4e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

Peut-être vous arrive-t-il de lire distraitement sur internet les forums de discussion en dessous des articles de nos soi-disant grands quotidiens. ?Et vous êtes sans doute comme moi affligés par certains commentaires !
Nos radios aussi --sauf RCF bien entendu-- sont contaminées par ces espaces où les auditeurs peuvent donner leur avis, entrainant souvent la suspicion sur tout et n'importe quoi...

Rien de nouveau, finalement. Alors, imaginez, dans la Palestine du 1er siècle, l'histoire de Joseph. Elle a probablement scandalisé les habitants du petit village de Nazareth : le récit de Marie, fiancée à Joseph et enceinte avant son mariage, a du certainement alimenter des ragots... et les commentaires déplacés ! J'imagine qu'au café du coin, où dans le quotidien « Le Jourdain », la presse à sensation locale, les commentaires ont du aller bon train...

Il est facile d'attaquer pour ne pas se remettre en question. Dans nos familles, dans nos lieux de vie, nous aussi, nous alimentons souvent, involontairement, la suspicion, les intrigues... Nous discutons, convaincus parfois d'avoir certaines clés, alors que celles-ci nous manquent. Les murmures sont souvent des moyens de ne pas se remettre en question, de ne pas faire face à la réalité. Les murmures sont aussi des signes d'orgueil car nous croyons savoir.

Et l'histoire de Joseph nous montre précisément que nous ne savons pas tout. ?Que l'intimité ne peut jamais nous appartenir. Joseph, lui non plus, ne savait pas tout et il n'était pas prêt. Mais il a accueilli simplement et sans juger la vie qui lui était confiée.  Accueillir sans juger : voilà ce qui fait de lui un homme juste. Et
comme Joseph, nous pouvons entendre une voix nous dire : « Ne crains pas ». « N'aie pas peur de ce qu'on dit de toi ». C'est parce que tu ne connais pas l'intimité des histoires de ceux que tu rencontres que tu es invité à ne pas juger. Juger, c'est avant tout ne pas connaître. Voilà pourquoi la justice dans l'antiquité grecque  souvent représentée avec un  voile sur les yeux. Comme si tout jugement s'accompagnait toujours d'un mouvement d'inconnaissance, qui peut restaurer la confiance.

Vous avez peut-être déjà vu le film Jackie Brown, ou Lola Rent. Dans chacun de ces films, l'histoire est racontée à plusieurs reprises, sous différents angles. Et nous avons la même approche dans les récits de l'enfance chez Matthieu et chez Luc. Alors que Luc nous présente l'histoire de Jésus à travers les yeux de Marie. Dans l'Evangile de ce jour, nous voyons la même histoire, la naissance de Jésus à travers les yeux de Joseph. Joseph ne comprend pas ce qui lui arrive. Deux possibilité s'offrent alors à lui : la suspicion qui murmure ou la confiance qui ne juge pas. 

Le temps de l'Avent est donc bien plus qu'un temps d'attente. C'est un temps qui nous invite à transformer notre regard, pour accueillir avec confiance l'imprévu, ce que nous n'avons pas choisi, ce que nous n'avons pas décidé pour nous-mêmes. ??Cela prends du temps de découvrir qui nous sommes. Une vie ne suffit jamais. Cela prends du temps de discerner qui nous pouvons devenir, ce que Dieu nous invite à être.  Parfois nous prenons des décisions, et nous ne comprenons nos choix que bien plus tard. Il ne s'agit pas de tout justifier, mais où que nous soyons, il est toujours possible de relire sa vie. Nous ne pouvons changer notre histoire, mais nous pouvons changer sa lecture pour intégrer dans nos vies ce qui semble  impossible à accepter ou à digérer. Voilà la liberté des enfants de Dieu. ??C'est cette liberté que nous montre Joseph : un chemin d'humilité et d'inconnaissance. Joseph, en ne craignant pas de prendre Marie pour épouse, veut ainsi le non-voulu. Comme le dit le poète, « Lorsque tu désires ce que tu as, tu as ce que tu désires. »  

Cet épisode de la vie de Jésus nous invite à l'humilité, lorsque nous faisons face à une situation qui touche l'intimité d'une histoire personnelle. ?En assumant leur histoire, Joseph et Marie, veulent ainsi le non-voulu.
Je suis souvent frappé de voir combien de personnes --dans des situations identiques-- ont des réactions diamétralement opposées. Face à l'échec, à la maladie, à l'âge, à la surprise, certains décident de subir, de survivre.
D'autres décident, envers et contre tout, comme Joseph, d'accueillir la vie, ils veulent le non voulu, ils intègrent en eux les événements imprévus dans leurs  propres histoires.

Peut-être que c'est seulement lorsque nous désirons pleinement ce que nous avons (c'est à dire notre humanité), que se dévoile ce que nous désirons au plus secret de nous, l'intimité de Dieu. Amen.


4e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

ACCEPTE TON SAUVEUR ET CELLE QUI LE PORTE

Dans les premières années, les disciples proclamaient Jésus crucifié et ressuscité - ce qu'on appelle « le mystère pascal », c½ur de la foi chrétienne. Puis on se questionna sur son origine : Paul insistait sur la véritable humanité de Jésus : « Dieu a envoyé son fils, né d'une femme... » (Gal 4, 4) dont Marc précisait le nom: Jésus était « le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, José, Jude, Simon... » (Marc 6, 3). D'où venait Jésus ? Pour être l'authentique Messie d'Israël, il devait correspondre aux prophéties. C'est pourquoi deux évangiles suivirent celui de Marc : Matthieu et Luc rédigèrent chacun « un évangile de l'enfance » en y montrant que Jésus « accomplit les  Ecritures ».

GENESE DE JESUS


Le titre d'un évangile étant toujours son premier verset (et non le gros titre ajouté plus tard par les éditeurs, comme « Evangile selon Saint.... »),  Matthieu intitule son livre: « Livre de la genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham » et il présente d'emblée son arbre généalogique. Le projet de Dieu se réalise effectivement par des naissances : dans une longue histoire que Dieu conduit, Jésus réalise les promesses à Abraham et à la descendance du roi David.
Mais après la répétition de la même formule (« Abraham engendra Isaac...qui engendra Jacob...qui...etc. etc... »), en finale Matthieu opère une modification radicale : «Mathan engendra Jacob, Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus, que l'on appelle Christ » (1, 16). Cette naissance a donc quelque chose de spécial que Matthieu va ensuite expliquer. (c'est notre lecture de ce dimanche)

Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ.
La traduction n'est pas exacte car Matthieu reprend le titre grec du 1er livre de la Bible, et il écrit : «VOICI QUELLE FUT LA GENESE DE JESUS CHRIST ». L'apparition de Jésus dépasse donc le processus biologique : elle est une véritable action de Dieu, « une création ». Avec la venue de Jésus commence un nouveau monde, comme une « re-création », l'accomplissement de la Genèse initiale. Comment ?

Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph ;
or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint.
Aucune précision sur les dates, les lieux, les âges, les habits, les sentiments... : rien que deux personnages et leurs noms. A l'époque, les mariages, souvent arrangés par les familles, se célèbrent très tôt alors que la fille n'a que 13 à 15 ans. Après la cérémonie qui rassemble tout le village, la jeune épouse demeure encore près d'un an chez ses parents, le temps pour l'époux d'aménager leur nouvelle demeure. C'est sans doute vers la fin de ce délai qu'arrive l'incroyable : Marie est enceinte !!!
Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret. Il avait formé ce projet, lorsque l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c.à.d: Le-Seigneur-sauve), car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Si Joseph ne veut pas faire un scandale public en répudiant son épouse comme il en aurait le droit, c'est donc que Marie lui a parlé, lui a raconté l'impossible et il l'a crue. Elle ne l'a pas trompé : il y a eu un événement unique, indicible, une intervention divine - ce que Luc raconte dans sa grande scène de l'Annonciation à Marie.
Chaviré, bouleversé, Joseph fait confiance à celle qu'il aime et puisque Dieu manifeste qu'il a  un projet spécial pour cette jeune femme, il ne lui reste plus, à lui pauvre charpentier, qu'à se retirer. Partir ?...
C'est alors que, dans un songe (la nuit de la foi), Dieu le détrompe et lui confère une mission : l'enfant qui va naître sera un garçon, il ne peut pas apparaître comme un bâtard, il doit entrer dans la dynastie de David, dont Joseph provient. En lui donnant son nom, Joseph adoptera réellement cet enfant et il aura la tâche capitale de garder la famille et d'être le père nourricier.
Ces phrases sereines ne doivent pas cacher le trouble immense, le bouleversement qu'ont vécu ces deux jeunes gens. Il n'est pas simple de laisser entrer Dieu dans la vie, d'accepter une mission qui dépasse totalement toutes les vues humaines.

