26e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

INSTRUCTIONS BRÈVES MAIS RICHES

Nous poursuivons la lecture du petit enseignement que Jésus donne, en privé, aux Douze Apôtres. Choqué par leurs chamailleries à propos de l'ordre de préséances entre eux, il les a d'abord rappelés à l'humilité : le premier doit être « le dernier et le serviteur de tous ». Les recommandations suivantes sont brèves, bien dans le style nerveux de Marc, mais chacune serait à développer, surtout par les responsables de communautés mais aussi par tous : il s'agit du style de notre témoignage.

1. Jean dit à Jésus : «  Maître, nous avons quelqu'un chasser des esprits mauvais en ton Nom ; nous avons voulu l'en empêcher car il n'est pas de ceux qui nous suivent ».
Jésus répondit : «  Ne l'empêchez pas car celui qui fait un miracle en mon Nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n'est pas contre nous est pour nous ».
Pour Jésus, les apôtres n'ont pas le monopole de  la bienfaisance et un guérisseur qui n'est pas son disciple peut utiliser son nom et travailler dans son esprit : donc il ne le critique pas. La force thérapeutique de Jésus dépasse les frontières de l'Eglise. L'important est de lutter contre le mal, de libérer l'homme : tout progrès en ce sens est à encourager, sans que l'on doive enquêter sur la foi ou la non-foi du soignant. Tout ce qui est évangélique ne porte pas toujours l'étiquette « chrétienne » ni encore moins « catholique » ! Réjouissons-nous de toute victoire pour la libération de l'homme.

2. Et celui qui vous donnera un verre d'eau au nom de votre appartenance au Christ,
amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.
Beaucoup d'hommes ne se convertiront pas à la prédication des apôtres mais, avec bon c½ur, ils seront disposés à les désaltérer, à leur rendre service, à leur venir en aide. Nous le constatons encore : tous n'entrent pas dans l'Eglise mais ils sont bienveillants, ouverts, généreux : cette attitude peut être pour eux un chemin de salut car la foi est plus qu'un credo récité.

3. Celui qui entraînera la chute d'un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui
qu'on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes et qu'on le jette à la mer.
On a rarement souligné à ce point la valeur extraordinaire de la foi. Jouer à l'esprit fort et faire pression sur un croyant afin qu'il se détourne du Christ, ou avoir une attitude scandaleuse qui choque le croyant et lui fait perdre la foi, ce sont là des comportements d'une extrême gravité qui conduisent ceux qui les adoptent à la mort. Si la sentence paraît dure, c'est peut-être parce que nous ne comprenons pas à quel point l'Evangile apporte vraiment la Vie à la personne humaine.

4. Et si ta main t'entraîne au péché, coupe-la : il vaut mieux entrer manchot dans la Vie éternelle que d'être jeté avec tes deux mains dans la géhenne.
Si ton pied t'entraîne au péché, coupe-le : il vaut mieux entrer estropié dans la Vie éternelle que d'être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne.
Si ton ½il t'entraîne au péché, arrache-le : il vaut mieux entrer borgne dans le Royaume de Dieu que d'être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s'éteint pas.
Certes ce langage est imagé, hyperbolique mais l'insistance de cette triple déclaration souligne à nouveau, et de la manière la plus forte, l'incomparable valeur de la foi au Christ. Celle-ci n'est pas compatible avec n'importe quel comportement, elle exige des ruptures nettes, elle provoque des arrachements douloureux. Même le souci de la santé et de l'intégrité corporelle ne peut l'emporter sur elle. L'histoire des innombrables martyrs depuis 20 siècles montre que des multitudes de croyants ont accepté ces sentences, sans les trouver exagérées : ils ont préféré les coups, les amputations, les pires supplices et même la mort plutôt que de renoncer à leur foi.
Devant vous, nous dit Jésus, il n'y a que deux issues : -   entrer dans la Vie éternelle c.à.d. la Vie divine ou le Royaume de Dieu  -  ou être jeté dans la « géhenne ».  Quelle est donc cette mystérieuse réalité qui signe notre échec, et dont Marc ne parle qu'ici (Matthieu / 7 fois ; Luc / 1 fois) ?
En bordure sud -sud ouest de Jérusalem se trouvait un vallon qui avait appartenu à un certain Hinnôn : en grec on l'appela « gê Hinnôn » (terre d'Hinnôn) d'où le mot français « géhenne ». Hélas, à l'imitation d'autres peuples, on s'était mis à y immoler par le feu des nouveau-nés (même le roi Akhaz : 2 Rois 16, 3), infamie strictement interdite par le Dieu d'Israël (Lévitique 18, 21 ; Deut 12, 31 ;...). Jérémie annonça la ruine prochaine de Jérusalem à cause de l'idolâtrie et des sacrifices d'enfants qui s'y pratiquaient et ce lieu, dit-il, deviendra un lieu de tuerie, un charnier (Jér 7, 31-33 ; cf aussi Ezéchiel 16, 20...). Il semble que plus tard, au retour d'exil, ce lieu de la géhenne devint la décharge publique de la ville et un prophète (Le 3ème Isaïe) termina son livre en promettant la venue triomphale de Dieu dans une Jérusalem glorieuse et il utilisa l'image de la géhenne pour évoquer le destin des réprouvés : «  En sortant, on pourra voir les dépouilles des hommes qui se sont révoltés contre moi ; leur vermine ne mourra pas, leur feu ne s'éteindra pas ; ils seront répulsion pour toute chair » (Isaïe 66, 24).
La géhenne (meurtre de l'enfant, refus de l'avenir, suppression de la vie, culte à un dieu cruel, feu, fumée, résidus rejetés, vermine qui ronge) est devenue le symbole de la perdition, de l'enfer.
S'agit-il d'un avertissement pour nous effrayer et nous mettre en garde, ou d'un châtiment transitoire pour nous corriger, ou d'une punition éternelle ???...  En tout cas, Jésus nous prévient que « le péché » est tout sauf un sujet de badinage.
Quelqu'un écrivait : « Nous sommes faits pour brûler : par amour ou pour rien ».

