20e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde? ?Non, je vous le dis, mais plutôt la division »

Ceux qui me connaissent savent que j'apprécie les oxymorons, cette figure de style qui juxtapose deux éléments opposés ! ?Un soleil noir,
Un silence éloquent, quelque chose d'horriblement bon.
Une bonne guerre,
une force de paix,
un merveilleux malheur,
une bière sans alcool...
Bref, un oxymoron est une contradiction dans les termes.

Et aujourd'hui, voici que l'évangile nous amène une espèce de contradiction ! ?Jésus, présenté par ailleurs dans les écritures comme « le prince de la Paix » ?semble amener la division, semble faire de l'existence chrétienne un oxymoron ! ?« Soyez un comme votre Père est UN », quant à moi, « j'apporte la division... »

A première vue inquiétant, je vous avoue que je trouve ce texte plutôt rassurant.
Tout simplement, parce qu'il nous rappelle qu'une lecture littérale des évangiles est toujours dangereuse. Tout acte de lecture est un acte d'interprétation et le sens n'est jamais donné. Alors, quel sens pouvons-nous donner à ce texte...

Le feu, ce que le Christ nous apporte est avant tout le feu de sa parole,
mais une parole radicale, inconditionnelle,
une parole qui demande à chacun de se situer individuellement,
à se situer librement.
Apporter un parole de feu dans sa vie, c'est avoir l'audace de la vérité,
l'audace de choix libres qui évitent le consensus mou.
Notre monde n'apprécie pas l'amour inconditionnel, or c'est cette parole de feu que nous avons à apporter...

Alors, pour que votre parole soit du feu, permettez-moi de vous proposer deux manières toutes simples de redécouvrir comment notre parole peut être de feu, un feu de vérité.
comment nous pouvons avoir une parole pas simplement chaleureuse, mais brûlante.

1.    Il nous faut redécouvrir que désaccord n'est pas désamour.
Nous pouvons avoir en nous une curieuse manière d'être, qui provient sans doute de notre enfance, et qui identifie le désaccord à un défaut d'amour. Si je suis en désaccord, si je suis différent, je peux avoir l'impression de ne pas être accueilli.

Du coup, il peut nous arriver d'éviter les conflits, qui finissent par pourrir et fermenter, faute d'avoir pris le temps de les exprimer. Les rapports vrais ne sont ni faciles, ni confortables, mais ils sont indispensables !  Vouloir faire comme tout le monde pour s'intégrer, pour 'appartenir' n'ajoute rien... ?Il faut être soi même pour donner de soi-même, pour aimer inconditionnellement. ?Or pour être soi-même, il faut prendre position. Il ne s'agit pas de s'opposer pour se poser, mais de découvrir que le désaccord n'est pas forcément désamour. ?Combien de fois dans les familles, un désaccord et perçu comme un manque amour. Et si violence il y a, bien réelle et tragique, c'est parfois parce que le désaccord n'a pas été exprimé, vécu en vérité.

Deuxième petite manière simple d'avoir une parole brulante...

2. Nous avons bien des difficultés à dire « non » à temps... Curieusement, bien des personnes prennent comme une attaque le fait qu'on leur dise 'non'.  Si on dit oui à répétition à des demandes réitérées, on finira par dire à l'autre : tu m'as envahi, alors que c'est moi qui ne suis pas parvenu à baliser mon territoire, à te dire non. Tu es la goutte d'eau qui fait déborder mon vase. Or c'est à moi à être responsable de mon vase : Il faut apprendre à dire non à temps, mais également la bonne personne. Que d'énergie consumée en plainte, récrimination plutôt qu'en vérité !

Voilà le feu que Jésus vient amener... Un amour inconditionnel qui sait dire non, qui peut ne pas être d'accord.
Paul Claudel disait que l'Evangile était du sel, mais que nous en avons fait du sucre,
Nous pourrions dire aujourd'hui, que la parole de l'Evangile --une parole inconditionnellement ouverte-- est du feu, mais que nous en faisons une parole de confort, simplement chaleureuse et de consensus...

Jésus nous demande clairement d'être des hommes et des femmes vrais, authentiques,
des êtres de feu qui osent être en désaccord, pourvu qu'ils agissent en conscience,
des êtres brûlant d'amour et qui osent dire non, pourvu que leur parole soit dite en vérité.

Nos refus et nos désaccords ne sont pas des marques de désamour. Parce que la radicalité de l'évangile est bien celle-ci : « Quoi qu'il arrive, quoique nous ayons fait, nous sommes fils et filles de Dieu. »  Je vous invite donc à vivre de cette parole de feu, signifiante et ignifiante. Amen.

20e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

« A L L U M E Z .... L E   F E U  ! »

Nous écoutons la fin d'une instruction particulière de Jésus à ses « disciples » (pas à la foule) commencée dimanche passé : il leur rappelait leur devoir d'intendants vigilants car « le Fils de l'homme va venir à l'heure que vous ignorez » et il vous jugera. En évoquant cet avenir, ce « Jour », Jésus annonce à nouveau, à mots couverts, quel « jour » lui-même va devoir vivre : une passion horrible mais à laquelle il donne un sens.

QUEL FEU ?

Jésus disait à ses disciples : «  Je suis venu apporter un feu sur la terre et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé ! »
Epouvantés par les désastres subis par Israël de la part des empires païens, les anciens prophètes avaient souvent annoncé la venue d'un Jour où Dieu châtierait ces nations par le feu :
« Voici le Seigneur, c'est dans le feu qu'il vient » (Is 66, 15 ; cf. Ez 38, 22 ; Am 1, 4, etc.).
Et le recueil des prophètes bibliques se termine d'ailleurs par le grand oracle de Malachie :
« Voici que vient le Jour brûlant comme un four. Tous les arrogants et les méchants ne seront que paille : le Jour les embrasera...» (Mal 3, 19-20).
Si souvent humilié dans son histoire, le peuple espérait qu'un jour justice serait faite : Dieu consumerait les mauvais par le feu vengeur et il sauverait les bons. C'est pourquoi Jean-Baptiste prêchait :
« Il vient, celui qui est plus fort que moi, il vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu...
Il va recueillir son blé et il brûlera la bale au feu qui ne s'éteint pas » (3, 16-17).
Forts de cette conviction, Jacques et Jean voulaient « faire tomber le feu » pour consumer les Samaritains qui refusaient d'accueillir Jésus : mais celui-ci avait vertement réprimandé ces furieux (9, 54-56).
Il faudra la Pentecôte pour que les hommes comprennent enfin que Jésus n'est pas venu lancer le feu destructeur sur les mauvais mais le feu chaleureux de l'Esprit-Saint sur ses disciples afin qu'ils « brûlent » d'amour pour faire communauté, et soient comblés de joie et d'assurance pour annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations (Ac 2, 1-5).
C'est ce Jour que Jésus « brûle » d'accomplir ; il a hâte d'achever la mission reçue de son Père. Non allumer les flammes de l'enfer mais embraser les c½urs de tous les hommes pour qu'ils cessent d'allumer les incendies des guerres. Mais avant cela, il doit lui-même passer par l'enfer du Golgotha.

DANS L'ABIME DE LA SOUFFRANCE

« Je dois recevoir un baptême, et comme il m'en coûte d'attendre qu'il soit accompli ! »
« Baptiser » signifie « plonger dans l'eau, laver » et Jésus a bien reçu le baptême dans les eaux du Jourdain : pourquoi à présent parle-t-il d'un second baptême? Il l'évoque dans Marc lorsqu'aux deux Zébédée qui lui demandaient de siéger dans sa Gloire, il répond : « Vous ne savez ce que vous demandez : pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? » (10, 38).
L'image de la coupe à boire « jusqu'à la lie » est souvent, dans l'Ancien Testament, un symbole de la souffrance : on comprend donc que le baptême dont il est ici question désigne la « plongée » dans l'abîme du mal. Un psaume de Passion employait cette image pour exprimer l'épouvante du juste que ses ennemis tentent d'exterminer:
« Dieu, sauve-moi, l'eau m'arrive à la gorge ; je m'enlise dans un bourbier sans fond ; je coule dans l'eau profonde ...Seigneur, que je sois arraché aux eaux profondes... » (Ps 69)
Jésus perçoit son destin à travers ces prières qu'il connaît bien : je serai ce juste souffrant harcelé par ses adversaires, ils me jetteront dans l'abîme du mal, ils chercheront ma disparition dans les eaux de la mort. Mais Dieu, mon Père, me sauvera. De l'agonie au mont des Oliviers jusqu'à l'exécution au Golgotha, ce sera mon second baptême, ma plongée : mais Dieu, mon Père, me retirera des grandes eaux de la mort.
« Je dois » : ah comme j'ai hâte que cette horreur soit accomplie. Non que je désire souffrir. Non que le Père le veuille. Ce sont des hommes qui me haïssent et veulent ma mort. Mais, jeté dans l'abîme, mon Père m'en relèvera. Et, avec moi, la multitude immense de ceux qui baigneront leur âme dans mon sang : comme moi, ils surgiront, debout, ressuscités, ruisselant de l'amour du Père.
Dorénavant les hommes ne seront plus condamnés à « couler » : vécue par amour, leur souffrance sera aussi un baptême. Donc des relevailles dans la Vie, une « re-naissance ».