QUE SIGNIFIE « ACCOMPLIR LES ECRITURES » ?

En - 735,  deux armées s'avancèrent pour attaquer Jérusalem et éliminer la dynastie de David. Le roi Achaz, affolé, surveillait les travaux de fortification lorsque le prophète Isaïe vint l'adjurer d'avoir confiance : « Si vous ne croyez pas, vous ne tiendrez pas » et il lui donna un signe de Dieu : « Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel ». Ce qui signifie que la reine va enfanter et pourra élever son enfant dans la paix. Effectivement Jérusalem échappa à la destruction ; malgré tout, pour être rassuré, Achaz fit appel à l'Assyrie et en devint vassal.
Cette promesse du « signe de l'Emmanuel » frappa énormément. Puisque Dieu était intervenu de la sorte, il referait dans l'avenir le même miracle pour sauver son peuple. La mémoire de l'événement devint une prophétie messianique: un jour, le Seigneur sauverait son peuple non par un Messie guerrier, qui aurait recours à la force et aux alliances avec les grandes puissances mais par un petit garçon. On rédigea un oracle qui le décrivait :
« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière...Car un enfant nous est né, un fils nous est donné. On proclame son nom « Merveilleux conseiller, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la Paix. Il aura une souveraineté étendue, il affermira le trône de David sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours » (Isaïe 9, 1-6).
Matthieu a donc compris que la naissance de Jésus actualise le signe et il écrit :
« Tout cela arriva pour que s'accomplit la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
' Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».
Après des siècles de malheurs, le fils de Marie est « le grand signe » offert par Dieu. Il ne vient pas nous lancer à la guerre contre les ennemis car le véritable combat des hommes n'est pas la lutte les uns contre les autres mais contre le péché. La lumière de la Loi et les rites du temple ne peuvent nous libérer du péché mais  Jésus, lui, remportera la victoire en donnant sa vie sur la croix.

Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.
Joseph assuma sa mission et au temps prévu, il accueillit Marie dans leur maison. Le garçon allait naître dans le petit village de Bethléem, en Judée (2, 1) et Joseph lui donna le nom de IESHOUAH - qui signifie « YHWH sauve ».
En effet il faudra d'abord que l'enfant grandisse, soit baptisé, se mette à prêcher au peuple ...jusqu'à ce qu'il soit arrêté et exécuté sur une croix. Son sacrifice donnera aux hommes le salut c.à.d. le pardon des péchés et la réconciliation avec Dieu. Mais trois jours plus tard, il ressuscitera et enverra ses disciples en mission en affirmant son nouveau nom EMMANUEL :
« Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur terre. Allez, de toutes les nations faites des disciples...et je suis avec vous (EMMANUEL) tous les jours jusqu'à la fin des temps ».

Encore 3 jours. Ne soyons pas comme Achaz qui doutait et cherchait des appuis humains et imitons Joseph : croyons, faisons confiance. « Prends Marie chez toi », accepte l'Eglise qui t'apporte une révélation non échafaudée par les théologiens mais un mystère divin. Elle porte JESUS/EMMANUEL qui nous sauve et demeure avec nous pour toujours.
La messe à nouveau actualise le signe  de notre véritable genèse :
LECTURES         : Dieu nous parle, nous propose une mission - « Ne crains pas, prends »
CONSECRATION : corps et sang : Jésus est vraiment Iéshouah = Dieu sauve du péché
COMMUNION    : nous communions tous avec lui : il est EMMANUEL, Dieu-avec-nous

3e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

QUI A JESUS N'ATTEND PLUS UN AUTRE

Selon les récentes enquêtes sur les croyances en Occident, le pourcentage des chrétiens diminue tandis qu'augmente celui de ceux qui se disent incroyants  et dont certains demandent que leurs noms soient rayés des registres de baptême. Par-delà les scandales qui éclatent dans l'Eglise, c'est surtout l'omniprésence du mal et le silence de Dieu qui conduisent à la conclusion : « Le ciel est vide. Non Jésus n'est pas le sauveur : il y a trop d'injustice ! ».
Qui n'a pas butté sur cette objection massive qui effectivement ébranle les certitudes ? Même Jean-Baptiste se l'est faite : en prison, menacé d'exécution, il s'est demandé s'il avait eu raison de désigner Jésus comme le Messie attendu. Un Messie qui laisse les innocents périr ?

Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ. Il lui envoya demander par ses disciples : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ».
Jésus leur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez :
'Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.' -   Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! ».
Devant le mal triomphant et l'inertie des Eglises, l'incroyant nous questionne encore : « Ne faut-il pas attendre un autre que Jésus ? ». Gardons Noël comme fête de lumière mais sans crèche. Attendons le salut du progrès, de l'enrichissement, ou même ne rêvons plus, résignons-nous à  la vie telle qu'elle est. Que répondre ? Aux ambassadeurs de Jean, Jésus semble faire une réponse décevante. Au lieu de leur promettre une intervention rapide, il leur donne une mission : «Rapporter ce que vous entendez et voyez ». Oui nous pouvons affirmer que des guérisons se réalisent dans l'Eglise. Rarement miraculeuses, elles ne sont pas des preuves mais elles « font signe ». Non, l'Evangile n'est pas une utopie à ranger dans les oubliettes car nous pouvons raconter que partout des chrétiens mènent une lutte acharnée contre la souffrance. Les réalisations dues à mère Térésa ou à l'abbé Pierre ne sont que quelques exemples des innombrables hôpitaux et dispensaires fondés et animés par les chrétiens dans les coins les plus perdus du monde.  La foi n'est pas une fuite ni une indifférence.

Hélas beaucoup de chrétiens ignorent le travail de l'Eglise, l'impact évangélique sur la santé du monde et ils sont désemparés par les questionneurs. La prédication parle beaucoup d'idées et de morale mais manque de récits d'événements qui prouvent que l'Eglise n'est pas seulement un nid de scandales ni une pieuse organisatrice de cérémonies.

Toutefois, pour Jésus, le grand signe est le dernier : « la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». Des malades et des handicapés ne sont pas guéris de leur mal, des justes emprisonnés ne sont pas libérés de leur geôle mais pourtant ils s'émerveillent d'écouter un Evangile qui n'est pas une drogue, « un opium », puisqu'il suscite une espérance terriblement active et efficace chez beaucoup de ses porteurs et qu'il mobilise des artisans de paix sur toute la planète.
« Heureux » donc l'homme qui parvient à reconnaître que, s'il n'élimine pas le scandale de la souffrance et du mal, Jésus est vraiment le Messie, le Sauveur.

QUI DONC EST CE JEAN-BAPTISTE ?

