2e dimanche de Carême, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Quand Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, seuls, à l'écart, c'est qu'il va se passer quelque chose. Quand, en plus, cela va se passer sur une haute montagne, c'est le signe que ce sera très sérieux. En effet, que s'est-il passé, bibliquement, sur des « hautes montagnes » ? C'est sur l'Horeb que Moïse reçut la révélation du Nom divin et c'est sur le Sinaï qu'il reçut la Loi. Nul doute que ce qui va se passer ici sera du même ordre, de la même importance.

Les vêtements resplendissants ne sont pas non plus un détail anodin. C'est ainsi qu'était déjà décrite la venue du Fils de l'homme dans l'Apocalypse de Daniel (3 siècles avant l'évangile). Mais que viennent faire ici Elie et Moïse ? Elie était, dans la tradition juive, le Prophète par excellence. Il était passé par l'Horeb et la tradition disait qu'il n'était pas mort mais qu'il avait été enlevé au ciel. C'est lui dont on attendait le retour. Moïse représentait à lui seul la Loi, donnée -on se le rappelle- par Dieu sur une haute montagne. Par la présence de Moïse et d'Elie, ce sont les deux piliers les plus officiels de la tradition biblique qui sont témoins et associés à cette « rencontre au sommet ». Jésus en est la continuité, le renouvellement.

La proposition de Pierre de monter trois tentes est habituellement interprétée comme le désir de prolonger un moment de béatitude. Mais ce geste est aussi celui, toujours pratiqué actuellement dans le judaïsme, de la fête des Tentes au cours de laquelle, en souvenir des 40 ans au désert, on se remet dans la condition du nomade, où l'on se souvient de la Tente de la Loi que les tribus transportaient partout où elles allaient, présence de Dieu auprès de soi. Voilà donc reconstitué le contexte favorable où Dieu peut parler, a parlé, va parler et où nous serons dans les dispositions pour l'écouter.

Son message est de nous dire que ce Jésus est plus qu'un Législateur, plus qu'un Prophète (tout en les supposant), qu'il est avec Dieu dans la relation la plus intime, la plus précieuse qui soit : celle de Fils par rapport à un Père, celle de Fils bien-aimé. Située dans le contexte des annonces de la Passion, cette scène de la Transfiguration nous annonce déjà que le Christ de la Passion va souffrir certes mais qu'il est déjà et restera dans sa Passion même le Christ en gloire, un Christ vainqueur du mal parce qu'il est le Fils bien-aimé du Père.

Fils unique, fils bien-aimé de son père, c'était aussi le cas d'Isaac par rapport à Abraham. Le sacrifice du fils bien-aimé Jésus-Christ a eu lieu (mais pour montrer que Dieu l'emportait sur les pouvoirs de la mort). Le sacrifice d'Isaac n'a pas eu lieu, car le geste fatal a été suspendu. Ce qui l'a fait suspendre, c'est la même chose que ce qui l'aurait amené : la confiance en Dieu. La confiance en Dieu exige, certes, certaines remises en question de nous-mêmes mais la confiance en un Dieu-Père devrait nous éviter, à nous comme à Abraham, ce genre de suspens morbide comme si le Dieu-Père pouvait sacrifier pour le néant le Fils de la Promesse.

2e dimanche de Carême, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2011-2012


Avec quelques amis, ce samedi 26 mai, j'organiserai la « flèche dominicaine » : une petite randonnée à vélo qui passera par 5 lieux dominicains en Belgique. Le circuit partira du couvent de Bruxelles, puis passera par la ferme de Froidmont, le couvent de Louvain-la-neuve, l'ancien couvent de la Sarte et puis s'achèvera à Liège, ici même ! 134 kilomètres de plaisir ! Personnellement, le moment fort de la course sera l'ascension du mur de Huy... car le cyclisme ne retient vraiment mon attention que quand ça grimpe. Je ne m'intéresse d'ailleurs au tour de France que quand il traverse la montagne et quand il passe à Liège, bien entendu !

Dans les récits bibliques, vous le savez sans doute, les passages clés sont situés bien souvent sur la montage: sur le mont Horeb, au Sinaï. C'est sur la montagne que Jésus proclame les béatitudes tout comme c'est sur le Golgotha que Dieu nous dévoile son vrai visage.

Les deux récits que nous venons d'entendre sont --permettez-moi l'expression-- deux grosses étapes de montagne dans notre chemin vers Pâques. Deux cols 'hors catégorie', mais pas infranchissables pour notre foi!

Le mont Moriah, tout d'abord. Comment ne pas être énervé à l'écoute du récit de la genèse? Comment ne pas juger ce récit totalement absurde puisque Dieu lui-même avait promis sa bénédiction à Abraham! Voilà une fois de plus la figure d'un Dieu pervers qui revient. Et pourtant... si vous lisez le texte hébreu, c'est tout le contraire.
Si vous prenez le texte, vous verrez qu'il y a en réalité trois noms de Dieu,
il y a trois dieux différents.
Le texte nous invite justement à quitter l'image d'un dieu qui nous demanderait des sacrifices, d'un dieu qui nous mettrait à l'épreuve pour nous éprouver,
à quitter aussi les divinités que nous construisons,
pour découvrir un troisième Dieu,
celui-là même qui a révélé son nom sur le mont Sinaï,
le vrai Dieu qui arrête symboliquement la main d'Abraham.
Ce Dieu, c'est celui qui refuse le sacrifice, le déni, la souffrance. La conclusion du texte est donc l'inverse du début : Dieu, s'il est le vrai Dieu, ne nous met pas à l'épreuve. Un Dieu d'amour qui nous mettrait à l'épreuve serait un dieu sadique.
Sur le mont Gogotha, Jésus nous dévoilera l'image d'un dieu qui ne met pas à l'épreuve, mais qui s'éprouve dans un amour donné jusqu'au bout.

Si cette première montagne nous invite à changer notre regard sur Dieu ; l'évangile, nous propose une autre montagne, qui nous invite à changer notre regard sur l'homme. C'est la montagne d'un nouveau départ, d'une nouvelle naissance. Nous pensons souvent n'avoir qu'une naissance, mais nos vies sont faites constamment de moments de croissance et de renaissance.
Un courant psychanalytique parle de quatre naissances. Si vous préférez, il y aurait quatre cols « hors catégorie » dans notre vie....
Qu'il y en ait quatre ou des milliers peu importe. Elles ne sont pas là pour nous mettre à l'épreuve mais elles peuvent nous offrir de nouvelles naissances. Et si, comme les disciples, nous pouvons être traversés par des forces qui nous tirent en arrière ou qui veulent figer l'instant, il ne sert donc à rien de planter la tente de notre nostalgie
pour faire revenir un passé dépassé.

