Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

La fête de la Trinité que nous célébrons aujourd'hui n'a été introduite dans le cycle de l'année liturgique qu'au 14°s. La mention d'un Esprit-Saint, légué par le Christ pour continuer sa mission, est cependant bien établie dans le Nouveau Testament. Déjà dans l'Ancien Testament, il était largement question d'un Esprit de Dieu, souffle créateur ou souffle donné aux prophètes dans leur ½uvre de re-création d'une terre nouvelle et de cieux nouveaux comme y appelaient Isaïe et Jérémie. La formulation doctrinale de la Trinité ne se fit cependant pas sans peine. Ravivée à l'occasion des querelles christologiques du 4°s., la question de la divinité de l'Esprit Saint et puis celle de la relation entre les trois personnes divines n'en finirent pas de susciter des controverses. Elles n'étaient pas finies au 11°s. où elle rebondit à l'occasion de la querelle sur le Filioque (cette petite ajoute, au 9°s., à notre Credo -qui pour le reste date du 5°s.- et selon laquelle nous disons que l'Esprit-Saint procède du Père et du Fils). Loin d'y voir de vaines querelles, il faut y apprécier la patiente recherche pour approcher le mystère divin dans toutes ses dimensions. La fête de la Trinité apparaît comme une action de grâce de l'Eglise pour ce Dieu qui s'est révélé peu à peu dans l'histoire et qui veut continuer à être présent, à nous être présent. Loin d'être un dogme abstrait, extérieur, le dogme trinitaire touche en effet intimement notre vie chrétienne. Non seulement nous sommes les bénéficiaires de cette relation (le Dieu-Fils se faisant proche de nous dans notre condition humaine et le Dieu-Esprit continuant de nous guider) mais, plus encore, nous y sommes impliqués : ce Dieu-Père devient notre Père (comme le rappelle l'épître), le Dieu-Fils nous associe à sa gloire, l'Esprit nous fait témoins du Père et du Fils pour le Monde. Nous sommes faits héritiers de cette relation trinitaire. Le signe de ce legs est le baptême qui, à son tour, nous engage à léguer à d'autres cette vie dans l'Esprit. C'est avec cette assurance et cet envoi en mission que le Christ lui-même termine sa mission (et que se termine d'ailleurs l'évangile de Matthieu).

Jusqu'au bout, les disciples ont gardé leur doute et leur trouble. Le lectionnaire édulcore en traduisant : « ils se prosternèrent mais certains eurent des doutes » ; il faut lire : « ils se prosternèrent et cependant doutèrent ». Tout au long de ces années, les disciples ont suivi le Christ sans toujours le comprendre. Après sa mort sur la croix, ils s'enfermèrent dans leur trouble. De ces apparitions du Ressuscité, qu'est-ce que leur esprit pouvait comprendre ? Leurs doutes sont les doutes de tout chrétien, de tout homme en recherche de Dieu. Comme le rappelait la lecture du Deutéronome, la recherche de Dieu par les fidèles est la condition de possibilité de la Révélation du Nom. « Interroge les temps anciens », nous disait le Deutéronome, pour y découvrir les traces de l'intervention divine, les signes par lesquels Il nous parle. Sa révélation ne saurait être pleine et entière du premier coup parce que nous ne saurions la recevoir. C'est pourquoi elle est progressive, autant dans notre histoire personnelle que dans l'histoire de l'Eglise d'ailleurs. Mais nous profiterons d'autant mieux des réponses que nous aurons affiné nos questions. Interrogeons aussi notre époque actuelle pour y lire les signes de l'Esprit de Dieu et -surtout- pour les distinguer de ce qui lui est contraire. Puissions-nous, nous-mêmes, en héritiers de l'Esprit de Dieu, être des signes d'espérance pour nos contemporains et, d'abord, pour ceux qui nous entourent.

Fête de la Pentecôte

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

PENTECÔTE : SOMMET DE L'ANNEE CHRETIENNE

Le lendemain des 7 semaines après la fête de la Pâque- le 50ème jour, d'où le nom grec « pentecostès »-, Jérusalem, bourrée de pèlerins venus de partout, éclatait chaque année d'une joie exubérante en célébrant l'ancienne Fête de la Moisson devenue FETE DU DON DE LA LOI. On venait en effet d'achever la moisson et les greniers débordaient mais surtout, en  ce jour-là, on rappelait l'événement fondateur du Sinaï lorsque YHWH, après avoir libéré les ancêtres hébreux, avait conclu une Alliance et leur avait donné sa Loi. Israël pouvait se dire « peuple élu » non pour se vanter de son privilège mais pour assumer cette responsabilité : construire une société selon le c½ur de Dieu et manifester une autre manière de vivre ensemble, dans le droit et la justice.
Hélas, l'expérience de chaque génération attestait l'échec perpétuel de ce projet. « Tout ce le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique » : le peuple s'était engagé devant son Dieu (Ex 19, 8 ; 24, 3...), il avait construit pour sa Gloire un temple magnifique où il célébrait des liturgies régulières, offrait des sacrifices généreux, écoutait les sermons qui, inlassablement, lui rappelaient tous les préceptes de la Loi. Mais, les Ecritures en témoignent, dès le début (péché du veau d'or), Israël n'avait jamais pu vivre selon le projet de son Dieu : tous les rois avaient péché, même les plus grands comme David et Salomon. Les prophètes avaient eu beau tonitruer, dénoncer les crimes, appeler à la conversion, multiplier les menaces : peine perdue ! Pourquoi donc la connaissance de la Loi, la piété et les cérémonies religieuses échouaient-elles à rectifier la conduite ? D'où venait cette faiblesse congénitale qui empêchait de mettre en pratique ce que l'on avait promis de bon c½ur ? « Nous savons mais nous ne pouvons pas ». Que manquait-il ?...

Au lendemain du désastre de 587, lorsque Jérusalem fut détruite, le temple incendié, le roi et la population déportés en Babylonie, des prophètes s'interrogèrent sur le sens de cette catastrophe et sur la possibilité de l'avenir. Non Dieu n'avait pas rejeté son peuple : après cette terrible épreuve, un jour, il referait une alliance nouvelle, il donnerait la force qui rendrait capable d'obéir fidèlement à la Loi. Des oracles d'une tonalité toute nouvelle se mirent à circuler :
« Des jours viennent- oracle de YHWH - où je conclurai avec la communauté d'Israël une nouvelle Alliance...Je déposerai mes directives au fond d'eux-mêmes, je les inscrirai dans leur être ...Je pardonne leur crime... » (Jérémie 31, 31-34)  ---  « Je ferai sur vous une aspersion d'eau pure, je vous purifierai de toutes vos impuretés..  Je vous donnerai un c½ur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; je mettrai en vous mon Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois... » (Ezéchiel 36, 25-29)  ---   « En ce temps-là, je répandrai mon Esprit sur toute chair...même sur les serviteurs et les servantes ......  (Joël 3, 1-3)
Voilà donc ce qui manquait : non des explications plus savantes des lois, non des rites supplémentaires mais la FORCE même de Dieu qui rendrait capable de mettre en pratique le projet de Dieu.
Des siècles passèrent, les occupations étrangères se succédèrent (Perses, Grecs, Romains) mais cette promesse divine entretint l'espérance indéfectible d'Israël. Le Messie, un jour, apporterait cet Esprit.

