la présence de Dieu

Vous l’avez compris, l’Ascension de Jésus ne correspond pas tout à fait à un départ en fusée Ariane ou en hélicoptère… Il y a là tout un monde symbolique qu’il faut savoir considérer comme tel et analyser si l’on ne veut pas en rester à la simple matérialité des faits rapportés. Leur représentation naïve a certes nourri la foi des chrétiens pendant des siècles mais le concile Vatican II nous appelle bien à considérer « les genres littéraires ». Il est clair qu’ici l’ascension du prophète Elie a fourni un modèle pour notre récit. Rappelez-vous : Elie traverse le Jourdain. Il passe à travers les eaux, symboles de la mort. Comme Elisée lui demandait une double part de son esprit, il lui répond qu’il ne peut l’en assurer mais que, si Elisée le voit quand il sera emporté au ciel, il le recevra. Elisée voit Elie dans son Ascension, il reçoit l’Esprit de prophétie. De même, les apôtres voient Jésus monter au ciel et ils vont recevoir l’Esprit Saint à la Pentecôte.

Je voudrais maintenant insister sur mon deuxième point, le départ de Jésus avec tout ce qu’il signifie pour ses amis.

La parole des anges est claire : la relation au Ressuscité doit entrer dans une phase nouvelle. Le Christ est désormais absent physiquement. En termes psychologiques, il faut que les disciples fassent un travail de deuil, qu’ils aillent retrouver leurs activités. C’est net, il faut qu’ils se débrouillent tout comme s’ils étaient seuls, qu’ils fassent preuve d’initiative et de responsabilité. « Livrés à eux-mêmes » comme on dit, ils ont perdu le guide qui marchait devant eux ; Il n’est plus possible d’écouter ses paroles ni de suivre ses pas. La relation au Ressuscité doit se vivre dans la foi, sans le support de la vue. Elle ne se vit plus dans l’évidence ni dans l’extériorité mais dans l’intériorité de l’intuition.

L’Ascension de Jésus est placée entre la Mort-Résurrection et l’envoi de l’Esprit. Celui-ci est vivement attendu, on ressent très fortement le manque qu’il va combler.

J’ai dit qu’il s’agit d’un départ. Jésus est perdu de vue. « Perdu », oui ; et j’ai parlé d’un deuil. Structurellement, pour nous, l’ascension fonctionne comme le Vendredi Saint. Elle crée une rupture, une séparation. Cette séparation n’est pas ici le fait du refus des hommes et de leur cruauté. Elle fait partie du projet de Dieu ! Elle correspond à son accomplissement plénier.

La Pentecôte viendra combler le vide qui s’est créé, comme la Résurrection qui répondait à la déroute du Vendredi Saint. Mais on ne revient jamais à la situation antérieure, chaque fois un pas important est franchi. Dans l’Ascension, c’est le guide extérieur qui disparaît pour toujours et c’est un guide intérieur que la Pentecôte va communiquer. Ce guide intérieur rendra actifs, personnalisera les apôtres et leur permettra de s’organiser. Il fera d’eux des disciples pleinement adultes dans leur foi, et intimement liés entre eux.

Il est clair que l’événement pascal n’est qu’un seul et unique mystère, une seule et même réalité que l’on approche par étapes sous différents aspects. L’évangéliste Luc diffracte cet unique événement en différentes étapes : la mort de Jésus et son départ, le don du dernier souffle et celui de l’Esprit. Dans le quatrième évangile tout a lieu pratiquement au même moment « Ne me retiens pas, car je monte vers mon père et votre père… ». Chaque évangéliste en parle différemment pour nous faire comprendre à sa manière ce qu’il a perçu.

Le Crucifié est le premier-né d’entre les morts. Il nous précède auprès du Père. Son départ et le don de l’Esprit font naître l’Eglise à toutes ses responsabilités dans une impressionnante autonomie. Le départ de Jésus nous appelle à être adultes. «  Il vous est bon que je m’en aille ».

 

Septième dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 1/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

LA PRIERE SOLENNELLE DE JESUS POUR NOUS

Chaque année, au 7ème dimanche après Pâques, celui qui est inséré entre l’Ascension et la Pentecôte, nous lisons un extrait du chapitre 17 de s. Jean.

