4e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

L'EVANGILE, C'EST AUJOURD'HUI

La scène inaugurale de la mission de Jésus revêt une telle importance qu'elle est proclamée en deux dimanches : voici donc la suite. Nous avions vu que Jésus, parti pour se faire baptiser par Jean, est revenu dans son village de Nazareth précédé par une étrange rumeur : on raconte que l'ancien charpentier est devenu prédicateur itinérant et qu'il opère même des guérisons !?...
Ce matin de sabbat donc, Jésus retrouve ses voisins et connaissances pour le culte. Invité à prêcher, il ne commente pas un texte d'Isaïe sur le futur Messie : il s'identifie à celui-ci !!!

Dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d'Isaïe, Jésus déclara :
«  Cette parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit ».
Tous lui rendaient témoignage et ils s'étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche.
Ils se demandaient : « N'est-ce pas là le fils de Joseph ? »

Jésus aurait fait une exégèse détaillée de ce passage biblique ou bien il aurait répété, à la suite de tous les prédicateurs, qu'il fallait tenir bon et croire qu'un jour Dieu réaliserait ses promesses de bonheur pour Israël, que tous l'auraient félicité pour son savoir, son éloquence et son espérance. Mais prétendre, comme il le fait, qu'il a été « oint par le Seigneur Dieu » et qu'il est ce personnage qui va accomplir aujourd'hui, c.à.d. tout de suite, ce programme de libération des pauvres, cela paraît totalement incroyable. « De quoi se mêle ce fils de Joseph ? »

Jésus leur dit : «  Sûrement vous allez me citer le dicton : « Médecin guéris-toi toi-même ».
Nous avons appris tout ce qui s'est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton pays »

Après son baptême, Jésus a dû remonter de Judée par la vallée du Jourdain et, passant d'abord par Capharnaüm au bord du lac de Galilée, il a dû effectuer des guérisons dont l'écho est déjà parvenu dans son village. Aussi Jésus devine-t-il la demande de son auditoire : avant d'entreprendre ton ½uvre de libération, refais chez nous ces guérisons que, paraît-il, tu as accomplies à Capharnaüm (Et que, très curieusement, Luc ne rapportera qu'ensuite !)

Jésus poursuit : «  Amen je vous le dis : aucun prophète n'est bien reçu dans son pays ».

Et afin d'expliquer ce dicton, il prend deux exemples tirés des Ecritures où l'on voit que des prophètes juifs, pas toujours appréciés par leurs compatriotes, ont opéré des guérisons chez des païens ennemis !!
Alors que le pays souffrait d'une longue et dure famine par manque de pluies, le prophète Elie fut envoyé par Dieu non chez des compatriotes mais chez une veuve du village de Sarepta, précisément en pays de Phénicie d'où était originaire la princesse Jézabel, païenne et ennemie jurée du prophète. Et là une pauvre femme accepta de partager ses dernières provisions avec le prophète. Plein de gratitude, celui-ci lui assura la nourriture pour la suite de ses jours et même il rendit la vie à son fils qui venait de mourir (1er Livre des Rois 17, 8 à 24).
Quant à Elisée, successeur d'Elie, il guérit de sa lèpre le général syrien Naaman qui lui faisait confiance et qui alla se plonger dans le Jourdain, alors même qu'il dirigeait l'armée qui venait d'écraser les troupes israélites (2éme livre des Rois chap. 5).
Ainsi donc, conclut Jésus, ces païens ont montré leur charité et leur foi. Et de grands prophètes juifs, au lieu de s'enfermer dans leur nationalisme, ont accepté de les rencontrer et de les combler de bienfaits.

A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville et le menèrent jusqu'à un escarpement de la colline où la ville est construite pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin.

En quelques minutes, le climat de la synagogue a viré du tout au tout.
L'auditoire avait d'abord admiré les belles paroles de Jésus.
Puis il s'était braqué lorsque le fils de Joseph, le charpentier, affirmait être le Messie qui allait tout de suite accomplir ce que les Ecritures annonçaient.
Le scepticisme augmentait lorsqu'il refusait d'accomplir sur le champ un miracle pour prouver ses dires.
Et le refus tournait à la furie lorsque Jésus semblait insinuer que des païens étaient plus ouverts à la Révélation divine qu'eux, bons Israélites pratiquants.
C'en était trop : on doit supprimer cet imposteur. La rage tourne au meurtre.
Mais Jésus leur échappe et poursuit ailleurs sa mission.

NE S'AGIT-IL PAS DE NOTRE PAROISSE ?

On comprend pourquoi Luc a attribué tant d'importance à cette scène originelle de l'Evangile : elle est exemplaire de ce qui va se produire. Jésus va en effet se heurter à ses compatriotes qui, en majorité, ne l'accepteront pas. « Nul n'est prophète dans son pays » dit-il et « pays » désigne non seulement son village et sa province mais sa nation entière ! Ils iront même jusqu'à le mettre à mort. Non en le « jetant en bas » mais en « l'élevant » sur une croix. Mais Jésus « passera » la mort et, par ses disciples, rejoindra les peuples païens où beaucoup lui feront confiance et croiront en lui.

Il leur assurera le Pain de toujours (l'Eucharistie) et rendra vie à leurs enfants (mieux qu'Elie) ; il les purifiera de la lèpre du péché (mieux qu'Elisée). Ainsi Jésus accomplira au centuple ce que les prophètes avaient fait.
Ne condamnons pas ces Juifs incrédules et, à l'inverse, prenons conscience que cette scène nous vise encore.
Nous admirons beaucoup les moines de Taizé, le Dalaï-lama, madame San Suu Kyi, l'héroïque résistante birmane. Ils sont loin et notre enthousiasme ne nous coûte guère. Mais que notre prêtre ou un de nos paroissiens tienne un discours nouveau, propose une initiative hardie, cherche à secouer notre apathie et nos cérémonies somnolentes en nous disant : « Allons-y, commençons ça aujourd'hui ». Que se passera-t-il ? Aussitôt des murmures s'élèvent, des dents grincent, des objections fusent, des contestations se durcissent : « Attention, n'allons pas trop vite ... il faut bien réfléchir avant...soyons prudents !... »
Nous aimons les sermons qui évoquent le bon vieux temps où tout allait bien (églises remplies, vocations nombreuses, processions vibrantes) ; nous sommes consolés par des prophéties sur un avenir radieux où les crises seront résolues, où la misère aura disparu et l'entente parfaite, où « le genre humain sera l'internationale ».

Nous n'avons pas à nous enliser dans un passé idéalisé ni à nous évader dans des rêveries utopiques. Commençons AUJOURD'HUI à accomplir notre vocation chrétienne. AUJOURD'HUI apportons la Bonne Nouvelle aux pauvres, libérons les captifs de la solitude et du désespoir, ouvrons les yeux de ceux qui sont enfermés dans la nuit du doute.  
L'Evangile certes est mémoire indispensable de Jésus le Fils, il est élan permanent vers la future Maison du Père, mais afin d'être AUJOURD'HUI vie fidèle, travail missionnaire dans l'Esprit.

Ne soyons pas plus surpris que Jésus de butter contre des frères chrétiens si bien ancrés dans ce qu'ils appellent « leur foi » qu'ils n'ont aucune envie de prendre le large.

Ne soyons pas des parents découragés devant l'échec de l'instruction chrétienne de leurs enfants : nous serons surpris de rencontrer sur notre lieu de travail des gens qui se posent des questions, qui sont avides de connaître, qui s'ouvrent avec bonheur à la lumière de la Bonne Nouvelle.

Oui on découvre que des agnostiques, des incroyants, des bouddhistes empoignent AUJOURD'HUI des responsabilités au parfum d'Evangile

3e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Heureux sommes-nous que saint Luc n'ait pas adressé son évangile à une personne qui se serait prénommée Raymonde ou Roger.  En effet, si tel avait été le cas, seuls celles et ceux qui portent un tel prénom  pourraient avoir le sentiment que cet écrit leur est spécifiquement adressé.  Non, l'apôtre Luc écrit à Théophile, c'est-à-dire, en français, à l'ami de Dieu.  Toutes et tous, nous sommes appelés à être des théophiles en puissance, à devenir des amis de Dieu.  Comme si entre Dieu et nous, nous étions liés par un noble sentiment d'amitié. 

