17e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LE SIGNE DU PAIN PARTAGÉ

Marc était en train de nous raconter que la foule avait rejoint Jésus et ses disciples dans un lieu désert où il s'était mis à enseigner. La suite de son texte rapporte que, le soir venu, se déroule ce que l'on appelle « la multiplication des pains », le seul « miracle » qui soit rapporté par les 4 évangélistes.
Mais justement à partir d'ici, la liturgie abandonne Marc et nous fait entendre cet épisode selon la version de Jean. Celui-ci écrit longtemps après les autres, il a pu, avec sa communauté, méditer plus en profondeur la vie de Jésus et la signification de ses paroles et de ses actes : aussi a-t-il  considérablement enrichi et allongé cet épisode jusqu'à en faire un long chapitre de 71 versets. Il ne faudra pas moins de 5 dimanches pour le lire en entier. C'est dire à quel point le sujet est capital.

Jésus était passé de l'autre côté du lac de Tibériade (mer de Galilée).Une grande foule le suivit parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait en guérissant les malades. Jésus gagna la montagne et là, il s'assit avec ses disciples. C'était un peu avant la Pâque qui est la grande fête des Juifs.

Si les gens courent  derrière Jésus, c'est parce qu'ils l'ont vu opérer des guérisons et ils en redemandent encore : foi superficielle et fausse que Jean récuse car elle met Dieu au service de l'homme. C'est pourquoi il ne parle jamais de « miracles » : il dit toujours que ces actions spéciales de Jésus sont des « signes ». L'important n'est donc pas le geste qui bloque le spectateur dans une admiration stérile mais la « signification » qu'il comporte : le spectateur (ou le lecteur) doit dépasser l'étonnement ou le scepticisme pour se laisser interpeler et convertir. Ainsi voir un paralytique guéri n'a de sens que si moi-même je me laisse relever afin de me mettre en marche vers le Royaume. Il en ira de même ici pour la distribution des pains.
Jean, comme Marc, signale que la scène se passe à l'écart, loin du lieu de vie habituel, il ajoute « sur une montagne », et il précise le moment : peu avant la Pâque, la grande fête de printemps qui commémore la libération d'Egypte, le passage de la mer, le don par Dieu de sa Loi (sur une montagne), et la marche du peuple dans le désert où il fut nourri par la manne mystérieuse. (Exode 12 à 16)
Déjà toutes les harmoniques du texte sont perceptibles à qui connaît cette histoire pascale.

Jésus leva les yeux et vit une foule nombreuse venant à lui. Il dit à Philippe : «  Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ? ». Il disait cela pour le mettre à l'épreuve car il savait ce qu'il allait faire. Philippe répond : «  Le salaire de 200 deniers ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain ! ». Et André dit : «  Il y a là un petit garçon qui a 5 pains d'orge et 2 poissons...mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ? ! »

Les gens n'ont rien demandé : pourquoi donc Jésus se préoccupe-t-il de les nourrir et prend-il l'initiative de leur offrir à manger ? Serait-ce que nous sommes peu conscients du désir profond qui nous constitue et peu enclins à prier Jésus d'y répondre ?

Quant aux disciples, ils ont des réactions bien humaines, à courte vue : devant les besoins énormes, ils pensent tout de suite à la somme d'argent qu'il faudrait et ils constatent une disproportion totale entre les provisions dérisoires du petit garçon et la quantité de nourriture qui serait nécessaire. Mais justement, pour apaiser notre faim profonde, Jésus ne recourt pas aux calculs des économistes et il ne requiert pas une fortune. Ce qu'il attend des disciples -de nous-, c'est d'avoir la simplicité et la générosité de l'enfant. Si nous attendons de recueillir assez de fonds pour nourrir les habitants du monde, nous n'y parviendrons jamais. Si nous refusons de donner ce que nous avons, nous nous résignerons très facilement aux malheurs qui frappent des multitudes. Jésus ne crée pas la nourriture (pas plus que le vin à Cana) : il attend qu'un petit lui présente ce qu'il a.
Es-tu ce petit ?....

Jésus dit : «  Faites-les asseoir ». Il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit. Ils s'assirent donc, au nombre d'environ 5000 hommes. Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, les leur donna; il leur donna aussi du poisson autant qu'ils en voulaient. Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : «  Ramassez les morceaux qui restent pour que rien ne soit perdu ».
Ils les ramassèrent et ils remplirent 12 paniers avec les morceaux qui restaient....

Pourquoi cette remarque sur l'herbe abondante ? Plus qu'un souci de confort des participants, il faut noter la référence évidente à la Pâque (après les pluies d'hiver, la végétation pousse) et au célèbre psaume 23 qui déploie la parabole de la brebis : Jésus est notre Bon Pasteur.
Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer.
Sur des prés d'herbe fraîche il me fait reposer... Devant moi tu dresses une table...

Et tout à coup le ton devient solennel : Jésus PREND (les pains que l'enfant a accepté de lui donner)... REND GRÂCE (verbe grec : « eucharistein » qui a donné notre nom d'Eucharistie)...LES DONNE (geste contre toute vraisemblance ! Les autres évangiles disent que Jésus les donna aux disciples pour qu'ils les donnent aux gens. Mais Jean rappelle que Jésus est le vrai donateur de son pain !)
Ce morceau de pain offert sans payer est d'une telle qualité qu'il comble (ILS MANGERENT A LEUR FAIM) ; et le repas laisse un surplus, un RESTE qu'il ne faut pas laisser se perdre, que les apôtres doivent RASSEMBLER (et non « ramasser » qui serait plus correct !) -  de quoi remplir 12 PANIERS (le nombre même des apôtres).

A la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : «  C'est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde ». Jésus comprit qu'ils étaient sur le point de venir le prendre de force pour faire de lui un Roi. Alors de nouveau il s'enfuit, tout seul, dans la montagne.

Pour les gens, il y a eu un « miracle » qui suscite l'admiration et l'enthousiasme : « Ce Jésus doit être le Messie que l'on attend, donc saisissons-nous de lui et couronnons-le. Il sera un Souverain qui guérit ses sujets et leur donne à manger gratuitement ! ».  Mais Jésus s'échappe et, dans le soir tombant, il s'enfuit, seul, dans la montagne.

Jean a raconté la scène de manière à comprendre qu'il n'y avait pas eu un « miracle de la  multiplication des pains », mais un SIGNE de l'EUCHARISTIE. Les expressions, le vocabulaire, la tonalité du récit sont clairs pour la communauté chrétienne. 
A l'écart de l'agitation, dans un coin paisible, que les disciples se rassemblent auprès de Jésus.
Sans calculer si les ressources sont suffisantes, que chacun retrouve l'esprit d'enfance et donne ce qu'il peut donner.
Alors Jésus prend notre cadeau, il dit la bénédiction à son Père, c.à.d. il le consacre, il en fait des morceaux, il les redistribue à tous ses disciples aussi nombreux soient-ils.
Ce fragment de pain rassasie chaque « communiant » : il apaise sa faim de vérité, de confiance, de solidarité, de sens, de liberté, de joie, de paix.
Et que les surplus soient conservés. Car contrairement à la manne du désert, le Pain de Jésus se garde et garde ceux qui le consomment.  Plus de crainte de manquer, plus d'appréhension pour l'avenir.
Les 12 Apôtres - l'Eglise universelle- ont la garde de ces fragments qui ne s'épuisent jamais et qui, jusqu'à la fin des siècles, nourriront le peuple universel des croyants dans sa marche à travers le désert du monde.
Oui, Jésus est notre Seigneur, notre Roi. Non à notre disposition pour satisfaire nos envies. Mais comme le Bon Berger rempli d'amour pour les siens et qui, de halte en halte, de dimanche en dimanche, rassemble sa communauté  et lui donne Parole et Pain dans l'espérance certaine du Banquet du ciel.

17e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Que pourrait-on multiplier ? Les pralines ? Les jours de soleil et de vacances ? Les jours de pluie au Sahel ? On pourrait multiplier les sourires et les poignées de main, plutôt que les balles et les obus, en Syrie, en Israël,  dans les mondes conflictuels ... Des frites et des bières, en Belgique, il y en a suffisamment. Mais l'on pourrait multiplier les euros en Grèce ou en Espagne... on pourrait multiplier les instants d'attention et d'amitié... les moments de disponibilité.
Il y a beaucoup de choses que l'on pourrait multiplier. Mais pour multiplier, encore faut-il avoir la petite quantité initiale qui puisse être marquée d'une petite croix. La question est donc très simple : que pourrais-je offrir, moi, de temps en temps, qui puisse être multiplié ?