LA PENTECÔTE CHRETIENNE

Cette année-là, en ce jour de fête de la Loi, alors que la foule immense prenait part à des liturgies somptueuses, tout à coup dans une rue de Jérusalem, des pèlerins, issus des pays limitrophes,  tombèrent sur un curieux spectacle: sortant d'une maison, des hommes et des femmes se mettaient à chanter et à danser en proclamant les merveilles de Dieu et chacun les entendait dans sa propre langue ! Luc s'amuse à noter les réactions des passants : « Ils étaient en plein désarroi, déconcertés, émerveillés...perplexes...Ils se disaient : Qu'est-ce que cela signifie ?...Certains s'esclaffaient : Ils sont pleins de vin doux !».
En fait les disciples de Jésus sortent du cénacle où ils étaient en prière, attendant le don de l'Esprit que le Ressuscité leur avait promis. Il faut lire la suite de l'histoire. Pierre, au nom des Apôtres, explique à la foule: « Dieu a ressuscité Jésus que vous aviez fait crucifier, il l'a fait Seigneur et Christ, et il a répandu l'Esprit promis par les prophètes » .
La scène semble toute simple, anecdotique, mais, pour Luc, l'événement revêt une importance capitale car il marque la réalisation du dessein de Dieu, l'aboutissement de la mission et de la Pâque de Jésus, le début d'une nouvelle histoire. Jadis Dieu, au mont Sinaï, dans une mise en  scène terrifiante (orage, tremblement de terre, éclairs...) avait donné sa Parole, sa Loi : le peuple l'avait acceptée, la connaissait mais n'avait pas « le souffle », la capacité de la mettre en pratique. Aujourd'hui, à Jérusalem, dans une simple maison (pas au temple !!), la « rouah », c.à.d. l'Esprit, le Souffle, le Vent de Dieu a soufflé sur le groupe des disciples de Jésus. Ils sont témoins que Dieu a ressuscité le crucifié et qui vient de leur envoyer l'Esprit qui les comble de joie et leur permet de proclamer : «  Dieu l'a fait Seigneur et Christ ! ».

La Pentecôte juive devient la Pentecôte chrétienne. Le don de la Parole se parfait dans le don du Souffle. La connaissance peut devenir action. L'humain respire au Souffle de Dieu. La divinisation est inaugurée. La Bonne Nouvelle se réalise. L'aventure de l'Eglise commence et elle va franchir toutes les frontières : c'est ce que Luc veut dire lorsqu'il montre d'emblée des gens de toutes nations ouverts à la révélation nouvelle. L'Esprit de Jésus qui revient vers les siens ne peut être que l'esprit d'amour et le langage de l'amour se comprend dans toutes les cultures.
Le mythe de Babel dénonçait l'orgueil impérialiste qui prétend imposer au monde la même langue, une civilisation unique. La Pentecôte est son inverse : les apôtres n'obligent pas à apprendre leur langue, ils ne cherchent pas à uniformiser leurs auditeurs. Il est bien que les croyances, les théologies, les liturgies « s'inculturent » dans toutes les nations c.à.d. prennent partout des formes différentes, respectant le génie de chacune, se démultipliant en une variété indéfinie, symbole de la diversité humaine et de la richesse de la grâce de Dieu.

Aujourd'hui, mieux qu'un discours théologique, ce flash de Luc sur « le prototype d'une communauté chrétienne » nous interpelle : nos paroisses, parfois muettes et compassées, pourraient en prendre de la graine !
Cette « première Eglise » naît de la longue prière commune où, ensemble, on intériorise le mystère de Pâques : mort et résurrection de Jésus le constituant Messie, Sauveur, Seigneur.
Elle est formée d'hommes et de femmes, unis dans la même attente, et qui viennent de faire l'expérience de leur terrible faiblesse : ils n'ont pu observer la loi donnée par leur maître et ils l'ont abandonné aux mains de ses ennemis. A présent, tous peuvent témoigner que Jésus leur est revenu vivant, sans colère, leur pardonnant leur lâcheté.
Tous sont « re-suscités » par le Souffle de Dieu qui les remplit d'une allégresse toute nouvelle, d'une joie inouïe. Et ils proclament hautement les Merveilles de Dieu...au point de paraître « ivres » !
Ils sont pauvres, démunis de ressources ; ils n'ambitionnent pas d'imposer leur pouvoir, d'édifier des constructions imposantes mais ils sont décidés à remplir la mission reçue : annoncer au monde la bonne Nouvelle.
Ils ne condamnent ni les bourreaux de Jésus, ni les m½urs dévergondées de certains, ni le monde corrompu : au contraire ils quittent leur retraite et plongent dans  la société, offrant de partager avec tous l'Esprit de renouveau.
Ils surprennent, dérangent, se distinguent, scandalisent : ils sont incompris, moqués, attaqués. Car très vite ces gens vont paraître fous aux yeux de leurs compatriotes, suspects au Pouvoir romain. On jettera Pierre et Jean en prison, on lynchera Etienne, on décapitera Jacques....Mais on ne pourra plus jamais arrêter l'élan né en ce jour : en moins de 50 ans, de petites communautés semblables naîtront en Samarie, en Galilée, en Syrie, à Chypre, en Macédoine, à Rome...
La Pentecôte, c'est aujourd'hui, chez nous...si nous l'acceptons. Que l'Esprit rajeunisse nos communautés.

Fête de la Pentecôte

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012


6e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Il est probable que pour beaucoup, l'Ascension est surtout une belle occasion de « faire le pont », de jouir de 4 jours de  loisirs. Mais ce « pont » nous laisse dans le temps et l'espace alors que l'ASCENSION nous offre un pont entre le temps et l'éternité, entre la terre et le ciel, entre « la vie-vers-la-mort » et « la mort-vers-la-Vie ». Venu de Dieu, Jésus retourne vers son Père. Certes dès sa résurrection, il était déjà pleinement glorifié et les évangiles ont suggéré son nouvel état, libéré des contraintes matérielles. Mais Luc, seul, a prolongé le temps des apparitions sur un laps de 40 jours et il a fait du récit de l'Ascension le pivot de son ½uvre : la fin de son Evangile et le début de son second livre, les « Actes des Apôtres ».
Mon cher Théophile, dans mon premier livre, j'ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le commencement jusqu'au jour où il fut enlevé au ciel après avoir, dans l'Esprit-Saint, donné ses instructions aux apôtres qu'il avait choisis. C'est à eux qu'il s'était montré vivant après sa passion : il leur en avait donné bien des preuves puisque, pendant 40 jours, il leur était apparu et leur avait parlé du Royaume de Dieu.
Non, les apôtres n'ont pas inventé la légende de la résurrection pour surmonter l'échec de la croix et   poursuivre leur entreprise. Tous les évangélistes insistent sur les énormes difficultés qu'ils ont eues pour accéder au mystère : accueillir le crucifié-ressuscité était une perspective absolument inouïe, impensable auparavant, le choc d'une nouvelle existence, une nouvelle vision du Royaume de Dieu.
Le temps pascal est donc le temps pour affronter nos doutes et nous appuyer sur la foi des Apôtres.

ULTIME INSTRUCTION DE JESUS AUX APOTRES

Au cours d'un repas qu'il prenait avec eux, il leur donna l'ordre de ne pas quitter Jérusalem mais d'y attendre ce que le Père avait promis. Il leur disait : «  C'est la promesse que vous avez entendue de ma bouche : Jean a baptisé avec de l'eau mais vous, c'est dans l'Esprit Saint que vous serez baptisés d'ici quelques jours ». Réunis autour de lui, les apôtres lui demandaient : «  Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? ». Jésus leur répondit : «  Il ne vous appartient pas de connaître les délais et les dates que le Père a fixés dans sa liberté souveraine. Mais vous allez recevoir une force, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre ».
Déjà, le jour de Pâques, Jésus s'était révélé aux disciples d'Emmaüs en rompant le pain ; puis, apparu à la communauté de Jérusalem, il avait mangé devant eux (24, 43). Luc tient à assurer que la résurrection n'est pas fantasmatique, hallucinatoire : elle ne consiste pas dans le salut de l'âme (conception grecque) mais elle concerne l'être humain total, corps et âme (même si nous achoppons à saisir ce qu'est un « corps glorifié »).   
Jérusalem a été le but final de la longue montée de Jésus : elle a refusé celui qui voulait lui apporter la paix et Jésus a pleuré sur elle. A l'inverse de ce que disaient les prophètes qui voyaient l'avenir comme un immense pèlerinage des nations vers elle (Isaïe 2, 1-5), désormais c'est la Gloire de la Croix qui rayonnera à partir d'elle pour atteindre les extrémités du monde.
Les apôtres semblent décidément incurables : s'ils s'étaient mis à suivre Jésus, c'était en rêvant du grand Royaume d'Israël dont ils seraient les dirigeants. En chemin, ils se jalousaient (Luc 9,46) ; les frères Zébédée avaient voulu court-circuiter Pierre (Mc 10,35) et à la dernière cène, ils rivalisaient encore (Luc 22, 24). Devant Jésus vivant, ils s'imaginent que, cette fois, le jour de gloire est arrivé. Jésus les détrompe : le Royaume de Dieu va s'ouvrir au monde, il n'y aura plus de peuple élu mais des disciples serviteurs à l'image de leur Seigneur. Les étapes de l'évangélisation appartenant à Dieu, il leur est vain de faire des pronostics sur l'avenir. Une aventure gigantesque va débuter : étendre le Royaume de Dieu dans le monde entier. Le Royaume, c'est raconter Jésus pascal. Les apôtres connaissaient bien ses enseignements, ils pouvaient raconter ses discours et ses miracles, sa croix et sa résurrection : mais cela était insuffisant. La mission évangélisatrice ne peut s'accomplir que par la force divine de l'Esprit de Dieu. Dieu avait promis jadis de l'envoyer : « Je vous donnerai un c½ur neuf et je mettrai en vous un Esprit neuf...Je mettrai en vous mon propre Esprit » (Ez 36, 26 ; Joël 3, 1...). Le baptême de Jean était préliminaire mais insuffisant : seule la force divine peut transfigurer l'homme et en faire un croyant, un envoyé, un apôtre, plus encore « un témoin ».
Quand cet Esprit sera-t-il donné ? La date n'est pas précisée : mais le délai sera assez court. Il faut attendre avec assurance, sans douter, sans faiblir : Dieu a promis et Jésus a répété cette promesse.