Il est vrai que toute amitié naît d'une histoire de rencontres qui se sont confirmées, enrichies et ont ainsi donné naissance à une conjugaison nouvelle, celle d'un présent toujours  renaissant.  Au fil des saisons, ces rencontres sont d'abord régulières pour prendre le temps de l'apprentissage de la connaissance de l'autre puis plus ou moins espacées par la réalité de nos vies. Dans l'amitié, le miracle surgit à chaque fois : la conversation reprend comme si nous venions de nous quitter.  Quoi de plus normal puisque nous sommes sur la même longueur d'ondes, celle du c½ur. La rencontre est pourtant chaque fois différente, car nous mûrissons. Au long des mois et des années, s'est construit un lien dans une proximité plus réelle que la distance, dans une présence plus forte que l'absence. Nous apprenons à rester ouvert à l'altérité de l'autre. Nous nous découvrons plus vivants, plus forts, reconnus dans notre singularité.  Nous nous enrichissons par nos discussions sur le sens de la vie, sur les soucis que nous traversons, sur les bonheurs que nous vivons. Par ailleurs,   chacun trace sa route comme il le souhaite tout en espérant toujours être aimé dans les chemins qu'il emprunte.  Si la confiance en la vie vacille, l'ami revient au bercail de l'amitié pour à nouveau partager, interroger, confirmer car il sait qu'au-delà d'une absence l'océan de sentiments ne perd pas une once de tendresse.  Ensemble nous découvrons, dans la fidélité des sentiments partagés, que l'amitié est une vertu car elle se vit de sincérité et se nourrit dans la vérité.  Finalement, le véritable nom de l'amitié ne serait-il pas celui de « confession ». En effet, les rencontres sont toujours teintées d'une sensibilité à la faiblesse de l'autre, à sa fragilité ou sa vulnérabilité.  Une forme de tendresse teintée de compassion.  La tendresse, ce sont finalement deux faiblesses qui se reconnaissent mutuellement et entrent en résonance. Ici, la sensibilité acquiert une dimension nouvelle, celle d'être capable d'être touché par l'autre, tout autant vulnérable et proche que je puis l'être.  La sensibilité nous conduit à une proximité où la présence importe plus que les projets, où l'être engage plus que l'agir.  Ce qui nous bouleverse, dans toute amitié vécue, c'est cette acceptation de la beauté d'une fragilité fondamentale, mieux encore cette manière unique, absolument inédite, d'être et de se livrer.  Il en va ainsi tant entre deux êtres humains que dans notre relation avec le Père dans le Fils et par l'Esprit.  En Dieu, il suffit de faire taire en nous toute forme de pollution du bruit afin d'entrer dans le silence de notre c½ur.  Libérés de la sorte, nous pouvons reprendre notre prière là où nous l'avions laissée et déposer en Lui tout ce qui nous fait vivre, souffrir, toutes les personnes que nous aimons et/ou dont nous nous préoccupons.  Dans la foi aussi, nous mûrissons car nous cherchons à ajuster notre vie au projet divin.  La vérité est le fondement de notre rencontre intime.  Elle nous ouvre tout entier vers cette liberté promise aux enfants de Dieu.  Le chemin de l'amitié de Dieu se laisse découvrir dans les pages de son évangile.  Oui, heureux sommes-nous alors d'être des théophiles, des amis de Dieu car comme le souligne le prophète Esdras : « La joie du Seigneur est notre rempart ».  Dans l'amitié divine, Dieu est notre force, notre compagnon de route ou pour le dire plus simplement, Lui et moi, nous sommes amis mais cette fois pour la Vie.

Amen.

3e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013


Après les dimanches d'apparition (Noël) puis des premières manifestations de Jésus (baptême, Cana), nous allons à présent suivre l'évangile de Luc pendant toute cette année. Qui est ce Luc ? Son livre n'est pas signé et ce n'est qu'au 2ème siècle que l'on nommera les auteurs des 4 évangiles conservés par l'Eglise. Peut-être est-il ce médecin syrien converti par Paul et qui aurait accompagné l'apôtre dans sa mission (Col 4,14).
L'ouverture de son livre nous permet d'entrevoir un peu comment les choses se sont déroulées au 1er siècle et le processus de composition de ce livre qu'on appellera « Evangile ».
1)   Jésus de Nazareth en Galilée est apparu comme un prophète, l'an 15 de l'empereur Auguste (Luc 3, 1 - correspondant à notre année 28). Après un temps de mission, il a été rejeté, condamné et exécuté sur une croix. Voilà le fait brut, une aventure semblable à celle de quelques autres à cette époque.
2)   Beaucoup de gens l'ont bien connu mais, parmi eux, certains ensuite l'ont « vu » vivant et ont été persuadés qu'il était le Messie, le Fils de Dieu, le Seigneur du monde.
3)   Certains de ces « témoins oculaires » ont décidé non de raconter comme un fait-divers, mais de « proclamer » ces événements, en tant que « serviteurs de la Parole » c.à.d. ayant compris que « le fait Jésus » était un message, une « parole » qu'il fallait annoncer « au service » de Dieu et « au service » des hommes, puisque cette Parole est « la Bonne Nouvelle » qui apporte le salut à l'humanité.
4)   Parmi eux, certains ont mis leurs souvenirs par écrit : d'abord sans doute quelques déclarations mémorables de Jésus, ou des listes de miracles, ou surtout les événements de la Pâque finale.
5)   Alors Luc, ayant pris connaissance de tout cela (notamment le livret de Marc), a mené une enquête soigneuse pour en vérifier l'authenticité.
6)   Il a décidé de rédiger non des bribes mais « un exposé suivi », un récit en continu (on estime que c'était dans les années 80-85)
7)   C'est, dit-il, à l'intention d'un certain Théophile (« ami de Dieu »), un homme qui a cru à la prédication de l'Evangile, afin qu'il soit bien convaincu de « la solidité des enseignements qu'il a reçus ».
Par la suite, ce livret s'adresse à la multitude des hommes et des femmes qui voudront confirmer leur foi, être sûrs qu'il ne s'agit pas de la légende d'un homme-dieu mais d'une Révélation à accueillir car elle accomplit leur vie et l'histoire, leur donnant vie et bonheur. Tel est le dessein qu'ensemble nous allons poursuivre, de dimanche en dimanche, afin de devenir à notre tour, avec assurance, « serviteurs de la Parole ».

LA PREMIERE PREDICATION DE JESUS : SON DISCOURS-PROGRAMME

Lorsque Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues et tout le monde faisait son éloge.
Il vient à Nazareth où il avait grandi. Comme il en avait l'habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat et il se leva pour faire la lecture.
Au contraire de beaucoup de croyants qui, énervés par la lourdeur de leur Eglise ou révoltés par ses scandales, décident de ne  plus pratiquer, Jésus (qui se sait Fils de Dieu) a l'habitude depuis l'enfance de rejoindre le petit peuple qui se rassemble chaque sabbat matin dans la synagogue. De retour dans son village, après une longue absence près de Jean-Baptiste, il est heureux de retrouver ses amis et voisins. Il en connaît mieux que personne les défauts, les inimitiés larvées, le peu de foi mais c'est « le peuple de Dieu », héritier d'une longue histoire, pauvre et malheureux sous la botte de l'occupant étranger. Et il les aime tels qu'ils sont. Les villageois, eux, sont très intrigués par ce voisin, ce charpentier qui s'est transformé en prédicateur itinérant et dont on raconte même qu'il opère des guérisons.
L'assemblée d'hommes chante à pleine voix les prières des psaumes qu'elle connaît par c½ur puis le rabbin, responsable de la communauté, fait lecture du passage de la Torah du jour et la commente par l'homélie. Ensuite, comme il en a sans doute convenu avec lui, il cède la place à Jésus pour la 2ème lecture, celle qui est choisie dans le livre des Prophètes.  
On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :
« L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé proclamer la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. ». Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire :
« Cette parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre, aujourd'hui elle s'accomplit »

S'agit-il du passage prévu pour ce jour ou Jésus le choisit-il lui-même ? Cette page est extraite de la dernière partie du livre d'Isaïe (chap.61) lorsque, après la destruction de Jérusalem et du temple et le malheur de l'exil, les Judéens essayent péniblement de survivre. Le prophète leur annonce, de la part de Dieu, la venue d'un mystérieux personnage consacré : Dieu le oindra d'huile sainte (comme on consacrait le nouveau roi), le remplira de sa Force, de son Esprit. C'est pourquoi il pourra réconforter le peuple malheureux, apporter guérison, libération et même annoncer l'ouverture d'une nouvelle année jubilaire pendant laquelle les grâces de Dieu pleuvront.
Le peuple connaît bien toutes ces pages des Ecritures qui leur sont lues dans le culte ; chaque fois, le rabbin assure que ces magnifiques promesses de Dieu se réaliseront un jour et qu'il faut avoir de la patience. Mais quand cela surviendra-t-il ? Combien d'années, de siècles faudra-t-il encore attendre ? Au temps de Jésus, il y a plus de 90 ans que les Romains piétinent la terre sainte !

On imagine la stupeur de l'assemblée lorsque Jésus, sans nulle exaltation, rend le rouleau et déclare : « AUJOURD'HUI CETTE PAROLE S'ACCOMPLIT ». Ainsi il affirme que lors de son passage chez Jean, à la suite de son baptême dans l'eau, il a reçu une ONCTION D'ESPRIT-SAINT. Le feu de Dieu lui a été donné en plénitude. Dieu l'a institué ROI de ce royaume où les pauvres et les malheureux vont entendre la BONNE NOUVELLE : voici donc « aujourd'hui »la libération, la lumière, la guérison, la sortie des geôles. Le temps n'est plus à l'espérance, à l'attente et au doute mais à la FOI : ceux qui écoutent sont invités à faire confiance, à pratiquer ce programme qui devient début d'un nouveau monde.
Las ! on veut bien espérer le Royaume du bonheur des hommes mais pas s'atteler à le vivre dès aujourd'hui !
Dimanche prochain, nous entendrons la suite de l'histoire et la fin calamiteuse de cette proclamation.

AUJOURD'HUI LA PAROLE PROCLAMÉE

Chaque dimanche, nous nous retrouvons pour célébrer l'Eucharistie mais celle-ci n'est jamais réductible à la consécration et au partage du Pain et du Vin. Depuis toujours la liturgie commence par des lectures. Quel cas en faisons-nous ? Pendant des siècles, on y croyait si peu qu'on lisait des textes en un latin incompréhensible si bien qu'il était devenu courant de parler de « l'avant-messe ». Quelle horreur, quelle impolitesse : Venir chez Dieu pour être invité à son repas sans d'abord accepter de l'écouter !
Les lectures ne sont pas un apéritif : elles ont pour but de nous apprendre comment nous devons vivre si nous venons à l'église. La première partie de la messe est un dialogue : Dieu nous parle par les Ecritures proclamées et nous lui répondons par nos chants, nos réponses, notre adhésion : «AMEN ».
Au cours de la  seconde partie, cette Parole écoutée, reçue par l'oreille, devient Pain à recevoir en bouche c.à.d. à assimiler afin d'avoir la force de réaliser le programme entendu AUJOURD'HUI.
C'est bien toujours AUJOURD'HUI que le mystère se réalise. La messe n'est pas seulement mémoire de faits passés ni espérance d'un paradis. Elle est accueil de Jésus, ce Roi qui vient à nous sans faste ni puissance, qui nous assure que les Paroles nous sont dites pour être sur le champ effectuées.
Le don de l'amour de Dieu est un « présent » au triple sens : cadeau - actualité - Jésus « présent » réel.
Notre péché est de recevoir les Paroles comme un bel idéal auquel nous aspirons mais que nous considérons comme impraticable. Alors qu'il suffit de laisser faire notre Roi oint, Messie : il commence sans cesse son ½uvre de salut, il édifie un autre monde où les hiérarchies sont bouleversées, où l'indifférence n'est plus possible, où les citoyens du Royaume, qui acceptent d'être pauvres, se liguent pour accomplir AUJOURD'HUI le PROGRAMME DE JESUS.