***

Il faut être un tout jeune enfant pour être assez naïf, assez fou, assez inconscient, et présenter ses ressources quand tout vient à manquer. Montrer pains et poissons, quand les autres ont faim, c'est se mettre en danger. Face à la pénurie, le mot d'ordre est la discrétion. Dans certains pays, comme à Madagascar, la cuisine est à l'étage, pour que l'on ne puissent pas jeter des sorts sur la nourriture, pour que les autres ne soient pas jaloux. « Il ne faut jamais dire ce que l'on mange à la maison », dit-on en Corse : c'est une question de survie.

Mais l'évangile ne s'intéresse pas à la survie. Il y est toujours question de vie, et de vie en abondance. Au point que, pour vivre pleinement, il faut parfois mourir pour ressusciter. Ici donc, le jeune garçon n'a presque rien en comparaison des besoins mais ce petit rien, il l'offre. Il prend le risque de la faim et le risque de l'envie autour de lui. Ce qu'il a, on risque de le lui arracher avant qu'il l'ait donné. Dans ce geste étonnant se trouve probablement la leçon principale d'aujourd'hui.

C'est très simple. La faim ne sera vaincue ni par des miracles ni par de l'argent. Il y a eu les miracles techniques de la diffusion des pommes de terre, la sélection des semences et l'utilisation des engrais. Mais la faim subsiste encore au 21ème siècle. Elle ne sera vaincue par que le geste de la reconnaissance, de l'offrande à Celui de qui tout vient, et de la juste répartition. Le miracle, c'est la confiance et la solidarité. Il fallait quelqu'un pour commencer. Il fallait Jésus pour y encourager.

Dire que la faim se résout par des miracles, serait dire que lorsqu'il n'a pas de miracle, Dieu est responsable de la faim. Or justement Jésus s'enfuit quand on veut le faire roi. Il refuse de nous prendre en charge. L'évangile ne parle pas de miracle, il parle de signe. Il y a le symbole des nombres : cinq pains et deux poissons, douze corbeilles. Cinq, disent les pères de l'Eglise, comme il y a cinq livres dans la Thora, le Pentateuque, et deux comme il y a deux testaments. C'est la parole et la nourriture donnée par Dieu. Jésus est le « grand prophète », le nouveau Moïse qui donne la manne dans le désert.

Mais le jeune garçon est le premier miracle. C'est lui qui fait signe. Qu'il puisse y avoir quelqu'un qui fasse un geste pareil est exceptionnel. Il obéit à une logique transcendante, non économique, à une loi non écrite, celle de l'Esprit Saint. Tout ce qu'il a, il le donne. Peu importe que ce soient un, deux, ou cinq, c'est tout ce qu'il a, c'est de l'ordre de l'absolu. Son geste a quelque chose de mystique, de spirituel, comme un sacrement.

***

Car cette attitude généreuse n'est pas seulement morale. Elle ne répond pas à des « il faut que ». Elle correspond à un élan d'échange et de vie, un enthousiasme, une certaine mystique qui transfigure la vie.

Les plus beaux gestes sont des gestes inspirés. Et même quand ils sont modestes, ils font signe. Ce sont des gestes contagieux. C'est la question du premier pas.
C'est déjà vrai au plan négatif « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre » dit Jésus à la foule. Personne n'ose faire le premier geste négatif, il faudrait pouvoir cacher son geste dans l'unanimité violente de la foule.  Personne ne veut se distinguer comme méchant alors il ne se passe rien, et la femme est sauvée, et l'humanité est sauvée.
Le premier mouvement, au plan positif, a quelque chose de l'élan créateur. Ici, c'est un enfant qui fait le premier geste, celui d'offrir ce qu'il a. Cette initiative, Dieu va la multiplier à l'infini. Et ce geste nous rejoint aujourd'hui, au c½ur de cette eucharistie.

***

Une question se pose à nous : si je veux vivre dans la surabondance de la vie de Dieu, si je veux participer à cette joie multipliée de la confiance et de l'amour, si je veux expérimenter la communion et la gratuité, quelles sont les ressources personnelles que je vais dévoiler ? Quels sont les euros, les pralines, les minutes, les sourires,  les couques  et les poissons que je vais offrir à multiplier ?



16e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

VACANCES RATÉES ( ?) AU  CLUB « JÉSUS-GALILÉE »

Nous avions assisté au premier départ en mission des 12 Apôtres, anxieux sans doute de quitter leur maître et de s'en aller, à travers les villages, sans aucune provision, avec le devoir de parler en public et d'annoncer la venue du Royaume de Dieu. Aujourd'hui Marc nous raconte leur retour.  

(Après leur première mission), les Apôtres se réunissent auprès de Jésus et lui rapportent tout ce qu'ils ont fait et tout ce qu'ils ont enseigné.

L'apostolat n'étant pas le fait d'une initiative individuelle mais une mission officielle conférée par Jésus, il est du devoir des envoyés de rendre des comptes à leur envoyeur. On imagine la joie de Jésus d'accueillir ces hommes auxquels il avait confié une charge aussi lourde en leur intimant des conditions aussi rudimentaires. Car aucun d'eux n'avait fait de longues études, n'avait été choisi pour sa science théologique, son talent oratoire, son sens de l'organisation, sa spécialisation en relations humaines, son habileté à réussir des quêtes juteuses. Jésus ne s'était pas entouré de génies et d'intellectuels.
Tout n'avait pas dû être rose tous les jours au cours de ces semaines de pérégrination : des gens leur avaient demandé pour quelle raison ils faisaient cela, on ne s'était pas pressé pour prêter l'oreille à ces inconnus, ils avaient été la cible de moqueries, on leur avait parfois refusé l'hospitalité, ils étaient restés le ventre creux...
Mais à côté de ces difficultés, quelle joie les transporte lorsqu'ils viennent raconter ce qu'ils ont vécu : ces braves paysans secoués par leur enseignement, ces malades qu'ils ont pu guérir, ces maisons qui se sont largement ouvertes pour les accueillir dans l'allégresse. Que d'émotions en quelques jours !  Que de péripéties heureuses et d'échecs douloureux, que d'échanges et de partages sur toutes ces expériences ! Au milieu de cette joyeuse pagaïe et ce jacassement, Jésus jubile : le projet de son Père se réalise !

Il leur dit : « Venez à l'écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu ». De fait les arrivants et les partants étaient si nombreux qu'on n'avait même pas le temps de manger.

Jésus perçoit la fatigue de ses collaborateurs : ils ont bien mérité de prendre un peu de repos à l'écart. D'autant qu'il semblerait que la mission s'étend : d'autres missionnaires vont et viennent, la foule augmente autour de Jésus si bien « qu'on n'a même plus le temps de manger ». Marc avait déjà fait une notation similaire plus haut : la foule s'accumulait dans la maison de Capharnaüm « à tel point qu'ils ne parvenaient même pas à prendre leur repas » (3, 20). On se rappelle que lorsque des adversaires avaient reproché aux disciples de ne pas observer un jour officiel de jeûne, Jésus avait répliqué : «  Les invités à la noce ne jeûnent pas lorsque l'époux est avec eux » (2, 19). Et Matthieu et Luc raconteront qu'à l'inverse de Jean-Baptiste l'ascète, Jésus acceptait les invitations au point de passer pour « un glouton et un ivrogne » (Matth 11, 19 ; Luc 7, 34). Fausse accusation naturellement. Jésus aimait partager la joie de la Bonne Nouvelle autour d'une bonne table, mais il savait aussi jeûner lorsque les gens se pressaient autour de lui et bousculaient ses horaires. Il ne se fixe pas un programme : c'est la mission qui commande son attitude.  

Ils partirent dans la barque pour un endroit désert, à l'écart. Les gens les virent s'éloigner et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut bouleversé de miséricorde envers eux parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. Alors il se mit à les instruire longuement.