LE RECIT DE L'ASCENSION


Après ces paroles, ils le virent s'élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s'en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se tenaient devant eux et disaient : «  Galiléens, pourquoi restez-vous là regarder vers le ciel ?...Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous reviendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller vers le ciel ».

Cette scène s'inspire de l' « ascension » d'Elie : pressentant sa fin, le prophète voulait renvoyer son disciple Elisée mais celui-ci s'accrochait, demandant à son maître d'obtenir double part de son esprit prophétique (la part de l'aîné) ce qui le ferait reconnaître comme son héritier direct et authentique. Elie lui dit : « Si tu me vois pendant que je serai enlevé loin de toi, il en sera ainsi » (2 Rois 2, 10). Tout à coup un char de feu emporta Elie au ciel et Elisée « l'ayant vu » reçut son esprit et fut reconnu comme son successeur. On comprend donc pourquoi Luc insiste à ce point sur le fait que les apôtres ont vu Jésus enlevé dans la Gloire de Dieu.
Evidemment nous ne sommes pas à cap Canaveral : le langage mythique de l'élévation dans les airs est nécessaire pour exprimer la nouvelle certitude des apôtres : Jésus est accueilli par son Père, il est bien Seigneur. Parce qu'ils « voient », c.à.d. parce qu'ils sont sûrs qu'il est Vivant en Dieu, ses apôtres peuvent recevoir son Esprit qui les habilite comme ses héritiers. Nous pouvons donc leur faire confiance.
Luc redresse aussi l'erreur des chrétiens qui, convaincus de l'imminence de la fin du monde, cessent de travailler et d'assumer leurs responsabilités. Un disciple de Jésus ne peut rester le nez en l'air dans l'attente d'événements spectaculaires et apocalyptiques : il lui faut retourner vers les hommes, se laisser pousser par le vent de l'Esprit, courir de plus en plus loin pour témoigner de Celui qui, contrairement aux apparences, ne s'est pas éloigné de nous puisque le chemin vers Dieu est en même temps l'approche des hommes. Oui, un jour (inconnu), le Seigneur reviendra « de la même manière » c.à.d. dans la Gloire. Le condamné du calvaire jugera car l'histoire humaine serait insensée si tout était égal. Mais comment avoir peur d'un Juge qui n'a pas voulu jeter la 1ère pierre, qui s'est montré le berger en quête de la brebis perdue, est mort en murmurant : «  Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font ».
Aussi en ce jour nous pouvons un peu mieux comprendre ces mots du credo que nous répétons machinalement alors qu'ils devraient enflammer notre espérance :  « ............Il ressuscita le 3ème jour conformément aux Ecritures et il monta au ciel. Il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la Gloire pour juger les vivants et les morts et son règne n'aura pas de fin........ »
La fête de l'Ascension institue « le pont » que nous ne pourrons jamais construire : celui entre nous et le Père des cieux. Dans une société qui nous englue dans le présent et veut nous persuader de jouir de tout instant (Tout, tout de suite, maintenant), l'Eglise n'est crédible que si elle est peuple de l'Espérance, communauté qui comprend vraiment la signification du temps parce qu'elle en connaît l'avenir en Dieu. Voir plus loin que l'immédiat ne nous désengage pas des tâches terrestres : au contraire cela nous presse d'apporter la Bonne Nouvelle. L'homme est fait pour la Gloire de Dieu.
Il nous reste donc à imiter les apôtres : commencer « la neuvaine de prière » dans l'attente de la Promesse. Au 50ème jour, à la Pentecôte, l'Esprit-Saint descendra dans nos c½urs afin que nous puissions accomplir notre mission : témoigner que Jésus est Seigneur et que l'humain est fait pour la Lumière.  On ne peut « témoigner » de Jésus uniquement comme d'un maître qui enseigne, un tribun philanthrope, un héros martyrisé en croix, un esprit éthéré. Seul Jésus « au ciel » c.à.d. introduit dans la Gloire de Dieu, confessé comme SEIGNEUR, donne sens à tout ce qui précède et ouvre le chemin du témoignage et de la mission.

6e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

PERE, QUE TOUS SOIENT UN COMME NOUS

Chaque année, en ce 7ème dimanche du temps pascal, entre Ascension et Pentecôte, nous lisons un extrait (un tiers) de la magnifique prière finale de Jésus en S. Jean. Commencée de manière stupéfiante par la scène du lavement des pieds (le maître au rang d'un esclave humilié !), la soirée ultime de Jésus avec les siens s'est poursuivie par un long discours d'adieu et a culminé avec cette ultime prière dite « sacerdotale ». Tout de suite après, Jésus ira à la rencontre de son destin au jardin des Oliviers où il sera arrêté par des soldats guidés par Judas. Jésus est donc très conscient de ce qui va arriver : « Père, l'heure est venue ». L'heure de la Passion sera l'heure de la Glorification parce que Heure de l'Amour extrême. Les hommes  hisseront Jésus sur la croix : cette « montée » sera « exaltation » par son Père.
A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, les yeux levés au ciel, il priait ainsi :
«  (.....) Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton Nom que tu m'as donné en partage pour qu'ils soient UN comme nous-mêmes. Quand j'étais avec eux, je les gardais dans la fidélité à ton Nom que tu m'as donné. J'ai veillé sur eux, et aucun ne s'est perdu - sauf celui qui s'en va à sa perte...et ainsi l'Ecriture est accomplie. Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi en ce monde pour qu'ils aient en eux ma JOIE, et qu'ils en soient comblés. Je leur ai fait don de ta Parole et le monde les a pris en haine parce qu'ils ne sont pas du monde, de même que moi, je ne suis pas du monde. Je ne demande pas que tu les retires du monde mais que tu les gardes du Mauvais. Ils ne sont pas du monde comme moi, je ne suis pas du monde. Consacre-les par la vérité : ta Parole est vérité. De même que tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les envoie dans le monde. Et pour eux, je me consacre moi-même afin qu'ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité (.......) »

RECEVOIR ET DONNER

En lisant la prière intégrale, on est frappé d'abord par la répétition du verbe « donner » (17 fois !). Le Père a donné à Jésus une ½uvre à faire...un pouvoir sur l'humanité...ses Paroles...son Nom ...ces hommes qui sont ses disciples...son Amour...sa Gloire. Et d'autre part Jésus donne les Paroles de son Père...la Vie éternelle aux siens....Jésus est plus qu'un prophète, un sage, un ambassadeur. Il n'a rien à lui, il ne s'attribue aucun mérite, aucune initiative d'entreprise, aucun courage personnel : mission et disciples sont des dons de son Père. Sa vie entière, il l'a toujours reçue. D'autre part il n'a rien retenu pour lui : tout ce qu'il a reçu, il l'a offert sans rien ajouter ni retrancher. Sa mort en croix sera le signe, la preuve qu'il a véritablement « tout donné ». Il est le parfait « médiateur », pur lien entre Dieu et les hommes. C'est pourquoi les siens ne le retrouveront ni au cimetière, ni dans une statue, ni dans un livre mais dans le Pain eucharistique qui disparaît dans le disciple pour qu'à son tour il reçoive sa vie et se donne tout entier à ses frères.