2e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Lorsque j'étais étudiant en droit, je fréquentais très rarement les auditoires. J'étais d'ailleurs tellement peu assidu aux cours qu'il m'est un jour arrivé de découvrir la tête de mon professeur lors de l'examen.  Cependant, il y avait un cours que je ne voulais rater sous aucun prétexte : celui de mon professeur de logique ! J'y allais non pas parce que cette matière m'intéressait, mais parce que ce professeur avait l'habitude de terminer ses cours par des tours de magie, plus hallucinants les uns que les autres ! ?Avouez que dans la magie --en ce qu'elle déguise la vérité-- il y a toujours quelque chose de fascinant.

Vous le savez, l'épisode de Cana a très souvent été caricaturé comme un miracle presque magique de Jésus. Or, l'évangile n'a rien à voir avec du miraculeux, encore moins avec de l'illusion. ??Le récit de Cana nous offre le premier signe qui préfigure tous les autres signes. C'est le signe d'une transformation, d'un passage, le signe de Pâques tout simplement.

Et les six jarres vides en pierre constituent l'élément de départ du récit, tout comme le tombeau vide pour les récits de Pâques.?Mais ces jarres de pierre demandent à être remplies. Elles symbolisent cette humanité vide, en quête de sens, obsédée par la tension entre le permis et le défendu. Et à ce vide, cette angoisse existentielle, Jésus vient substituer une dynamique d'amour symbolisée par le vin nouveau de l'Esprit,
le vin de la joie. ?
Le symbole de l'eau nous plonge dans les premières lignes de la bible, ?au commencement, où l'esprit de dieu planait sur les eaux. ?Le vin, par contre, nous plonge dans les dernières lignes de la bible. ?C'est le symbole de l'accomplissement, des noces. ?Et entre les deux, il y a vous !
Oui, vous comme moi : nous avons à vivre cette transformation de Cana ?au quotidien. Vivre Cana, c'est quitter l'eau d'une vie stagnante, ?transformer l'homme ancien qui sommeille en nous, ?pour découvrir cette joie profonde, ce vin de la fête, qui se risque à croire que le meilleur est devant !
Nous sommes invités à voir le bon pour la fin, à avoir cette conviction, ?--qui n'est justement pas une illusion-- que du meilleur est toujours possible et à faire advenir.

***

Dans son livre « Stupeur et tremblements », la romancière belge Amélie Nothomb écrit ceci : « Moi, quand j'étais petite, je voulais devenir Dieu. Mais vers l'âge de cinq ans, j'ai compris que mon ambition était irréalisable. Alors, j'ai mis un peu d'eau dans mon vin et j'ai décidé de suivre le Christ. »

Citation curieuse et amusante, mais j'ai l'impression que c'est l'inverse qu'il faut faire ! ?Suivre le Christ, ?c'est mettre du vin dans son eau.
C'est mettre de la joie et du goût là où il n'y en a pas.
C'est agir non par devoir, de manière rituelle,
mais par amour, par gratuité.

Oui, permettez-moi la formule, mais comme chrétiens, ?nous sommes invités non pas à mettre de l'eau dans notre vin, ?c'est à dire à mettre du devoir et des obligations partout, ?mais plutôt à mettre du vin dans notre eau !
à mettre un peu d'ivresse dans la vie?à mettre un peu joie dans nos existences parfois pleines de larmes.
à mettre un peu d'évangile de nos vies.??L'évangile est le meilleur vin qui soit. Mais il faut le boire. Pas le conserver bien au chaud. Avouez qu'il n'y a rien de plus triste qu'une belle cave de vin quand toutes les bouteilles sont passées !! Alors, reprenons un peu d'évangile ! Pour mettre de la joie divine dans notre humanité blessée.

Et cet évangile de liberté passera toujours par nous !?
D'ailleurs, l'eau se change en vin non pas dans les jarres mais  lorsqu'on la sert. C'est donc bien dans la relation et dans le don que se réalise cette promesse du Christ. Pour cela, il ne s'agit pas de s'illusionner soi-même, de faire comme si la tristesse n'était pas là ou affirmer que le devoir et les limites n'ont pas de sens.

Mais si nous voulons prendre l'évangile au sérieux, il s'agit plutôt de découvrir que l'espérance chrétienne veut que la tristesse peut toujours être transfigurée en joie, pour de vrai. ?Que le premier signe que Jésus opère à Cana
n'est pas une manifestation de puissance, ?mais l'unique signe, celui de Pâques,
où l'eau de nos larmes fait place à la joie de Pâques,
où un tombeau vide nous invite au festin des noces. Amen.


2e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

À VOTRE SANTÉ.......À VOTRE SAINTETÉ

Il est encore courant de parler du « miracle de Cana » et de l'époustouflante intervention de Jésus qui offre des barriques de vin exquis (du « Château Margaux » ?) à une noce de village qui ne lui demandait rien. Pourtant saint Jean, ne dit pas qu'il s'agit d'un miracle (mot qu'il n'utilise jamais) mais d'un « signe ».
Il y a en effet dans ce récit plusieurs éléments curieux, qui « font signe », qui alertent le lecteur : n'était-il pas plus simple de se faire dépanner par les voisins prêts à apporter un tonneau ? Et pourquoi cette quantité énorme : 6 cuves de 2 à 3 mesures, cela donne 600 litres (De quoi affoler la « Ligue antialcoolique du coin !) ? Et pourquoi ce geste s'est-il produit « le 3ème jour » (notation que la liturgie omet) ? Et que signifie la présence de la mère de Jésus ?...
Le lecteur attentif remarque qu'il ne s'agit pas du reportage d'un journaliste fier d'offrir un scoop aux lecteurs du journal local (« Le Canasson ») mais d'un récit très élaboré, rédigé des dizaines d'années plus tard, lorsque l'Eglise a pris plus nettement conscience de l'identité de Jésus. Tout y est signe c.à.d. appels discrets au lecteur pour qu'il scrute le texte avec attention et qu'il s'émerveille plutôt de la véritable noce qui s'est célébrée et dont il est, dans la foi, partie prenante.

Car rien n'est dit à propos du couple qui fête son mariage pas plus que de la réaction finale de l'assemblée qui aurait dû sauter de joie devant cette aubaine inattendue. Mais en parfaits connaisseurs des Ecritures saintes, Jean et ses premiers lecteurs juifs n'ont pas oublié que Dieu avait promis de nouer avec son peuple une Alliance nouvelle. Basée non plus sur le rapport de la Loi mais sur l'amour conjugal. « Celui qui t'a faite, c'est ton Epoux...Sans relâche, avec tendresse, je vais te rassembler ; avec un amour sans fin, je te manifeste ma tendresse » (Isaïe 54, 5-8). Et le « Cantique des Cantiques » était interprété comme le chant passionné de deux amoureux, le Messie et son Epouse Israël.
Pendant des siècles, sous les interminables occupations des troupes étrangères (perse, grecque, romaine), l'espérance des Noces finales, de l'union de Dieu et des hommes, était restée vivace.

Un jour que Jésus participait à un joyeux repas et que les Pharisiens lui rappelaient vertement que c'était jour de jeûne, Jésus avait répliqué : « Les invités à la noce peuvent-ils jeûner pendant que l'époux est avec eux ? » (Marc 2, 19). Or quel est un des devoirs de l'époux ? La coutume de l'époque l'obligeait à offrir le vin de ses noces. C'est pourquoi malicieusement Jésus fait goûter son vin  par le « maître du repas », c.à.d. le traiteur et ce spécialiste se précipite vers le jeune marié pour dire sa stupéfaction : «  D'habitude on sert le bon vin d'abord et quand les gens sont un peu pompettes, on leur verse la piquette ! Et toi tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant ??...». Le jeune époux n'a rien à répondre.
Mais encore une fois, les fidèles des Ecritures savaient que, lorsque le Messie viendrait nouer l'Alliance définitive, sceller le mariage de Dieu avec sa communauté, il offrirait un bonheur qui aurait trois caractéristiques : une joie inépuisable (donc il y a 600 litres), d'une qualité jamais expérimentée, bien supérieure à tous les plaisirs antérieurs (d'où l'appréciation de grand cru) et absolument gratuite (Jésus ne fait rien payer).

Donc comment se termine la scène ? Laissant la noce du village à son ivresse, Jésus s'éclipse en entraînant ses disciples qui maintenant « croient en lui et le suivent », de même que sa mère. Les jours précédents, Jean avait raconté que Jésus avait été désigné par Jean-Baptiste, que celui-ci avait pressé ses disciples de le quitter pour partir derrière « l'Agneau de Dieu ». André et un anonyme avaient suivi Jésus ; puis André avait amené son frère Simon aussitôt surnommé Pierre ; puis Jésus avait appelé Philippe qui avait convaincu son ami Nathanaël. Ces 5 jeunes gens vivaient donc avec Jésus depuis quelques jours seulement, ils le connaissaient peu, l'observaient, l'écoutaient. Etait-il le Messie que Jean le baptiseur avait désigné ?
Ici à Cana, leur décision est prise : peut-être, sur le moment, n'y a-t-il là pour eux qu'un « miracle » mais la suite va leur révéler la signification profonde du geste de Jésus.