Le groupe harassé croyait goûter une halte de solitude et de silence, et voilà que des gens en masse suivent sur le rivage la barque qui avance à peu de distance et ils assaillent les occupants dès leur débarquement. Les seules vacances de l'Evangile et elles sont fichues ! Les « saints apôtres » dépités ont-ils dû retenir quelques jurons d'énervement ? Jésus par contre a une réaction tout à fait différente : il ne toise pas sévèrement ces importuns, il ne  leur ordonne pas de retourner chez eux.
Il voit les gens et « il est saisi de pitié » : la traduction liturgique est trop mièvre, avec un relent de paternalisme. Marc emploie un verbe très fort, toujours réservé à Jésus dans les 4 évangiles, et qui est bâti sur le mot « matrice ». Donc il faut comprendre : il est bouleversé au fond de son être, « il est pris aux entrailles ». Non parce que ces gens ont faim, sont mal vêtus, souffrent de maladies mais parce qu'ils n'ont pas de guide ! En ce lieu, en ce temps, les brebis sont vouées à la mort si un berger ne les garde et ne les conduit vers les pâturages et la source. Ainsi les hommes errent sans but, ne sachant pas trop comment vivre ni où aller, sollicités par des messages contradictoires, abusés par des menteurs.
Alors Jésus commence un long enseignement : à nouveau il proclame la Bonne Nouvelle d'un Dieu d'amour qui vient nous aimer, il se présente comme le bon pasteur qui connaît bien la route de l'homme et prend soin de l'humanité, qui ouvre les yeux sur le sens de la vie et rassemble dans la paix.

La comparaison du troupeau ici n'est pas banale : lorsque Moïse, à l'orée de la terre promise, sut qu'il allait mourir, il pria Dieu de  lui désigner un successeur, « un homme qui sera à la tête de la communauté...ainsi la communauté du Seigneur ne sera pas comme des moutons sans berger ». Et le Seigneur lui répondit : «  Prends JOSUE, c'est un homme en qui est l'Esprit » (Nombres 27, 18). En hébreu, Josué se dit IESHOUA, comme Jésus ! Donc Jésus se présente comme le successeur de Moïse, « l'homme plein d'Esprit », qui, après le régime de la Loi (Moïse), prend la tête de la communauté afin de la faire entrer dans la véritable terre promise  qu'est le Royaume de Dieu.

CONCLUSIONS

1)  La grande masse des chrétiens ignore presque tout des péripéties de l'Eglise d'aujourd'hui. Certes ils connaissent les scandales que la presse se réjouit de répercuter, ils sont au courant de certaines grandes manifestations vaticanes. Mais ce que vivent leurs frères et s½urs de Ceylan, du Darfour, du Timor, de l'Afghanistan ? Leur a-t-on parlé de ce ministre chrétien pakistanais qui a été exécuté, de ces missionnaires qui, en Sibérie ou au Cambodge, reconstruisent une Eglise qui avait été totalement anéantie ?...La paroisse ne doit pas être réduite à un lieu de consommation (de sacrements et de paroles pieuses), il n'y a pas que les fêtes de patronage, les pèlerinages, les soupers « bol de riz », les problèmes de chauffage. L'Eglise est une communauté mondiale engagée dans les luttes du monde, où des pionniers luttent aux frontières, annoncent le Royaume, souffrent dans les prisons : c'est pourquoi une paroisse doit être un lieu d'échanges, où l'on apprend sans cesse les aventures d'une Eglise qui lutte, où les paroissiens peuvent raconter leurs réalisations, leurs problèmes, où l'on écoute avec intérêt ce que les autres ont accompli. Ainsi se forme l'esprit d'équipe et se vainc la jalousie.

2)  Il est normal d'élaborer des projets, de remplir son agenda avec les activités prévues, de planifier son temps pour ne pas le perdre, et aussi de prendre du repos. Mais il arrive que des demandes urgentes bouleversent le programme, que des visites impromptues obligent à laisser refroidir le repas préparé, que l'invitation à un banquet survienne un jour où l'on voulait jeûner. Dieu se plaît à intervenir à contre-sens. L'obéissance à l'événement sera meilleure qu'un enfermement dans une stricte observance.

3) Voir les hommes comme Jésus les voyait. Pas seulement la pauvreté matérielle de certains mais l'immense misère morale et spirituelle de TOUS ! Bombardés par des slogans enjôleurs, matraqués par des invitations incessantes, leurrés par des leaders cupides, écrasés par des dictateurs, menés au bord de l'abîme par des banques qui leur promettaient le paradis. Nous, pasteurs, sommes-nous bouleversés par ces désastres, ces malheurs sans fond, cette incapacité de vivre bien, ces dérives dans l'alcool et les drogues ? Enseigner, redire le message de la Bonne Nouvelle, instruire, tenter de faire comprendre, bousculer l'inertie, ouvrir les yeux avant qu'il ne soit trop tard, amener les chrétiens à adopter un style de vie conforme à l'Evangile, constituer une communauté fraternelle bâtie autour de la vérité de l'Evangile. Quel travail jamais achevé !!!

 

16e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Lorsque j'étudiais en Angleterre, mon professeur de Nouveau Testament ?m'a fait découvrir un outil très classique de gestion du temps, que l'on appelle pompeusement la matrice d'Eisenhower. ?Alors je vous pose la question, connaissez-vous la matrice d'Eisenhower?
Comme vous êtes trop timides pour lever le doigt et comme je suppose qu'il y a dans cette assemblée au moins une personne qui ne connaît pas la réponse, je vous la donne.  Ce sera l'occasion pour les autres de rafraîchir leur mémoire !??La matrice d'Eisenhower est un outil de classification des priorités qui permet de classer les tâches à effectuer en fonction de deux paramètres : leur urgence et leur importance.  Imaginez donc un tableau à quatre cases, pour quatre catégories de priorités :
les activités importantes et urgentes, c.à.d. les tâches à exécuter immédiatement
les activités importantes mais peu urgentes,
les activités urgentes mais peu importantes
les activités inutiles, les tâches à mettre de côté.

Voilà la théorie. Nous pouvons maintenant passer aux exercices pratiques. Je vous laisse quelques instants pour imaginer dans votre vie quelles sont les urgences, quelles sont tâches importantes...  quelles sont les fois ou l'urgence efface l'importance, toutes les fois où l'inutile occulte l'importance...

Et dans la page d'Evangile que nous venons d'entendre, nous sommes confrontés à des conflits de priorités et d'une certaine manière un conflit entre l'importance et l'urgence, l'importance du repos, l'urgence de la mission. En effet, Jésus invite d'abord ses apôtres à prendre du repos, voilà une tâche ô combien importante en ces temps de vacances, mais, ému aux entrailles, il est dépassé par l'urgence de la mission et l'attente de la foule qui le presse !??Alors reprenons le texte dans l'ordre. Jésus nous invite d'abord à nous reposer... ? «Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu» dit-il à ses disciples. Il est bon, parfois,  de se rappeler cette évidence, celle de la nécessité du repos, du lâcher prise, du shabbat, du recul. Dans nos relations humaines, familiales, au travail, il est souvent nécessaire de s'effacer pour ne pas être toxique, d'accepter de ne pas toujours prendre les choses en main. Et dans notre monde omnubilé par la productivité, cet évangile nous rappelle la nécessité de l'écart, de la distance. Nous sommes invités à garder nos lieux de désert, nos territoires d'intimité qui nous constituent, où le profit n'existe pas. Redécouvrir tous ces lieux qui nous aident à redonner du goût au temps, ?à quitter le «faire» pour redécouvrir «l'être».

