Funérailles

Auteur: Charles Dominique
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

Funérailles du frère Jean-Marie Van Cangh
Bruxelles -- 25 mai 2013


Os 2,16-17 et 21-22 ; Mt 5,1-16

Nul ne peut voir Dieu sans mourir ! C'est ce que Moïse, le grand ami de Dieu, a entendu sur le mont Sinaï. Pour accéder à la vision du Dieu caché, nous n'avons pas d'autre possibilité que d'emprunter le chemin pascal de Jésus qui passe inévitablement par la mort : « Je suis le chemin », celui « qui me suit ne marche pas dans l'obscurité, il aura la lumière de la vie ». Pour suivre le Christ dans ce passage, pour passer par la porte étroite, il nous faut tout perdre et entrer dans l'obscurité de la mort avec lui, afin de trouver la lumière de la vie avec lui.

La mort est ce moment douloureux de notre vie où nous sommes contraints de tout lâcher, de tout abandonner. C'est un moment que notre frère Jean-Marie redoutait, lui qui avait tant d'attaches et tant d'amitiés auxquelles il demeurait très fidèle. Or, le moment de la mort est un dur moment de rupture : nos mains ne peuvent plus saisir la main de ceux que nous aimons. D'autres nous portent et prennent soin de nous.

Jean-Marie redoutait de devoir tout laisser : il aimait les bonnes choses et surtout de les faire déguster à ceux qu'il aimait : le bon vin, les bonnes trappistes, les pralines des meilleurs chocolatiers de Bruxelles, le saumon sauvage... Il aimait inviter ses amis dans un restaurant où il allait depuis des années. À Jérusalem, il arrivait toujours avec une valise pleine de bonnes choses à offrir. Jean-Marie aimait la vie et souhaitait la quitter le plus tard possible.
Mais il y a eu cette maladie qui l'a contraint peu à peu à se rendre à l'évidence : le moment de tout quitter approchait plus vite qu'il ne l'avait souhaité. Il l'a dit ou écrit à certains de ses frères. Pour faire le passage pascal, il lui fallait saisir la main de son grand Ami en qui il avait placé toute sa confiance, tenir cette seule main de Jésus et tout laisser : « Père, en tes mains, je remets ma vie ! »

Quand on a cherché toute sa vie le vrai visage de Jésus, comme le fit notre frère Jean-Marie, en scrutant les textes du Nouveau Testament et de la tradition juive, désireux de connaître l'homme de Nazareth qu'il avait choisi de suivre et d'aimer passionnément, à qui il avait donné toute sa vie, il est nécessaire un jour de tout lâcher pour se jeter, sans filets, dans les bras du Crucifié : nul ne peut voir Dieu s'il ne se laisse dépouiller de toutes ses attaches, pour s'avancer avec confiance dans l'inconnu, en tenant la main du Christ, comme Pierre qui s'est écrié quand il s'enfonçait dans l'eau du lac : « Seigneur, sauve-moi ! » Probablement que Jean-Marie a poussé ce cri en saisissant la main du grand Ami.

Il avait en effet une relation très personnelle et très affective à Jésus. Il s'était lancé dans une quête ininterrompue de Jésus de Nazareth en consacrant une bonne part de sa vie à la recherche de l'arrière-fond hébraïque de l'évangile de Marc et, plus largement, des sources juives du Nouveau Testament. Nous l'avons entendu prêcher ici avec conviction en citant des mots araméens, la langue de Jésus. Cette passion provenait certainement de sa rencontre avec David Flusser dont il parlait souvent avec beaucoup de vénération. Il a ainsi cherché à reconstituer les paroles que Jésus aurait prononcées au cours de son dernier repas.
Et voilà que Celui qu'il a voulu mieux connaître par ses recherches faites à Louvain-la-Neuve et à l'École Biblique de Jérusalem, est venu mardi matin lui saisir la main pour l'entraîner dans sa gloire. Il voit maintenant en vérité Celui qu'il a cherché dans la foi. Deux Béatitudes me semblent particulièrement bien convenir à notre frère Jean-Marie.

D'abord, « heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés » : il était en effet animé d'une grande préoccupation pour les Églises d'Orient et pour tous ces chrétiens du Moyen Orient qui souffrent tellement en Iraq, en Syrie et en Palestine ; à Jérusalem, il avait de grands amis palestiniens mais il avait aussi de grands amis juifs ; la situation de nos frères en Iraq le préoccupait beaucoup ; il a dépensé beaucoup de ses énergies à la diffusion de la revue « Solidarité-orient » et à soutenir des étudiants en leur accordant des bourses d'études.

Une autre béatitude convient bien à notre frère : « heureux les miséricordieux car il leur sera fait miséricorde. » Comme notre Père saint Dominique, Jean-Marie était immensément accueillant à tous ceux qui avaient besoin d'aide, surtout les chrétiens du Moyen-Orient. Il a noué de nombreuses amitiés, tant avec ceux qu'il avait accueillis et soutenus qu'avec ses anciens étudiants de l'UCL et les membres de l'équipe de foyers de Bruxelles auxquels il était très attaché. Il aimait aussi organiser les rencontres annuelles des académies internationales de Sciences Religieuses et de Philosophie des Sciences ; il devait y faire une conférence cette semaine à Athènes, sur le premier concile qui eut lieu à Jérusalem ; ayant dû renoncer à s'y rendre, il a envoyé son texte il y a quelques jours afin qu'on en fasse la lecture en son absence.

Jean-Marie était un homme fidèle dans toutes ses relations et très attentifs aux personnes. Il n'oubliait rien. Ainsi, il y a un an et demi, de retour du musée d'Israël à Jérusalem, je lui ai dit comme j'avais admiré le tableau de saint Pierre peint par Rembrandt qu'il appréciait tout particulièrement lui aussi. Au retour de son dernier voyage à Jérusalem, tout récemment, il m'a apporté un grand poster de ce tableau.

Face à la mort, nous demeurons silencieux. C'est l'heure de la rupture, de la séparation, de l'absence, du mystère... Nous n'avons pas de réponse sinon, dans la foi, celle de la solidarité de Dieu qui s'est exprimée en Jésus qui, sur la Croix, a offert sa vie pour nous faire vivre. Quel mystère ! Mystère de la présence cachée d'un Dieu fidèle sur notre route, qui a promis d'être toujours avec nous, même dans le grand passage de la mort. Comme il est bon d'entendre aujourd'hui ces promesses de Dieu dans le livre d'Osée : « je te fiancerai à moi pour toujours dans la justice, le droit, la tendresse et la miséricorde ! Je te fiancerai dans la fidélité et tu connaîtras Adonaï ! » Ces mots sont pour le peuple de Dieu ; ils sont aussi pour Jean-Marie aujourd'hui. Je les lis en hébreu, c'est un clin d'½il... :

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La mort est ce moment unique où s'accomplit, dans un grand secret, notre rencontre personnelle avec Dieu. Dans un moment de communion silencieuse, confions Jean-Marie à Celui que notre Père saint Dominique appelait « mon Dieu, ma miséricorde ».

Frère Dominique CHARLES o.p.

Fête de la Saint Dominique

Auteur: Charles Dominique
Temps liturgique: Fêtes des Saints Dominicains
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

Fête de St Dominique
2 Tm 4,1-8 ; Mt 5,13-19.

Dominique notre Père, comme Jésus, ne nous a laissé ni traités de théologie, ni commentaires bibliques, ni aucun de ses sermons. Il ne se laisse rejoindre aujourd'hui que dans des témoignages sur sa manière de vivre l'Évangile.

Il est en effet devenu grand au sein de l'Église, non parce qu'il a proclamé l'Évangile avec éloquence mais parce qu'il s'est laissé habiter par l'Esprit Saint qui a pu agir dans toute sa vie pour faire de lui une prédication vivante. Comme le dit si bien Bernanos à propos de lui, « l'½uvre du saint est sa vie même et il est tout entier dans sa vie ».

Selon la déposition du frère Jean d'Espagne au procès de canonisation de Bologne, saint Dominique « portait toujours sur lui l'évangile de saint Matthieu et les épîtres de saint Paul ». Dominique connaissait donc bien le premier évangile et il nous aide à comprendre pourquoi Matthieu place l'enseignement du commandement de l'amour en second, après sa mise en pratique : « Celui qui mettra en pratique et enseignera la loi d'amour sera déclaré grand dans le Royaume des cieux. »

L'auteur de la deuxième lettre à Timothée s'adresse à un responsable de l'Église des premiers temps. Il lui demande littéralement de « faire une ½uvre d'évangéliste » (????? ??????? ????????????). Expression qui définit très bien l'idéal entrevu par Dominique et qui reste le nôtre : devenir tout entier un homme d'Évangile, quelqu'un qui met en pratique l'Évangile dans son existence afin de pouvoir l'annoncer. Quelqu'un qui « fait ½uvre », qui « met en pratique », la loi d'amour et dont toute la vie révèle la voie de salut ouverte par le Dieu des miséricordes.

Le cistercien Pierre des Vaux-de-Cernay exprimait cela avec les mots du 13e siècle : « Pratiquer et prêcher, selon l'exemple du bon Maître, imiter en tout la forme de vie des apôtres. » Pratiquer et prêcher, facere et docere, cette formule traditionnelle conserve bien le primat de la praxis sur le discours, primat que nous avons noté dans la formulation même de Matthieu.

Chers frères, s½urs et amis, nous sommes tous appelés à vivre cet idéal évangélique de Dominique, chacun à notre manière. Aujourd'hui, plus que jamais, l'annonce de l'Évangile par le discours ne suffit plus. Ce qui compte avant tout c'est de témoigner de la vérité de l'Évangile par notre manière d'en vivre très concrètement dans nos communautés, nos familles et nos lieux de vie.