En leur offrant son vin nouveau, Jésus s'est attaché à ses jeunes compagnons : désormais ils constituent une « communauté », une petite Eglise « ivre de joie » parce qu'elle va vivre non plus sous les commandements d'un Dieu lointain et redoutable mais avec son Messie, son Fils, son Berger qui marche à sa tête pour la guider vers le paradis, l'Agneau qui, un jour, donnera sa vie pour eux.
En effet, au Golgotha, ils comprendront pourquoi, à Cana, il avait affirmé « Mon heure n'est pas encore venue » : en voyant le c½ur ouvert de Jésus crucifié et le filet de sang coulant de son c½ur transpercé, ils comprendront. « L'Heure était venue », l'Heure pour Jésus de manifester sa Gloire, c.à.d. son identité avec son Père et son amour infini envers ses disciples pour lesquels il donnait sa vie.
Les Noces étaient définitivement scellées.

LA MERE DE JESUS

Curieusement Jean ne l'appelle pas par son nom Marie : il dit « la mère de Jésus ». Mais sa présence n'est pas fortuite ni ses paroles anodines.
D'abord elle est la femme attentive qui remarque le manque : « Ils n'ont plus de vin ». Les prophètes employaient souvent cette image pour dire l'état de désolation d'Israël qui avait gravement manqué à son Dieu, qui était infidèle à ses volontés et qui souffrait de grands malheurs. Marie exprime la détresse des hommes: « Ils n'ont pas de vin » c.à.d. ils ont perdu la joie de vivre, ils pleurent le bonheur perdu, ils ne parviennent pas à aimer - car le vin est le symbole de l'amour.
Ensuite Marie, loin de se sentir rabrouée par la réplique de son fils (« Que me veux-tu, femme ? »), exhorte les serviteurs : « Faites tout ce qu'il vous dira ». Si nous voulons vraiment être les serviteurs de Jésus, nous ne pouvons nous croiser les bras dans l'attente d'un miracle ni exiger une intervention fulgurante de Dieu. Il faut nous mettre au travail sur le champ, nous épuiser à remplir nos devoirs (comme à Cana ils puisèrent des centaines de litre d'eau), ne pas nous plaindre de la banalité des jours, de la répétition des tâches quotidiennes, de la dureté des engagements de foi, du manque de soutien des autres, du peu de résultats apparents de nos efforts.
Car, « le 3ème jour », qui est devenu tout de suite la dénomination du jour de Résurrection de Jésus (« Il est ressuscité le 3ème jour »- 1 Cor 15, 4), et que les chrétiens vont appeler « Jour du Seigneur » - en français « dimanche »-, tous les croyants peuvent s'empresser de se rendre à Cana, à leur église, chapelle ou cathédrale, afin d'écouter les paroles lumineuses de Jésus et partager son Pain de Vie et son Sang. Car « celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraie nourriture et mon sang vraie boisson » (Jean 6, 54).
A chaque Eucharistie, la mère de Jésus est là. Elle nous apprend à remarquer « les manques », à intercéder pour une humanité privée d'amour ; et elle nous pousse à travailler sans relâche, à remplir nos devoirs si ardus soient-ils.
Emerveillés par ces « signes » reçus et célébrés, nous pouvons, alors, avec Marie, nous enfoncer en plein monde en suivant Jésus, en vivant selon l'Evangile, en témoignant du bonheur de croire, en invitant aux Noces de Dieu les multitudes qui n'ont jamais goûté la joie de croire, qui confondent la foi avec des contraintes et qui ne soupçonnent pas que la foi chrétienne est réellement un mariage, une noce où Dieu et l'humanité enfin peuvent s'unir dans un torrent de joie inexprimable.
Chaque « 3ème jour » (surlendemain du jour de la croix), la communauté pimpante se précipite aux noces pour se laisser pardonner et aimer follement par son Dieu ; elle chante avec allégresse sa reconnaissance ; elle boit le Vin de l'Alliance ;  avec la mère de Jésus, elle entonne son « Magnificat ».
Vivons-nous ces Noces ? Le signe de Cana nous rappelle la valeur « amoureuse » du « signe de la Messe ». En faire un temps de piété morose, une coexistence temporaire d'inconnus, une corvée nécessaire : quelle tristesse ! Allumez le feu de l'amour !!

Baptême du Seigneur, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

LE BAPTÊME, PASSAGE DANS LA NOUVELLE CRÉATION

Lorsque - sans doute en l'an 28 de notre ère - un certain Johanan se met à prêcher et à proposer un baptême dans les eaux du Jourdain afin d'obtenir le pardon des péchés, cette initiative inédite étonne et scandalise puisque, selon la Loi, le pardon de Dieu ne peut être obtenu que par des sacrifices d'animaux et certains rites précis célébrés au temple. Jean, fils de prêtre, effectue donc une rupture, un passage du « prêtre » au « prophète » en reprenant le geste que le prophète Elisée avait requis du général syrien Naaman pour obtenir la guérison de sa lèpre (2ème Livre des Rois, chap. 5). En se plaçant à la frontière du pays et sur la rive orientale du fleuve, Jean propose à son peuple un nouvel « exode » car son baptême n'est pas une simple ablution statique, une bénédiction mais un « passage » dangereux: les candidats juifs doivent sortir du pays pour rejoindre Jean, retraverser le fleuve frontière et rentrer en Israël. Ils vont retrouver leur milieu, leur famille, leurs occupations mais vont-ils « se convertir » ? Auront-ils le courage d'adopter la manière de vivre telle que Jean leur a enseignée ? Le rite ne leur donne aucune force.
Jean les observe et il prend conscience de l'inefficacité de son baptême, de l'insuffisance de sa mission : c'est pourquoi il tourne son auditoire vers l'arrivée d'un « autre » qui réalisera ce qu'il échoue à faire :
Le peuple venu auprès de Jean Baptiste était en attente et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie. Jean s'adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l'eau mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu ».
Nous avions déjà entendu ce texte lors du 3ème dimanche de l'Avent : sautant 4 versets de Luc, l'évangile de ce dimanche poursuit par l'événement capital qui ouvre Jésus à sa mission.

LE BAPTEME DE JESUS

Comme tout le peuple était baptisé et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi, alors le ciel s'ouvrit. L'Esprit-Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. Du ciel, une voix se fit entendre : « C'est toi mon fils : moi aujourd'hui, je t'ai engendré ».
Luc présente le baptême de Jésus comme l'aboutissement de la démarche populaire mais, pour lui, il ajoute une note capitale : « IL PRIAIT ». Au contraire de la plupart des gens qui ont effectué le rite sans s'interroger davantage,  Jésus, lui, prend ce bain avec sérieux : un rite n'est pas magique, il ne cause pas son effet de façon automatique car il doit être assumé par son bénéficiaire. Ayant traversé l'eau, Jésus ne se juge pas quitte : en silence il se met à la disposition de son Dieu. « Me voici, Seigneur, pour faire ta volonté. Si Jean est un vrai prophète, que signifie ce rite ? À quoi m'entraîne-t-il ?... ».
Alors se produit un événement capital que personne ne remarque, dont Jésus seul fait l'expérience.

LE CIEL S'OUVRE. Nous sommes enfermés dans un monde matériel que nous percevons par nos sens  mais la réalité est infiniment plus vaste : nous baignons dans une sphère invisible dont l'infini du ciel est comme une image, que les grands artistes pressentent et que le c½ur humain, en son fond, désire. Depuis quelques siècles, « le ciel » semblait fermé : Dieu était silencieux, il ne parlait plus par ses prophètes et voilà que, au sein de la supplication intense de la prière de Jésus, la communion avec Dieu est rétablie. La relation ciel/terre, Dieu/humanité est Jésus.

L'ESPRIT DESCEND ... COMME UNE COLOMBE. Les commentaires expliquent qu'il s'agit d'une image, d'une comparaison avec  3 références bibliques qui en expliquent le sens :
a)    Célèbre début du livre de la Genèse : «  Au commencement Dieu créa le ciel et la terre...Le Souffle (l'Esprit) de Dieu planait à la surface des eaux » (Gen 1, 2) : le verbe est utilisé pour les oiseaux qui couvent leurs petits. Donc Jésus est envahi par l'Esprit créateur et ce moment marque le départ d'une nouvelle genèse, d'une « re-création ». Jésus est l'Homme Nouveau. Le baptême n'est pas une bénédiction, un rite protecteur : il fait effectivement « renaître » par l'Esprit.
b)    Lorsque les eaux du déluge baissèrent, Noé lâcha une colombe : à la 2ème fois, elle revint à lui « et voilà qu'elle avait au bec un frais rameau d'olivier » (Gen 8, 11). Désormais l'eau nettoie, purifie du péché et Jésus offre la  paix à ceux et celles qu'il accueille dans « l'arche » de l'Eglise.
c)    Dans la tradition juive, le Cantique des cantiques est interprété comme une allégorie de l'amour entre YHWH et Israël, sa bien aimée, « sa colombe » (2, 14 ; 5, 2 ; 6, 9). Ainsi Jésus prend sur lui tout son peuple, il l'assume pour le reconduire dans l'amour de son Dieu. Le baptême personnel est responsabilité pour le peuple, prise en charge de la communauté.
Voilà pourquoi Jésus est « plus puissant » : parce qu'il a reçu l'Esprit, la Force, l'Amour Infini de son Père, il peut ouvrir le Royaume, donner naissance à une humanité nouvelle. Jean ne pouvait qu'exhorter, faire la morale : Jésus, lui, spiritualise, divinise.

UNE VOIX DU CIEL : « C'EST TOI MON FILS : MOI AUJOURD'HUI JE T'AI ENGENDRÉ ».
Cette phrase est une citation du psaume 2 qui raconte la cérémonie d'investiture du nouveau roi. Dieu sacre Jésus  et celui-ci déclare : « Je publierai le décret : le Seigneur Dieu m'a dit : « Tu es mon fils ; moi aujourd'hui je t'ai engendré. Demande-moi et je te donne les nations en patrimoine... » (Ps 2, 7).
Jésus était Fils de Dieu dès sa naissance mais à partir de son baptême, Dieu le fait ROI, guide du Royaume que Dieu veut instaurer et qui doit s'étendre au monde entier. Ce projet se heurtera à l'opposition, à la haine de beaucoup de puissances : les grands se ligueront pour le faire échouer mais, contrairement au psaume, Jésus ne « les écrasera pas avec un sceptre de fer » (Ps 2, 9) : il sera « doux et humble de c½ur », n'usant pas de violence mais proposant le partage de l'amour infini de Dieu afin que tous les êtres humains puissent découvrir, eux aussi, que Dieu est leur « Père » et qu'ils sont FILS et FILLES de ce Père.