Commencée par le geste stupéfiant du lavement des pieds, poursuivie par l’ultime enseignement de Jésus, scandée par la promesse de l’Esprit, la dernière soirée de Jésus avec ses disciples se clôture par sa grande et solennelle prière. En effet tout de suite après, Jésus se rendra au jardin des Oliviers où la passion commencera.

Après avoir tout donné aux siens et leur avoir révélé tous les secrets de Dieu, connaissant la fragilité de ces pauvres hommes et la dureté des épreuves qui les attendent, Jésus se tourne vers son Père. De même tous nos services et nos dévouements, nos prédications et nos catéchèses doivent être conclus par la prière : nous remettons tout entre les mains du Père pour lui rendre grâce et lui confier l’aboutissement de nos projets

PRIERE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS

A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, les yeux levés au ciel, il priait ainsi :

« ………………   Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte - de sorte que l’Écriture soit accomplie.

Si dur est notre égoïsme et si disparates nos différences que tous les liens que nous tissons entre nous demeurent d’une fragilité extrême : appartenir à la même nation, être collègues dans la même entreprise, même être époux engagés dans le mariage, tout cela n’épargne pas les déchirures et les divorces. Même se considérer comme disciples de Jésus n’empêche pas les affrontements et les ruptures.

Or Jésus veut la paix et c’est pour réaliser la communion des siens qu’il est venu sur terre, qu’il a guéri les malades et enseigné les foules et que maintenant il va accepter de donner sa vie sur la croix.

La grande révélation qu’il a donnée aux disciples et par laquelle il les a « gardés unis autour de lui », c’est celle d’un Dieu qui est véritablement leur Père. Nul rabbin à cette époque n’avait appris à ses disciples à s’adresser à Dieu de cette manière : « Notre Père aux cieux ».

Des amis peuvent se quitter, des camarades rompre tous liens mais si des frères et des sœurs en viennent à se détester, il reste qu’ils demeurent des enfants des mêmes parents.

On a fait chanter aux masses « Camarades, unissons-nous » et l’idéal s’est effondré. Seul le « Notre Père » accueilli, prié, médité, chanté fonde la fraternité : ceux qui le répètent peuvent bien confesser leur foi avec des mots différents et célébrer des liturgies par des rites originaux, ils demeurent issus du même Père, ils partagent sa vie, ils chantent sa même Gloire.

Cependant un disciple a quitté le groupe : mystère de ce Judas dont seul Jean essaie d’expliquer la défection : « Il était voleur et, chargé de la bourse commune, il dérobait ce qu’on y déposait » (13, 6). On n’a jamais autant dénoncé le pouvoir fascinant et idolâtrique de l’argent : son amour peut inciter à trahir, à dénoncer son maître et à l’envoyer à la mort. Et quel avertissement dans notre société où l’on recommence à adorer le veau d’or !

LA REVELATION COMBLE DE JOIE

Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés.

Au moment où il quitte les siens, Jésus répète ce qu’il avait déjà dit au centre de la parabole de la vigne : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (15, 11).

L’enseignement de Jésus est une infinie source de joie et en recevoir la révélation doit faire de nous des témoins heureux. Dans un monde qui court de l’avant en oubliant les abîmes qu’il frôle, qui bavarde dans tous les médias et les réseaux sociaux sans jamais dire l’essentiel et en laissant les cœurs vides et les intelligences perplexes, sommes-nous vraiment heureux de savoir que nous sommes les créatures bénies de Dieu, que son Fils Jésus nous a dit la vérité qui nous échappait, qu’il a offert sa vie pour nous pardonner, qu’il est ressuscité pour nous conduire à la Maison du Père ?

Quelle tristesse ces messes où il semble que l’on ne dit rien d’heureux, de béatifique, où la joie ne jaillit jamais et dont on sort avec une mine d’enterrement (pape François)

SOUMIS A LA HAINE DANS LE MONDE

Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde.

Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais.

Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde.