Voilà l'importance dans notre vie : apprivoiser la distance et, peut-être même pour certains, se déculpabiliser de prendre du recul... Car tout temps de repos et de récréation est un temps de re-création, un temps d'innovation, un moment conversion, qui fait de nous des «hommes nouveaux» selon l'expression de S. Paul 

Cependant, l'importance qui consiste à donner du temps au temps ne peut occulter la réalité de l'urgence de notre monde, et tous ces enjeux qui ne peuvent attendre. Le temps manque pour tout si on ne le donne pas : pour la mission, pour le repos, pour l'enseignement, pour le repas, pour l'amitié... ??Bien sur, nous avons nos obligations professionelles et familiales, mais nous sommes conviés à redécouvrir la valeur du temps ! D'ailleurs Jésus, saisi de pitié, ému aux entrailles, ne se presse pas mais « se mit à les instruire longuement sur beaucoup de choses» nous dit le texte. Confronté à l'urgence, il prend paradoxalement son temps. ? Alors, dans un monde qui perd son temps à vouloir le gagner, voilà ce que nous pouvons apporter : donner une vraie valeur au temps, donner un goût d'éternité à chaque seconde qui passe.
Car c'est en partageant notre temps, qu'il deviendra précieux. ?C'est en le perdant avec ceux que nous aimons que nous le gagnerons
C'est en le donnant pour les autres que nous découvrirons sa vraie valeur ! ?
Voici donc notre programme en cette saison que l'on appelle l'été: ?redécouvrir quelles sont nos vraies priorités...?et peut-être enfin découvrir que l'essentiel ?se cache parfois dans ce qui semble superflu, ?dans ce qui nous paraît à première vue inutile, stérile et sans projet.

En effet, toutes les théories de management, toutes les matrices d'Eisenhower  et autres vous demanderont de mettre de côté la quatrième case, celle de l'inutilité... Or, l'essentiel se niche parfois dans ce qui semble à première vue superflu.  C'est souvent dans le superflu que se dévoile la vraie la gratuité et le don, cette inutilité qui n'est pas futilité, ?mais qui est plaisir de l'amitié et de la rencontre.
C'est cela qui fait que l'amitié conjuge importance et urgence car elle ?consiste, comme le dit Timothy Radcliffe, ?à prendre le temps (voilà l'urgence)... de perdre son temps (voilà l'importance), mais ensemble.
Voilà ce à quoi nous sommes invités en ces temps de repos !?Allez, j'arrête ici, j'ai assez pris de votre temps ! Bonnes vacances et bon repos !

16e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Jésus invite ses disciples à un moment de repos, de recul. «Venez vous reposer un peu, venez à l'écart ». On le comprend aisément, au c½ur du mois de juillet : le besoin de se reposer, de se retrouver au calme, de se ressourcer est présent. Les disciples reviennent de mission -leur première mission ! - et  ils sont bien fatigués aussi. Mais voici qu'au moment où ils se retirent, la foule accourt en masse ! A croire qu'il y a un rapport de cause à effet entre le retrait des disciples et cette explosion d'intérêt.

Réfléchissons à ce phénomène. Ne serait-il pas bon que certains en fassent un peu moins, aillent faire retraite et disparaissent du devant de la scène pour que ce vide relatif permette aux masses de changer d'horizon ? N'y a-t-il pas un excès de présence qui provoque l'ennui, un excès de certitude qui écrase la foi, une incessante répétition qui assourdit, une saturation qui empêche de respirer ? Jésus-Christ lui-même nous dit « Il vous est bon que je m'en aille » ! Et il précise ensuite : « sinon vous ne pourrez pas recevoir l'Esprit Saint ».

Les évangiles ne sont pas des petites histoires moralisantes pour enfants, leur structure est profondément théologique. Ils nous disent de multiples façons et souvent de manière imagée, le rapport qui nous unit, dans l'histoire humaine, au Christ ressuscité.

Aujourd'hui bien peu parmi nous sont illettrés mais beaucoup en revanche sont incapables de déchiffrer les symboles, même les plus évidents. Ici, vous l'avez probablement compris, le voyage en barque sur le lac, n'a pas pour simple but d'évoquer le sympathique divertissement d'une promenade en pédalo.

Il nous laisse entendre de manière subtile qu'à travers ce passage par les eaux, ce départ et cette absence, on est passé d'un monde à l'autre, du monde juif au monde païen, que l'on a franchi une frontière, que l'on se trouve de l'autre côté, de l'autre côté de la vie.

Oui, par-delà la mort, Jésus se met à enseigner, « longuement » nous est-il précisé. La foule reçoit, après la Pâque, l'enseignement du Ressuscité. De cet enseignement, rien ne nous est transmis, ce qui montre bien que l'essentiel n'est pas là mais dans ces retrouvailles entre le peuple et Jésus-Christ.

Ceci n'est bien sûr qu'évoqué, mais cela nous communique l'état d'esprit que prophétisait Jérémie : « les brebis ne seront plus apeurées ni accablées ». « N'ayez pas peur ! » dit le Ressuscité. La présence du berger communique la paix, la confiance, le souffle de la vie et de la joie, tout ce que chante le psalmiste : « Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer » !

Mais revenons à l'invitation de Jésus à nous reposer. S'il dit lui-même qu'il nous est bon qu'il s'en aille, nous pouvons accepter de ne pas toujours être nous-mêmes sur la brèche, en plein travail. Il est bon que je m'efface, que je me repose, que j'accepte de ne pas toujours prendre les gens en charge pour tout régler. Alors seulement ils pourront s'assumer, et l'Esprit de maturité fera son ½uvre en eux comme en moi.

Alors que nous sommes exhortés à la productivité, sous la pression des chiffres et de la compétitivité, la parole de Dieu nous appelle à l'écart, à prendre de la distance, à renoncer à un certain succès, même apostolique, à marquer une rupture, au risque de décevoir, pour valoriser une rencontre avec lui, de qualité et d'intimité.

Il y va de son rapport à la vie, aux choses, aux autres humains. Accepter de perdre de son importance, d'oublier ses fonctions, son rôle, ses responsabilités, ne plus m'imaginer indispensable pour respirer un peu de gratuité. Faire confiance à la vie, entrer dans la confiance et dans la patience, comme le paysan qui sait que le grain germe, doucement et de manière cachée. Et parce qu'on ne fait pas pousser les fleurs en tirant sur les bourgeons...

C'est le fameux « lâcher prise », qui permet de revenir plus créatif, plus présent, plus concentré. Il y a des rythmes et des saisons. Le Shabbat est fait pour l'homme, pour le libérer de ses obsessions, pour qu'il ne soit pas un « workaholique » », un alcoolique du travail, un drogué du boulot. Il n'y a pas à mériter d'exister et c'est pourquoi il est bon, comme Jésus le fait, de nous encourager les uns les autres à nous reposer, pour nous déculpabiliser de prendre des vacances. Il faut aussi se donner le temps de dormir. Rythme journalier, rythme hebdomadaire, rythme annuel. Il y a des temps apparemment morts qui sont des temps de récréation, de re-création, de résurrection.

15e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LA MISSION DES APÔTRES-ÉVÊQUES

Jésus, incompris par son village, poursuit sa mission itinérante et même il la démultiplie. Dès le début, il avait appelé 4 jeunes pêcheurs du lac pour devenir « pêcheurs d'hommes » (1,16) ; puis il avait appelé Lévi, un publicain (2,14) ; ensuite parmi tous les jeunes qui le suivaient, il en avait choisi 12 « pour être avec lui » (3,13). Comme Israël était constitué de 12 tribus, ainsi la nouvelle communauté de Jésus se formait à partir de 12 hommes auxquels il donnait des enseignements particuliers (4,34) tout en s'étonnant de leur peu de foi (4,40). Après des mois de formation, le moment est venu et Jésus leur donne ses directives de mission. Ce petit texte garde une importance fondamentale et actuelle: « les Douze » sont la seule « organisation » que Jésus a voulu (d'autres charges apparaîtront plus tard) et le concile Vatican II a redit : « Les évêques succèdent aux Apôtres...envoyés pour assurer la pérennité de l'½uvre du Christ ...Que les évêques annoncent l'Evangile du Christ : cette charge l'emporte sur les autres » (Décret sur les évêques § 1 et 12).

Jésus appelle les Douze et, pour la première fois, il les envoie deux par deux.
Tous les disciples ne sont pas chargés de faire la même chose : Jésus appelle certains pour partager et élargir sa mission itinérante. Ces hommes doivent donc d'abord se rendre plus proches de Jésus et entendre son invitation. Ils n'entreprennent pas cette ½uvre par initiative personnelle, par dévouement,  ni encore moins bien sûr, pour se faire valoir. Ce sont des « envoyés » (apostello). Ce n'est pas leur personnalité ni leurs qualités qui d'abord importent mais le fait qu'ils représentent un autre : ils sont les ambassadeurs du Christ. « Deux par deux » : d'abord  pour s'entraider dans le travail, chercher ensemble les solutions aux problèmes rencontrés, s'encourager dans les coups durs mais surtout pour manifester, avant tout discours, que le Royaume de Dieu consiste à faire communauté, à vivre ensemble, à collaborer, à s'aimer. Comment accorder foi à un théologien érudit et prétentieux qui « fait son numéro » solitaire ?

Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais ...
Science et culture, éloquence et héroïsme ne suffisent pas. La mission évangélique ne se heurte pas d'abord à des défauts de caractère, à la mauvaise volonté, à des idées inexactes mais à de mystérieuses et terribles puissances de mal qui désintègrent l'humanité et s'opposent au message. Seule une force reçue du Christ peut permettre à l'apôtre de mener le combat qui n'est pas à mesure d'homme (« Armez-vous de la force du Seigneur pour être en état de tenir...Ce n'est pas à l'homme que nous sommes affrontés mais aux Autorités, aux Dominateurs de ce monde de ténèbres... » (Ephésiens 6, 10).  Croire qu'il suffit de gentillesse, de bonnes connaissances, de ressources financières pour provoquer la conversion à l'Evangile relève d'une immense naïveté. L'Apôtre doit sans cesse prier, demander un pouvoir qu'il n'a pas et qu'il ne peut acquérir par ses moyens. Alors il peut transmettre la Miséricorde divine qui anéantit le mal.

Et il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n'est un bâton ; de n'avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange » ».
Exigence terrible qui a dû faire trembler ces hommes ! S'en aller à l'aventure sans rien, sans moyens élémentaires de subsistance, sans savoir où loger ?... Les apôtres s'abandonnent à la Providence. Ils n'exigent pas de leur auditeurs de se dépouiller, de vendre leurs biens, de devenir des mendiants mais eux-mêmes ne peuvent accomplir leur tâche qu'en étant pauvres et dépouillés, guéris de toute cupidité. Car le Seigneur leur a appris que la passion de posséder étrangle les bonnes graines d'Evangile qui voudraient se développer et qui étouffent dans les ronces de la convoitise (4, 19).

Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ... ».
Le dénuement des envoyés va poser question aux gens qui les écouteront : «  Qu'allez-vous manger ? Où allez-vous dormir ce soir ? ». Ebranlés par leur parole, convaincus de leur sincérité, certains les inviteront chez eux et c'est ainsi que l'Evangile va pénétrer dans les maisons. Il ne restera pas confiné dans des lieux sacrés (églises, chapelles, monastères) mais il s'immiscera au sein même de l'existence quotidienne, là où les gens vivent. Il y aura donc partage : les apôtres apporteront le bien suprême du Royaume de Dieu  et leurs auditeurs leur offriront vivres et logement. Toutefois les envoyés du Christ, entrés dans un village, ne pourront pas, déçus par un premier logis, chercher une invitation près d'une table mieux garnie, d'un lit plus douillet. Qu'ils se contentent de ce qui leur a été présenté en premier sans voltiger de chef coq en mère poule ! Pas de guide « Gault et Millaut » dans leur besace !!

« Si dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage »
A la suite de leur Maître, les apôtres feront aussi l'expérience de l'échec : leur prédication provoquera parfois scepticisme, moqueries, injures. Des volets se baisseront, des portes claqueront. Ils se retrouveront le soir le ventre creux, obligés de dormir à la belle étoile. Ils partiront de là sans mauvaise humeur, sans lancer d'anathème mais leur geste d'adieu sera un signe prémonitoire menaçant : Puisque vous n'avez pas voulu le message de Vie, nous vous laissons donc dans un monde de poussière et de mort.

(Modifier un peu la traduction liturgique) Ils partirent et proclamèrent afin que les gens se convertissent. Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d'huile à de nombreux malades et les guérissaient.
La fin dit l'essentiel. Les apôtres « proclament » la Bonne Nouvelle reçue de Jésus : ils s'en vont tels les « hérauts » (grec : kèrux) des cours royales de l'antiquité qui se dispersaient partout afin d'annoncer la bonne nouvelle de la naissance d'un prince ou d'une victoire militaire ou d'une visite royale. Maintenant les apôtres chrétiens proclament « un kérygme » infiniment plus merveilleux : Oui, soyez-en certains, Dieu vient régner chez vous ; un Prince, son Fils Jésus, nous est donné ; la victoire sur le péché, le désespoir, la haine, la culpabilité est obtenue.  Changez de vision des choses, faites-nous confiance, nous ne mentons pas,  convertissez votre existence. Ne soupçonnez pas ce message d'être un mirage pour âmes naïves, une croyance religieuse pour gens pieux, un rêve qui nous console de nos malheurs et nous aliène. Car cette Bonne Nouvelle rejoint l'humanité dans sa chair : elle apporte également santé et réconfort. L'onction d'huile n'est pas à réserver aux derniers instants du mourant. Evangéliser est une lutte permanente contre toute souffrance.

CONCLUSION

Longtemps, nous pouvions nous estimer dans un pays chrétien : il suffisait de célébrer des rites, d'enregistrer des entrées, de transmettre le catéchisme à la génération suivante, de construire des églises, d'organiser processions et pèlerinages.
La sécularisation est venue, nous avons changé de monde. L'Eglise doit revenir à l'essentiel : ce que nous dit l'évangile de ce dimanche. Ne plus croire que tout est acquis et qu'il suffit d'entretenir « une société catholique ». La Bonne Nouvelle est à proclamer comme pour la première fois et cette tâche est d'autant plus ardue qu'elle est grevée des erreurs et péchés de l'Eglise dont le monde garde souvenir.
L'action d'évangélisation (la proclamation de l'Evangile) doit reprendre la 1ère place qui était occupée par la pastorale  (soin des communautés chrétiennes, catéchèse, sacrements). La mission de l'évêque est toute différente de celle du prêtre. Le régime de la foi ne tolère pas une simple gestion. Rien n'est jamais acquis. Le berger laisse les 10 brebis restantes pour rechercher les 90 autres parties ou jamais atteintes.

Jésus nous redit ce jour comment agir. Dans l'hospitalité alors que chacun s'enferme chez soi. Dans la pauvreté alors qu'on nous presse de nous enrichir sans cesse. Dans la joie partagée alors que les paillettes de la société cachent un immense désarroi.

15e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Après avoir médité l'évangile que nous venons d'entendre, deux prédicateurs  décidèrent de rendre plus austère encore leur voyage.  Non seulement, ils n'emportèrent qu'un bâton et aucune tunique de rechange mais surtout, ils décidèrent de mettre des pois chiches dans leurs sandales afin de vivre une véritable mortification.  Les voilà partis en chemin, l'un souffrant à chaque pas et l'autre gambadant de manière légère et ayant toujours le sourire aux lèvres.  A la fin de la journée, celui aux pieds complètement meurtris par la marche, se tourna vers le second et lui demanda comment il arrivait à ne pas montrer sa mortification et à rester joyeux.  Ce dernier avoua alors : « tu sais, les pois chiches que j'ai mis dans mes sandales, je les ai cuits hier soir ».