LA PAIX ET LA DIVISION

Ce baptême de la croix et ce feu de l'Esprit apporteront aux croyants la Paix que le Messie devait apporter. Non l'indépendance nationale. Non la sécurité et l'apaisement définitifs. Non la bonne santé et les succès. Mais la paix profonde, celle que personne ne peut nous enlever et qui est victoire du Fils sur le péché, entrée dans le Royaume du Père, animation par l'Esprit.
Paradoxalement cette Bonne Nouvelle allumera le feu des disputes car elle suscitera l'opposition la plus dure, l'hostilité la plus farouche, parfois même au c½ur des familles.

Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois. Ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Suivant l'oracle du prophète Michée (7, 6), la tradition annonçait que les déchirures familiales seraient un signe de l'approche de la fin. L'accueil de l'Evangile provenant d'un choix personnel et engageant dans une vie toute différente, il ne peut que susciter incompréhension, colère et même haine chez ceux qui ne le partagent pas.
Jésus, le premier, avait rencontré cette opposition. Dans son propre village de Nazareth, il s'était fait huer et déjà on voulait sa perte (4, 29) ; devant son comportement, les hommes les plus pieux, les pharisiens, étaient remplis de fureur (6, 11) ; et même les membres de sa famille pensaient « qu'il avait perdu la tête et ils voulaient s'emparer de lui » (Mc 3, 21). Le vieux Syméon découvrant au temple l'enfant Jésus avait prédit à sa mère : « Il sera un signe contesté » (2, 34).

Ne soyons donc pas étonnés d'essuyer sarcasmes et attaques : l'Eglise a toujours été et sera toujours persécutée. « Baptisée » non seulement dans l'eau mais dans le fleuve des souffrances, « brûlée » par les flammes de la haine, elle accompagne son Seigneur sur son chemin. Mais en buvant la coupe du salut -amertume et joie-, elle est purifiée, elle va « le c½ur brûlant », comme les disciples d'Emmaüs, elle rayonne la Lumière dans un monde de ténèbres. Répétons : « Comme je voudrais que cela arrive ! »

Assomption de la Vierge Marie 

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

Je connais des Marie qui hésitent entre le 1er janvier et le 15  août pour célébrer leur fête... L'argument donné est souvent le même : le 1e janvier est finalement plus simple à comprendre ! Je ne suis certain que ce soit juste, que « Marie mère de Dieu » soit plus simple à comprendre que « Marie assumée par Dieu », mais soit...  Permettez-moi la comparaison...

Alors que le 1er janvier, nous fêtons Marie, mère de Dieu,
nous fêtons celle qui porte Dieu,  celui qui porte tout.

Aujourd'hui, Marie devient celle qui se laisse envelopper par plus grand qu'elle, celle est portée par Dieu, elle devient celle qui assume l'histoire qui la dépasse, tout en restant véritablement au centre du jeu ! ??Car ce qui est extraordinaire dans le Magnificat, --le cantique dans l'Evangile que nous venons d'entendre-- c'est que Marie, l'humble servante, se voit elle-même au centre de l'½uvre de Dieu. Son humilité ne la met pas à côté, en dehors du jeu, comme nous pourrions parfois le faire, mais bien au centre !
Vous connaissez l'image des poupées russes. Comme pour ces poupées, ?le plus petit reste au milieu et il faut disperser ce qui est grand pour accéder au centre. Marie renverse donc toute logique : «Le puissant fit pour moi des merveilles.» dit-elle. Elle, qui est au c½ur de la promesse de Dieu, c'est par son humilité qu'elle découvre l'½uvre de Dieu au c½ur de sa vie.  ?
Quant à nous, face à la promesse de vie qui se trouve en chacun, nous pouvons être traversés par deux réactions. La consommation ou l'assomption. Nous pouvons soit consommer ce don de Dieu, c'est-à-dire garder cette promesse de vie pour nous, en nous. C'est la prétention de ceux que Luc appelle les superbes, les puissants : ceux qui prennent leur vie pour eux, qui consomment l'humain, et se consument.

Mais nous pouvons prendre un autre chemin, un chemin de fécondité, celui de l'assomption ! Vous savez que nous aimons inventer de nouvelles expressions et des néologismes. Je vous en propose un nouveau en ce jeudi de l'assomption.

Cette fête nous invite à devenir des êtres 'assomptionnels'. Les êtres assomptionnels sont ces êtres qui assument la vie qui leur est donnée. Assumer ce don, assumer sa vie, c'est découvrir que nous ne nous appartenons pas car nous sommes inscrits dans une destinée plus grande que nous ne l'imaginons. Il y a tout ce que nous n'avons pas décidé pour nous-mêmes.

Etre assomptionnel, c'est être libre, car pour être libre, il faut parvenir à assumer, prendre à soi le non voulu. Ceux qui ne prennent pas ce chemin assomptionnel, peuvent être tentés de subir la vie, d'être dans la survie: « C'est ainsi. Je ne peux rien faire. Tel est mon destin. Je n'ai pas d'autre possibilité que de m'incliner » de subir la vie. ??Or, prendre le chemin assomptionnel, c'est découvrir dans sa vie un horizon plus grand : voilà l'alternative de la vie :
-    soit je choisis de subir ce qui s'impose à moi
-    soit je décide de vouloir cet invoulu, c'est-à-dire que je veux entrer dans une démarche active capable d'assumer.

Etre assomptionnel, c'est assumer sa vie, tout simplement. ?La relire avec les yeux de la confiance et non la suspicion.
Il  y a donc ceux qui prennent et qui accueillent en eux la présence d'un mystère qui les dépasse. Ce sont tous ces passeurs, ces porteurs, ces personnes qui se sentent visitées par quelque chose de plus grand qu'elles et qui à leur tour, sont capables de le porter aux autres. ??Etre assomptionnel, c'est donc remettre sa vie à plus grand que soi,
lâcher prise...
Etre assomptionnel, c'est accepter que quelque chose de plus grand que nous ?est au plus profond de nous et nous porte ; ?c'est reconnaître que nos vies sont visitées par Celui qui fait des merveilles ;
Alors que consommer, c'est dévorer le plus petit...?Assumer, c'est intégrer en soi le plus grand. ?Alors, si l'assomption est ce mystère de Marie « élevée au ciel »,  cette fête ne nous invite pas à monter dans les nuages, mais à être enceints de Dieu, à nous laisser habités par sa présence. Un mystique dominicain, Jean Tauler, parlera de « faire naître Dieu en nous ». ??Marie n'a pas cru en un Dieu merveilleux, mais en un Dieu qui fait merveille, ?un Dieu qui nous visite sur cette terre pour relever ce qui est abaissé. ??Quittons nos modes de consommation, ?pour construire un monde d'être assomptionnels, ?un monde qui assume et accueille la présence ?de ce qui est plus grand que lui et qui le dépasse. Amen.

Assomption de la Vierge Marie 

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C

SE LAISSER PRENDRE

On explique la fête de ce jour en disant : « Marie est montée au ciel corps et âme ». L'Eglise a beau affirmer qu'il s'agit d'un « dogme », il est probable que, pour la majorité, cette affirmation n'est guère crédible ou, s'ils l'acceptent, ils ne voient pas en quoi elle les concerne. Or un dogme n'est pas un coup de massue asséné sur la raison humaine : il ne parle que s'il révèle quelque chose de notre vie. Le 15 août serait-il seulement, avec ses grandes processions spectaculaires, la résurgence du culte de la déesse-mère que l'on connaît dans beaucoup de religions ?...