Illusoire serait en effet une recherche de Dieu qui exclurait le souci du prochain, du frère, de l'ami, de l'étranger... L'intuition de notre Père saint Dominique est dans ceci : le croyant est un terrain où la graine de la Parole produit du fruit, où la Bonne Nouvelle de la Résurrection prend chair, prend visage, prend vie. Dominique ne fut pas le prédicateur d'un salut, mais le disciple d'un Sauveur !

En cette fête de saint Dominique, quelque peu assombrie par le décès tout récent de notre frère Jean-Marie, je vous invite à prier au cours de cette eucharistie pour lui et je voudrais nous inviter à être, partout où nous vivons, des infatigables évangélisateurs par toute votre vie et tout ce que nous sommes. Devenons ensemble de vrais disciples de Jésus, à la suite de Dominique. Religieux ou laïcs dominicains, amis de l'Ordre de Saint Dominique, que la mise en pratique du commandement de l'amour soit notre manière tout simplement dominicaine d'annoncer la bonne nouvelle du Christ. Bonne fête à tous.

Frère François-Dominique CHARLES o.p.

Fête de la Pentecôte

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

DON DE L'ESPRIT - LIBERTE - CONCORDE- MISSION

Les trois fêtes de Pâques, Ascension et Pentecôte n'en forment évidemment qu'une. Pourquoi donc Luc - et lui seul - a-t-il reporté le don de l'Esprit à la Pentecôte juive, 7 semaines après Pâques ? Il est très intéressant de voir comment la conception de cette fête a évolué.

FETE NATURELLE DE LA MOISSON   -- Dans les temps anciens, à la fin des moissons (qui duraient environ 7 semaines), les agriculteurs du Proche Orient célébraient les dieux (appelés baals) pour leurs bienfaits : « Fête de la Moisson » ou « Fête des Semaines ». La nourriture était assurée pour les familles donc on allait pouvoir vivre une année nouvelle. A ce premier stade, les fêtes sont rythmées par les saisons, elles scandent le cycle perpétuel de la nature. L'homme vit une relation avec les dieux dont dépend sa subsistance.

FETE HISTORIQUE DE LA LOI   -  Au contraire, en Israël, les prophètes enseignent qu'il n'y a qu'un seul Dieu, que les baals sont des idoles inexistantes et qu'il ne sert à rien de les prier (ce que la science confirmera : le climat résulte d'un jeu de forces). Et en méditant sur l'histoire de leur peuple, ils remarquèrent que leurs ancêtres, libérés de l'esclavage d'Egypte lors de la fête de « Pessah et des pains azymes », avaient atteint le mont Sinaï, « le 3ème mois après leur sortie » (Ex 19, 1), ce qui pouvait correspondre au 50ème jour, au moment même de la « fête de la Moisson ».
Dès lors, en Israël, les fêtes prirent un sens radicalement nouveau : Pessah  (Pâque) devint la fête de la libération et la  Fête de la Moisson  devint la « Fête de l'Alliance avec Dieu et du Don de sa Loi » (Torah). Lorsque la langue grecque s'imposa, on dénomma cette dernière « pentécostès » (50ème).
Dès lors l'année fut rythmée par le souvenir d'événements historiques : les grandes fêtes célébraient la mémoire des interventions de YHWH en faveur de son peuple, elles scandaient l'histoire afin que le peuple la poursuive dans la fidélité. Dieu n'était plus au service des hommes pour leur donner ce qu'ils demandent mais au contraire les croyants se mettaient à son service pour vivre selon sa Loi et donc libérer l'humanité.

ECHECS ET PROMESSE  --  Hélas, la Bible raconte inlassablement que si la Loi était lue, proclamée, vénérée, apprise par c½ur, en fait elle était sans cesse bafouée et trahie. On s'exhortait à bien connaître les préceptes de Dieu et on ne parvenait jamais à les mettre en pratique. YHWH avait beau envoyer des Prophètes pour dénoncer les comportements pécheurs, appeler au changement, menacer de châtiments graves si on ne se convertissait pas : rien n'y faisait.
Et la catastrophe arriva. En 587 avant notre ère, Jérusalem fut prise, son temple incendié, son roi, la cour et la population déportés à Babylone. Le chant des fêtes était éteint à jamais, semblait-il. Israël allait probablement se fondre dans le magma des peuples et disparaître de la scène de l'histoire.

C'est alors que retentit un message absolument inouï (au sens propre): le prophète Jérémie qui avait tant hurlé pour appeler son peuple à la repentance et qui s'était lamenté sur les ruines de Jérusalem, proclama un message jamais entendu :

« Oracle du Seigneur : Des jours viennent où je conclurai une NOUVELLE ALLIANCE. Elle sera différente de celle que j'avais conclue avec leurs pères quand je les ai fait sortir d'Egypte. Ils ont rompu cette Alliance mais moi, je reste le Maître chez eux...Je déposerai mes directives au fond d'eux-mêmes, je les inscrirai dans leur être. Je deviendrai Dieu pour eux et ils deviendront un peuple pour moi. Ils ne s'instruiront plus entre frères en répétant « Apprenez à connaître le Seigneur » car ils me connaîtront tous. Je pardonne leur crime, je ne parle plus de leur faute ». (31, 31-34)

A la même époque, le prophète Ezéchiel, dans la même ligne, écrivait :
« Je ferai sur vous une aspersion d'eau pure, je vous purifierai de vos impuretés. Je vous donnerai un c½ur neuf ; je mettrai en vous un esprit neuf...Je mettrai en vous mon propre ESPRIT et je vous ferai marcher selon mes lois ».(36, 25-27)
Comprenons bien ce tournant capital. Dieu ne rejette pas Israël, « peuple à la nuque raide », pour en choisir un autre, il n'édulcore pas les exigences de la Loi en supprimant les commandements trop difficiles, il ne supprime pas la Loi, ce qui entraînerait l'anarchie et la violence.
La Loi demeure la même mais Dieu promet de donner à son peuple ce qui lui manquait toujours : la force intérieure de la mettre en pratique et de vivre en communauté universelle.

JESUS ACCOMPLIT LA PAQUE --  Plusieurs siècles vont passer apportant leur lot de malheurs mais la Promesse de la NOUVELLE ALLIANCE, conservée et transmise, maintient Israël dans l'espérance jusqu'au jour où survient Jésus. « Je ne viens pas abolir la Loi, dit-il, mais l'accomplir » : il la radicalise, la pousse à ses exigences ultimes : « On vous a dit ; moi, je vous dis... ». Cette prétention paraît blasphématoire aux yeux des autorités : elles font arrêter ce perturbateur qui est condamné et exécuté sur une croix.
Mais Jésus se manifeste à ses disciples comme ressuscité et il leur explique les Ecritures. Il est mort précisément le jour de la fête de Pessah-Pâque, où l'on immolait l'agneau pour commémorer la sortie d'Egypte. Emerveillés, les disciples enfin comprennent : Jésus est le véritable agneau. En vivant sa mort comme un don total de lui-même par amour, il fait « sortir » ses disciples non d'un pays mais de la prison du péché. En leur présentant ses plaies, il leur donne sa paix et les introduit dans son Royaume de Vie. Le véritable « passage » est réalisé : le sens de la Pâque est enfin dévoilé et accompli.

LA NOUVELLE ALLIANCE  --  Ensuite de même que les fils d'Israël, sortis d'Egypte, avaient mis 50 jours pour atteindre le Sinaï, entrer dans l'Alliance de Dieu et y recevoir sa Loi (Décalogue), ainsi fallait-il 50 jours pour que les disciples de Jésus accueillent l'Esprit de la NOUVELLE ALLIANCE. C'est pourquoi Luc  raconte la fête de la nouvelle Pentecôte en parallèle avec la scène du Sinaï.
Ici on n'est plus sur une montagne dans le désert mais dans une pièce du premier étage à Jérusalem.
Plus d'orage, d'éclairs, de tremblement de terre, de panique mais des flammes qui illuminent les apôtres et les font brûler d'un feu nouveau.
Plus de tempête impétueuse qui jette à terre mais un Souffle léger qui fait courir vers les autres.
Plus de terreur et d'effroi mais une joie toute neuve qui pétille comme une douce ivresse (Les gens diront : « Ils sont pleins de vin doux » - Ac 2, 13). Non, nous ne sommes pas ivres, répond Pierre aux gens mais Dieu a réalisé sa Promesse : C'est la nouvelle Pentecôte ! Nous avons reçu l'Esprit de Dieu ! Nous sommes dans la Nouvelle Alliance ! Rejoignez-nous, acceptez le baptême et vous recevrez ce même Esprit. Et Luc souligne le choc de cette première annonce : les gens étaient « déconcertés, stupéfaits, perplexes »

La vraie Pentecôte marque la naissance de l'Eglise et le début de la reconstitution de  la famille humaine. L'impérialisme veut toujours dresser un système central intangible et imposer au monde l'unité en laminant les différences, en forçant les hommes à n'avoir qu'une culture, à parler une même langue (symbole de la tour de Babel). A la Pentecôte, les gens comprennent le message de Jésus et de l'Esprit chacun dans sa langue. Magnifique symbole de l'amour qui respecte la différence de l'autre, qui dialogue au lieu d'asséner sa vérité. La beauté de l'Eglise est dans sa diversité, dans la richesse des différences.
Et de même que les fils d'Israël, à partir du Sinaï, avaient dû longuement cheminer dans le désert où ils étaient nourris par la manne, ce pain de misère, ainsi les disciples de Jésus, à la Pentecôte, deviennent le peuple de Dieu en marche parmi toutes les nations. Ils s'enfoncent au milieu des contradictions, des sarcasmes, des attaques du monde ; ils sont assaillis par de terribles tentations de découragement ; mais tout au long de leur route, ils sont nourris, consolidés, réunis par le Pain de Jésus et son sang : « Cette coupe est la NOUVELLE ALLIANCE en mon sang versé pour vous » (Luc 22, 20).
L'Evangile n'est pas un texte, si beau soit-il, car « la lettre tue » (2 Cor 3, 6) : la seule et véritable Bonne Nouvelle, c'est que des êtres humains, faibles et lâches, commencent à vivre de l'Esprit.
« La Loi nouvelle consiste principalement dans  la grâce de l'Esprit-Saint » (Saint Thomas d'Aquin).

