4e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

« Je te salue, comblée de grâces », quelle bien étrange façon de saluer quelqu'un.  Que diriez-vous si je vous saluais en disant : je vous salue, rempli de péchés ? la façon d'interpeler quelqu'un est très importante et révélatrice de la relation que l'on veut avoir avec cette personne.  Rappelez-vous durant la période communiste tout le monde se saluait en disant camarade.  Cela soulignait le fait que l'on partageait le même labeur, le même combat.  Pendant la révolution française, on se saluait en disant citoyen.  Cela supprimait toutes les différences sociales et cela rappelait que tous formaient une seule nation à laquelle il fallait tout donner.  Dans les couvents, nous nous saluons en disant frère.  Cela nous rappelle que nous avons tous un même père et que nous devons vivre en conséquence.  Ici, l'ange dit : salut, comblé de grâces.  Il ne dit même pas Marie.  Or appeler quelqu'un par son prénom, c'est le reconnaître comme une personne unique.  Mais non, l'ange ne se base pas sur l'individualité humaine de Marie, il se base sur sa grâce.  Car, quand on donne un nom à quelqu'un, on reconnaît en lui l'élément le plus important, le plus significatif.  Si quelqu'un vous appelle : salut, pointure quarante-deux, vous savez que c'est un cordonnier.  Si au contraire il vous appelle : salut, carie numéro, vous savez que c'est un dentiste.  Chacun appelle son voisin par l'aspect le plus important et le plus significatif.  Ici, l'ange dit : comblée de grâces.  La grâce divine, c'est son domaine.  Inutile de dire que l'ange ne voit que cela dans une personne humaine : la quantité de grâce divine.  C'est plus important que l'identité humaine.  Pour l'ange, le plus important, c'est le rayonnement divin à l'intérieur de Marie.  Marie est toute rayonnante de grâce divine et c'est cela qui tout d'abord stupéfie l'ange.  Et on connaît cela : on a eu la chance de rencontrer des gens qui étaient tout rayonnants de Dieu, comme on a également rencontré des gens qui étaient tout remplis d'eux-mêmes et ce n'est pas la même chose.
Mais une question se pose aussitôt : pourquoi est-ce que c'est Marie qui a bénéficié de cette overdose de grâces, et pas moi.  C'est vrai : elle n'a rien fait de spécial pour cela, c'est Dieu qui l'a choisi.  Et pourquoi pas moi ? Poser la question de cette façon, c'est déjà y répondre, parce que c'est réagir comme un enfant jaloux de son frère ou de sa s½ur.  Et pourquoi est-ce que lui il peut sortir jusqu'à trois heures du matin, et pas moi ? C'est une attitude d'enfant difficile et jaloux.  La question est plutôt de savoir comment Marie a pu laisser s'ouvrir son c½ur de telle façon que Dieu a pu le remplir de tant de grâces.  Le plus difficile dans la vie, ce n'est pas d'aimer, mais de prendre le risque d'être aimé.  Car alors on se met en position d'infériorité, on laisse sa vie entre les mains de quelqu'un d'autre qui peut nous laisser tomber, qui peut nous blesser par maladresse, car notre c½ur est grand ouvert comme une plaie béante.  Et c'est sans doute une des raisons pour laquelle l'ange n'a pas appelé Marie par son prénom, c'est parce qu'elle était comme transfigurée par l'amour de Dieu.  Voir Marie, c'est voir Dieu dans ses yeux, dans son regard, dans son écoute, dans son aptitude à rendre service.  Marie n'a peut-être pas très bien compris tout ce qu'on lui demandait, mais cela n'avait pas d'importance ; elle avait confiance : que tout se fasse selon ta volonté.
En cette dernière semaine avant Noël, retrouvons cette attitude toute simple et pourtant pleine de risque de se laisser emporter par l'amour de Dieu afin que le soir de Noël nous ne soyons pas simplement émus par le petit Jésus, mais que nous aussi nous soyons rayonnants de l'amour de Dieu.


4e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Charles Dominique
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Dans la nuit de Noël, nous entendrons le récit de la naissance de Jésus selon saint Luc. Joseph quitte Nazareth pour aller à Bethléem qui est appelée « la ville de David » car, explique le texte, « il était de la maison et de la descendance de David. »  Or, dès le premier verset de Matthieu (et donc du Nouveau Testament), il est dit que Jésus est « fils de David ». Ensuite, les gens l'interpellent avec ce titre de « Fils de David » ; les aveugles crient « aie pitié de nous, fils de David ! » (Mt 9,27 ; 20,30) ; la Cananéenne : « aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! » (Mt 15,22) ; les foules, quand il entre à Jérusalem : « Hosanna au fils de David ! » (Mt 21,9).

Dans l'évangile de l'Annonciation à Marie que nous venons d'entendre, avez-vous remarqué ce que dit l'ange : « Le Seigneur lui donnera le trône de David son père, il règnera pour toujours sur la maison de Jacob et son règne n'aura pas de fin » (Lc 1,32). Pourquoi donc est-il si important que Jésus soit « descendant » de David ? Essayons de comprendre.