L'instruction de Jésus est curieusement amputée de sa fin par la lecture liturgique : il importe de la rétablir (textes semblables et différents dans Matth 5, 13 et Luc 14, 34-35)

5.  Car chacun sera salé au feu. C'est une bonne chose que le sel. Mais si le sel perd son goût, avec quoi le lui rendrez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes
Parabole : le sel sert à donner du goût aux aliments et à les conserver. Ainsi de l'Evangile de Jésus : il donne sens à la vie, il est lutte contre la corruption. Encore faut-il que ses porteurs le maintiennent dans sa pureté, le préservent de la dissipation tout en le plongeant au sein de toutes les réalités humaines. Il ne faut pas lui enlever son piquant sous prétexte de se faire accepter, de plaire à la foule. Le « feu » des épreuves où l'apôtre sera nécessairement plongé risque de le tenter d'adoucir le message alors qu'au contraire ce feu doit conforter sa foi et son courage.
« Et soyez en paix les uns avec les autres »
Et le discours - qui avait commencé par les rivalités - se boucle avec l'exhortation capitale : SHALOM. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » dira saint Jean. L'évangélisation se réalise en corps, par des frères et s½urs qui surmontent les tentations du chacun-pour-soi et de la compétitivité. Les gens veulent bien écouter des sermons mais surtout ils regardent d'abord pour voir si les prédicateurs vivent entre eux ce qu'ils annoncent aux autres. C'est la communauté fraternelle qui est « le sel ».

CONCLUSIONS

Cette instruction, lue en ces deux dimanches, reste à méditer avec attention. D'abord par les responsables de l'évangélisation et des communautés mais aussi par tous les chrétiens. Elle entend pacifier nos relations entre croyants, régler nos rapports aux incroyants, combattre l'orgueil, alerter sur les périls qui menacent la foi. Il ne s'agit pas de préceptes moraux mais d'une façon de vivre qui découle immédiatement d'un Seigneur qui marche vers sa Passion. Seule sa croix nous permettra de vaincre les inimitiés, d'annoncer le feu de l'Evangile, de respecter tout croyant, de voir le bien ailleurs que chez nous et de vivre en PAIX. Alors notre communauté peut jouer le rôle du sel dans la pâte de la société.  SHALOM.

25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

I. Le problème de la hiérarchie

Il y a toujours entre nous une forme de hiérarchie, explicite ou cachée. Il y a des leaders et il y a des suiveurs, des dominants et des dominés. On comprend donc la question des apôtres : qui est le plus grand ? Comment allons-nous nous organiser ? Jésus ne refuse pas cette question, elle se pose de toute façon. Mais il va la traiter à sa manière.

1° Tout d'abord les candidats ne manquent jamais pour occuper les postes élevés. Ils sont même trop nombreux et leurs conflits se jouent sur le dos des petites gens. Pour devenir chef, leader, berger, bourgmestre, évêque, cardinal, ministre ou député, pape, roi ou président, il y a pléthore de volontaires. Les gens indispensables sont vite remplacés. Qu'un poste se libère et c'est la guerre de succession !

2° Le problème n'est donc pas celui du manque de chefs mais celui de leurs motivations. Cherchent-ils les avantages de la fonction ou sont-ils désintéressés ? Veulent-ils accaparer la parole ou la donner ? Se mettre en valeur médiatiquement ou responsabiliser ? Concentrer les décisions ou déléguer ? Dominer, ou libérer les gens ?

La question du pouvoir est au c½ur de l'Evangile parce qu'elle est au c½ur de toute vie sociale. Le pouvoir doit être évangélisé. Quand il y a domination, c'est un péché collectif qu'il faut dénoncer tout autant que les péchés privés. Jésus est appelé Christ (en grec) parce qu'il est le Messie (en hébreu), c'est à dire le chef par excellence et le véritable libérateur. Sa manière d'exercer sa mission est normative pour nous. Pour être son disciple, il ne suffit pas de l'adorer de loin, il faut le suivre sur son chemin. Autrement dit, lorsque nous avons une responsabilité, il faut, à notre manière, nous mettre à genoux et laver des pieds ! Réciproquement, lorsque nous avons des responsables, il ne faut pas accepter, de leur part, ni mépris ni domination. Nous sommes, de par notre baptême « prêtres, prophètes et rois », des enfants de Dieu, libres et souverains.

II. Le message évangélique

Jésus propose plus qu'une révolution, une totale conversion.
Quand nous cherchons qui est le plus grand d'entre nous, Jésus, lui, se soucie d'abord du plus petit ! Il propose donc une révolution : non pas une hiérarchie d'en haut, mais une hiérarchie d'en bas. Mais il va plus loin que les révolutionnaires. Il ne suffit pas de changer les dirigeants. Il ne suffit pas de mettre les anciens opprimés au pouvoir. Chacun sait que les opprimés d'hier deviennent les oppresseurs de demain. Jésus ne se contente pas de changer ceux qui sont aux postes de pouvoir, il veut changer la nature du pouvoir. Le pouvoir doit être exercé comme un service. « Parmi les nations, dit-il, les grands règnent en maîtres, il font sentir leur pouvoir. Entre vous, il ne doit pas en être ainsi. Le plus grand doit être celui qui sert. Si je vous ai lavé les pieds, vous devez, vous aussi vous laver les pieds les uns les autres». La vraie libération est bien sûr de changer de temps en temps ceux qui sont au pouvoir, mais c'est surtout de changer la nature du pouvoir, voilà le vrai moyen de sortir du péché social.