Tandis que les envoyés de Jean se retiraient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean :
« Qu'êtes-vous allés voir au désert ? un roseau agité par le vent ?...
Alors, qu'êtes-vous donc allés voir ? un homme aux vêtements luxueux ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois.
Qu'êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu'un prophète.
Pendant tout un temps, Jean avait attiré des foules qui admiraient sa pauvreté, étaient atteintes par sa prédication de feu, recevaient son baptême, croyaient en ses prédictions. Il n'était pas un « roseau » qui se plie au gré des vents des opinions, ni un homme qui profite de la crédulité des foules pour s'enrichir. Inébranlable jusqu'à oser dénoncer la turpitude du roi, austère jusqu'au dénuement total, courageux jusqu'au martyre, Jean avait vraiment rendu un témoignage de « prophète » c.à.d. d'envoyé de Dieu.  Mais  il est davantage qu'un prophète : sa  grandeur va plus loin.

« C'est de lui qu'il est écrit :
« Voici que j'envoie mon messager en avant de toi, pour qu'il prépare le chemin devant toi ».
Amen, je vous le dis : Parmi les hommes, il n'en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.... ».

En Israël, les Ecritures ne sont pas seulement de l'histoire, des récits d'événements passés mais elles entretiennent l'espérance messianique : ce que Dieu a jadis réalisé pour son peuple, il l'effectuera à nouveau, et même de façon plus stupéfiante encore, en faveur du Messie qu'il enverra.
Ainsi se dévoile « l'accomplissement » qui fut le grand argument de la première Eglise :

1)    Lorsqu'au Sinaï, Dieu a fait alliance avec Israël qu'il allait conduire à travers le désert, il avait dit à Moïse : « Je vais envoyer un ange devant toi pour te garder en chemin et te faire entrer dans le lieu que j'ai préparé » (Ex 23, 20). Donc Jean est « l'ange », l'envoyé de Dieu, chargé de préparer la venue de Jésus qui va conduire les hommes non dans un pays mais dans le Royaume de son Père.
2)    En outre, au retour de Babylone, le prophète Malachie (le dernier de la collection) avait proclamé au peuple découragé par les difficultés: « Vous fatiguez le Seigneur en disant : ' Où est le Dieu qui fait justice ? !! Eh bien Dieu dit : « Voici : j'envoie mon messager. Il aplanira le chemin devant moi... » (Mal 2, 17 - 3, 1). -- Il est remarquable que le « MOI » (Seigneur Dieu) devient « TOI » (c.à.d. Jésus lui-même) dans la citation de l'évangile : ce qui laisse entendre que Jésus est bien le Seigneur attendu en personne !
3)    Enfin, le livre du même Malachie se termine ainsi : « Je vais vous envoyer ELIE le prophète, avant que ne vienne le Jour du Seigneur, jour grand et redoutable » (Mal 3, 23). En ayant revêtu le même manteau qu'Elie, Jean n'en est pas la réincarnation mais bien le prophète qui remplit la mission prévue : il annonce la venue des derniers temps (qui ne se confondent pas avec la fin du monde).

Donc, conclut Jésus, Jean est bien « le plus grand » des hommes puisque non seulement il rappelle au peuple les exigences de la Loi mais il est celui qui a l'honneur et le privilège de désigner enfin le Messie espéré. Néanmoins Jésus ajoute:
« .....cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.... ».

Jean reste un croyant de la Première Alliance, celle de la Loi qui est enseignée et intimée comme obligatoire pour ceux qui l'écoutent et doivent s'efforcer de lui obéir. Mais Jésus vient pour réaliser le 3ème et dernier exode (cf. dimanche passé): conduire le peuple non vers un pays mais dans le Royaume de Dieu, pas seulement l'appeler à se convertir mais lui offrir le pardon, pas seulement l'enseigner mais lui donner la force d'aimer, pas seulement le baptiser mais lui donner le feu de l'Esprit-Saint.
C'est pourquoi « le plus petit » chrétien qui accueille Jésus est sous le régime de la Nouvelle Alliance, celle dont Jean, en dépit de sa grandeur, ne soupçonnait pas les richesses.
Les envoyés de Jean sont revenus près de Jean et lui ont transmis le message. Quelques jours plus tard, toujours fidèle,  il a été décapité. (récit de sa mort : Matt. 14)

Noël : proclamer que ce nouveau-né, couché sur la paille dans la nuit d'un village, est bien le Seigneur, le Sauveur : quel scandale ! Savons-nous répondre ? Qu'avons-nous à raconter ? Comment rendre compte de notre foi ? Sommes-nous informés non seulement sur le credo mais sur les effets pratiques du credo ?...Saisissons-nous la différence radicale entre le disciple de Jean et celui de Jésus ?...

2e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

LE TÉMOIN NÉCESSAIRE ET À DÉPASSER

Les premiers chrétiens rencontraient d'autres communautés qui affirmaient que c'était Jean-Baptiste qui était le Messie : Jésus n'avait-il pas été son disciple, baptisé par son maître ? C'est pourquoi, comme les 4 évangiles, l'année liturgique commence avec la présentation de cet immense personnage qui s'efface pour montrer comment Jésus accomplit et dépasse l'ancien testament.

LA CONVERSION, 3ème EXODE


En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée :
« Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Jean est celui que désignait la parole transmise par le prophète Isaïe : « A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route » (Isaïe 40, 3)
Jean portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain venaient à lui, et
ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.

Jadis, Dieu, par l'intermédiaire de Moïse, avait dit aux Hébreux esclaves en Egypte : « SORTEZ ! » et l'aventure d'Israël avait commencé avec l'Exode. Mais, arrivé sur sa terre, le peuple n'avait pas vécu selon la Loi de son Dieu et finalement il avait été déporté à Babylone.
Là-bas, pris de pitié, Dieu avait à nouveau décidé de libérer son peuple et un prophète avait proclamé la Bonne Nouvelle d'un nouvel Exode : « Préparez la route... »...on rentre au pays (Is 40, 1). Hélas, même scénario : Perses, puis Grecs puis Romains avaient écrasé et occupé le pays.
La grandeur du prophète JEAN est qu'il a mission d'annoncer le 3ème et dernier Exode : il ne s'agit plus d'un changement de lieu ni de l'investiture d'un meilleur roi car Dieu lui-même veut instaurer son Règne de la libération définitive. Pour cela une condition : la CONVERSION, remise en question du comportement de la personne, retournement.
En même temps Jean se présente sous l'accoutrement du prophète Elie (2 Rois 1,8) dont l'ultime prophète des Ecritures, Malachie, annonçait la venue pour la fin des temps (Mal 3, 23)
Aujourd'hui encore ne rêvons pas d'un bonheur qui viendrait par un changement de pays, de lieu ou de condition et qui serait assuré par un nouveau leader, une nouvelle idéologie. Reconnaissons nos esclavages, forcés...ou voulus. Chacun reçoit l'injonction salvatrice : CHANGE...MODIFIE TES IDEES, TES PROJETS, TES COMPORTEMENTS...DESIRE SORTIR DE TON ESCLAVAGE.
En sommes-nous capables ?... Pas sûr !! Le Baptiste lui-même, on le verra, va en douter.

UN RITE DOIT PROVOQUER DES ACTES.

Voyant des pharisiens et des sadducéens venir en grand nombre à ce baptême, il leur dit :
« Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion, et n'allez pas dire en vous-mêmes : 'Nous avons Abraham pour père', car, je vous le dis : avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.

La promesse lancée par Jean se répand dans tout le territoire et les foules, assoiffées d'indépendance,  affluent pour écouter le prophète. Parmi elles, des laïcs (pharisiens) et des prêtres (sadducéens), de bons croyants secoués par la prédication : chacun reconnaît ses fautes et accepte d'être plongé et baptisé par Jean dans les eaux du Jourdain.
Mais Jean n'est pas dupe : un rite bien effectué et une confession pieuse ne suffisent pas s'ils ne sont pas suivis par une mise en pratique, par une vie nouvelle, par des actes. Se targuer d'être Juif - ou chrétien -, de faire partie du peuple de Dieu, d'avoir des ancêtres prestigieux ne suffit pas. La parole doit provoquer des actes, des fruits.
Et il s'agit d'aller vite car la fin du monde approche, dit Jean, Dieu vient et il hachera dans toute stérilité, il précipitera au feu de la damnation les vies infécondes.