Fête de la Pentecôte

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013


Dans son journal intime, Etty Hillesum, jeune juive qui mourra dans un camp de concentration fin 1943, écrivit ceci le 25 août 1941 : « Il y a des gens, je suppose, qui prient les yeux levés vers le ciel.  Ceux-là cherchent Dieu en dehors d'eux.  Il en est d'autres qui penchent la tête et la cachent dans leurs mains.  Je pense que ceux-ci cherchent Dieu en eux-mêmes ».  Cette réflexion n'est-elle pas dans la droite ligne de la fête de la Pentecôte ?

De toute éternité, Dieu devait s'incarner.  De toute éternité, les êtres humains allaient un jour vivre l'expérience de l'effusion de l'Esprit Saint.  Telle est la merveille de ce que nous célébrons en ce jour.  Le Ciel n'est plus au dehors de nous.  Il s'est installé au plus profond de nous.  Ne cherchons plus Dieu dans les hauteurs de sa Création mais partons à sa rencontre là où il réside dorénavant : au c½ur de chacune et chacun d'entre nous.  Par le don de l'Esprit Saint, Dieu n'est plus extérieur à nous.  Il est en nous.  Il vit en nous.  Nous sommes les Tabernacles vivant de sa présence au c½ur de sa propre création.   Rencontrer Dieu devient ainsi d'une simplicité déconcertante.  Il suffit de se rendre au plus intime de son être ou encore de se tourner vers le c½ur de celles et ceux qui nous entourent.  Dans l'événement de la Pentecôte, plus encore qu'avant, nous sommes devenus parcelles divines à l'½uvre en notre monde.  Dorénavant, nous affirme saint Paul, nous vivons sous l'emprise de l'Esprit puisque « l'Esprit de Dieu habite en nous ».  Il y a donc du divin en tout être humain.  Cette affirmation anthropologique est une invitation qui nous est faite pour que notre regard se transforme.  Il est vrai que dans la vie, il nous arrive de croiser des personnes avec lesquelles nous pouvons nous sentir moins en sympathie.  Nous accrochons moins, pourrions-nous dire.  C'est un fait et pourtant, elles aussi sont habités de la présence de Dieu et mérite que notre regard et notre attitude évoluent pour qu'à notre tour, nous arrivions à voir cette parcelle divine présente en chacune d'elles.  Le tout de notre être ne peut toutefois se résumer à se reconnaître comme simple résidence terrestre de notre Dieu.  En effet, poussés par l'Esprit de vérité, par notre Défenseur, nous sommes partis à la rencontre du Fils.  Ce dernier nous propose un véritable chemin de vie.  Il nous convie à mettre nos pas dans ses propres traces et à devenir des êtres justes, c'est-à-dire des personnes ajustées à la volonté divine et qui, par ce biais, accomplissent leur destinée au cours de leur pèlerinage terrestre. Tous comme les premiers apôtres nous sommes priés de devenir, à partir des dons différents que nous avons chacune et chacun reçus, des êtres contagieux de Dieu.  L'Esprit Saint est un esprit de feu qui embrase l'humanité entière.  Toutefois, en un jour comme celui-ci, il est utile de se rappeler que l'Esprit Saint ne peut pas se passer de nous.  Il passe par nous.  Dans l'événement de la Pentecôte, nous devenons l'Esprit de Dieu à l'½uvre dans le monde.  Nous sommes des êtres cocréationnels dans le Père, des êtres résurrectionnels dans le Fils et nous devenons des êtres actionnels dans l'Esprit.  Les fruits de l'Esprit se découvrent dans « l'actionalisation » de nos vies.

L'actionalisation ne consiste pas à faire pour faire.  Cela va bien au-delà des actes que nous posons car ces derniers s'inscrivent à jamais dans la manière dont nous permettons à Dieu d'½uvrer parmi nous.  Comme nous avons pu en faire l'expérience, Dieu n'intervient plus à temps et à contretemps de manière directe dans les affaires de notre monde, au gré des prières que nous lui adressons.  Dieu nous accompagne sur la route de nos vies et sa présence est davantage de l'ordre d'un dynamisme de vie en tout être humain, dynamisme qui le fait agir dans le sens de l'amour tel qu'il nous a été révélé dans le Fils.  L'événement de la Pentecôte nous rend ainsi pleinement participants chaque fois que l'amour est le moteur de nos existences  et que par cet amour donné, certains se sentent réconfortés dans les difficultés qu'ils peuvent traverser.  Le Père, le Fils et l'Esprit demeurent à jamais auprès de nous.  Pour le découvrir, il suffit tout tendrement d'aimer le Tout Autre qui se révèle dans tous ces autres qui marchent avec nous sur la route de la Vie.  Bienheureux sommes-nous alors d'être habités de cette présence divine qui nous pousse à toujours chercher à aimer, aimer et aimer.

Amen

Fête de la Pentecôte

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

7e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

LE TESTAMENT DE JESUS EN NOTRE FAVEUR

Chaque année, au 7ème dimanche de Pâques, entre Ascension et Pentecôte, nous lisons une partie du sublime chapitre 17 de Jean : aujourd'hui voici la finale de cette solennelle et dernière prière de Jésus, à la dernière cène, juste avant d'aller à la mort.

Les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « (.... )  Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là,
mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi..... ».

D'abord Jésus a prié pour lui-même, puis pour ses disciples tout proches : il a demandé à son Père de les garder dans l'unité et de les protéger contre la haine du monde. A présent sa prière s'élargit aux dimensions du monde et de l'histoire. Car son amour pour les hommes à sauver est tel qu'il se prolonge dans la succession des générations de disciples qui se suivront. L'évangélisation sera universelle et permanente puisque l'événement unique de la mort/résurrection de Jésus est porteur de vie pour tout être humain. En tout lieu et en tout temps. C'est lui que la parole et la vie de tout disciple devront proclamer.
L'Eglise n'existe pas pour elle-même mais pour appeler à croire en Jésus, Fils du Père. Elle ne sera pas toujours fidèle mais la prière de Jésus la portera et la redressera toujours.
Si tu pries mal, n'oublie jamais que ton Seigneur prie pour toi.

Que tous, ils soient UN, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi.
Qu'ils soient UN en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m'as envoyé.
Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée,
pour qu'ils soient UN comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi.
Que leur UNITE soit parfaite ;
ainsi le monde saura que tu m'as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m'as aimé.

Au fur et à mesure que la mission franchira des frontières, rencontrera des cultures différentes et traversera les siècles, elle aura à assumer une extraordinaire diversité : de langues, de liturgies, de théologies, de morales, d'arts et de philosophies. La tentation permanente ne sera pas la colère, l'impureté, la vanité mais la séparation. Tragédie des divisions entre tous ceux qui professent qu'ils croient en Jésus glorifié par la croix et qui refusent de demeurer ensemble - alors que la croix a eu pour but l'unité des croyants ! « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (13, 34 ; répété en 15, 12 et 17). Tout de suite, dès la première génération chrétienne, cette force centrifuge, ce désir de certains d'imposer leur vision aux autres, a fait des ravages. Paul ne cessera de supplier ses communautés de rester unies ; la lettre aux Hébreux exhortera à « ne pas déserter nos assemblées » (10, 25) ; Jean dit sa douleur parce que certains « sont sortis » (1 Jn 2, 19) ; Pierre exhorte à l'unité (1 Pi 1, 22 ; 3, 8 ; ...). La scission fut le premier drame de l'Eglise - elle l'est encore.
L'unité des chrétiens n'est pas monolithique : la mission n'a pas pour but d'encaserner, de faire des clones. Jésus ne dit pas « Qu'ils soient un » mais «... un comme toi et moi nous sommes un ». « Comme » ne signale pas seulement une comparaison mais dit la cause, la source de l'unité des chrétiens : c'est l'unité du Père et du Fils qui permet et provoque celle des croyants. Ayant un caractère infini,   elle ne se réalisera pas en eux de façon unique mais se diffractera de manières indéfinies. Personne ne sera « Jésus le Fils » mais chacun devra, à sa façon, être « fils dans le Fils » dans l'unité.

La puissance de désintégration qui travaille l'humanité est telle que l'unité des disciples sera un événement extraordinaire, au point qu'elle constituera toujours le grand signe d'appel au monde. Car tel est le but ultime de la glorification du Fils : la paix, l'union entre les êtres humains.
Donc le travail, immense, de retrouvailles de disciples différents est primordial. Interrogeons-nous : quelles « différences » sont compatibles avec une « UNITE » réelle ?
Lorsque les pièces de puzzle acceptent leurs places respectives, elles forment une unité.
Travail immense et d'une importance capitale pour l'avenir du monde. Si, au lieu de se cramponner dans un patriotisme chauvin, les communautés chrétiennes de France et d'Allemagne avaient refusé de hurler les slogans guerriers, si elles avaient dit : « Nous sommes, tous, UN en Christ : nous ne pouvons nous tirer dessus », peut-être n'y aurait-il pas eu ces deux épouvantables carnages de 14-18 et 39-45.
Nous ne savons pas assez ce qui faisait l'absolue certitude de Jésus : sa Pâque, sa prière et son ordre d'amour mutuel des chrétiens ne se réduisent pas à former des gens pieux et inoffensifs mais les placent au c½ur même de l'enjeu de l'avenir du monde. Place dangereuse mais où vient la VIE.

Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi,
et qu'ils contemplent ma gloire, celle que tu m'as donnée,
parce que tu m'as aimé avant même la création du monde.