BAPTEME DU CHRETIEN

Dès l'origine, la foi chrétienne n'est pas un sentiment privé : elle doit être une entrée dans une communauté concrète par le rite  du Baptême. Au jour de la Pentecôte, lors de sa première prédication, Pierre proclame : « Convertissez-vous, que chacun reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés et vous recevrez le don du Saint-Esprit » (Ac 2, 38).
Lorsque Saül, le persécuteur, rencontre le Christ vivant, il rejoint tout de suite la communauté de Damas : Ananie lui impose les mains pour recevoir l'Esprit et il le baptise (Ac 9, 17-18).
Dans sa dernière lettre, Paul écrit : «  Baptisés en Jésus-Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés. Par la plongée dans sa mort, nous avons été ensevelis avec lui afin que, comme le Christ est ressuscité, nous menions nous aussi une vie nouvelle » (Rom 6, 3)
Il faudrait relire les homélies des Pères de l'Eglise qui racontent la pratique des premiers siècles. Les convertis, présentés par les parrains que l'Eglise leur donnait, suivaient une longue formation pour apprendre les trésors de l'Evangile et la vie qu'ils auraient à mener en conséquence. Puis, la nuit de Pâques, ils étaient baptisés devant toute la communauté : ils se déshabillaient, descendaient dans une petite piscine, proclamaient leur credo en étant baptisés, remontaient de l'autre côté, étaient revêtus d'une aube blanche et, en chantant « Le Seigneur est mon berger... », la procession se dirigeait vers la chapelle pour communier à l'Eucharistie. La scène du Jourdain se reproduisait.
C'était un moment solennel, une nuit inoubliable : les « nouveau-nés » étaient conscients de la gravité de l'engagement qu'ils prenaient, ils savaient l'hostilité qu'ils allaient sans doute affronter. Mais l'Eglise était une communauté qui les accueillait comme ses enfants, elle leur promettait une vie fraternelle,  une assistance permanente, une formation continue, le partage régulier du Pain de Vie.
La coutume du baptême des nouveau-nés est en voie de disparition mais le nombre de baptêmes d'adultes est en nette croissance. Allons-nous retrouver le sérieux, le courage de nos premiers frères ?....La crise de l'Eglise marque peut-être son renouveau, sa « re-naissance ». Le sérieux du baptême en est la clef.

 

Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013


Pour comprendre la fête de l'Epiphanie que nous célébrons en ce dimanche, permettez-moi de repartir de ce superbe dialogue entre Sigmund Freud et un inconnu qui semble être Dieu.  Cette conversation est tirée de la pièce « Le Visiteur » d'Eric-Emmanuel Schmitt.  Freud. Tu es tout puissant !  L'inconnu.  Faux le moment où j'ai fait les hommes libres, j'ai perdu la toute-puissance et l'omniscience.  J'aurais pu tout contrôler et tout connaître d'avance si j'avais simplement construit des automates. Freud.  Alors pourquoi l'avoir fait, ce monde ? L'inconnu.  Pour la raison qui fait faire toutes les bêtises, pour la raison qui fait tout faire, sans quoi rien ne serait... par amour.  Tu baisses les yeux, mon Freud, tu ne veux pas de ça, hein, toi, un Dieu qui aime ?  Tu préfères un Dieu qui gronde, les sourcils vengeurs, le front plissé, la foudre entre les mains ?  Vous préférez tous ça, les hommes, un Père terrible, au lieu d'un Père qui aime...  Et pourquoi vous aurais-je fait si ce n'était par amour ? Mais vous n'en voulez pas, de la tendresse de Dieu, vous ne voulez pas d'un Dieu qui pleure... qui souffre...  Oh, oui, tu voudrais un Dieu devant qui on se prosterne mais pas un Dieu qui s'agenouille...
Et voilà qu'aujourd'hui, c'est à notre tour de nous agenouiller devant ce Dieu qui s'agenouille à nos côtés.  Cela peut nous sembler paradoxal et pourtant n'est-ce pas de cette manière que Dieu se manifeste à chacune et chacun d'entre nous en ce jour de fête ?  Depuis cet événement, Dieu ne se cherche plus dans le Ciel.  Il est dorénavant parmi nous.  Mieux encore, il est en nous.  Tel est le sens même de son agenouillement.  Dieu vient partager notre humanité.  Il se réjouit de se laisser découvrir en nous car nous sommes les crèches vivantes de Dieu au c½ur de notre monde.  Ce dernier ne tournerait-il d'ailleurs pas de manière plus juste et vraie si nous étions capables de prendre conscience de cette manifestation divine inscrite au c½ur de l'humanité de tout être humain ?  L'être humain est une création tellement belle.  En effet, rappelons-nous, dans le premier récit de la Création, « Dieu vit que cela était très bon ».  Réjouissons-nous de ce Dieu qui se manifeste à nous par le biais de ses propres créatures.  Il se façonne en nous et nous ne faisons plus qu'un avec lui.  Toutes et tous, quelle que soit notre race, notre origine, nos zones de lumière et d'ombres, nous sommes dignes de ce Dieu qui s'est fait l'un des nôtres.  Dignes de Dieu, capables de Dieu, c'est-à-dire des femmes et des hommes qui, parce qu'ils s'humanisent, se divinisent par la même occasion.  C'est donc bien dans le quotidien de nos vies, dans notre manière de répondre au souffle l'Esprit Saint, que le Père et le Fils se manifestent à nous et en nous.  Nous vivons dorénavant par Lui, avec Lui et en Lui.  Cette doxologie n'est pas seulement une affirmation théologique.  Elle est également anthropologique.  Dieu se laisse rencontrer au c½ur de notre propre humanité.  Il y a en chacune et chacun de nous, ce lieu, au plus intime de nous-mêmes où se noue l'humain et le divin.  C'est à cet endroit précis que Dieu s'agenouille et nous prend par la main pour dorénavant vivre notre propre vie humaine.  Agenouillés face à Lui, nous lui offrons l'être que nous sommes et que nous souhaitons devenir.  Nous nous offrons tout tendrement avec cette conviction que nous ne serons plus jamais seuls.  Heureusement pour nous, nous sommes un peu comme ces mages de l'évangile.  Nous venons ensemble nous donner à ce Dieu qui vit en nous.  L'épiphanie n'est pas un tableau à admirer.  Il ne s'agit pas d'un arrêt sur image d'une histoire merveilleuse.  L'épiphanie est cette manifestation divine au monde entier qui nous pousse à nous mettre en mouvement.  Osons cette transformation intérieure et regardons-nous les uns les autres, Dieu est en nous.  Ayant découvert cette part divine en chaque être humain, il est évident que nous sommes conviés, nous aussi à notre tour, à prendre un autre chemin.  Cette fête doit intérieurement nous déménager afin que notre foi soit vivante.  Mieux encore, afin que notre foi soit la manifestation réelle de la présence de Dieu au c½ur de notre monde.  Et cela se vit tout simplement dans la douceur et la tendresse de nos vies.

Amen

Epiphanie

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

Prodigieux : il a suffi de quelques milliers d'années et l'hominidé de la savane africaine est devenu capable de se dresser, de penser le monde et de le dominer. Il a découvert les particules de la matière ; avec ses télescopes géants, il s'enfonce dans les profondeurs d'un cosmos sans limites ; grâce aux vaisseaux spatiaux, il s'offre des pirouettes autour de la terre et poursuit son rêve d'aller sur les autres planètes. Extraordinaire aventure des sciences, prodigieux exploits des descendants des « mages » de l'antiquité.
Car ces derniers n'étaient pas des rois, comme on dit, ni des « magiciens » mais les astronomes de leur époque : du haut de leurs tours (les ziggurats de Mésopotamie comme la tour de Babel), et sans évidemment nos moyens modernes, ils scrutaient inlassablement la voûte céleste, s'émerveillaient des figures formées par les étoiles,  calculaient le retour des éclipses. Pour eux, il était évident que le cosmos était habité par des puissances divines qui envoyaient des messages, des signes qu'il fallait décrypter pour que les rois sachent gouverner avec prudence, pour connaître le destin du prince nouveau-né, pour révéler aux gens les chemins de leur avenir. Superstitions d'un autre âge, dit-on. Mais aujourd'hui encore les astrologues font de gros tirages avec leurs prédictions et, en cachette, des universitaires jettent un coup d'½il furtif sur leur horoscope.
Par contre, au temple de Jérusalem, on apprenait que les astres n'étaient que des luminaires créés par le Dieu unique, qu'il ne fallait pas les idolâtrer  et on chantait le cantique à la gloire du Dieu unique :
« Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l'½uvre de ses mains.
Le jour en prodigue au jour le récit, la nuit en donne connaissance à la nuit.
Ce n'est pas un récit, il n'y a pas de mots ; leur voix ne s'entend pas.
Leur harmonie éclate sur toute la terre et leur langage jusqu'au bout du monde » (Psaume 19)
Mais à ces joyeuses acclamations, succédaient des lamentations et des appels : nous subissons tant de malheurs, nous souffrons de tant d'injustices, violence est faite aux pauvres et enfin nous mourons. Il n'est pas possible que le Dieu juste tolère ce tohu-bohu absurde, nous laisse errer dans la nuit de l'insignifiance. Ainsi naquit en Israël le « messianisme », l'espérance certaine de la réussite du projet de Dieu, qui est le salut des hommes, par son Envoyé spécial, qui serait oint, sacré, par son Esprit.
L'un après l'autre, les prophètes traçaient peu à peu les traits de ce Messie à venir :
Oui, un jour, le salut viendra par un enfant : « Dieu vous donnera un signe : la jeune femme est enceinte et elle enfantera un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel » (Isaïe 7, 14). Alors nous exulterons : «  Un enfant nous est né, un fils nous est donné. On proclame son nom : Merveilleux conseiller, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la Paix. Il établira se royauté sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours » (Isaïe 9, 5). Il naîtra dans un petit village : « Et toi, Bethléem, si petite, de toi sortira celui qui doit gouverner Israël ; il sera grand jusqu'aux confins de la terre. Il sera la Paix » (Michée 5, 1).  Il sera un guide humble et patient : « Tressaille d'allégresse, fille de Sion, ton roi s'avance vers toi, juste et victorieux, humble et monté sur un âne...Il proclamera la paix pour tous les peuples » (Zacharie 9, 9).
Et même, déçus par toutes les tentatives humaines, on osait crier : «  C'est toi, Seigneur, qui es notre Père, notre Libérateur pour toujours...Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais ! » (Isaïe 63, 16-19)