SA PRIERE POUR LES DISCIPLES

Ces quelques hommes qui l'entourent ne sont pas des héros intrépides, des modèles de science mais il se « donne » à ceux-là même qui vont « l'aban-donner ». Il a toujours et sans arrêt veillé sur eux : il marchait devant eux, il leur montrait le chemin, il prenait sur lui les coups des critiques, il va accepter pour eux sarcasmes et injures, gifles et crachats, coups de fouet et clous. Les évangiles ne rapportent d'eux aucune humiliation, aucune souffrance. A présent qu'il sait qu'il va partir, Jésus prie son Père de les garder. Car désormais le combat va se déclencher, la lutte sera dure, implacable, terrible. Le maître disparu, c'est contre eux que la haine va se déchaîner, due à ce mystérieux adversaire : « le Malin ».
En effet la foi en Jésus va les distinguer du reste de l'humanité : ils vont adopter un style de vie radicalement différent de celui que cherche la majorité, ils vont proclamer des affirmations inacceptables, ils vont contredire frontalement ce qui semble tout naturel au commun des mortels. Aussi Jésus supplie son Père non de leur épargner les persécutions, non de leur offrir un refuge loin des méchants mais de leur donner la force de persévérer, le courage de ne pas se taire, le refus de la fuite.

L'UNITE

La supplication de Jésus a un but : « Qu'ils soient UN...comme NOUS ». Au cours de sa mission, Jésus a vu combien ces hommes étaient différents les uns des autres, ils se chamaillaient pour des questions de préséance, ils avaient soif d'honneurs terrestres. Maintenant qu'ils ne verront plus Jésus et qu'ils seront la cible des menaces les plus sournoises, en butte aux attaques les plus cruelles, que vont-ils devenir ? Leur plus terrible tentation sera de se séparer les uns des autres : l'un prétendra avoir la vérité, l'autre se dressera dans une certitude adverse.
L'histoire des Églises - à mourir de honte - montre combien le pressentiment angoissé de Jésus devant cette possible désunion était justifié. Déjà toutes les lettres des apôtres du Nouveau Testament sont des supplications pour réparer les déchirures, se retrouver dans l'unanimité, s'aimer les uns les autres. Et d'immenses déchirements se sont produits, qui paraissent incurables. Comme si nous, disciples de Jésus, nous osions lui lancer : « Tu es mort pour rien ! ». Quel scandale !
« UN COMME NOUS » : le Père n'est pas le Fils, le Fils n'est pas le Père. L'unité n'est donc pas confusion, magma, uniformité de croyants-clones, de liturgies identiques, de théologies copiées mais amour dans les différences, accueil dans les diversités, débat sans anathèmes, communion dans le respect mutuel. Le Père aime voir ses fils et ses filles tellement divers, chacun(e) apportant un reflet singulier de sa Gloire.
Par grâce, dans le déferlement de ses horreurs, le XXème siècle - ô merveille ! -  a vu naître l'½cuménisme, la décision de lutter de toutes ses forces pour, enfin, rétablir l'unité visible de tous. Et le concile Vatican II a été voulu par le pape Jean XXIII dans ce but. C'est la seule condition donnée par Jésus « pour que le monde croie » (17, 21). Immense intention qui doit tendre notre prière quotidienne. Espérance folle que contredisent les apparences. Si le Christ est mort « pour réunir les enfants de Dieu dispersés » (11, 52), si Jésus continue de nous affirmer : « Je suis mort et ressuscité POUR CELA », nous n'avons pas le droit d'accepter la situation présente de désunion.

LA SANCTIFICATION

Comment remettre en question nos affirmations bétonnées, distinguer tradition authentique et certitude personnelle, oser demander pardon pour les duretés de c½ur, les condamnations outrancières, les vanités cachées sous les dehors pieux ? Certes les rencontres cordiales d'aujourd'hui valent mieux que les croisades et les bûchers d'hier. Mais l'unité ne peut être obtenue que par une crucifixion : n'est-ce pas cela que Jésus veut dire lorsqu'il dit : « Consacre-les par la vérité : ta Parole est vérité. De même que tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les envoie dans le monde. Et pour eux, je me consacre moi-même afin qu'ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité ».
C'est la Lumière de la Parole de Dieu, Parole énoncée par Jésus dans l'Evangile, Parole que Jésus est, lui, le LOGOS qui a osé dire : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie », c'est elle, c'est Lui, qui peut écarter nos ténèbres et sceller nos réconciliations. Jésus a su que pour réunir les hommes il ne fallait rien moins que la croix : « Je me consacre » ». Alors, à partir d'elle,  mais sans jamais la quitter, en la portant tous les jours, nous pouvons nous enfoncer dans le monde. Celui-ci nous rejette, sa puissance de refus nous semble gigantesque - et pourtant, en son sein, ignorée de lui mais bien vivante, gît une attente secrète, une demande de Vérité et de Vie. Sanctifiés mais en plein monde. Gardés par le Père et persécutés. Notre condition paradoxale tendrait à nous déstabiliser mais notre foi nous fait expérimenter la justesse de ces mots :     « Je parle ainsi  pour qu'ils aient en eux ma JOIE, et qu'ils en soient comblés ».

7e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Heureusement, nous ne sommes pas grecs ! Mais rien à voir avec l'actualité ! Comprenez-moi bien... Heureusement, notre compréhension chrétienne de Dieu n'est pas celle de la mythologie grecque...

Dans la mythologie grecque antique, je ne vous apprendrai sans doute rien, les dieux surveillaient le monde
du sommet de l'Olympe ; ils jugeaient les humains sur leurs faits et gestes... Et si les dieux n'étaient pas satisfaits, ils descendaient sur terre, selon leur bon vouloir, pour punir les hommes. Les dieux des mythes grecs étaient totalement imprévisibles...
Et cette imprévisibilité était source de peur, de frayeur chez les humains...
Dans les mythes, le mouvement de descente, conduit à l'imprévisible, il crée la peur, la confusion...

Le frère Dominique, en ce jeudi de l'Ascension, a éteint le cierge pascal comme cela se faisait dans l'ancienne liturgie. Il l'a éteint pour signifier que le temps dans lequel nous sommes entrés est le temps d'une présence nouvelle, le temps d'une présence non sous le mode de l'immédiateté,  mais sous un mode radicalement nouveau. Nous sommes dans le temps --non de la descente de dieux imprévisibles-- mais de la montée du dieu invisible, de la présence au delà de l'absence.

Notre Dieu est monté aux cieux et c'est en réalité son effacement à nos regards, son invisibilité qui nous ouvre à l'amour et l'espérance. 
La première lettre de Saint Jean culmine en effet avec cet extraordinaire phrase : « Dieu, personne ne l'a jamais vu». Voilà une phrase clé, qui rend le Christianisme crédible puisqu'il vient déminer tous nos fanatismes potentiels. Dieu n'est ni un argument, ni une preuve qui s'imposerait à tous.

Voilà un paradoxe de notre foi qui veut que c'est désormais l'absence, le retrait qui rend Dieu crédible. La tradition juive appellera cela le Tsimtsum, le retrait volontaire de Dieu afin de laisser exister ses créatures. Grégoire de Nysse, au quatrième siècle, écrira « La vraie présence de Dieu à notre liberté est d'être là, sans être là ! » C'est cette absence qui nous offre la liberté. Voilà une dynamique qui n'est vraiment « pas de ce monde », pas de notre culture, où, pour exister, il faut avant tout être visible. Dans notre culture saturée d'images, dans notre monde où seul compte le fait d'être présent sur le marché,  Dieu se fait présence réelle par un discret « lâcher prise », par une douce absence, par son retrait et sa discrétion.