« Je veux » : quelle audace de prier de la sorte ! Alors qu'il a si souvent souffert de leur balourdise, de leurs conceptions erronées, de leurs mesquineries, alors qu'il sait même que, dans quelques heures, ils vont l'abandonner, Jésus aime ses disciples. Pas peu. De l'amour même que son Père a pour lui. Parce qu'ils sont un cadeau du Père, il ne peut donc les laisser tomber. L'amitié ne serait rien si elle ne se voulait éternelle. Aussi, Père, laisse-les venir me rejoindre afin qu'éternellement nous soyons UN, ensemble, sans plus aucun risque de trahison. Paul, dans sa première lettre, communiquait son espérance : «  Nous serons enlevés...et nous serons toujours avec le Seigneur » (1 Thess 4, 17). Plus tard, en prison, pressentant son exécution prochaine, écrivait : « J'ai le désir de m'en aller et d'être avec Christ » (Phil 1, 23)

Père juste, le monde ne t'a pas connu, mais moi je t'ai connu,
et ils ont reconnu, eux aussi, que tu m'as envoyé.
Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître encore,
pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé, et que moi aussi, je sois en eux. »
Le Père est « juste » non parce qu'il tient un compte précis et impartial de nos défauts et qualités mais parce qu'il veut nous justifier, nous rendre justes.
Le « monde », pour Jean, désigne non l'humanité tout entière mais le mur, les ténèbres qui refusent la Parole de Dieu. C'est à ce monde que Jésus envoie ses disciples : il n'a pas encore reconnu l'identité de Jésus mais tout sera fait pour qu'il s'ouvre enfin à la Lumière du salut.
Les « disciples », eux, ont accueilli la révélation du Père par le Fils et ils continueront à la recevoir grâce à la prière de Jésus qui les portera, grâce à l'Esprit qui leur fera ressouvenir de tout ce qu'il a dit (14, 26) et grâce à l'évangile de Jean qui demeurera le témoignage authentique de cet enseignement.
L'Eglise n'aura jamais fini d'entrer dans le mystère infini de Dieu.
Cette connaissance transmise ne se limite pas à des idées, des croyances, de la théologie : elle apporte l'amour du Père pour le Fils et, du coup, le Fils sera toujours en eux.
Au c½ur de la communauté croyante et UNE, bat l'amour du Père.

La  grande prière de Jésus s'achève sur AMOUR-AIMER comme avait commencé le récit de cette soirée:
« Avant la fête de la pâque, Jésus, sachant que son HEURE était venue, l'heure de passer de ce monde à son Père, lui qui avait AIMÉ les siens qui sont dans le monde, les AIMA jusqu'à l'extrême » (13, 1)

La prière est complète. Aussi Jean enchaîne : «  Ayant ainsi parlé, Jésus sortit avec ses disciples au-delà du torrent du Cédron. Il y avait là un jardin » (18, 1) où ses ennemis vont l'arrêter et le tuer. Mais la croix sera désormais l'Arbre de Vie d'un paradis paradoxal où rôdent les tueurs mais où se constitue la communauté de l'Amour du Père pour le Fils ... pour l'Unité des disciples ... pour le salut du monde.
Il est toujours l'HEURE de SE LAISSER AIMER, d'AIMER et de PRIER LES UNS POUR LES AUTRES.

 

Ascension

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

ASCENSION GRANDE FÊTE DE L'ESPÉRANCE

Célébrée un jeudi, l'Ascension risque toujours de demeurer une fête mineure, une opportunité agréable de profiter d'un beau congé. Le message qu'elle nous transmet et qu'elle nous invite à vivre est cependant d'une qualité extrême. Il importe beaucoup d'en présenter aux chrétiens les richesses inépuisables. Comment passer de la Pâque de Jésus à notre vie pascale à nous aujourd'hui ?

RESURRECTION ET ASCENSION : UN SEUL MYSTERE

L'évangile de ce jour nous présente la fin du livret de Luc : tout s'est passé « le 1er jour de la semaine » :
à l'aube, découverte du tombeau vide ; événement ambigu car il peut y avoir eu rapt du cadavre.   
pendant la journée : les disciples d'Emmaüs cherchent à comprendre ; Jésus  « ouvre » les Ecritures. On les lisait comme promesse d'un triomphe national or elles annonçaient bien la venue d'un Messie rejeté par les hommes et glorifié par Dieu
le soir ils retrouvent Jésus dans « la fraction du pain » ; La rencontre du Christ vivant se fera désormais par la lecture des Ecritures et le partage du  repas du Seigneur (la messe).
la nuit, la communauté se reconstitue à Jérusalem autour de Jésus ressuscité
Là-dessus Luc enchaîne tout de suite par le récit de l'Ascension.

Il les emmena jusque vers Béthanie et, levant les mains, il les bénit. Tandis qu'il les bénissait, il se sépara d'eux et fut emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui puis ils retournèrent à Jérusalem, remplis de joie. Et ils étaient sans cesse dans le temple à bénir Dieu.

A la fin de son long voyage, Jésus était arrivé par Béthanie (« le village des pauvres »), au-dessus du mont des Oliviers. Il est descendu, en ville, dans l'abîme de la souffrance et de la mort. Maintenant il remonte et il sera accueilli dans la véritable « Maison de son Père » - non le temple de Jérusalem mais le ciel. Son dernier geste est de « bénir » les siens, les mains tendues pour les protéger et leur offrir la Vie. C'est précisément le geste que le prêtre Zacharie, au début de l'évangile,  n'avait pu faire en sortant du temple où il n'avait pas cru qu'il allait être père de Jean, le précurseur du Messie : son manque de foi l'avait rendu muet, incapable de transmettre la grâce divine au peuple prosterné. La Loi et le sacerdoce sont donc restés aveugles. Dorénavant c'est le Ressuscité qui comble les croyants et les assure de sa protection éternelle. C'est par ses mains trouées, signes de la croix, que nous viennent le pardon et la Vie.

« Il fut emporté » (la forme passive souligne que c'est l'½uvre du Père) et sa disparition ne provoque pas pleurs et lamentations mais au contraire « la joie ». Le dessein de Dieu est accompli. Il est dorénavant possible d'espérer rejoindre Jésus dans la Joie éternelle. Il ne reste plus qu'à prier Dieu pour que l'extraordinaire salut qu'il a réalisé se propage.

La bénédiction de Jésus est don de la grâce divine : en retour celle des hommes est louange, action de grâce pour les bienfaits reçus. La relation Dieu / homme est restituée. On est bien loin des « petites bénédictions » furtives et insignifiantes avec lesquelles nous confondons ce qui est la plus haute forme de prière dans les Ecritures.

L'ASCENSION DANS LES ACTES DES APÔTRES.

Après son évangile, Luc a eu l'excellente idée d'écrire un second livre racontant la suite de l'histoire, « Les Actes des Apôtres », et il le débute en reprenant la finale du premier pour enchaîner. Or curieusement, il raconte l'Ascension d'une autre manière : signe que l'essentiel d'une histoire n'est pas dans un compte-rendu minutieux dans tous les détails mais qu'il faut tenter d'entrer dans son mystère en l'abordant sous plusieurs angles. Dans l'évangile, l'Ascension est la fin de la vie terrestre de Jésus ; dans les Actes, elle est le prologue de cette même histoire qui se poursuit dans la communauté croyante.

............Au cours d'un repas qu'il prenait avec ses apôtres (....), il leur disait : «  C'est la promesse que vous avez entendue de ma bouche. Jean a baptisé avec de l'eau ; mais vous, c'est dans l'Esprit-Saint que vous serez plongés d'ici quelques jours ». Ils lui demandèrent : «  Est-ce maintenant que tu vas rétablir le Royaume en Israël ? ». Il répondit : «  Il ne vous appartient pas de connaître les détails et les dates que le Père a fixées....Vous allez recevoir une force, l'Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins, à Jérusalem, en Judée, Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre »

Les apôtres ne semblent pas encore guéris de leur nationalisme et de leur conception d'un Royaume juif. Or la Pâque de Jésus n'est pas victoire d'un peuple sur l'autre mais victoire sur la mort donc libération de l'humanité entière. En conséquence, rien n'est plus urgent que d'annoncer cette Pâque de Jésus jusqu'au bout du monde.
Cette mission gigantesque dépasse toute force humaine : culture, science, argent, génie n'y suffisent pas. Il faut impérativement la Force de Dieu, seul Souffle assez puissant pour communiquer la Vie pascale, éliminer racisme, envie, haine, guerres, et entraîner les hommes dans la sphère de Dieu.

Après ces paroles, ils le virent s'élever et disparaître à leurs yeux dans une Nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s'en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se tenaient devant eux et disaient : «  Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus qui a été enlevé du milieu de vous reviendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller vers le ciel ».

Pourquoi est-il si important que les apôtres VOIENT ? Luc s'inspire de l'épisode de la seule « ascension » racontée dans les Ecritures : le prophète Elie va vers le Jourdain, dissuade son disciple Elisée de le suivre mais celui-ci s'accroche, il voudrait avoir deux parts de l'esprit de son maître c.à.d. être reconnu comme son successeur. Alors Elie lui dit : « Si tu me vois pendant que je serai enlevé, il en sera ainsi ». Effectivement « Elie monta....Elisée voyait » (2 Rois 2).
Il en va de même ici : les apôtres n'ont pas vu s'envoler un cosmonaute mais ils ont pénétré le mystère : ils sont sûrs que Jésus est « monté dans la Gloire de Dieu ». Ils « voient », ils sont certains qu'il est SEIGNEUR ! C'est pourquoi ils pourront recevoir l'Esprit-Saint, se présenter comme les héritiers  légitimes du Christ et témoigner de sa gloire.
Car l'Ascension ne fige pas l'humanité dans la contemplation béate, nous ne pouvons demeurer « le nez en l'air » dans l'attente passive de la parousie dont nul ne connaît l'échéance. L'histoire se poursuit, chaque minute compte : il faut annoncer partout la Résurrection, la réconciliation, la Paix.
Pour cela il est indispensable de demander et d'accueillir l'Esprit de Dieu.