Ce temps de carême est un temps de transfiguration, tendu vers la résurrection,
un temps pour transformer notre regard sur Dieu ;
un temps surtout pour transformer notre regard sur nous-mêmes
et vivre une nouvelle naissance :
Pour certains, il s'agira de vivre un deuil de manière plus apaisée,
pour d'autres de porter un regard non douloureux sur une cicatrice de l'existence,
pour d'autres encore, il s'agira de quitter un projet qui retient en arrière, ou
de passer sur une autre versant de l'existence...

Puissions-nous vivre ce temps du Carême comme une étape essentielle, dans laquelle nous pourrons accepter le défi d'être transfigurés : c'est à dire d'être devant les autres, ce que nous sommes devant Dieu.

Le Carême n'est pas cette parenthèse qui nous invite à changer de vie pour un temps, mais ce temps où nous pouvons changer notre regard sur nous-mêmes et sur notre vie pour nous libérer. Alors, nous seront, pour nous mêmes et devant nos proches, transfigurés

1er dimanche de Carême, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Car. . . aime !

Mercredi dernier, l'Eglise est entrée en carême. Il est probable que pour une grande partie des chrétiens, cela ne signifie pas grand-chose. Jadis on savait : carême, c'était faire de petits sacrifices, se priver de friandises, manger du poisson à certains jours. Aujourd'hui, on nous prie de nous montrer plus généreux lors des collectes du « carême de partage », de participer à un « souper bol-de-riz ». C'est mieux mais un peu court comme programme ! Lorsque tant de choses sont oubliées, il importe de rappeler l'essentiel.
« Carême » (du latin « 40 ») signale que, dans 40 jours, nous célébrerons Pâques. Nous faisons donc mémoire des 6 dernières semaines de la vie de Jésus. Quittant la Galilée, il a décidé de monter à Jérusalem lors de la fête de la Pâque afin d'y achever son ½uvre : annoncer que le Règne de Dieu s'approche, appeler à se convertir. Ce message concerne tout le monde, au premier chef les autorités religieuses dont il lui faudra dénoncer l'hypocrisie, le légalisme et la cupidité. Jésus sait qu'il va se heurter à leur refus catégorique et donc qu'il payera de sa vie son audace. Il ne pourra purifier le temple qui est la « maison de son Père » mais, par son amour vécu jusqu'à la mort, il entrera dans la véritable Maison céleste du Père et du coup en ouvrira le chemin pour tous les croyants en lui. C'est cette même visée qui doit motiver notre carême, MARCHE VERS PÂQUES.

LE POINT DE DEPART : LE BAPTEME

Si Jésus a le courage de cette démarche, s'il peut mener jusqu'au bout la mission reçue de son Père, c'est à cause de son baptême. La plongée dans l'eau lui a donné le courage de passer par le baptême de feu de la souffrance. C'est pourquoi notre premier évangile de carême nous rappelle cette scène :
Jésus venait d'être baptisé. Aussitôt l'Esprit le pousse au désert. Et dans le désert, il resta 40 jours, tenté par satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les Anges le servaient.

Descendu de Galilée, Jésus est venu écouter ce prophète véhément qui secoue l'apathie des foules, annonce l'imminence du jugement de Dieu, presse ses auditeurs à confesser leurs péchés et à descendre dans l'eau pour obtenir le pardon. Impressionnés, les gens obtempèrent puis s'en repartent chez eux : il y a tant de rites, tant de cérémonies qui n'ont ainsi aucun impact sur l'existence ordinaire. Jésus, lui, fait une expérience bouleversante : en remontant de l'eau, saisi par un flux de l'Esprit de Dieu, il a perçu nettement un appel : «  Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je me complais ». Le charpentier doit cesser de construire des maisons pour commencer à reconstruire l'humanité.
Comment faire ? L'appel divin était net mais muet sur la méthode. Jésus, seul, s'enfonce dans la solitude du désert de Judée pour trouver la réponse : Il y est tenté, d'une façon que Marc ne précise pas, mais qui est normale. Car d'une part lorsque se profile la réalisation du projet de Dieu, les forces du mal se déchaînent, les objections pleuvent, les résistances se durcissent. Et d'autre part l'appel de Dieu ne bride pas la liberté mais la suscite au maximum. A la différence de ses ancêtres qui, dans le désert, pestaient contre le manque d'eau et de nourriture, récriminaient contre leur chef et envisageaient même de retourner à l'esclavage, Jésus assume sa vocation et opte pour la méthode de Dieu : 1) vivre de la Parole de Dieu dans la pauvreté, 2) ne pas subjuguer la foule par des prodiges, 3) ne pas user de violence.
La suite de l'Evangile montre comment Jésus a mis en ½uvre ce programme et donc comment, sur ses traces, l'Eglise se doit d'agir. Qu'elle ne s'étonne pas des tempêtes des tentations, qu'elle s'en relève lorsqu'elle y succombe, qu'elle revienne de ses dérives, qu'elle garde le cap de l'Evangile de son Seigneur.

LA MISSION FONDAMENTALE


Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu. Il disait : «  Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche : convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».

La rumeur se répand : Jean a été arrêté et, on s'en doute très vite, il sera exécuté. La menace de mort plane sur celui qui cesse de ronronner des discours pieux et inoffensifs et qui, comme prophète, ose dénoncer la turpitude des grands de ce monde. Jésus sait déjà ce qui l'attend.
IL PART POUR LA GALILEE. Non qu'il craigne ses ennemis (il saura les affronter en temps voulu) mais d'abord il lui faut commencer sa mission et il a décidé, à la différence de Jean, non pas de se fixer dans la solitude pour y attendre les gens mais de circuler dans sa région. Il y a un temps de prière et de réflexion dans la solitude puis le temps de la mission en plein monde. Jésus part à la rencontre des gens, pour les rejoindre dans leur milieu naturel : c'est dans la vie ordinaire et quotidienne que la Bonne Nouvelle doit être dite afin d'y être vécue dans toutes les situations.

Que fait-il ? IL PROCLAME LA BONNE NOUVELLE DE DIEU. Après, il y aura l'enseignement, la catéchèse, la liturgie, la pastorale, la gestion...mais l'ensemble ne reste vivant que suspendu à cette joyeuse annonce qui ne doit jamais être sous-entendue, considérée comme accomplie, supposée connue. Dieu est toujours en train de venir. Son oubli conduit l'humanité aux déséquilibres, aux guerres, à la mort de l'homme.
Que dit Jésus ? Quel est  son  kérygme (proclamation publique d'une nouvelle importante) ?
LES TEMPS SONT ACCOMPLIS. L'histoire ne se déroule pas au rythme des empires, des conquêtes militaires, des grandes inventions, des événements spectaculaires pour les médias mais bien selon un certain Plan de Dieu. Si le c½ur humain n'est jamais satisfait, jamais comblé, toujours en manque, c'est parce qu'il est fait pour Dieu. Présence que Jésus apporte. Son accueil est l'accomplissement du temps qui devient ouvert sur la dimension de l'éternel.