LIMITES DE JEAN : IL FAUT UN AUTRE, DIFFERENT.

Moi, je vous baptise dans l'eau, pour vous amener à la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales.
Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu ; il tient la pelle à vanner dans sa main, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas. »

Jean, qui avait sans doute commencé sa mission avec enthousiasme, doit hélas déchanter : les gens viennent, avouent leurs péchés, demandent à être purifiés dans les eaux...mais sans effets marquants. La parole prophétique échoue à changer les volontés. Le rite ne parvient pas à enlever le péché, obstacle majeur pour une existence renouvelée.
Alors Jean ajoute à sa prédication : moi, je ne suis qu'un préparateur, un maître, un sage dont la parole se heurte à une inertie incurable. Mais UN AUTRE VA VENIR APRES MOI. Il ne dira pas autre chose, il ne sera pas plus éloquent mais avec lui on va passer à un autre monde de sorte qu'il y a un abîme entre lui et moi et je ne suis même pas digne d'être son esclave.

Au plus profond de la personne, dans le c½ur, dans notre esprit humain si résistant à la grâce, Jésus « qui vient derrière Jean », instillera un esprit nouveau, l'Esprit même de Dieu car c'est sur sa croix qu'il enlèvera notre péché. Outre la connaissance des messages de Dieu, il donnera la force intérieure nécessaire afin de pouvoir les mettre en pratique. La conversion, qui semblait désespérément impossible à la suite de la force du mal enraciné en nous, sera à notre portée : quiconque s'y livrera réussira - enfin - son 3ème et dernier Exode. Il sortira de l'absurde, du désespoir, de la vanité ou du mépris de soi ; il ne se limitera plus à se plaindre de l'état de la société, de la pesanteur de l'Eglise ; il s'avancera en personne sur les chemins de la Miséricorde de son Seigneur.
Mais Jean se trompe : il croit que son successeur va provoquer la fin du monde, la déflagration finale. Or ce n'est pas l'heure de la moisson mais des semailles : Jésus lancera une Parole porteuse de la flamme de l'Esprit dans les c½urs qui voudront bien l'accueillir. Il y aura beaucoup d'échecs car l'Esprit divin ne nous change pas de façon automatique et Dieu qui nous a créés sans nous ne veut pas nous sauver sans nous. Le Royaume de Dieu s'ouvrira, le feu de la Pentecôte brûlera les c½urs qui se livreront à l'amour et ainsi Christ et croyants, ensemble, pourront de concert édifier le Royaume dans le déroulement d'une histoire chaotique.
Oui, alors, un jour, après bien des combats, des souffrances et des agonies, ce sera la fin, l'heure de la moisson. L'Exode définitif, la sortie de l'esclavage du mal, sera accompli.

VERS NOËL

Nous ne rencontrons jamais Jésus directement : il y a toujours à l'origine quelqu'un qui nous a parlé de lui, qui a rendu témoignage à son Evangile. Jean-Baptiste reste le type, le modèle du « précurseur » qui, sur le seuil de la liberté, nous exhorte à la conversion, nous appelle à avouer notre faiblesse, à désirer la purification, à traduire les rites en actes concrets.
Mais surtout Jean montre Jésus ; ainsi le prêtre, la maman, la catéchiste doivent s'effacer pour montrer « celui qui vient après eux ». De même l'Eglise dénonce le mal, appelle à avouer le péché, et à désirer la purification.. Mais qu'elle n'oublie pas que l'essentiel de sa mission réside dans la suite : sans relâche tourner le regard et l'attention vers l'Unique, le Seul, l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde et permet d'entrer dans le Royaume.
L'Avent n'a de sens que par son terme : Noël. Mais pour être vrai, Noël exige un Avent de conversion, d'attente, de désir, de joyeuse impatience.

1er dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

L'AVENT  GARDE ....  EN  EVEIL

Entre chrétiens, nous aurions dû envoyer nos cartes de v½ux cette semaine puisque ce 1er décembre marque pour nous le début de la nouvelle année. Nous ne la commencerons pas par de banals souhaits de « BONNE ANNEE !», émouvants d'espoir inefficace : chrétiens, nous recevons et tentons de vivre et de transmettre l'Evangile que notre Seigneur nous offre par l'intermédiaire de son Eglise.
Au seuil d'une nouvelle étape de notre vie, il dit l'essentiel pour mener une ANNEE BONNE SELON DIEU :   -      vers quoi ou qui allons-nous ? quel est le but à atteindre ?
-      quelle attitude fondamentale prendre aujourd'hui ?

LE TERME DE L'HISTOIRE


Jésus parlait  à ses disciples de sa venue :?« L'avènement du Fils de l'homme ressemblera à ce qui s'est passé à l'époque de Noé. A cette époque, avant le déluge, on mangeait, on buvait, on se mariait, jusqu'au jour où Noé  entra dans l'arche. Les gens ne se sont doutés de rien, jusqu'au déluge qui les a tous engloutis. Tel sera aussi l'avènement du Fils de l'homme.   Deux hommes seront aux champs : l'un est pris, l'autre laissé.
Deux femmes seront au moulin : l'une est prise, l'autre laissée.
Ce texte est extrait de l'ultime grand enseignement que Jésus donne à ses disciples. Alors qu'il va disparaître, exécuté de façon cruelle et ignominieuse, il leur assure qu'il viendra un jour dans la gloire. Le prophète Daniel avait eu une vision sur le déroulement de l'histoire : après la succession des gigantesques puissances qui se seront disputées la maîtrise du monde par l'usage d'une violence féroce où seule règne la loi de la jungle (le plus fort écrase le petit), surviendra pour finir un « Fils d'homme » à qui Dieu remettra la royauté universelle : « Avec les nuées du ciel vient comme un Fils d'homme : il arrive jusqu'au Vieillard (figure symbolique de Dieu). Et il lui est donné souveraineté, gloire et royauté ; tous les peuples le serviront. Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas et sa royauté ne sera jamais détruite » (Dn 7,13).
Jésus affirme que s'il est venu sur terre en condition humble et vulnérable, il est bien ce mystérieux personnage. Lors des tentations dans le désert, il a refusé la royauté universelle que satan lui présentait s'il utilisait, comme lui, le mensonge, la ruse et la violence. Il a payé ce refus de sa vie, mais la croix va devenir son trône ; ressuscité, il recevra de son Père toute puissance (28, 18) et un jour, il viendra dans la Gloire de Dieu.
Dans l'intervalle entre les deux venues, Jésus ne promet pas aux siens une existence facile : ils subiront guerres, épidémies et même persécutions (24, 7-10) mais qu'ils gardent l'espérance. Un monde où les corrompus amassent des fortunes et affament leurs frères, où les pervers torturent les petits, où les orgueilleux sèment la ruine, ne peut subsister. Sinon le mal serait dieu.

Est-ce vrai ? Un condamné qui sera juge ? Un crucifié qui sera vivant ? L'amour qui l'emportera sur la méchanceté et la haine ? Beaucoup achoppent sur la promesse de Jésus : n'est-ce pas qu'un rêve pour nous consoler ? Car on ne voit rien venir. Dans l'incertitude, ne vaut-il pas mieux vivre comme les autres, profiter des opportunités qui se présentent, croquer aux fruits des plaisirs, « cueillir dès aujourd'hui les roses de la vie », faire preuve de force et d'intransigeance ?
Pour nous mettre en garde, Jésus fait appel au vieux mythe de Noé : beaucoup, occupés de l'immédiat, ne perçoivent pas les dangers qui menacent, oublient qu'ils vivent sur une terre fragile, s'étourdissent dans les divertissements. On se moquait de Noé qui préparait un avenir pour les siens, on ricanait sur Jésus, l'utopiste fiché sur une croix qui démentait tout ce qu'il avait annoncé, on se gaussait des apôtres qui prévoyaient la ruine de l'Empire romain, on ridiculise encore les prophètes qui alertent sur le péril des déséquilibres du monde.