La foi en Jésus, l’appartenance à sa communauté, l’existence selon l’Evangile ne sont pas choses anodines, opinions curieuses à côté d’autres, options d’âmes crédules dont on sourit gentiment. Il s’agit d’un choix qui dénonce la cupidité et l’indifférence et s’oppose de front au monde du mensonge : il éveille donc sa « haine ». Il est normal pour un chrétien de n’être pas bien vu par son entourage, d’être objet de sarcasmes et de dérision, de subir des critiques même au sein de sa famille.

Dans la dernière partie du discours d’adieu qui précède cette prière ultime, Jésus a longuement averti ses disciples sur le sort qui les attendait. La vie chrétienne n’est pas un long fleuve tranquille, elle n’est paisible et honorée que si elle s’édulcore au point d’être méconnaissable. « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui lui appartient mais vous n’êtes pas de ce monde, je vous ai mis à part et voilà pourquoi le monde vous hait… » (15, 18…)

Toutefois les disciples n’ont pas le droit de sortir de ce monde : au contraire ils sont envoyés en son cœur et ils ont à l’aimer comme Dieu : «  Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique…non pour condamner le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui » (3, 16). Ambigüité de ce monde créé et aimé…mais qui tue les envoyés de Dieu qui comme fils, vont dans le monde pour lui apporter le salut au prix de leurs blessures et de leur sang répandu.

LA VÉRITÉ QUI SANCTIFIE

Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité.

De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les envoie dans le monde.

Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité.

Passage important mais difficile.

« Sanctifier » signifie « rendre saint », c.à.d. autre, séparé. Jésus demande à son Père que ses disciples ne soient pas atteints par l’esprit mondain mais soient fidèles à la Parole de Dieu, transfigurés par la vérité.

Dans ce but, « il se sanctifie » c.à.d. il consent à perdre toute apparence, à se livrer, à se laisser dépouiller par ses ennemis, à marcher vers la mort, à accepter la croix. Ce qui va apparaître comme son échec, sa défaite, sera au contraire la révélation de la «vérité » : saint Jean ne parlera jamais de « la Passion » mais de l’ « Elévation », de la « Glorification » de Jésus. Accueillant l’Amour par la croix, voyant en la mort de Jésus « que tout est accompli » du Dessein du Père, les disciples seront ce qu’ils doivent devenir : sanctifiés, divinisés par « la Vérité ».

D’où au centre, la notion d’ « envoi ». Jésus a toujours vécu sa vie non comme un laps de temps sur terre, mais comme « un envoi », une mission à remplir. Maintenant qu’il l’achève et que ses disciples enfin convertis sont « sanctifiés » par sa Pâque, il les envoie afin qu’ils prolongent cette mission de glorifier Jésus, de révéler le nom du Père, de faire que les hommes portés à la division soient UN.

En cette ultime semaine qui nous conduit à la Pentecôte, nous méditons longuement cette prière, nous la relisons in extenso et nous sommes remplis de joie : portés par la prière que Jésus ne cesse de faire pour nous, nous attendons l’Esprit qui nous sanctifiera toujours davantage.

Sixième dimanche de Pâques

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 11/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

« Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. » L’amour, dans l’évangile, ne se présente pas comme un sentiment. Je répète car, à force de l’entendre, nous ne l’entendons plus : l’amour n’est pas un sentiment. C’est un commandement. « Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. » Jésus nous commande ce qui, dans le langage courant, « ne se commande pas ». Si nous pensons que l’amour est de l’ordre du ressenti, nous ne pouvons pas comprendre ce que Jésus nous dit.