Ils regagnèrent Jérusalem ils montèrent dans la chambre haute. Il y avait là Pierre, Jean et les autres. Tous unanimes, étaient assidus à la prière, avec quelques femmes, dont Marie, la mère de Jésus, et avec les frères de Jésus ».

Le lien avec le temple se disjoint : les assemblées chrétiennes se déroulent dans les maisons. Elles sont toutes en lien avec la communauté originelle, autour des apôtres, d'abord Pierre, et les femmes, les premières à annoncer la Résurrection, et avec Marie, la mère. Ensemble, d'un seul c½ur, toute rivalité disparue, ils PRIENT avec persévérance, ils demandent que vienne l'Esprit promis.

A partir d'aujourd'hui, du 40èmeau 50ème jour (Pentecôte), voici la NEUVAINE A L'ESPRIT que chaque communauté se doit d'entreprendre pour que brûle à nouveau le feu de la mission.  Conscients de notre faiblesse, de nos responsabilités et de la gravité de la situation mondiale, PRIONS LE SEIGNEUR.

5e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Quelle soirée ! Le Maître, à genoux, lave les pieds de ses disciples et derechef leur annonce que l'un d'eux va le trahir ...et soudain, après avoir accepté le bout de pain que Jésus lui tendait, Judas se lève et quitte la pièce. Les autres sont surpris ; Jésus, lui, sait que son ami s'encourt chez les autorités pour leur communiquer où et comment capturer Jésus cette nuit même.
« Quant à Judas, ayant pris la bouchée, il sortit immédiatement. Il faisait nuit ». L'homme quitte « la Lumière du monde » pour s'enfoncer dans les ténèbres. Le processus de la Passion est enclenché : Jésus peut commencer ses adieux. Evidemment c'est encore à nous aujourd'hui qu'il livre ses confidences.

13, 31-32 : LA PASSION EST GLORIFICATION.

Jésus déclara : «  Maintenant le Fils de l'homme est glorifié et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre Gloire ; et il la lui donnera bientôt ».

Au cadran de l'histoire, l'HEURE est venue de l'horreur et de l'honneur, de l'abjection et de la glorification. Jean avait commencé le récit de ce soir de façon solennelle : « Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son HEURE était venue, l'HEURE de passer de ce monde au Père, lui qui avait aimé les siens qui sont dans le monde, les aima jusqu'à l'extrême » (13, 1). Pour les ennemis, la croix est châtiment: pour Jésus elle sera offrande. C'est MAINTENANT qu'il va aller jusqu'à « l'extrême de l'amour » donc qu'il recevra la Gloire de son Père. Car il est bien ce mystérieux « Fils de l'homme » entrevu par le prophète Daniel :
« Je regardais dans la nuit et voici qu'avec les nuées venait comme un fils d'homme....Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté. Les hommes de toutes nations le serviront. Il a une souveraineté éternelle qui ne passera pas » ( Dn 7, 13-14).
Cette prophétie pouvait laisser entendre qu'un jour Dieu enverrait un Messie investi de puissance divine, prêt à anéantir les ennemis d'Israël. Mais Jésus savait qu'il était également le Serviteur de Dieu prédit par Isaïe :
« Il est méprisé, abandonné des hommes. En fait ce sont nos douleurs qu'il porte...Il est transpercé à cause de nos révoltes...Il n'ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à l'abattoir...Ayant payé de sa personne, il verra une descendance ; reconnu juste, il dispensera la justice....Car il s'est dépouillé lui-même jusqu'à la mort... ». (Isaïe 53).
Fils de l'homme et Serviteur souffrant. Car Dieu ne couronne que celui qui aime jusqu'à l'extrême : la mort. Les ennemis diront : « La croix est la preuve que nous avions raison » ; les disciples répliqueront : «  La croix est la preuve qu'il nous aimait ». Aussi Jean ne parle pas de « Passion » mais d' « Elévation », d' « Exaltation ». On voulait d'abord lapider Jésus, l'ensevelir sous un tas de pierres, comme un pharaon (8, 59 ; 10, 31); mais en le crucifiant comme un esclave, on l'a élevé entre ciel et terre, bras ouverts et c½ur transpercé. L'échelle est dressée, l'accès à Dieu est possible aux hommes. Dieu donne sa Gloire à son Fils.

13, 33 :  JÉSUS ABSENT

« Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour peu de temps. Vous me chercherez et comme je l'ai dit aux Juifs : « Là où je vais, vous ne pouvez venir », à vous aussi maintenant je le dis ».
Jésus sait que ce sont ses dernières heures avec ses disciples, que ceux-ci vont le lâcher et s'enfuir dans la nuit, et cependant - et c'est l'unique fois dans les  évangiles -, il les appelle par un diminutif affectueux : « mes petits enfants ». Jésus n'est pas le supérieur de ces jeunes gens, leur capitaine, leur professeur : il les a réellement enfantés par sa parole de Vie. Il sait qu'ils sont impuissants à le suivre sur l'atroce chemin où il s'engage et il ne leur en veut pas : il ira seul à la croix car il est le seul Sauveur du monde. Peu après, Pierre, fougueux, prétendra être capable de le suivre : « Je donnerais ma vie pour toi » mais Jésus le connaît mieux qu'il ne se connaît et lui répondra doucement: « Je te le dis : trois fois tu me renieras avant que le coq chante » (13, 38).
Jésus disparaîtra dans la mort : ils le pleureront, le chercheront et ils le retrouveront pour ne plus jamais le perdre. Alors, par la force de son Esprit, ils pourront aller là où il alla le premier. Mais il ne faut pas trop vite se proposer comme candidat au martyre. Nous nous croyons toujours plus forts que nous ne le sommes en réalité.

13, 34-35 : L'AMOUR DE CHARITÉ

« Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres ».

En leur faisant ses adieux, Jésus ne leur demande pas de lui élever un monument, d'écrire sa biographie, de publier ses images, ni même d'abord d'aller convertir le monde mais de s'aimer les uns les autres !
La Loi commandait : « Ne te venge pas, ne sois pas rancunier à l'égard des fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. C'est moi le Seigneur » (Lévitique 19, 18). Comment alors Jésus peut-il présenter son ordre comme « nouveau » ?
Cet adjectif peut avoir deux sens (c'est pourquoi, en grec, il existe deux mots différents pour le dire). D'habitude il désigne quelque chose qui n'avait pas encore été dit ou réalisé - et nous voyons aujourd'hui l'usage intempestif du slogan publicitaire : « Nouveau ! ». Mais ce qui est « dernier cri » sera toujours très vite remplacé par autre chose qui ne sera « nouveau » que pour devenir, à son tour, obsolète, « ringard ».
Le commandement de Jésus est « nouveau » non au sens d'inédit mais au sens de qualité, de profondeur. Lorsque le prophète Jérémie annonce une ALLIANCE « NOUVELLE », il ne s'agit pas de remplacer les 10 commandements par un autre texte mais d'une relation à Dieu qui sera d'une qualité radicalement différente, indépassable. Ainsi l'amour crucifié de Jésus ouvre cette Nouvelle Alliance qui ne pourra jamais être surpassée.
Lorsque Jésus précise : « COMME JE VOUS AIME », il ne s'agit pas là simplement d'un exemple comme s'il suffisait de se souvenir de l'évangile pour tenter de « faire pareil ». Le COMME peut se traduire PARCE QUE...PUISQUE...C'est l'amour de Jésus qui provoquera l'amour mutuel entre disciples, qui en sera le fondement, la source. C'est parce que d'abord il a lavé les pieds de ses disciples qu'il peut leur dire : « Vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ».
Je vais disparaître DONC aimez-vous les uns les autres ! La communauté chrétienne est le substitut de l'absence de Jésus. Les disciples n'auront pas d'abord à évoquer les souvenirs de leur Maître ni à promettre de futures apparitions, ni à dénoncer les injustices du monde, ni à appeler à la solidarité mondiale mais à S'AIMER LES UNS LES AUTRES. Les gens ne verront plus Jésus : ils ne verront que des hommes et des femmes qui disent croire en lui. Cette FOI ne sera crédible que si elle est confessée et proclamée par des hommes et femmes en communion d'AMOUR  réelle, visible, manifeste.
La charité chrétienne n'est pas une furtive aumône jetée au mendiant, elle n'est pas une loi au sens de règlement - fût-ce la première. Elle est l'élan qui vient de Dieu, passe par Jésus et anime entre eux ses disciples : c'est pourquoi le plus grand argument missionnaire n'est pas le raisonnement théologique, la perfection morale des croyants, la beauté des liturgies, le nombre des pratiquants, ni même l'abbé Pierre (il y a « les Restos du c½ur »)-  mais leur amour mutuel, leur UNITE.
C'est pourquoi la division des Eglises est un scandale encore bien plus grand que la pauvreté des masses.
C'est pourquoi la paroisse n'est pas un lieu de célébration de rites, une garderie d'enfants, un organisme de solidarité mais doit impérativement être d'abord une « communauté » qui se manifeste comme telle. Pas un magma de pratiquants qui virevoltent d'un lieu à l'autre et qui se juxtaposent une heure le dimanche pour s'ignorer le reste de la semaine. L'idéal (très difficile, toujours à construire) de l'amour mutuel frappera les hommes qui y verront le signe par excellence de la présence de Jésus vivant.

6e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

N'AYEZ PAS PEUR : CROYEZ

Le temps pascal, entre Pâques et Pentecôte, doit être nourri par la méditation approfondie et priante du grand discours d'adieu de Jésus à ses disciples (Jean, chapitres 14 à 17) : c'est là que nous comprenons de mieux en mieux le mystère que nous vivons dans la foi.
Pour l'extrait proclamé ce jour, commençons la lecture avec le verset précédent.

