1er dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Décidément, Dieu n'a pas le sens du marketing.  Voilà qu'il nous annonce son retour et il insiste bien pour qu'on prie, pour qu'on soit vigilants et qu'on attende avec passion ce retour.  Et comment ce retour aura-t-il lieu ? Dans les pires catastrophes naturelles, des tremblements de terre, des inondations, des éruptions volcaniques.  Voilà qui refroidit un peu. Imaginez un peu Roméo qui dit à Juliette : « chérie, je m'en vais faire un grand voyage, mais je reviendrai et quand je reviendrai la maison sera détruite et tu tomberas gravement malade.  Je suis sûr que tu m'attendras avec impatience. » Il doit y avoir un malentendu quelque part.  Essayons de clarifier cette annonce de la fin des temps.

Il y a tout d'abord le retour du Christ.  Mais pourquoi doit-il revenir ? Parce que nous sommes incapables d'aller vers lui.  Il est si grand, il est si immense qu'il est inaccessible.  Vous vus imaginez, vous, aller au palais royal, pousser la porte, pénétrer dans le salon et dire : « Salut, Bertje ! Comment ça va ? Et Paola ? Toujours la forme ? » Si nous, nous n'osons pas agir de la sorte avec un roi terrestre, comment oserions-nous le faire avec le roi du ciel ? C'est lui qui vient vers nous et qui nous apprend qui il est (Notre Père), qui nous sommes (ses enfants) et comment vivre avec lui (dans une relation d'amour pleine d'admiration).  Dans l'Ancien Testament, les prophètes avaient annoncé la venue du Messie.  Dans le Nouveau Testament, c'est Jésus lui-même qui annonce son retour.

Oui, mais est-il bien nécessaire que tout disparaisse dans un grand cataclysme ? Est-ce que Dieu ne pourrait pas revenir sur terre ? On pourrait continuer comme avant, mais avec lui.  C'est un peu la conception des musulmans.  Les bienheureux vivront dans une belle oasis et il y aura de l'eau à volonté, et des fruits, et de jolies jeunes femmes.   Et il y a eu au début de l'Eglise des Pères qui ont pensé la même chose.  Pendant mille ans, les élus pourront profiter de la douceur de la vie.  Mais cette idée a été vite abandonnée parce que la question se pose : qu'est-ce que nous aimons le plus, Dieu ou les douceurs de la vie ? On pourrait aimer les deux, me direz-vous. Non, je vous réponds.  Roméo ne va pas dire à Juliette : « chérie, je t'aime, mais tous les soirs je sors en boite avec mes copains et je rentrerai tard dans la nuit. » Non, il est dit : l'homme quittera ses parents et ses amis pour fonder un nouveau foyer.  De même, la douceur d'être avec Dieu vaut mieux que toutes les douceurs de la vie.

Oui, bon, d'accord, mais est-il bien nécessaire que tout cela se fasse avec autant de fracas ? Chaque étape importante de notre existence se passe dans un grand bouleversement.  Quand le f½tus sort du ventre de sa mère, c'est un choc immense pour tout le monde, mais c'est la délivrance.  Mais, quand Dieu reviendra, ce sera un choc pour tout le monde.  On verra Dieu tel qu'il est, rayonnant d'amour.  Nul ne peut regarder le soleil sans s'abîmer les yeux.  Nul ne peut regarder Dieu sans être ébloui par son amour.  Dieu nous a parfois blessés par son amour.  Quand il reviendra, nous serons alors transfigurés par sa passion amoureuse.
Voilà qui nous permet peut-être de mieux comprendre cette mise en garde : « restez éveillés. » De même que l'embryon quitte le ventre douillet de s amère pour affronter et découvrir le monde, ainsi nous sommes appelés à nous détacher des douceurs de la terre pour être capables de découvrir Dieu tel qu'il est dans toute sa majesté : rayonnant d'amour, d'un amour infini pour l'éternité.

1er dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013


Suite à la lecture de l'évangile que nous venons d'entendre, nous découvrons que Jésus n'avait pas internet à son époque.  Car s'il avait eu internet, il aurait pu nous dire avec précision la date d'un tel événement et « ce jour-là ne serait pas tombé sur nous à l'improviste » comme il le dit.  Grâce donc à internet, nous connaissons cette date : le 21 décembre 2012.  Dans dix-neuf jours exactement selon certains sites que je me suis permis de visiter.  Toutefois, le pape Benoît XVI a invité les chrétiens, il y a deux semaines, pendant la prière de l'Angélus au Vatican, à ne pas s'arrêter à « la curiosité pour les dates, les prévisions ».  De toute éternité, se sont toujours levés des charlatans proposant des oracles pour conduire les gens dans la peur et l'angoisse.

Dans cette église, nous sommes aujourd'hui invités à vivre d'une toute autre espérance et à nous réjouir de ce que le Fils de Dieu vient nous annoncer : « on verra le Fils de l'homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire ».  Quel contraste entre sa première venue parmi nous et l'annonce de son retour en gloire.  Lors de son incarnation, dans l'événement de Noël, il est venu pauvre parmi les pauvres, rejeté de partout.  Il a ouvert ses yeux à notre monde dans une étable.  Nous aurions pu l'attendre entouré d'une armée d'anges, trompettes tonitruantes et tambours battant.  Rien de tout cela.  Juste une étoile qui va éclairer cette nuit-là.  Le Fils de Dieu sera déposé dans une crèche, c'est-à-dire dans une mangeoire.  Voilà encore un bel exemple de synecdoque.  Une synecdoque, c'est lorsque la partie dit le tout : un visage pour parler d'une personne, un trois mâts pour parler d'un bateau, et au fil des siècles, une crèche-mangeoire qui devient peu à peu le nom donné au lieu de la naissance de Jésus.  La crèche a empli toute la pièce.  Cette réalité est une invitation constante à ce que le Christ vienne emplir tout notre espace intérieur.  Que nous devenions ainsi à notre tour des crèches vivantes au c½ur de notre propre humanité, pétris de cette présence divine intérieure.  La première fois, le Fils de Dieu est venu sur la pointe des pieds.  Il a cheminé avec nous pour nous proposer « l'abondance de la vie ».  Il est devenu, en nous, « le chemin, la vérité et la vie ».  De plus, par l'événement de sa mort et de sa résurrection, il fait de chacune et chacun de nous des êtres résurrectionnels.  Nous sommes donc déjà entrés dans le temps de notre résurrection puisque dans la foi, c'est la mort qui est devenue mortelle et la vie s'ouvre dorénavant à la vie éternelle. Il nous a ensuite quitté pour nous laisser tout l'espace nécessaire pour accomplir notre destinée.  Depuis l'événement de la Pentecôte, l'Esprit Saint opère par nous.  Nous sommes les instruments de Dieu sur cette terre.  Il passe tout simplement, tout tendrement par chacune et chacun d'entre nous.  Notre monde est en devenir.  Nous sommes en devenir.  Et l'accomplissement de notre être ne peut se faire qu'avec nous dans la relation à l'autre et au Tout Autre.  Il faudra sans doute encore de nombreuses générations humaines pour atteindre cette finalité.  Mais nous participons déjà à cette grande chaîne créationnelle, lorsque nous veillons à vivre dans le quotidien  de nos existences, l'amour, la douceur et la tendresse.  Un jour, à l'aube des temps, l'humanité entière sera réalisée.  La Création sera accomplie.  Toutes et tous, nous serons des êtres achevés.  Nous aurons atteint l'objectif que le Père nous avait confié en nous demandant de poursuivre son ½uvre créatrice.  Et ce jour-là, quoi de plus normal que le Fils de l'homme revienne parmi nous « dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire ».  Toutes et tous, nous serons accomplis, c'est-à-dire sauvés.  Nous participerons à la vie divine.  Tout être humain sera à jamais en Dieu.  Sommes-nous en droit de postuler cette universalité du salut : oser croire que chacune et chacun sera sauvé ?  Il ne s'agit bien évidemment pas d'une certitude.  Nous pouvons à tout le moins le souhaiter, l'espérer.  Quelle plus belle espérance que celle de croire qu'un jour, Dieu aura accompli sa Création et que, nous serons toutes et tous en lui.  Le temps de l'Avent n'est-il pas ce temps offert pour se nourrir d'une telle espérance ?  Je nous le souhaite en tout cas.