Les sentiments, c’est important. Mais la volonté, c’est important aussi. Et pour aimer,  il ne suffit pas toujours d’avoir du sentiment, il faut souvent le vouloir, et le vouloir intelligemment. Dans le monde culturel où nous vivons, il me semble qu’il y a là un point de clivage, une particularité qui mérite que l’on en prenne conscience. Quand les chrétiens parlent de l’amour, ils n’entendent peut-être pas la même chose que ce que l’on entend dans les émissions de variétés à la télévision. Vous connaissez ces phrases irresponsables : « je t’aimais, c’était bien, je ne t’aime plus, c’est ainsi… il faut être sincère, il faut accepter ce qui est ». Non ! Dire « je t’aime », pour nous, c’est une décision. On peut aller jusqu’à aimer son ennemi. Et ceci est d’une extrême lucidité car l’expérience nous l’apprend, le plus proche, ou la plus proche, peut parfois être perçu comme l’ennemi.
On le voit, la confusion est totale, entre ce que le mot amour signifie pour certains et ce que le mot amour peut signifier pour nous. Et je pense qu’il en est de même pour le mot « Dieu ». Jésus a été exécuté au nom de Dieu. Il nous avertit : « certains vous tueront en pensant rendre un culte à Dieu ». Le mot Dieu, comme le mot amour, sont des mots qui ont beaucoup souffert, et c’est normal puisque « Dieu est amour ». Il s’agit du même et unique mystère. Devant le mot Dieu comme devant le mot amour, nous pouvons nous poser bien des questions. Et finalement, nous pouvons reconnaître notre ignorance : nous ne savons pas ce dont il s’agit. Nous avons grand besoin d’une révélation.
« Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Comme je vous ai aimés… Tout est là. Il ne s’agit pas d’un enseignement théorique, il ne s’agit pas non plus de travaux pratiques. Jésus n’est pas un enseignant. Il est un initiateur. Il nous introduit dans une connaissance pratique, qui part de son exemple concret et d’une expérience partagée.
Il nous a choisis. Cela suppose une décision, un engagement. Cet engagement est d’abord le sien : « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis ». Saint Paul dira qu’il a fait le premier pas. Il a pris l’initiative, il nous a aimés alors que nous n’étions pas aimables du tout. En réciprocité, il nous est demandé d’aimer, comme il nous le commande, c’est à dire d’aimer comme il nous a aimés.
En entrant dans cette dynamique, dans ce mystère et dans cette expérience nouvelle, nous serons ses amis. Non pas des serviteurs, car s’il nous a choisis, il nous a choisis comme amis. Il nous considère comme ses amis. Il souhaite que nous soyons ses amis, dans une réciprocité qu’il peut souhaiter, mais qu’il ne peut pas imposer.
Il peut nous montrer la voie : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Il le dit et il le fait. Il peut nous encourager « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. ». Il peut nous rassurer : tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. »

Aimer, c’est donc tout un art, et cela s’apprend. On peut le faire avec effort, puis avec goût et finalement y trouver la joie. Le sentiment n’est pas nécessairement présent au tout début. Il y a des moments où il faut s’accrocher, où il faut le vouloir, où il faut tenir dans l’adversité. Et puis cela vient plus simplement, comme allant de soi, comme une seconde nature, comme une passion et même comme une résurrection.

Aimer c’est tout un art, et cela n’est pas facultatif. Nous sommes faits pour aimer. « Celui qui aime connaît Dieu » : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. ».

Sixième dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 1/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

LA GLOIRE DE MON PÈRE

Au centre du grand discours d’adieu de Jésus à ses disciples (Jn 13 à 17), la parabole de la Vigne se déploie en deux volets dont le premier a été lu dimanche passé. Entre les deux, trois versets font office de charnière et résument l’essentiel :

« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.

Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour,

comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.

Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.

A la source de son être, Jésus a toujours su qu’il provenait de l’amour que Dieu son Père donnait à son Fils et cet amour, il l’a intégralement reversé sur ses disciples. En vivant avec lui et surtout après la croix et la résurrection, ils ont compris qu’ils étaient divinement aimés. Dieu n’était plus un vague concept, une puissance lointaine, un despote sourcilleux dont il fallait mériter les bonnes grâces. L’homme n’était plus quelqu’un qui cherche Dieu à tâtons mais quelqu’un qui est regardé, trouvé et aimé par lui.

La foi, c’est d’abord reconnaître que l’on est inconditionnellement accepté. Elle est donc louange.

Mais l’homme, toujours tenté par l’orgueil de se construire lui-même, doit demeurer dans ce don, répondre à cet amour en agissant. « SI vous gardez… » : l’amour de Dieu n’est pas acquis une fois pour toutes et notre liberté doit lui répondre en vivant selon les commandements de Jésus, en s’appliquant à conduire sa vie selon l’Evangile.