L'Apôtre Jude dit à Jésus : « Seigneur comment se fait-il que tu aies à te manifester à nous et non pas au monde ? ».
Grosse question en effet. Pourquoi croyons-nous, nous, et pas les autres ? Pourquoi Jésus et l'Evangile sont-ils, pour nous, « manifestement » vrais alors que, jusque dans nos familles, des multitudes d'hommes de bonne volonté ne croient pas ? La question taraudait déjà les premiers chrétiens.

Jésus répondit : « Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole : mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m'aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or la parole que vous entendez n'est pas de moi : elle est du Père qui m'a envoyé ».
Tout commence donc par la découverte, l'admiration pour la personne de Jésus. Autant en effet l'Eglise a toujours mérité des critiques, autant la personnalité de Jésus continue de fasciner par son humanité profonde, son rayonnement, son amour sans faille, sa miséricorde. Mais il ne suffit pas de l'admirer, encore faut-il se mettre à vivre comme il l'a enseigné dans l'Evangile.
La foi est  changement de vie, application à mettre en pratique ce que Jésus a dit, en reconnaissant que sa Parole est vraiment la Parole de Dieu, c.à.d. celle qui doit commander l'existence.
Celui qui est fidèle, qui n'est pas seulement « un pratiquant de cérémonies » mais un pratiquant en actes, est aimé de Dieu. Il ne porte pas d'auréole, a encore son caractère et ses défauts mais peut croire qu'il est un temple car le Père et Jésus, son Fils, demeurent en lui. Paul l'avait déjà écrit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu ? » (1 Cor 3, 16). Jean le répète aux premiers chrétiens qui ne fréquentaient plus ni synagogues ni temples païens et qui ne construisaient pas d'églises : ne cherche pas d'abord Dieu dans un lieu sacré, ne te fatigue pas en longs pèlerinages, n'attends ni extases mystiques ni perfection morale : le Père et le Fils « demeurent en toi ». L'Eucharistie renforce sans cesse cette union.

PROMESSE DE L'ESPRIT ENSEIGNANT

Je vous dis tout cela pendant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon Nom, vous enseignera tout, il vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit.
Les apôtres pouvaient être inquiets : Jésus nous a beaucoup enseigné pendant tout le temps où nous l'avons accompagné mais il n'a rien écrit, nous n'avons pas pris note et notre mémoire est fragile. Comment savoir que nous pratiquerons sa Parole si elle est oubliée ? Peu avant Jésus avait consolé les siens en leur promettant la venue de l'Esprit « qui restera avec vous toujours » (14, 15-17) et il l'appelait déjà « Paraclet », décalque d'un mot grec qui se traduit en latin par « ad-vocatus » et donne le français « avocat, défenseur ». Tant que Jésus était là, il protégeait les siens : disparu à leurs yeux, il sera remplacé par une présence intérieure, l'Esprit-Saint et celui-ci défendra et enseignera les croyants.
Il ne leur donnera pas un autre message (attention aux fausses « spiritualités » !) mais il actualisera la Parole dite par Jésus. Dans son livre, Jean en donne deux exemples.

----  Lorsque Jésus chassa les animaux du temple et qu'on lui demanda la raison de son comportement, il fit une réponse énigmatique : « Détruisez ce temple : je le rebâtirai en 3 jours ». Jean commente : « Lorsqu'il se leva d'entre les morts, ses disciples se souvinrent qu'il avait ainsi parlé et ils crurent » (Jn 2, 19-22).
---   A l'entrée des Rameaux, Jésus monta sur un ânon. Jean ajoute : « Au premier moment ses disciples ne comprirent pas ce qui arrivait, mais lorsque Jésus eut été glorifié, ils se souvinrent que cela avait été écrit à son sujet (dans le prophète Zach 9, 9) » (Jn 12, 16).
Donc d'une part une parole, de l'autre un acte de Jésus sont restés énigmatiques pour les témoins : mais après la résurrection-glorification, l'Esprit a fait comprendre leur signification aux disciples et c'est ainsi qu'ils ont pu croire : par la cohérence des Ecritures. Il en va de même pour nous. Il est bien d'écouter des homélies, de lire des livres chrétiens, de suivre des cours de théologie mais rien ne remplace l'expérience personnelle : la foi s'éclaire et se développe lorsque, faisant retour sur des événements, les joignant à des paroles de Jésus, nous demandons l'Esprit de Pâques qui, enfin, fait comprendre des faits anciens, éclaire des textes bibliques et les événements de nos vies.
Notre grand maître intérieur, c'est l'Esprit-Saint. Il faut passer de l'extériorité superficielle à l'intériorité profonde. Tant de gens ont vu, entendu, touché Jésus...sans résultat.

LA PAIX ET LA JOIE

« C'est la paix que je vous laisse, c'est ma paix que je vous donne ; ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. »
Le discours de ce chapitre 14 se termine comme il a commencé : Jésus dissipe la panique qui commence à étreindre les disciples (quelle soirée !  : le lavement des pieds, la sortie de Judas, l'annonce de la mort de Jésus, l'ordre de s'aimer les uns les autres !!). Chassez votre frayeur et laissez-vous combler de ma paix.

« SHALOM » : objet de toutes les aspirations mondiales, de tous les discours politiques ! Si souvent hélas utopie, ruse et mensonge. Le monde aspire à la paix, en parle souvent, en rêve ... mais en fait ? Les serments sont trahis, les traités bafoués, l'armistice temporaire, la tranquillité réservée à des privilégiés et refusée aux masses. Et même quand on habite un pays en paix, que d'anxiété, de dépressions, de déchirements, d'inquiétudes !
Jésus précise : MA PAIX. Elle n'est pas qu'un beau mot : elle imprègne celui qui est habité par le Père, le Fils et l'Esprit. Les apôtres, surpris et émerveillés, feront vite l'expérience que même au milieu des tracas, des moqueries, des coups, des persécutions, l'âme croyante connaît une paix profonde que rien ne peut lui enlever (16, 22 ; cf. Ac 5, 1). Ne soyez pas bouleversés. La foi est confiance  radicale, inébranlable.

Vous avez entendu ce que je vous ai dit : « Je m'en vais et je reviens vers vous ». Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu'elles n'arrivent ; ainsi lorsqu'elles arriveront, vous croirez ».

Pierre et les autres ne nourriront pas la nostalgie de ce beau temps où ils cheminaient avec Jésus dans les campagnes de Galilée. Le bonheur de croire ne réside pas dans la vision de Jésus mais dans la certitude d'être habité par lui, en Esprit. Et cette foi est joie profonde pour les disciples, joie de savoir que Jésus, qui avait connu l'atrocité, l'horreur, la croix, était enfin éternellement heureux dans l'intimité de son Père.

Enfin, ultime raison de garder paix et confiance : « Jésus l'avait dit ».
Il parlait du Royaume - et il était là, autrement que dans nos rêves, mais tellement plus extraordinaire.
Il annonçait échecs, souffrances, mépris, persécutions - et nous les subissons.
Il nous promettait une paix indicible - et nous la ressentons.
Il nous assurait de la présence d'un Défenseur, d'un Enseignant - et l'Esprit est là.
Il nous disait la Parole de Dieu - et elle demeure vivante, actuelle.
Il nous faisait prendre conscience de notre grandeur d'être « temple de Dieu » - et nous le sommes.

Oui NOUS CROYONS. Non par habitude, par peur, par goût du sacré. Mais parce que nous voyons que ce que Jésus a dit et fait est vrai. Pour nous, c'est « manifeste » (14, 21)
La mémoire nous le confirme. Et la vie selon son Evangile nous remplit de paix et de confiance.

4e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Si Pilate s'en est lavé les mains, en les souillant par sa propre lâcheté, il n'est néanmoins pas parvenu à leur ôter leur dignité. J'en ai pour preuve ces différentes expressions donnant aux mains toute leur beauté : avoir la main ouverte, applaudir des deux mains, avoir le c½ur sur la main, demander la main de quelqu'un, donner un coup de main, être en bonnes mains, réussir haut la main, marcher main dans la main, mettre la main à la pâte, prendre son courage à deux mains, tendre la main, tomber en de bonnes mains, et pour finir cette liste non exhaustive, unis comme les cinq doigts de la main.
La main est cette partie du corps tellement importante qu'elle est mentionnée par deux fois dans l'évangile que nous venons d'entendre.  Nous sommes la main du Père, nous sommes la main du Fils et personne ne peut nous y arracher.  Quelle annonce merveilleuse de se savoir ainsi la main de Dieu sur notre terre. Ne serait-il pas heureux de répondre à la personne qui nous demande : « où habitez-vous ? », de pouvoir lui dire : « j'habite la main de Dieu ».  Elle vous rétorquera peut-être : « je ne connais pas cet endroit ».  A nous de lui annoncer, « et pourtant, toi aussi, tu vis là car cette main divine est le lieu de notre domicile intérieur ».  Avec le Père, dans le Fils et par l'Esprit, nous sommes également un.  Il ne s'agit pas d'une fusion mais plutôt d'une altérisation.  Nous sommes unis l'un à l'autre.  Entre Dieu et chacun d'entre nous, il y a une unité inséparable, indissociable.  Nous formons un tout dans lequel chacune des parties occupe sa propre place.  L'altérisation permet de reconnaître que nous sommes autres au c½ur de cette unité.  Mieux encore, l'altérisation permet à chacune des parties en présence de devenir ce qu'elles ont à être.  En tant qu'êtres humains, nous sommes conviés à accomplir notre destinée en veillant à toujours être le plus justement ajusté à la volonté divine.  De cette manière, nous nous accomplirons.  Heureux sommes-nous alors d'avoir la main de Dieu comme domicile.  Toutefois, en aucune manière, cette main ne peut se réduire à une résidence du c½ur.  Toute main a pour vocation de participer à la création divine.  Par cette union sacrée, nous sommes invités à devenir la main de Dieu à l'½uvre dans notre monde.  Dieu a besoin de nous.  Il ne peut se passer de nous pour que sa douceur et sa tendresse puisse s'exprimer au c½ur de notre humanité.  En effet, parfois Dieu peut nous sembler bien loin, trop silencieux, voire absent de notre monde.  Une certaine forme de désespérance peut nous envahir lorsque nous sommes confrontés à l'injustice de la maladie, au départ trop brutal d'un être aimé, à la perte d'un emploi, au sentiment d'une tyrannie subie.  Nous crions alors vers le Ciel pour clamer toute notre souffrance, toute notre innocence.  Nous nous époumonons et pouvoir avoir le sentiment d'un grand vide, de ne pas avoir été entendu comme si Dieu s'en était allé vers d'autres contrées.  L'évangile de ce jour nous prie de ne pas regarder vers les cieux mais plutôt de nous tourner vers les mains de celles et ceux qui sont à nos côtés et qui croisent la route de notre destinée.  En prenant conscience d'une telle réalité, nous pouvons redécouvrir une présence divine beaucoup plus proche que nous n'aurions jamais pu l'imaginer.  Oui, toutes et tous, unis à Dieu, nous sommes ses mains.  Dorénavant, Dieu passe par nous.  Nous devenons ainsi Dieu à l'½uvre dans notre monde.  N'est-ce pas cela avoir le c½ur sur la main ?  Notre c½ur ne se prouve à lui-même que lorsqu'il s'éprouve dans la manière dont nous nous ouvrons à celles et ceux de qui nous nous faisons proches.  Notre c½ur n'est pas un simple organe vital.  Il se laisse décliner par l'usage de nos mains lorsque ces dernières se mettent à vibrer au son de la tendresse.  Elles deviennent ainsi de véritables caresses de vie.  Elles offrent ce baume nécessaire pour atténuer toute douleur vécue.  Laissons-nous toucher par toutes ces mains tendues et à notre tour, par nos mains, touchons le c½ur de celles et ceux que nous croisons car nous en avons toutes et tous besoin.  Devenons en toute sensibilité cette main divine au c½ur de notre humanité.
Amen