Amen

1er dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

L'HISTOIRE A-T-ELLE UN SENS ?

Nous commençons aujourd'hui une nouvelle année liturgique qui sera éclairée par l'évangile selon saint Luc.
Sur la grille de départ, la première chose qu'il importe de savoir, c'est le but, la destination : où le temps nous emmène-t-il ? L'histoire serait-elle un cycle sans cesse recommencé, rythmé par l'éternel retour des saisons ? Nous offrirait-elle platement de nouvelles opportunités de jouir d'un amas de choses ? Nous conduirait-elle dans un nirvana où tout se dissout dans le grand Tout ?  Serait-elle une course suicidaire à l'abîme, une glissade absurde vers le néant ?  L'évangile inaugural, extrait de l'ultime enseignement de Jésus à ses disciples, nous révèle notre horizon et nous enseigne par conséquent l'attitude qu'il nous convient de prendre.

Jésus parlait à ses disciples de sa venue : «  Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. ALORS ON VERRA LE FILS DE L'HOMME VENIR dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche..... »

Naguère il était de bon ton de se moquer de la bible qui parlait d'un commencement  et de  la fin du monde, mythes, disait-on, pour esprits retardataires. Or aujourd'hui les sciences affirment bien l'explosion inaugurale d'où est issu le cosmos (le big bang) et elles annoncent, avec la même assurance, l'extinction du soleil et la disparition de l'univers (rassurons-nous : pas avant quelques milliards d'années).
Jésus n'est ni un savant qui nous offre des connaissances ni un voyant qui cherche à nous terroriser.  Prophète authentique, évoquant les catastrophes sidérales, il en parle comme de SIGNES. Sachez, dit-il, comprendre les perturbations et les calamités : au c½ur de vos détresses, réalisez que vous ne vivez pas dans un univers stable et définitivement clos. Ces malheurs doivent vous remettre devant la fragilité des choses, l'impermanence des réalités qui paraissent les plus éternelles. Les catastrophes sont certes terrifiantes mais elles sont comme des failles qui vous permettent d'entrevoir la Vie qui survient à travers la mort.
Les sciences peuvent bien parler de « la fin du monde » : les disciples qui savent lire « les signes » croient qu'ils vont à la rencontre de Quelqu'un : le Sauveur Jésus.
En effet, le pauvre Galiléen condamné et exécuté un certain vendredi à Jérusalem est apparu SEIGNEUR GLORIEUX ET VIVANT à ses disciples. Leur épouvante a viré en émerveillement, leur tristesse en joie, leurs ténèbres en lumière. De même tous les disciples traverseront des nuits, s'abîmeront dans les tempêtes des souffrances mais ils verront Jésus venir dans la lumière de l'amour vainqueur. Car de même qu'il s'identifiait au « Serviteur souffrant », homme défiguré, affreux à voir, abandonné de tous mais dont Dieu promettait la réussite et l'élévation glorieuse (Isaïe 52,13), Jésus savait tout autant qu'il était aussi le mystérieux Fils de l'homme prophétisé par Daniel. Dans une vision apocalyptique, celui-ci avait annoncé qu'après la succession des empires basés sur l'usage de la violence et donc représentés par des monstres, viendrait enfin un royaume humain.

« Et voici qu'avec les nuées du ciel venait comme un FILS D'HOMME : il arriva près de Dieu et il lui fut donné souveraineté, gloire et majesté : les gens de tous peuples, nations et langues le servent. Sa royauté ne sera jamais détruite «  (Daniel 7, 13)

Les manifestations de l'ébranlement cosmique devront donc être, pour les croyants, les SIGNES non que le monde va sauter, mais que Jésus vient comme FILS DE L'HOMME glorieux à qui Dieu remet son Royaume de splendeur. Les secousses de l'univers seront, pour les  fidèles, le signal pour « se redresser et relever la tête car VOTRE REDEMPTION APPROCHE ». L'accouchement est douleur mais essentiellement libération.

COMPORTEMENT NECESSAIRE.

Cette finalité de notre histoire ne nous épargne pas l'appréhension et la crainte, elle ne nous jette pas dans des élucubrations et des pronostics - car la date et l'heure, personne ne les connaît-, et elle nous interdit de nous perdre dans une quête effrénée des plaisirs (Mangeons et buvons car demain nous mourrons). Jésus nous donne la bonne attitude à avoir.
« Tenez-vous sur vos gardes de crainte que votre c½ur ne s'alourdisse dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie et que ce Jour-là ne tombe sur vous à l'improviste.
Comme un filet, il s'abattra sur tous les hommes de la terre..... ».

De même que la destination commande le choix d'un chemin, de même qu'une compétition sportive oblige à l'observance des règles, ainsi l'eschatologie, c.à.d. la révélation des fins dernières, appelle à une morale, à un comportement. Il faut se décider sur le champ sans remettre à plus tard une conversion aléatoire puisque le Jour surviendra subitement. Le 12.12.12......ou ?............ou le 1.1 de l'an 245.678.999 ???
L'oubli de cette échéance peut, dit Jésus, nous faire tomber dans trois tentations : les déviances sexuelles, les excès alcooliques, les soucis obsédants quant aux nécessités de la vie. Déjà la parabole du semeur nous avait alerté sur ce dernier danger : si les paroles de Jésus sur le Royaume sont comme des graines jetées par un semeur, certaines tombent sur le chemin durci et disparaissent ; d'autres dans la pierraille se dessèchent ; d'autres dans des buissons épineux qui les étouffent. Et l'évangile expliquait : « Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui entendent et qui, du fait des soucis, des richesses et des plaisirs de la vie, sont étouffés en cours de route et n'arrivent pas à maturité » (8, 14). Il est normal de se préoccuper du nécessaire, d'avoir besoin d'argent, de goûter aux jouissances de la vie mais attention que notre « c½ur » ne se laisse envahir par l'obsession, la frénésie de l'achat (Matth 6, 25-33 : « Ne vous inquiétez pas.... »). N'est-ce pas là la tentation majeure d'une société « dite de consommation » ? Si l'on vous entraîne à « baisser les yeux » sur des étals combles et des publicités racoleuses : « Levez les yeux ».

REMEDES POUR TENIR BON

« Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d'échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l'homme ».