LE JUGEMENT

« Un pris, l'autre laissé... » : paroles mystérieuses. Le Fils de l'homme sera juge : cette perspective suscite la peur, l'angoisse, elle a inspiré les images affreuses des damnés rôtissant en enfer. Pourtant Jésus est sobre, il explique peu l'état final. Un jour, dit-il, il y aura jugement en toute justice. Car le Fils de l'homme n'a rien d'un Dieu impitoyable qui comptabilise les fautes, il ne se prononce pas sur des rumeurs, il sait la faiblesse des hommes, il pénètre au plus profond de notre vérité, si déformée à la vue extérieure, il nous perce avec plus de lucidité que nous ne nous jugeons nous-mêmes. Il ne se confond pas avec notre conscience scrupuleuse ou laxiste.
Et puis il est le Seigneur de Zachée le voleur, du bon larron le violent, de Pierre le renégat, des apôtres les lâches. Il réalise ce qui nous paraît toujours incompatibles : l'union de la justice et de la miséricorde. Tout n'est pas recevable mais tout peut se comprendre. Personne ne fut jamais et ne sera jamais pur de tout péché. Nous ne nous fions pas à nos ½uvres mais à notre foi.
L'annonce du jugement demeure une bonne nouvelle.

LA VIGILANCE INDISPENSABLE

« Veillez donc, car vous ne connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra. Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n'aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c'est à l'heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'homme viendra ».
Le Jour de l'avènement échappera toujours à toute prévision et tout calcul. Il ne se fixe pas sur une date précise du calendrier mondial puisqu'il s'étend du jour de la Résurrection de Jésus jusqu'à son retour glorieux. C'est pourquoi notre travail de conversion ne doit pas être remis à plus tard : puisque le jour peut survenir demain, c'est chaque « aujourd'hui » qui est le moment d'une lutte urgente, d'un changement nécessaire, d'une confiance sans limites.
Nous devons veiller avec la plus grande attention sur notre foi : autour de nous et même en nous, des forces agissent pour dissoudre nos certitudes, torpiller nos résolutions, instiller le scepticisme. Par millions, des baptisés des pays occidentaux se sont laissé voler « le trésor de la foi ».  S'il est prévenu, le propriétaire ne va pas dormir : comme lui, nous sommes prévenus. Non pour nous ronger de remords, ni pour vivre dans l'appréhension, ni pour nous raidir dans une piété morose, ni pour nous détourner de toute joie. Mais pour être éveillés sur l'enjeu réel de l'existence, sur les valeurs à défendre, sur le mal à combattre. « Vigilance » : ultime recommandation du Seigneur.

L'AVENT NOUS GARDE ... EN EVEIL

Sur le seuil de l'année nouvelle, nous voilà bien équipés. Sachant vers qui nous allons, sûrs qu'un nouveau monde de justice et de paix viendra, mis en garde contre les dangers, instruits de l'attitude à garder, nous pouvons entrer en AVENT.
Au c½ur d'une humanité menacée par des périls mortels (nucléaire, pollution, drogues, réchauffement climatique...), les disciples de Jésus partent en avent / en avant. Commencer une nouvelle année aujourd'hui symbolise notre fonction essentielle : nous sommes comme les éclaireurs, les estafettes que le Seigneur envoie pour précéder et entraîner leurs frères. L'AVENT  nous garde dans l'éveil.
Notre attente n'est pas celle d'un père Noël rondouillard qui n'appelle qu'à la consommation et à l'ivresse mais celle de la Gloire du Fils de l'homme qui vient glorifier les pauvres que nous sommes.
Et si le Jour final reste à jamais inconnu, le dimanche avec l'Eucharistie est chaque fois « le Jour » où le Seigneur vient à notre rencontre pour nous rassembler (24, 31) dans le partage de son amour. Il a créé son Arche, l'Eglise, dont le mat est sa Croix et où tout homme est invité à entrer. Quelle que soit la violence des tempêtes, les portes en restent ouvertes pour que nous ne restions pas figés dans la piété des « bons pratiquants préservés» mais pour que, inlassablement, nous tendions la main à nos frères et s½urs perdus qui se débattent dans les malheurs du temps.
-----------   Ainsi la Parole de Dieu n'est pas un v½u illusoire mais la certitude d'une ANNEE qui sera BONNE  parce que vécue dans la confiance de la foi et la dynamique de l'espérance.

1er dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

De qui Baden Powell s'est-il inspiré pour mettre sur pieds cette merveilleuse école de vie qu'est le scoutisme ?  A la lecture de l'évangile de ce jour, nous pouvons aisément conclure qu'un de ses inspirateurs fut Jésus.  Je me rappelle, quand j'étais chef de troupe, lors des rassemblements, lorsque je criais « scouts, scouts toujours », la troupe d'un seul ch½ur répondait « prêts ».  Tout comme dans l'évangile lorsque le Christ nous dit : « Tenez-vous donc prêts, vous aussi ».  Les scouts étaient donc prêts et nous avons, à notre tour, à être prêts.  Mais prêts pour quoi faire, sommes-nous en droit de nous demander ? Pour veiller, tout simplement.
Tel est le sens même de ce temps d'Avent que nous nous offrons chaque année.  Prendre le temps de se rappeler à quel point, il est important de veiller au c½ur de notre monde.  A la lecture de l'évangile que nous venons d'entendre, nous pourrions craindre les signes apocalyptiques annoncés.  Ces mots ne concernent pas le futur de l'humanité.  Il s'agit bien du monde dans lequel nous vivons ; là où nous sommes encore et toujours confronté tout à la fois à l'injustice de la vie et au sentiment d'un silence de Dieu.  C'est pourquoi, veiller ne signifie nullement se reposer, s'arrêter pour ne plus rien faire et attendre.  Lorsque les scouts se disent prêts, ils sont prêts à vivre pleinement les activités qui vont leur être proposées.  Nous aussi nous avons à être prêts, c'est-à-dire à accepter de vivre pleinement notre vie.  Nous sommes ici sur terre pour aimer et être aimés.  Nous avons comme vocation de nous entraider, de nous soutenir puisque nous sommes Dieu à l'½uvre dans notre monde.  C'est à chacune et chacun de nous, avec nos personnalités respectives et avec les dons reçus que nous sommes invités à donner une autre tonalité à la vie.  Veiller, c'est donc bien vivre, mais vivre différemment car nous inscrivons nos vies dans les traces laissées par le Fils de Dieu lors de son incarnation parmi nous.  La tâche divine qui nous est confiée est heureusement pour nous des plus simples.  Il nous suffit de s'aimer et de semer ou mieux encore de s'aimer en semant et de semer en s'aimant.  Il ne s'agit pas d'une simple poésie de vie.  Il y va de notre destinée, de la raison même de notre propre humanité. Dieu attend de tout un chacun qu'il sème en aimant ou qu'il aime en semant.  Voilà, ce à quoi nous sommes conviés : devenir des semeurs d'amour qui n'arrêtent jamais de semer et d'aimer.  Notre vocation est de semer et il nous arrivera parfois d'avoir le privilège de récolter un peu de ce que nous aurons semé.  L'essentiel est de semer dans l'amour puis de laisser l'Esprit de Dieu faire son ½uvre.  Nous n'avons pas la responsabilité de la manière dont nos semailles vont prendre dans la terre du c½ur de l'autre.  Cela lui appartient.  Sinon, nous deviendrions d'horribles beaux-pères et belles-mères acariâtres car les jeunes pousses n'iront peut-être pas dans la direction que nous avions envisagée.  Le semeur est plutôt un beau-papa ou une belle maman qui se réjouit d'avoir vécu ce privilège de pouvoir semer dans le temps d'une rencontre en vérité, dans la richesse d'une attention partagée, dans la tendresse d'un regard croisé, dans la finesse d'une interpellation méditée.  Le semeur sème en toute confiance et puis, il se retire pour laisser à l'autre tout l'espace dont il a besoin pour que puisse laisser grandir en lui, en elle, ce qui a, un jour, été semé.  Cette veille est pour nous une occasion unique de toujours garder l'espérance d'un monde où il peut faire bon vivre lorsque nous choisissons d'y apporter notre propre contribution.  Nous sommes des semeurs d'humanité mais également des semeurs de divinité.  Dans un monde occidental qui se sécularise de plus en plus, Dieu attend de nous que nous continuions à être des êtres toujours prêts, c'est-à-dire des êtres contagieux de cette divinité qui a choisi d'inhabiter au plus intime de nous-mêmes.  Ne craignons pas, par nos attitudes et par nos paroles, de poursuivre notre tâche de semeurs en annonçant ce Dieu qui vient à nous, ce Dieu qui est avec nous, ce Dieu qui est en nous.  Des semeurs par contagion, voilà ce à quoi nous sommes appelés en ce temps d'Avent.  Veillons et soyons toujours prêts, non pour nous-mêmes mais surtout pour faire advenir le plus beau des royaumes, celui de ce Dieu qui se révélera à nous d'ici quelques semaines dans le corps d'un nouveau-né.
Amen