Oui « Dieu, personne ne l'a jamais vu », mais nous ne sommes pas orphelins.

Par son effacement à nos regards, Dieu se rend présent ; il vient habiter au plus intime de chacun de nous pour devenir ainsi la lampe de notre sanctuaire intérieur. Désormais, la présence de Dieu sera toujours médiate. « Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour atteint en nous sa perfection » nous rappelle Saint Jean.  Voilà le retrait de Dieu qui, loin d'une inexistence, devient présence réelle en chaque visage humain. Cette absence de Dieu nous inaugure, elle nous crée.  

Si Dieu n'intervient pas dans notre monde,
il ne cesse pas d'être concerné.
Si Dieu semble s'effacer à nos regards,
c'est pour que nos visages soient autant de facettes de Dieu. 
Il n'agit pas d'une démission de Dieu,
mais d'une mission divine confiée à l'homme.
« De même que tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. »

Et si nous sommes créés à l'image de Dieu, ce retrait de Dieu nous invite à notre tour, dans nos relations, à un doux lâcher prise...
Lâcher prise, ce n'est pas toujours vouloir arranger les choses, mais offrir un soutien...
Lâcher prise dans notre vie, ce n'est pas juger mais permettre à l'autre d'être lui-même Lâcher prise, ce n'est pas trouver des solutions mais offrir des options
Lâcher prise ce n'est pas regretter le passé mais grandir et vivre pour le futur

Oui, cette invisibilité de Dieu nous offre l'écart nécessaire pour notre liberté.
Un espace entre « souvenir » et « survenir » car si un Dieu trop présent dans notre vie,
ne pourrait survenir.

Puissions nous en ce temps d'effusion de l'esprit
découvrir cette présence divine et discrète au delà des apparences,
pour passer d'un imprévisible qui conduit à la peur,
à un invisible, qui nous ouvre à la confiance,
et nous fait découvrir chaque jour
que celui qui aime en vérité
demeure en Dieu. Amen

6e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Si certains doutent encore que le temps pascal est un moment merveilleux de l'année liturgique, puis-je les inviter à méditer les textes que nous venons d'entendre.  Toutes et tous, nous sommes nés pour aimer et être aimé.  Toutefois, ne nous leurrons pas.  Notre langue française est bien pauvre quand il s'agit d'utiliser ce verbe.  En effet, il n'y a pas une définition de l'amour qui convient à tout un chacun.  C'est à nous d'inventer notre manière d'aimer dans les liens que nous tissons.  Verbe d'autant plus paradoxal que tout adverbe même positif qui lui est joint, en diminue son intensité.  « Je t'aime beaucoup » dit tellement moins que « je t'aime ».  Et pour encore accroitre notre perplexité, en français, nous n'en avons qu'un seul verbe pour « aimer ».  Or, dans le texte original grec des lectures que nous venons d'entendre, il y a bien deux verbes distincts.  Il est fondamental de saisir leur portée car nous risquerions de nous enfermer dans une certaine désespérance lorsque nous prenons conscience que nous ne sommes pas à même d'aimer tout le monde avec la même intensité et qu'il y a, sur cette terre, des personnes avec qui nous ne sommes pas spécialement toujours en sympathie.  Heureusement pour nous alors, lorsque le Christ nous demande de « nous aimer les uns les autres », nous ne sommes pas dans le domaine des sentiments.  L'amour d'agapè s'inscrit d'abord et avant tout dans le respect.  Nous sommes donc conviés à nous respecter les uns les autres, c'est-à-dire à reconnaître en chaque être humain cette part divine qui vit en lui.  Respecter celles et ceux de qui nous nous faisons proche, c'est leur souhaiter de trouver, de retrouver en eux le meilleur d'eux-mêmes ; c'est toujours chercher à leur vouloir du bien alors qu'ils auront parfois pu nous blesser.  Cet amour-là est à la portée de tous.  Il est le fondement nécessaire à toute forme de relation.  Et ce commandement d'amour de respect nous demande une prise de conscience et un acte de la volonté.  En effet, nous avons à toujours veiller à chercher à ce que le respect soit le ciment de nos relations et ce, même par delà les différences qui nous caractérisent.  L'amour de respect est le socle à partir duquel toutes les autres manières d'aimer peuvent se décliner. 
D'où, dans l'évangile que nous venons d'entendre, il nous est proposé de vivre une autre facette du verbe aimer.  Cette fois, nous nous situons au niveau de notre c½ur.  Nous sommes envahis par de nobles sentiments d'amitié qui, au fil des rencontres, se sont confirmés, enrichis et ont ainsi donné naissance à une conjugaison nouvelle, celle d'un présent toujours  renaissant. Quoi de plus normal puisque, avec l'être aimé d'amour et d'amitié, nous sommes sur la même longueur d'ondes, celle du c½ur. Au long des années écoulées, s'est construit un lien dans une proximité plus réelle que la distance, dans une présence plus forte que l'absence. Nous avons ainsi appris à rester ouvert à l'altérité de l'autre. Nous nous sommes découverts plus vivants, plus forts, reconnus dans notre singularité.  Nous nous sommes enrichis l'un de l'autre parce qu'il n'y a pas « de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis », nous dit le Christ. A ce niveau précis, nous avons découvert, dans la fidélité des sentiments partagés, que l'amitié était une vertu car elle se vit de sincérité et se nourrit dans la vérité. Ces rencontres-là sont toujours teintées d'une sensibilité à la faiblesse de l'autre, à sa fragilité ou à sa vulnérabilité, une forme de tendresse enluminée de compassion.  La tendresse, ce sont finalement deux faiblesses qui se reconnaissent mutuellement et entrent en résonance. Ici, la sensibilité acquiert une dimension nouvelle, celle d'être capable d'être touché par l'autre, tout autant vulnérable et proche que je puis l'être.  La sensibilité nous a conduit à une proximité où la présence importe plus que les projets, où l'être engage plus que l'agir.  Ce qui nous bouleverse dans l'amour d'amitié, c'est cette acceptation de la beauté d'une fragilité fondamentale, mieux encore cette manière unique, absolument inédite, d'être et de se livrer. Pour ce faire, il nous suffit de ne jamais considérer l'autre comme un terrain conquis, mais toujours comme une terre promise. Rien ne nous est dû.  Nous n'avons  aucun droit sur son amour.  L'amour d'amitié est un cadeau tellement immérité que jamais rassasiés, nous ne souhaitons qu'une chose : en recevoir plus encore. Alors, avec de tels commandements d'amour, en Dieu, il n'y a donc plus de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin.

Amen

6e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

SE COMMUNIQUER L'AMOUR POUR LA GLOIRE DU PERE

Dimanche passé, nous écoutions le premier volet de la magnifique allégorie de la Vigne qui constitue le centre du discours d'adieu de Jésus à ses disciples. Au moment de disparaître, il leur offre ses ultimes révélations sur ce qu'ils auront à vivre, il leur apprend la profondeur de leur nouvelle identité. Ils ne sont pas un groupement qui conserve le souvenir d'un maître, une secte qui défendra ses intérêts, une organisation à visée hégémonique mais « une communion »,  comme une vigne et ses sarments.
Aujourd'hui nous écoutons la seconde partie : quel résultat Dieu attend-il de cette Vigne ?