La vie peut être une suite monotone de journées identiques ; elle peut être désespérée tant les malheurs sont immenses ; elle peut s'étourdir dans des divertissements insensés, s'enfuir dans les paradis artificiels de l'alcool et de la drogue, s'évader dans la nostalgie du passé perdu ou s'épouvanter à la perspective des catastrophes apocalyptiques.
Jésus nous enseigne la seule attitude raisonnable : L'EVEIL et la PRIERE.
Non bien sûr l'insomnie inquiète et les baratins bigots. Mais autant que possible, reprendre toujours conscience de l'enjeu majeur. La vie humaine sera jugée : ce qui veut dire qu'elle a une valeur personnelle unique, que toutes les décisions ne se valent pas, que chacun a des responsabilités, que l'endormissement nous est interdit. La prière est conscientisation, appel de notre fragilité, recours à une force divine : «  Père, ne nous laisse pas tomber en tentation mais délivre-nous du Mal ».
Nous ne comparaîtrons pas devant notre conscience qui nous accable de reproches, ni face à un juge tenant un compte implacable de nos fautes mais devant « le Fils de l'homme ». Comment donc aurions-nous peur puisqu'il s'agit de ce même Jésus qui courait vers la brebis perdue, qui accueillait l'enfant prodigue, qui « est venu chercher et sauver ce qui est perdu » (19, 10) et qui en a donné la preuve suprême en donnant sa vie pour le pardon des pécheurs ? Sa croix est notre sentence libératrice.

Connaître le prix de la vie, la valeur unique de chaque instant,
ne pas subir un destin mais participer à une histoire qui a un but donc une signification,
recevoir l'Evangile non comme un récit passé mais comme lumière du présent et Bonne Nouvelle de l'avenir,
nous retrouver chaque dimanche pour surmonter nos peurs, accueillir le Fils de l'homme s'offrant comme notre hostie partagée afin que nous vivions déjà la communion du ciel.
En ce 1er jour de l'année chrétienne, tout l'essentiel nous est dit.

Le 1er janvier, nous lancerons un banal « Bonne année » : aujourd'hui nous nous disons : « EN AVENT ! »
Oui EN AVANT pour dire aux hommes qu'ils ne vivent pas en vain, que rien n'est jamais totalement perdu et qu'il est toujours urgent de lâcher les armes et de se réconcilier.
Le témoignage vital à donner dans un monde en crise est celui de l'ESPERANCE. « REDRESSEZ-VOUS »

34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

QU'EST-CE QUE LA VÉRITÉ ?

Jésus de Nazareth portait un nom-étendard (IESHOUAH, en hébreu, signifie DIEU SAUVE, SAUVEUR) ; en outre il était, disait-on, descendant de la famille royale de David ; il effectuait des guérisons sensationnelles ; il proclamait que le Règne de Dieu approchait ; il se disait Fils de Dieu ! Tout cela explique que, lors de son entrée dans Jérusalem, une foule l'acclama avec enthousiasme : «  Voici le roi d'Israël » (Jean 12, 12). La Pâque (la fête de la libération !) approchait, des pèlerins affluaient par milliers : la tension montait dans la capitale. Jésus allait-il lancer le signal pour recouvrer l'indépendance nationale ?
Pilate qui résidait habituellement à Césarée, sur la côte, était arrivé avec ses meilleures troupes pour réprimer toute révolte éventuelle. Alors Caïphe, le grand prêtre, convoqua d'urgence le sanhédrin et convainquit ses collègues : pour que Jérusalem ne s'embrase pas dans une révolte perdue d'avance, il suggéra : « Ne vaut-il pas mieux qu'un seul homme meure pour le peuple ? ». Et, dit Jean, « c'est ce jour-là qu'ils décidèrent la mort de Jésus » (11, 49-53). Raison d'Etat !
Avec l'aide de Judas, on arrêta le Galiléen et on l'amena chez le grand prêtre. On n'observa pas la procédure légale car l'urgence, c'était que Jésus disparaisse au plus vite, mais pour cela il fallait la sentence de Rome. Dès l'aube, on introduisit le prisonnier dans la résidence de Ponce Pilate mais ses gardiens refusèrent d'y entrer car, ce soir, on allait manger le repas pascal donc on ne pouvait se souiller en pénétrant dans une demeure païenne (18, 28-32). Et voilà pourquoi Pilate fut obligé de faire des entrées et des sorties, allant des Juifs au-dehors à Jésus enfermé. Il était perplexe : pourquoi donc ces gens voulaient-ils la mort d'un de leurs compatriotes ? Qui était ce prisonnier à l'air inoffensif pour qu'il soit jugé si dangereux ? Pilate rentra interroger Jésus : c'est la petite scène en 7 répliques (il faut surtout restituer la dernière omise en liturgie !) qui est la lecture de ce jour - à lire et relire afin de comprendre le sens du « pouvoir »et du « Royaume de Dieu ».

LA COMPARUTION DE JESUS DEVANT PONCE PILATE

-   Tu es le roi des Juifs ?
-   Dis-tu cela de toi-même ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ?
-  Est-ce que je suis juif, moi ? Ta propre nation, tes grands prêtres t'ont livré à moi. Qu'as-tu   fait ?
-  Ma royauté n'est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gardes auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais ma royauté, maintenant, n'est pas d'ici.
-  Tu es donc roi ?
-  Tu le dis : je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.
-  Qu'est-ce que la vérité ?...... »  ---      Sur ce mot, Pilate sortit trouver les Juifs...

Pour le Romain, on a transposé le titre juif « Messie » en celui de ROI ! Jésus demande à Pilate d'où il tient cette information : par ses services ou par les juifs ? Et, sans rejeter le titre de ROI, il expose en quoi consiste cette royauté : ce qu'elle n'est pas, puis ce qu'elle est.

Il ne dit pas qu'elle n'est pas DANS le monde (réservée aux belles âmes ou renvoyée dans l'au-delà) mais elle n'est « pas DE ce monde », c.à.d. qu'elle ne s'origine pas dans les conceptions terrestres où la royauté est synonyme d'un pouvoir, acquis par hérédité ou par force, qui s'exerce par la politique, se défend par les armes, s'étale dans les possessions, le luxe, les honneurs. Si j'étais roi à la manière humaine, dit Jésus, mes gardes m'auraient défendu - or justement j'ai interdit à Pierre de sortir son poignard lors de mon arrestation (18, 11)

Alors quelle est donc cette royauté ? Elle est la réalisation du projet de Dieu : Jésus se dit envoyé comme Fils par son Père pour TEMOIGNER DE LA VERITE. En hébreu (émet'), la vérité est ce qui est absolument solide, ce sur quoi l'univers peut se fonder, sur quoi l'homme peut s'appuyer, se fier. Cette vérité n'est pas un ensemble de dogmes, un discours théologique, un code moral : elle est quelqu'un, le Fils qui est près du Père. « Par sa parole et sa présence même, le Fils propose aux hommes le don de la communion divine » (Xavier-Dufour)

TEMOIGNER car la vérité ne se dicte pas, ne s'impose pas, ne s'assène pas, n'écrase pas. Elle est lumière qui rayonne. Jésus, comme Parole de Dieu, comme Fils de Dieu, témoigne de cette Vérité. Son existence, ses paroles, ses comportements, ses actions sont d'une unité, d'une authenticité, d'une intégrité qui révèlent et communiquent la Grâce et la Vérité de Dieu (1, 17). Il n'a pas besoin d'accumuler des arguments, d'exposer des preuves, d'user de force, de chercher à séduire. Il est VERITE, TEMOIN DE LA VERITE DE DIEU. Dans ses adieux aux disciples, Jésus avait osé affirmer : «  Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Personne ne va au Père si ce n'est par moi... » (14, 6)

QUICONQUE EST DE LA VÉRITÉ ÉCOUTE MA VOIX

Ce témoin de la Vérité qui n'enjôle ni ne contraint, qui ne séduit ni ne force, qui n'épate ni ne violente, laisse donc toute liberté à l'humanité. Tout homme peut le regarder, l'écouter, le toucher : il doit se décider pour ou contre lui, répondre par la foi-confiance ou le refus.