Quoiqu'il en soit, ce que nos deux prédicateurs n'avaient pas compris, c'est que les exigences de voyage demandées par le Christ n'étaient pas de l'ordre d'une certaine forme d'ascèse.  Loin s'en faut.  Le bâton, les sandales et la tunique font plutôt référence à la pâque juive et renvoie également à l'expérience du désert.   Dans le Livre de l'Exode, Israël a dû se tenir prêt au départ, « les reins ceints, sandales aux pieds et bâton à la main », recevant sa nourriture au jour le jour.  Ainsi, les disciples de Jésus doivent faire de même, vivant une sorte de nouvel exode.  A notre tour maintenant de nous mettre en marche et de permettre à l'humanité entière de vivre son propre exode.  Cet exode-ci est d'abord tout intérieur.  Il nous convie à un déplacement, à un retournement de notre c½ur, lieu précis où Dieu a choisi de faire sa demeure.  De quelle manière ?  Eh bien, peut-être en acceptant de nous éloigner un temps de nos théories sur la religion, de nos discours sur Dieu, voire de tout ce que nous avons pu apprendre au cours de notre catéchisme.  En quelque sorte, notre exode passe par un détachement d'une approche cérébrale pour retrouver plutôt celle du c½ur.  Il ne s'agit donc pas de tout envoyer paître mais plutôt d'accepter de revenir à l'essentiel de notre foi, à ce qui donne sens à nos existences.  En effet, notre exode se vit d'abord et avant tout à partir d'une rencontre : le Christ vivant au c½ur de chacune et chacun d'entre nous.  Cette rencontre a été déterminante et elle donne aujourd'hui un autre goût à notre vie.  Notre annonce de la foi devient ainsi un témoignage  d'une relation privilégiée vécue, dans l'Esprit, entre le Fils de Dieu et nous.  Etre témoin ne signifie donc pas asséner des théories théologiques à celles et ceux que nous rencontrons, pas plus que de présenter un ensemble de valeurs plus belles les unes que les autres.  Ces dernières sont importantes mais elles ne sont pas le fondement de notre foi.  Elles en sont la conséquence.  Etre témoin, c'est donc tout simplement témoigner d'une rencontre.  C'est également peut-être oser dépasser notre timidité pour mettre des mots sur ce que nous vivons au plus intime de notre intimité.  Et c'est vrai que cela n'est pas toujours facile.  C'est la raison pour laquelle, nous nous présentons à celles et ceux de qui nous nous faisons proche avec rien, si ce n'est nous-mêmes comme seul bagage.  Nous sommes là pour dire quelque chose de l'indicible, pour partager ce en quoi notre foi nous transforme chaque jour et nous fait entrer dans la dynamique de cet exode tout intérieur.  De la sorte, notre témoignage devient une forme d'invitation pour que l'autre puisse à son tour découvrir toute la richesse possible d'un nouveau compagnonnage  mais cette fois dans une relation au Dieu de Jésus Christ.  Annoncer la Bonne nouvelle de l'évangile, c'est donc d'abord partager la richesse de notre rapport privilégié à Dieu.  Nous témoignons sans pour autant imposer quelque chose car le Père a voulu que chacun de ses enfants puisse venir à lui en pleine liberté car comme l'a écrit Maître Eckhart, « Je demande à Dieu de me laisser libre de Dieu ».  Notre exode intérieur commence donc dans la liberté.  Ne nous encombrons pas d'objets ou de livres qui peuvent nous sécuriser ou nous rassurer mais osons parler tout simplement du bonheur que nous avons de croire en ce Dieu qui vit à nos côtés et qui nous accompagne sur nos routes humaines.  Les mots de notre témoignage sont les nôtres puisqu'ils prennent leur source dans notre c½ur. Témoignons ainsi de notre Dieu, Père, Fils et Esprit, qui se laisse rencontrer dès l'instant où nous souhaitons entrer en relation avec Lui et surtout rayonnons de cette foi qui nous rend autrement plus heureux dans la vie.

Amen.

 

14e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

JÉSUS TROP CONNU POUR ÊTRE CRU

L'évangile de Marc est admirablement construit (comme les autres d'ailleurs). Nous avons lu (en partie) les deux volets de l'activité de Jésus pour proclamer et étendre le Royaume de Dieu :

*   4, 1-34 : IL PARLE : discours des paraboles : Jésus révèle, en images, en quoi consiste ce mystérieux Royaume présent dans l'humanité.

*   4, 35 - 5, 43 : IL AGIT : il accomplit certains actes qui manifestent la puissance de guérison de ce Royaume.

Cet ensemble est encadré par deux scènes qui soulignent combien les plus proches de Jésus demeurent sceptiques devant son comportement :

*  AVANT : 3, 31-35 : ses parents (y compris sa mère !) surviennent pour le récupérer et le ramener à la maison, se demandant s'il n'a pas perdu la tête (3, 20-21)  Il refuse de les suivre.

*  APRES : 6, 1-6 : son village de Nazareth se braque devant lui. C'est ce dernier texte que nous écoutons aujourd'hui.

JESUS DE PASSAGE DANS SON VILLAGE

Jésus est parti pour son pays et ses disciples le suivent. Un jour du shabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Les nombreux auditeurs, frappés d'étonnement, disaient : «  D'où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?...N'est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses s½urs ne sont-elles pas ici chez nous ? ».

Et ils étaient profondément choqués à cause de lui. Jésus leur dit : «  Un prophète n'est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison ». Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Il s'étonnait de leur manque de foi.

Il y a quelques mois déjà, le charpentier Jésus (34 ans ?) avait laissé sa mère et son établi de Nazareth pour descendre en Judée, avec d'autres jeunes peut-être, et écouter le prophète Jean-Baptiste. Comme beaucoup, il avait demandé le baptême mais ensuite, curieusement, il n'était pas remonté au village avec les autres et peu après, à la stupeur générale, on avait appris qu'il circulait à travers la Galilée en annonçant le Royaume de Dieu et en opérant des guérisons. Que s'était-il passé ? Qu'est-ce qui lui avait pris ? Très inquiet devant la colère des scribes à son égard, son clan familial avait vainement essayé de le récupérer. Et voilà qu'un jour, il revient dans son village, accompagné d'une bande de disciples. Rien de changé dans ses apparences. Pas d'auréole. Toujours souriant, affable, simple, ouvert à chacun, pas distant pour un sou.

Pour le culte du shabbat, le chef de la synagogue l'a invité à prêcher. Ce matin de l'office, tout le village, intrigué, curieux, se presse dans le petit édifice.

Et JESUS « ENSEIGNE », comme il le fait depuis le début à Capharnaüm (2, 13). Que dit-il ? De quoi parle-t-il ? Comme d'habitude, Marc se garde de rapporter le contenu des enseignements de Jésus (il ne le fait qu'à 3 reprises : 4, 1... (discours des paraboles), 9, 33... (discours à la communauté des disciples), 13, 1... (discours sur l'avenir). L'essentiel, c'est le mode de sa parole : « il parle avec autorité » c.à.d. sans s'appuyer sur des maîtres, sans enfiler des citations savantes (1, 22). Si bien que la question n'est pas « Que dit-il ? » mais « Qui est cet homme qui ose s'exprimer de la sorte ? ».

Marc souligne très fortement l'ébahissement de l'auditoire : « frappé...scandalisé ». Complètement « soufflé » dirait-on. « D'où ça lui vient-il ? ». Quelle est l'origine de sa prédication, comment peut-il accomplir ces miracles, dont on parle partout ? C'est un artisan, un manuel, toujours resté au village, pieux certes, mais n'ayant jamais suivi la formation savante des scribes. On connaît bien sa famille : sa mère (le père est mort depuis un certain temps), ses frères et s½urs. (Les interprétations divergent sur ce sujet : Marie aurait-elle eu plusieurs enfants ou s'agit-il de cousins et proches parents ????? .....).

Jésus formule un constat général : Un prophète est méprisé, non reconnu, dans son pays et chez les siens.

Manque d'accueil, de reconnaissance, de foi ! C'est très grave car en conséquence, Jésus est impuissant à accomplir des miracles. En effet son « autorité » n'est pas mécanique, elle ne viole pas les consciences. De même qu'une maison doit ouvrir ses volets pour que la lumière y pénètre, ainsi l'homme doit être humble, prêt à demander, accessible, afin que la force du Royaume puisse se déployer en lui. Sinon Jésus serait un magicien qui joue des tours, qui s'amuse de la crédulité du public.

Pour ne pas avouer un échec total, Marc ajoute qu'il fit quand même l'une ou l'autre guérison « en imposant les mains » : geste antique de protection, de communication d'une grâce divine.

« IL S'ETONNAIT DE LEUR MANQUE DE FOI » (« apistia » : « sans-foi » comme 9, 24).

LE REFUS DES UNS PROVOQUE L'ANNONCE AUX AUTRES

Alors il parcourait les villages d'alentour en enseignant.

Pas question de se mettre en colère, d'accabler ces gens de reproches cinglants ni de les condamner à l'enfer. Inutile de s'acharner, de vouloir à tout prix obtenir des résultats. Jésus ne se décourage ni ne s'arrête jamais : il reprend sa route et s'en va porter la Parole ailleurs.