LE REGNE DE DIEU EST TOUT PROCHE
.

Pourquoi ne pas dire qu'il est là ? Parce que Dieu ne viole pas notre conscience et qu'il attend toujours que l'homme l'accueille. Et aussi parce qu'il s'insinue dans le temps, se prête à nos patiences, se développe selon nos décisions. Dieu ne cesse de venir.

CONVERTISSEZ-VOUS.


Si l'homme écoute l'appel, il saisit immédiatement qu'il adorait ce que la bible appelle des idoles c.à.d. des faux dieux, des fausses valeurs que la société est si prompte à placer sur des trônes et qui mobilisent les foules. La moindre lueur du Royaume qui vient révèle leur vanité, leur péril car sous des promesses de mieux vivre, d'être à la mode, elles mènent à la compétition, l'envie, le désarroi, le désespoir. Mais quelle que soit la puissance de contagion de ces idoles, la conversion est possible. C'est une des grandes nouvelles apportées par la révélation biblique : rien n'est fatal, définitif, irrémédiable. Toujours il y a une fissure dans les murs de nos prisons, une aurore dans nos ténèbres. Changer, se retourner, aller vers la Vie qui vient : là est le vrai sens du mot « pénitence » qui, hélas, en est venu à désigner des privations et de la tristesse.
ET CROYEZ A LA BONNE NOUVELLE. Si son appel nous parvient à peine dans le brouhaha des cris et des musiques, si le poids de nos fautes nous pèse, si l'Eglise nous déçoit, si le changement nous fait peur, si nous craignons d'être traités de naïfs, ayons le courage de l'avenir de Dieu. « Croyez » c.à.d. faites confiance à ce message : il semble vieux de plusieurs siècles, il a souvent avorté, il n'est pas « à la mode »(dit-on) mais il reste NEUF comme aux premiers jours.

CONCLUSION

Donc d'après cette lecture, le carême est décision de marcher vers Pâques, avec un projet de conversion (de soi-même et de l'Eglise). Il faut re-proclamer la Bonne Nouvelle comme Jésus (cf. ci-dessus). Cela coûte cher. Nous n'en aurons la force qu'en « réalisant » ce que signifie le baptême, en retrouvant notre identité de « fils de Dieu », en priant dans la solitude, en écartant les tentations idolâtriques si puissantes aujourd'hui, en osant aller à contre-courant des modes. Le chrétien doit redevenir un « original ».

1er dimanche de Carême, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Un membre de notre assemblée me disait la semaine passée qu'il appréciait les célébrations des dominicains ici à Saint-Jean, tout simplement parce qu'elles ne sont pas trop longues ! Je vous laisse décider si cette phrase est un compliment ou non... Cette page d'Evangile que nous venons d'entendre est probablement la plus courte des trois années liturgiques. Courte, mais très dense. Son auteur ne nous fait pas une longue description des tentations de Jésus, comme le font Matthieu et Luc. Le décor planté par Marc est tout simple : un désert... des bêtes sauvages et des anges.

Un désert, tout d'abord. Spontanément, le désert peut évoquer la solitude, le manque, la privation, voire la stérilité. Mais pourquoi alors, y être poussé par l'Esprit ? Le désert que nous sommes invités à fréquenter durant ce temps de Carême n'est pas ce désert de solitude. Le désert est justement ce lieu où on ne peut survivre tout seul. Il est ce lieu où nous reconnaissons que nous avons besoin d'un autre, d'un guide, d'une main pour nous conduire ; c'est un lieu où nous nous sentons dépendants. Le désert est ce lieu d'intériorité où nous ne pouvons mentir, ce lieu que nous évitons parfois, car il nous confronte à nous-mêmes. Au désert, l'absence des choses dont nous avons besoin nous confronte à notre désir profond, au désir de ceux dont nous sommes dépendants. 
Ce désert, par où commence notre chemin de Carême, n'est donc pas le désert de la solitude, mais un lieu paradoxal, fait de liberté et de dépendance. Le désert est ce lieu de liberté où il n'y a pas de route tracée, mais où nous pouvons trouver notre propre mission, notre chemin.

Nous sommes invités à ne pas déserter notre propre désert. L'Esprit nous pousse au désert, pour découvrir dépendance et liberté. Et si le désert est ce lieu où nous avons peur de nous perdre ; il nous permet en réalité de découvrir qui nous sommes.

Dans ce désert, il y des anges et les bêtes sauvages.

Lorsque nous nous risquons à visiter ces lieux déserts en nous mêmes, il n'est pas rare d'y trouver quelques bêtes sauvages, un peu de violence, de l'égoïsme, une vague envie de domination, et des anges de toute-puissance: toutes ces choses qui en définitive nous isolent et nous empêche d'être libres.
La réaction spontanée est de fuir ces parts menaçantes et de nous tourner vers une part de nous idéalisée, angélique. C'est tout le contraire que nous sommes invités à faire.
Vivre en paix, être libre, c'est apprivoiser nos ombres sans être angélique. C'est vivre avec une animalité maîtrisée sans se croire plus haut que ce que nous ne sommes.

« L'homme n'est ni ange ni bête... » écrivait Pascal « mais le malheur veut que celui qui veut faire l'ange fait la bête »

Le véritable désert fait tomber les masques de l'ange et de la bête, des illusions et de la dépression.  Vouloir la grandeur, faire l'ange, c'est se complaire dans l'illusion de la réussite, c'est se conduire dans une peur de perdre de l'affection. Le désert nous empêche de mettre ces masques là. Mais il nous confronte aussi à la part sauvage en nous, ces parts menaçantes parce que menacées, ces zones d'ombres non apprivoisées, qui font ce que nous sommes !

Jésus vivant tant avec les bêtes sauvages et les anges nous montre un chemin d'une humanité réconciliée avec elle-même, une humanité démasquée. Une telle réconciliation ne peut se vivre que dans le désert, lieu de la rencontre au-delà de l'absence ; lieu ou les fantasmes s'effondrent, où nous pouvons vaincre celui qui nous divise intérieurement, le lieu où l'homme se découvre lui-même, 
puisqu'au désert, il n'y a pas d'ombre pour se cacher.

Vous le sentez, cette page d'évangile est riche et n'a rien à voir avec un discours moralisant sur les tentations ! Elle nous invite plutôt, sans peurs et sans idéaux, à nous nourrir et à nous restaurer, à refaire notre unité.

Si le désert est ce lieu où nous avons peur de nous perdre;
notre désert intérieur, par contre, est ce lieu où nous pouvons nous découvrir.
Alors, si vous voulez que ce temps de Carême vous soit nourrissant,
reprenez un petit peu de désert... Amen.

