33e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Au terme de sa longue montée, Jésus, sans illusions, est entré à Jérusalem sous les vivats de ses disciples. Sachant qu'on allait le refuser, il a éclaté en larmes sur cette ville qu'il chérissait tant : « Ah si tu avais su comment trouver la paix !...Des jours viendront où tes ennemis t'écraseront, ils ne laisseront pas pierre sur pierre parce que tu n'as pas reconnu le temps où tu as été visitée » (19, 41-44). Néanmoins, pendant plusieurs jours, sur l'esplanade du temple, il a tenté de convaincre, annonçant la Bonne Nouvelle au peuple qui l'écoutait avec joie mais devant des autorités décidées à sa perte (19, 47).
Alors, à la veille de son arrestation, au moment de quitter ce temple pour la dernière fois, Jésus va donner ses ultimes instructions. Ecoutons bien : il nous prévient de ce que nous aurons toujours à vivre.

Certains parlaient du Temple, admirant la beauté des pierres et les dons des fidèles.
Jésus leur dit : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n'en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. ». Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va se réaliser ? »
Après des dizaines d'années de travaux, l'édifice sacré était magnifique et les Juifs béaient d'admiration devant sa splendeur. Mais Jésus, en y arrivant, avait lancé : « La Maison de prière, vous en avez fait une caverne de bandits » (19, 46) et maintenant il en annonce la ruine proche. Effarés, des hommes demandent à Jésus quand cette incroyable catastrophe surviendra. 
Effectivement, si l'on refuse la libération par Jésus, par les béatitudes et la non-violence, on opte pour Barabbas et l'insurrection armée : en l'an 70 (juste 40 ans après la mort de Jésus en croix), après des combats qui firent des centaines de milliers de victimes, les armées romaines écrasèrent la révolte juive et saccagèrent Jérusalem de fond en comble. A peine achevé, le temple n'était que ruines !

1.    ATTENTION AUX FAUX MESSIES

Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom en disant : 'C'est moi', ou encore : 'Le moment est tout proche.'...... Ne marchez pas derrière eux !

Jésus ne répond pas à la question de la date : il explique aux disciples ce qui va leur arriver. En premier lieu, qu'ils ne se laissent pas prendre par tous ceux-là qui se lèveront et prétendront être, chacun, « le libérateur ». Toujours en effet, devant ce qui apparaît comme un échec de l'Evangile et devant la peur de la croix, les hommes seront tentés de mettre leur confiance dans des leaders habiles à soulever les foules, proposant des programmes plus efficaces que le christianisme. Combien de baptisés ont cru naguère en Staline, en Hitler, et aujourd'hui dans l'idéologie du profit et de l'argent roi ?
Nous sommes prévenus (et l'histoire en donne des preuves multiples) : la « marche derrière eux » est une marche à l'abîme, elle conduit droit dans le mur. Toujours.

2.    DANS UN UNIVERS INSTABLE

« Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne vous effrayez pas : il faut que cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. »
Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre, et çà et là des épidémies de peste et des famines ; des faits terrifiants surviendront, et de grands signes dans le ciel ».

A l'inverse de certains faux prophètes qui, aujourd'hui encore, voient dans la succession des catastrophes des signes de l'imminente fin du monde, Jésus ne communique pas de transe apocalyptique. Le cosmos est bouleversé par des secousses sismiques et les hommes, incurables, se jettent les uns contre les autres : que les disciples ne voient pas là des manifestations de la colère de Dieu, qu'ils luttent pour la paix, qu'ils participent à l'immense effort de l'humanité pour échapper aux désastres, arrêter les épidémies, endiguer les haines.
Surtout ne pas se résigner à une soi-disant fatalité.
3.    SOUS LES PERSECUTIONS

On portera la main sur vous et on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon Nom.
Pire encore, voici l'affreuse nouvelle: les disciples qui, joyeux, annonceront que Dieu est Amour, que Jésus a apporté l'Evangile de  la paix, qu'il suffit de nous aimer les uns les autres, ces hommes-là ne seront pas applaudis comme des héros, moqués comme des illuminés, mais bien détestés comme des gens dangereux à abattre. Pouvoir politique et même pouvoir religieux se ligueront afin d'éteindre la Bonne Nouvelle et exterminer les croyants. L'histoire de l'Eglise baigne dans un long fleuve de sang.

Ce sera pour vous l'occasion de rendre témoignage. Mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à vous soucier de votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction.
Les attaques, les haines, les tribunaux, les goulags, les camps seront les hauts lieux du témoignage chrétien. Dans cette éventualité, dit Jésus, ne préparez pas des plaidoiries bien argumentées, des homélies poignantes : croyez en moi et je vous soufflerai les mots qui laisseront vos juges sans réplique valable. Vos armes seront non l'éloquence et la bravoure mais la douceur et l'amour des ennemis. Plus tôt, Jésus disait que « l'Esprit-Saint vous enseignera à l'heure même ce qu'il faut dire » (12, 12).

Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d'entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.».
La persécution sera terrible, elle ira aux trois extrêmes :
1) l'Evangile provoquera des déchirures familiales, les uns dénonceront les autres ;
2) la haine ira parfois jusqu'à la torture et la mise à mort ; on tuera des hommes parce que chrétiens.
3) l'opposition sera générale, les disciples ne trouveront nul réconfort d'aucun côté.

« A cause de mon Nom » est répété deux fois. Ce ne sont pas tant nos liturgies, nos crédos, nos édifices, nos caractères, nos attitudes qui susciteront colère et animosité : c'est bien, derrière tout cela, le Christ lui-même qui est visé. C'est lui qui est combattu par « le prince des ténèbres » et il ne sera jamais accepté (Jean 15, 20-21). Donc plus le lien au Christ est fort, plus est grand le risque de la persécution.
Quand l'Eglise processionne dans de beaux atours, proclame des dogmes incompréhensibles et chantonne des liturgies inoffensives, elle ne gêne personne et on la laisse tranquille. Mais lorsqu'elle se réveille, cherche à tout prix à être fidèle à son Seigneur et décide de prendre l'Evangile non comme un livre de chevet pour s'endormir mais  comme son programme d'action immédiate au c½ur de la société, alors son témoignage est dénoncé comme inacceptable, impossible et elle est vilipendée et condamnée. La virulence des attaques est le test de la fidélité.

C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie ».
La parabole du semeur expliquait que si beaucoup de paroles de Jésus se perdent, « ceux qui entendent la parole dans un c½ur loyal et bon la retiennent et portent du fruit à force de persévérance » (8, 15). L'écoute de l'Evangile doit devenir appropriation, qui doit provoquer l'action, qui doit affronter la passion où il s'agit de tenir bon dans la souffrance. « Celui qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi la sauvera » (9, 24). 
Après le 1er temple de Salomon disparu en -587 puis le 2ème détruit en +70, Jésus n'a pas appelé ses disciples à lancer un nouveau programme de constructions pour édifier un 3ème.
Son corps ressuscité est ce 3ème temple (Jn 2, 21) qui, au fil des temps, agglomère les disciples et grandit sans que nulle puissance ne puisse arrêter sa croissance.
Les églises de pierres ne sont que des signes de la seule et véritable Eglise, communion du Christ vivant avec ses disciples qui tiennent à lui dans la fidélité et la persévérance.
Les églises peuvent crouler, les martyrs peuvent être abattus : le Corps du Ressuscité est éternel.