Confession de foi et baptême, pratique liturgique et moralité sont toujours à vérifier (« trouvés vrais ») par l’enseignement et la Pâque de Jésus, sinon le croyant se leurre sur ce qu’il est.

LA JOIE INALTERABLE

Et tout à coup, au cœur du message, apparaît le grand mot : JOIE.

On a parfois critiqué Jésus qui, dans les évangiles, est bouleversé, assoiffé, en larmes mais qui ne rit jamais. Or il est évident qu’il a dû souvent s’amuser en remarquant notre balourdise et nos mesquineries (Nous sommes souvent des comiques !). Mais surtout il a connu l’exultation de tout son être, la plénitude de son accomplissement parce qu’il vivait dans la communion jamais interrompue du Fils avec son Père : la joie parfaite.

En parlant à ses disciples, en leur révélant la Vérité de Dieu et son projet dans lequel ils sont maintenant investis, il leur communique cette joie profonde qui est la sienne.

Lorsque la foi accueille la révélation de Jésus, lorsqu’elle s’engage à la vivre, elle comprend enfin ce que signifie « la Bonne Nouvelle ». L’Evangile n’est plus un code qui culpabilise, la messe n’est plus une routine suivie avec ennui, la morale n’est plus un joug écrasant.

2e VOLET DE LA PARABOLE : PORTER DU FRUIT.

Le premier volet de la parabole insistait sur la nécessité pour tout sarment de « demeurer » sur la vigne, de rester accroché à Jésus. En effet comment une branche peut-elle fructifier si elle n’est pas sans cesse irriguée par la sève venant du tronc ? Comment un fleuve peut-il subsister s’il se coupe de sa source ? Chaque fois que l’Eglise a voulu faire selon ses idées, elle s’est trompée : elle a cherché sa gloire plutôt que celle de Dieu.

Soudés au cep, pleins de la vitalité qui vient de Jésus et de sa Pâque, les sarments, les vrais croyants, peuvent alors donner du fruit en pratiquant ce qui est finalement le seul commandement de Jésus :

Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.

Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.

Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ;

je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître..

Jésus avait déjà énoncé cet impératif alors qu’il venait de laver les pieds de ses disciples : « Ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi…Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés…» (13, 15.34). S’il n’est que sympathie, attrait, mouvement sentimental, l’amour ne peut être commandé mais ici il s’agit d’un don divin manifesté clairement en Jésus : demeurer-avec, aller jusqu’à donner sa vie s’il le faut.

Pour trop de chrétiens, le message évangélique est devenu un héritage mal connu, un tas de croyances obscures et de pratiques désuètes, une religion parmi d’autres, une tradition dont on se débarrasse allègrement. Or ce que Jésus nous a fait connaître, la Bonne Nouvelle, est quelque chose d’extraordinaire : la croire dévaluée par la modernité est imbécile !

L’entendre et l’accueillir bouleversaient les apôtres : il n’y avait plus de révélations supplémentaires à attendre. Par la foi, on devenait « amis de Jésus », partageant la Lumière divine autant qu’il est possible sur terre, et l’Esprit les faisait accéder à la Vérité tout entière (16, 13). Quelle honte d’être accoutumés à une foi pour laquelle tant de nos frères sont en train de donner leur vie !

Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis,

afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure

Apparemment nous cherchons à connaître le Christ et nous le découvrons : en fait c’est Lui qui nous cherche et nous choisit. Non pour nous récompenser et nous transformer en élite mais pour un but, pour un élan de vie à réaliser. Remarquez l’enchaînement en 5 étapes: il nous choisit – il nous établit dans la communauté – afin que nous allions de l’avant – que nous nous aimions les uns les autres – et que cette œuvre subsiste, tienne bon, persévère. Belle description de la vie chrétienne.

LA PRIERE INDISPENSABLE

Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.

Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres.

Le second volet de la parabole, comme le premier, mentionne le recours nécessaire à la prière mais celle-ci doit être faite « au nom de Jésus » c.à.d. en tant que « sarment de la vigne », ami de Jésus, décidé à porter toujours plus de fruit (charité fraternelle) et à proclamer la Gloire du Père. Prier pour croire plus, pour aimer davantage est toujours exaucé.