1er dimanche de Carême, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

« Jésus venait d'être baptisé ». Cette phrase de raccord avec l'épisode précédent rappelle très utilement le contexte. Nous sommes tellement habitués à ce qui est devenu le sacrement de baptême que nous oublions que, originellement, l'immersion n'était pas du tout le rite d'entrée, d'adhésion à une croyance. Dans le judaïsme, le rite d'appartenance était celui de la circoncision. Des rites d'ablution existaient. Ils étaient même nombreux mais n'avaient qu'une valeur de purification. Avec Jean-le-Baptiste, l'immersion, bien plus qu'une simple ablution, devenait, non plus un rite (au sens d'une obligation formaliste) mais un signe d'une réalité intérieure, d'une conversion (c-à-d un changement de conviction entraînant un changement de comportement). Si la réalité intérieure n'y était pas, le signe était in-signifiant. Il ne valait pas par lui-même. Il n'opérait pas par magie. Le sacrement chrétien a repris cette conception à son compte.
Jésus n'avait pas besoin de passer par ce signe. Mais le fait qu'il ait choisi de passer par là était déjà un message: la Bonne Nouvelle que j'ai à vous apporter tient entièrement à la conversion intérieure que vous êtes prêts à faire. Elle tient à l'intériorisation même, à un changement de conviction entraînant un changement de comportement. C'est par un appel à ce type de conversion que Jésus inaugure ici son ministère.
Jean ne pratiquait son immersion que dans une rivière bien précise : le Jourdain. Ce détail n'est pas anodin. Après les 40 ans au désert, c'est par une immersion dans le Jourdain, en le traversant, que le Peuple de Dieu accède enfin à la Terre Promise. Et cette traversée du Jourdain n'est elle-même que la réplique, quarante ans avant, de la traversée de la Mer Rouge, l'arrachant, lui faisant couper les ponts (si l'on peut dire) avec l'esclavage d'Egypte, image de l'esclavage au matérialisme, aux faux dieux, à un pouvoir humain qui s'était divinisé.
Au peuple hébreu, il avait fallu quarante ans pour vraiment quitter l'un et vraiment entrer dans l'autre, pour opérer cette conversion, pour être prêt. Certes, ce désert avait été un temps jalonné de tentations, surtout celle de retourner en Egypte d'ailleurs. Car l'esclavage est plus facile que la liberté (au sens de la prise en main de soi dans un but décidé). Mais, en dehors de cet aspect « tentation », le désert avait surtout été un temps de préparation, de mûrissement.
Le désert, comme le développe le prophète Osée, c'est aussi le lieu des épousailles avec Dieu.Un lieu où, privé des artifices du monde, l'homme prend mieux conscience de sa fragilité, de sa petitesse, et revient à un peu plus d'humilité ; revient simplement à lui-même, sans faux- fuyant. Un lieu où, débarrassé des soucis du monde, l'homme peut s'ouvrir à une relation d'intimité avec Dieu et où Dieu peut, enfin, lui parler.
Jésus n'avait pas besoin de passer par là, mais ce geste contient en soi un autre message : vous avez besoin de passer par là ! Pas nécessairement 40 ans, mais bien 40 jours, comme les 40 jours de crue lors du déluge de Noé...ou les 40 jours de décrue après lesquels Dieu a voulu conclure cette alliance avec l'homme...ou les 40 jours que Moïse passa sur la montagne de l'Horeb avant de recevoir la Loi, aussi alliance.
Et nous-mêmes, que ferons de ces 40 jours ? Faisons-en un temps de préparation intérieure. Dieu attend de nous parler, de nous faire entrer dans son Alliance.

7e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LE  PARDON : ON  N'A  JAMAIS  RIEN  VU  DE  PAREIL

Après avoir accompli un premier périple à travers la Galilée (dont Marc n'a retenu que la rencontre et la purification d'un lépreux), Jésus revient à son point de départ, Capharnaüm. C'est alors que Marc va présenter 5 controverses successives car les adversaires de Jésus n'admettent ni ses déclarations ni son comportement. La liturgie ne nous en présentera que la 1ère car dès dimanche prochain, nous entrons en carême avec lectures propres. ---    Voici donc le plan de ces affrontements :
2, 1-12     :    Jésus s'affirme « Fils de l'homme » avec pouvoir de pardonner les péchés.
2, 13-17   :    il partage la table avec des pécheurs car il est « Médecin ».
2, 18-22   :    il ne jeûne pas car il est « l'Epoux »    -   Centre : Paraboles sur le mystère du « nouveau ».
2, 23-28   :    il s'affirme « Fils de l'homme », maître du sabbat.
3,  1-6      :    il opère une guérison en plein sabbat.
Ces controverses font croître la violence à tel point qu'elles se terminent sur la décision des adversaires : « TUER JESUS » (3, 6). Les enjeux sont donc dramatiques ! La « nouveauté » apportée et vécue par Jésus est inacceptable pour les spécialistes des Ecritures.

PORTER LE PARALYTIQUE
Jésus était de retour à Capharnaüm et la nouvelle se répandit qu'il était à la maison. Tant de monde s'y rassembla qu'il n'y avait plus de place, même devant la porte. Jésus leur annonçait la Parole.

La célébrité rapide de Jésus s'est évidemment construite sur ses guérisons spectaculaires. Mais de retour à la maison de Pierre, « JESUS PARLE LA PAROLE », dit Marc. L'essentiel est d'annoncer que Dieu est en train de venir et donc que cet événement provoque un changement radical, une nouvelle manière de voir. Comme disait un grand rabbin : « Dieu est là où on le laisse entrer ».

Mais pendant ce temps, quelque chose d'étonnant se passe à l'extérieur :
Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé porté par 4 hommes. Comme ils ne pouvaient l'approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de Jésus, font une ouverture et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé.

Il n'est pas rare que l'entourage de Jésus empêche d'autres de s'approcher de lui. Combien de bonnes volontés, en quête de vérité,  ont été découragées par une Eglise qui, sûre de ses privilèges, monopolise le Maître et dresse un mur autour de lui ? Savons-nous faire des brèches dans nos pratiques rituelles,  nos coutumes routinières, nos blocages théologiques pour que le Seigneur ait la joie de découvrir d'autres visages ? Que découvre un jeune en recherche et qui risque un ½il dans nos assemblées ?...Croyons-nous être sauvés alors que nous tournons le dos à d'autres ?...
S'il faut de la persévérance pour contourner l'obstacle de l'Eglise, « les porteurs » ici en sont les modèles admirables. Qu'ont fait ces 4 hommes ?  Venus écouter Jésus, ils ont pensé à leur ami couché, sont allés chez lui, l'ont placé sur un brancard (il n'était peut-être pas d'accord sur le moment), l'ont transporté à travers la ville, ont été empêchés d'entrer. Mais au lieu de rebrousser chemin, ils ont remarqué le petit escalier extérieur qui, comme dans les maisons de l'époque, longe le mur pour accéder à la terrasse. Avec précaution, ils ont hissé le brancard, ont percé une ouverture dans le toit de pisé et ont descendu le copain juste devant Jésus. La belle-mère de Pierre a dû hurler devant les dégâts, mais Jésus a dû bien rire en comprenant comment ces hommes avaient réalisé avec audace leur projet !
Aussi c'est bien à cause d'eux qu'il va faire un miracle : « VOYANT LEUR FOI » - car leur comportement manifestait  combien ils avaient confiance.
Dans quelle paroisse a-t-on le souci d'aller chercher des handicapés pour les amener à l'Eucharistie du dimanche ? Pourquoi n'est-ce qu'à Lourdes que l'on pense à les placer au premier rang ?...