ÊTRE ASSUMÉE

Marie a accueilli sur terre son Fils venu du ciel et Lui accueille au ciel sa mère avec tous ses disciples.D'abord Marie n'est pas « montée » : elle a été « assumée » c.à.d. prise-avec. Son Fils Jésus, parce que Fils de Dieu, a pu effectuer son « Ascension »près de son Père  et il pouvait dire : « Je monte vers mon Père » (Jn 20, 17). Il est intéressant de remarquer que, si le Nouveau Testament ne parle pas de « l'Assomption de Marie », il parle de celle des disciples : en commençant ses adieux, Jésus les réconfortait: «  Croyez en moi. Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures...Lorsque je serai allé vous préparer une place, je reviendrai et je vous « prendrai-avec moi » si bien que là où je suis vous serez vous aussi » (Jn 14, 3). Et dans sa prière finale, il dit : «  Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient eux aussi avec moi pour qu'ils contemplent la gloire que tu m'as donnée » (Jn 17, 24). Marie a accueilli sur terre son Fils venu du ciel : il accueille au ciel sa mère avec tous ses disciples.
Confesser l'Assomption de Marie, c'est croire que l'humanité n'est pas enfermée dans « la sphère terrestre », qu'elle s'accomplit dans un passage au Père qu'elle est incapable de réaliser par elle-même car ni ascèse ni mystique, ni politique ni science ne peuvent introduire dans le Royaume de Dieu.
C'est également s'engager à vivre dès maintenant à son exemple dans l'amour, un amour vrai qui s'abaisse, qui « descend » dans le service pour se laisser « monter » dans la Gloire.
Ensuite c'est espérer être « pris par » l'Esprit non dans l'espace des planètes mais dans « la Maison du Père », c.à.d. dans une communion et une paix où tous les humains se reconnaissent comme enfants du même Père.

CORPS ET ÂME

A Ephèse, en Asie Mineure, où dit-on, Marie aurait fini sa vie avec saint Jean, on montre le tombeau de Marie. Est-il authentique ? En tout cas il est vide comme celui de Jésus à Jérusalem. Pas de vestiges, pas de reliques : Marie, selon une très antique tradition, a disparu totalement.
Déjà, dans la Première Alliance, Moïse avait disparu sans laisser aucune trace ; et Elie, mieux encore, avait, dit-on, été enlevé au ciel dans un char de feu. Le grand maître de la Torah et le prince des prophètes n'ont pas de sépulture ; de sorte, dit la tradition juive, qu'ils ne peuvent devenir des buts de pèlerinage, source d'une vénération qui risquerait d'être idolâtrique. Leur personnalité s'efface devant leur ½uvre car c'est ce qu'ils ont fait et écrit qui importe et qui demeure vivant.
Ainsi les premiers chrétiens n'ont pas gardé trace de Marie : sa grandeur unique était ce qu'elle avait vécu, ce que les évangiles disaient d'elle. La dévotion à son endroit ne consistait pas à se rendre sur les lieux précis de son existence passée mais à croire en sa présence actuelle, au sein de l'Eglise. En effet la dernière fois où les Ecritures parlent d'elle, c'est pour signaler sa présence au cénacle où elle priait en compagnie des apôtres et des autres femmes dans l'attente de l'Esprit promis par son Fils (Ac 1, 14). Luc ne dit rien de « son enlèvement » ultérieur. Marie est en prière pour que nous suivions son chemin.

« Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n'est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les épreuves, jusqu'à ce qu'ils parviennent à la Patrie bienheureuse »
(Vatican II- L'Eglise - § 62)
La fête de l'Assomption souligne la grandeur du corps : celui-ci n'est pas que l'enveloppe de l'âme, la dépouille que l'on peut abandonner à sa destruction comme on le croit en certaines religions où le cadavre est brûlé sur un bûcher tandis que l'âme, croit-on, poursuit sa recherche de la vérité.
Le christianisme, contre toutes les critiques qui courent, a le culte du corps. Le sommet de l'Amour de Dieu n'est-il pas que son Verbe ait pris un corps humain et se soit « incarné » ? La grandeur de Marie n'est-elle pas d'avoir donné corps à Celui qui était Esprit ? Le sommet de la haine des hommes n'est-elle pas d'avoir crucifié un corps ? Jésus n'a pas proclamé un message pour âmes pieuses, il a toujours montré de la compassion pour tous ces corps blessés par la maladie ou abîmés par un handicap. Jamais il n'a parlé de résignation, sans cesse il a cherché la guérison.
Le corps enlevé au ciel n'est pas un prodige à expliquer : c'est la façon d'affirmer que le corps qui doit retourner à la poussière (Gen 3, 19) peut, par grâce, devenir lumière.

LA VISITEUSE

Un cosmonaute lancé dans l'espace s'éloigne de plus en plus de la terre : au contraire, lorsque Marie, à la suite de son Fils, est « enlevée au ciel », elle se rapproche des hommes. Car le ciel de Dieu n'est pas dans les étoiles mais dans les c½urs qui aiment. Devenue Mère des croyants (« Voici ton fils ; voici ta mère » : Jn 19, 26), elle compatit à leurs souffrances, elle répond à leurs appels. L'Evangile de ce jour nous le prouve : à peine avait-elle reçu l'Annonciation qu'elle s'encourait chez sa cousine plus âgée. Non pour se vanter de sa supériorité ni contrôler la réalité du message reçu de l'ange mais pour servir sa parente dans ses dernières semaines. Marie est celle qui vient à nous non pour nous écraser de ses privilèges mais pour nous aider à accomplir notre propre vocation.

CHANT AVEC MARIE

Aussi en ce jour de fête, nous reprenons son grand cantique : le MAGNIFICAT (qui devrait terminer chacune de nos journées, comme c'est le cas dans tous les monastères).
Dieu est magnifique parce qu'il a choisi cette jeune fille pauvre d'un pays humilié et parce qu'il a accompli pour elle des merveilles.
Et cet amour poursuivra son ½uvre toujours de la même manière : il désintègre les complots de ceux qui se liguent pour faire le mal, il bouscule ceux qui se hissent sur les trônes de l'orgueil, il dépouille ceux qui amassent avec cupidité. Mais il relève les humiliés, comme il a relevé le crucifié honni du Golgotha ; et il comble en surabondance ceux que l'on avait exploités et piétinés.
« Mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur » : que la joie de Marie rejaillisse aujourd'hui dans nos c½urs.
ANNONCIATION. Que nous devenions une Eglise qui ose, comme la jeune Marie, écouter et accueillir une Parole qui la dérange mais qui lui apporte une Vie qu'elle ne peut se donner.
Une Eglise qui cesse de se cramponner à un passé dépassé car « rien n'est impossible à Dieu ».
VISITATION.  Une Eglise qui a le courage de sortir, de partir à l'aventure, « en hâte », pour aller visiter tous ceux qui attendent une présence et un réconfort.
Certains baptisés la quitteront peut-être par peur de l'aventure, en critiquant ses audaces. Le monde se moquera de ce « petit troupeau » qui refuse de tomber dans ses pièges et ses mensonges. Mais cette communauté fragile et sans puissance se souvient du moment où Elisabeth et Marie s'étreignaient, emportées par la Joie de Dieu. Loin des foules hystériques des cirques romains, loin des temples d'ivoire et d'or et des palais dégoulinant de vanité et de débauche, ces deux pauvres femmes portaient l'avenir du monde.
Oui Marie : « Heureuse toi qui as cru que la Parole de Dieu s'accomplira ».
Heureux sommes-nous aujourd'hui d'acclamer ta Gloire, prélude de la nôtre.
Aide-nous à vivre selon ton exemple : que, comme toi, « nous nous laissions prendre par Dieu ».

 

19e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

« JOUEZ VOTRE VIE POUR DE GRANDS IDEAUX »    (Pape François)

En ces derniers dimanches les grands thèmes de l'enseignement de Jésus se succèdent : la charité (15ème : Le Samaritain), l'écoute de la Parole du Seigneur (16ème : Marie), la prière (17ème : le Notre Père), l'argent (18ème : le riche). Ce dernier point (essentiel pour Luc) revient aujourd'hui (19ème) accompagné d'un nouveau qui va prendre de plus en plus d'importance dans la suite : l'EVEIL, le devoir de vigilance.
Jésus disait à ses disciples : «  Sois sans crainte, petit troupeau car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. Vendez ce que vous avez et donnez-le en aumônes. Faites-vous une bourse qui ne s'use pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n'approche pas, où la mite ne ronge pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre c½ur.
Dimanche passé, la parabole du riche cupide s'adressait à la foule : Jésus a toujours laissé les gens mener leur existence ordinaire, travailler et éduquer leurs enfants, sans leur demander de renoncer à l'argent (ce qui serait impossible) mais en les mettant en garde contre la cupidité. Par contre, ici, il s'adresse à des « disciples », entendus comme ceux qui le suivent dans son itinérance et il exige d'eux beaucoup plus : puisque Dieu leur a « donné » son Royaume, celui-ci doit être leur unique trésor. C'est donc en lui qu'ils doivent mettre leur c½ur. Donc qu'ils « donnent » leur richesse aux pauvres. Ainsi, avant toute parole, ils témoignent de la réalité de ce Royaume.
Sur quoi porte mon désir : sur les biens terrestres ou le trésor de Dieu ?...