 

1er dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Charles Dominique
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2013-2014

Nos trois années liturgiques commencent chacune par la lecture d'un passage de la fin de l'évangile qui la caractérise. En cette année « A » qui commence, c'est un passage du dernier discours de Jésus dans l'évangile de Matthieu au chapitre 24. Commencer par la fin, voilà qui n'est pas banal ! Ouvrir l'année par un enseignement de Jésus qui annonce sa venue à la fin des temps et qui nous invite à la vigilance afin d'être prêts à l'accueillir à tout moment : « Tenez-vous donc prêts, c'est à l'heure où vous n'y pensez pas que le Fils de l'homme viendra ! »

C'est que le temps de l'Avent est à la fois le temps du commencement et celui de la fin. Depuis la naissance de Jésus, nous sommes dans le temps de la fin car, comme le dira Jésus en croix : « tout est accompli ». La manière chrétienne de vivre consiste à recueillir les fruits de ce qui s'est accompli jadis, au temps de Jésus, et de vivre chaque jour dans l'espérance de sa venue. En effet, notre existence ne trouve son véritable sens que si elle est à la fois enracinée dans cette venue que nous célébrerons à Noël et aimantée par sa venue toujours imminente.

Or, bien souvent, nous ne sommes pas dans le présent ; nous rêvons au passé que nous regrettons ou nous faisons des projets pour un demain qui n'existe pas encore. Or, c'est au présent que tout se joue, parce que Dieu est toujours présent. Nous ne devrions jamais oublier cela.

Dans moins de quatre semaines, nous serons donc à Noël, et nous célébrerons dans la joie des « gloria » ce mystérieux événement de la naissance de Dieu dans l'humanité. Cette naissance a très secrètement bouleversé le cours de l'histoire humaine. Car Celui qui est né de Marie, c'est l'Emmanuel, Dieu « en personne » qui a décidé de venir pour être avec nous, pour habiter quotidiennement au c½ur de nos histoires, jusqu'à la fin des temps (cf. Mt 28,20).

C'est souvent dans l'épreuve qu'on découvre en soi la force inouïe de l'espérance. Croire, c'est découvrir en soi, comme Abraham, la force divine d'« espérer contre toute espérance » (Rm 4,18). Il y a tant de souffrances, tant de drames et de larmes sur notre terre : pensons à nos frères des Philippines, de Syrie et de Centrafrique. Il y a trop de lieux sur la terre, où des hommes, des femmes et des enfants vivent en enfer ! La question de l'espérance est vitale surtout pour eux, qui tiennent malgré tout, dans des difficultés terribles. Prions pour qu'ils gardent l'espérance.

La venue de Jésus nous a donné la certitude que l'enfer passera. Nous avons cette folle espérance que le mal n'aura pas le dernier mot en ce monde, parce que Dieu a décidé de l'habiter et qu'il s'est fait proche de ceux qui sont perdus, comme Jésus crucifié au milieu des larrons.

La force du chrétien réside donc dans l'espérance qui l'habite ! Sa force est de croire que la nouveauté promise s'est infiltrée en profondeur en ce monde et que la nuit ne l'emportera jamais sur le jour. Notre vie ne s'arrête pas à ce que nous en percevons. Elle a une dimension cachée, secrète et subversive. L'espérance habite au fond de notre c½ur, même et surtout quand les choses tournent mal. Ainsi, quand la ville de Jérusalem est assiégée par les armées assyriennes, le prophète Isaïe annonce que Dieu va libérer son peuple et réunir toutes les nations sur sa montagne sainte, à Jérusalem (1ère lecture). Au moment où les armes menacent de tuer, il a l'audace de faire cette annonce : « Des épées, on forgera des socs de charrue, des lances, on fera des faucilles. On ne lèvera plus l'épée nation contre nation. On ne s'entraînera plus à faire la guerre. » C'est l'espérance qui donne cette audace au prophète Isaïe ; il sait que Dieu va venir sauver ce monde de ses guerres fratricides. Qui d'autre que Dieu pourrait réaliser cela ?

La période de l'Avent est le temps de l'incroyable et tellement nécessaire espérance ! Laissons renaître en nous la confiance en Celui qui a promis de venir et qui vient. Un avenir heureux se prépare. Il est déjà semé au c½ur de ce monde de violences et d'injustices. Cela est si nécessaire pour tous ceux qui sont dans l'angoisse et qui souffrent...

L'Avent c'est le temps de la renaissance (de la résurrection) de l'espérance pour toute l'Église qui se prépare à accueillir Celui qui peut réaliser ce que nous n'arrivons pas à réaliser. Il y a, enfouie dans l'aujourd'hui de nos vies, une attente cachée, une promesse d'avenir : Dieu vient et, en secret, il sème sa Présence en ce monde !

Sortons de notre sommeil, cessons de vivre en oubliant Celui qui habite nos c½urs et qui frappe à notre porte. Ouvrons notre porte ! Cessons de vivre en oubliant tous ceux qui nous entourent et qui ont peut-être besoin de notre espérance. Soyons prêts pour accueillir Celui qui vient en accueillant tous ceux qui nous entourent.

« Marchons à la lumière du Seigneur » comme nous y invitait Isaïe car nous sommes sûrs que « le Fils de l'homme viendra ». Il vient faire sa crèche en chacun de nous. Angélus Silésius, disciple de Maître Eckhart, a cette belle formule :

Christ serait-il né mille fois à Bethléem,
S'il n'est pas né en toi, tu es perdu à jamais.

Préparons donc nos c½urs pour l'accueillir. Qu'il vienne naître en nous ! Que chacun de nos c½urs devienne une crèche où Dieu vient sommeiller. Il a décidé de naître partout où il est attendu et accueilli. Viendra-t-il chez nous ? N'allons pas simplement voir la crèche en curieux sur la grand place... Préparons en nous cette crèche !