DE QUELLE PARALYSIE S'AGIT-IL ?...

Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : «  Mon fils, tes péchés sont pardonnés »
Jésus ne dit pas à  cet homme qu'il est handicapé parce qu'il a commis beaucoup de péchés mais il lui révèle que sa paralysie la plus profonde est celle de son c½ur et que la guérison la plus essentielle qu'il a à obtenir est celle du pardon. « Tu es pardonné ! » : le verbe au passif signifie que c'est Dieu qui absout, mais Jésus affirme qu'il est le relais certain de cette miséricorde divine.

Or il y avait dans l'assistance quelques scribes qui étaient assis là et qui raisonnaient en eux-mêmes : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème ! Qui peut pardonner les péchés, sinon un seul, Dieu ! ? ». Saisissant aussitôt dans son esprit les raisonnements qu'ils faisaient, Jésus leur dit :
«  Pourquoi tenir de tels raisonnements ? Qu'est-ce qui est le plus facile : de dire au paralysé « tes péchés sont pardonnés » ou de dire « lève-toi, prends ton brancard et marche » ????.....Eh bien, pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre, je te l'ordonne, dit-il au paralysé, lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi ».
L'homme se leva, prit aussitôt son brancard et sortit devant tout le monde.

A ces mots de Jésus, les scribes qui, depuis un temps, observent ce jeune Galiléen, se mettent à grommeler. Tout pécheur doit se rendre au temple et offrir des sacrifices pour espérer obtenir la miséricorde divine : c'est écrit dans le Livre de la Loi ! Un homme, même un prêtre juif, n'a pas le pouvoir de pardonner les péchés sous peine de blasphème !
Jésus réplique aux murmures désapprobateurs : «  Qu'est-ce qui est le plus facile ... ? ». Et d'un mot, il rend l'homme capable de marcher. La guérison physique est certes importante mais elle doit servir de signe pour assurer que la guérison spirituelle est bien réelle.
Et pour la première fois, Jésus s'attribue ce titre mystérieux de FILS DE L'HOMME (qu'il sera seul à utiliser dans tous les évangiles). Nous avons déjà évoqué ce texte important du prophète Daniel (au 2ème siècle avant notre ère) qui annonçait que, après les Empires terrestres utilisant la violence pour imposer leur puissance (donc symbolisés par des monstres)  viendrait un « fils d'homme », c.à.d. un homme fragile et vulnérable à qui Dieu donnerait le véritable Pouvoir :
« Voici qu'avec les nuées du ciel, venait comme un Fils d'Homme ; il arriva jusqu'au Vieillard (symbole de Dieu éternel)....et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté ; les gens de tous peuples le servaient » (Dn 7, 13).

La gloire royale du Fils de l'Homme - Jésus - n'est pas l'impérialisme : elle est bien plus haute : elle est autorité pour donner le pardon, pour vaincre le mal, pour libérer tout homme de ses chaînes les plus lourdes, pour unifier l'humanité dans la miséricorde de Dieu.
Cette gloire n'est pas éclatante, écrasante : elle doit être perçue dans des signes. La guérison physique du paralysé doit montrer qu'une guérison spirituelle a été réalisée. Sa nouvelle capacité de marcher et de porter son brancard atteste que cet homme est libéré du poids de sa culpabilité, qu'il peut « porter » ses responsabilités et ainsi s'élancer vers Dieu dans une existence libre.
De là on comprend ce que doit être « le travail social » de l'Eglise. Non un simple dévouement (quelle différence alors entre les Restos du c½ur et Emmaüs ?). Mais un travail d'une qualité telle qu'il renvoie à une dynamique spirituelle. Que les bénévoles chrétiens ne l'oublient jamais : le grand mal de l'homme, c'est toujours la paralysie du c½ur. C'est l'Amour de Dieu qu'il s'agit de révéler.

Tous étaient stupéfaits et rendaient gloire à Dieu en disant : «  Nous n'avons jamais rien vu de pareil ! ».
Jamais en effet en Israël on n'avait vu pareille chose. Quand Jésus travaille, l'homme devine que Dieu vient régner. Tout culmine dans la louange et l'action de grâce. Pourquoi les salles de spectacle et les stades manifestent-ils plus de joie que nos églises ? Mais d'abord sommes-nous persuadés qu'on « ne peut rien voir de pareil » à ce que nous voyons et vivons avec l'Evangile ?

7e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

« Lève-toi et marche ». Cette injonction de Jésus à tous les paralysés que nous sommes a l'air de gagner en force quand elle est ainsi prise absolument, en dehors de son contexte. Quel formidable appel à nous réveiller de nos torpeurs, de nos paralysies. Quel formidable appel à nous remettre en marche là où nous pensions peut-être un peu vite qu'il n'y avait plus qu'à nous laisser porter par quatre croque-morts pour nous inhumer dans un caveau. Par chance, ces curieux croque-morts ont une autre idée. Ces humbles diacres de la souffrance humaine sont persuadés qu'il y a encore quelque chose à tenter pour sauver l'homme de son état de quasi-mort : c'est de mettre l'homme en contact avec le Christ annonçant la Parole. Mais où le trouver ? A la maison, pardi ! A la maison de Pierre où avait eu lieu d'abord une guérison intérieure (dont on a parlé il y a deux semaines), maison symbolisant l'Eglise, maison pleine à craquer pour écouter Jésus prêchant la Parole. Cela ne semble plus être le cas, tant nos églises ont l'air vides ! Est-ce la faute à l'Eglise ? Peut-être, sans doute en partie. Annonce-t-elle encore de manière pertinente la Parole de Dieu ou serait-elle trop absorbée par ses migraines internes ?  Mais cessons un instant de nous culpabiliser et de nous complexer nous-mêmes. Peut-être que le nombre de paralysés est devenu beaucoup plus grand, de tous ces gens qui dédaignent superbement d'avoir encore une démarche de sens à entreprendre, qui se sont, par facilitée, laissés nécroser par les petites satisfactions immédiates au jour le jour dont ils se sont faits leur religion. Le problème actuel de l'Eglise n'est donc peut-être pas d'agrandir ou d'augmenter le nombre d'églises mais de trouver des porteurs convaincus que la Parole du Christ peut apporter le salut.