---- Là-dessus trois paraboles se succèdent : elles envisagent le temps de l'Eglise (le nôtre) lorsque Jésus aura disparu et que les disciples auront à tenir dans la fidélité. Le thème de l'attente et de la vigilance va désormais prendre beaucoup d'importance car notre tentation sera la lassitude, la tiédeur.

PARABOLE DES SERVITEURS QUI ATTENDENT LEUR MAÎTRE

Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces pour lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera à la porte. Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour. S'il revient vers minuit ou plus tard encore et qu'il les trouve ainsi, heureux sont-ils.
Jésus est parti, on ne voit rien venir, les épreuves se succèdent, les ressources sont maigrichonnes, l'Eglise déçoit, on doute de son propre engagement chrétien, on a l'impression de perdre son temps: il est donc fatal que ses disciples soient tentés par le découragement. A quoi bon continuer à lutter ?
C'est alors qu'il faudra se remettre en mémoire cette exhortation du maître, poursuivre le « service » chrétien et maintenir allumée la lumière de la foi. Quoi qu'on dise, la mission universelle avance, le Seigneur est en train de se révéler à tous les peuples, à faire alliance (comme des noces) avec eux et il reviendra sûrement. Tout à coup, en pleine obscurité, il faudra percevoir son appel discret et lui ouvrir en hâte. Et alors - chose extraordinaire -, c'est lui-même qui se fera serviteur de ses disciples. « Chacun à son tour » car, pour lui, chacun est unique. D'un coup leur fatigue s'effacera et ils connaîtront un bonheur inouï qui compensera au centuple les peines qu'ils auront endurées. L'Eucharistie est déjà la réalisation de cette venue : heureux celui qui perçoit l'appel et s'ouvre pour accueillir son Sauveur.

PARABOLE DU VOLEUR

Si le maître de maison connaissait l'heure où le voleur doit venir, il ne laisserait pas forcer sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c'est à l'heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'homme viendra.
Il est rare qu'un voleur prévienne de l'heure de son méfait (« Allo, Monsieur, je passerai cette nuit à 1 h 30 : dormez bien »). S'il connaissait le temps de son intrusion, le propriétaire prendrait évidemment toutes les précautions pour protéger ses biens. Le malheur, c'est qu'il ne sait pas, il oublie, il se croit à l'abri et il va dormir, le brave homme, sur ses deux oreilles. Apprenez à lire les faits-divers, dit Jésus à ses disciples : que toutes ces histoires de vols, de braquages, de car-jacking vous gardent sur le qui-vive. Tout sera fait pour enlever au croyant son trésor de foi : s'il se laisse prendre par les divertissements ou l'amour de l'argent, s'il n'enracine pas sa foi, un jour, il l'aura perdue sans presque s'en apercevoir. Or le maître - qui est cette fois « le Fils de l'homme » c.à.d. le Seigneur qui viendra juger de façon définitive - surviendra subitement. Soyez sans stress ni angoisse mais « tenez-vous prêts » !!

PARABOLE DES INTENDANTS.

Pierre demande à qui cette parabole s'adresse : Le Seigneur répond :
«  Quel est l'intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de ses domestiques pour leur donner, en temps voulu, leur part de blé ? Heureux serviteur que son maître en arrivant trouvera à son travail : il lui confiera la charge de tous ses biens.
Mais si le serviteur se dit : « Mon maître tarde à venir » et s'il se met à frapper serviteurs et servantes, à manger, à boire et à s'enivrer, son maître viendra le jour où il ne l'attend pas et à l'heure qu'il n'a pas prévue : il le séparera de lui et le mettra parmi les infidèles.
On voit dans les Actes des Apôtres que les communautés chrétiennes sont organisées : elles ont à leur tête des apôtres puis des anciens et des épiscopes. Ce ne sont pas des « Eminences », des « Monseigneurs », des « Révérendissimes »  mais des intendants c.à.d. des serviteurs comme les autres et qui ont reçu une grande responsabilité : guider leurs frères et s½urs sur la bonne voie, éduquer à la foi, maintenir la cohésion, « donner la part de blé » c.à.d. célébrer et partager l'Eucharistie, relever les découragés, pardonner aux fautifs, maintenir dans l'allégresse et l'espérance.
A nouveau ces hommes pourront douter de la venue de leur maître et ils tomberont dans deux tentations : l'autoritarisme (se proclamer chef, commander avec rudesse, blesser les frères) et les plaisirs de la table et de l'alcool (sans doute en puisant dans la caisse commune).  Ah, que cet intendant se réveille au plus tôt et exerce sa charge avec la douceur et la sobriété du Christ car Celui-ci viendra et le jugera.

Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n'a pourtant pas accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups. Mais celui qui ne la connaissait pas ne recevra que peu de coups. Car à qui l'on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui on a beaucoup confié, on réclamera davantage.
La punition par le maître sera juste, proportionnelle au degré de connaissance. C'est pourquoi les Saints, qui ont conscience d'avoir beaucoup reçu, se dévouent davantage que leurs frères et ils n'exigent pas d'eux qu'ils leur ressemblent et en fassent autant qu'eux. Dieu distribue ses dons selon son bon vouloir car « chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous » (1 Cor 12, 7).
Toute grâce reçue n'est un privilège que pour engager davantage à la mission et à la responsabilité

18e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

LA  CUPIDITÉ  EST  UNE  IDOLÂTRIE

Nous avions remarqué l'importance de la prière dans l'évangile de Luc : aujourd'hui nous rencontrons un autre thème sur lequel il va beaucoup insister dans les chapitres suivants : l'argent. Après notre relation vraie avec Dieu, voici nos rapports justes au prochain : Jésus nous situe dans notre vérité.

Du milieu de la foule, un homme demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage ».
Jésus lui répondit : «  Qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? ».
Le décès des parents et le partage de l'héritage constituent un moment test de l'amour fraternel, quand tout à coup les bisous deviennent grimaces et que retentissent âpres revendications et exigences tenaces. On pinaille pour une cafetière et lorsque l'un ou l'autre se croit lésé, la concorde se brise.
Au temps de Jésus, pour résoudre ces problèmes, les gens avaient coutume de faire appel aux scribes qui cherchaient la solution la plus juste selon les lois. Ici quelqu'un, pris dans un litige insoluble avec son frère, s'adresse de même à Jésus mais celui-ci refuse d'entrer dans le détail de ces marchandages et il lance une mise en garde solennelle contre la racine des déchirures : la cupidité. Une petite parabole en dit bien plus qu'un long discours.

S'adressant à la foule, Jésus dit : «  Gardez-vous bien de toute âpreté au gain car la vie d'un homme, fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses ».
Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Il se demandait : « Que vais-je faire ? Je ne sais où mettre ma récolte ». Alors il se dit : «  Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j'en construirai de plus grands et j'y entasserai tout mon blé et tout ce que je possède. Alors je me dirai : Te voilà avec des réserves en abondance pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l'existence ». Mais Dieu lui dit : «  Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras mis de côté, qui l'aura ? ».
Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même au lieu d'être riche en vue de Dieu ».