34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Tout dans cet Evangile n'est que dérision. Les chefs et les soldats se moquent de Jésus, c'est-à-dire que les Juifs comme les envahisseurs se moquent de lui.  C'est toute la terre qui est ainsi symbolisée.  Le monde entier se moque de Dieu, hier comme aujourd'hui.  Et pis encore : sur la croix, il y a cette inscription : « celui-ci est le roi des Juifs ».  Quelle moquerie cruelle ! Non seulement on se moque de lui, mais on raille la raison même de sa condamnation.  Tout le monde peut le voir, c'est un fou, un idiot, regardez ce qu'il est devenu.  Il croyait être roi, il n'est plus qu'un morceau de viande, pendu à la croix.
Et c'est là la question cruelle que tous nous nous posons : où est-il ce Dieu ? Où était-il quand mes parents, mes enfants ont divorcé ? Où était-il quand j'étais à l'hôpital, déchiré par la douleur, épuisé par les traitements ? Où était-il quand la tempête ravage un pays, quand tant de gens vivent dans la précarité ?
Mais la première question qui devrait être posée ne devrait-elle pas être : où étais-je quand la misère frappe mon voisin ? Où étais-je quand mes enfants se déchiraient ? Où étais-je quand mes parents étaient à l'hôpital ? Certes, nous avons fait et nous faisons ce que nous pouvons et pourtant le drame de la souffrance, de la séparation et de la mort frappe encore et toujours nos proches comme chacun d'entre nous.  Et Dieu, malgré toutes nos trahisons et nos petites mesquineries, recommence son histoire d'amour avec chacun d'entre nous.  Le visage ensanglanté, il nous offre son sourire.  Telle une femme trompée par son mari, il est prêt à tout recommencer si nous sommes prêts à le suivre et à l'écouter.
Oui, me direz-vous, mais cela n'apporte pas de solution à la souffrance et à la mort.  Non, certes, mais si le véritable bonheur, c'est de ne pas être malade et de ne pas mourir, pourquoi le Christ a-t-il volontairement accepté la trahison de ses amis, la souffrance de la croix et la mort solitaire ? C'est que sans doute le vrai bonheur ne repose pas dans l'absence de souffrances, mais dans le don de soi même dans la souffrance. Et se donner, c'est toujours souffrir.  Car l'autre que j'aime, que ce soit une femme ou un homme ou même Dieu, l'autre est tellement différent de ce que je croyais.  C'est crucifiant d'aimer un autre, parce que ce n'est jamais comme on pense, comme on l'avait espéré.  Alors on peut rester sur la croix de ses déceptions ou jaillir dans la lumière d'une nouvelle vie, d'un nouvel amour, de la résurrection. 
Célébrer le Christ-Roi de l'univers, ce n'est pas célébrer le grand ingénieur, maître de tous les éléments du monde et de l'histoire, maître du soleil et de la pluie, maître des peuples et des nations.  Célébrer le Christ-Roi de l'univers, c'est célébrer le Christ victorieux de toutes les défaites, de toutes les humiliations, de tous les échecs.  Car si Jésus a été capable de dépasser tout cela, c'est parce qu'il se savait infiniment aimé par son Père et que porté par son amour il était prêt à affronter les méchancetés et les trahisons de tous les hommes, fussent-ils Juifs ou non-Juifs. 
En cette fête du Christ-Roi de l'univers, reconnaissons avec admiration le bonheur d'être aimé par celui que rien n'a pu rebuter et qui toujours a triomphé de la rancune, de la déception pour nous offrir un amour toujours plus grand.

34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

« FORT COMME LA MORT EST L'AMOUR »
(Cantique des Cantiques 8, 6)

Afin de choquer, bouleverser, émouvoir, la presse à sensation aurait rapporté la crucifixion de Jésus avec force détails - hurlements,  claquements de fouet, coups de marteau, giclements de sang, visages tordus de haine...Tout au contraire les évangélistes, au risque de gommer l'horreur et le paroxysme des souffrances endurées par Jésus, écrivent des récits très sobres : ainsi Luc note : « Arrivés au lieu dit du Crâne ils le  crucifièrent avec les deux malfaiteurs ».
En effet ce qu'il importe de communiquer, c'est le SENS qui a jailli de cet événement que les disciples ont d'abord vécu comme une horreur, un échec radical, une mort insensée. L'essentiel n'est pas de faire pleurer le lecteur, mais l'exhorter à CROIRE, à découvrir la lumière qui a jailli de ces ténèbres : la crucifixion de Jésus n'est rien moins que son couronnement, son intronisation comme MESSIE ROI. Après avoir été d'abord révulsé par ce fait, saint Paul écrira fièrement : « Nous prêchons un messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Cor 1, 23). Au c½ur d'une histoire qui est un gigantesque affrontement de puissances qui cherchent à régner par la force, Jésus crucifié est le vrai ROI que notre haine a écrasé mais qui nous sauve par son amour ensanglanté. La force veut sauver et elle tue ; Jésus est tué et il sauve.
En ce dernier dimanche de l'année liturgique, l'Eglise nous appelle à confesser : «  Pour moi, jamais d'autre titre de gloire que la CROIX de notre Seigneur Jésus Christ » (Gal 6, 14).  - - -   Lisons le texte du jour :

On venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à regarder.

Ces hommes, espèrent-ils un miracle de dernière minute, une manifestation de puissance ? Pendant les jours précédents, « le peuple, suspendu à ses lèvres, écoutait » Jésus prêchant sur l'esplanade du temple (19, 48 ; 21, 38) mais lorsque le mécanisme de l'arrestation s'est enclenché, personne n'a réagi pour défendre son innocence et rappeler ses bienfaits et ses guérisons. A présent, au Golgotha, « le peuple regarde ». Et lorsque Jésus sera mort, « les gens s'en iront en se frappant la poitrine » (23, 48) c.à.d. en montrant les premiers signes de conversion.
C'est la croix seule qui signe la vérité de la Parole et qui éveille le repentir authentique.
Mais où sont les apôtres choisis par Jésus, qui le suivaient depuis la Galilée, qui voyaient ses miracles, qui l'écoutaient, qui l'acclamaient lors de sa joyeuse entrée ? Ils ont disparu, terrés quelque part, figés de peur. Seuls, jusqu'à la fin, quelques familiers de Jésus et les femmes regardent  (23, 49).
Il en va encore ainsi de nous : le chrétien écoute l'Evangile puis il contemple longuement la croix. Alors il peut manger le Pain du Ressuscité, parler de sa foi et témoigner de la joie pascale.

Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » --  Les soldats aussi se moquaient de lui. S'approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée, ils lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
------ Une inscription était placée au-dessus de sa tête : « Celui-ci est le roi des Juifs. »
L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! »
Si les croyants se taisent, les ennemis, eux, se déchaînent ; comme cela est odieux de ricaner devant un homme en train de mourir ! Et comme cette dérision doit ajouter aux souffrances de Jésus ! « On dit qu'il a sauvé des malades et voilà maintenant qu'il est incapable d'échapper à son destin ! ». Or Jésus n'échappe pas à sa vocation, au contraire il l'accomplit jusqu'au bout ; il ne refuse pas la mort, il la traverse pour la vaincre. Ainsi devient-il Roi. Le psaume du juste souffrant se réalise :
« Je suis un ver, non plus un homme, injurié par les gens, rejeté par le peuple.
Tous ceux qui me voient me raillent, ils ricanent et hochent la tête :
« Tourne-toi vers Dieu : qu'il te libère, qu'il te délivre - puisqu'il l'aime ! ».
Ils m'ont percé les mains et les pieds, je peux compter tous mes os.
Des gens me voient, me regardent ; Ils se partagent mes vêtements et tirent au sort mes habits...
Mais toi, Seigneur ne sois pas loin ! A l'aide ! Fais vite !
Et tu m'as répondu ! Je redirai ton Nom à mes frères, je te louerai dans la grande assemblée »
Jésus termine sa vie comme il l'a commencée : comme cible de la triple tentation. Au désert, après son baptême, le satan lui soufflait : « S'il est vrai que tu es le Fils de Dieu, transforme les pierres en pains, jette-toi du haut du temple, conquiers le monde ». Jésus avait refusé d'utiliser sa puissance filiale à son profit et satan « s'était écarté jusqu'au moment fixé » (4, 13). Ce moment est venu de la tentation exacerbée. Mais Jésus résiste : on ne sauve pas l'humanité par des miracles qui subjuguent la liberté d'autrui mais par l'amour qui va jusqu'au bout, la mort. En refusant de descendre de la croix et en appelant les hommes à le suivre jusque là, Jésus devient la plus grande puissance pour sortir l'humanité de sa haine et de sa boue et pour la faire monter vers Dieu.
Les Romains ne comprenaient pas le mot juif de « messie » et ils l'interprétaient comme chef politique - d'où l'écriteau imposé par Pilate, et que Luc a eu soin de placer en plein milieu de son récit : Jésus est crucifié pour s'être présenté comme un révolutionnaire, un chef qui voulait rétablir l'indépendance d'Israël. Mais de fait il devient ROI de l'humanité et jusqu'à la fin des temps: vêtu de pourpre (son sang), couronné (d'épines), contemplé (par le peuple), affiché (par l'écriteau), dressé sur son trône (la croix).