Un jour donc, des mages d'Orient se présentèrent à Jérusalem : leurs observations les avaient mis en quête de cet enfant, ce roi de la paix mondiale qui devait naître en pays d'Israël.
Le roi Hérode et ses scribes, bons connaisseurs des Ecritures, les dirigèrent vers Bethléem puisque le prophète l'avait dit...mais ils refusèrent de les y accompagner.
Reprenant leur route, les voyageurs parvinrent enfin à ce petit village, y découvrirent, dans un pauvre logis, un jeune couple avec son nouveau-né. Le Messie ne venait pas dans un palais grandiose, il n'était pas couché dans un berceau de marbre, il ne disposait pas de mille serviteurs, il ne jaillissait pas, tout armé, pour changer le monde d'un coup de baguette magique, il n'imposait pas sa puissance, ne fulminait pas de condamnations. Le salut n'était pas dans les étoiles, ni dans « les stars » du spectacle.
Devinant que le roi Hérode, jaloux de ce concurrent venu lui ravir son trône, les mages repartirent chez eux par un autre chemin. Car la découverte de Jésus entraîne vers une autre conduite.
LE DIALOGUE ENTRE LA SCIENCE ET LA FOI

Si la nature n'est qu'un champ d'exploitation des ressources, l'homme pille ses richesses, détruit ses espèces vivantes, souille, ravage, tue, brûle. Si elle est créée par Dieu, elle est un grand LIVRE qu'il faut considérer avec respect, un livre qui parle, qui livre des signes, qui pose question à l'homme et l'invite à penser. Heureux le savant qui persiste au bout de ses calculs et qui, ayant compris le « comment  » des choses s'interroge sur leur « POURQUOI ? », leur « POUR QUOI ? ». 
Car ces messages cosmiques demeurent vagues, obscurs. Une fulgurance subite puis tout de suite la nuit. Il est besoin d'un autre LIVRE, écrit par des hommes qui, en racontant des événements, essayaient de percer le secret de l'histoire. Israël a ce Livre. Non parce qu'il est un peuple au-dessus des autres (il suffit de lire les monceaux de reproches et de critiques dont ses propres prophètes l'accablent !) mais il lui a été donné de révéler le « messianisme », le sens de l'histoire..
Le temps n'est plus simple  répétition des saisons et il est faux de dire : « Rien de nouveau sous le soleil ». Le temps est histoire significative, flèche lancée vers un avenir, construction d'une humanité nouvelle.
Les sciences multiplient les moyens de vivre ; la foi messianique donne la raison de vivre. La Nature évoque le Créateur ; la Bible annonce et apporte le Sauveur.

Lue de la sorte, l'histoire des mages ne se réduit pas à une historiette pour enfants, un mythe légendaire, l'occasion de partager un succulent gâteau. Elle éclaire un immense problème d'actualité : expliquer que l'Eglise n'est pas contre le progrès scientifique. Que raison et foi se conjuguent. Comment montrer que la science ne peut s'enfermer dans un simple souci de connaissance, de rendement, d'utilité et qu'elle se doit de demeurer ouverte à un ordre de vérité qui échappe à ses instruments ?
Le témoignage des « mages » d'aujourd'hui - les savants qui ont laissé leurs lunettes pour se mettre en quête d'une Vérité supérieure - est capital pour surmonter le scandale du fossé entre foi et culture.
Par la rencontre du Christ, les mages ont pu être libérés de l'idolâtrie : les astres ne sont pas le divin. Ils ont pu découvrir que, au c½ur de la recherche de la raison, il y a la quête d'une éthique.
La vérité ultime vient peut-être de la conviction qu'il importe d'abord et avant tout de se pencher sur un nouveau-né pauvre et démuni. Comment développer les connaissances, comment progresser en respectant tout petit d'homme ? Comment des mages « irakiens » respectent un enfant juif ? Et l'inverse ?
L'EPIPHANIE (d'un mot grec qui signifie « manifestation ») est la découverte qu'au terme de toute recherche humaine il y a un c½ur, un enfant qui ouvre les bras et qui dit : « Ne tue pas ».

Les cadeaux des mages sont significatifs des valeurs qu'ils ont découvertes à Bethléem.
Le don de l'or signifie que la richesse doit être partagée, répartie afin que tout couple puisse nourrir et élever chacun de ses enfants. Pas de salut sans volonté préliminaire de partage.
L'encens veut dire que l'être humain doit écouter ses aspirations vers le haut, libérer son désir d'absolu, de prière, de paix du c½ur, de rencontre avec le Dieu là-haut.
La myrrhe, aromate de l'amour, montre que le cerveau ne peut s'isoler dans un savoir orgueilleux mais s'ouvrir au c½ur, à l'affection, à l'amitié.

Pour qui prions-nous aujourd'hui ? Pour les savants lancés dans la conquête de l'espace, pour qu'ils ne s'enferment pas dans une vision matérialiste de l'univers mais débouchent dans une quête spirituelle. Pour les intellectuels chrétiens afin qu'ils osent témoigner d'une raison ouverte à la foi. Pour que nous sachions que, sans « fève », chaque croyant est roi puisque la foi le libère de la nuit, l'espérance l'envoie sur des chemins neufs et l'amour allume des étoiles dans ses yeux.

Sainte Famille, année C

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Entre Noël et Nouvel An, la liturgie nous invite à célébrer la Sainte Famille.  Mais qu'est-ce que cela veut dire ? La Sainte Famille serait-elle le modèle de toutes les familles chrétiennes ? Cela paraît peu vraisemblable.  Josep ne paraît pas être un modèle très attrayant pour les hommes.  Marie est une vierge-mère, ce qui est exceptionnel.  Jésus est Fils de Dieu, ce qui est unique.  Il serait facile de rire et de se moquer de cette fête, mais, si elle nous est proposée, c'est qu'il y a une raison.  De plus, si on réfléchit bien, nous constatons que notre modèle de la famille n'est pas excellent.  On voit bien autour de soi que les familles repliées sur elles-mêmes paraissent souvent étouffantes et que, par contre, les familles dispersées risquent de se vider de leur sens.  Notre expérience personnelle nous invite donc à profiter de cette fête pour nous ouvrir à un sens plus profond de la famille.
Essayons une piste de réflexion.  Supposons que chaque personnage de la Sainte Famille symbolise un aspect de notre vie, de notre salut.  Prenons saint Joseph.  C'est celui qui, par son travail, permet aux autres de vivre.  Par son travail, il nourrit sa famille.  Voilà qui, sans doute, ouvre un beau champ de réflexion : en quoi mon travail contribue-t-il au salut de ma famille, de ma communauté ? Le travail est-il pour moi et pour mon couple une punition ou une source d'épanouissement ? Vous me direz : « cela ne dépend pas de moi.  Je peux tomber sur un chef exécrable ou être soumis à des cadences épouvantables. » C'est vrai, c'est exact, mais, moi, comment je me comporte en famille par rapport aux tâches quotidiennes ? Sont-elles autant de corvées ou autant de possibilités de manifester ma solidarité avec les autre, et pourquoi pas ?, un moyen de me réconcilier ? Après une dispute, il est parfois plus facile de réintégrer le cercle familial par un service rendu exceptionnellement que par des excuses difficiles à formuler. 
Par son travail, Joseph permet aux autres de vivre.  Par sa maternité, Marie donne la vie.  Cela pose naturellement, pour nous chrétiens, mais aussi à tous les humanistes, la question de la vie, que ce soit en lien avec l'avortement ou l'euthanasie.  Mais cela pose aussi la question fondamentale de savoir pourquoi on veut avoir des enfants.  Certaines dictatures voulaient avoir beaucoup d'enfants pour avoir beaucoup de soldats.  Mais nous ne sommes plus à l'âge de croire et de penser qu'il faut faire des enfants pour le bien de la société et du pays.  Et pourtant, le besoin, le désir d'avoir des enfants est profondément inscrit dans l'être humain.  C'est sans doute parce que l'amour est créateur.  Aimer est fécond.  Un amour ne se vit pas replié sur lui-même.  Un amour doit s'ouvrir sur l'univers, doit s'ouvrir sur les autres différents de nous.  Un enfant naît lorsqu'il se sépare du corps de sa mère.  Un homme devient adulte quand il devient capable de fonder un nouveau foyer, une nouvelle vie.  Par sa maternité, Marie donne la vie.  Elle devient la mère de tous les croyants.  Sa fécondité spirituelle est universelle.
Joseph permet aux autres de vivre.  Marie donne la vie.  jésus est la vraie vie.  Il est le Fils de Dieu.  Et voilà que nous découvrons à l'intérieur même de la famille la présence de Dieu.  Cet amour qui est vécu entre époux et entre les générations permet de découvrir non seulement  la générosité de Dieu envers chacun d'entre nous, mais aussi la miséricorde de Dieu à notre égard.  Il nous permet aussi de découvrir toute la diversité de la nature humaine : un homme n'est pas une femme et deux frères peuvent être radicalement différents.  L'amour conjugal et familial nous permet aussi de deviner toute l'étendue de l'amour et de la tendresse de Dieu pour chacun d'entre nous.  La vie en famille n'est pas simplement une vie d'amour, c'est une leçon de catéchisme.
La Fête de la Famille est donc pour nous une merveilleuse opportunité de redécouvrir la perspective chrétienne de toute vie humaine, que ce soit en famille, en couple ou en solitaire.  Joseph montre que le travail, réalisé à la maison ou en communauté, peut être un moyen de créer ou de recréer des liens d'estime et de pardon.  Marie, par sa fécondité, montre que son amour dépasse, et de loin, les limites de la famille.  Marie est la mère de tous les croyants.  Jésus, par sa divinité, nous révèle que chaque rencontre peut être une leçon d'amour venant de Dieu.
En cette période de fête, je vous souhaite d'ouvrir des yeux émerveillés sur ceux qui travaillent,  ceux qui rendent service et ceux qui aiment tout simplement, comme Dieu à notre égard.