III. Un chemin d'humanisation


Cette conversion-là est un chemin d'humanisation. La conversion que propose Jésus fait de nous des chrétiens, et elle le fait en nous rendant plus humains, en nous apprenant à être vraiment des humains.
La sélection et le pouvoir des plus forts, c'est ce que vit le règne animal. L'humanité a commencé lorsque ce processus s'est inversé, lorsque la préoccupation du groupe s'est porte vers le plus petit. Les paléontologues ont découvert en effet que les restes humains les plus anciens manifestent la présence de personnes qui ne pouvaient pas vivre seules, qui n'avaient pas d'autonomie, qui ont dû inévitablement être assistées par le groupe pour subsister. Cela veut dire que l'être humain, à son origine même, est celui qui commence à s'occuper des handicapés. Ceux-ci amènent le groupe à s'organiser, à créer une culture spécifiquement humaine qui tient compte du plus faible et qui inverse donc la loi de sélection.

Quand le groupe s'organise autour du plus faible, il crée un espace de convivialité, un ensemble de services qui rendent la vie beaucoup plus aisée. Nous en faisons l'expérience dans la mobilité : il n'y a plus de marches trop élevées, les accès sont facilités pour tous. La sécurité est renforcée en pensant aux enfants mais aussi au bénéfice de tous.
Le souci des plus faibles et en particulier des enfants ouvre un horizon nouveau, un nouveau rapport aux autres et à l'avenir. Cela nous fait ensemble jouer le rôle du Père et par là comprendre un peu mieux ce qu'il ressent, ce qu'il vit et ce qu'il est.
«  Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants me reçoit moi-même; et quiconque me reçoit, reçoit non pas moi, mais celui qui m'a envoyé. »

Organiser la vie en fonction des plus petits, c'est accueillir la vie et voir le monde avec le c½ur de Dieu.

S'il n'est pas serviteur, le « plus grand » n'est rien, un parasite tout au plus. Mais celui qui accueille le faible, l'enfant, le plus petit, accueille le Fils. Sans le savoir il joue le rôle du père. Son c½ur bat au rythme du c½ur du Père : il connaît la vie de Dieu.

Pour terminer, je vous annonce une très bonne nouvelle :
Petits ou grands, maigres ou gros, rasés ou barbus, homme ou femme, vous avez tous été élus !

Mes félicitations !  Avec vous aux commandes, Dieu va être au paradis !

25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

L'AUTORITÉ DANS L'ÉGLISE

Dimanche passé, Marc nous a raconté le tournant de la vie missionnaire de Jésus : après la période initiale à travers la Galilée et des premiers contacts avec le monde païen, il a décidé de monter à Jérusalem afin d'y annoncer là aussi la venue du Règne de Dieu. Il connaît bien la capitale, son temple, la hiérarchie de ses grands prêtres, le dogmatisme des scribes théologiens, la crispation des pharisiens sur des observances minutieuses. Il est décidé à dénoncer la cupidité de certains et l'hypocrisie des autres, à contester ce système qui a enfermé la Loi divine dans un carcan, et fait du culte un ritualisme creux. Il sait, en conséquence, ce qui l'attend: d'emblée il a annoncé à ses disciples qu'il serait refusé, condamné et mis à mort. Mais, sur ce chemin qui l'épouvante, il ne doute pas que son Père qui l'a envoyé l'abandonne jamais. Par le don total de lui-même, viendra enfin le Royaume que ses enseignements et ses miracles n'avaient pu qu'esquisser. Aujourd'hui nous voyons Jésus en route, traversant la Galilée, décidé à parvenir à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Il tient à rester incognito pour éviter tout enthousiasme populaire et en privé il réitère la même annonce à ses proches.
Jésus traversait la Galilée avec ses disciples et il ne voulait pas qu'on le sache car il les instruisait en disant : «  Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes : ils le tueront et, trois jours après, il ressuscitera ». Les disciples ne comprenaient pas ses paroles et ils avaient peur de l'interroger.
Les apôtres, comme beaucoup de disciples, séduits par la puissance de l'enseignement de Jésus et émerveillés par les guérisons qu'il accomplit, sont persuadés qu'il est le Messie qui va provoquer l'insurrection à Jérusalem et rendre  à Israël son indépendance. Jésus tente de les détourner de cette folle perspective mais ils ne peuvent accepter l'annonce de la mort inévitable et ils craignent même de le questionner pour qu'il leur explique sa décision et son issue.  Un curé oserait-il annoncer à sa paroisse sur quel chemin de souffrance elle doit avancer ? Parlons renouveau de « l'église », peinture, achat d'un crucifix.....mais non renouveau de « l'Eglise » et  croix !
Jésus va de l'avant et, comme les autres maîtres itinérants, marchant en tête du groupe, il perçoit les échos des débats parfois vifs qui éclatent entre ses disciples. Cela lui sera l'occasion d'un enseignement sur la vie en communauté chrétienne.

AUX RESPONSABLES DE COMMUNAUTES CHRETIENNES

Ils arrivèrent à Capharnaüm et, une fois à la maison, Jésus leur demandait : «  De quoi discutiez-vous en chemin ? ». Ils se taisaient car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand !
Lors de la première annonce  de la Passion, Pierre s'était rebiffé et « prenant Jésus à part, lui avait fait de vifs reproches » (8, 32 - dimanche passé) : ici tous les disciples révèlent leur aveuglement. Le Maître vient de prédire à nouveau son destin de souffrances et eux, convaincus qu'il va établir un Royaume glorieux, se chamaillent sur les préséances : qui parmi nous est le plus apte, qui obtiendra la place la plus honorable ? Rivalités, compétitions, jalousies : il faut beaucoup de temps, même aux responsables, pour se convertir à l'Evangile !