32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013


La semaine passée, à la fin de notre célébration dominicale, l'une d'entre vous était venue me demander pourquoi dans le credo il est écrit que « Jésus est descendu aux enfers ».  Jésus est-il allé en Enfer, s'interrogea-t-elle ?  Comme quoi, les gens réfléchissent quand ils viennent à la messe.  Entre deux poignées de mains, et donc en quelques secondes, je me suis permis de balbutier la réponse suivante : Il y a bien une différence entre les enfers et l'Enfer.  Tout d'abord, l'expression « les enfers » signifie le séjour des morts.  Il ne s'agit pas de l'Enfer à proprement parlé et qui serait le pendant du Paradis.  Celui dont une blague raconte que l'on y attend Lakshmi Mittal pour qu'il aille y éteindre tous les fours. L'enfer et les enfers décrivent deux réalités bien différentes.  Et il en va de même aujourd'hui avec ce questionnement des Sadducéens concernant la résurrection.  Il est vrai qu'ils n'y croyaient pas tellement l'idée était récente dans la culture de l'époque.  Toutefois, nous ne sommes plus dans la thématique de l'Enfer et des enfers mais plutôt dans celle de la mort et des morts.
En effet, actuellement, lorsque nous faisons l'expérience de la mort, celle-ci est toujours la mort de quelqu'un d'autre.  Nous sommes incapables de savoir ce qu'ils vivent, ce qu'ils ressentent à ce moment-là puisqu'ils viennent de nous quitter.  Et nous ne pouvons plus communiquer entre nous.  Malgré le fait que nous ne savons pas réellement ce qu'elle représente dans le concret, la mort nous touchera d'autant plus lorsqu'elle frappe nos proches.  Ces derniers quant à eux font vraiment l'expérience de leur propre mort tandis que nous de notre côté, nous vivons leur départ, leur absence, l'apprentissage d'une nouvelle présence.  Un vide s'installe entre nous.  Nous n'avons que l'espérance qu'ils poursuivent leur vie mais autrement.  Dès lors, nous devons bien admettre que nous ne ferons l'expérience de notre mort que dans l'instant précis où nous la vivrons et c'est sans doute la raison pour laquelle il est si difficile d'en parler puisque nous n'en savons rien par définition.  Et le seul qui l'a vécue sur le bois de la croix, ne nous en a rien dit lorsqu'il est ressuscité au matin de Pâques.  Dans la foi, parce que nous croyons que la résurrection nous est promise et qu'elle agit déjà en chacune et chacun de nous, la mort est un instant que nous traverserons pour nous conduire de la vie terrestre à la vie éternelle.  Nous entrons dans une nouvelle lumière, celle de Dieu.  Nous serons dans un nouvel état où nos contingences sociales, familiales n'auront plus de raison d'être.  Toutefois, nous ne vivons pas cette traversée sans rien.  Nous emportons avec nous comme seul bagage, tout l'amour que nous avons donné et reçu au cours de notre pèlerinage terrestre.  L'amour est à la fois le combustible dont nous avons toutes et tous tant besoin et il est ce qui nous transforme tout au long de nos vies.  Et c'est justement cet amour qui nous fait prendre conscience qu'il y a une différence entre la mort qui reste un mystère et les morts que nous avons aimé sur cette terre. Pour beaucoup, nous n'aimons pas la mort car elle nous sépare, nous conduit vers un ailleurs indicible.  Par contre, nous continuons d'aimer nos morts parce qu'ils poursuivent leur accompagnement dans nos vies.  Ils vivent en nous, dans notre c½ur, dans ce temple intérieur de nos souvenirs.  Le c½ur est l'endroit privilégié où vivent nos morts.  Il est une forme de cimetière chaleureux où celles et ceux qui nous ont quitté parfois bien trop tôt, reposent en paix en nous.  Ils nous reviennent en mémoire lors d'une pensée, d'un rappel de ce qu'ils ont pu dire ou faire.  Nous veillons sur leur mémoire comme nous espérons qu'ils veillent sur nous de là où ils sont.  Mieux encore, ils nous enveloppent de leur nouvelle présence.  Ils sont nos étoiles qui poursuivent l'éclairage de nos routes humaines par tout ce qu'ils nous ont laissé dans notre souvenir.  C'est par l'amour et dans l'amour que nous continuons à être reliés les uns aux autres.  Il nous suffit de ne jamais les oublier et d'oser croire qu'ils sont devenus les grands vivants de notre humanité.  En effet, nous dit saint Luc dans l'évangile de ce jour, « Notre Dieu n'est pas le Dieu des morts mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui ».  Y a-t-il plus belle espérance que cette promesse qui nous est faite ?  Poursuivons alors tout en confiance notre chemin terrestre puisqu'un jour il deviendra céleste et cette fois, pour l'éternité.

Amen

32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

LA RÉSURRECTION EXIGÉE PAR LA JUSTICE

Nous étions à Jéricho, ultime étape de la montée de Jésus vers Jérusalem. Luc raconte ensuite son entrée sur un ânon et son intrusion dans le temple dont il chasse les vendeurs. La Pâque approche et les pèlerins affluent dans la capitale : l'ambiance monte. Pendant ces quelques jours, Jésus s'installe sur l'esplanade et « il enseigne ». Excédés, des membres du grand Sanhédrin voudraient le supprimer mais n'en trouvent pas le moyen car « tout le peuple, suspendu à ses lèvres, l'écoutait » (19, 47-48).
A trois reprises, ces autorités vont tenter de prendre Jésus en défaut :
- d'abord on le somme de se justifier : « En vertu de quelle autorité fais-tu cela ? ». Jésus répond par la parabole de la vigne où il se compare « au fils bien-aimé » du Maître qui est tué par les vignerons (20, 1-19)
- puis on  l'interroge sur le problème épineux de l'impôt à l'Empereur. Jésus répond par une déclaration célèbre : «  Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (20, 20-26).
- enfin des sadducéens le questionnent sur la résurrection : c'est l'évangile de ce dimanche (20, 27-39).
L'enseignement de Jésus sur ces 3 points revêt donc une importance capitale puisqu'il révèle ses convictions profondes à l'approche de son exécution :
-il est conscient de sa dignité de Fils et du destin de mort qui l'attend dans les prochains jours
-il ne vient pas comme un Messie politique pour susciter une révolution armée.
-il croit à la résurrection (déjà affirmée en 14, 14)

LA FOI EN LA RESURRECTION


Pendant tous les premiers siècles de son existence, Israël était convaincu que la mort est bien la fin de la vie. Les défunts divaguent comme des ombres inconsistantes dans un lieu souterrain qu'on appelle « le shéol » où il n'y a plus sentiments ni relations mais grisaille informe et sinistre, quelque chose qu'on ne peut vraiment appeler « vie ».
En 167 avant notre ère, l'empereur syrien Antiochus Epiphane, dans le but d'unifier tous ses peuples sous une même religion, décida d'éliminer la particularité juive. La révolte, conduite par Judas Maccabée, conduisit à un certain succès mais il y eut beaucoup de morts. C'est alors que l'interrogation sur le sort des défunts devint plus aigüe : est-il possible que Dieu réserve le même sort aux justes qui ont donné leur vie pour lui et aux impies ? Un livre paru sous le nom de Daniel évoqua alors le jugement dernier :
: «Ce sera un temps d'angoisse tel qu'il n'en est jamais parvenu...En ce temps-là, ton peuple en réchappera, quiconque se trouvera inscrit dans le Livre. Beaucoup de ceux qui dorment dans le sol poussiéreux se réveilleront, ceux-ci pour la vie éternelle, ceux-là pour l'opprobre, l'horreur éternelle. Et les gens sages resplendiront comme la splendeur du firmament... » (Dn 12, 1-3).
Le récit du martyre des 7 frères - sans doute enjolivé par la légende - manifesta la foi nouvelle. Refusant les m½urs païennes, au moment d'être exécutés, ils professent: «  Scélérat, tu nous exclus de la vie présente mais le Roi du monde, parce que nous serons morts pour ses lois, nous ressuscitera pour une vie éternelle » (2 Macc 7, 9). Héroïque, la maman les exhortait : « ...Le Créateur du monde qui a formé l'homme à sa naissance vous rendra, dans sa miséricorde, l'esprit et la vie parce que vous vous sacrifiez maintenant pour l'amour de ses lois » ( 2 Macc 7, 23).
Dieu est juste : il ne peut abandonner ceux qui sont morts pour lui. A partir de là, la croyance va se répandre dans le peuple, notamment sous l'influence des Pharisiens qui y croyaient absolument.

UNE FAUSSE CONCEPTION
Des sadducéens - ceux qui prétendent qu'il n'y a pas de résurrection - vinrent trouver Jésus, et ils l'interrogèrent : « Maître, Moïse nous a donné cette loi : Si un homme a un frère marié mais qui meurt sans enfant, qu'il épouse la veuve pour donner une descendance à son frère.
Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d'enfants. Finalement la femme mourut aussi. Eh bien, à la résurrection, cette femme, de qui sera-t-elle l'épouse, puisque les sept l'ont eue pour femme ? ».
Les sadducéens appartenaient à l'aristocratie sacerdotale de Jérusalem. N'acceptant comme Ecritures saintes que les 5 livres du Pentateuque (Gen, Ex, Lev, Nb, Deut), ils niaient la résurrection des morts puisqu'elle n'y était pas mentionnée. Pour se moquer de cette croyance, ils inventent un cas ridicule basé sur la loi dite du « lévirat » permettant le remariage de la veuve (Dt 25, 5 - mais qui n'était plus appliquée en ce temps-là). Jésus va répondre en deux temps.

1)   UNE RESURRECTION « SPIRITUELLE »

Jésus répond : « Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection.
La conception des sadducéens est ridicule en projetant dans l'au-delà nos conditions terrestres. Si, sur terre, le mariage permet, avec l'enfant, un certain prolongement de la vie, il n'en va plus de même après la mort. La résurrection est une re-création (il vaut mieux parler de « réanimation » de Lazare). Paul expliquera : « Ce que tu sèmes n'est pas la plante mais une graine...Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, le corps ressuscite incorruptible...éclatant de gloire...corps spirituel » (1 Cor 15, 35...)

2)   LA CERTITUDE DE LA RESURRECTION

Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur : « le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob ». Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui. »

Comme Jésus doit argumenter à partir de la Torah des sadducéens, il s'appuie sur l'épisode du buisson ardent où YHWH se manifeste à Moïse : « Je suis le Dieu de ton père, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob » (Ex 3, 6). En répétant chaque fois « Dieu de... », YHWH rappelle qu'il a fait Alliance avec chacun de ces Patriarches et que la mort ne peut anéantir cette Alliance - sinon la mort se montrerait plus forte que Dieu. L'Alliance vivifie le croyant, elle le rend participant de la Vie divine de façon définitive. Toutefois si les livres de Daniel et des Maccabées évoquaient la condamnation des impies, Jésus ici ne parle pas de leur sort. Se sont-ils rendus incapables de revenir à la Vie ?