Sainte Famille, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Vous connaissez peut-être la blague de cette jeune femme disant
à son mari qui vient juste de rentrer du travail : « Mon amour, j'ai une grande nouvelle pour toi : très bientôt nous serons trois dans cette maison au lieu de deux ! » Vous pouvez imaginer la joie du mari. Mais cette joie est de courte durée puisque sa femme poursuit : « Je suis bien contente que tu le prennes comme ça. Ta belle-mère arrive demain matin et vient habiter chez nous. »

***

La famille --dans tout ce qu'elle a de complexe-- a toujours été source  d'inspiration pour ce genre d'humour, car elle est depuis la nuit des temps lieu de joie comme de souffrances et de déchirement. ??Heureusement, la famille que nous célébrons aujourd'hui n'est pas un modèle, dont l'exemple serait à suivre. C'est pour cela que --qui que nous soyons-- nous pouvons nous réjouir de cette fête, quelles que soient nos familles, composées, décomposées ou recomposées.
En effet, avouez qu'il faut une bonne dose d'humour pour fêter la « sainte famille » en nous présentant un ado qui fugue
et fausse compagnie à ses parents sans prévenir
en leur rappelant qu'il doit être aux affaires de « son Père ». Ambiance !

Mais aujourd'hui, s'il y en a un modèle à suivre, ce n'est pas celui d'une structure familiale modèle,  mais Jésus, qui nous offre ce que j'appellerais  l' « art de la fugue ».?
Au sens premier, l'art de la fugue est le nom donné à une ½uvre de Jean-Sébastien Bach. La fugue est ce style de musique dans lequel différentes lignes mélodiques se suivent, se succèdent et semblent fuir et se poursuivre tour à tour. Si vous voulez, c'est le principe du canon, en plus élaboré. Et ce qui est extraordinaire dans ce style d'écriture, c'est que l'ensemble forme une harmonie, malgré le décalage. Voilà pour le sens premier et musical de la fugue.

Je vous propose ce soir un autre sens de l' « art de la fugue. La 'fugue' de Jésus de Nazareth. Elle n'est pas à prendre au sens littéral comme un récit historique de la fuite d'un ado, mais plutôt au sens théologique. ». ???Quelle que soit la composition familiale, il est toujours possible de prendre son propre chemin, où ce qui semble un décalage n'est pas une fuite.
Pour Jésus, ce chemin est celui de sa Pâques, l'accomplissement de sa destinée la plus intime. Voilà l'exode, le passage, la Pâques de Jésus qui s'annonce, esquissée déjà dans ce récit de l'enfance et que Marie et Joseph ne comprennent pas encore.

***

Mais pour nous aussi, la vie est comme une fugue, où les événements arrivent à temps et à contretemps. Certains d'entre nous auront tendance à entrer très vite dans la partition de leur vie et leur chemin sera source d'inspiration pour d'autres. D'autres puiseront leur inspiration dans des précurseurs qui leur auront donné le ton juste. D'autres encore, plus discrets, prendront du temps avant d'entrer dans danse avant de chanter leur propre mélodie. Finalement, peu importe notre entrée dans la vie. Comme dans une partition, l'important est que nous adoptions un thème que nous n'avons pas choisi au départ, et que nous le fassions nôtre. ?
Combien de parents n'ont-ils pas l'impression de perdre leur enfant quand son chemin diverge radicalement de leurs projets? Sentiment de perte, d'arrachement, de fuite ou d'abandon. Et pourtant... nos vies sont comme ces partitions où ce qui semble une fuite à première vue, peut être ?l'annonce d'un nouveau départ. ??Peu importe la manière avec laquelle nous sommes entrés dans nos familles. ?L'important est de jouer sa ligne mélodique, d'être soi-même en harmonie, quel que soit notre point de départ. ?Et voilà que la fugue devient un art, l'art de vivre ensemble.

Voilà aussi ce qu'est l'art de l'éducation : faire en sorte que chacun puisse être libre, puisse quitter les sentiers balisés en étant conscient de ses limites ! Eduquer signifie bien « conduire hors de », « ex-ducere ». Grandir en sagesse consiste donc à se libérer des structures qui nous empêchent d'être nous mêmes, en restant conscient que sans ces attaches, nous ne serions pas non plus qui nous sommes.

Alors, quelle que soit l'histoire tortueuse ou non de notre entrée dans le monde, nous sommes inscrits dans une famille qui nous précède. Et si notre c½ur nous accuse parce que nous croyons être en décalage par rapport aux autres,  nous ne le sommes pas par rapport à Dieu. Car nous sommes tous adoptés, fils et filles adoptifs de Dieu, nous dit Saint Jean. ??Quelles que soient les joies et les blessures de nos existences familiales, une famille plus grande nous précède. A nous d'y entrer, à notre rythme, dans cette famille où tout le monde trouve sa place. Amen.



Sainte Famille, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

QUAND LE FILS DÉCOUVRE SON VRAI PÈRE

Inséré entre les deux fêtes de Noël et de l'Epiphanie qui nous présentent Jésus à peine né, l'évangile de ce dimanche, dit « de la Sainte Famille », nous projette déjà une douzaine d'années plus tard dans l'épisode célèbre du recouvrement de Jésus au temple. Que s'est-il passé pendant cet intervalle et ensuite, au long de la vingtaine d'années qui nous séparent du baptême ? Rien n'en est dit. Une vie familiale ordinaire. Comme nous. Le quotidien sans histoire n'est pas perte de temps mais maturation, attente sereine.
Chaque année, les parents de Jésus allaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut 12 ans, ils firent le pèlerinage suivant la coutume.
En racontant la Naissance, Luc a bien noté que les parents de Jésus étaient de bons citoyens de l'Empire, obéissant au décret du recensement de la population, même dans des conditions pénibles. De même à la Présentation de Jésus au temple au 40ème jour, et à nouveau ici, Luc rappelle qu'ils étaient de fidèles observateurs de la Loi juive. Cette insistance est importante car, à l'époque de Luc, les Autorités, romaine et juive, s'inquiétaient devant l'étonnante expansion des communautés chrétiennes. Il fallait souligner que le fondateur et ses disciples ne sont pas des révolutionnaires qui complotent contre les pouvoirs en place mais d'honnêtes personnes obéissant aux lois et coutumes. La foi chrétienne n'est pas anarchiste.
Néanmoins il est vrai que, lorsqu'elle est pratiquée dans toute sa vérité, elle a bien une portée subversive pour le désordre social. Ce que les Pouvoirs remarquent très vite ! Jean-Baptiste, Jésus, Pierre et Paul ont été arrêtés et exécutés par les autorités : ce n'est pas un hasard.

La fête de Pâque est, on ne l'ignore pas, la grande fête de printemps, le mémorial de la libération des Hébreux esclaves en Egypte. Au départ, fête familiale, elle était devenue, depuis la réforme du roi Josias, une fête de pèlerinage obligatoire à Jérusalem et elle durait 8 jours. Et si l'âge de Jésus est précisé, c'est parce que c'est à ce moment qu'il fait, comme on dit aujourd'hui, sa « bar-mitsvah » (fils des commandements). En ce jour de fête pour lui, il a l'honneur d'être appelé au lutrin et de proclamer en public, pour la première fois, une page de la Torah. Dorénavant il est un vrai « fils d'Israël, tenu d'observer tous les engagements de la Loi.. Jésus va montrer qu'il en a pleine conscience.

JESUS FAIT UNE FUGUE

Comme ils s'en retournaient à la fin de la semaine, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s'en aperçoivent. Pensant qu'il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne le trouvant pas, ils revinrent à Jérusalem en continuant à le chercher.
A l'époque on vit en grande famille, en clan, les enfants passent souvent chez une tante, les cousins, les voisins. Mais qu'il ne revienne pas près de ses parents, voila qui devient inquiétant. On s'informe dans le groupe : non il ne se trouve pas dans la caravane des Galiléens qui remontent dans leur région. Un peu affolés, Joseph et Marie retournent dans la capitale.