Qu'est-ce qui provoquera la décision ? Le c½ur, c.à.d. l'élan profond, le désir, le moi de l'être humain. Si l'homme « est de Dieu » c.à.d. s'il est ouvert à la quête de lumière qui l'habite, s'il accepte d'être nu devant Dieu, non pas parfait et immaculé mais sincère, détaché de ses appuis, « s'il fait la vérité , il viendra à la lumière » (3, 21). Mais s'il s'accroche à ses certitudes personnelles, s'il craint le qu'en dira-ton, s'il n'ose pas croire au pardon, s'il se fie à lui-même, s'il veut sauver ses biens, sa réputation, sa vie, alors il tâtonnera dans les ténèbres.  La parabole du Bon Pasteur l'avait déjà exprimé en image : «  Les brebis qui lui appartiennent, il les appelle, chacune par son nom et il les emmène dehors. Il marche à leur tête et elles le suivent parce qu'elles connaissent sa voix... » (10, 3-4). L'Evangile est « une voix » unique !

Pilate va-t-il poursuivre le dialogue ? Lui, le représentant du plus grand empire qui ait jamais existé, aura-t-il le courage d'interroger et d'écouter ce pauvre type ligoté devant lui, ce juif méprisable ? La puissance impériale, représentante de César, consentira-t-elle à s'informer sur la royauté fragile du Fils, représentant de Dieu ? Hélas, non !
Au lieu de poursuivre le dialogue, d'entrer dans ce chemin que Jésus lui ouvre, le préfet romain se détourne de son prisonnier en lançant, désabusé : «  Qu'est-ce que la vérité ? ». Phrase terrible qui conduit l'humanité à sa ruine et au désastre. Car si l'on s'enferme dans le scepticisme en ne se fiant qu'à la force des armes, si l'on refuse de ne plus chercher la lumière, alors la vie déraille et l'homme se perd.

Sans attendre de réponse, Pilate tourne le dos à Jésus et sort pour trouver ses ennemis qui veulent sa mort. Devinant que Jésus est innocent, il affirmera bien qu'il n'y a aucun motif de le condamner...mais, sous la menace de prochaines violences qui permettraient de le dénoncer à Rome comme incapable de garder l'ordre à Jérusalem, Pilate va céder. Si on doute de la capacité à la vérité, alors un être humain n'a pas de prix, on peut sacrifier quelqu'un qu'on sait innocent. Un Juif  de plus ou de moins, qu'importe ?
Ligoté, flagellé, défiguré, Jésus, lui, « fait la vérité ». Sur la croix d'infamie, comme il l'avait dit, il sera « élevé » : non tant dressé en l'air sur le poteau mais élevé come sur un trône. La pancarte rédigée par Pilate « CELUI-CI EST LE ROI DES JUIFS », rédigée en trois langues, hébreu, grec, latin, proclamera que la royauté de Jésus est universelle. Il l'avait dit : «  Je serai élevé de terre et j'attirerai à moi tous les hommes »(12,32). Depuis ce jour, cette royauté est annoncée par des témoins, par des apôtres qui l'ont abandonné et qui restent capables de le trahir, mais qui reviennent, comme nous, se jeter à ses pieds  pour confesser comme Thomas : « MON SEIGNEUR ET MON DIEU. »(20, 29).

Voici l'ultime semaine de l'année liturgique, le temps de rendre grâce, de chanter notre louange, d'exulter de joie car nous sommes déjà, par grâce, citoyens de ce Royaume paradoxal. Et nous  nous engageons, pour l'année qui vient, à être des témoins fiables de cette vérité crucifiée mais vivante qui est l'Amour de Dieu.

33e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

CHRÉTIENS  DANS  L'HISTOIRE

Au terme de sa dure montée vers Jérusalem (symbole du chemin ardu que  les exigences du Royaume nous imposent), Jésus n'a pas correspondu aux attentes de la foule qui attendait une révolution. Au lieu de s'en prendre aux Romains ou aux pécheurs, il est entré dans l'enceinte du temple pour y enseigner et, pendant plusieurs jours, sans tomber dans les pièges tendus par ses adversaires, il n'a pas réussi à se faire comprendre. Alors, dit Marc, « il sort du temple » (13, 1) où il ne reviendra plus. Il a échoué à convertir le système rituel et religieux. Celui-ci est livré à son destin : la mort.
En sortant, à un disciple qui s'extasie sur la beauté de l'édifice, Jésus répond par une annonce stupéfiante : « Tout cela sera détruit » !! Peu après, sur le mont des Oliviers en face de la capitale, 4 apôtres en privé le prient de leur expliquer : « Quand donc cela arrivera-t-il ? ». Alors Jésus leur tient un grand discours sur l'avenir (le plus long dans s. Marc). Il n'a plus que 2 jours à vivre mais ensuite l'histoire continuera, chaotique et souvent dangereuse: aussi exhorte-t-il les disciples à « PRENDRE GARDE » (début, milieu et fin du texte : 13, 5, 23.33) car des événements extrêmement graves et douloureux surviendront.  On peut compter  5 « prévisions », mais chaque fois, Jésus révèle à ses disciples la juste attitude à avoir pour persévérer dans la foi et tenir bon.
1)    D'abord paraîtront, sans cesse, de faux messies qui, en promettant libération et bonheur, subjugueront les foules naïves - Il ne faudra pas se laisser « égarer »  même si ces menteurs réalisent des prodiges (13, 5. 22). Or que de fois des baptisés ont suivi des « führers » ou des « grands timoniers » !!
2)    Des guerres ne cesseront d'éclater ici et là, des conflits déchireront les peuples et multiplieront les victimes  -  Il ne faudra pas s'alarmer car ce ne sera pas encore la fin (13, 7)
3)    Des catastrophes naturelles, inondations, famines, tremblements de terre, sèmeront la panique   -   Ce ne sera pas la fin mais le commencement des douleurs de l'enfantement (13, 8), c.à.d. le vieux monde s'en ira mais pour que naisse un nouveau monde.
4)   Les disciples de Jésus seront poursuivis, traînés devant les tribunaux, condamnés. Même dans les familles on se dénoncera les uns les autres. - Mais ainsi les chrétiens pourront rendre témoignage parmi toutes les nations. Et qu'ils ne s'inquiètent pas pour leur défense : l'Esprit-Saint parlera en eux (13, 1O-11)
5)    Un jour surviendra un mystérieux événement à  Jérusalem : « L'abomination de la Désolation » siègera là où il ne faut pas (13, 14 - d'après Daniel 11, 31)    -    Il n'y aura qu'une seule issue : fuir au plus vite.