Alors certains scribes prirent la parole pour dire : « Maître, tu as bien parlé. »
Et ils n'osaient plus l'interroger sur quoi que ce soit.
Les scribes, en majorité d'obédience pharisienne, croyaient à la résurrection : aussi sont-ils très contents de la réponse de Jésus. Plus tard, devant le Sanhédrin, le prisonnier Paul s'écriera : « Frères, je suis pharisien, fils de pharisien ; c'est pour notre espérance, la résurrection des morts, que je suis mis en jugement... ». Cette déclaration était à peine achevée qu'un conflit s'éleva entre pharisiens et sadducéens...lesquels soutiennent qu'il n'y a pas de résurrection... » (Actes 23, 6)

***   La longue hésitation de l'Ancien Testament montre combien la foi en la résurrection est difficile. Il a fallu une terrible persécution religieuse pour qu'Israël la découvre peu à peu comme exigée par la Justice de Dieu, par le prix de la vie humaine et la valeur essentielle de la Loi de Dieu, par la conception de l'unité de l'homme, corps et âme.

31e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

LE PETIT RICHE PERDU DEVIENT UN PAUVRE SAUVÉ

La montée de Jésus à Jérusalem atteint son ultime étape : ayant probablement emprunté la route de la vallée du Jourdain, il parvient à Jéricho où il va obliquer vers l'ouest et commencer l'ultime montée qui, à travers le désert, conduit à la capitale (le chemin du « bon Samaritain »).
Grande oasis sur la rive droite du fleuve, Jéricho est, dit-on, une des plus vieilles villes du monde : sise à plus de 200 mètres en-dessous du niveau de la Méditerranée, elle est célèbre pour ses lauriers- roses (Sir 24, 14), ses magnifiques palmiers et ses baumiers à la résine aromatique très recherchée.
En parvenant à Jéricho, Jésus connaît le poids de l'histoire de ce lieu : il faut l'évoquer pour comprendre l'évangile du jour car il y fait référence.
Libérés d'Egypte,  les Hébreux, après la traversée du Sinaï, parvinrent sur la rive orientale du Jourdain où leur guide, Moïse, mourut après avoir nommé son successeur, Josué - nom qui, en hébreu, s'écrit comme « Jésus » (Iéshouah)
Le premier épisode de la conquête de la terre promise est célèbre : après avoir déambulé autour de Jéricho avec l'arche d'Alliance, les prêtres lancèrent les cris des trompettes et sous les acclamations du peuple, les remparts fortifiés de la ville s'écroulèrent. Le massacre fut général sauf pour la prostituée Rahab qui avait accueilli les espions hébreux (Josué 6) : or c'est une ancêtre de Jésus (Matth 1, 5). On sait aujourd'hui qu'à cette époque, la ville n'était plus occupée ! Le récit épique, écrit des siècles plus tard, à la période perse, signifie donc que l'entrée dans le pays de Dieu ne peut être le résultat des armes et de la violence mais le fruit de la prière, de la liturgie, de la foi.
Jésus sait que c'est dans ces environs que le grand prophète Elie fut enlevé vers le ciel (2 Rois 2).
Et il ne peut manquer de se souvenir de Jean-Baptiste qui l'avait baptisé pas loin de là, dans le Jourdain en annonçant « un plus fort que moi qui vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu » (3, 16). C'est dans les parages qu'il avait affronté les tentations et avait opté pour une méthode non violente (Une colline proche s'appelle encore « le mont de la tentation »)

Ville frontière très commerciale, lieu de passage vers la Transjordanie, Jéricho est un site important pour les revenus douaniers. Rome affermait la perception annuelle des taxes au plus offrant, à charge, pour celui-ci, de récupérer la somme considérable près de ses concitoyens et voyageurs. Avec ce procédé, les « publicains », comme on les appelait, ne manquaient pas de s'octroyer de plantureux bénéfices d'où leur sinistre réputation : le peuple les assimilait aux voleurs.
Le chef des publicains s'appelle alors Zakkaï et Luc nous raconte son inoubliable histoire.

Jésus traversait la ville de Jéricho. Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d'impôts, et c'était quelqu'un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n'y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille.
Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là.
Au point de départ un homme enfermé : dans sa luxueuse demeure, sa comptabilité frauduleuse, sa passion de l'argent, sa mauvaise réputation. Les gens le détestent pour sa collaboration avec l'occupant et ses rapines ; les pharisiens se détournent de lui avec mépris ; on le catalogue comme un maudit voué à la damnation éternelle. Riche mais seul !
Or ce jour-là un brouhaha éclate dehors et Zachée sort pour voir. Une foule enthousiaste se presse pour acclamer Jésus, le prophète de Nazareth, qui vient de rendre la vue à un aveugle (18, 35) et qui se dirige vers Jérusalem : serait-il le Messie ? Va-t-il enfin nous libérer ? Zachée cherche à voir mais il est petit et se heurte à un mur de dos. Personne évidemment ne s'écarte pour lui permettre de voir. En effet celui qui cherche à voir Jésus commence d'abord par se heurter à la foule qui l'entoure, chante ses cantiques, célèbre ses liturgies sans toujours accueillir l'étranger qui voudrait comprendre.
Déçus par l'Eglise, ulcérés par le manque d'accueil, beaucoup cessent alors de chercher mais Zachée, lui, ne capitule pas. Malin, il se faufile derrière les gens, sort de la ville et grimpe sur un petit arbre : au moins là, personne ne l'empêchera de voir Jésus.

Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l'interpella : « Zachée, descends vite : aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison. » Vite, il descendit, et reçut Jésus avec joie.
Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un pécheur !! »

Zachée voulait voir mais il est vu ! Surpris et amusé par ce spectacle insolite - un monsieur bien vêtu perché dans un arbre comme un gamin -, Jésus ne passe pas, indifférent, il ne l'accable pas de reproches, ne le somme pas de se convertir, ne se met pas en colère mais l'interpelle avec douceur
« Zachée  (car l'appel est toujours personnel), descends vite (redescends sur terre, ne lambine pas, ne cherche pas de faux prétexte) : Aujourd'hui il faut (car notre rencontre scelle un désir de mon Père) que je demeure chez toi (car si tu voulais me voir, moi aussi je veux voir qui tu es) ».

Il faut imaginer la tête des gens qui voient tout à coup Jésus et ses disciples revenir avec Zachée et pénétrer dans la maison infâme de ce sale publicain : «  Comment ? Il va loger chez un pécheur ? ». « On récrimine » comme on le faisait quand Jésus allait chez Matthieu (5, 30) : quel scandale !

Que s'est-il passé à l'intérieur ? Luc n'en dit pas un mot. Madame Zachée a dû mobiliser tout le personnel pour préparer un bon repas et déjà les apôtres, qui ne mangeaient pas toujours à leur faim, se léchaient les babines. Il n'était pas question de loi, de morale, de théologie mais de commensalité, de la joie de partager ensemble un banquet. Et tout à coup (après quelques verres de vin ?), le petit homme se dresse et fait une déclaration époustouflante :
« Voilà Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens - et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois plus ».
Parce qu'il a osé inviter un groupe de pauvres chez lui, parce qu'il a constaté la joie qui animait Jésus et ses disciples, parce qu'il ne s'est pas senti jugé et menacé, le petit homme qui aimait l'argent et le luxe prend conscience qu'il servait une idole, qu'il avait fait beaucoup de tort à ses compatriotes. C'était lui le vrai aveugle qui enfin ouvrait les yeux sur la vérité de sa vie.

Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d'Abraham. En effet, le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

Comme l'ancêtre Abraham qui, en dépit de son âge, avait osé faire confiance à Dieu qui l'appelait à sortir, comme Rahab, la prostituée, qui avait cru, Zachée aujourd'hui ose croire en Jésus son sauveur.
Il cherchait « à voir qui était Jésus » : à présent en effet, il voit, il discerne en lui le Messie humble qui l'a rejoint à sa hauteur, le nouveau Josué qui ne conquiert plus une ville par les armes mais qui, par sa parole, fait s'écrouler les murs de l'avarice et de la cupidité.

Alors le petit Zachée entre dans le Royaume où il faut restituer ce que l'on a dérobé, où l'argent n'est plus l'idole meurtrière, où le puissant n'écrase plus le faible, où la joie du partage est plus forte que le plaisir du luxe, où la maison s'ouvre aux démunis, où la table devient l'autel du pardon et de l'action de grâce. Chez Luc, la conversion d'un riche est l'ultime « miracle » de Jésus, comme un point d'orgue, un sommet rare !
Jésus poursuit son chemin : comme Elie, il sait qu'à Jérusalem il sera enlevé au ciel.

Tous les Saints

Auteur: Charles Dominique
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

Dans Les frères Karamazov, Dostoïevski fait dire au starets Zozime cette phrase extraordinaire : « Frères, ne craignez pas le péché des hommes, aimez l'homme jusque dans son péché, et cet amour sera à l'image de l'amour divin. Sur la terre, il n'y en a pas de plus grand. » N'est-ce pas la Bonne Nouvelle de la foi chrétienne en résumé ? Dieu aime tellement l'homme qu'il l'aime jusque dans son péché ! Le péché n'est pas un obstacle ; en s'approchant, Dieu veut transmettre sa Sainteté.