La phrase : « voyant leur foi, Jésus dit au paralysé... » pourrait passer inaperçue alors qu'elle est hautement significative : « voyant leur foi (celle des porteurs !), Jésus dit au paralysé : tes péchés sont pardonnés ». La foi des porteurs vaut donc intercession pour le paralysé et, concernant le paralysé, Jésus n'y va pas par quatre chemins. Le diagnostic est immédiat et sans ambiguïté : ce qui te paralyse, ce sont tes péchés. Et le seul moyen de neutraliser les effets paralysants du mal, c'est le pardon. Voilà ce que Jésus nous dit aujourd'hui. La réaction des scribes est juste : « Qui est-il pour pardonner les péchés ? ». Ils soulignent ainsi, à raison, la difficulté à inverser la logique du mal, opération hors de portée d'un simple humain. Voilà bien pourquoi le Fils de l'homme, titre apocalyptique que prend ici Jésus, a voulu descendre sur terre, descendre dans cette maison dont il a fait l'Eglise, y exercer ce pouvoir de remettre les péchés et transmettre d'ailleurs ce pouvoir à cette Eglise (comme il est exposé dans d'autres passages de l'évangile). Mais, comme le remarque Jésus, le sous-entendu des scribes est plutôt de dénier ce pouvoir à Jésus et de n'y voir qu'un formule magique parmi d'autres, inefficaces comme toutes les autres. Pour vaincre leur scepticisme -et aussi le nôtre- Jésus doit leur donner un signe visible, spectaculaire, comme une guérison physique instantanée. Jésus accepte de donner un tel signe mais le signe, même s'il en faut, est secondaire. Une guérison physique est bien plus facile qu'une guérison morale, la seule vraiment importante pour se remettre en marche, au sens profond de l'image, vers le monde nouveau dont parlait déjà Isaïe, monde nouveau qui ne sera possible que dans le pardon.

De ce message, de cette guérison du c½ur, soyons les apôtres, les porteurs, comme Paul, Sylvain et Timothée, sans ambiguïté, sans défaillance, puisque nous avons été remis debout, rendus solides, pour continuer la mission du Christ.

7e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Finalement, qui conduit qui dans cette histoire ? Est-ce le paralytique ou bien les porteurs ? En fait, je crois que ce sont un peu les deux. Par sa fragilité, le paralytique invite quatre personnes à le conduire à Dieu. Elles l'accompagnent dans sa démarche. Elles le conduisent mais lui, il les conduit également. Tous les cinq sont donc animés de cette foi qui les fait vivre. Une foi qui leur permet de faire des choses complètement folles comme détruire un toit par exemple. Tout simplement parce que la foi nous convie à mettre un peu de folie dans nos vies. Mais pas n'importe laquelle. Pas une folie qui accepte et tolère n'importe quoi, non une folie qui nous permet de porter un regard d'empathie, de douceur, de tendresse, en fait un regard baigné d'amour face à celles et ceux qui vivent l'expérience de l'échec, de la souffrance.

L'échec ou la souffrance sont des réalités auxquelles nous sommes toutes et tous confrontés au moins une fois dans notre vie. Et ce qui est surprenant, c'est que lorsque nous en faisons l'expérience, très souvent nous nous humanisons car nous prenons conscience que la perfection n'est pas de notre monde, que, comme tant d'autres, nous avançons à tâtons. Nous nous confrontons de la sorte à l'expérience toute simple de la fragilité de la vie. Puissions-nous alors ensemble méditer l'évangile de ce jour. Le paralytique a quelque chose à nous dire. Il est fragile et il le sait. C'est pourquoi, il se fait porter par ces quatre personnes qui le conduisent à Dieu. Il est vrai que, dans la vie, nous aussi, nous avons parfois besoin de personnes qui soient présentes à nos côtés pour nous porter et nous conduire là où nous devons aller même si la destination n'est pas le fruit de notre simple volonté mais plutôt la conséquence de la réalité que nous traversons. La vie nous fait découvrir qu'il suffit parfois d'une seule personne à qui pouvoir se confier en toute liberté. Elle portera avec nous ce qui nous semble tellement lourd.  Sa seule présence bienveillante suffit car elle va nous permettre d'assister à un événement intérieur d'une force inouïe. A l'instar de l'ouverture du toit dans le récit de l'évangile, pour chacune et chacun de nous, lorsque cela s'avère nécessaire, le Ciel se déchire pour partir à la rencontre de nos propres déchirures. En d'autres termes, l'Esprit Saint souffle sur celles et ceux qui nous portent pour permettre une nouvelle ouverture et laisser passer cette brise légère divine qui part à la rencontre de nos blessures les plus profondes. Des événements tragiques comme la perte d'un être cher, l'éveil de la maladie, l'entrée brutale dans une nouvelle phase de l'âge peuvent nous blesser à un point tel qu'ils peuvent être vécus comme une véritable déchirure. Une partie de nous-mêmes est arrachée et nous avons le sentiment de perdre un peu de notre unité. Au fil des ans, nous sommes traversés de lézardes, de ruptures. Ne les nions pas mais cherchons plutôt autour de nous celles et ceux qui seront les brancardiers de notre c½ur et qui viendront nous porter dans la simplicité d'un geste effleuré. Dieu est à nos côtés et il vient déchirer notre ciel intérieur pour partir à la rencontre de nos déchirures les plus profondes. Il nous invite à ne pas nous fuir mais à retourner en nous pour trouver, retrouver cette force divine qui prend sa source dans la noblesse de nos sentiments qui se laissent voler vu la fragilité des événements que nous traversons. Le Christ vient à nous et pose son regard sur certaines blessures béantes de nos incompréhensions, de notre mal de vivre.  Il nous veut en marche dans notre c½ur car il souhaite que nous retournions à la Vie. Dieu le Fils vient panser nos blessures et nous convie à nous lever, à nous relever mais sans jamais nier ces cicatrices qui marquent notre histoire. C'est sans doute pour cela qu'il demande au paralysé de reprendre son brancard. Ne rejetons pas les événements qui nous ont fait si mal mais osons les poser dans le c½ur de Dieu. Ils seront plus légers. De la sorte, déchirure et blessure ne rimeront plus jamais avec un passé « fermeture » mais deviennent des lieux de révélation qui nous font aller vers un avenir « ouverture », une ouverture toute offerte à la merveille de la vie, à l'inconnu de Dieu. Par notre foi, nous serons alors sauvés.