LA VENUE DU FILS DE L'HOMME EN GLOIRE

« En ces temps-là, après cette détresse, le soleil s'obscurcira et la lune perdra son éclat ; les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées. ALORS ON VERRA LE FILS DE L'HOMME VENIR sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel ».
Pour évoquer l'événement final, Jésus reprend les images terrifiantes utilisées déjà par certains prophètes : effrayés par l'observation de certains phénomènes (étoiles filantes, éclipses...), ils imaginaient la fin du monde comme la chute des puissances divines qui dirigent la marche des astres. Dans ces pages « apocalyptiques », tout sera bouleversé. (cf. Joël 2, 10 ; 3, 4 ; 8, 12 ; Ez 3, 2 ; Is 34, 4....). Mais « apocalypse » ne signifie pas ruines, destructions et épouvante mais « révélation », dévoilement des choses cachées. L'univers se déchirera pour laisser apparaître le mystère qu'il cache et qui est la Bonne Nouvelle : Jésus viendra dans la Gloire divine, comme Seigneur et Juge.
Cette venue est inspirée par la vision de Daniel. Ce prophète avait vu le triomphe des grands empires païens, Israël piétiné, le massacre des juifs fidèles, l'idole de l'Abomination (une statue de Zeus) installée au c½ur du  temple de Jérusalem. Mais il pouvait rassurer ses frères persécutés en leur révélant la grande vision qu'il avait reçue : « Je regardais dans les visions de la nuit et voici qu'avec les nuées du ciel               venait comme un Fils d'Homme : il arriva jusqu'au Vieillard et on le fit approcher.
Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté ; le gens de tous peuples et nations le servaient. Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas »    (Daniel 7, 13)
Ainsi l'évangéliste affirme avec assurance que Jésus, ce misérable condamné par Pilate, ce pendu horrible du Golgotha, que tous croient mort à jamais, est bien cet Homme plongé dans la Gloire divine à qui Dieu remet le Royaume éternel, Royaume de lumière et de bonheur, de vérité et de justice.
Et que fait-il ?
« Il envoie ses anges pour rassembler les élus des 4 coins du monde ».
Le grand rêve de l'humanité enfin une et pacifiée s'accomplira : il ne sera pas le résultat des efforts humains, l'aboutissement des progrès des sciences, la conséquence des traités mais l'½uvre du condamné devenu le Juge du monde. Il n'y aura plus de racisme, de conflits, de haine. Contrairement à l'orgueil sectaire de certains (Qumran et autres groupes fanatiques), la réunion ne visera pas une élite de  « purs », laissant les autres à la damnation. Par Jésus Fils de l'homme, le royaume accueillera des personnes de toute origine. L'Evangile est vraiment message universel et l'Eglise alors réalisera son titre : « catholique ». Le salut n'est donc pas perfection individuelle, fixation dans l'Absolu, dissolution dans le grand Tout mais accomplissement de chaque personne dans la communion.

PARABOLE DU FIGUIER


Que la comparaison du figuier vous instruise : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l'été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez cela, sachez que le Fils de l'Homme est proche, à votre porte.
L'observation de la nature permet de prévoir l'approche des saisons : ainsi les disciples doivent scruter l'actualité c.à.d. être attentifs à tous ces événements que le discours évoquait. De la sorte ils comprendront l'histoire et discerneront l'approche du Fils de l'homme en gloire. Ici sa venue n'est plus rejetée à la fin des temps car « il est proche, à votre porte ». La fin du monde aura sans doute lieu dans des millions d'années mais tout instant est approche du Christ. Dans la foi nous vivons dans le pressentiment, paisible, de son imminence. La foi devine sa présence, comme derrière une porte close
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n'arrive
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas
La phrase semble fausse puisque, quand Marc écrit cela, la génération de Jésus est passée. Donc c'est que le scénario est effectivement en train de se dérouler, manifeste pour ceux qui veulent bien voir, les fidèles vigilants qui se tiennent sur leurs gardes. Car l'enseignement de Jésus n'est pas vague hypothèse, utopie : il est absolument certain, indépassable, plus éternel que le monde.
Quant au jour et à l'heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père »
Enfin Jésus nous dissuade de noter le calendrier de Dieu, de calculer les délais, de nous livrer à des pronostics (qu'ils soient de Nostradamus ou des Mayas). Personne ne peut savoir et Jésus précise - à notre grand étonnement - que même lui, le Fils, ignore le jour et l'heure. Confidence étonnante que Marc, qui savait pourtant les questions qu'elle allait éveiller n'a pas omise (Luc l'a supprimée).

CONCLUSIONS

L'objection est ancienne : « Comment pouvez-vous dire que Jésus est le Messie puisque rien n'est changé et qu'il y a tant de souffrances ? ». Mystère du plan de Dieu qui ne nous donne pas un monde parfait, tout fait, mais  excite nos responsabilités. La venue de Jésus jadis et son enseignement jamais dévalué nous permettent d'avancer dans une histoire tragique où, en nous tenant sur nos gardes, nous avons à témoigner de lui.
En tout cas nous n'errons pas dans l'absurde vers la déflagration finale mais nous allons, durement, à la rencontre de celui qui est devenu Seigneur parce qu'il nous a aimés jusqu'à la croix. Notre assemblée eucharistique dominicale préfigure et réalise déjà « le rassemblement » annoncé par Jésus. Restons éveillés (13, 33 ;35 ;37) et crions dans la prière : VIENS SEIGNEUR JESUS (Apocalypse 22, 20).

32e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Il y a bien longtemps, lorsque j'étais jeune et innocent à l'école primaire, ?un de mes professeurs avait relevé le défi d'amener toute la classe au musée des beaux arts à Bruxelles, pour une excursion scolaire.
J'ai malheureusement presque tout oublié de la visite mais je n'oublierai jamais cette image un peu surréaliste des élèves de ma classe, massés dans le hall d'entrée du musée, autour d'un tronc remplis de pièces et des billets donnés pour soutenir le musée. Ce n'était pas vraiment une ½uvre d'art, mais c'était ce qui avait capté l'attention des turbulents élèves que nous étions, curieusement plus intéressés par l'amassement des devises étrangères dans ce tronc en plexiglas que par les ½uvres de Bruegel l'ancien et de Rubens autour de nous. Je n'ose imaginer les visiteurs amusés nous regardant.


Mais imaginez maintenant Jésus, assis dans le temple, regardant --nous dit le texte-- comment la foule mettait de l'argent...
Il est révélateur que Marc ait choisi cet épisode de l'offrande de la veuve pour terminer l'enseignement et la vie publique de Jésus. Symboliquement, par son don, la veuve de l'évangile offre bien plus que ce qu'elle a, elle offre son manque, sa vulnérabilité. Elle donne ce qu'elle est, tout simplement.?En effet, cette veuve offre sa pauvreté et son manque. Elle ne met pas son superflu, son surplus, mais elle offre littéralement ce qu'il y a en bas, ses zones d'ombres, ce qu'il y a au fond d'elle-même. Le mot grec utilisé pour signifier d'où vient le don de la veuve est le mot usteros, qui signifie ce qui est en bas, ses tripes, son ventre. La veuve qui met deux pièces dans le trésor, c'est comme si elle vivait un déplacement et qu'elle se dépossédait de la seule part d'égoïsme qui lui restait encore. 
En effet, le centre de gravité pour un être humain est toujours son ventre, à hauteur du nombril, de son appétit. Mais lorsque nos fragilités et nos faims sont déposées, notre c½ur est plus léger à offrir et voilà que nous devenons féconds. La part de peur et de fragilité au fond de nous, quand elle est déposée, nous libère et nous tire vers le haut. ?
Quant à nous, l'enjeu n'est pas simplement ce que nous donnons, mais plus profondément, comment nous donnons notre vie, comment nous offrons ce qui est au fond de nous et ce que nous fait vivre. C'est en effet en se débarrassant de ce qui nous tire vers le bas que nous pouvons vivre, ?que nous pouvons nous libérer non pas de nous-mêmes, ?mais de ce qui nous empêche d'avancer.

Et comme pour tout don véritable ou toute décision difficile à prendre, il s'agit  de trancher, de quitter le centre de gravité de notre ventre, pour rejoindre le c½ur de l'être aimé et de notre prochain. Ce mouvement d'amour et de don ne peut jamais venir d'une fausse culpabilité, mais de la simple ?prise de conscience que c'est en se donnant que l'on se retrouve soi-même. ??Car c'est lorsque nous sommes émus aux entrailles que nous parvenons à donner ce que nous sommes essentiellement. ?C'est cela donner sa vie, c'est cela aussi aimer. ?Aimer quelqu'un, s'engager envers lui, partager des moments de vérité avec un être cher, ce n'est pas jouer et donner son superflu, la périphérie de son être, ses bons côtés ou ses sourires.  Donner sa vie, c'est se donner tout entier, sans fard ni masque, avec ses manques et donc sa pauvreté.
Donner sa vie, c'est donc donner ses échecs et ses défauts, offrir ses deuils non cicatrisés, son passé blessé, car nous sommes toutes et tous des êtres de désir et de rêves non comblés. Mais nous sommes invités à déposer tout cela... pour vivre.
Le paradoxe du don de la vie est total. ?En effet, donner sa vie, ?c'est donner non pas ce qu'on a, mais paradoxalement ?ce qui ne nous appartient ultimement pas, la vie. ?C'est cela le don de la vie. ?Donner son être, comme le ventre d'une mère donne la vie, ?c'est découvrir que le miracle de la vie ne nous appartient pas.