Il n'y a en effet que Dieu qui soit Saint ! Les Juifs parlent du « Saint, béni soit-il ». On lit en Lv 11,24 (20,26) : « Vous serez saints parce que je suis Saint. » Dieu seul est Saint ! Trois fois saint, comme on le chante dans le « Sanctus », ce chant des Séraphins entendu par le prophète Isaïe (6,3), et repris dans  la liturgie céleste de l'Apocalypse (Ap 4,8) pour célébrer le « Dieu qui est, qui était et qui vient ». Dans le Temple de Jérusalem, Dieu demeurait dans le « Saint des saints » : depuis que ce Temple est détruit, les juifs religieux ne vont plus sur l'esplanade, de peur de fouler ce lieu saint.

N'est-il pas surprenant d'entendre dans l'évangile les démons appeler Jésus : « le Saint de Dieu » (Mt 1,21) ? L'homme Jésus est « Saint » parce que son humanité abrite la Présence du Saint. Selon l'Apocalypse : « Toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi car Toi seul, tu es Saint » (Ap 15,4). C'est le sens de la fête de la Toussaint que le rassemblement de l'humanité autour du Christ son Sauveur. Nous nous unissons à ceux qui nous ont précédés pour chanter la gloire du Dieu Saint.

Quand Jésus rencontre les pécheurs, les lépreux, les malades, il n'est pas contaminé par leur mal. Son contact guérit, purifie, sanctifie. Non seulement Jésus touche ceux qui sont impurs sans devenir impur mais surtout on constate que sa sainteté sanctifie ceux qui s'approchent de lui. Et quand Jésus touche les morts, ils ressuscitent. La Sainteté de Jésus donne la vie aux morts.  C'est cela qui a bouleversé ceux qui ont suivi Jésus. Sa Sainteté a sanctifié les vivants comme les morts ! La source de sanctification qui émanait de lui et qui sauvait ceux qui lui faisaient confiance, il l'a répandue sur eux et il ne cesse de la verser sur l'humanité. Car, le don du Saint Esprit, c'est Dieu qui sanctifie par sa présence tous ceux qui l'accueillent.

« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple du Saint Esprit qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ? » disait saint Paul (1 Co 6,19). La sainteté est un don gratuit de Dieu. Saint Pierre écrit : « Puisque Celui qui vous a appelés est Saint, devenez saints vous aussi dans toute votre conduite selon qu'il est écrit : Vous serez saints parce que je suis Saint ! » (1 P 1,15-16). En fêtant tous les saints, nous nous souvenons que Dieu appelle toute l'humanité à entrer dans la foule immense de ceux qui ont été sanctifiés dans le sang de Jésus. 

Les Béatitudes constituent l'idéal de vie de tous ceux qui sont animés par l'Esprit-Saint.  « Bienheureux » ceux en qui l'Esprit a agi et ceux en qui il est à l'½uvre aujourd'hui encore : les pauvres, les humbles, les affligés, les miséricordieux, les c½urs purs, les artisans de paix, tous ceux (et ils sont nombreux) qui aujourd'hui comme hier sont persécutés à cause de Jésus. Chaque Béatitude s'applique avant tout à Jésus qui les a toutes accomplies ! Pour mieux les comprendre, on peut les lire ainsi : « Bienheureux ceux qui, comme/avec Jésus sont pauvres... » Si les saints sont proclamés aujourd'hui « bienheureux », c'est parce qu'on trouve certaines ressemblances avec Jésus. Ils sont habités par le même Esprit Saint qui a agi en eux pour réaliser ce que saint Paul a exprimé par ces mots : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi ! » (Ga 2,20).

La Toussaint, ce n'est donc pas la fête de tous ceux qui sont imitables à cause de leurs vies vertueuses, mais c'est la fête de tous les bienheureux pécheurs qui se sont laissé sanctifiés par l'Esprit de Dieu ; la plupart ne sont connus que de Dieu seul.

Le Dieu Saint n'a pas voulu vivre séparé de l'humanité... C'est pourquoi il aime l'homme, malgré son péché, jusque dans son péché. Sa Sainteté est plus contagieuse que notre péché. Prions avec le bon larron et tous ceux qui se tournent vers Jésus : « Seigneur, souviens-toi de moi dans ton royaume ! » Et Jésus promet : « Aujourd'hui, tu seras avec moi », non seulement toi mais aussi tous ceux pour qui je meurs et ressuscite.

Fr. Dominique CHARLES op

Tous les Saints

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

Connaissez-vous les petites béatitudes de Joseph Folliet.  Je ne résiste pas en cette fête de la Toussaint de vous les partager : « Bienheureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes : ils n'ont pas fini de s'amuser.  Bienheureux ceux qui savent distinguer une montagne d'une taupinière : il leur sera épargné bien des tracas.  Bienheureux ceux qui sont capables de se reposer et de dormir sans chercher d'excuses : ils deviendront sages. Bienheureux ceux qui savent se taire et écouter : ils en apprendront des choses nouvelles ! Bienheureux ceux qui sont assez intelligents pour ne pas se prendre au sérieux : ils seront appréciés de leur entourage. Heureux êtes-vous si vous savez regarder sérieusement les petites choses et paisiblement les choses sérieuses : vous irez loin dans la vie. Heureux êtes-vous si vous savez admirer un sourire et oublier une grimace : votre route sera ensoleillée. Heureux êtes-vous si vous êtes capable de toujours interpréter avec bienveillance les attitudes d'autrui, même si les apparences sont contraires : vous passerez pour des naïfs, mais la charité est à ce prix. Bienheureux ceux qui pensent avant d'agir et qui prient avant de penser : ils éviteront bien des bêtises. Heureux êtes-vous si vous savez vous taire et sourire même lorsqu'on vous coupe la parole, lorsqu'on vous contredit ou qu'on vous marche sur les pieds : l'Evangile commence à pénétrer votre c½ur. Bienheureux surtout vous qui savez reconnaître le Seigneur en tous ceux que vous rencontrez : vous avez trouvé la vraie lumière, vous avez trouvé la véritable sagesse ». Ces béatitudes contemporaines nous rappellent ainsi avec force que la sainteté à laquelle toutes et tous nous sommes appelés se vit dans le quotidien de nos existences.  Il s'agit d'abord et avant tout d'un état d'esprit et de c½ur.  Vivre sa vie à la lumière du c½ur de Dieu nous ouvre l'esprit et nous permet de regarder autrement les gens et les événements. De la sorte, nous cherchons à voir toute personne avec les yeux du Père, c'est-à-dire à accepter que toutes et tous nous sommes des êtres en creux.  Il y a bien du creux, de l'inaccompli en chacune et chacun de nous.  Nous avons ainsi besoin les uns des autres pour nous combler, pour nous humaniser, voire pour nous diviniser puisque nous sommes appelés au partage de la vie divine tout simplement. Il n'y a pas de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin et pour nous, croyantes et croyants, notre chemin est l'évangile.  Il est non seulement bonne nouvelle mais également promesse d'un bonheur véritable qui se réalise dès à présent.  Le bonheur auquel nous sommes conviés se décline et se conjugue toujours en Dieu.  Nous découvrons au plus profond de notre être cette harmonie qui est de source divine.  La vrai vie se vit en Dieu, c'est-à-dire lorsque nous sommes en paix avec Lui, avec les autres et avec nous-mêmes.  Il ne faut pas grand chose.  Il nous suffit de mettre en pratique ces béatitudes qui nous font redécouvrir quels sont les bien-aimés du Père dans le Fils et par l'Esprit. Avec le Christ, nous sommes entrés dans le temps du Royaume de Dieu.  Même si ce dernier n'est pas encore accompli, il est pourtant déjà là et nous y participons par la manière dont nous vivons nos vies.  Sommes-nous tournés sur nous-mêmes ou acceptons-nous de nous ouvrir et de partir à la rencontre de celles et ceux qui croisent notre route ?  Les béatitudes sont un appel lancé à chacune et chacun d'entre nous pour chercher le Père et l'imiter car de manière étonnante les béatitudes que nous venons d'entendre sont d'abord un discours sur Dieu.  En effet, elles nous décrivent en quelques lignes les personnes auxquelles le Père porte une attention toute particulière.  Et il nous convie à faire de même ici et maintenant. Dieu le Père ne peut se passer de nous.  Mieux encore, il passe par nous et nous devenons ½uvre divine lorsque nous sommes capables de nous laisser inspirer par l'Esprit pour que, à notre tour, nous mettions en pratique ces béatitudes.  Ces dernières nous conduisent à remettre de l'éthique dans nos vies en ayant cette attention toute particulière vis-à-vis des bien-aimés de Dieu.  Celui-ci a aujourd'hui encore cruellement besoin de saintes et de saints pour poursuivre son ½uvre créatrice, c'est-à-dire tout simplement des gens comme vous et moi. La sainteté s'écrit bien dans le quotidien de nos existences.
Amen

Tous les Saints

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

TOUSSAINT : FÊTE DES VIVANTS ET NON DES MORTS

Parce que les médias nous rapportent chaque jour l'indéfinie succession des accidents, des guerres, des tremblements de terre, des cyclones et autres catastrophes, ce terrifiant portrait de notre monde risque de nous faire conclure comme un personnage de Shakespeare : « L'histoire humaine, c'est un récit raconté par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien » (Macbeth). Le temps nous entraîne-t-il dans une course absurde ? Vaut-il la peine de bien vivre ? L'urgence est-elle de se réfugier dans la petite bulle d'un bonheur fragile et de fuir dans le divertissement, la consommation, le Lotto et les conditions météorologiques favorables ?...
Jésus de Nazareth, sans forcer quiconque, nous a présenté le programme fondamental d'une existence humaine authentique, la manière de faire l'histoire de façon responsable, il a eu assez de foi dans l'homme que pour nous appeler au fond de nos turpitudes. Il nous a proposé un idéal d'une beauté insurpassable et qui s'ouvre par le portique grandiose des 8 Béatitudes.
Contre tous ceux qui ricanent de la Bonne Nouvelle et qui veulent l'homme condamné à la bassesse, l'Eglise affirme que, depuis 20 siècles, des hommes et des femmes de toutes conditions et de toutes religions ont été fascinés par l'Evangile et se sont engagés sur le chemin de ce véritable bonheur qui conduit l'homme à Dieu. On les appelle des « Saints » et ils constituent une foule innombrable : aujourd'hui leur souvenir nous encourage à méditer leur chemin car il reste le seul valable.