Amen

6e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Poursuivant la lecture continue de l'évangile et nous situant encore dans les premières journées inaugurales du ministère de Jésus en Galilée, l'évangile de ce dimanche met en scène la guérison d'une maladie cataloguée « impure » par la législation juive (la lecture du Lévitique l'illustre sur mesure). Ce geste de guérison intervient dans un contexte plus général de guérisons (souvenez-vous des deux dimanches précédents). Jésus se soucie de restaurer la santé des corps, des c½urs et des esprits. C'est ainsi qu'il inaugure sa mission. Sa parole de Salut ne gagnera en effet toute sa portée que si elle est étayée par des gestes concrets de Salut. Cette leçon vaut évidemment pour nous aussi. Mais ici, outre l'aspect de guérison, Jésus touche à la question du pur et de l'impur. D'un côté, Jésus se situe en rupture totale d'avec la manière juive de voir les choses : pour lui, l'impureté n'est pas une affaire d'objets, d'apparence ou de biologie mais d'attitude morale intérieure. Comme les prophètes, il spiritualise entièrement cette notion. Mais, d'autre part, comme on le voit ici, Jésus joue le jeu de la législation juive : Jésus renvoie le lépreux au prêtre du Temple. Il tient en effet à ce que son ½uvre messianique (car la guérison de la lèpre était considérée comme un signe messianique) soit dûment constatée par le judaïsme lui-même. L'ordre de silence (pour signifier la difficulté de réception du message) est à nouveau en concurrence avec la « force irrésistible » qui pousse à proclamer à tout vent ce Message efficace de Salut.

La prise en considération du contexte immédiat de l'extrait de l'épître aux Corinthiens nous aide à faire le lien et à enrichir notre réflexion sur le pur et l'impur. En effet, notre extrait est la conclusion de toute la controverse sur les idolothytes (ces viandes consacrées à des divinités païennes et donc impures). La question était : un chrétien peut-il consommer ces viandes ? La réponse de Paul est double : oui, vous pouvez consommer ces viandes puisque ces sacrifices ne signifient rien pour nous. Mais, si le fait de consommer ces viandes signifie pour vous que vous continuez à vous associer au culte des idoles (ou que cela pourrait être interprété comme tel par vos frères), alors n'en mangez pas. Comportez-vous en hommes libres par rapport à toutes ces pratiques idolâtriques. N'y prêtez pas attention comme telles mais prêtez attention à n'être pas une occasion de scandale pour ceux qui vous entourent. Acceptez donc de limiter volontairement votre liberté, non par considération de pureté ou d'impureté tenant aux objets mais par considération pour votre entourage, par charité.

La lecture du Lévitique n'est là que pour marquer le contraste avec l'attitude de Jésus. Dans le judaïsme sacerdotal, le pur et l'impur n'étaient pas d'abord des catégories morales. A preuve, de simples rites externes ou de simples délais temporels effaçaient la plupart des impuretés. La classification comme « impur » pouvait tenir à différents facteurs : considérations purement hygiéniques, distanciation par rapport à des pratiques païennes et idolâtriques environnantes, conscience du caractère particulier de tout ce qui touche au cycle de la vie et de la mort. Dans tous les cas non automatiques (comme la lèpre), c'était le prêtre qui faisait le constat d'impureté et de son effacement. Retenons de l'attitude de Jésus qu'il nous faut effacer toute ségrégation, surtout si c'est au nom d'une mythologie du pur et de l'impur mais retenons qu'il y a du mal, de l'impur, dans la nature humaine ou dans les coutumes et que notre mission, à la suite du Christ, est de rendre pur l'impur.

 

Sainte Scholastique

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Sanctoral
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

La première lecture est étonnante pour cette mémoire de sainte Scholastique.  Comment peut-on parler de l'amour et de ses flammes comme des flammes brûlantes, des torrents qui ne pvuent éteindre l'amour, alors qu'on célèbre une moniale du sixième siècle ? De telles paroles enflammées conviendraient mieux pour Roméo et Juliette. Eh bien ! allons-y ! comparons sainte Scholastique à Juliette.  Roméo et Juliette peuvent passer des heures, les yeux dans les yeux, la main dans la main.  Ils en oublient l'heure.  Le monde n'existe plus pour eux.  Par contre, quand sainte Scholastique passe la journée avec son frère Benoît, c'est du sérieux.  Saint Scholastique s'était installée avec d'aures moniales à quelque distance du Mont Cassin et Benoît venait parfois paser la journée chez sa s½ur, mais le soir arrviat bien vite et Scholastique suppliait son frère de rester encore un peu.  Mais la cloche sonnait et Benoît se levait.  Scholastique aussitôt se met à prier bien fort pour que Benoît ne puisse rentrer chez lui.  Et voilà que soudain un orage éclate, la pluie tombe, les chemins deviennent des torrents, les falaises des cascades d'eau, les cours et les fermes de vastes étangs.  Benoît resta et continua à converser avec Scholastique mais leur consersation est toute différente de celle de Roméo et de Juliette.  Roméo et Juliette ne pensent qu'à eux et ne parlent que d'eux.  Scholastique et Benoît ne parlent que de Dieu ou mieux ils essaient de voir le monde et la vie avec les yeux de Dieu.  Et pourtant il y a quelque chose en commun chez Scholastique et Juliette : c'est l'amour passionné.  Alors nous aussi, au cours de cette eucharistie, retrouvons l'amour passionné pour Dieu pour mieux découvrir le monde et notre vie, avec les yeux de Dieu, pour pouvoir le chanter et le louer pour l'éternité.

6e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LA PAROLE QUI PURIFIE ET RÉINTÈGRE

Jésus a donc décidé de ne pas fonder un centre spirituel et médical dans la maison de Pierre et il a entraîné ses premiers disciples dans une vie itinérante à travers villes et villages de Galilée.
De cette tournée inaugurale, Marc ne retient qu'un épisode car il est emblématique du dessein de Jésus: créer une communauté où la pire souillure peut être guérie et tout exclu purifié et réintégré.

LES LEPREUX DANS LA BIBLE.

La bible englobe sous le même nom de « plaie » la lèpre proprement dite ainsi que les affections cutanées graves. Ces maladies font peur car elles s'avèrent difficilement curables, progressent insidieusement et sont souvent contagieuses. L'individu qui en est atteint doit aller se montrer au prêtre qui, après constat, le déclarera « impur » et le chassera de la communauté ;
« Le lépreux ainsi malade doit avoir ses vêtements déchirés, ses cheveux défaits, sa bouche recouverte et il doit crier : «  Impur ! Impur ! »....Il habite à part et établit sa demeure hors du camp » (Lév 13, 45).
On devine la détresse immense de ces pauvres malades, couverts de plaies douloureuses qui les défigurent, exclus de la communauté par crainte de la contamination, et obligés d'exhiber leur laideur afin d'éviter tout contact. Il peut arriver évidemment que certains soins obtiennent la guérison : en ce cas, l'homme doit à nouveau se rendre près d'un prêtre qui, à la suite d'un examen soigneux, effectuera tout un rituel pour « purifier » l'ancien lépreux : offrande de deux oiseaux, bain, etc....et, le 8ème jour, un sacrifice de réparation... (cf. Lév 14). Il sera alors déclaré « pur » et réintégré dans la société.

