LA TOUSSAINT NOTRE ESPERANCE
Confondu, hélas, avec le jour des morts et consacré aux visites au cimetière, la TOUSSAINT, il faut sans cesse le répéter, n'est pas le jour des défunts mais le jour des vivants. Alors que la nature glisse vers la grisaille et le froid de l'hiver, alors que la crise n'en finit pas et que l'humanité s'interroge sur son avenir, l'Eglise affirme que si les guerres se succèdent, si l'homme est parfois capable de barbarie et si certains annoncent une catastrophe finale, la marche du temps va vers le triomphe de l'humanité transfigurée.
LA SAINTETÉ
En lisant leurs vies truffées de miracles, de phénomènes mystiques, de réalisations prodigieuses, en contemplant leurs représentations en statues et vitraux dans nos églises, en voyant parfois une cérémonie de « canonisation », nous sommes portés à voir dans « les Saints » des personnes privilégiées qui ont bénéficié de grâces spéciales et ont accompli des choses hors de notre portée. Comment imiter sainte Thérèse d'Avila et ses extases, François d'Assise et son dénuement radical, Vincent de Paul et son génie caritatif, Damien chez les lépreux ? On a tellement exalté ces personnes qu'on les a éloignées de nous si bien que nous sommes persuadés que la sainteté est un privilège réservé à certains, qu'elle exige des miracles, des prodiges - bref tout ce que nous ne connaissons jamais.
Or « saint » (de l'hébreu « qadosh ») signifie séparé. Lorsque Dieu a fait alliance avec Israël, il lui a demandé d'être un peuple « saint », c.à.d. une communauté qui n'accepte pas injustice, corruption, méchanceté, oubli des pauvres, orgies païennes et qui observe la Loi de Dieu c.à.d. le droit, la confiance en Dieu, l'amour fraternel. De ce fait, cette obéissance à Dieu entraîne une existence différente de celle des voisins pour devenir (difficilement et peu à peu) « sainte ». Homme parmi les hommes, un saint est séparé : non pas à l'écart mais autre, non d'abord par des actions miraculeuses ou son habit, mais par sa façon de vivre l'Evangile, la confiance et l'amour, et en refusant égoïsme, indifférence, vengeance, racisme, avarice.
LA MULTITUDE INFINIE DES SAINTS
L'Eglise est fière de faire mémoire, chaque jour, d'un grand Saint (qu'elle fête toujours non au jour de sa naissance terrestre, mais au jour de sa mort c.à.d. de sa véritable naissance à la Vraie Vie) mais leur foule va bien au-delà des 365 du calendrier. Il n'y a pas que « les médailles d'or », les champions, les brevetés : à côté d'eux et avec eux il y a cette foule innombrable que Saint Jean voyait dans son « Apocalypse », ce grand livre d'espérance. (Apocalypse, chap. 7 = 1ère lecture)
J'ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toutes les nations ; ils se tenaient debout devant le trône de Dieu et l'Agneau, en vêtements blancs et ils proclament : « Le salut est donné par notre Dieu et par l'Agneau ». Tous les anges se prosternent pour adorer Dieu : « Amen ! Louange, gloire, sagesse, honneur à notre Dieu pour les siècles des siècles »....Un Ancien me dit : « Ils viennent de la grande épreuve : ils ont purifié leurs vêtements dans le sang de l'Agneau
Ce message de Jean jette un rayon de lumière sur l'avenir et nous guérit du désespoir et du fatalisme. En dépit des horreurs dont l'humanité est parfois capable, le projet de Dieu se réalise avec certitude : il y aura une humanité unie, libérée des haines et des guerres ; elle s'accomplira dans la joie partagée ; elle exultera dans l'adoration, l'acclamation unanime ; sans présenter nul mérite, elle rendra grâce à Dieu et à Jésus son Seigneur. Mais cette fin ne sera pas sans chemin de douleur : ces hommes et ces femmes auront osé la vie sainte c.à.d. la différence vis-vis des apathies et des conventions, donc ils auront été moqués, traqués, combattus, parfois torturés et tués par leurs ennemis. Toutefois leur sainteté ne sera pas due à leur courage, à leur héroïsme, à leurs miracles mais à la confiance dans le sang de l'Agneau du Golgotha qui les aura lavés, purifiés, pardonnés car il a offert sa vie pour libérer les hommes par son amour.
Il nous est bien permis d'espérer que beaucoup de personnes que nous avons connues et qui ont mené une existence toute simple font partie de cette multitude ...et que nous aussi, par la grâce du même Seigneur, serons invités à rejoindre une humanité accomplie et exultante.
LA SAINTETÉ QUOTIDIENNE : LES 8 BÉATITUDES
Car les hommes ne sont pas des clones qui sortent, identiques, de la chaîne de montage. Bien que marqués par notre hérédité et notre éducation, blessés par les circonstances, tiraillés par les forces instinctives, nous restons libres de choisir le chemin sur lequel nous nous engageons. Surtout, plus encore, nous restons libres de reconnaître nos faiblesses et de demander d'être lavés de nos souillures par le sang de l'Agneau. L'Evangile nous éclaire sur nos options de vie, il nous indique le chemin à prendre pour ne pas nous égarer ; mieux encore il nous montre le modèle absolu, Jésus de Nazareth, l'homme qui a accompli sa propre vocation et qui a proclamé le programme fondamental, valable pour tous dans les siècles des siècles : les 4 paires des Béatitudes.
Heureux les pauvres en esprit : le Royaume des cieux est à eux.
Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise
L'option de base est l'humilité, le refus de l'orgueil. Non le mépris de soi mais la pauvreté de c½ur. Qui exige aussi le détachement, le refus de l'idolâtrie des biens, la cupidité, la passion de l'enrichissement.
Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés.
Ces pleureurs, dit la Bible, ce sont les personnes qui ne se satisfont pas des délabrements actuels, des ruines, des désastres qui abîment la terre. Ils désirent, comme du pain, comme de l'eau dans le désert, que vienne la justice de Dieu, que le projet de Dieu s'accomplisse.
Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde.
Heureux les c½urs purs : ils verront Dieu.
Le c½ur, c.à.d. le centre profond de notre personnalité doit cesser d'être dur, indifférent au malheur, tiraillé par des passions égoïstes. Faire le bien, vivre solidaire, pardonner les injures ouvre au pardon de Dieu et à la lumière de la foi.
Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux.
Le saint ne se résigne pas aux déchirures, il ne « traverse pas les champs de bataille une rose à la main » (Giono). Il dit : « Quand tu souffres, j'ai mal » (abbé Pierre). Et dans son ½uvre toujours recommencée de réconciliation, il fait la dure expérience du refus : on lui en veut, on le rend responsable, on rejette ses propositions, on se moque de son idéal. Cependant, paradoxe suprême, dans ses échecs et ses blessures, il connaît la joie du Christ car accomplir sa vocation de pacification donne à l'homme sa réalisation plénière.
Ainsi ce message nous révèle les 4 attitudes de base de la sainteté qui est en même temps bonheur : la pauvreté sans orgueil, l'espérance inébranlable, le c½ur clair et serviable, la quête de la paix au prix des douleurs. En nous engageant dans l'hiver, anxieux devant les menaces, poursuivons la route balisée par les Béatitudes. Elle nous démarque des modes, des conceptions, des pratiques de la majorité mais nous fait membres du peuple prophétique qui promet à l'humanité son avenir véritable.
Nous n'allons pas vers l'anéantissement final mais vers l'apothéose d'une humanité enfin SAINTE.
Tous les Saints
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : A, B, C
- Année: 2011-2012