S'étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : «  Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».
Certains possèdent les capacités d'organiser le travail collectif, d'autres, emportés par le zèle, brûlent de se dévouer davantage pour l'extension du Royaume : il est excellent de vouloir mettre en ½uvre tous ses talents en vue de la mission mais Jésus enseigne que l'exercice de l'autorité dans l'Eglise est tout autre que dans le monde. Le sommet de la vocation chrétienne est de se mettre au service des autres.
Que les responsables ne rêvent donc pas de costumes d'apparat, de trônes, de décorations, d'applaudissements, mais de tabliers et de critiques. Pas de coups d'encensoir mais de trique !
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d'eux, l'embrassa et leur dit : «  Celui qui accueille en mon Nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille... ».
Dans le texte parallèle de Matthieu, Jésus demande aux Douze de changer et de devenir comme cet enfant, condition pour entrer dans le Royaume (Matt 18, 3). Ici, Jésus commence par se pencher sur le petit pour l'embrasser, comme pour montrer qu'il lui ressemble, qu'il s'associe à lui. Par ce geste parabolique il fait comprendre à ses Apôtres qu'au lieu d'exercer leur autoritarisme et de vouloir diriger les croyants par des ordres sans appel, il leur faudra les respecter comme des petits, fragiles et vulnérables. Ainsi par la douceur et l'humilité, reconnaissant en tout croyant « un petit frère » ou « une petite s½ur », ils accueilleront Jésus lui-même.

« ... Et celui qui m'accueille, ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé ».
Révélation immense de la première « présence réelle »: en s'ouvrant à Jésus présent dans le petit croyant, c'est Dieu son Père lui-même qu'ils accueilleront.
On voit ici le bouleversement opéré par ce moment charnière de l'Evangile. Au début de la mission, les disciples écoutaient un programme que Jésus leur enseignait et ils se mettaient à le suivre dans la perspective d'un Royaume que Dieu instaurerait dans l'avenir. A présent que Jésus annonce sa Pâque, son passage par la souffrance et la mort pour entrer dans la Résurrection, une conversion radicale doit s'effectuer : le Royaume, c'est la Personne même de Jésus Seigneur.
En s'abaissant pour se mettre à la portée du croyant et l'aider à grandir dans la foi,  l'Apôtre est amené à comprendre qu'il doit renoncer à ses rêves de grandeur, s'humilier, non par ascèse mais par amour de l'autre, pour servir et non dominer, pour descendre jusqu'à accepter de donner sa vie pour ses frères.
Ainsi il pénètre dans le mystère du Christ Serviteur et Seigneur et sa foi lui permet d'accueillir Dieu en lui. Devenu « fils » de Dieu, il est dans le Royaume. L'Apôtre ne doit plus imaginer un monde qui serait un jour transformé et où il serait ravi d'occuper une bonne place, projection de ses rêves. Sa foi nouvelle lui fait accueillir Jésus vivant. Il est donc dans le Royaume tel que Jésus le fonde.

CONCLUSIONS

-  On sait que le Jésus de Marc n'est guère bavard : pris par l'urgence, il bouge, circule, agit, lance ici et là une petite phrase. Ici, au cours d'un entretien privé avec ses apôtres, il leur tient un petit discours - qui sera poursuivi dimanche prochain. Si bien que Marc ne présente que 3 discours de Jésus :
d'abord pour expliquer ce qu'est le Royaume de Dieu grâce à des paraboles (4, 1-34) : leçon sur la FOI CONFIANCE   
ici (9, 33-50) : enseignement sur l'AMOUR CHARITE 
et plus tard, devant le refus obstiné des autorités, il annoncera la fin du temple et les persécutions à venir (13, 1-37) : exhortation à l'ESPERANCE.
Croire que le projet de Dieu d'une humanité réconciliée se réalise dans le vif de l'histoire, bâtir de petites communautés sur l'amour mutuel et le service, garder l'espérance à travers les épreuves : dès le premier évangile,  « les trois vertus théologales » définissent le c½ur de l'existence chrétienne.

-- L'Eglise, comme toute communauté, doit bien être organisée et certains disciples sont donc appelés à assumer des responsabilités mais « celui qui veut être le premier doit être le dernier, le serviteur des autres ». Hélas les disputes sur les préséances, les man½uvres pour obtenir un titre, un siège d'apparat ou même un plus beau chapeau, les rivalités mesquines, les jalousies et le carriérisme gangrènent encore l'esprit des meilleurs. Et les moindres charges dans une communauté de village peuvent exciter des ambitions démesurées. Seigneur, garde-nous dans l'esprit d'enfance.

25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

« Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille ». Ce geste et cette phrase de Jésus nous semble aujourd'hui bien sympathique et en recevons très volontiers la leçon. Mais dans le contexte où Jésus a posé ce geste, il devait apparaître comme déplacé et même choquant. En effet, dans l'Antiquité, l'enfant n'était pas considéré pour ses qualités d'enfant mais uniquement comme futur adulte. Dans ce geste de Jésus, ce sont bien les qualités de l'enfance que Jésus « met au milieu », donne comme référence. Et non point seulement comme une petite leçon de pédagogie nouvelle mais comme condition indispensable, incontournable, pour prétendre accueillir Dieu dans sa vie. « Accueillir Dieu », c'est-à-dire comprendre quelque chose de Dieu, comprendre le type de relation, le type de rapport dans lequel nous devons être avec lui, qu'il attend de nous pour se laisser connaître, qu'il nous indique lui-même comme la voie pour entrer dans son intimité.

Quelle est, quelles sont ces qualités d'enfance que Jésus « met au milieu » ? Elles ne sont pas citées ici mais on peut les identifier grâce à d'autres textes sur le même sujet, par comparaison ou par contraste. Une qualité absolument essentielle est la capacité de confiance. Pouvoir faire confiance est une condition essentielle pour grandir, tous les pédagogues le diront. C'est cette relation-là que Dieu veut avec nous, que nous devons vouloir avec lui, et non une relation de soumission, de ritualisme, de marchandage ou de partage de pouvoir.