JESUS PURIFIE UN LEPREUX     (texte du jour en traduction plus littérale)
Et un lépreux vient vers lui, le suppliant et tombant à genoux, et il lui dit : «  Si tu veux, tu peux me purifier ». Pris de pitié, Jésus étend sa main et le touche et lui dit : «  Je le veux, sois purifié ». Et aussitôt la lèpre partit de lui, et il fut purifié. En l'avertissant sévèrement, Jésus le chassa aussitôt et lui dit : «  Prends garde, ne dis rien à personne. Mais va te montrer au prêtre et offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit ; ce sera en témoignage pour eux ».

Soudain une silhouette se profile sur la route. De son isolement où il était séquestré, un grand malade vient à la rencontre de ce guérisseur dont il a entendu parler. Il aurait pu, comme d'autres, se résigner à l'inéluctable, demeurer dans son état en soupirant : «  De toutes façons il n'y a rien à faire ». Non ! il ose tenter la démarche. Au lieu de se laisser « couler » dans son horreur, il croit que Jésus peut « le repêcher ». Se tenant à quelque distance, « il vient vers ...tombe à genoux...il le supplie ... ». Oser montrer sa laideur, refuser la fatalité du destin, parier que pour Jésus, je ne suis pas un incurable : ce comportement est plus dur que l'on ne pense. A la fin de l'évangile, Judas n'aura pas ce courage et s'abîmera dans le désespoir. Faute plus grave que la trahison elle-même.
Les disciples (absents du texte) ont dû avoir un mouvement de recul épouvanté devant l'horrible apparition tant ils avaient peur du moindre contact. Au contraire, Jésus, pris de pitié, s'approche : « il tend la main, il touche » : un mot suffit. « Le Saint de Dieu » n'est pas profané par le contact de l'impureté : au contraire c'est lui qui communique sa sainteté  à l'impur.
La crainte rend vulnérable et elle empêche d'agir : la sainteté absolue de Jésus pousse à l'acte et purifie.
Là-dessus Jésus fait deux recommandations à l'homme guéri :

1. LA CONSIGNE DU SECRET

« NE DIS RIEN A PERSONNE ». Or il y avait un certain nombre de malades de la sorte : ne fallait-il pas aller vite les avertir afin que tous viennent à Jésus pour se faire guérir ? Nous avions déjà vu cette consigne du secret, et nous la rencontrerons encore plus loin. Elle semble dire que Jésus ne veut pas être réduit à la fonction thérapeutique. Annoncer la venue du Règne de Dieu, ce n'est pas vider les hôpitaux et supprimer la pauvreté. Dieu n'est pas un magicien qui transforme tout à coup le monde : d'ailleurs celui-ci marcherait-il bien si nous étions tous en bonne santé ? Des hommes très sains (de corps) ont causé des malheurs épouvantables !
Dieu nous a faits libres et responsables : c'est à nous de nous révolter contre la lèpre et tout ce qui écrase, abîme, déchire l'humanité. Si nous imitions Jésus : écouter les cris des exclus, ne pas fuir les horreurs, reprendre contact avec les éliminés, tendre la main ? On l'a dit : si nous consacrions à la lutte contre la lèpre, le cancer, le sida, les sommes gigantesques investies dans la course aux armements, il y a longtemps que ces maux seraient extirpés.

2. L'OBEISSANCE A LA LOI

« VA TE MONTRER AU PRETRE » - Jésus observe les lois : le lépreux guéri devait aller au temple pour offrir les sacrifices prescrits et obtenir un certificat lui permettant de réintégrer la communauté. Ainsi la guérison n'est pas seulement restitution de l'intégrité physique, fin du mal personnel mais aussi reconstruction de la société amputée par l'exclusion d'un de ses membres. Quiconque est purifié par Jésus sort de son excommunication, retrouve sa communauté, la communion.
Mais est-il sûr qu'un grand pécheur notoire, revenu de ses déviances, serait accueilli fraternellement  par nos communautés chrétiennes ? Chacun trimbale souvent les étiquettes qu'on lui a collées dans le passé !

Jésus ajoute une remarque curieuse : «  Ce sera un témoignage pour eux » : c.à.d. pour les prêtres du temple à Jérusalem. Donc notre malade guéri va être « le témoin », l'envoyé qui, pour la première fois, alerte les autorités de la capitale sur l'apparition d'un inconnu qui fait des gestes extraordinaires en cette Galilée lointaine : ne serait-il pas le Messie puisque guérir la lèpre était un acte tellement prodigieux qu'il devait être la prérogative du Sauveur attendu ? (Matth 11, 5).
Bientôt une délégation de scribes viendra enquêter sur l'activité et la prédication de Jésus et tout de suite ils porteront sur lui un jugement négatif : « Les scribes descendus de Jérusalem disaient de Jésus : «  Il a Belzébuth en lui ; c'est par le chef des démons qu'il chasse les démons » (3, 22).
Annoncer la Bonne Nouvelle d'une purification qui court-circuite les sacrifices du temple ne suscite pas l'enthousiasme général mais la surprise, la rage, la diabolisation.

REINTEGRER L'IMPUR ET EXCLURE LE PUR !
L'homme partit et commença à proclamer beaucoup de choses et à répandre la nouvelle de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer en ville de façon manifeste.
Mais il était dehors dans des endroit déserts et on venait vers lui de partout ».

Evidemment l'homme ne peut cacher sa joie et il devient « proclamateur ». Non de la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu mais de la rencontre d'un guérisseur remarquable. Les foules se pressent, comme naguère à Capharnaüm (1, 32). Aussi Jésus refuse d'entrer dans le jeu de cette notoriété ambiguë et il demeure à Curieux destin de Celui qui vient de réintégrer un lépreux dans sa communauté et qui du coup devient lui-même un exclu ! C'est l'amorce d'un mouvement qui s'accentuera tout au long du récit : Jésus va tenter de rassembler tout le monde et, au lieu d'entrer dans ce projet, certains le rejetteront et le tueront !
Le messianisme de Jésus est un messianisme dangereux. Il est guérison des pires plaies, purification des plus grands péchés, fin des rejets, accueil de l'ancien exclu. Cela ne plaît pas toujours !
L'Eglise doit toujours être prête à faire miséricorde à celui qui dit humblement : « Si tu veux, tu peux me purifier ». Elle n'est pas assemblée de purs mais communauté de pécheurs purifiés. Qu'elle cesse donc de se montrer parfaite, admirable, sans défauts. Sa gloire n'est pas dans les monuments mais dans le pardon.