HEUREUX ...

Nous cherchons tous à nous accomplir dans une existence pleine qui satisfasse ce qu'il y a de plus haut en nous. Le bonheur n'est pas nécessairement mesquin. En hébreu, le mot qui le désigne (asher) signifie également « en route ». L'appel de Jésus ne nous offre pas un état de vie où l'on s'installe mais nous lance une vocation. Chaque béatitude n'est jamais qu'un commencement, une orée, une aube, un chemin ardu, semé d'embûches et rares sont ceux qui s'y engagent car les trompettes de la publicité appellent à son contraire : une route large, facile où l'on s'éclate. Non, on ne vit pas d'un coup les 8 facettes du bonheur évangélique : la tentation demeure de rejoindre le troupeau, la peur fait revenir en arrière. Mais l'appel de Jésus ne cessera jamais de retentir et de nous rejoindre là même où nous sommes lourdement tombés. Relève-toi ; recommence. Le bonheur est dans le chemin. L'étoile n'est pas inaccessible.
On peut montrer que les Béatitudes vont par paires : une homélie ne peut qu'esquisser la richesse de leur signification que le lecteur devra approfondir pour en extraire les conséquences pratiques.

Heureux les pauvres de c½ur : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !

Le mot « pauvre » est ambigu : aussi Matthieu  précise « de c½ur ». Sauf pour quelques disciples qui le suivaient en route, Jésus n'a pas obligé les autres au dénuement total jusqu'à en faire des mendiants : il faut assurer la subsistance de la famille, élever ses enfants, remplir ses obligations professionnelles. Mais il a fait une sévère mise en garde : «  Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent » qui peut toujours devenir un « mammôn », un dieu fascinant qui promet assurance, plaisirs, tranquillité, bon renom. La 2ème béatitude, citation du psaume 37,  éclaire le problème de la pauvreté : on y presse le juste de rester « doux », non pas nouille mais confiant dans le Seigneur sans envier les impies passionnés par le désir d'avoir plus, de s'enrichir sans relâche. « Reste calme près du Seigneur, espère en lui ; ne t'enflamme pas contre l'homme qui réussit avec ruse...Les méchants seront arrachés mais les humbles posséderont le pays ».Accroître sans cesse ses possessions est une impiété ; l'avidité actuelle nous conduit dans le mur. Seul celui qui s'assure près du Seigneur entrera dans le Royaume de Dieu.

Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés !
La 3ème béatitude ne canonise pas les pleurnichards, elle s'explique par allusion à Isaïe 61, 2 : le Messie viendra consoler, consolider, réconforter ceux qui pleurent sur l'immense malheur des hommes, sur la détresse du petit peuple écrasé par les ignobles et qui sont animés par un désir fou de justice et de droit. Le mal semble si souvent triompher : le Bien l'emportera. Dans une société résignée au pire, il nous faut une espérance aussi forte qu'une soif dans le désert.

Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !
Heureux les c½urs purs : ils verront Dieu !
Le  mot merveilleux de « miséricorde » désigne le c½ur qui est déchiré par la misère de l'autre et qui fait tout pour lui venir en aide : par le soutien, les soins, la présence affectueuse, le pardon des offenses. Heureux cet homme car Dieu le comblera de son amour. On reçoit de Dieu autant qu'on donne au frère. Quant à l'adjectif « pur », il est à prendre au sens métallurgique, comme on dit « de l'or pur ». Le c½ur qui refuse d'être double, tiraillé pas des intérêts contraires, s'orientera vers Dieu, il verra la Lumière. Celui qui hésitera sans cesse, qui recherchera encore les biens de ce monde sera taraudé de questions, restera dans l'obscurité. La foi est une option radicale.

Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux serez-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux !
C'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
Par sa vie simple, son désir de Dieu, sa pitié, sa pureté, l'homme des béatitudes ½uvre inlassablement pour la paix et ainsi se rapproche toujours davantage de Dieu ; sa vie paraîtra comme un témoignage authentique. François d'Assise, l'abbé Pierre, Martin Luther King, le père Damien et tant d'autres sont reconnus comme des « enfants de Dieu ». Mais que l'homme des béatitudes ne se figure pas qu'il va attirer admiration, gratitude, applaudissements. Sa manière de vivre telle qu'on vient de la décrire est l'exact contraire du programme prôné par le monde qui cherche force, richesse, cupidité, vengeance, impureté. Jésus, le Fils, a été mis en croix ; après lui, Jacques, Pierre, Paul ont été mis à mort. Depuis quelque temps, l'Eglise chrétienne est la religion la plus persécutée du monde (plus de 100.000 victimes par an - tuées, violées, exilées- selon certaines sources).
Pourtant Jésus ose appeler ses frères en larmes à se réjouir : les attaques contre eux sont le signe que l'Esprit les habite, qu'ils sont les prophètes du nouveau monde tel que Jésus le voulait et tel que l'Esprit l'accouche dans les douleurs. Qu'ils n'oublient pas : la nuit de l'agonie est devenue Lumière de Vérité ; le cri sur la croix s'est mué en proclamation du bonheur. Le rire des satisfaits tourne à la grimace : la montée des Béatitudes donne un bonheur inébranlable.

CONCLUSION

PAUVRETE ET PARTAGE - DESIR ET ESPERANCE- C¼UR ET AMOUR - PAIX ET LARMES.
Les Béatitudes ne sont pas fuite mais engagement. Elles définissent la base sur laquelle construire une existence solide. Elles ouvrent sur le chemin de sainteté qui mène à l'Infini.
Dans « le bruit et la fureur » du monde, elles font entendre une petite musique de douceur et de Vie.

30e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Le propre de toute publicité est de dire : « Nous ne sommes pas comme les autres ». Quel slogan publicitaire utiliserait aujourd'hui le Pharisien  pour se vendre ??
Je suis plus blanc que blanc...
Pharisien, vous avez bien choisi...
Moins cher que moi, c'est illégal... 
Ou le slogan d'une grande banque : « Probablement le plus compétent »...
Vous êtes si bien chez le Pharisien. ?Le Pharisien, surprenez-vous à l'écouter, etc etc...?Dans le cas du pharisien qui ne fait que s'auto-encenser, il pourrait dire?l'auréole, parce que je la vaux bien !

Comme je ne regarde pas la télévision,?je devrais faire appel à vous pour allonger cette liste d'allusion à des slogans publicitaires actuels... Vous le savez, la publicité est partout et pas seulement dans les médias. Elle est aussi dans nos relations. La publicité est en nous et elle intervient même dans notre prière !

Car, au-delà d'une simple distinction entre l'humilité et l'orgueil, la petite parabole que nous venons d'entendre est une caricature de deux attitudes,  qui nous menacent toutes et tous. ?D'un côté, l'attitude du pharisien, celle du toujours plus et de la publicité,  ?D'un autre côté, l'attitude du publicain, celle du bas-les-masques, ?celle de la dépossession de soi que l'on appelle la prière...

Reprenons, si vous le voulez bien, ces deux attitudes...

Le pharisien, tout d'abord « Moi, je. Moi, je. Moi, je » Le Pharisien n'a rien fait de mal. Il fait même plus que ce qui lui est demandé. Il est irréprochable et il fait tout mieux que les autres. Bref, il n'a aucun vice caché ! 
Mais sa prière est fausse car il ne prie pas. Il se prie lui-même. Il regarde ce qu'il possède plutôt que de se mettre dans une attitude de dépossession. L'attitude du pharisien touche la racine de tous nos maux : la comparaison entre les humains, qui fausse toute relation à l'altérité.