 

4e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

OÙ EST LE SACRÉ ?: dans un ÉDIFICE ou dans l'HOMME ?

Si Jean raconte la vie de Jésus au rythme des grandes fêtes de Jérusalem, c'est parce qu'il veut montrer que Jésus accomplit le sens authentique de ces fêtes. Je conseille donc de lire tout l'épisode : 10, 22-39.

On célébrait alors à Jérusalem la fête de la Dédicace. C'était l'hiver. Au temple, Jésus allait et venait sous le portique de Salomon. Les Juifs firent cercle autour de lui : « Jusqu'à quand vas-tu nous tenir en suspens ? Si tu es le Christ, dis-le nous ouvertement ». Jésus leur répond : «  Je vous l'ai dit et vous ne me croyez pas. Les ½uvres que je fais au nom de mon Père me rendent témoignage mais vous ne me croyez pas parce que vous n'êtes pas de mes brebis..... »

« HANOUKKA » (encore fêtée aujourd'hui) célèbre le jour où, après la victoire de Judas Maccabée, on put procéder à la « Dédicace » du temple de Jérusalem souillé par les armées étrangères (an 164 av. J.C. -- lire le récit : 1 Macc 4, 36-59 ; 2 Macc 1, 9...). Pendant 8 jours, Israël se réjouissait de posséder à nouveau un Lieu trois fois Saint, pur, signe certain de la Présence de Dieu au milieu de son peuple.
Alors qu'à la fête précédente, on a cherché à le lapider (8, 59), Jésus revient sur l'esplanade du temple et la scène de la femme adultère se répète : tout à coup un groupe surgit, l'encercle et le somme de décliner son identité. Jésus réitère l'affirmation qu'il a déjà dite : Oui moi, pauvre Galiléen, je suis bien le Messie attendu, le Christ, celui qui apporte le Règne de Dieu. Et, comme toujours, il présente ses deux arguments : - Mes paroles : mon enseignement n'a jamais varié ; il correspond aux promesses de la Torah et des Prophètes. - Et mes ½uvres : les guérisons que j'ai accomplies sont les signes  manifestes que je dispose d'un pouvoir divin, don de Dieu mon Père. --- Cependant tous refusent de le croire !
Mystère de l'incroyance, thème qui parcourt tout l'évangile de Jean. Voilà des grands prêtres célébrant pieusement des liturgies somptueuses, des scribes spécialistes de l'interprétation des Ecritures, des pharisiens appliqués à l'observance minutieuse de toutes les lois : pourquoi donc ces hommes « religieux » restent-ils fermés à ce point ? « Vous n'êtes pas de mes brebis ». Car à  la Fête des Tentes, Jésus avait eu le front de se présenter, lui, comme le véritable guide pour conduire les hommes à Dieu : « Je suis le Bon Berger » (10, 1-18) - ce qui signifiait donc que ces Autorités ne l'étaient pas ! On comprend leur fureur.
Reprenant cette image, Jésus poursuit ici en parlant de ses liens avec les siens, de la dignité de « ses brebis » à lui : ici commence la lecture du jour. Dans sa brièveté, elle dévoile la richesse extraordinaire de la foi et il faut en méditer chaque élément.
MES BREBIS ÉCOUTENT MA VOIX. L'être humain est libre et il doit apprendre comment vivre. Ecouter en lui sa raison, ses sentiments, écouter les messages extérieurs, les enseignements,  les exhortations qui lui parviennent. Parmi cette cacophonie, le disciple découvre l'Evangile : il le parcourt, le médite, l'approfondit, le compare à d'autres livres. Rejetant toute idée préconçue, il perçoit une douce Voix qui ne s'impose pas, qui ne force pas sa volonté mais qui l'appelle. Emerveillé, il se répète comme les soldats : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme » (7, 46). Non il n'y a là nul mensonge, nulle affabulation, nulle légende. C'est vrai. Par-delà discours, racontars, scandales de l'Eglise, revenir à la source : l'EVANGILE.

JE LES CONNAIS.   Il l'avait déjà dit : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent » (10, 14).  Il ne s'agit pas d'une information (nom, prénom, état-civil) mais d'une relation profonde de personne à personne. Comme un mariage d'amour, une amitié. Chaque croyant a un lien personnel, unique à son Seigneur. Joie tranquille d'être percé et accepté par ces mêmes yeux qui regardaient la femme adultère.

ELLES VIENNENT À MA SUITE.   L'Evangile n'est pas simple récit du passé, catéchisme scolaire, exhortations morales, croyances et rites. Il est l'histoire de quelqu'un qui naît, marche et meurt, qui décide souverainement de son comportement sans être esclave de personne. Cet homme ne crie pas, n'impose rien : il va et sa voix, son attitude est appel. Le disciple regarde, contemple, écoute et il se décide à « évangéliser » sa vie, à mener son existence comme Jésus l'enseigne, à suivre ce Seigneur « venu dans le monde afin que les hommes aient la Vie en abondance » (10, 10). Que ta voix trace ma voie.
JE LEUR DONNE LA VIE ÉTERNELLE ET ELLES NE PÉRIRONT JAMAIS.   La foi, la confiance en Jésus, n'est pas convenance sociale, héritage des parents, besoin de rites religieux. Elle ne change pas le caractère, ne rend pas parfait, ne fait pas jouir d'expériences mystiques. Plus que cela : elle est accueil de LA VIE DIVINE. Dès maintenant, au c½ur même de la vie biologique si fragile, elle offre l'Eternité de Dieu. Jésus dira à Marthe, la s½ur de Lazare : «  Je suis la résurrection : celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra. Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (11, 25)

PERSONNE NE LES ARRACHERA DE MA MAIN. LE PÈRE QUI ME LES A DONNÉES EST PLUS GRAND QUE TOUT.     Il faut bien user d'images pour parler de Dieu. Celui qui se donne à Jésus reçoit une confiance inébranlable : nulle tempête, nulle dictature, nulle pression, nul danger ne peut l'arracher à l'amour que Jésus lui porte. « Confiance, c'est MOI : n'ayez pas peur ». (6, 20). Mais cette confiance n'est pas une chaîne : le disciple comprend que si rien ne peut briser sa foi, il peut, lui, faible, influençable, retirer sa main de la main du Christ. Oui, hélas, il peut trahir, tourner le dos, renier, apostasier, injurier celui qui est mort pour lui. Après des années, la foi demeure aussi fragile qu'au premier jour.
Seigneur, garde-moi de moi-même
Jésus ne s'est jamais vanté de l'efficacité de ses exploits, des succès de sa mission. Lorsqu'il a vu des disciples venir à lui, il les a accueillis comme un cadeau de son Père. Dans son ultime prière, il dira : «  Père, j'ai manifesté ton Nom aux hommes que tu m'as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi, tu me les as donnés et ils ont observé ta Parole » (17,6). Tout chrétien est un cadeau du Père à son Fils : nul ne peut se vanter mais seulement chanter sa reconnaissance éperdue. Il est gardé dans l'amour du Père et du Fils. Cette certitude a permis à une foule innombrable d'êtres humains d'être critiqués, frappés, ligotés, flagellés, condamnés, pendus, crucifiés, exécutés en murmurant ton nom : « Jésus ! ».

LE PÈRE ET MOI NOUS SOMMES UN.  Affirmation stupéfiante. Jésus n'est pas un leader révolutionnaire, un prophète, un sage, un mystique, un gourou. Il est homme puisque né de Marie. Il n'est pas Dieu puisqu'il le prie. Mais il est le Fils dans le Père ; le Père est dans le Fils ! Nul n'a osé pareille affirmation. Un fou ? Un blasphème passible de mort ? Ou la vérité ?...