Il n'est pas reproché à cet homme d'être riche, d'avoir bénéficié de bonnes conditions climatiques ni de bien gérer son domaine. Ce qui est mal, c'est qu'il veut « amasser tout pour lui » : « un pactole m'arrive et je serai à jamais un rentier nanti qui pourra s'offrir tous les plaisirs du monde ». Pourquoi ne songe-t-il pas à partager un peu avec des membres de sa famille, avec les ouvriers qui ont durement peiné dans ses champs, les pauvres et les handicapés ? ..... Insensé, fou, tes  rêves vont s'évanouir.
En effet la fortune améliore les conditions d'existence mais n'assure pas la vie. Accaparer ne constitue pas une protection contre la mort car le PLUS AVOIR ne donne pas un ETRE POUR TOUJOURS. Arrivant les mains vides devant Dieu, nous ne serons pas évalués sur le montant de notre compte en banque mais sur l'usage de nos biens. Cet homme aurait dû s'appliquer à être « riche en vue de Dieu », expression qui sera expliquée peu après lorsque Jésus dira à ses disciples : « Vendez ce que vous avez, donnez-le en aumônes : faites-vous des bourses inusables, un trésor inaltérable dans les cieux » (12, 33).
Donner aux pauvres, c'est aimer, donc c'est développer la vraie vie, une vie qui ne peut disparaître dans la mort. L'unique banque qui ne fera jamais faillite, toujours assurée du triple A, c'est celle du ciel, du Père qui se réjouit de voir tous ses enfants partager les biens de la terre qu'il a créée pour tous.

LA CUPIDITE EST UNE IDOLATRIE

L'avertissement de Jésus est très grave : la richesse n'est pas une assurance vie, dit la parabole. Nous devons donc bien faire attention à cet Evangile et réfléchir à nos comportements vis-à-vis de l'argent.
« Gardez-vous bien de toute âpreté au bien » : on traduit ainsi le mot grec « pléonexia » lequel, selon le dictionnaire, signifie « avoir plus qu'autrui ; avoir trop, jouir d'une surabondance de ressources, de superflu ; désirer toujours plus qu'on ne doit ; être animé de convoitise, d'appétits insatiables ».
Or il se fait que ce mot important revient 10 fois dans le Nouveau Testament : c'est dire combien cette passion accumulative est puissante et de tous les temps.
Il s'agit d'un vice caractéristique des païens que saint Paul, qui séjourne à Corinthe, le grand port célèbre pour son luxe et ses licences, dénonce avec force : « Ils sont remplis de toute sorte d'injustice, de perversité, de cupidité, de méchanceté, pleins d'envie, de querelles, de ruses... » (Rom 1, 29). La Lettre aux Ephésiens reprendra la même accusation : « Dans leur inconscience, ils se livrent à la débauche au point de s'adonner à toute sorte d'impureté dans la cupidité » (Eph 4, 20) et l'auteur exhorte les chrétiens à avoir une attitude contraire : «  Pour vous, ce n'est pas ainsi que vous avez appris le Christ...il faut vous dépouiller du vieil homme qui se corrompt sous l'effet des convoitises...et revêtir l'homme nouveau » (Eph 4, 20-24).
La Lettre aux Colossiens répétera : « Faites mourir ce qui appartient à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais et cette cupidité qui est une idolâtrie » (Col 3, 5).
C'est dans le c½ur de l'homme que tout se joue, c'est lui qu'il faut purifier. Alors que les Pharisiens prescrivaient d'éviter tout aliment impur et de procéder à des ablutions minutieuses. Jésus avait dénoncé ces pratiques faussement religieuses : « Rien d'extérieur à l'homme ne peut le rendre impur. Ce qui sort de l'homme, c'est cela qui rend l'homme impur. En effet c'est de l'intérieur, du c½ur des hommes que sortent les mauvaises intentions : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidité, perversité, ruse, débauche.... » (Marc 7, 21). Le combat de la foi se joue aujourd'hui dans notre c½ur  contre les convoitises si séduisantes.

ACTUALITE

Nous vivons dans une société qui sans cesse nous sollicite, nous allèche par toutes sortes de produits et de machines. Matraqués par la publicité, comment ne pas envier l'autre qui possède ce qu'on n'a pas ? Comment ne pas céder à l'achat du « nouveau » modèle ? D'autant qu'on nous persuade qu'il faut relancer l'économie par la consommation ! Or nous faisons semblant d'ignorer que notre train de vie n'est possible que grâce au travail des esclaves là-bas. Le Bengladesh est si loin ! Ne pensons pas à ça : il est si agréable d'acheter !
« Vous faire un trésor dans le ciel » : le partage judicieux, l'aide aux plus pauvres n'est pas ½uvre facile.   La solution n'est pas de jeter une pièce dans le gobelet d'un mendiant, ni de se croire charitable en donnant ses frusques usagées. Avant une fausse « charité » qui donne facilement bonne conscience, ne devrions-nous pas d'abord être une Eglise qui analyse les causes du malheur du monde et qui combat pour la justice en dénonçant les scandales des privilèges, les fraudes des paradis fiscaux et tout un système qui entretient le déséquilibre mondial ?
Comme Jésus, nous n'avons pas la solution au problème de la misère mondiale mais l'Eglise doit d'abord être une communauté où la simplicité de vie est vécue avec joie, où le manque n'est pas vécu comme un drame parce que notre c½ur est comblé par l'Amour du Seigneur, où l'espérance du ciel relativise les possessions et avertit sur l'échéance de la vie et son véritable enjeu.
Dans ce rôle critique de l'idolâtrie ambiante, l'Eglise ne sera plus honorée comme une bienfaitrice : on tentera de la dévaluer et de renvoyer la religion dans le domaine privé.
Mais sans doute alors beaucoup la rejoindront qui l'avaient quittée parce que molle et insignifiante.

16e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

A    T A B L E   !

Déconcertant Jésus : il vient de nous exhorter à être un bon Samaritain, à nous dévouer sans compter au service de tout blessé rencontré sur notre chemin et voilà qu'aujourd'hui il calme les ardeurs de l'hôtesse qui s'empressait de bien le recevoir avec ses apôtres. L'histoire de Marthe et Marie est bien connue et on a fait de ces deux femmes les modèles de deux vocations : la vie active et la vie contemplative. L'apostolat et la prière. Le dévouement bruyant et l'oraison silencieuse. Et on a donné le primat à cette dernière. Est-ce cela que le texte veut dire ?

Alors qu'il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison.

Jésus n'est pas en vacances, il n'est pas en train de se promener. Son Père du ciel lui a donné une mission capitale et il entraîne ses disciples de Galilée à Jérusalem où, il le sait, il sera refusé et mis à mort (9, 22.51). Quelque part il parvient à un village anonyme où une femme bienveillante s'offre à accueillir le groupe dans « sa » maison : or on va ajouter qu'elle a une s½ur. Marthe est sans doute l'aînée, c'est elle qui « tient la baraque », qui prend des initiatives. Depuis toujours, Jésus marche dans la pauvreté, « il est le Fils de l'homme qui n'a pas où poser la tête » (9, 58) ; avec ses disciples, il va « sans bâton, ni pain, ni argent » (9, 3), suspendu à la bonne volonté des gens qui les accueillent ou non. Il arrive sans doute qu'ils n'aient rien à se mettre sous la dent et soient obligés de dormir, le ventre creux, à la belle étoile.
Aussi quelle aubaine que cette invitation de la généreuse Marthe ! Celle-ci se met immédiatement à la man½uvre, concocte un menu **** car elle tient à recevoir ses hôtes avec générosité, en mettant les petits plats dans les grands. Bientôt, de la cuisine, flottent d'agréables arômes qui laissent présager un succulent repas : déjà les apôtres se lèchent les babines.

Marthe avait une s½ur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.

Marie, la cadette, ne semble pas pressée de donner un coup de main à sa soeur : serait-elle une fainéante ? Mais on ne dit pas qu'elle ne fait rien. Au contraire elle est occupée à la chose la plus importante qui soit : s'asseoir, dans la position d'un disciple attentif, et écouter avidement tout ce que Jésus peut dire.

Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : «  Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma s½ur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m'aider ». Le Seigneur lui répondit : «  Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée »

Au lieu de secouer sa s½ur, l'aînée fait appel à Jésus et lui demande d'intervenir : il devrait être choqué par l'indolence de Marie et la presser de rejoindre sa s½ur dans la cuisine. N'a-t-il pas récemment  appelé le docteur de la Loi à se faire le prochain du blessé sur la route ? Marie ne serait donc pas « une bonne Samaritaine » ?
Jésus fait une réponse étonnante. D'abord il reproche à Marthe de faire trop de chichis, de vouloir préparer trop de plats, de « s'inquiéter et de s'agiter » à ce point. Plus tard il mettra ses disciples en garde contre ce surplus d'inquiétude :
« Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez...Tout cela les païens le cherchent sans répit, mais votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt le Royaume et cela vous sera donné par surcroît » (12, 22-32).