Comparer amène toujours subtilement un peu de convoitise, ?la convoitise amène l'envie et le désir de possession, ?le désir de possession amène l'instinct de propriété, la violence parfois... ?Comparer est toujours potentiellement violent...
Le pharisien est celui qui compare, qui jette un regard en coin. Il se sépare des autres et --du même coup-- n'est plus lui-même devant Dieu. Il est seul devant son miroir, devant son petit ego idéalisé, pas devant Dieu.
D'ailleurs, le mot pharisien signifie bien être « séparé ». ?La comparaison --comme la publicité-- est toujours dans le paraître, ?jamais au plan de l'être. Voilà l'attitude de comparaison et de séparation, ?la racine de tous les maux. ??La Bible commence par une publicité comparative mensongère. Souvenez-vous du serpent de la Genèse avec son slogan « Si vous en mangez, vous ne mourrez pas, mais vous serez comparable aux Dieux ». Comparable ! Comparer pour être meilleur, dans le toujours plus... plus grand, plus fort, plus beau, plus intelligent, plus brillant, plus religieux... Le pharisien reste muré dans ce toujours plus et dans l'avoir. Même sa prière fait partie de son avoir... Finalement, cet homme n'a existentiellement pas besoin des autres et de Dieu. Dieu est un prétexte pour parler de ses qualités et se comparer aux autres.?
Si le pharisien fait un discours sur lui-même et pour lui-même, le publicain, par contre, parle véritablement à Dieu... Nous sommes dans une toute autre logique. Il se reconnaît comme un être pêcheur, c'est à dire qu'il vient avec ce qu'il est, pas ce qu'il a fait ou n'a pas fait. Si le pharisien est existentiellement dans les mérites et la publicité,  le publicain, lui, est dans l'être, dans l'attitude d'intériorité véritable, dans l'anti-publicité par excellence, cette attitude qui n'a rien à faire valoir et à vendre, ?l'attitude de la prière tout simplement.

La prière est donc l'acte même par lequel on ne vend rien, l'attitude dans laquelle on ne compare pas. La vraie prière n'est qu'un acte de dépossession de soi pour s'en remettre à l'Esprit de Dieu.
Comme le dit la lecture de ce jour, Dieu, lui, ne compare pas. Il ne fait pas de distinctions. Voilà la justice de Dieu. Voilà l'être-même de Dieu. Dieu ne compare pas, car l'Amour ne compare pas. Comparer, c'est toujours juger, voir les bons et les mauvais côtés. En ce sens, juger devient un manque d'amour car cela revient à décomposer un être, pour ne voir un seul aspect de sa personne.

Publicain et pharisien, deux attitudes existentielles qui nous traversent toutes et tous. Nous sommes à la fois pharisien et publicain. Il y a de l'avoir et de la comparaison tapis au fond de nous. Il y a aussi de la nudité, de la dépossession. ??La petite parabole de ce jour nous rappelle que Dieu viendra toujours nous rencontrer par surprise dans ces lieux où nous sommes réellement nous-mêmes, où nous n'avons rien à prouver.  ??Car c'est toujours quand nous rentrons chez nous, au plus profond de nous, ?que nous découvrons dans le silence que ?« celui qui se dépossède du masque de son avoir ou de ses mérites, ?découvre la source de son être véritable». Amen.

30e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

LA PRIÈRE : NU DEVANT DIEU

Dans sa dernière catéchèse sur la prière, Jésus, par deux paraboles, met en garde contre deux dangers : d'abord celui du découragement (« la veuve et le juge » - dimanche passé), ensuite, aujourd'hui, celui de l'orgueil pharisien. Luc intitule d'emblée l'histoire pour en donner le sens:
Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d'être justes et qui méprisaient tous les autres.

LA PRIERE DU PHARISIEN

« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L'un était pharisien, et l'autre, publicain.
Le pharisien se tenait là et priait en lui-même : 'Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain.
Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.'

Apparu vers le 2ème siècle avant Jésus, le mouvement pharisien était né de la volonté de sauvegarder la pureté de la foi juive. La fascinante civilisation grecque s'étendait partout et, pris par la contagion, bien des Juifs abandonnaient les pratiques des ancêtres ou en tout cas les suivaient avec négligence. C'est pourquoi devant ce relâchement qui leur apparaissait comme un péril très grave, des hommes pieux décidèrent, pour glorifier Dieu, d'observer avec minutie toutes les observances de la Loi et même d'en accroître les exigences : prières plus longues, jeûnes plus nombreux, ablutions multipliées... Pharisien ne signifie donc pas hypocrite (même s'il y avait des faux dévots dans leurs rangs) mais sans doute « séparé » car la rigueur de leurs pratiques les distinguait du commun de la population.
Quelle est la prière du pharisien mis en scène par Jésus ? Il vient rendre grâce à Dieu pour sa singularité : il a si bien résisté aux tentations qu'il a l'impression d'être au-dessus du lot. Autour de lui il ne voit que m½urs dissolues, débauche, escroquerie. Et même, sortant de son recueillement pour examiner ses voisins, jetant un coup d'½il dédaigneux sur cet homme là-bas qu'il connaît comme publicain donc pécheur grave, il se dit : « Moi, au moins, je ne suis pas comme cette racaille ». Et il fait mémoire des pratiques lourdes qu'il s'inflige : deux jeûnes par semaine (alors qu'une seule journée était imposée par an) et la dîme sur tout achat (alors que c'était le commerçant qui devait s'acquitter de cette redevance de 10 %). Le pharisien est un croyant très courageux, sa religion lui coûte beaucoup d'efforts et beaucoup d'argent : on ne rit pas avec la Loi. Et puisqu'il ne trouve rien à se reprocher, il rend grâce à son Dieu qui lui a donné la force de la fidélité et l'a rendu différent des autres. Il est un « juste », un homme tel que Dieu le demande, « en règle ».

LA PRIERE DU PUBLICAIN.

Le publicain, lui, se tenait à distance et n'osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : 'Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis'
On appelle « publicains » les hommes employés à percevoir les impôts : fréquemment sinon toujours, ils gonflaient les redevances et s'attribuaient des revenus confortables si bien qu'on les confondait avec les voleurs. Notre homme ici est l'un d'eux et, rongé par le remords, il se tient derrière,  tête basse, n'osant même pas jeter un coup d'½il sur la Demeure de Dieu, sentant peser sur lui les regards méprisants des gens qui l'ont reconnu et qui sans doute se demandent comment il a osé entrer dans le temple.
Que faire ? Il est peut-être marié, père de famille, il exerce cette profession depuis des années et en effet il a bafoué la sainte Loi de Dieu : il a falsifié les comptes, il s'est enrichi au détriment de ses frères et il est à présent dans l'impossibilité de les rembourser.  Il se voit comme dans une prison dont il ne peut sortir. Il ne cherche pas à se disculper ni à se trouver quand même quelque qualité qui contrebalancerait un peu son escroquerie. Se frappant la poitrine en signe de responsabilité personnelle et de pénitence, il ne peut que murmurer : « Je suis pécheur : Seigneur, prends pitié ».
LE JUGEMENT DE JESUS / DE DIEU

Si Jésus avait poursuivi en demandant : « Que pensez-vous de ces deux hommes ? », il est probable que son auditoire aurait admiré le pharisien comme un très bon fidèle sinon un saint et exigé que le publicain entreprenne un travail de conversion, restitue les produits de ses vols et accomplisse tous les sacrifices nécessaires pour obtenir la miséricorde de Dieu.
Or, à la stupeur générale, Jésus conclut par une déclaration scandaleuse, sans doute une des plus choquantes qu'il ait jamais prononcée :
Quand ce dernier rentra chez lui, c'est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l'autre.
Jésus est formel. La prière du publicain a été acceptée par Dieu qui l'a « ré-ajusté à Lui » car son attitude l'a conformé à ce que Dieu attendait. Il mettait en pratique ce que disait le psaume :
« Aie pitié de moi, mon Dieu ; selon ta grande miséricorde, efface mes torts ; purifie-moi de mon péché...Tu n'aimerais pas que j'offre un sacrifice... Le sacrifice voulu par Dieu, c'est un esprit brisé...Oh Dieu, tu ne rejettes pas un c½ur brisé et broyé » (Ps 51)

Au contraire la prière du pharisien était doublement viciée : par son acharnement à multiplier les pratiques, il « faisait sa statue », il voulait se réaliser par ses propres forces, fier de ce qu'il faisait « pour Dieu ». Et en outre il se comparait aux autres, se jugeait supérieur aux pécheurs.

Et Jésus répète une sentence qui visait déjà ceux qui cherchaient à occuper les premières places aux banquets (14, 11) :
Qui s'élève sera abaissé ; qui s'abaisse sera élevé.

Les verbes à la voix passive permettent de respecter la grandeur de Dieu en évitant de prononcer son Nom : donc la phrase signifie : « Dieu abaissera celui qui s'élève et il élèvera celui qui s'abaisse ». Sans cesse revient dans l'évangile cette prophétie du renversement des situations  que proclamait le message central des Béatitudes : « Heureux vous qui avez faim maintenant, vous serez rassasiés...Malheureux vous qui êtes repus maintenant : vous aurez faim » (6, 20-26) - ce qu'illustrait la parabole du riche et de Lazare (16, 19).
Et d'ailleurs tout de suite après notre texte,  Jésus reprendra ses apôtres si souvent préoccupés de leur grandeur et qui voulaient renvoyer les mères présentant leurs petits : « Laissez venir les enfants car le Royaume des cieux est à ceux qui sont comme eux » (18, 15-17).
Remarquons que la prière du pharisien est l'exact contraire de la prière de Marie : celle-ci aussi rend grâce mais elle se réjouit de ce « que Dieu fait pour elle » : « parce que Dieu s'est penché sur son humble servante...parce qu'il a fait pour moi des merveilles... ». Et elle chante l'éternel mode d'action de Dieu dans l'histoire : «  Il disperse les orgueilleux...Il élève les humbles... » (1, 46-55)

D'un côté, l'obéissance à Dieu doit être recherchée mais elle ne peut jamais nous rendre fiers de nos exploits et nous enorgueillir en jugeant les autres car nous restons des « serviteurs quelconques » (17, 10). De l'autre côté, le péché doit être reconnu, regretté, pleuré sans jamais nous faire tomber dans le désespoir. L'humilité constitue l'attitude de base du croyant.