A l'heure où Jésus passait de ce< monde à son Père, il disait à ses disciples :
« Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés : demeurez dans mon amour.
Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour comme moi, j'ai gardé fidèlement les commandements de mon Père et je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que vous soyez comblés de joie..... »

Jésus ne leur demande pas un examen de conscience ni la comptabilité de leurs bonnes actions mais de prendre conscience de ce qu'il a vécu pour eux : il leur a offert le feu qui l'habitait, l'amour infini de son Père. Parce qu'il les « aime jusqu'au bout » (13, 1), il vient de leur laver les pieds et il va s'engager sur le chemin de la croix. Etre chrétien, ce n'est pas d'abord faire ou mériter quelque chose, c'est être aimé de Jésus tel que l'on est. Et cet amour est proprement et intégralement l'amour du Père.
Encore faut-il « demeurer » dans cet amour. Pour cela, une seule condition, indispensable : observer sa volonté, vivre à la manière qu'il a enseignée, prendre l'Evangile comme code de conduite. La foi doit devenir fidélité ; la dévotion, action ; le rite, pratique ; la parole, engagement ; la ferveur, persévérance. La lutte sera quotidienne tant notre égoïsme cherche à reprendre le dessus, tant les obstacles sont nombreux, tant nous voulons « rester en nous » au lieu de « demeurer en lui ». Il nous faudra sans cesse garder les yeux sur Jésus, connaître l'Evangile pour apprendre comment lui-même a durement appris l'obéissance.
Mais que cet enseignement de Jésus est exaltant ! Ses paroles n'écrasent pas, ne désespèrent pas. Au contraire il nous les dit afin de nous remplir de SA JOIE ! Une joie que le monde ne peut offrir parce qu'elle naît de l'accomplissement total de notre être par un don d'amour, et parce que rien ni personne ne peut nous l'enlever (16, 22) !

Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.
Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.
Je ne vous appelle plus serviteurs car le serviteur ignore ce que veut faire son maître.
Maintenant je vous appelle mes amis
car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître.

Après avoir insisté sur la nécessité de garder l'attachement à Jésus, de ne jamais se détacher du cep, ici, en second volet, Jésus révèle le fruit que la vigne va offrir : l'amour réciproque des membres les uns pour les autres « comme Jésus nous a aimés ». « Comme » : il n'y a pas là seulement un exemple à imiter car nous sommes sortis de l'ancienne Alliance où le croyant essayait de pratiquer ce que la loi ou un prophète lui enseignait. Maintenant nous sommes dans la Nouvelle Alliance : à l'intérieur de la vigne qu'ils constituent comme « Jésus total », les membres (sarments) ne peuvent que se communiquer la sève (L'Esprit-Saint) qui vient du Christ (le cep) et qui les soude les uns aux autres. Si Jésus parle de « commandement », il ne peut s'agir d'un ordre donné par une autorité extérieure. Mais comme nous sommes toujours tentés de définir notre foi par des observances que nous inventons à notre gré, Jésus doit absolument préciser et définir l'essentiel de notre « demeure avec lui » : la charité entre membres.
Cet amour n'est pas de paroles, il ne choisit pas son objet (le membre de la famille, le collègue de travail, le compatriote, le croyant de même sensibilité...). Il ne se réduit pas à des gestes de politesse, ne s'enferme pas dans des limites.  Car Jésus conduit son disciple à aimer comme lui, c.à.d. à donner sa vie s'il le faut pour les autres personnes aimées de Jésus.

Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis
afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure.
Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l'accordera.
Ce que je vous commande, c'et de vous aimer les uns les autres »

Le disciple, l'ami de Jésus, n'a pas à se vanter de sa foi comme d'une initiative intelligente, d'un élan de bonne volonté : le choix par Jésus reste toujours prioritaire. Cela ne signifie pas qu'il soit arbitraire, que le Seigneur appelle un tel et repousse un autre, puisqu'il n'a jamais fondé une secte d'initiés mais a toujours parlé à la foule. Cette « élection » est responsabilité, obligation de donner réponse, de faire du fruit. Les sarments sur le cep sont de différentes dimensions : ainsi les amis de Jésus diffèrent parce que chacun reçoit une mission particulière. Tous doivent « partir » et « donner du fruit » et « un fruit qui demeure » c.à.d. un amour qui persiste jusqu'à la fin, jusqu'au bout. Les ½uvres singulières ne sont pas à comparer, il n'y a pas place pour l'envie, la rivalité et la jalousie. L'essentiel est que la vigne de Dieu prospère et promette une vendange plantureuse.
Pour finir, comme dans le 1er volet de l'allégorie, l'instruction se termine par une allusion à la prière de demande. Si un sarment de vigne bien émondé donne du fruit par processus naturel, le disciple, lui, n'est pas un membre passif, il doit vouloir réaliser sa mission, collaborer à l'accomplissement du projet de Dieu. Donc, à la suite du Christ, lui-même relié en permanence à son Père et sans cesse décidé à lui obéir, le disciple prie, demande, « aspire » l'amour infusé par le cep, se nourrit d'une énergie qui lui fera porter du fruit.
Et le paragraphe se termine comme il a commencé (inclusion) :
CE QUE JE VOUS COMMANDE, C'EST DE VOUS AIMER LES UNS LES AUTRES.

CONCLUSION

Ecartons toute lecture qui flatte notre orgueil (« Tout cela je l'ai fait ») ou nous plonge dans la culpabilité (« je n'ai pas pratiqué cet idéal, je suis en faute»). Cette allégorie est une révélation que Jésus est tout heureux de nous offrir :
nous sommes introduits dans une lumière que tant d'hommes ignorent    -    nous ne sommes plus « des serviteurs » d'un maître exigeant mais des « aimés du Christ »   -  nous ne pouvons douter de cet amour reçu puisqu'il s'est manifesté sur la croix   -  nous ne sommes jamais plus seuls : sarments de la vigne, nous sommes comme des extensions du Christ, reliés les uns aux autres, nous communiquant la même « sève » vitale.  -  notre devoir, grâce à la prière, est de nous écouter, nous entraider, nous respecter, nous tenir solidaires - bref, nous aimer les uns les autres. 

On comprend que le centre de cette page lue en ces deux dimanches soit:
« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ».

La messe du dimanche, manifestation locale du Projet du Père, don de Vie du Christ à ses amis, est l'apparition de la VIGNE FECONDE « à la GLOIRE DU PERE « (15, 8)  et dans laquelle il n'y a qu'amour et JOIE.           ALLELUIA.   ALLELUIA.

5e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LE CHRIST SE DEPLOIE DANS L'HISTOIRE

En plein milieu des chapitres 13 à 17, où Jean reconstitue, à sa façon, l'ultime soirée de Jésus avec les siens quand il leur lègue son testament par un long discours d'adieu, se dresse l'allégorie de la vigne.
Formée de 2 volets, c'est sur elle que tout l'ensemble pivote. ---  Aujourd'hui premier volet du dyptique.

LA VIGNE DANS LE PREMIER TESTAMENT

Israël aimait chanter sa gloire d'être le peuple élu, premier-né de Dieu, en se comparant à une vigne magnifique mais déjà le prophète Isaïe avait exprimé le dépit de Dieu devant les infidélités de son peuple :
« Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau plantureux. Il y retourna la terre, enleva les pierres et installa un plant de choix. Au milieu il bâtit une tour et il creusa un pressoir. Il en attendait de beaux raisins et il n'en eut que de mauvais ! ............. Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n'ai fait ? J'en attendais de beaux raisins : pourquoi en a-t-elle produit de mauvais ? ..............  La vigne du Seigneur, c'est la maison d'Israël, et les gens de Juda sont le plant qu'il chérissait. Il en attendait le droit et c'est l'injustice. Il en attendait la justice et il ne trouve que les cris des malheureux ».        (Isaïe 5)
Dieu, par son prophète, rappelle tous les bienfaits dont il a comblé son peuple (libération d'Egypte, Alliance, Décalogue, installation en Canaan, les prophètes, etc.). Mais cette générosité divine avait un but : non privilégier Israël mais en faire une société où règnent le droit et la justice afin d'entraîner tous les peuples à imiter son organisation. Hélas, Israël a joui des grâces divines, a bâti à Dieu un temple magnifique, y a organisé de splendides liturgies...mais les malheureux crient tandis que les puissants se rengorgent, des affamés appellent à l'aide alors que des nantis se bâfrent ! Aussi Dieu annonce qu'il va intervenir : en effet, Jérusalem, ses palais et son temple seront saccagés par les armées ennemies.