Alors, ne nous enfermons pas dans notre superflu, ?mais retrouvons l'essentiel, ?pour nous donner totalement dans ce que nous sommes, ?Car si le superflu est parfois facile et éphémère, ?le don de ce que nous sommes coûte, ?mais il est un don véritable, au goût d'éternité. Amen.

32e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

PAS DE BLING-BLING DANS L'EGLISE

En 587 avant notre ère, Nabuchodonosor et ses armées s'emparent de Jérusalem : la ville est saccagée, le temple incendié, le roi, la cour et les classes dirigeantes déportés en Mésopotamie. Ce désastre aurait pu être la fin d'Israël qui allait se laisser assimiler par la brillante civilisation païenne mais les exilés s'accrochent à leur foi ancestrale : ils se réunissent, collectent leurs souvenirs, réfléchissent à leur destin. Et lorsqu'après plus de 50 ans, sous le nouvel empire perse, ils rentrent au pays, ils rebâtissent leur capitale, édifient un nouveau temple et les scribes (les lettrés) réalisent une ½uvre extraordinaire : ils créent la BIBLE. Royauté et armée sont vulnérables ; temple et culte fragiles ; pays facilement envahi et occupé. Reste LE LIVRE de l'ALLIANCE AVEC DIEU.

LES SCRIBES ET LA NAISSANCE DE LA BIBLE

Sous la direction d'EZRA (Esdras), le prêtre-scribe, on fait mémoire de l'histoire d'Israël, on rassemble les oracles des anciens Prophètes et on conclut que la terrible catastrophe était le châtiment mérité de Dieu à cause des infidélités répétées de son peuple. En conséquence, l'urgence, la solution pour l'avenir est de fixer par écrit cette histoire de l'alliance de Dieu et d'enseigner sa Loi au peuple afin que tous désormais observent les commandements de Dieu et évitent les péchés du passé. C'est ainsi que naît l'ébauche de la  BIBLE.  
A ce moment, les SCRIBES commencent à prendre une importance fondamentale. Comme EZRA, ces hommes lettrés ont charge d'écrire la Loi, de la recopier avec précision, de la méditer, de l'étudier et de l'enseigner avec la plus totale fidélité à la lettre. L'explication et la transmission des ECRITURES deviennent une charge capitale, essentielle : c'est autour de ces textes que se constitue Israël - tel que nous le connaissons encore aujourd'hui. Israël a écrit les saintes Ecritures mais c'est la Parole de Dieu qui a gardé Israël.
La secte pharisienne va naître, elle aussi, de cette préoccupation d'identité et de survie : leurs scribes s'appliqueront à la pratique la plus tatillonne de tous les préceptes, créeront des coutumes pour préserver les observances et veilleront à ce que l'héritage soit transmis par les parents à leurs enfants.
Dans la société juive, les scribes sont réputés pour leur science ; les grands maîtres éblouissent leur auditoire par leur subtilité d'esprit, ils sont vénérés et salués par le titre de « rabbi » (mon maître) - qui donnera le mot rabbin. Certains d'entre eux sont choisis pour faire partie, avec des grands prêtres et des anciens, du grand tribunal, le Sanhédrin.

LES SCRIBES ET JESUS

Dans les évangiles, par contre, les scribes apparaissent comme des adversaires farouches de Jésus. Ces savants sont choqués par les audaces de ce paysan, Jésus de Nazareth, un « laïc », un petit villageois qui n'a pas fait les longues études nécessaires, n'a aucune compétence pour prêcher, prend l'initiative de pardonner les péchés (2, 6), fréquente des pécheurs notoires (2, 16), n'observe pas les coutumes habituelles (7, 1). Ce sont les scribes, dit Marc, qui accusent Jésus d'être un possédé qui a fait un pacte avec le diable (3, 22) et ils sont décidés à le supprimer dès que possible (11, 18). Lorsque Jésus annonce à ses disciples sa passion prochaine, il leur dit qu'il sera rejeté « par les grands prêtres, les anciens et les scribes » (8, 31 ; 10, 33).  Avec le sanhédrin, ils parviendront à arrêter et à livrer Jésus (14, 43.53 ; 15, 1) ; certains d'entre eux se moqueront du crucifié (15, 31)
Pourtant nous avons rencontré dimanche passé un scribe qui ne partage pas l'animosité de ses collègues et qui se réjouit de son accord avec Jésus sur le primat absolu de l'amour « qui vaut mieux que les holocaustes ».  Il ne faut donc jamais généraliser.
Toujours est-il qu'à la suite des quelques controverses qu'il a eues avec eux au temple, Jésus dénonce vertement le péché de ces hommes.
Dans son enseignement, Jésus disait : «  Méfiez-vous des scribes qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques, les premiers rangs dans les synagogues et les places d'honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d'autant plus sévèrement condamnés ».
Parmi ces « théologiens », certains sont imbus de leur savoir, jouent aux grands personnages, s'habillent de manière chic, se plaisent à recevoir les marques de respect et de vénération des passants, jouissent d'occuper les places d'honneur dans le culte et les réceptions. Ces « intelligents », on leur voit faire de longues prières mais leur piété affectée cache un c½ur cupide, manigançant pour obtenir les cadeaux des riches et jouir de l'héritage des veuves fortunées.
Vanité, recherche des honneurs, cupidité : péchés d'autant plus graves qu'ils sont le fait de personnes qui se présentent comme les savants, les modèles et qu'ils dissimulent ces fautes sous des apparences pieuses.
A deux reprises, Jésus avait tancé ses apôtres qui étaient tentés, eux aussi, de devenir de grands chefs pour épater la galerie : « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » (9, 35 et 10, 43).

LA GENEROSITE AUTHENTIQUE

Par contre, Jésus va faire l'éloge d'une pauvre et humble femme qui est tout le contraire de ces maîtres.

Jésus s'était assis dans le temple en face de la salle du trésor et regardait la foule déposer de l'argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s'avança et déposa deux piécettes. Jésus s'adressa à ses disciples : «  Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence. Elle a tout donné, tout ce qu'elle avait pour vivre ».
Sans doute les apôtres manifestaient-ils leur admiration pour tel ou tel qui  ostensiblement glissait dans le tronc une somme importante. Jésus détrompe ses amis  et leur apprend que la générosité doit s'évaluer selon le rapport « possession/don ». Un milliardaire qui offre 50.000 euros n'est pas généreux puisqu'il écorne à peine son superflu et n'entame en rien son train de vie. Tandis que cette petite vieille misérable, apportant quelques centimes, tout ce qu'elle a, montre, elle, une générosité authentique.