29e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

L'ACHARNEMENT  DANS  LA  PRIERE


Luc est l'évangéliste de la prière : d'une part, d'un bout à l'autre, du baptême à la mort en croix en passant par tous les moments importants, il souligne que Jésus prie, et d'autre part il rapporte les deux leçons que Jésus a données sur ce sujet à ses disciples. Après la première lue au 17ème dimanche (11, 1-13), nous écoutons, en ces deux dimanches, les 2 paraboles qui constituent la seconde leçon.

Jésus dit encore une parabole pour montrer à ses disciples qu'il faut toujours prier sans se décourager : « Il y avait dans une ville un juge qui ne respectait pas Dieu et se moquait des hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : 'Rends-moi justice contre mon adversaire.' Longtemps il refusa ; puis il se dit : 'Je ne respecte pas Dieu, et je me moque des hommes, mais cette femme commence à m'ennuyer : je vais lui rendre justice pour qu'elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête.' ». Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge sans justice ! Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Est-ce qu'il les fait attendre ? Je vous le déclare : sans tarder, il leur fera justice.
« Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? »

D'emblée le but de l'histoire est donné aux disciples : qu'ils ne se lassent jamais, qu'ils continuent sans arrêt à supplier leur Dieu. Leur défaut ne réside pas, comme ils le pensent toujours, dans les distractions (un mot dont Jésus ne parle jamais, comme si cela n'avait pas d'importance) mais dans leur découragement. Nos prières sont trop brèves.
Une veuve a un différent avec un adversaire sans doute pour une question financière.
Sans mari ni grands enfants pour la soutenir, sans relations pour appuyer sa cause, c'est une femme du peuple, radicalement pauvre. Pour elle il s'agit d'un enjeu vital, à résoudre dès que possible.
Elle est persuadée que sa cause est juste : c'est elle qui est flouée. Justice doit lui être rendue.

Devant elle, le seul qui peut résoudre le litige, un juge sans foi ni amabilité. Sans doute est-il vénal : en retardant l'affaire, il attend sans doute que la plaignante lui offre un pot-de-vin.
Mais la femme n'a rien à donner. Donc sa seule force, c'est sa persévérance, son opiniâtreté. Elle ne se résout pas à la situation, elle n'abandonne pas la partie : sans relâche, elle se présente à la porte du juge, elle l'interpelle en rue, elle répète ses lamentations, elle revendique son droit.
Et un jour enfin, le juge va céder : non parce qu'il a touché un bakchich, non parce que son c½ur est touché, non parce qu'il a du remords et se décide à rendre justice, mais parce qu'il n'en peut plus. « Quelle casse-pied ! Quelle scie ! Quelle emm.... ! »

Et Jésus encourage ses disciples à qui il a toujours annoncé critiques, contestations et violences : si déjà un mauvais juge a cédé, a fortiori Dieu « fera justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ».

Donc comprenons bien. Il ne s'agit pas d'un embarras léger, d'un petit problème que Dieu devrait régler à notre avantage. Tant que nous en avons les moyens, nous devons tout faire pour résoudre nos difficultés nous-mêmes.
En la comparant à cette pauvre veuve, Jésus parle d'une Eglise
- qui est injustement mise en procès, exploitée, vilipendée, attaquée
- qui souffre beaucoup et dont la vie est en jeu
- qui est radicalement pauvre, sans aucun moyen humain d'en sortir
- qui ne recourt à aucun moyen de violence
- qui n'a d'autre arme que ses cris, son acharnement, son espérance dans la réponse de son Dieu.
- qui est scandalisée par le silence interminable de Dieu. Pourquoi semble-t-il abandonner ses fidèles à la persécution ? Pourquoi sa lenteur à répondre ? Jésus ne donne pas de réponse : il nous exhorte instamment à ne pas arrêter de prier, supplier, crier, hurler.
Il sait que l'épreuve est terrible, que beaucoup, découragés, cesseront de demander l'aide de Dieu, auront recours à la violence, ou se détourneront de toute foi. D'où la triste réflexion finale :?
« Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? »

Jésus a-t-il jamais laissé échapper pareille plainte sur le possible échec de sa mission ? Bientôt, lui-même, dans la nuit de l'agonie au mont des Oliviers comme sur la croix du Golgotha, il gémira : « Père, que ce calice s'éloigne loin de moi !...Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? ». Il n'échappera pas au gouffre de la mort, mais à l'autre bout, parce qu'il aura tout accepté (« Mon Père, je remets mon âme entre tes mains »), il jaillira super-Vivant non pour foudroyer les juges qui l'avaient condamné à mort mais pour permettre à son Eglise, elle aussi, de hurler sa douleur et de sangloter en s'arrachant les ongles sur les portes de la prière qui ne s'ouvrent pas.

Terminons en nous interrogeant sur « la Prière universelle », les « Intentions de prière ». Au centre de l'Eucharistie, entre la Liturgie de la Parole et celle du Pain, le concile Vatican II a réintroduit un grand moment de supplication. Après avoir dit notre foi dans les enseignements proclamés et avant de partager le pain de la charité, la liturgie nous ouvre aux dimensions universelles de l'Eglise, nous fait lancer le cri de notre espérance en faveur des chrétiens malheureux et notamment persécutés.
En Syrie, au Vietnam, en Egypte, au Soudan... : par dizaines de milliers, les chrétiens - nos FRERES et S¼URS - sont victimes de la haine, chassés de leur pays, battus, tués. Soyons sincères : quelle est alors la force de nos appels ? Avec quelle insistance intercédons-nous pour nos frères étranglés ? Suffit-il d'énoncer quelques belles phrases fignolées et de chantonner un refrain sans conviction ?

28e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

LA RECONNAISSANCE EST PLUS QU'UN MERCI

De façon assez similaire, Marc, Matthieu et Luc ont raconté qu'aux premiers temps de sa mission, Jésus avait, par un simple contact de la main, purifié un lépreux rencontré sur la route (Matth 8, 1 ; Marc 1, 40 ; Luc 5, 12). Mais Luc est le seul qui, en outre, rapporte une autre rencontre de ce genre de malade : quelle est la richesse de cette scène supplémentaire qui constitue l'évangile de ce dimanche ? S'agit-il seulement d'une leçon de gratitude ?

10 LÉPREUX « PURIFIÉS SUR PAROLE »

Tout d'abord un mot sur cette maladie. A l'époque, le mot « lèpre » désigne toute grave infection dermatologique qui se signale par des taches, des pustules, des suintements et qui se manifeste comme hautement contagieuse. D'où la terreur provoquée par cette affection qui exige l'exclusion, la mise à l'écart de celui qui en est atteint. Les « lépreux » sont chassés de leur famille et de leur entourage, ils sont des parias avec lesquels il faut éviter tout contact. Souvent ces malheureux se regroupent et errent en implorant, de loin, quelque soutien. La lèpre n'est pas seulement une maladie, mais une « impureté » peut-être due à un châtiment de Dieu : aussi sa guérison est-elle appelée une « purification » qui doit être constatée par un prêtre du temple de Jérusalem et authentifiée par des sacrifices. Ce rituel obligatoire permet alors au malade de réintégrer la société (cf. « Lévitique 14 »).

Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la Samarie et la Galilée.
Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre.
Ils s'arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. »
En les voyant, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres ».
En cours de route, ils furent purifiés.
Luc rappelle sans cesse cette montée de Jésus vers Jérusalem : ici commence la dernière section qui aboutira, par Jéricho, à l'entrée dans la capitale. Les notations des lieux traversés restent imprécises car l'important n'est pas de reconstituer l'itinéraire exact pour que, plus tard, des chrétiens l'empruntent. Le chemin de tout disciple n'est pas de faire un pèlerinage en « terre sainte » (sic) : le seul vrai pèlerinage, c'est la vie du disciple qui renonce à lui-même, porte sa croix chaque jour et suit Jésus c.à.d. cherche à vivre comme il l'a enseigné (9, 23)
Tout à coup, sur le chemin, surgit un petit groupe de ces malheureux mutilés dans leur chair et « excommuniés » par leur peuple. Sans doute ont-ils entendu parler de ce Jésus qui opère des guérisons : selon la règle, ils s'arrêtent et de loin ils interpellent Jésus par le nom que, jusqu'à présent, les disciples étaient seuls à lui donner : « Maître ! ». Alors que naguère Jésus s'était approché du lépreux solitaire pour le toucher et le purifier sur le champ, ici, sans les guérir, il demande à ces pauvres hommes de le croire sur parole : « Allez au temple et montrez que vous êtes purifiés » !???...
Exigence énorme : toutefois, sans un mot, les lépreux obéissent....et effectivement, en route vers Jérusalem, ils constatent qu'ils sont guéris. On imagine leur joie folle, leur course en avant pour gagner Jérusalem, se précipiter dans le temple, se montrer aux prêtres et accomplir les sacrifices prescrits.
Mais neuf seulement vont jusqu'au bout : l'un d'eux rebrousse chemin et, au lieu d'aller au temple de Dieu, il revient en arrière vers Jésus.