LA VIGNE DANS L'EVANGILE DE MATTHIEU

Dans les évangiles de Marc, Matthieu et Luc, Jésus se propose de remédier à ce scandale de l'infidélité : il vient, dit-il, inaugurer le Royaume de Dieu qu'il compare à une vigne dans laquelle les croyants sont invités à entrer. Dans Matthieu, trois paraboles reprennent le thème : celle des ouvriers de la dernière heure explique que le maître invite sans cesse à aller travailler dans sa vigne (Matt 20, 1). Celle des 2 fils constitue un avertissement : certains sont de faux croyants tandis que des pécheurs invétérés se convertissent et changent de vie. (Matth 21, 28). Et Jésus, à l'approche de sa passion, enchaîne avec une 3ème parabole sur le même thème d'Isaïe ci-dessus. Le propriétaire confie sa vigne à des vignerons : il envoie des serviteurs (les prophètes) pour en recevoir le fruit mais les vignerons les molestent. Dieu alors leur envoie son fils bien-aimé (Jésus) : on l'exécute. Dieu châtie ces hommes et « confie sa vigne en fermage à d'autres vignerons qui lui remettront les fruits» (Matt 21, 33).

LA VIGNE DANS L'EVANGILE DE JEAN

Saint Jean approfondit encore ce thème. La vigne de Dieu n'est plus un peuple particulier parmi d'autres (A.T.), elle n'est plus un projet que Jésus confie à certains hommes au risque d'être toujours déçu (Matt.)
LA VIGNE DE DIEU, C'EST JESUS LUI-MÊME. Les vignerons homicides l'ont eux-mêmes plantée au Golgotha, petite éminence « hors ville » dans une carrière désaffectée, et dont la forme rappelait celle d'un énorme crâne humain (d'où son nom : Golgotha en hébreu signifie crâne). Une vieille légende juive assurait qu'il s'agissait là du crâne d'Adam, le premier homme, qui devait avoir une taille gigantesque et qui avait été enterré à cet endroit ! Les vieux crucifix montrent encore sous les pieds de Jésus un crâne et des os qui évoquent cette légende pleine de sens. Ainsi la mort de Jésus en croix réalise - symboliquement- une « transfusion sanguine » : de son c½ur transpercé a coulé le sang qui, goutte à goutte, redonne Vie Nouvelle à l'homme mort à cause du péché. Sa résurrection relève l'humain de la poussière de la mort. La Vigne de Dieu est plantée : son expansion est sûre et elle s'étendra à tous les humains, fils d'Adam, appelés à redevenir un seul corps qui donne à Dieu le fruit qu'il attend.

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : «  Moi, je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l'enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie pour qu'il en donne davantage. Mais vous, vous êtes déjà nets et purifiés grâce à la Parole que je vous ai dite : « Demeurez en moi comme moi en vous ». De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s'il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus si vous ne demeurez pas en moi.

L'insistance du texte n'est pas sur le fruit à donner mais sur la « demeure en Jésus », l'attachement du sarment au cep, le lien vital du disciple à Jésus son Seigneur dont il reçoit la vie.  Le vrai chrétien n'est pas étranger à son Seigneur, membre de son organisation, élève à l'école de son maître.  JESUS ET LES SIENS SONT UN, ils demeurent l'un dans l'autre - ce que les théologiens appellent « l'immanence réciproque ». Elisabeth de la Trinité disait : J'offre à Jésus « une humanité de surcroît ». 
Plus le disciple « tient » au Christ, plus il l'aime c.à.d. plus il s'applique à écouter ses paroles et à les mettre en pratique, plus il fructifiera.  Mais, en conséquence il ne doit pas être surpris d'encaisser des coups, de traverser des épreuves, de subir des attaques : il y voit comme « des coups de sécateur » de Dieu qui l'émonderont et lui permettront de donner davantage de fruits.

Moi, je suis la vigne et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit car, en-dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu'on a jeté dehors et qui se dessèche. Les sarments  secs, on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent. Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez et vous l'obtiendrez. Ce qui fait la Gloire  de mon Père, c'est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi vous serez pour moi des disciples ».

Le drame de « l'humanisme » est de vouloir créer un monde sans ce lien de la foi considérée comme aliénation, carcan insupportable. Nous avons vu au 20ème siècle (et en terres de baptisés !) les deux tentatives les plus colossales jamais entreprises dans l'histoire pour éliminer Dieu et édifier un monde parfait : le communisme promettait des lendemains qui chantent et le national-socialisme un 3ème Reich  pour le pur Aryen, type de l'homme nouveau. Ces entreprises titanesques se sont achevées dans des horreurs, des dizaines de millions de victimes, le Goulag et Auschwitz. Détachés du cep, desséchés, les sarments stériles ne peuvent plus donner un fruit valable (ou s'ils le font, ce n'est que pour un temps et à l'avantage de certains) : ils tombent dans le feu de l'autodestruction. 
« En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » : l'affirmation paraît péremptoire, exclusive. Elle veut dire que seule une communauté de fils (et pas seulement de camarades, de confrères, de compatriotes) peut s'atteler à réaliser le droit et la justice « à la gloire du Père » de tous. 
Mais la fructification n'est pas automatique, elle ne peut s'effectuer que par un moyen : LA PRIERE, qui est comme l'appel de la branche au tronc, la soif de recevoir la vie. L'attachement pratique au Christ dans une vie fidèle à l'Evangile et la demande sincère et répétée produiront du fruit.
Et comment être un sarment attaché sinon en participant au Pain de Vie, à l'EUCHARISTIE puisque Jésus déclarait : «  Celui qui mange mon corps et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (6, 56). La messe du dimanche manifeste l'apparition de cette « vigne » où Christ et disciples sont comme « soudés » les uns aux autres. Pour donner quel fruit ? Dimanche prochain le dira :
« VOICI MON COMMANDEMENT : AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES COMME JE VOUS AI AIMES »  (15, 12-17)

5e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Voilà bien une réflexion révoltante.  Chacun d'entre nous, nous voulons construire, réussir notre vie.  C'est de nos mains, parfois de notre sang que nous pouvons réaliser quelque chose dans notre vie.  Mais là, rien, brutalement quelqu'un nous dit : « sans moi, vous ne pouvez rien faire ».  On pousse alors un cri de révolte, un cri d'adulte.  Car on les connaît, ces mamans protectrices, qui ne veulent pas que leur enfant devienne grand.  On les connaît, ces maris autoritaires et brutaux qui ne veulent pas que leur femme devienne indépendante et s'épanouisse.  On les connaît, ces chefs de bureau qui sans cesse harcèlent leurs employés, en leur disant : « toi et moi, nous sommes des amis ; alors tu feras bien cela pour moi ».  il n'y a rien de plus irritant, de plus dégradant que ce genre de manipulation où, sous prétexte d'amitiés et d'amour, on étouffe son voisin.
Est-cela que Dieu veut ? « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ».  D'accord on reconnaît qu'on a de temps en temps besoin de Dieu, mais de là à dire que sans lui ont ne peut rien faire.  Je suis fier de ce que j'ai fait.  Je suis fier de ce que je suis.  Je l'ai fait avec mes mains, avec mon courage, avec mon intelligence.
Mais, en toute honnêteté, et c'est ça le malheur, il faut qu'une épreuve me rappelle qui je suis, ce que je suis en réalité.  Ce peut être une épreuve physique, un grave accident.  Ce peut être une épreuve morale, un grave échec professionnel.  Ce peut être une grave épreuve affective, une rupture, une violente dispute.  Sans cesse nous nous enfermons dans un monde artificiel de certitudes.  Ca marche.  Ca continue.  Mais rien ne continue.  Tout change sans cesse.  Le monde autour de  nous.  Les personnes avec lesquelles nous vivons.  Et nous-mêmes.  Nous avons de nouvelles attentes, de nouvelles espérances, de nouvelles angoisses, de nouvelles causes de désespérance.  Et c'est alors que l'on comprend mieux cette constatation : « sans moi, vous ne pouvez rien faire ».  C'est vrai que nous ne pouvons rien faire.  La vie que j'ai, c'est lui qui me l'a donnée.  La santé que j'ai, c'est lui qui me l'a offerte.  La réussite que j'ai pu avoir, ce n'est que la mise en pratique des dons qu'il m'a donnés.
« Sans moi, vous ne pouvez rien faire » : c'est simplement la constatation qu'il faut laisser Dieu prendre toute sa place dans notre vie pour lui permettre de laisser éclater en nous les qualités qu'il a lui-même déposées.