CONCLUSIONS

On comprend pourquoi certaines autorités religieuses du temple ont détesté, rejeté et finalement condamné Jésus à mort. Afin de libérer la foi du légalisme et le culte du formalisme, il osait dénoncer leurs fautes graves : multiplier les préceptes au point de transformer la Loi en un carcan d'obligations insupportables pour le peuple, valoriser leur personnage, s'infatuer d'eux-mêmes, courir après les honneurs, aimer l'argent, placer le culte et la régularité des rites avant l'amour. Marc, en dénonçant certains scribes juifs, pressait les savants de l'Eglise de ne pas leur ressembler. Or  hélas, l'histoire raconte que, pas peu souvent hélas, dans les hauts degrés de la hiérarchie, certains sont retombés dans les mêmes travers.

Jésus a beaucoup appris des femmes lesquelles n'avaient qu'un statut mineur dans la société du temps. Naguère, une d'elles, souffrant d'hémorragies, l'avait émerveillé par sa foi (5, 25) ; lors de son passage en Phénicie, il avait été frappé par la foi d'une maman qui intercédait pour sa petite fille et le pressait d'élargir sa mission (les miettes) aux païens (7, 27) ; ici à nouveau une femme, sans un mot, donne à Jésus une fameuse leçon : pour Dieu, il faut savoir donner tout son bien jusqu'à se dépouiller. Jésus, frappé par cet exemple silencieux, va aller beaucoup plus loin puisque ce n'est pas de l'argent mais son être, sa vie qu'il va bientôt offrir sur la croix. Enfin lorsqu'une femme le oindra à Béthanie, il y verra le signe de son ensevelissement (14, 3). Les femmes l'ont aidé à reconnaître son chemin.

 

31e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Aimer Dieu.  Mais comment voulez-vous aimer quelqu'un que vous ne connaissez pas et qu'il n'est pas possible de rencontrer ?  me disait un jour une personne.  Me revient à l'esprit cette béatitude trouvée dans l'évangile de Jean : « heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ».  Cette affirmation est le sens même de notre foi, voire de notre liberté. 

Dieu, nous ne l'avons jamais vu et j'ai envie de vous dire : tant mieux.  Tant mieux parce que je me sens alors plus libre.  Je ne sais pas si cela vous a frappé mais depuis le début de cette célébration, je suis une entrave à votre liberté.  Non pas d'abord parce que vous êtes tenus de vous taire durant cette homélie ou de suivre la liturgie telle qu'elle vous est proposée mais plutôt parce qu'aucun d'entre vous ne peut dire que je n'existe pas.  Ma présence, mon existence s'impose à vous.  Vous ne pouvez la nier et vous n'êtes donc pas libre.  Dieu veut que nous soyons à ce point libre par rapport à Lui, qu'il ne peut plus être une évidence.  Si nous avions la certitude de son existence, nous ne serions plus libre de croire ou de ne pas croire.  Voici une belle richesse de notre foi.  Notre Dieu, révélé en Jésus-Christ et à l'½uvre dans notre monde par son Esprit, veut que ses créatures soient profondément libres par rapport à Lui.  Pourquoi ?  Peut-être tout simplement parce qu'Il recherche que nous entrions dans une relation d'amour avec lui.  Et l'amour pour se vivre, se doit d'être libre par dessus tout.  En effet, l'amour est ce sentiment merveilleux qui nous fait grandir, qui nous donne des ailes pour aller de l'avant et pour vivre sa vie autrement.  Nous avons besoin d'aimer et d'être aimé.  C'est de l'ordre de notre vitalité.  Dieu nous invite à nous tourner vers Lui et à l'aimer de « tout notre c½ur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toute notre force ».  Qu'est-ce à dire ?  Ce commandement est d'abord et avant tout une invitation à entrer en pleine vérité avec nous-même.  En Dieu, il n'y a plus de jardin secret.  Il n'y a rien à cacher.  Je le rencontre dans ma nudité intérieure.  Je me présente à lui tel que je suis.  Je lui partage mes soucis, mes zones d'ombre, mes tristesses.  Je lui offre mes joies, mes bonheurs, mes ajustements. J'entre en dialogue au plus intime de mon intimité pour chercher à comprendre ce qu'il attend de moi dans le quotidien de mon existence.  Quand j'arrive à vivre cela, je suis tout entier en Lui et Lui est tout disponible en moi.  Une paix intérieure s'installe au plus profond de mon être.  Je suis bien avec moi-même.  Je suis bien avec Dieu car je sais par-dessus tout que je suis aimé de Lui quoique je fasse, je pense ou je dise.  Il m'accepte inconditionnellement et m'ouvre son propre c½ur au plus intime du mien.  Cet amour divin est de l'ordre de l'indicible, du mystère.  C'est à chacune et chacun de nous de le trouver puis d'en vivre.  Dieu sera toujours là tout disposé à ce que nous puissions déposer en lui le lot quotidien de nos vies.  Avec personne d'autre sur cette terre, il nous est permis de vivre une telle intimité.  En effet, il ne nous est pas possible de tout dire, de tout partager.  Nous avons nos lieux personnels d'intimité, nos jardins secrets, nos fantasmes.  Ils sont en nous et seul, Dieu y accède lorsque nous lui ouvrons la porte de notre c½ur.  Façonnés par les richesses et les fragilités de notre être, nous sommes ensuite conviés à aimer notre prochain comme nous-mêmes.  Est-il besoin de rappeler que le prochain n'est pas la personne éloignée mais que c'est toujours moi qui devient le prochain de l'autre lorsque je m'en fais proche, lorsque je m'en rapproche.  Je suis donc invité à aimer de respect toutes les personnes de qui je me fais proche et à les aimer comme moi-même.  C'est-à-dire de les aimer telles qu'elles sont et non pas telles que je voudrais qu'elles soient et qu'elles deviennent.  L'amour et l'amitié que nous pouvons avoir l'un pour l'autre nous transformera immanquablement mais cela se vit tout naturellement.  Il n'y a pas un objectif caché.  L'autre, tout comme moi, est fait de forces, de vulnérabilité, d'inconnaissance et d'imperfection.  Réjouissons-nous de pouvoir vivre de ce type de rencontre dans la vérité de ce qui fait notre humanité et vivons tout tourné vers ce Dieu qui vit au plus intime de notre intimité là où nous n'avons plus rien à cacher.  Tel est le sens même de notre liberté.

Amen

Tous les Saints

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Aux neuf béatitudes que nous venons d'entendre dans l'évangile de Matthieu et que nous retrouvons en partie chez saint Luc, il y a lieu d'ajouter toutes les autres qui se trouvent ailleurs dans les évangiles : « heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi », « heureux vos yeux parce qu'ils voient », « heureux vos oreilles parce qu'elles entendent », « heureux les entrailles qui t'ont porté », « heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu », « heureux celui qui prendra son repas dans le Royaume de Dieu » et enfin, « heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ».  A cette liste, nous pouvons encore joindre la bonne douzaine de béatitudes qui se trouvent dans les différentes lettres du Nouveau Testament.  Au total, cela nous en fait une petite trentaine.