Et la section se termine comme elle a débuté : le projet de Dieu est que son Fils, par l’entremise des croyants qui demeurent en lui, porte toujours plus de fruit et ce fruit ne peut être que la communion des croyants. « Voyez comme ils s’aiment » disait-on des premiers chrétiens. Sans cela nos « œuvres » ne sont que celles d’une O.N.G. et l’Eglise une organisation humanitaire, dit le pape François.

LA PAROISSE

Si la Vigne du Père désigne la communion universelle des croyants, elle se concrétise au premier chef dans chaque petite communauté locale. Ainsi la paroisse apparaît comme la communion réelle des personnes qui, en tel lieu, rayonnent de la joie parfaite. Initiés à toute la révélation que Jésus leur a donnée, conscients d’être ensemble comme des prolongements du Christ et qui demeurent en lui, décidés à se connaître, à vivre solidaires, à s’aimer les uns les autres.

L’Eucharistie du dimanche est le haut lieu où la Vigne apparaît et renforce sa foi et son amour. Joyeux de partager la Coupe du Christ, les fidèles goûtent le vin de la joie, le bonheur d’être aimé, la possibilité de surmonter toute division. Leur fruit demeure «  pour la Gloire de Dieu le Père ». Amen.

Cinquième dimanche de Pâques

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 5/04/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Cinquième dimanche de Pâques

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 3/05/15
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

JESUS EN EXTENSION DANS L’HISTOIRE 

Mieux que des discours théologiques, les images bibliques et les paraboles de Jésus nous font pénétrer au sein du mystère d’amour dans lequel nous sommes invités à vivre. Mieux encore que celle du Bon Berger, la parabole de la Vigne, méditée en ces deux dimanches, nous révèle comment la Pentecôte réalise Pâques, comment la Vie plantée sur la croix se prolonge en nous.

LA VIGNE DE DIEU DANS ISAÏE 

A l’origine, c’est Israël qui se présente comme la « vigne de Dieu » c.à.d. le peuple que Dieu aime particulièrement et avec lequel il a fait Alliance. Cette élection n’est pas un privilège arbitraire mais un choix qui oblige : ce peuple est appelé à pratiquer la Loi de Dieu, à vivre selon le droit et la justice, à se démarquer ainsi des nations voisines. Alors il sera la vigne qui donne le fruit que son Dieu exige.

Hélas il n’en va pas ainsi et le prophète Isaïe transmet la colère de Dieu : « « La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël…Il en attendait le droit et c’est l’injustice ; il en attendait la justice et il ne trouve que les cris des malheureux » (Isaïe 5, 7)

Certes on avait construit un temple magnifique à Jérusalem et on y célébrait des liturgies fastueuses en offrant des sacrifices généreux. Mais la piété ne peut remplacer la pitié envers les malheureux, le culte sans justice sociale est hypocrite, sans valeur. « Que me fait la multitude de vos sacrifices ? dit le Seigneur…Cessez d’apporter de vaines offrandes…Je n’en puis plus des forfaits et des fêtes. Vos solennités, je les déteste…Vous avez beau multiplier les prières, je n’écoute pas car vos mains sont pleines de sang… » (Isaïe 1, 11-15)

DANS LES SYNOPTIQUES

Dans les évangiles synoptiques, Jésus reprend l’image de la vigne dans une de ses plus virulentes paraboles où il dénonce la fourberie des responsables et dirigeants qui n’ont jamais accepté de se convertir aux appels des prophètes et qui maintenant se préparent à mettre à mort l’ultime envoyé, le Fils même de Dieu. La conclusion tombe comme une menace terrible : « Que fera le maître de la vigne ? Il viendra, il fera périr les vignerons et confiera la vigne à d’autres » (Matt 21, 33 ; Mc 12, 1 ; Luc 20, 9).

DANS JEAN

Enfin chez saint Jean, l’image de la vigne connaît son aboutissement plénier : la vigne n’est plus une nation, un territoire mais Quelqu’un. Son succès n’est plus menacé mais assuré et plantureux.

A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples :

« Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.

Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ;

Tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage.

Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite.

Demeurez en moi, comme moi en vous.

De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.

Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments.

Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.

Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent.