4e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LA BREBIS DE JESUS N'EST PAS UN MOUTON DE PANURGE

Croire à la résurrection de Jésus n'est pas une croyance en plus, un dogme à caser dans la liste du credo. Si Dieu a ressuscité Jésus, cela signifie qu'il a repris son procès en cassation, qu'il lui donne raison, qu'il proclame son innocence, qu'il authentifie son comportement et son enseignement, qu'il accepte sa mort en croix comme don d'amour pour le pardon, qu'il le proclame comme son Image, son Fils, le Seigneur Vivant. Ainsi, en arrivant à la dernière page de l'évangile, nous le lisons en le remontant: si nous acceptons la résurrection, alors la mort de Jésus nous pardonne tout, alors il nous faut mener notre existence comme il l'a dit, alors nous avons à demander ou assumer le baptême et à prendre Jésus comme Seigneur et Guide.

POURQUOI LE PASTEUR EST « BON ».

Si Lazare réanimé reprit le fil de sa vie prolongée avant de « remourir », Jésus ressuscité a pris la tête de l'humanité croyante et c'est lui qui conduit l'histoire spirituelle du monde à son achèvement. Aussi lorsqu'il proclamait « JE SUIS LE BON PASTEUR », il ne s'agissait pas d'une déclaration bucolique pour émouvoir les amateurs de poésie mais bien d'une affirmation qui révélait sa valeur unique (scandaleuse pour beaucoup), le sens vrai de l'autorité et la liberté paradoxale de l'obéissance chrétienne. Jésus disait aux Juifs : «  Je suis le Bon Pasteur. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n'est pas le pasteur car les brebis ne lui appartiennent pas ; s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit ; le loup s'en empare et les disperse. Ce berger n'est qu'un mercenaire et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui... » Le métier de berger était dangereux car des prédateurs rôdaient : aussi l'homme embauché pour ce travail ne risquait pas sa vie en cas de danger. Tant pis pour les brebis égorgées. D'ailleurs le propriétaire du troupeau, lui-même, s'il s'acharnait peut-être davantage pour défendre ses bêtes, préférait sauver sa propre vie. Les brebis n'ont qu'une valeur marchande : de toute façon elles sont destinées à l'abattage. De même, dans le monde, ceux qui se prétendent les plus compétents pour guider les hommes, leur apporter le bonheur, le niveau de vie, la paix, on voit, lorsque le danger menace, combien ils sont prompts à s'esquiver, à se sauver eux-mêmes tout en laissant « les petits » (les soldats, les ouvriers, les employés...) payer le prix de la casse et être les victimes du conflit, de la crise, des prédateurs financiers. La salle du Q.G. et le bureau du P.D.G. sont d'habitude des lieux sans risque mortel ! Pour moi, affirme Jésus, c'est tout le contraire. Je ne suis animé par aucun désir de puissance ou de cupidité et mes disciples ne sont pas pour moi des recrues, des étrangers, des numéros inscrits sur une liste, des naïfs embauchés pour faire nombre. Moi, je suis le Bon Pasteur : je connais mes brebis et mes brebis me connaissent comme le Père me connaît et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. La « connaissance » ici ne se réduit pas à un savoir (« je sais » les noms de ceux que je dirige) : elle désigne une relation profonde, cordiale, intime. D'une profondeur inimaginable puisqu'elle n'est rien moins que celle « entre le Père et le Fils ». Le lien de foi n'est pas un acquiescement intellectuel, une inscription sur le registre des baptêmes : il est communion de vie divine, entrée dans un amour divin. C'est pourquoi Jésus trouve normal de donner sa vie pour ses disciples en danger : ils ne sont pas des élèves, des employés, des subalternes. Par lui et avec lui, ils entrent dans le c½ur de Dieu. Ils « sont connus », ils « connaissent », ils « co-naissent », ils naissent ensemble dans l'amour infini.

MISSION UNIVERSELLE POUR L'UNITÉ DES HOMMES

J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul Pasteur. Jésus s'adresse d'abord à ses compatriotes, aux enfants d'Israël mais il se sait Sauveur du monde, il a mission de rassembler des humains de toutes origines, de tous milieux. La mission chrétienne est la vraie « mondialisation », commencée bien avant qu'on en parle, sans nivellement des différences, sans projet lucratif, sans déni de la dignité de l'homme et de ses droits. L'Eglise est de soi « catholique » au sens originel = universelle. Toute communauté chrétienne doit se sentir partie d'un tout, indispensable, unique, originale. La plus petite ne doit pas être jugée de haut par les importantes. Toutes doivent avoir souci les unes des autres. Ce qui se passe au Vietnam concerne Paris ; ce que vit l'église de Kinshasa concerne celle de Varsovie. Mais quelle tristesse épouvantable de constater les déchirements séculaires qui font obstacle à la mission ! Scandale ! Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever : je la donne de moi-même. J'ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j'ai reçu de mon Père ». Et pour finir, Jésus revient sur le don de soi-même. Il insiste sur sa conscience de don volontaire : il n'a jamais été victime d'un complot. Certes il a tremblé devant la perspective du supplice, il a connu peur et tremblement mais dans cette agonie indicible, il s'offrait pour que les siens soient libérés de la mort éternelle, pour qu'ils cessent de se mépriser et de se battre, pour qu'ils se rassemblent dans l'amour du Père, pour qu'ils constituent une communauté unique. Alors que l'on dit toujours que c'est le Père qui ressuscite son Fils, ici Jésus affirme son initiative permanente. Je donne ... Je reprends. Ainsi, lors du dernier repas, il déposera son manteau puis il le reprendra - signe de sa maitrise.

CONCLUSION

L'image du Pasteur n'est donc pas un thème folklorique mais induit une conception de l'autorité et de l'obéissance dans l'Eglise. La tête de l'Eglise n'est pas un prélat mais le Christ Seigneur : que tout responsable d'Eglise, à tous les échelons, ne l'oublie jamais. Loin d'enrégimenter et de faire marcher au pas des adhérents, le Christ s'élance seul sur le chemin de la réalisation du Projet de son Père : ce projet de vie se heurte au refus catégorique et doit donc affronter la mort. Jésus seul va au Golgotha : son exécution par les ennemis devient, par le don de lui-même, exécution finale de ce projet. Ceux et celles qui décident librement de le suivre ne forment pas un troupeau d'inconscients aveugles et d'imbéciles heureux : chacun et chacune est « connu(e) » c.à.d. introduit(e) dans la relation d'amour du Père et du Fils. Chacun(e) est donc souverainement libre et ensemble ils constituent une communauté libre. Donc chanter le célèbre cantique « Le Seigneur est mon berger» n'est pas le bêlement benoît de moutons de panurge soumis aux diktats du Vatican et tenus de dire « amen » à tout. Au contraire ceux qui se croient autonomes, libérés des liens de la foi, sont soumis aux slogans enjôleurs, aux caprices des modes, aux désirs contradictoires, jouets de puissants qui les poussent vers des lendemains qui déchantent. Mais pourquoi donc tant de brebis du Christ ont-elles aussi marché derrière des drapeaux rouges en chantant «L'Internationale » qui conduisait au goulag ? Pourquoi tant d'autres ont-elles vénéré un führer qui les galvanisait et les guidait à la mort dans un amas de ruines ? Pourquoi d'autres, plus nombreuses encore, sont-elles séduites aujourd'hui par les sollicitations d'une société insensée où la consommation frénétique de quelques-uns se paie par la consumation de la majorité des autres ? Que signifie d'être une brebis d'un Seigneur qui donne sa vie pour les autres ? «  LE SEIGNEUR EST MON BERGER : RIEN NE SAURAIT ME MANQUER »