Or l'accès et le partage du pouvoir, voilà le lieu où ont l'air de se situer les disciples. En sélectionnant cette scène-là parmi tant d'autres, l'évangéliste ne vise-t-il pas (déjà !) un problème dans l'Eglise primitive ? Et qu'en est-il maintenant ? Et qu'en est-il parmi nous ? Pas seulement en Eglise mais dans nos relations professionnelles ou sociales ? Il n'y a pas de pouvoir à partager dans ce drôle de Royaume qu'est le Royaume de Dieu. Il n'y a que différentes manières de servir. Ce n'est pas le mot « doulos » (serviteur-esclave) qui est utilisé ici mais le mot « diakonos » (le serviteur volontaire pour une tâche noble). Et l'aide aux petits, aux faibles, aux nécessiteux, était mis sur le même pied, du point de vue de la noblesse de la tâche, que le service eucharistique.

Si, comme les disciples de l'époque, on en est à discuter des pouvoirs à prendre ou à répartir comme des postes ministériels dans un Etat-bananier, on ne peut rien comprendre à ce que Jésus est venu faire ici. Jésus a des ennemis parce que, n'ayant rien compris à cette nouvelle manière de voir les choses, ils ne peuvent voir en Jésus qu'un concurrent à leur propre pouvoir qui, lui, est un pouvoir de sujétion, de coercition. Jésus n'a pas d'amis à ce moment, pas même les disciples, parce qu'ils n'ont pas encore compris qu'il s'agissait de remplacer un esprit de pouvoir par un esprit de service ; un service douloureux puisqu'il va passer par l'humiliation et la souffrance mais un service glorieux puisqu'il se révèlera porteur de salut. Mais faut-il vraiment qu'à chaque génération le Christ doive dire : « Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes », à la cupidité, à la jalousie, à la rivalité des hommes (comme le stigmatise aussi l'épître de Jacques) et que « ceux qui méditent le mal » (comme les dénomme le livre de la Sagesse) se permettent toujours cette arrogance insolente vis-à-vis du juste, du serviteur du Royaume de Dieu ?

On pourrait être tenté de désigner les bons et les mauvais, les justes et les impies dans ce combat. L'épître de Jacques nous rappelle utilement : « n'est-ce pas justement en vous-mêmes que se passe ce combat de tous ces instincts ? ». Alors, réglons d'abord ce combat en nous. Faisons-le en remettant « au milieu de nous » l'enfant qui se sait fils et qui reconnaît le Père comme Père.

24e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Au c½ur de l'histoire humaine, une voix ne cesse de poser la question « Pour vous, qui suis-je ? ». Et cette question est insolite. Les grands de ce monde ne posent pas de question, ils imposent leur identité. Ils se donnent à eux-mêmes des titres, il s'auto-affirment : Empereur, Roi, Pape, Cardinal, Président, Secrétaire Général...  se font appeler Sa Majesté, Sa Béatitude, Son excellence ou même Sa Sainteté... (quelques fois je plaisante, en disant « sa pro-éminence »...)

Aujourd'hui, une voix intérieure, très humble, nous pose simplement une question. Elle n'impose rien, elle sollicite notre réponse, comme un murmure en notre c½ur : « Pour toi, qui suis-je ? » Qu'est-ce que je représente pour toi ? Avec quels mots parles-tu de moi ? Elle nous laisse inventer nos propres images, à risquer nos pauvres mots, nos propres concepts, plus ou moins adaptés, pour dire sa vérité.

Ainsi donc, tout d'abord, c'est une vérité qui n'est pas définie puisque c'est une question, une mise en question, c'est une vérité infinie. Elle n'est pas fixée une fois pour toutes, elle est vivante et mobile suivant les cultures, les langages, les accents. Elle n'est pas objective mais subjective car cette vérité est elle-même un sujet, c'est quelqu'un : « Je suis la Vérité et la Vie ».

Ensuite, c'est une vérité qui ne se protège pas. Il n'est pas impossible que, dans notre réponse, il y ait des approximations, voire des erreurs. Qui peut dire en quelques mots l'identité de Jésus-Christ alors qu'il a fallu plus de quatre siècle et des Conciles agités pour aboutir à notre Credo ? C'est une vérité qui peut être altérée, défigurée, caricaturée. C'est tout le risque que l'on prend à jouer la réciprocité. On dépend de l'interlocuteur, on vit en relation. Si je lui demande qui je suis pour lui, il peut me mépriser, il peut aussi radicalement me nier.

Pour vous, qui suis-je ? nous demande Jésus-Christ et, à travers lui, le Dieu vivant. Il aurait pu nous imposer des réponses : le Fils de Dieu, le Verbe créateur, la deuxième personne de la Trinité. Mais non, encore une fois, il se présente comme une question. Et je vous invite à méditer ce fait car la manière dont on se présente correspond souvent à son identité.

Il est la question posée au monde. Parce qu'il est source de liberté et relation de réciprocité.  Découvrir le Dieu de Jésus-Christ, c'est faire l'expérience de l'amour et l'amour ne peut jamais s'imposer, il suppose la liberté. Et l'amour est vulnérable, il peut être nié.
C'est pourquoi Pierre se trompe, quand il refuse l'annonce de Jésus : « qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu'il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. »  Cela fait partie de son identité, de sa nature, de sa vérité. Il est la « Résurrection et la Vie »  et cela veut dire qu'il peut souffrir beaucoup, être rejeté, condamné, tué, nié. Ce qui n'empêche pas qu'il est la relation d'amour et qu'il est la Résurrection car la vie donné rebondit dans le pardon. Celui qui ne vit plus pour lui-même, vit décentré, par l'autre qui l'aime, il est dans la relation de réciprocité qui ne finira jamais.