L'hospitalité la plus généreuse n'exige pas de ces excès: Jésus et les siens peuvent se contenter d'un repas plus simple.
Mais, plus profondément,  « la seule » chose qui est « nécessaire » et qui constitue « la meilleure part » est de prendre le temps d'écouter le Seigneur. Car s'il faut entretenir les besoins du corps et reprendre « des moyens de vivre », il est bien plus essentiel de trouver des « raisons de vivre ».
Marie, elle, a compris que, lorsque le Seigneur passait, l'important était de se mettre à son écoute, de prendre le temps - beaucoup de temps- pour « se nourrir » de sa Parole qui donne la Vie.
Ainsi lorsque l'autre Marie, la mère de Jésus, était survenue avec les parents pour rencontrer Jésus qui était en train d'enseigner la foule, il avait fait répondre - sans même se déplacer - : «  Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (8, 21). Et le jour où, transportée par la prédication de Jésus, une femme lui lancera : «  Heureuse celle qui t'a porté et allaité », à nouveau il rétorquera : «  Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui l'observent » (11, 28).

CONCLUSIONS

Cette scène ne fonde donc pas deux genres de vie religieuse, comme s'il fallait opposer activité et prière. Les deux sont nécessaires et s'entrecroisent.
Marthe, bien intentionnée, en faisait trop : son empressement n'était-il pas entaché du désir de se montrer la meilleure, la plus douée ? « Je vais vous montrer de quoi je suis capable ». Aujourd'hui n'y a-t-il pas une surenchère de « bouffe » ? La télévision n'en finit pas de parler de cuisine. L'embonpoint des uns nargue la famine des autres. Retour à la simplicité svp !
Quant à Marie, elle aurait sans doute dû donner un coup de main  mais elle avait pressenti qu'avant de nourrir Jésus, il fallait au préalable et avant tout s'alimenter à sa Parole. L'écoute, après avoir été le premier principe de la foi dans l'Ancienne Alliance où la prière oblige à dire deux fois par jour : « Ecoute, Israël... », est tout autant, sinon davantage, l'appel n° 1 de l'Evangile.
La première scène de Jésus sortant de l'enfance est celle de son recouvrement : ses parents, éperdus, le retrouvent « dans le temple, assis au milieu des maîtres, à les écouter et les interroger ». (2, 46)
Et lorsque les nouveaux baptisés affluèrent dans la première Eglise de Jérusalem, les Apôtres, submergés de travail, décidèrent de nommer des diacres pour veiller au service des tables et à la juste répartition de nourriture pour les pauvres ; « Quant à nous, dit Pierre avec les apôtres, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole » (Ac 6, 4). Annoncer la Parole libératrice reste toujours prioritaire.

Aujourd'hui nous dirons notre reconnaissance à toutes les mamans, les maîtresses de maison, le personnel des restaurants qui se donnent tant de  peine pour préparer, chaque jour, les repas pour les convives (qui ne les en remercient pas assez). Respectons Marthe. Sainte Thérèse d'Avila disait à ses carmélites tentées d'aller somnoler devant le S. Sacrement : «  Dieu est dans nos casseroles, mes s½urs !! »
Nous réfléchirons à l'urgence de constituer de petits groupes où les chrétiens s'invitent les uns chez les autres non pour des rivalités gastronomiques mais pour partager, dans la frugalité, « la nourriture » de l'Evangile. C'est en recevant par elle lumière et force qu'ils pourront s'employer à la réforme de l'Eglise.  (Lire le petit livre du père jésuite J. Moingt: « Faire bouger l'Eglise catholique »*** - D.D.Br.).
Nous nous déciderons à « nous asseoir », à réduire le temps et la fatigue des soucis superflus pour nous consacrer à « l'unique nécessaire » : « dévorer l'Evangile ».
Dire avec le petit Samuel : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ».
Dire avec Marie de Nazareth : «  Je suis la servante du Seigneur : qu'il m'arrive selon sa Parole ».

17e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

LE TRÉSOR DE LA PRIÈRE : LE NOTRE PÈRE

La foi n'est pas héritage, certificat de bonne vie et m½urs, pratiques liturgiques, récitation de formules dogmatiques, philanthropie : elle est d'abord essentiellement relation de personne à personne, donc dialogue de confiance. D'abord le disciple se met à l'écoute de Jésus reconnu comme le Seigneur vivant dont il est aimé : c'était l'attitude de Marie (dimanche passé). Puis, en retour, le disciple répond c.à.d.  il prie. La foi devient ainsi conversation.
Mais que dire à Dieu ? Le Seigneur lui-même nous l'a enseigné : aujourd'hui retrouvons l'émerveillement devant ce NOTRE PERE trop souvent marmonné en hâte ou chanté par habitude alors que c'est un chef-d'½uvre. Inusable ! Ce jour nous entendons la version de Luc (cf. celle de Matthieu 6, 9)

Un jour, quelque part, Jésus était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : «  Seigneur apprends-nous à prier comme Jean-Baptiste l'a appris à ses disciples »
Luc insiste : toujours, tout au long de son chemin, Jésus s'écartait pour aller prier tout seul puis « quand il avait fini », il retrouvait les siens pour poursuivre la route. C'est donc que la prière est une action précise, avec un début et une fin ; on ne dit nulle part : « Ma prière, c'est mon travail ».
Mais comment faire ? Que dire ? La première prière est de demander à apprendre, comme un apprenti devant le Maître  car c'est « un disciple » qui interroge, c.à.d. quelqu'un qui s'applique à suivre Jésus, à vivre selon son Evangile. On ne reçoit pas le PATER comme une curiosité, une formule telle qu'on en trouve partout dans les livres de spiritualité et de « nouvel âge ». C'est en voulant être un vrai disciple de Jésus que l'on peut dire en vérité sa prière. Vice-versa le NOTRE PERE soutiendra et guidera le disciple sur son chemin. Il y a une concaténation, un engrenage « prière et vie ». Le NOTRE PERE est la prière distinctive de la communauté chrétienne. Sommes-nous suffisamment fiers d'avoir reçu cette perle ?  

Il leur répondit : «  Quand vous priez, dites : ......... ».
La prière n'est ni silence, ni vide dans la tête ni radotage pieux : elle est parole brève et forte. « Dites » : car l'amour se dit, se proclame ou se chuchote ; c'est en parlant, en s'exprimant qu'il grandit en vérité. Et plus cet amour grandit, plus les paroles du NOTRE PERE seront chargées et pleines de sens.

1)   UNE INVOCATION : « PERE... ».    

La politesse initiale d'une conversation demande de s'adresser à l'autre par son nom. On ne prie pas en jetant d'emblée des demandes, en disant : «  Mon Dieu, mon Créateur... » mais « PERE ». A l'époque, c'est une révolution. Des prophètes avaient parlé de YHWH comme du Dieu unique, et même comme « le père » d'Israël (Is 63, 16 ; Jér 3, 19) mais il semble bien que Jésus soit le premier qui s'adresse à Dieu comme son « abba » et qui autorise ses disciples à utiliser ce diminutif affectueux. En parlant à Dieu Père, le disciple se découvre donc FILS : sa prière ne sera donc pas appel à une divinité lointaine mais expression d'un enfant convaincu qu'il est divinement regardé, écouté, aimé, et qu'il ne sera jamais rejeté.
Par sa prière, Jésus nous révèle qui est véritablement Dieu et qui nous sommes. Prier comme Jésus, c'est découvrir sa propre identité, ce que le baptême a fait de nous.
Paul ne cessera d'éveiller les chrétiens à cette stupéfiante révélation : « Dieu a envoyé dans nos c½urs l'esprit de son Fils qui crie : « Abba - Père ». Tu n'es donc plus esclave mais fils ; et comme fils tu es aussi héritier. C'est là l'½uvre de Dieu » (Gal 4, 6). Jean écrira de même : «  Voyez quel grand amour le Père nous a donné : que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes ! » (1 Jn 3, 1).