-----   La lecture de ce jour s'arrête ici : c'est dommage car c'est la suite qui explique pourquoi cela se passe à Hanoukka, « la fête de la consécration ». Continuons.
Les Juifs à nouveau ramassèrent des pierres pour le lapider... : « Nous voulons te lapider parce que toi, qui es un homme, tu te fais Dieu ». Jésus répond : « Il est écrit dans la Loi : « J'ai dit : Vous êtes des dieux » (psaume 82, 6).....A celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde, vous dites qu'il blasphème parce que j'ai affirmé que je suis le Fils de Dieu ? ...Si je fais les ½uvres de mon Père, croyez en ces ½uvres. Et ainsi vous connaîtrez, et de mieux en mieux, que le Père est en moi comme je suis dans le Père ». Alors, une fois de plus, ils cherchèrent à l'arrêter mais il échappa de leurs mains.

Les prêtres étaient si fiers du temple qui était « consacré »...et ils rejettent leur compatriote qui affirme que c'est bien lui qui est CONSACRÉ et en qui Dieu demeure. Il n'y a donc plus de « maison sainte », de « lieu sacré », de temple intouchable. Seul Jésus est Saint et il donne la vie de son Père afin que « ses brebis » soient la « communauté sainte, consacrée ». AVEC LUI NOUS SOMMES LE TEMPLE !!
Les hommes veulent toujours construire pour Dieu des édifices majestueux où officient des célébrants hiératiques. Sentez la fierté de saint Pierre qui écrivait magnifiquement aux premiers chrétiens :
« Vous vous êtes approchés de Jésus, pierre vivante, rejetée par les hommes mais précieuse devant Dieu ;
vous aussi, comme des pierres vivantes, vous êtes édifiés en maison spirituelle
pour être une sainte communauté sacerdotale
afin d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ «  (1 Pierre, 2, 4-5)

3e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

STRUCTURES DE L'EGLISE :  
MISSION, EUCHARISTIE, PARDON, COMMUNAUTÉ


Jean avait bien terminé son évangile avec le chapitre 20 et les apparitions pascales : or voici que s'ajoute un ultime chapitre 21 rédigé sans doute par sa communauté après son décès.
C'est un petit chef-d'½uvre qui décrit en images ce qu'est l'Eglise du Ressuscité. Sa lecture nous convertit.

LA MISSION

La scène se passe au lac de Galilée : 7 disciples, guidés par Simon-Pierre, décident d'aller à la pêche. Ils ne semblent pas avoir été bouleversés par les 1ères apparitions du Ressuscité : revenus dans leur province, ils ont repris leur métier comme si de rien n'était. C'est qu'il faut bien gagner sa vie. Selon la méthode du temps, tout au cours de la nuit, ils ont ramé en larges cercles en tirant et refermant le filet mais ils n'ont rien pris. Au-dessus des collines du Golan, apparaissent les premières lueurs de l'aube, une légère brume flotte sur les eaux. Les pêcheurs, las et déçus, se préparent à rentrer lorsqu'un son de voix leur parvient. Là-bas sur le rivage, une silhouette : « Les enfants, auriez-vous un peu de poisson ? ». « Non » répondent-ils. L'inconnu lance : « Jetez le filet à droite de la barque et vous trouverez ». Pourquoi obéir à l'ordre d'un inconnu ? Pourquoi cette précision ? Ils jettent le filet qui se remplit de poissons. 153, précise-t-on : ce serait le nombre d'espèces connues à l'époque, dit S. Jérôme. Signe de mission universelle.
Le disciple que Jésus aimait, le premier, reconnaît l'homme : « C'est le Seigneur ! ». Simon-Pierre se jette à l'eau vers lui et les disciples, tirant le filet, arrivent au rivage.

En débarquant ils voient un feu de braise avec du poisson posé dessus et du pain.
Jésus leur dit : « Apportez donc de ce poisson que vous venez de prendre ». Simon-Pierre tire le filet : 153 poissons ...et malgré cela, le filet n'était pas déchiré !
Jésus leur dit : « Venez déjeuner »...Il prend le pain et le leur donne, ainsi que le poisson.
C'était la 3ème fois que Jésus ressuscité d'entre les morts se manifestait à ses disciples.

La mission des apôtres consiste à sauver les hommes, à les retirer du gouffre du mal, à les empêcher de couler dans le désespoir, à les ramener à l'air libre, à être « pêcheurs d'hommes » » (Luc 5, 10) Mais ce travail ne s'accomplit pas par initiative personnelle, par simple dynamisme et bonne volonté. « Sans moi vous ne pouvez rien faire » avait dit Jésus à ses disciples (15, 5). L'apôtre, si doué soit-il, peut bien déployer les trésors de son génie, il demeure bredouille car la conversion de l'homme est une ½uvre divine. Les disciples avaient ½uvré toute la nuit en vain mais que la lumière apparaisse, qu'ils obéissent à la voix encore non reconnue du Seigneur, et voilà que soudain les prises tant attendues se multiplient.

LE PARTAGE DU PAIN

Oui le missionnaire doit s'attendre à des échecs. Il a beau changer de tactique, modifier son vocabulaire, utiliser d'autres méthodes, recourir aux médias les plus sophistiqués : s'il ne compte que sur lui et ses moyens, il reste bredouille. Mais il est bon qu'il fasse cette expérience, qu'il connaisse le découragement, se bute aux limites de ses possibilités : encore faut-il que, sans démissionner, surmontant la tentation de tout laisser là, il prête l'oreille à la voix qui murmure : « Recommence ! ».
C'est précisément quand il expérimente que sa théologie, ses études, ses qualités, son éloquence échouent, que, du fond de la lassitude, il doit reprendre le travail. « Car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort » (2 Cor 12, 10)
Alors il constate qu'il est radicalement impossible que le monde se sauve seul. Il change, oui, mais pour retomber plus bas. Il s'améliore puis se défait. Il espère puis il s'écroule. Seul Dieu peut nous sauver. Les apôtres sont appelés à retrouver sa présence, à accepter son invitation : « Venez déjeuner ».
C'est en partageant le Pain de Celui qui est sorti des abîmes de la mort pour rejoindre les rivages des hommes que les apôtres retrouvent leurs forces et leur joie de travailler sans relâche.

LE PARDON

Alors s'ouvre un merveilleux dialogue :
Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre :
- Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ?
- Oui, Seigneur, je t'aime, tu le sais.
- Sois le berger de mes agneaux....Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?
- Oui, Seigneur, je t'aime, tu le sais.
- Sois le pasteur de mes brebis...Simon, fils de Jean, est-ce que tu m'aimes ?
- Seigneur, tu sais tout : tu sais bien que je t'aime.
- Sois le berger de mes brebis.

Simon, pauvre pêcheur, devait être fier d'avoir été placé en tête de la liste des Douze. Impétueux, il avait assuré son Maître qu'il le suivrait toujours : « Moi, je donnerais ma vie pour toi ! » (13, 37). Las, quelques heures plus tard, dans la cour du palais du grand prêtre où l'on avait amené Jésus ligoté, Pierre s'approcha du « feu de braise » : on le reconnut et le pauvre nia par trois fois être l'un de ses disciples (18, 17-27).
Ici, au bord du lac, voici les retrouvailles éblouissantes. Jésus ne fait pas d'allusion directe au triple reniement de son ami, il ne le condamne pas, ne l'humilie pas devant les autres, ne lui commande même pas de confesser ses péchés. Devant un autre « feu », il lui demande simplement de redire son amour.
Pierre n'ose plus prétendre « aimer plus que les autres »: il s'en remet au Seigneur. Oui il a été prétentieux, lâche, traître, il a eu peur de l'arrestation. Mais il peut en vérité dire à Jésus que, malgré tout, il l'aime vraiment.
En conséquence, parce qu'il a fait l'expérience de son immense faiblesse, parce qu'il est revenu à la vérité de l'amour, il peut recevoir la garde du troupeau. Car un berger doit d'abord être quelqu'un qui aime Jésus.
Mais qu'il n'oublie pas : les brebis ne lui appartiennent pas : elles sont « mes » brebis, dit Jésus, je te les confie, guide-les avec l'amour que j'ai eu. Le souvenir de ta faute t'empêchera de les traiter avec dureté. Sois toujours prêt à leur pardonner.

LE MARTYRE

Jésus continue : « Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains et c'est un autre qui te mettra ta ceinture pour t'emmener là où tu ne voudrais pas aller ». Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre devait rendre gloire à Dieu. Puis il lui dit : « Suis-moi ».
Le dernier soir, avant son arrestation, Jésus avait dit à Pierre : « Tu ne peux me suivre maintenant, mais tu me suivras plus tard » (13, 36). En effet, transformé par la rencontre de Jésus ressuscité et le don de son Esprit, Pierre va s'élancer dans le monde pour « pêcher les hommes ». Il cessera de choisir son propre chemin de vie, il ne cherchera plus à faire sa volonté, il ne s'appartiendra plus mais il imitera Celui qui avait donné sa vie pour lui pardonner. Comme les confrères et comme Paul, il n'épargnera pas ses peines, voyagera, fondera des communautés nouvelles, rencontrera avanies, menaces, subira coups et prisons.
Et un jour, à Rome, capitale de l'Empire, en 64 ou 67, il subira le martyre, « il étendra les mains ». (Crucifié tête en bas ? dit une légende). Maintenant il le prouvait : « C'est vrai, Seigneur, tu sais bien que je t'aime ».

Le chapitre s'achève par une note sur le disciple bien-aimé. Il venait de mourir alors que, disait-on, Jésus lui avait promis de demeurer jusqu'à ce qu'il revienne. Mais c'est à son Evangile que Jésus faisait allusion : le témoignage de l'écrit du disciple bien-aimé éclairera l'Eglise jusqu' à la fin du monde.

CONCLUSION

C'est pourquoi guidée par Pierre, éclairée par Jean, nourrie par l'Eucharistie, réchauffée par le feu du pardon, l'Eglise peut poursuivre sa route en toute assurance. Rien ne lui manque. Elle existe pour pêcher les hommes qui se noient ou pour rassembler et guider les brebis égarées.
Et elle ne cesse de dire, du fond de sa lâcheté : « Seigneur tu sais que je t'aime ».