Nous sommes invités à méditer profondément cette révélation si nous voulons, comme Pierre et l'Eglise tout entière, annoncer la foi au Christ crucifié-ressuscité. Au lieu d'un catéchisme qui répondrait à toutes les questions par mode d'affirmation, il nous faut entrer dans la pédagogie de Jésus qui laisse découvrir peu à peu son identité, à travers ses actes et les signes qu'il fait. Au lieu de vouloir protéger la vérité, comme le faisait jadis l'inquisition, nous devons accepter que cette vérité soit approchée progressivement, imparfaitement, qu'elle soit même très souvent défigurée, parce qu'elle est d'abord respect de notre liberté et qu'elle ne veut surtout pas s'imposer.

Alors nous serons peut être de vrais chrétiens. Notre religion n'est pas une religion de soumission. Elle éveille à la réflexion, elle suscite des questions. Et notre réponse ne peut pas être limitée à des mots ni à des idées, c'est toute notre vie. Pierre a répondu juste au plan théorique. Il s'est trompé dans la pratique, mais à la fin de sa vie, il entrera pleinement dans la dynamique de Jésus et témoignera lui-même aussi sur la croix, la tête en bas.




24e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

« Je suis croyant, mais pas pratiquant ».

Voilà un refrain bien connu, trop connu peut-être. Vous avez certainement déjà rencontrés ces personnes qui se sentent obligées de se justifier,
d'ajouter un « mais » à l'affirmation de leur croyance.
Je suis chrétien mais... Je suis croyant, mais... pas pratiquant !
Comme s'il fallait toujours nuancer --par gêne ou par difficulté--
toute affirmation touchant au domaine de la foi.

Un frère anglais me disait un jour que, pour lui, être « croyant mais pas pratiquant » était une impossibilité, quelque chose d'aussi absurde que de se dire 'nudiste et non pratiquant'. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec lui, mais avouez que les anglais ont le sens de l'humour et de la formule !

Croyant et non pratiquant... une sorte d'incohérence également pour les textes de ce jour. Je vous cite à nouveau la première lettre de Jacques que nous avons entendue :
« Si quelqu'un prétend avoir la foi, alors qu'il n'agit pas, à quoi cela sert-il ? (...)
Pour celui qui n'agit pas, la foi est bel et bien morte». 
Vous avez  bien entendu, la foi découle des actes et non l'inverse.
Et l'extrait d'évangile que nous avons entendu, nous invite également à méditer sur cette tension entre paroles et actes.

En effet, la vraie confession ne consiste pas à avoir des mots justes, mais plus radicalement à avoir une vie ajustée, une vie qui parle, et pour cela, il faut prendre sa croix, autrement dit... prendre sa vie en mains.

Voilà la vraie pratique : prendre sa croix et sa vie en main.
Mais qu'est-ce à dire ? Avouez que cela peut faire peur !
Alors, reprenons la figure de Pierre :

Pierre  --dans tout l'évangile de Marc-- est constamment dans la logique du pouvoir.
Il veut sauver la vie de Jésus et la sienne.
Et cependant, Pierre comme nous, avons à découvrir
qu'il y a une vie dont il faut se séparer.

C'est seulement en laissant partir cette vie là, celle de pouvoir et de maîtrise
que nous trouverons notre propre vie.
Voilà donc l'expérience que nous avons à faire tous les jours : faire mourir une partie de nous-mêmes --un petit peu d'égoïsme,  une part fantasmée qui nous tire vers le bas-- pour gagner une vie plus pleine de vie ! Tel est bien le paradoxe de l'évangile.
C'est donc une démarche quotidienne de renoncement à tout ce qui nous empêche d'accueillir la vie.

Et vous l'avez entendu : Pierre parle de Jésus comme du « Messie »,
c'est à dire encore une fois en terme de pouvoir, avec des accents politiques, nationalistes. Etre dans le pouvoir, amène toujours une forme de conservation, voire de conservatisme, pour ceux qui ont peur de le perdre...

Mais Jésus parle de lui en terme non de pouvoir mais de « Fils de l'homme », en terme d'humilité, de relation et de démaîtrise. Si nous nous mettons à la suite de Jésus, il ne s'agit plus alors de conservation, mais de conversion, qui est naît toujours d'une conversation : « et pour vous, qui suis-je ? »

Si nous quittons la conservation de notre vie pour découvrir une conversion de vie,
alors nous pourrons paradoxalement la gagner au sens de l'évangile
et la prendre en main.

Vous l'aurez compris : l'enjeu essentiel n'est donc pas la confession, mais l'agir et la conversion. Nous ne sommes pas pratiquants parce que nous croyons, mais croyons chaque fois que nos actes --quels qu'ils soient-- manifestent une foi réelle en la vie.

C'est cela prendre sa croix, prendre sa vie en mains.

Prendre sa croix, c'est enfin prendre ses échecs en mains, oser les regarder.
Non pas en les justifiant comme s'ils faisaient partie du plan
de je ne sais quel dieu pervers,
mais en disant qu'il y a de l'inexplicable qui peut être franchi,
de l'échec qui peut être traversé,
une impasse qui peut devenir paradoxalement féconde.

Alors, s'il tel est l'appel qui nous est lancé aujourd'hui, ne tentons pas de prendre la croix des autres --c'est cela faire obstacle aux autres comme Pierre l'a fait avec Jésus--, mais prenons notre croix pour prendre de la hauteur dans notre vie.

Car prendre de la hauteur, suivre Jésus, c'est aller Pâques, vers un passage.
car la croix dont il est question pour les croyants n'est une croix de mort,
mais une croix de vie, une croix de résurrection ! Amen.


24e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

MAIS QUI DONC EST CE GALILEEN ?