2)    DEUX V¼UX

Comme Jésus, le chrétien, enfant de Dieu, ne se précipite pas en lançant une kyrielle de demandes à son bénéfice: Dieu n'est pas Touring-secours pour vies cabossées ni car glass pour mieux voir ni jackpot pour gens chanceux. Respectueux, le croyant se préoccupe d'abord des affaires de son Père, de son dessein de salut pour l'humanité.
QUE TON NOM SOIT SANCTIFIE.
Le Nom n'est pas une simple étiquette, il désigne l'Etre même de Dieu et la forme passive du verbe suggère qu'il s'agit de l'action de Dieu même. Donc il faut comprendre : Sanctifie ton Nom, fais que ton Nom ne soit pas nié, bafoué, blasphémé, qu'il soit « saint » c.à.d. reconnu et adoré dans sa transcendance. Le priant dit : tout le malheur des hommes est qu'ils ignorent Dieu, qu'ils se trompent à son sujet et qu'ils adorent des idoles. C'est dire que la foi au vrai Dieu n'est pas une cerise sur le gâteau, un penchant facultatif pour les hommes qui, manquant de courage pour assumer leur solitude, ont besoin de consolation.
La vraie foi est d'un enjeu capital. Jésus a donné sa vie pour l'Honneur de son Père trois fois Saint.
QUE TON REGNE VIENNE
Dieu nous a faits libres et nous pouvons édifier le monde à notre guise, en nous laissant dominer par nos égoïsmes et nos violences. Et chaque fois, c'est la catastrophe. Faire un monde sans Dieu, c'est le faire contre l'homme. Le règne des idoles est mortifère. Mais Dieu a un projet de salut des hommes : il leur a révélé sa Loi (le décalogue) et maintenant il a envoyé son Fils Jésus afin d'inaugurer son Règne sur terre. « Convertissez-vous : Dieu vient régner ». L'Evangile est la Bonne Nouvelle : l'horreur n'est pas irrémédiable et l'Amour triomphera. Meurtri par  les souffrances des hommes, le priant supplie Dieu d'agir en Père, de manifester sa tendresse, de nous sauver, nous, hommes si aveugles et si faibles.

3)      TROIS DEMANDES POUR LES TROIS DIMENSIONS DE LA VIE

POUR AUJOURD'HUI   ---   DONNE-NOUS LE PAIN DONT NOUS AVONS BESOIN CHAQUE JOUR. La prière assume notre condition corporelle ; le croyant sait qu'il a qu'il a besoin de se nourrir et mission de cultiver la terre, mais il n'oublie pas que tout est don de Dieu. Il mange dans la main de son Père. Plus profondément, conscient de son aveuglement, il supplie pour que son Père lui donne chaque jour la Parole, le Conseil, la Lumière qui lui permettront d'éviter les dérives et les ornières.

POUR HIER  ---   PARDONNE-NOUS NOS PECHES CAR NOUS-MÊMES NOUS PARDONNONS A CEUX QUI ONT DES TORTS ENVERS NOUS. Le priant, éclairé par la foi, ne s'estime pas parfait. Il sait qu'il a fait du mal, qu'il n'a en tout cas pas fait tout le bien qu'il aurait pu faire et qu'il doit, chaque jour, demander pardon. Il ne doute pas du pardon de son Père mais celui-ci lui pose une exigence: offrir le pardon à ceux qui l'ont blessé. C'est la seule condition imposée par la prière : elle peut être très dure mais elle est nécessaire tant l'amour de Dieu se croise avec l'amour du prochain au point de n'en faire qu'un.

POUR DEMAIN  ---    ET NE NOUS SOUMETS PAS A LA TENTATION. Attention : Dieu ne nous conduit pas au bord du précipice pour nous perdre. Mais nous serons toujours la cible de maintes tentations (Même Jésus a été tenté) : elles sont le signe que Dieu ne nous manipule pas et que nous sommes libres d'opter pour lui ou de le refuser. Le disciple demande la force de lutter sans relâche contre ces suggestions, ces désirs qui l'entraînent loin du Père : « Aide-moi à ne pas me soumettre à ces tentations qui feraient mon malheur et relève-moi quand je chute ».
La place manque pour commenter la suite de la catéchèse de Jésus sur la prière. Résumons :
La parabole des trois amis nous apprend qu'il faut oser importuner Dieu avec ténacité jusqu'à ce qu'il cède. Son silence nous étonne, nous fait mal, nous scandalise. Mais « demandez : vous obtiendrez ». Notre défaut, ce ne sont pas les distractions mais notre manque de persévérance : nos demandes sont trop brèves.  ---    Et l'image du père avec son enfant nous révèle pourquoi nous ne sommes pas toujours exaucés : parce que nous demandons des choses qui ne nous conviennent pas (alors même qu'elles nous paraissent nécessaires, indispensables). « Le Père donnera l'Esprit » : voilà l'objet ultime de la prière chrétienne, la Force de vivre comme Jésus, en enfant du Père, heureux de remplir sa mission. Cette demande est toujours exaucée. Elle seule suffit.

 

17e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

En ce jour exceptionnel où un roi abdique et un prince prête serment, je vous invite à méditer de façon théologique sur un passage de notre hymne national.  Il ne s'agit d'exalter la monarchie.  Il s'agit simplement de méditer de façon chrétienne une devise qui nous est proposée.  A la fin de notre hymne national, nous chantons avec enthousiasme : le roi, la loi, la liberté.  C'est ce passage que je voudrais méditer avec vous.  Tout d'abord, ne trouvez-vous pas incohérent de clamer la loi avec la liberté ? Par définition, la loi nous paraît contraire à la liberté.  C'est une contrainte, une limite qui est fixée à notre liberté.  Mais voyons tout cela de façon théologique.
Le roi.  Encore une fois, je ne veux pas faire de politique, je parle de religion.  Qu'est-ce que nous affirmons à chaque eucharistie.  Après la liturgie de la parole, nous disons : « je crois en Dieu le Père tout-puissant ».  Nous croyons en quelqu'un.  Nous ne servons pas un parti, un pays, une nation.  Nous croyons en quelqu'un.  Et c'est cela qui est formidable.  Tous les jours, nous sommes invités à découvrir de nouveau ce Dieu en lequel nous croyons, ce Dieu qui nous a tout donné, la vie, l'amour, l'éternité.  Et c'est cela sans doute que nous devons toujours redécouvrir en famille, en communauté, au travail.  Nous croyons en quelqu'un qui croit en chacun d'entre nous.  Et ce Dieu croit tellement bien en nous qu'il nous pardonne nos erreurs, nos offenses.  Et c'est cela sans doute que nous pouvons, que nous devons imiter en lui : croire en quelqu'un même quand il nous a trahis.  C'est une erreur à vue humaine, c'est un acte d'amour aux yeux de Dieu, un acte d'amour qu'il accomplit tous les jours pour nous.
La loi.  Quel triste mot pour chacun d'entre nous ! Cela nous paraît une atteinte profonde à notre plein épanouissement.  Et pourtant la loi éduque.  Elle permet à un enfant de partager avec son frère et avec sa s½ur.  Elle permet aux usagers de la route de circuler en toute sécurité.  Elle permet aux commerçants et aux clients d'être sûrs de la qualité et du prix de chaque produit.  La loi oblige chacun d'entre nous de dépasser notre petit égoïsme, nos petits intérêts personnels pour construire une communauté, une société où les faibles ont leur place, où chacun peut être respecté.  La loi permet à chacun de vivre.  La loi permet à chacun d'aimer et d'être aimé.
Et voilà que le vrai sens de la liberté surgit.  La liberté ne consiste pas à faire ce que je veux quand je le veux.   Ce ne serait alors que des caprices.  La liberté consiste à ne pas être prisonnier de ses petits et mesquins désirs, mais de pouvoir dépasser nos égoïsmes pour pouvoir construire avec d'autres personnes, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, une société où chacun pourra s'épanouir.  La liberté des enfants de Dieu est celle qui a conduit Pierre à tout quitter et à annoncer la Bonne Nouvelle partout dans le monde jusqu'au martyre à Rome.  La liberté des enfants de Dieu, c'est celle qui a permis à saint Dominique à quitter le confort de chanoine en Espagne pour annoncer la Bonne Nouvelle aux cathares et aux albigeois. 
En ce magnifique jour de fête nationale, redécouvrons le bonheur de connaître quelqu'un qui nous permet par sa loi d'amour de dépasser nos égoïsmes et de goûter la liberté, la vraie liberté, celle de pouvoir aimer sans compter.

15e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

QUI  ES  - TU  : le Samaritain, le blessé ou l'aubergiste ?

La parabole de ce dimanche est une des plus belles histoires dont Jésus est l'inventeur génial, au point que son héros est devenu un prototype : « C'est un bon Samaritain ! » dit-on de quelqu'un qui se dévoue pour rendre service. Pourtant, dans les premiers siècles de l'Eglise, saint Irénée, saint Clément d'Alexandrie, Origène, saint Augustin et d'autres ne voyaient pas dans ce texte un modèle de philanthropie : de façon beaucoup plus profonde, ils le commentaient comme l'histoire imagée du salut de l'humanité et, dans le Samaritain, ils voyaient Jésus lui-même. Cette interprétation est illustrée (comme une bande dessinée) dans les grands vitraux des cathédrales de Chartres, Bourges, Sens où le Samaritain est bien le Christ.