C'est au bout de 3 jours qu'ils le trouvent dans le temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l'entendaient s'extasiaient sur son intelligence et ses réponses.
D'habitude on retrouve les enfants perdus au rayon jouets ou chez les copains : Jésus doit être le seul petit garçon qui disparaisse pour aller au catéchisme ! Il a remarqué les grands maîtres qui, sur le parvis, donnaient des cours de lecture de la Torah, exposaient les sens cachés des textes sacrés, transmettaient les trésors de la tradition. Jésus, passionné par leur intelligence, était assis parmi le groupe d'auditeurs. Contrairement à certaines représentations des peintres (« Jésus au milieu des docteurs »), il n'enseigne pas les maîtres : il les écoute, pose une question respectueuse. Les maîtres, surpris et amusés, interrogent le petit et eux, les spécialistes, s'émerveillent de découvrir combien ce tout jeune Galiléen, issu de la campagne, connaît déjà les Ecritures. Il est passionné d'apprendre. Et nous ?...
En le voyant, ses parents furent stupéfaits et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ». Il leur dit : «  Comment se fait-il que vous m'ayez cherché ? Ne savez-vous pas que je dois être chez mon père ? ».
Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait.
Marie et Joseph ont vécu une terrible détresse, ces derniers jours ont été épouvantables et pourtant leur fils leur répond qu'ils auraient dû comprendre. Grâce à ses réflexions sur les Ecritures et sa prière, Jésus a pris conscience que celui qu'on appelle Dieu, YHWH, le Créateur, le Seigneur, est SON PERE et qu'il est son FILS au sens propre. Donc le Temple, maison de Dieu, est aussi sa maison à lui, le Fils. Au temple, en s'appliquant à percer le secret des textes saints, il est CHEZ SON PERE. C'est là sa vraie demeure, c'est là qu'il DOIT ÊTRE. La maison de Joseph n'est plus que « sa résidence secondaire ». Réponse incompréhensible pour Marie et Joseph

Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth et il leur était soumis.
Sa mère gardait dans son c½ur tous ces événements.
Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes.
L'incident se clôt sur cette réplique mystérieuse et, après le voyage, la vie va reprendre son cours normal dans le petit village. Le jeune adolescent ne donnera pas des cours d'exégèse, ne fera pas de miracles, ne portera pas d'auréole. Il va apprendre le métier de son père (remarquez que Luc a donné ce nom à Joseph) et poursuivre ses études et ses prières sous le regard de son Père dont il sait l'amour et la proximité.
Marie garde mémoire du souvenir douloureux. Vingt ans plus tard, son fils va lui échapper à nouveau car il lui faudra aller chez son Père à Jérusalem. Scandalisé par les dérives religieuses, il voudra « purifier » la Demeure de Dieu. Les grands prêtres ne reconnaîtront pas le Fils et, au contraire, le traitant d'impie et de blasphémateur, ils le supprimeront comme dangereux. Mais en agonisant sur la croix, sans condamner ses bourreaux, Jésus murmurera : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit ».
Ainsi la dernière phrase qu'il prononce correspond à la première qu'on avait gardée de ses 12 ans : « Il faut que je sois chez mon père ». Le sens de ma vie est de rejoindre mon Père que j'aime. Si la Maison de pierres me rejette, la mort m'emportera enfin près de lui.
Et à celui qui croit en moi, comme le bon larron, je lui dirai en confidence : «  Aujourd'hui tu seras avec moi au paradis ». Car la Maison de mon Père est aussi la tienne, toi qui, par la foi, devient fils de Dieu.
Ah que ces journées seront des heures d'agonie pour Marie, la mère ! Elle « cherchera » son fils disparu...mais « le recouvrement » se fera « le 3ème jour ». Ce qu'elle avait « gardé dans le c½ur » depuis tant d'années s'éclairera enfin. « Il fallait » !  Elle, qui avait déjà perdu son époux, pouvait, en toute confiance,  poursuivre sa route, en compagnie des apôtres et des nouveaux croyants : grâce à la croix du Fils, l'existence est un pèlerinage vers la Nouvelle Jérusalem, une aspiration irrépressible à rejoindre la Maison du ciel  où le Père rassemble tous ses enfants en une seule Famille.

CONCLUSIONS

Magnifique tâche des parents et enseignants chrétiens : transmettre le trésor des Ecritures aux enfants. Leur apprendre à lire avec leur c½ur, à prier doucement le « NOTRE PERE... », à découvrir leur privilège d'être « enfants de Dieu ». Leur faire aimer la « maison de l'Eglise ». Et puis les inviter à inventer leur avenir, leur permettre de partir, de chercher leur propre chemin, de « faire leur pâque » personnelle, leur passage dans le monde de la liberté. Les avertir qu'ils devront souffrir par l'Eglise, qu'ils seront  déçus par elle, même par ses responsables.  Mais les assurer que, au bout de la route, quelles que soient leurs lourdes chutes,  en donnant leur vie, ils pourront se jeter dans les bras du Père.
Il faut quitter père et mère de famille pour découvrir le Père de la famille des humains. Que cette conviction nous entraîne à vivre une foi universelle.

Noël

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

Mes amis, qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ? J'ai tapé « Noël » sur Google et j'ai trouvé comment visiter l'atelier du Père Noël, rencontrer des petits lutins. J'ai vu les marchés de Noël, les boules colorées, les guirlandes et les sapins. J'ai vu les recettes de cuisines, les idées de cadeaux ... vraiment tout, sauf... ce que nous dit l'Evangile ! Alors je pose la question : qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ?

Que disent ces rues illuminées, ces vitrines décorées, ces places enrubannées, le chocolat chaud, les odeurs de cannelle et de fleur d'oranger ? Serait-ce seulement la fête pour les petits enfants ou pour les commerçants ? Serait-ce pour célébrer la joie de vivre tout simplement, emmitouflés au plus fort de l'hiver, parce que les jours vont commencer à rallonger ? Serait-ce un devoir familial annuel, un impératif de retrouvailles à vivre le mieux possible, de bons moments à partager, quelques heures volées collectivement dans une année chargée ? Noël est bien sûr tout cela mais certainement plus encore.

Alors, qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ?

Certains d'entre nous ici ce soir, ont vécu Noël en Afrique, en Amérique, du nord ou du sud, d'autres en Asie ou au Moyen Orient... J'ai vécu Noël au Pérou. Je me souviens de rudes policiers en pleine guerre civile, qui s'enorgueillissaient d'avoir gagné le concours des crèches de Noël... Nous pourrions échanger nos expériences, dire les multiples coutumes, les repas traditionnels : la dinde, la carpe ou le cochon ; les marrons glacés, les bananes frites, les fruits confits, les grosses fourmis grillées... nous avons goûté de tout ! Et nous pouvons en témoigner : partout, que ce soit sous un manteau neigeux ou sous un ciel de plomb, sur tous les continents, deux milliards de chrétiens fêtent Noël en cette nuit, entrainant l'humanité incrédule dans une sorte de rêve éveillé. L'heure est à la fête et à la joie, à la famille et à l'amour, aux bras grand ouverts pour la prière et l'amitié. L'heure est à la plus grande simplicité, à l'enfance retrouvée. L'heure est à l'espérance que tout ce qui est en germe, presque physiquement palpable cette nuit, devienne permanente réalité.
Qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ??C'est sensible et en même temps c'est indéfinissable. Ce n'est pas tous les jours Noël ! Il y a un charme particulier à cette nuit unique : un silence habité, comme un enchantement qui manque les autres jours, les autres nuits. Comme si soudain, tout était possible, enfin : la trêve dans les tranchées, la paix dans les familles, la joie dans le c½ur des vieillards, dans les yeux des enfants. Une parenthèse d'harmonie, quelque chose d'enivrant, de très fort et de très convaincant, comme un parfum qui se diffuse, une musique qui invite à danser. Noël, comme un arrière-monde, toujours présent mais qui pointe le nez et qui clignote, qui nous rend visite et nous fait signe, seulement une nuit par an. Pour stimuler notre imagination, pour suggérer un programme alternatif, à portée de main, si tout le monde voulait bien, si tous ensemble on se décidait une bonne fois, à croire l'impossible possible, et vrai : Noël, un trou dans le ciel, une étoile suspendue, un clin d'½il d'éternité... un super cadeau qui peut changer la vie, sans qu'on ait rien à faire d'autre que d'acquiescer. Car nous le sentons bien, Noël n'est pas simplement pour les optimistes ni pour les gens heureux. Noël n'est pas une affaire de pensée positive ni de volonté. C'est de l'ordre de l'expérience : une émotion qui monte de l'inconscient collectif, le partage d'une étonnante humanité.

Et pourtant, nous le savons bien, certaines personnes le vivent mal. Elles attendent ce jour et le redoutent aussi. Malades ou isolées, elles en viennent parfois à détester Noël. Noël remet à vif les blessures cachées, la famille que l'on n'a pas eue ou celle que l'on n'a plus, la nostalgie d'amours perdues, le sentiment d'abandon. Pourquoi réveiller tant de souffrances ? Les vieilles plaies, les meurtrissures se remettent à saigner.

Noël, pour être Noël, doit pouvoir combler, ne serait-ce que l'instant d'un sourire, tous ceux que la vie a marqués, tous ceux que la vie a creusés. Noël, pour être Noël, doit faire renaître l'espoir, doit sauver l'espoir. Noël, pour être Noël, doit répondre à l'attente exacerbée de la création blessée. Parce que la frustration est à la hauteur de ce qui doit venir... elle dit, en vide, en creux, l'inconcevable qui doit être conçu, l'inaccessible qui doit se rendre proche, l'invraisemblable consolation qui ne peut plus tarder. Le manque est à la mesure de l'amour infini, impossible mais nécessaire que l'on n'attend plus. Il y a au c½ur de l'homme une immense attente que seul un Dieu pourrait combler.

Je regarde la crèche et devant ce spectacle silencieux, je m'interroge. Cela n'est pas du tout ce que l'on attendait. Mais c'est tellement humain, tellement simple et naturel, que c'en est renversant, divin, surnaturel. Les pauvres, les blessés, les exclus, les pécheurs, les damnés, les noyés, les ratés de la terre, dans leur douleur, peuvent comprendre les premiers. Noël, pour être Noël, est d'abord pour eux. S'il y a un Dieu, un maître de l'impossible, c'est chez eux qu'il va se manifester.
Alors qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ?

Pas de père Noël mais un fils Emmanuel. C'est dans l'ouverture même de nos blessures que Dieu vient nous rejoindre, au c½ur de la nuit. Les icônes représentent la crèche comme une grotte, comme un tombeau. Il vient au creux de l'humanité, comme le sourcier de toutes les énergies enfouies, pour nous guérir, pour nous sauver, pour nous ressusciter.