Marc a intitulé son livre « COMMENCEMENT DE L'EVANGILE DE JESUS, CHRIST FILS DE DIEU » (1er verset). Non seulement il raconte mais il proclame la Joyeuse Nouvelle qu'est l'homme Jésus lorsqu'il est reconnu comme MESSIE et FILS DE DIEU et ce double titre marque le découpage du livre de Marc en deux parties : la première (de 1, 2 à 8, 30) conduit à la confession du juif Simon-Pierre : « TU ES LE MESSIE» ; la seconde (de 8, 31 à 16, 8) culmine sur la déclaration du centurion païen au pied de la croix, devant Jésus qui vient d'expirer : «  Vraiment cet homme était FILS DE DIEU » (15, 39).
---  L'évangile de ce dimanche présente justement la scène pivot de la confession de Simon Pierre.

MAIS QUI DONC EST JESUS ?

Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : «  Pour les gens, qui suis-je ? ».Ils répondirent : «  Jean-Baptiste ; pour d'autres : Elie ; pour d'autres, un des prophètes ».
Il les interrogeait de nouveau : «  Et vous, que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? ». Pierre prend la parole : « Tu es le Messie ». Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne.

Jésus avait fait un voyage vers l'est (Gadara), un autre vers l'ouest (Tyr) : ici il monte vers le nord, avant d'entreprendre son ultime montée, en direction du sud, vers la capitale. Les quatre directions indiquent sans doute la diffusion universelle de l'Evangile et la croix qui en sera la condition nécessaire.
Jésus remonte le cours du Jourdain qui descend des contreforts du mont Hermon (Liban) avant de se jeter dans le lac de Galilée. En somme il se rend à la source des eaux dans lesquelles il a été baptisé par Jean. La région, bien arrosée, est verdoyante et très belle. Le roi Philippe, un fils d'Hérode, y a lancé la construction d'une ville nouvelle qu'il a appelée Césarée en l'honneur de l'Empereur de Rome. Temples, statues des dieux, théâtres, cirques, gymnases, écoles de philosophie : tout à fait l'image du monde païen « moderne », riche et fastueux, tel qu'il est en train de se développer tout autour de la Méditerranée pendant ce siècle où « la paix romaine » permet échanges commerciaux, développement et prospérité.
Jésus observe cette société, ces païens qui, comme toujours et partout, cherchent le bonheur : à eux également il est nécessaire de leur annoncer le Règne universel de Dieu Père. Comment faire ?...

« Pour qui donc me prend-on ? » demande Jésus aux siens. Serais-je seulement un prophète juif à la suite de tous les précédents ? « VOUS, QUE DITES-VOUS ? ». Car il ne suffit pas de rapporter des rumeurs, des on-dit : le croyant doit se prononcer de manière personnelle et publique. Et Pierre, enfin, confesse la conviction à laquelle il est parvenu après tant de mois de compagnonnage, d'observations, de débats avec les autres apôtres et les gens : « TU ES LE MESSIE », le Sauveur promis par les Ecritures.

Jésus accepte ce titre mais à nouveau interdit de le divulguer car trop chargé d'espoirs nationalistes et de volonté de puissance. Le Messie est bien juif mais non pour établir le primat d'un peuple sur les autres. En circulant parmi les païens, Jésus a compris que jamais ils n'accepteront la circoncision, la nourriture casher, le sabbat, les pèlerinages au temple unique de Jérusalem, et encore moins la masse d'observances tatillonnes surajoutées depuis quelques siècles pour préserver l'identité juive de la contagion du monde.  
Et Jésus prend la décision ultime : au lieu de dénoncer les tares de cette ville païenne, de fulminer contre la décadence des m½urs, de hurler contre l'idolâtrie et « la civilisation de mort », il va monter à Jérusalem pour ouvrir le carcan où certains ont enfermé « sa » religion.
Il n'en doute pas : cela va lui coûter très cher.  
Et pour la première fois, il leur enseigna qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu'il soit tué et que, trois jours après il ressuscite. Jésus disait cela ouvertement.
Tournant central de la vie du Messie : son nouvel enseignement n'est ni soumission résignée à la fatalité ni goût du martyre. Il sait que, certaines de leur bon droit, les autorités religieuses du temple ne pourront accepter un « Messie » qui remet en question leur système mais sa mort sera celle de l'agneau qui provoque la libération, la sortie hors de tout enfermement ; relevé dans la Vie, il sera le Fils de l'Homme à qui Dieu remet tout pouvoir. Ainsi le Royaume du Père pourra de la sorte effectuer sa percée dans l'univers entier, Jérusalem pourra communier avec Césarée, Athènes et Rome.
Aujourd'hui à quelle purification l'Eglise est-elle appelée afin que la Bonne Nouvelle ne soit pas obnubilée par des formules et des traditions et que le monde entende l'appel de l'Evangile ?

« Etre tué » ? Après tant de miracles et de succès populaires, cette nouvelle annonce de Jésus fait l'effet d'une bombe chez les disciples : comment accepter pareille éventualité ?

Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches mais Jésus se retourna et voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : «  Passe derrière moi, satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ».
« Le pape » reproche à Jésus de n'avoir pas confiance en ses amis : «  Nous saurons bien te défendre. Un Messie-Sauveur ne peut être que vainqueur. Nous fonderons une Eglise somptueuse et invincible ! ». Cette tentation de Pierre reprend celle rencontrée par Jésus dans sa retraite du désert : déjà là le « satan » (accusateur) avait fait miroiter le triomphe sur le monde. Cependant Jésus ne « déboulonne » pas celui qu'il a mis à la tête du groupe mais il le remet vertement, et devant tous, à sa place : tu dois marcher derrière le Maître, humble disciple sur les traces d'un Seigneur qui t'entraîne sur le chemin du service. Injonction que, hélas, certains papes n'ont guère écoutée !