LE PREMIER SAINT AU PARADIS

Mais l'autre lui fit de vifs reproches : « Tu n'as donc aucune crainte de Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c'est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n'a rien fait de mal. ».Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. »
Jésus lui répondit : « Amen, je te le déclare : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Les deux malfaiteurs devaient être des résistants, partisans de la lutte armée, et qu'on appellera bientôt des sicaires, des zélotes. De part et d'autre de Jésus, ils représentent les deux attitudes antagonistes devant la mort : celle de la révolte et celle de l'espérance. Le second admet son sort de combattant : ayant opté pour la violence, il est exécuté par la violence. Mais il comprend que Jésus est victime innocente de l'injustice et il semble croire qu'il est le messie, injustement mis à mort, mais qui, à la fin du monde, viendra instaurer son règne.
Non seulement Jésus confirme solennellement sa foi (« amen ... ») mais il l'assure que ce Règne messianique commence aujourd'hui. En ne voulant pas que Jésus le préserve de la mort, mais en croyant qu'il va mourir pour lui, le pauvre malfaiteur accède au bonheur éternel qu'évoquait la Bible à sa première page : ce paradis, ce jardin où l'arbre de Vie, enfin retrouvé, est l'arbre de la croix.

Qu'est « le paradis » ? Rien d'autre qu' « être avec Jésus ». Dans son discours d'adieu, Jésus consolait les siens : « Je vais vous préparer une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si bien que là où je suis, vous serez  vous aussi » (Jn 14, 1-3). Quand les premiers chrétiens s'interrogeaient déjà sur le sort des défunts, Paul, dans sa première lettre, disait l'essentiel : « ...Et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur » (1 Thess 4, 17). Plus tard, dans son cachot, pressentant son exécution, il écrivait : « Pour moi, vivre c'est le Christ et mourir m'est un gain...J'ai le désir de m'en aller et d'être avec Christ » (Phil 1, 21).
Il est enfantin d'imaginer un lieu de délices : ce serait un retour au sein maternel. L'essentiel qui seul comble, c'est la communion : « être avec le Seigneur Jésus ».
Nous terminons l'année dans la joie avec cette espérance à vivre et cette foi à proclamer :
JESUS SEUL SEIGNEUR

33e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Frères et soeurs,?

Chaque fin d'année liturgique, les lectures évoquent la fin des?temps dans un langage --il faut bien l'avouer-- fort peu rassurant.?Nous sommes bien loin d'un happy end! Et voilà que surgit cette?question lancinante: face à la maladie, au mal qui nous malmène,?aux bouleversements de notre société, au temps qui passe et semble?effacer nos rêves, que pouvons-nous espérer honnêtement, sans?mentir à nous-mêmes? Lorsque nous sommes submergés par des?événements douloureux, comment garder vive notre espérance,?sans fuir ce monde??L'Evangile vient toujours nous offrir un sens possible. Quelle?que soit notre situation de vie, notre Dieu de patience vient sans?cesse nous convier à l'espérance. Voilà cette sagesse venue d'en haut?dont parle l'Evangile ! Sage sera alors celui qui, patiemment,?persévère à croire en l'humain, au-delà de toute peur et de toute?désespérance. Sage est celui qui ne se résigne pas face l'échec, mais?persiste à voir le temps qui passe comme un lieu d'accomplissement?possible. Pour maintenir vive cette confiance, il n'existe aucun?chemin tout tracé. D'ailleurs, à l'entame de l'Evangile, Jésus nous?met en garde contre ceux qui viendraient offrir des réponses toute?faites. Toutefois, l'Evangile nous donne deux petites clés, autant de?paroles d'encouragement offertes à celles et ceux qui veulent vivre?plus intensément leur vie. Deux clés de sagesse pour ajouter de la?vie à nos jours. Elles nous invitent à changer notre regard sur le?temps qui passe, à redécouvrir ce qu'il est pour nous réellement:?autant de moments où l'éternité de Dieu peut faire irruption.?!?Ces deux clés sont intiment liées: il s'agit de la patience et de la?persévérance. La sagesse de la patience est cette faculté de découvrir à?travers les épreuves un horizon toujours possible. Patient est celui?accepte son incomplétude, qui reconnaît que le sens lui reste voilé,?mais qui maintient vive son espérance en un dénouement heureux.?!

Le sage est celui qui voit les épreuves comme des lieux où,?à tout âge, il reste toujours possible grandir. Qui voit le temps qui?passe comme le don gratuit d'un Dieu patient, qui prend le temps?de le donner. Le temps devient ainsi le chemin que prend l'éternité?de Dieu pour nous rejoindre.?Voilà cette sagesse venue d'en-haut, et que notre monde où?tout va toujours plus vite, oublie, par peur de la mort : goûter?patiemment le temps qui passe, c'est redécouvrir que chaque instant?est un don.?Du temple, de nos structures, de ce que nous contemplons en?dehors de l'humain, il n'en restera pas pierre sur pierre. Mais en?chaque être, il y aura toujours cette lumière divine qui ne passera?pas, celle qui nous rappelle que nous sommes les pierres vivantes de?Dieu sur terre. Pour découvrir cette espérance qui veille en nous, il?nous faut cette patience tout simplement: cette clé du bien-être et la?plus grande des prières. Elle nous fait goûter à l'éternité en chaque?instant. Etre patient, c'est prendre le temps de le donner: c'est?accepter son manque, ses failles et ne pas s'y réduire. La sagesse que?Dieu vient inscrire dans nos coeurs nous invite donc à être patient?envers tout ce qu'il y a d'irrésolu dans nos vies.?!?Un malade que je visitais m'a un jour confié ceci : « Avant ma?maladie, je voulais sans cesse gagner mon temps, et j'étais impatient de?tout. Maintenant, dans cette chambre d'hôpital, je vis l'instant présent qui?m'est donné. Je suis devenu... un patient. » Voilà cette sagesse qui, à?travers l'adversité, apprivoise le temps que Dieu nous offre et rend?l'espérance toujours possible.?!?A côté de la patience, il est une deuxième clé qui nous est?offerte aujourd'hui, celle de la persévérance. Si le dicton populaire?nous dit que 'persévérer dans l'erreur est diabolique', persévérer?dans l'espérance, malgré les épreuves, nous fait toucher le coeur de?l'Evangile. En ce sens, persévérer, c'est garder le courage de vivre.?!

Persévérer consiste alors à croire en un horizon toujours?nouveau dans notre quotidien. Au jour le jour. Patiemment.?Simplement. Persévérer, c'est oser voir les inévitables difficultés?comme autant de chances de maturation, des lieux de nouveaux?commencements, d'enfantement.?!?Lorsque patience et persévérance deviennent notre prière, nous?avons là deux clés de sagesse pour ouvrir et fermer bien des portes.?Gandhi disait que la prière est la clé du matin et le verrou du soir.?Chaque matin, notre patience peut se faire prière, pour ouvrir la?porte de l'espérance, pour croire en plus d'humanité dans notre?monde blessé. Chaque soir, notre persévérance peut devenir prière,?pour fermer la porte du désespoir et de la tristesse. Patience et?persévérance, deux clés remplies de confiance en l'humain et en la?vie, que Dieu dans sa tendresse donne à chacun et chacune de?nous: deux clés de sagesse que personne ne pourra jamais nous?prendre. Amen.?!