Extraordinaire révélation : la pauvre victime sanguinolente qui, au Golgotha sordide, se tordait en hurlant sur le bois de la croix est devenue la vraie Vigne vivante et féconde. L’exécution par les hommes était la plantation de Dieu. Car Jésus, quoi que disent beaucoup, n’est pas un prophète assassiné, un sage incompris, un révolutionnaire en échec mais le Fils qui offre à son Père le fruit excellent qu’il attendait : l’amour infini.

Ressuscité, il n’est pas un sage dont on rappelle les enseignements, un martyr dont on plaint les souffrances, un fondateur d’une organisation dont il faut observer les règlements: il est comme un Cep qui, planté dans le cœur de Dieu, n’en finira jamais de déployer ses sarments.

Car les siens ne sont pas uniquement ses élèves, ses admirateurs, ses fans, des crédules inscrits dans un registre mais ils sont comme ses extensions, ses prolongements animés du même Esprit, comme les sarments d’une seule et même Vigne qui se transmettent la sève de l’Esprit les uns aux autres.

Oui, nous nous portons les uns les autres : par le canal de combien de croyants avons-nous reçu la Parole de Jésus et la sève de l’Esprit ? Et quels efforts faisons-nous pour que la vigne poursuive sa croissance, conquière d’autres cœurs, fasse reculer le mal et instille dans la société davantage de droit et de justice ? Les arbres généalogiques sont ridicules de vanité à côté de la Vigne éternelle où nous venons de Jésus à travers saint Augustin et Jean-Sébastien Bach, Vincent de Paul et Rembrandt, le père Damien et Maximilien Kolbe. Cette vision cosmique du « Christ total » devrait nous guérir d’une conception mesquine de l’Eglise, d’un embourbement dans le taillis des rivalités.

Encore faut-il que le sarment « demeure » sur le cep et qu’il fructifie de la même façon que celui-ci. Cela ne se fera pas sans douleurs mais, dans ses souffrances, le sarment reconnaîtra la main du Père qui l’émonde. La Parole de Jésus « purifie le sarment », l’Evangile taille dans nos prétentions égoïstes, dans nos recherches vaniteuses, dans les soucis du qu’en dira-ton afin que nous soyons focalisés sur un seul but : porter le fruit que Dieu demande.

Si le sarment refuse et ne fructifie pas, s’il en reste à une croyance superficielle, à un culte inefficace, à une piété stérile, alors le Père le coupe et le détache du Fils comme un sarment inutile. Et que faire des sarments stériles sinon les jeter au feu ? Relisons Isaïe ci-dessus.

« Demeurer en Jésus » est l’expression qui parcourt tout le texte car, affirme Jésus « en dehors de moi vous ne pouvez rien faire » et l’histoire récente en est comme la confirmation. En 1917, l’Internationale des prolétaires devait être le genre humain libéré des dictatures, des injustices et de l’aliénation religieuse : elle a organisé l’archipel du goulag où ont péri des dizaines de millions de victimes. En 1935, les foules immenses de la jeunesse allemande, blonde et aryenne, défilaient au pas de l’oie et le bras tendu, hypnotisées par le Guide halluciné et se dirigeaient, aveugles, vers les carnages, les ruines et la barbarie d’Auschwitz. Aujourd’hui notre société, elle aussi, s’est débarrassée de Dieu et promet le bonheur par la hausse du niveau de vie : elle poursuit sa course, sourde aux avertissements de prophètes qui lui annoncent qu’elle se dirige droit dans le mur.

Refuser le Feu de l’amour de l’Evangile, c’est se diriger vers le feu destructeur.

LA PRIERE

Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples ».

Ce lien au Christ, cette volonté de le prolonger avec fidélité dans la communion des sarments est une œuvre difficile qui dépasse les forces humaines. Ce n’est pas pour rien que la parabole se termine par le recours à la prière : « Demandez ». Non certes afin d’obtenir ce dont nous avons envie. La demande du sarment ne peut être que celle qui implore la fidélité, la confiance, un amour plus grand du Christ et de ses membres. Un seul objectif compte : chercher la Gloire du Père.

Mais au fait que signifie précisément « porter du fruit » ? La seconde partie de la parabole nous le dira dimanche prochain.