Oui, « heureux sommes-nous » !  Telle est cette destinée à laquelle toutes et tous nous sommes appelés.  La sainteté est donc bel et bien de l'ordre d'un bonheur à trouver mais plus encore à partager autour de nous.  La sainteté fait de chacune et chacune d'entre nous des êtres contagieux de Dieu.  Notre sainteté, celle que nous fêtons aujourd'hui, est une sainteté toute empreinte de notre humanité.  Nous ne nous situons pas dans le registre de la perfection, dans le champ d'une morale.  Il s'agit de bien plus que cela.  « Heureux sommes-nous » car nous croyons en Dieu.  La sainteté commence donc d'abord par une rencontre.  Divers chemins y conduisent.  Certains d'entre nous iront directement vers le Père, d'autres entreront en relation avec le Fils, d'autres encore se laisseront inspirer par l'Esprit.  Il existe par ailleurs d'autres voies possibles : à Dieu par Marie ou encore, à Dieu par les personnes que nous avons aimées sur cette terre et qui vivent aujourd'hui par delà la vie éternelle.  Ils sont ces saints et saintes anonymes de notre c½ur.  Heureux sommes-nous car il n'y a pas une voie unique pour vivre de cette rencontre divine.  A chacune et chacun de nous de trouver la nôtre et d'en vivre.  Au fil des saisons de la vie, nous pourrons même emprunter une voie différente de celle qui avait fait notre quotidien pendant des années.  Cela importe peu, l'essentiel est donc de chercher à vivre de cette rencontre divine au c½ur de notre propre humanité.  Dieu se laisse découvrir au c½ur de notre c½ur.  C'est là que nous sommes priés de le trouver.  Ne regardons pas vers le Ciel, le ciel est en nous.  Il suffit de suivre cette lumière intérieure qui nous conduit immanquablement vers ce lieu intime où se noue en nous l'humain et le divin.  Forts de la richesse de ces différentes rencontre au c½ur de nous-mêmes, nous sommes conviés à rayonner de ce qui donne sens à nos existences.  D'une certaine manière, notre sainteté se vit dans la façon dont nous témoignons de notre foi autour de nous.  Il ne s'agit pas de beaux discours, de belles paroles mûrement réfléchies.  Il s'agit d'abord de témoigner de ce que notre foi donne un autre sens à nos vies.  En ce jour de la fête de tous les saints, en ce jour de notre fête, nous sommes invités à réfléchir en quoi cette rencontre avec Dieu me rend plus heureux, plus épanoui, plus ajusté à ma vie.  La foi n'a de sens que si elle nous fait chanter la vie autrement.  Elle nous donne un autre goût dans tous les instants de notre quotidien.  Elle ne fait pas de nous des hommes et des femmes meilleurs par rapport à celles et ceux qui ne partagent pas nos convictions religieuses.  Loin s'en faut.  La foi nous fait vivre notre vie autrement.  Quoiqu'il nous arrive, où que nous en soyons sur le chemin de nos vies, quelque soit la saison douloureuse que nous puissions traverser, nous vivons avec cette conviction intime que toutes et tous, nous sommes appelés au bonheur, au rayonnement de ce qui habite au plus profond de nous.  Osons alors rayonner de ce Dieu qui s'est fait l'un de nous pour que nous puissions à notre tour partager sa vie divine.  Depuis la création de l'humanité des multitudes d'hommes et de femmes ont vécu leurs vies autrement parce que la foi était leur clé de vie.  Ils sont ces saints et saintes que nous célébrons.  A notre tour, aujourd'hui, de prendre le relais pour rayonner, là où nous sommes, en présence de celles et ceux qui nous entourent, de cette présence lumineuse divine qui nous fait vivre notre vie autrement et toute tournée vers ce bonheur promis dès à présent.  Heureux sommes-nous !  Telle est notre béatitude mais cette fois pour la vie éternelle.

Amen

Tous les Saints

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

L'origine de la fête de la Toussaint est la consécration au 7°siècle, par la pape Boniface IV, à Rome, d'un temple païen auparavant dédié à toutes les divinités et désormais consacré à tous les martyrs et les saints chrétiens. Le culte des martyrs et des saints était bien antérieur au 7°siècle. Il était né dès le lendemain des persécutions. Comment ne pas honorer, en effet, ceux et celles qui avaient été si proches et qui avaient été des exemples de foi et de vie évangélique. Au départ cependant, chaque église locale avait ses saints, célébrés le jour anniversaire, non pas de leur naissance, mais de leur mort puisque leur mort était leur naissance à la vie nouvelle en Christ. Petit à petit aussi, des saints se sont imposés comme figure universelle pour toute l'Eglise. Bientôt la figure exemplaire du saint allait l'emporter sur la mémoire du proche. Le culte des saints allait se dégager tout en restant proche du culte funéraire. C'est ainsi que, dans la tradition latine, le souvenir des défunts est resté associé, bien que distinct, à la fête de tous les saints. Celle-ci n'est cependant pas un hommage à une espèce de « soldats inconnus » parmi les saints mais bien plutôt une fête de la sainteté elle-même.
Dieu nous appelle en effet à la sainteté, rien de moins. Dès les traditions patriarcales, on entend Yahvé dire à Abraham : « Marche devant moi et sois parfait. Je mettrai mon Alliance entre moi et toi et je te multiplierai à l'extrême ». L'enjeu de la perfection à laquelle nous sommes appelés est l'Alliance même entre Dieu et l'homme ; son fruit est une fécondité qui serait inaccessible à l'homme seul. A la suite de l'appel adressé à Abraham, le livre du Lévitique est ponctué par cette appel fameux : « Soyez saints car je suis saint ». Dieu est saint au sens où il est « séparé » (c'est la signification étymologique du mot), absolument transcendant par rapport à ce monde. L'homme doit être saint au sens où, tout en étant de ce monde, il doit prendre l'engagement de se comporter autrement qui suivant les lois de ce monde. Les lois de celui-ci sont que le bonheur se trouve dans la richesse, la force, la domination, l'arrogance et la luxure. Le Sermon sur la montagne, évangile de ce jour, Loi nouvelle qui régit le Royaume de Dieu, nous dit simplement l'inverse, point par point. Le Sermon sur la montagne est le renouvellement, pour nous, de la Promesse faite à Abraham, non plus d'une terre à entendre au sens géographique du terme, mais d'un Royaume vivant selon cette Loi nouvelle et seul susceptible d'apporter un bonheur qui soit bonheur à long terme et bonheur pour tous. Il y a une différence en effet d'avec les satisfactions immédiates conquises en créant le malheur des autres et où la somme des dégâts est disproportionnée par rapport à la futilité des satisfactions de quelques uns. Que gagne l'humanité dans ce calcul ?
Le calcul ! L'Apocalypse le fait pour nous. Tout, en effet, n'est pas égal. Il y a du bien dans le monde et il y a du mal. L'Apocalypse transpose en une scène céleste une histoire bien terrestre, pour bien nous faire comprendre que l'enjeu de nos actes en bien ou en mal n'est pas limité à notre seule petite personne mais affecte l'histoire universelle, l'histoire du Salut, le sort de l'humanité de l'homme et le sort de la relation, de l'Alliance, entre l'homme et Dieu. C'est bien l'enjeu de la sainteté, de celle de nos actes.
Les quatre anges (quatre symbolisant ici les quatre points cardinaux) avaient reçu pouvoir de dévaster la terre et la mer. Nous sommes dans une situation proche de celle qui avait mérité le Déluge dans le livre de la Genèse. Un autre ange est, par contre, envoyé pour marquer d'un sceau le front des serviteurs de Dieu, comme l'avait fait l'ange de l'Exode pour faire échapper les Hébreux à l'extermination dans l'Egypte de la servitude. Cette fois, c'est un nouvel Israël, innombrable au sens où il unit toutes nations, races, peuples et langues ; mais dénombré du point de vue de la conscience de chacun d'avoir souscrit à une alliance précise avec Dieu. C'est un nouvel Israël qui est debout dans un acte de louange à Dieu. Car le salut, finalement, ne vient pas de nos seuls actes ; il n'est pas une conquête méritée et due, même par nos sacrifices. Il reste un don de l'Agneau, c'est-à-dire du sacrifice du Christ.
« Voyez comme il est grand l'amour dont le Père nous a comblé ». Ces paroles, nous pouvons nous les redire en pensant à tout ce que les saints et nos défunts nous ont apporté et nous apportent toujours. Puissions-nous nous-mêmes laisser cette phrase à notre postérité.