Marc écrit son Evangile dans les années 70 alors que les missionnaires chrétiens sillonnent les cités grecques où les gens se demandent pourquoi des Juifs viennent leur proposer de croire en un Sauveur juif qui a été refusé et même tué par ses propres compatriotes. Marc, comme Paul, répond : la fermeture des uns a permis l'offre de lumière aux autres, les premiers (Juifs) ont été sourds à un message qui, du coup, a retenti chez les seconds (païens) qui l'ont accepté.

« Le christianisme trop bien connu » ?... Aujourd'hui les pays occidentaux avec une grande majorité de baptisés et des vestiges chrétiens prestigieux (les Saints, les cathédrales, les génies de la musique et de la peinture) semblent devenus allergiques à un message qui a fait vivre les générations de leurs ancêtres et les lieux de culte deviennent espaces culturels. Mais au fond de la Sibérie comme dans les forêts d'Afrique, au pied de l'Himalaya comme dans la Cordillère des Andes, des pauvres s'émerveillent d'entendre un message inouï. En Albanie (qui fut 1er pays athée) et au Cambodge (où toute l'Eglise fut exterminée), des paysans bâtissent des chapelles où ils chantent la gloire de Jésus. Au Vietnam, me dit-on, la messe quotidienne de 6 h du matin est suivie par une foule de personnes.

Les Occidentaux sont-ils devenus comme les villageois de Nazareth, des chrétiens blasés qui disent « Je sais », qui croient connaître Jésus, qui répètent des formules figées une fois pour toutes et ronronnent les mêmes cantiques ? N'avons-nous pas « momifié » Jésus ? Son « enseignement » doit à nouveau résonner chez nous « avec autorité » : non comme une pommade émolliente qui adoucit les bobos, non comme un opium qui endort et transporte dans un rêve de salut. Mais comme une Parole forte, pure, qui dénonce l'avidité consommatrice, les rites hypocrites, l'engourdissement des consciences.

Une Parole qui appelle à CROIRE. A redécouvrir un Jésus homme, mais qui échappe à toute prise, qu'on n'enferme dans aucune définition, qu'on ne connaît qu'en cherchant sans cesse à le connaître, semeur de graines de vie dans les c½urs assoupis, destructeur des habitudes et des routines, maître des tempêtes, guide « vers l'autre rive », en quête d'une autre manière de vivre.

Dans la société, les échecs sont causes de tristesse, sources de découragement, occasions de démission. En Eglise, il n'y a pas d'échecs mais « résilience » »,  appel à rebondir, à ouvrir des missions ailleurs. Si mon enfant reste fermé, je parlerai de Jésus à un collègue de bureau et je serai stupéfait de son ouverture.

Tristesse de beaucoup d'être l'unique croyant, le seul pratiquant dans la famille, sujet de moqueries. Honte de l'adolescent qui n'ose avouer à ses copains qu'il va à la messe. La foi est souvent solitude dans l'entourage immédiat...et communion avec le lointain.

13e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LA  FOI  AFFRONTE ..... PACIFIE ...... PURIFIE ......RELÈVE

La mission de Jésus - que nous, chrétiens, avons charge de poursuivre aujourd'hui- est d'annoncer que Dieu a inauguré et continue d'étendre son règne sur la terre. Qu'est-ce à dire ? Jésus a tenté de le faire comprendre d'abord en employant des comparaisons : l'être humain est invité à croire à cette Bonne Nouvelle, à recevoir les enseignements de Jésus comme autant de semences qui porteront fruit et changeront son existence. C'est le discours des paraboles (4, 1-34). En outre ce Règne se manifeste également par certains « actes de puissance », comme dit Marc: c'est pourquoi il poursuit immédiatement la leçon des paraboles par le récit de 4 de ces actes (« miracles ») : « Ce jour-là, le soir venu... » (4, 35).
Le Royaume n'est pas un discours pieux, une fuite, un rituel, une idéologie ni un mythe mais une réalité présente dont la force doit se manifester en paroles et en actes. Intimement liés. Relisons l'ensemble.

4, 35-41 :    D'abord Jésus entraîne ses disciples à « passer sur l'autre rive » du lac, c.à.d. le côté oriental, en  territoire païen. Soudain une bourrasque secoue durement la barque mais Jésus apaise la mer et fait reproche aux siens d'avoir eu peur : « Vous n'avez pas la foi ? ». Donc dès que l'on a compris que le royaume est comme un grain de moutarde qui croît énormément, on va tout de suite à la rencontre de l'autre : le message ne peut être enclos dans des limites, le royaume de Dieu a une portée universelle, il faut passer les frontières. Oui l'entreprise est périlleuse, on a peur de l'inconnu mais il ne faut pas craindre. Seulement croire : Jésus est là, conduisant la mission toujours au-delà.
5, 1-20 :    Dans le pays de Gerasa, on tombe sur une espèce de fou dangereux qui hantait les cimetières et que personne ne parvenait à maîtriser. D'un mot, Jésus le calme et le rend à son village. Le Royaume de Dieu est paix et douceur : son accueil guérit l'agressivité,  arrête les conflits et reconstitue la concorde sociale. Hélas les gens de l'endroit refusent ce message et  renvoient Jésus dans son pays. Jésus n'a réussi à convertir qu'une seule personne. Ah ! si chacun de nous en faisait autant !
5, 21-24 :   (ici commence l'évangile de ce jour) On retraverse le lac et on regagne la Galilée. Tout à coup un chef de synagogue, Jaïre, survient et tombe aux pieds de Jésus : « Ma petite fille est près de mourir : viens lui imposer les mains pour qu'elle soit sauvée et qu'elle vive ! ». Sans un mot, Jésus suit le papa affolé à travers une foule qui l'écrase dans les étroites ruelles.
5, 25-34 :    Et voilà qu'une femme qui souffrait d'hémorragies depuis 12 ans, et qu'aucun médecin n'avait pu guérir, se glisse dans la foule et, par derrière, touche le vêtement de Jésus.
Car elle se disait : « Si j'arrive au moins à toucher ses vêtements, je serai sauvée ». A l'instant l'hémorragie s'arrêta, elle ressentit qu'elle était guérie. Aussitôt Jésus se rendit compte qu'une force était sortie de lui. Il se retourne : «  Qui a touché mes vêtements ? ». Ses disciples disent : «  La foule t'écrase et tu demandes qui t'a touché ? ». Jésus regarde tout autour. La femme, craintive et tremblante, vient se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
Jésus reprend : «  Ma fille, ta foi t'a sauvée : va en paix et sois guérie de ton mal ».
Jamais cette femme n'aurait dû se permettre cette démarche  car, dans son état, la Loi la taxait d'impureté et lui interdisait tout contact avec quiconque. Mais son espérance est immense : outrepassant l'interdit légal, sans demander une parole de guérison ou un acte d'exorcisme, elle croit qu'un simple contact avec Jésus, si furtif soit-il, peut la soulager. Dans la cohue, la foule s'écrasait, les gens touchaient Jésus par nécessité ou par admiration mais vains sont les contacts curieux, les enthousiasmes superficiels. Ainsi encore aujourd'hui beaucoup applaudissent Jésus, se pressent à des processions ou des cérémonies religieuses par routine, par habitude mais ils ne désirent pas se convertir ; ils n'envisagent même pas d'aller vers Jésus pour se laisser guérir, pour changer de vie. La femme, elle, était désespérée par son état, à bout de ressources, peu lui importait que son geste semblât superstitieux aux yeux de certains : son sang, sa vie l'abandonnaient, elle cherchait un contact avec la source de vie. Et Jésus a perçu sa détresse et la qualité de son élan, il ne lui fait pas reproche d'avoir enfreint la Loi, de faire une démarche « magique ». Elle a eu confiance en lui : « Ta foi t'a sauvée ».
5, 35-43 :   Là-dessus des gens de la maison de Jaïre arrivent et lui annoncent que sa fille vient de mourir.
Mais Jésus lui dit : «  Ne crains pas : crois seulement ». Il ne laisse personne l'accompagner sinon Pierre, Jacques et Jean. Ils arrivent à la maison : les gens pleurent et poussent de grands cris.
Il dit : « Pourquoi cette agitation? L'enfant n'est pas morte : elle dort ». On se moquait de lui. Il met tout le monde dehors, prend seulement le père et la mère et les 3 apôtres. Il pénètre là où reposait la jeune fille, saisit sa main et dit : « Talitha koum - c.à.d. « Jeune fille, lève-toi ». Aussitôt la fille se lève et se met à marcher (elle avait 12 ans). Ils furent complètement bouleversés.
Jésus leur recommanda avec insistance que personne ne le sache. Puis il dit de lui donner à manger.
L' «acte de puissance » de Jésus, tout extraordinaire soit-il, est raconté avec simplicité. Pas de manifestations spectaculaires, pas d'esbroufe. Jésus ne fait jamais de miracle pour s'attirer de l'audience, pour se faire de la publicité, pour prouver qui il est,  mais toujours par miséricorde, parce qu'il est ému par la souffrance des gens, D'ailleurs il recommande très souvent de ne pas divulguer l'événement, de garder le secret. Si l'amour l'entraîne à soigner et à guérir, le Royaume de Dieu ne se limite pas à rendre la santé corporelle : une société sans malades ni souffrants serait-elle juste, épanouie, fraternelle ? Dieu ne vient régner que si l'être humain se convertit, change en profondeur : ce qu'on appelle CROIRE.