UN LÉPREUX ÉTRANGER « SAUVÉ ».

L'un d'eux, voyant qu'il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix.
Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c'était un Samaritain.
Alors Jésus demanda : « Est-ce que tous les dix n'ont pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? On ne les a pas vus revenir pour rendre gloire à Dieu ; il n'y a que cet étranger ! »
Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t'a sauvé. »
Si, au point de départ, Israël était un petit peuple uni, très vite les tribus du nord avaient fait sécession, avaient construit une nouvelle capitale, Samarie, et un temple concurrent de celui de Jérusalem : aussi entre Judéens et Samaritains, l'animosité était grande. Précisément c'est un homme du nord, ne fréquentant pas le temple de Jérusalem, qui, se voyant guéri, revient sur ses pas en extériorisant son allégresse.
Luc aime signaler que la Bonne Nouvelle provoque des manifestations spectaculaires de joie : à Bethléem, après la découverte de l'enfant, les bergers « chantent la gloire et les louanges de Dieu » (2, 20) ; le paralytique guéri retourne « en rendant gloire à Dieu » et la foule l'imite (5, 25-26) ; idem à Naïn (7, 16) ; idem la femme redressée (13, 13) et l'aveugle de Jéricho (18, 43). Lorsque les apôtres sortiront du cénacle après avoir reçu l'Esprit-Saint, ils seront tellement joyeux qu'on les croira ivres (Ac 2, 13) et la première communauté prendra ses repas avec allégresse (Ac 2, 46)....
Qu'avons-nous fait aujourd'hui de la folle joie chrétienne ? Pourquoi nos assemblées sont-elles à ce point figées ? La liturgie nous affirme que Dieu nous parle et nous pardonne, que son Fils se donne à nous comme Pain de Vie, et nous demeurons amorphes. On nous dit : « Le Seigneur est avec vous »...et nous demeurons cois, silencieux, sans réaction.
Notre ancien lépreux « rend gloire à Dieu à pleine voix ... il se prosterne à terre devant Jésus en lui rendant grâce ». Bénéficiaire de la Puissance et de la Bonté de Dieu, il adore ce Jésus en qui il reconnaît sa présence. Chanter cette découverte lui apparaît plus essentiel que d'aller accomplir les rites de purification. Jésus passe avant le temple car il est la nouvelle Présence de Dieu, le Prêtre qui offre la guérison. On le voit : la démarche de l'homme est bien davantage qu'une simple « reconnaissance » au sens de gratitude, de remerciement d'un malade à son guérisseur mais une profession de foi, une « reconnaissance » de l'homme Jésus comme Seigneur.

Et c'est un « samaritain », « un étranger » ! Mais déjà, dans sa prédication inaugurale à la synagogue de Nazareth, Jésus n'avait-il pas rappelé que jadis, seul, Naaman, le général syrien, avait été guéri de sa lèpre (4, 27) ? Mais ici un saut immense est accompli : le 10ème homme n'est pas seulement « purifié » d'une maladie corporelle mais il est « sauvé ».
Parce qu'il s'est prosterné devant Jésus, celui-ci peut lui proclamer : « RELEVE-TOI (c'est le verbe qui sera employé pour la Résurrection !) : TA FOI T'A SAUVE » c.à.d. t'a introduit dans la guérison totale de ton être.
Jésus avait dit la même Bonne Nouvelle à la pécheresse au parfum (7, 50), à la femme souffrant d'hémorragies venue toucher son manteau (8, 48) et il le redira encore à l'aveugle de Jéricho (18, 42).
La guérison d'une maladie ou d'un handicap corporel est renvoyée aux efforts de la médecine : mais seule la foi en Jésus, homme et présence de Dieu, peut libérer le c½ur de la lèpre du péché et « re-susciter » le croyant.
Et pourquoi cet homme est-il « sauvé » ? Parce que Jésus, à sa place, s'est rendu, lui, à Jérusalem, il est allé se montrer aux grands prêtres et ceux-ci, au lieu de le reconnaître, l'ont rejeté et condamné. Sur la croix, pauvre loque sanglante et défigurée, Jésus était semblable à un lépreux, horrible à voir et excommunié. Mais, tel le Serviteur souffrant d'Isaïe, il s'offrait pour que tous les hommes abîmés par la lèpre du péché soient réintégrés dans l'Amour du Père.
C'est pourquoi, à chaque Eucharistie, nous aussi, nous supplions comme le lépreux : « Eleison ! - Aie pitié » et, comme lui, nous « rendons gloire à Dieu », nous « adorons le Serviteur crucifié reconnu comme notre Seigneur ». Nous ne sommes plus des étrangers ni des parias mais des Enfants de Dieu vivant dans la communion de l'Amour unique.
Serons-nous désormais des assemblées qui chantent leur jubilation et témoignent de leur Salut ?

28e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Des lépreux, il y en a peu dans les rues de Bruxelles, heureusement... mais des gens qui se sentent mal dans leur peau, il y en a partout. La question qui me préoccupe est non seulement celle de la guérison des lépreux du récit mais surtout celle de la source, de l'origine, de la cause de cette guérison, qui pourrait nous aider nous aussi. Qu'est-ce qui peut nous réconcilier avec nous-même, nous remettre dans notre assiette, nous guérir vraiment ? Qu'est-ce qui peut nous soulager de tout ce qui nous gratte, nous défigure, nous met à l'écart, nous fait percevoir comme repoussants ?
La guérison est probablement de retrouver la source même de la vie et de la santé. Etre relié à l'essentiel et donc à tout ce qui nous entoure, vivre en lien, vivre une authentique religion, parce que dans le mot religion il y a le mot relier. Etre guéri, ici, c'est être relié à ce qui est le plus important.

***

Cet éclairage peut nous aider à répondre aux nombreuses questions qui émaillent ce récit, passons-les en revue :
- Première question:
10 lépreux demandent à être guéris. Ils ne sont pas encore guéris mais Jésus les envoie déjà rencontrer les prêtres. Pourquoi les prêtres ? Parce que c'est eux qui sont  chargés d'authentifier les guérisons. C'est eux qui procèdent à la réintégration sociale des anciens lépreux. Le problème est, qu'à ce stade, ils ne sont pas encore guéris. Jésus leur demande d'anticiper. Souvent, dans l'Evangile, il faut être prophète, comprendre ce qui va venir, voir ce qui ne se voit pas encore et s'y préparer. En quelque sorte, Jésus dit aux lépreux : « faites comme si ! ». Faites comme si vous étiez purifiés et allez le faire reconnaître par les autorités.

Pour actualiser ce propos, je dirais aujourd'hui ne regardez plus vos petits boutons, votre surcharge pondérale, vos problèmes d'identité. Soyez confiants, mettez-vous en marche et vous verrez déjà le début de la solution de vos soucis. « Aide-toi et le ciel t'aidera ! » « Prends ton grabat et marche ! » « Ta foi t'a sauvé !»

- Ceci nous introduit à la deuxième question
Les dix lépreux entrent dans cette dynamique. C'est déjà en soi un miracle, le miracle de la foi. Ils croient Jésus sur Parole. Ils appliquent à la lettre ses recommandations. Ils acceptent ce défi. Ils se mettent en route pour aller voir les prêtres à Jérusalem et voilà qu'en chemin, ils sont purifiés. Le « faites 'comme si' » a fonctionné.
Alors que faire maintenant? Aller voir les prêtres pour faire constater la guérison officiellement? C'est logique et obéissant, c'est donc ce que font les 9 lépreux guéris, ceux qui sont juifs... Mais le samaritain qui est parmi eux n'a pas cette référence religieuse. Les cultes de Jérusalem lui sont étrangers. Il hésite. Tant qu'il était lépreux, il faisait partie du groupe, il suivait le groupe, il partageait la même exclusion. Comme paria, il n'était ni juif ni samaritain. Une fois guéri, son identité ressurgit. La lèpre ne cache plus sa peau de samaritain. Il fait demi tour pour remercier Jésus.
Ce faisant, par delà les religions établies, il identifie Jésus comme son prêtre à lui. Il se trouve au-delà des querelles de religion entre juifs et samaritains. Il adopte la même logique de Jésus quand il dit à la Samaritaine : ce n'est plus ni à Jérusalem ni sur le mont Garizim mais en esprit et en vérité qu'il faut adorer. Et Jésus lui dit : « ta foi t'a sauvé ! ». Il n'en fait ni un juif ni un chrétien. Etre disciple de Jésus va au-delà des rites religieux, il s'agit avant tout de vivre la foi.

***
Dans les multiples querelles qui divisent nos communautés, écoutons et méditons ce récit. Trouvons des voies nouvelles, anticipons les guérisons. Allons au fond des choses et nous serons guéris, en paix. C'est là que nous trouverons notre plus authentique identité.