Et il n'y a pas que Pierre et les apôtres qui sont appelés à prendre cette voie  mais « la foule et les disciples » c.à.d. tout être humain.
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : «  Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et pour l'Evangile, la sauvera ».
« Si quelqu'un... » : Jésus ne force pas les disciples qu'il a naguère appelés, chacun reste libre car l'amour de Dieu n'enferme jamais. Mais celui qui se décide doit « se renoncer » : non se tenir pour rien, se dédaigner, mais cesser de s'accrocher à ses opinions spontanées pour adopter une vie évangélique qui le conduit au don de sa vie. L'expression « porter sa croix » ne signifie donc pas que le disciple devra s'infliger des pénitences mais qu'il sera à son tour incompris, marginalisé, condamné, parfois mené au supplice ou même à la mort car l'Evangile est une force tellement subversive qu'il fait peur aux Pouvoirs. Les Caïphe (pouvoir religieux) et les Pilate (pouvoir politique) se hérisseront toujours devant ce qui leur paraît une menace pour leurs privilèges et leurs certitudes : craignant pour leurs trônes, ils feront toujours tout pour bâillonner l'Evangile et pour supprimer quiconque s'engage à le vivre.
Jésus est certain que son Père ne veut pas ses souffrances ni n'exige sa mort ; et lui-même ne contraint pas son Eglise à l'écrasement. Mais les hommes - et même certaines autorités religieuses - se durciront implacablement contre ceux qui dénoncent leur orgueil, leur aveuglement, la corruption, l'idolâtrie de l'argent parce qu'ils veulent une « foi » authentique et une société de droit et de justice.

Le monde occidental s'était moqué de cet appel et avait voulu construire une infinie puissance, et voilà que le colosse vacille, que ses fondements se fendillent, qu'il tremble pour son avenir.
L'Evangile n'a jailli en vérité que par la résurrection de celui qui a accepté d'être crucifié : il ne poursuivra sa route que par une Eglise qui rejette toute tentation « satanique » et par des disciples qui perdent leur vie pour le vivre et le proclamer dans le monde entier.

 

24e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

La question -fameuse- de Jésus à ses disciples en cette première moitié de l'évangile de Marc est une question qui nous es renvoyée, à nous, chrétiens du 21° siècle : « Pour vous, qui suis-je ? ».

Les réponses étaient déjà variées et indécises du vivant de Jésus, elles l'ont été plus encore dans les premiers siècles du christianisme et jusqu'à nos jours : simple prophète adopté par Dieu, simple apparence humaine de la Parole divine, personnage tantôt homme, tantôt Dieu, pure nature divine... pour en rester aux « classiques » parmi ce qu'on appelle les « hérésies » chrétiennes. Mais il y en eut bien d'autres où des dénominations et des concepts chrétiens, vite devenus incontournables, étaient simplement empruntés et plaqués sur des systèmes philosophico-religieux totalement étrangers et incompatibles dans leur fond par rapport au christianisme. Après 4 siècles d'expériences et de polémiques, l'Eglise voulut trouver les mots pour redire la foi profonde des apôtres. C'est ce qui fait du Credo que nous confessons chaque dimanche un texte devenu un peu obscur parce qu'il date (de l'an 321 pour l'essentiel) et que si peu de chrétiens (ni même l'enseignement religieux) ne s'intéressent à l'histoire de l'Eglise, à l'histoire de la foi, qui ne pourrait pourtant que nous enrichir et nous rendre un peu plus solide.

Car les polémiques sur l'identité du Christ ne sont pas terminées. Elles renaissent sans cesse, les unes procédant d'une honnête volonté de recherche, d'autres volontairement pernicieuses, s'exprimant sous forme d'ouvrages savants, de romans de gare ou de films à scandale. Le New Age n'est sans doute pas le dernier des hochepots pseudo-philosophiques et religieux à s'en emparer. Le chrétien est là, comme le prophète Isaïe. Comme lui, il ne devrait ni se révolter, ni se dérober aux coups et quolibets de ses détracteurs. Il devrait être capable d'accueillir toutes les polémiques, même les plus injurieuses, sans condamner personne à mort mais en acceptant le débat. L'Eglise elle-même n'a pas toujours été fidèle à cette attitude d'ouverture, précisément dans les moments où elle a été plus soucieuse de son ancrage sociologique que de son ancrage biblique.

Cette attitude d'ouverture ne signifie cependant pas ouverture au relativisme ni au laxisme. Le serviteur de Dieu, le disciple, est aussi celui qui ne se révolte ni ne se dérobe devant le contenu et l'exigence de la Parole de Dieu. Il est celui qui écoute cette Parole pour s'en instruire et pour en témoigner. En témoigner « valablement », car il faut être prêt à s'expliquer sur sa foi comme au tribunal ; il faut être prêt à s'avancer soi-même et dire : « comparaissons ensemble ! ». C'est le deuxième pas que veut nous faire faire l'évangile. Il ne suffit pas de rapporter des opinions ni d'y croire que comme à une opinion. Jésus demande que l'on s'implique, que l'on s'engage, personnellement, et non pas seulement par rapport à une opinion mais par rapport à une relation personnelle. Et entre Dieu et l'homme, cette relation personnelle est celle de la foi.

La foi ! L'épître de Jacques complète utilement le tableau qui risquerait, sinon, d'être abstrait. La foi sans les ½uvres est une foi morte ! Non seulement la foi nous implique dans nos convictions, mais elle implique que l'on agisse, d'une action qui soit bien sûr témoignage de l'incarnation concrète du Salut annoncé par le Christ et donc pas de n'importe quel genre d'acte de bienfaisance. Voilà bien pourquoi la question de l'identité du Christ est-elle aussi importante maintenant qu'au 4° siècle ou que quand elle fut posée à Pierre. Toute notre vie en sera marquée (et peut-être même tel morceau de l'histoire du monde) si nous répondons au Christ comme et avec Pierre : « Tu es le Messie ».