On le constate donc : les 3 épisodes successifs mettent en scène un homme, puis une femme, puis une enfant : Jésus apporte la vie à tout âge. L'homme violent, la femme impure, l'enfant fragile : Jésus guérit en réintégrant le souffrant et l'exclu dans leur communauté. La mission vise à recréer la communion.

CONCLUSION

Les récits de miracles pouvaient bien jadis émerveiller et entraîner à la foi : aujourd'hui, en modernité, ils suscitent plutôt le scepticisme. Ces faits sont-ils vrais ? Ne sont-ce pas des légendes ? On ne peut donc se contenter de les lire sans plus puisqu'il est impossible d'en démontrer l'exactitude. Marc ne fait d'ailleurs rien pour prouver leur véracité historique car il sait qu'on n'écrit pas et on ne lit pas de tels récits comme des faits-divers dans les journaux.
Comment nous, lecteurs, pouvons-nous être non pas « informés » sur des événements passés mais « sauvés » ? Uniquement si le texte nous entraîne dans son mouvement : relisons-le pour nous.
Aujourd'hui oser quitter notre installation, « passer sur une autre rive », avoir envie de porter l'Evangile plus loin.
Connaître les affres devant l'inconnu, la peine d'être dans une Eglise attaquée de toutes parts, secouée par les tempêtes.
Oser avancer sur les champs de bataille où les hommes déchaînent leur violence, où familles, classes sociales, peuples, entreprises s'affrontent avec une dureté implacable ; désarmer l'homme violent, le transformer en homme de paix........ Même s'il n'en est qu'un !
Ecouter les appels déchirants de tous les parents qui crient au secours : « nos enfants sont tués, écrasés sur les routes, nos adolescents sont perturbés, nos jeunes sont au chômage ou, pire, envoyés au champ de bataille et livrés à la barbarie de la guerre ».
Entendre le gémissement des femmes traitées d'impures, enfermées dans des interdits, réduites à la soumission muette.
Pénétrer dans les maisons de deuil où le règne de la mort fait hurler de souffrance, où la fatalité écrase de désespoir, où la perte de l'enfant enlève tout goût de vivre. Tendre une main amicale pour « lever ».
Bref aller là où Jésus est allé, là où il nous conduit encore pour apporter la joie du Royaume. « Passer sur l'autre rive » d'une société qui exclut et se résigne à la guerre et à la mort. Dire « Lève-toi » aux jeunes qui gisent prostrés et leur offrir un avenir. C'est cela CROIRE - au sens fort de l'Evangile.

13e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Est-ce que les paroles suivantes vous rappellent quelque chose : « C'est l'histoire de la vie, le cycle éternel qu'un enfant béni, rend immortel ».  Je vous donne un indice, ces paroles proviennent d'une chanson.  Toujours pas ?  Non, ce n'est pas une chanson de Claude François ou de Marie Myriam.  Il s'agit tout simplement des paroles de la chanson d'ouverture du film « Le Roi Lion » de Walt Disney.  Nous sommes au début du film et juste après ce couplet, le lionceau est marqué d'une trace sur le front puis est présenté au peuple des animaux.  Ce dessin animé est profondément théologique et vaut la peine d'être revisité avec les yeux de la foi.  En quelques mots, tout est dit sur le mystère de la vie, sur le mystère de la mort.

Comme le souligne le livre de la Sagesse, « Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. (...) La puissance de la mort ne règne pas sur la terre car la justice est immortelle ».  L'immortalité est en Dieu puisqu'il est en dehors de notre propre temps.  Quant à nous, nous sommes appelés à l'éternité ou pour le dire autrement, nous sommes des êtres éternels.  C'est cela qui nous différencie de certaines religions d'Orient où les êtres sont considérés comme immortels.  Cette fois, nous sommes dans un autre rapport au temps, l'être immortel se perçoit dans un cycle de vie où il n'y a ni commencement, ni fin.  L'horloge n'arrête jamais de tourner.  Ce rapport cyclique au temps conduit à l'idée même de la réincarnation.  La foi en Dieu révélé dans les Ecritures, nous fait découvrir que nous sommes donc bien des êtres éternels.  Notre rapport au temps est donc différent d'une idée cyclique.  Pour nous le temps est linéaire.  Il y a eu un début et il y aura une fin, comme chacune de nos vies.  Nous vivons donc avec deux certitudes qu'il est bon de se rappeler de temps à autre.  La première, nous sommes des êtres vivants, c'est-à-dire des êtres appelés à la Vie.  En effet, nous sommes les biographes de nos histoires et nous écrivons l'histoire de notre vie par la manière dont nous la vivons.  Dans la foi, cette histoire personnelle s'écrit avec l'encre de Dieu, une encre indicible et surtout indélébile qui marque notre c½ur à jamais.  Nous devenons ainsi, ce qu'un théologien belge a appelé, des théographes.  Notre écriture est de l'ordre divine car notre foi est le fondement même de vivre sa vie.  La lumière de la résurrection nous imprègne et nous pousse à oser plonger dans l'existence avec cette confiance qui nous fait prendre conscience que nous ne sommes jamais seuls.  Dieu vient nous saisir la main et nous dit par le biais de son fils « Talitha koum, je te le dis lève-toi ! ».  Notre foi n'est pas une eau dormante mais bien une invitation à se lever pour, à l'instar de la fille de Jaïre, nous mettre en marche.  Oui, depuis le temps de l'Exode, nous sommes un peuple en marche, en quête de foi, en recherche de vérité, en désir de sens.  Le Christ Jésus nous offre cette occasion merveilleuse de vivre notre vie au goût de Dieu.  De plus, par sa mort et sa résurrection, il nous fait entrer dans une nouvelle dimension de notre être.  Grâce à l'événement de la croix, la vie n'est plus mortelle mais bien appelée à l'éternité.  Nous devenons à notre tour des êtres éternels.  D'ailleurs, nous sommes déjà entrés dans le temps de notre éternité.  L'humoriste Pierre Desproges disait que la vie est une maladie mortelle.  Dans la foi, nous pouvons affirmer que la vie est une épiphanie éternelle.  Il est vrai que nous serons toutes et tous un jour confrontés à l'expérience de notre propre mort.  Toutefois, pour nous, celle-ci ne sera qu'un bref instant qui nous fera passer de la vie à la vie éternelle.  « De l'humanité à l'éternité », telle est notre destinée.  Et peut-être qu'en mourant, nous emportons avec nous notre manuscrit, notre biographie et que nous en poursuivons notre écriture mais cette fois avec une encre éternelle.  Le temps de la foi sera derrière nous.  Nous vivrons alors le temps de la rencontre avec Dieu le Père, révélé en son Fils et glorifié dans l'Esprit.  A cet instant précis, nous saurons que nous avions eu raison lors de notre pèlerinage terrestre de mettre notre espérance en ce Dieu qui « n'a pas fait la mort » mais qui nous a créé pour cette vie au goût de l'éternité.
Amen