LES PETITS VOIENT CE QUE LES SAGES NE VOIENT PAS

Il faut en effet remarquer que dans l'évangile de Luc, la scène de ce jour est précédée par un cri d'allégresse de Jésus : «  Je te loue, Père, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits... ». Puis il se tourna vers ses disciples et leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez... » (10, 21-24). Jésus constate qu'en général, les « sages » (c.à.d. les scribes et les pharisiens) refusent sa prédication et que les gens du peuple, les gens simples, eux, l'accueillent avec joie.
C'est à ce moment que survient un docteur de la Loi qui s'approche « pour mettre Jésus dans l'embarras » c.à.d. avec une intention malveillante : « Ce n'est pas ce paysan de Galilée qui va m'apprendre quelque chose ! ». Et il récite fièrement son savoir : l'essentiel de la Loi est d'aimer Dieu de tout son c½ur, toute son âme, et d'aimer son prochain comme soi-même.
Jésus le félicite et en ajoutant une parabole, il lui apprend qu'il ne faut pas seulement aimer ceux qui nous sont proches mais « se faire le prochain du blessé, de celui qui attend une aide ». « Va et fais de même » dit Jésus en terminant. « Tu es un sage, un homme spécialiste de la Loi, tu me demandais ce qu'il faut faire : je t'ai répondu à ton niveau : « Va et fais de même » puisque, pour toi, la religion, c'est d'écouter les enseignements des maîtres  et de les appliquer au mieux.
Mais cela demeure dans l'optique de « la 1èreAlliance » !!! Recevoir un conseil, un ordre, constitue un enseignement éclairant certes mais ce n'est pas une Bonne Nouvelle puisque je me retrouve, avec ma faiblesse, devant une obligation à suivre. Et plus j'apprends de lois, plus je suis écrasé !

« Heureux les yeux qui voient » disait Jésus à ses disciples. Les « Actes des Apôtres » et les Lettres des apôtres montrent l'allégresse qui a pris les chrétiens après Pâques lorsqu'ils ont compris que Jésus les libérait du carcan de la Loi pour les introduire dans l'horizon sans limite de la grâce. Ils ont « vu » ce que signifiait la parabole du Bon Samaritain et ils en ont été comblés de bonheur. Expliquons-la à leur suite.

Jésus dit : «  Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho et il tomba sur des bandits ; ceux-ci après l'avoir dépouillé, roué de coups, s'en allèrent en le laissant à moitié mort... ».
La petite histoire ne nous raconte rien moins que l'histoire de l'humanité. Jésus ne parle pas d'un mâle mais d'un être humain (« anthropos » en grec). Créé par Dieu, fait « à son image », appelé donc à demeurer près de Lui, Adam (c.à.d. tout humain) malheureusement s'éloigne de son Créateur. Il quitte l'intimité avec Dieu (Jérusalem, la ville du Temple, de la Présence) pour descendre vers Jéricho, la riche oasis de la vallée du Jourdain, le pays de l'opulence- mais aussi de Sodome et Gomorrhe !  - celui que Lot, le neveu d'Abraham avait choisi. Notre « pente » est toujours de trouver trop dure la vie selon Dieu pour chercher une existence plus confortable qui nous apporte plus de jouissances et de plaisirs.
Mais si l'humain tourne le dos à Dieu, alors il pénètre dans le champ des affrontements où chacun est seul et vulnérable. L'humain est tellement faible qu'il « tombe » immanquablement sur des puissances qui le dépassent et auxquelles il n'a pas la force de résister. Vanité, orgueil, égoïsme, cupidité l'attaquent et le jettent à terre. Dans le désert de la vie païenne, l' « image de Dieu » est piétinée, bafouée et l'homme, blessé dans son être, comprend qu'il devient un « être-pour-la-mort ». Condamné. Qui le sauvera ?
Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin : il le vit et passa de l'autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit : il le vit et passa de l'autre côté.
Prêtres et lévites étaient justement les hommes du temple de Jérusalem, chargés d'offrir les sacrifices, d'organiser les cérémonies, d'enseigner la Loi. Mais il leur était défendu, sous peine d'impureté, de toucher le sang et même ils interdisaient aux malades et aux handicapés - gens impurs- de pénétrer dans l'enceinte du temple. Les deux hommes de la parabole représentent donc non l'indifférence des prêtres juifs mais leur incapacité à « sauver l'homme » : cantiques, sacrifices d'animaux, encens, lois restent impuissants à remettre l'homme debout. Saint Paul l'a bien expliqué (Gal. et Rom.). Sommes-nous donc condamnés ?

Mais un Samaritain en voyage arriva près de lui : il le vit et il fut saisi de compassion. Il s'approcha, pansa ses plaies en y versant de l'huile et du vin. Puis il le chargea sur sa monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d'argent et les donna à l'aubergiste : « Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai »
Vous comprenez maintenant pourquoi les vitraux de Chartres et de Bourges représentent le Samaritain sous les traits du Christ. Après le temps des lois qui « passent à côté de nous » sans nous guérir, est venu enfin le temps non du salut mais de quelqu'un : le Sauveur. Jésus (IESHOUAH = Dieu sauve) voyait la misère cachée de Marie-Madeleine, de Zachée, de la Samaritaine ;  il voyait la lâcheté de Pierre et la faiblesse de ses apôtres. Comme il nous voit, chacun, voyageurs perdus dans le désert de l'amour.
Il n'était pas un prêtre imbu de liturgies, un impassible docteur de la Loi répétant : « Il faut que... ». En nous voyant si pauvres, « il est bouleversé aux entrailles » : nous retrouvons ici le fameux verbe qui exprime l'émotion « matricielle » de Jésus lorsqu'il nous voit abîmés. Pas de colère, de menaces, de condamnations car le péché est une maladie, une blessure à soigner, à guérir. Le « docteur samaritain » voit, a compassion, vient près de, prend en charge. « Je suis venu pour les malades ».
L'huile oint le converti et le moribond pour les pénétrer de la force de l'Esprit-Saint. Et le vin, avec le pain, soigne, apaise, réconforte. Les sacrements, baptême et eucharistie, ne sont pas des récompenses pour croyants impeccables mais des médicaments qui nous instillent la puissance divine de guérison.

L'EGLISE : DISPENSAIRE DE MALADES ET NON ACADEMIE DE SAVANTS

Le Christ n'a fait que passer dans l'histoire mais il n'abandonne pas l'homme : il le conduit dans l'Eglise qui, loin d'être un palace pour saintes gens est « un fourre-tout » (traduction exacte), un dispensaire plein de cris et de larmes, où « l'aubergiste » (Pierre) doit accueillir, sans dégoût, tous les pécheurs blessés afin de prolonger sur eux les soins que Jésus leur dispensait.
Que les responsables de communautés adoptent donc la bonté du Christ samaritain : remarquer sur toutes les routes (surtout mal famées) ceux qui sont perdus, les recueillir, les porter, leur offrir, avec délicatesse et patience, les soins « christiques ». « Deux talents » : le baptême et l'Eucharistie. Et les deux commandements. Aime Dieu de tout ton être et aime ton prochain, fais-toi proche de celui qui maintenant a tout de suite besoin de toi, c'est toi qui dois combler la distance.
A l'exemple du Christ venu du ciel sur la terre.
« Que dois-je faire pour... ? » demandait le scribe. Tout au contraire la  foi chrétienne est de recevoir : d'abord prendre conscience de sa misère incurable, se laisser approcher par le Christ, se laisser soigner par ses bras, son regard, son c½ur, ses sacrements, se laisser accueillir dans son Eglise  où son amour pourra  déployer ses effets. Et ne plus jamais désespérer.
Car, un jour, le Samaritain « repassera » comme il l'a promis : il nous rendra au centuple l'amour que nous aurons vécu et, de l'auberge, il nous introduira dans la Maison du Père où il n'y aura plus de conflits, de blessures, de gémissements, d'indifférence, de désespoir.
On admirait mère Térésa pour son ½uvre sociale (« Quelle bonne Samaritaine »): on omettait de dire qu'elle passait, chaque jour, des heures de prière et d'adoration à se laisser « soigner » par le Christ.
L'Eglise n'est pas une O.N.G., vient de répéter le pape François.