David est très vénéré dans le judaïsme. On lui attribue la composition de tous les psaumes et, selon la tradition, il priait Dieu en chantant et en s'accompagnant de la lyre à dix cordes ou de la harpe (cf. Ps 33,2). Pas de doute, c'était un poète, un musicien, un artiste ! C'est ainsi que les peintres et les sculpteurs l'ont souvent représenté ! Mais David fut aussi un pécheur ! N'est-il pas important pour nous de constater que les plus grands personnages bibliques ne sont pas irréprochables. La Bible en effet garde la mémoire de son double péché : son adultère avec Bethsabée, la femme d'Urie le Hittite, et son homicide puisqu'il a fait tuer ce pauvre homme pour cacher son adultère ! Mais elle souligne surtout en contrepoint son profond repentir et le pardon que son attitude de conversion a obtenu de Dieu. Cette attitude est exemplaire et nous aussi, nous n'avons jamais à nous considérer comme impardonnables ou perdus.

Le personnage de David a ainsi été très idéalisé : il est devenu le modèle du roi que Dieu aime : religieux et serviteur de son peuple. Après lui, le plus grand nombre de ses successeurs seront de très mauvais rois. Il leur sera reproché d'avoir adoré les faux dieux, d'avoir fait « ce qui est mal aux yeux du Seigneur », c'est-à-dire de n'avoir pas respecté les gens vulnérables comme la veuve, l'orphelin, l'étranger, et d'avoir surtout cherché leur profit personnel par tous les moyens... Tout cela a provoqué leur condamnation par Dieu et le renversement de la royauté : Jérusalem fut prise par le roi Nabuchodonosor et la population fut déportée à Babylone.

On s'est alors souvenu de la prophétie de Samuel que nous avons entendue dans la première lecture. C'est un texte très impressionnant. Dieu y rappelle à David qu'il a toujours habité avec son peuple, non pas dans une maison mais sous la tente : il a choisi d'accompagner son peuple dans ses déplacements. Dieu ne s'est pas installé dans un lieu mais dans un peuple. Sa maison, c'est son peuple au milieu duquel il a choisi de planter sa propre tente !

C'est une très belle image ! Nos ancêtres dans la foi sont des bédouins, des migrants qui se déplaçaient sans cesse avec leurs troupeaux. Ils vivaient sous la tente. Il y en a toujours en Jordanie et en Palestine. Leur mode de vie ressemble à celui des Touaregs d'Afrique du Nord. Cette belle image du campement est reprise dans le prologue de l'évangile de Jean que nous entendrons le jour de Noël : « Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous. » On pourrait traduire littéralement : « et il a planté sa tente parmi nous. » Le Dieu du ciel veut résider avec les hommes et au milieu d'eux, cheminer en leur compagnie, sur leurs propres chemins. Jésus, Fils de David est aussi « Emmanuel » : « Dieu avec nous » (Mt 1,23).

Dieu ne veut pas qu'on l'enferme dans une maison en dur ! Son projet est de se construire une maison humaine, d'être au milieu d'un peuple, d'une humanité. En donnant une descendance à David, il se construit une maison vivante : « Le Seigneur te fait savoir qu'il te fera lui-même une maison. Quand ta vie sera achevée, je te donnerai un successeur dans ta descendance, qui sera né de toi, et je rendrai stable ta royauté. Je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils. Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi ! » Nous reconnaissons ici les mots que nous avons entendus dans les paroles de l'ange à Marie ? Car la mission de Marie est de réaliser cette promesse faite à David par l'intermédiaire du prophète Nathan.

Le peuple en exil à Babylone s'est souvenu de cette promesse faite à David. Au pire moment de son histoire, s'éveille dans le peuple exilé l'espérance en la venue de ce descendant de David pour qui Dieu sera un père et dont la royauté ne passera pas. Le roi recevait l'onction d'huile au début de son règne pour bien signifier qu'il avait été choisi et qu'il avait reçu la mission de guider son peuple et on lui donnait le nom de « Messie » parce qu'il avait reçu l'onction. L'attente du descendant promis au roi David s'est ainsi transformée en attente du « Messie » ! Le mot « Christ » est la traduction en grec du mot « Messie ».

Pendant des siècles, le peuple de Dieu a ainsi espéré voir naître ce descendant de David ! Cette attente continue pour le peuple juif. Mais pour nous, chrétiens, cette attente a été comblée avec la naissance de Jésus. Pour nous, Jésus est ce roi messie attendu.

Chers amis, j'ai voulu, vous faire comprendre pourquoi il est si important que Jésus naisse à Bethléem, la ville de David, et pourquoi le titre de « fils de David » est tellement présent dans le Nouveau Testament. Ce titre résume toute l'espérance chrétienne. Quand Paul dit : « je proclame l'Évangile en annonçant Jésus Christ », il veut tout simplement dire que proclamer l'Évangile consiste à annoncer que Jésus est le Messie, le fils promis à David ! Préparons-nous donc à accueillir ce Messie, Jésus Christ et Emmanuel, Dieu qui vient planter sa tente chez nous. Que Dieu vienne naître en nos c½urs car, comme l'écrit Angélus Silésius, mystique du 17e siècle :

« Le plus doux : voir Dieu enfant d'homme,
Le plus heureux : sentir en soi sa naissance. »

4e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Henrich Peter
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

À la lecture d'Evangile d'aujourd'hui on pourrait se demander comment Marie est tombée enceinte. Cette question ne déplace pas seulement les théologiens. La Bible ne dit pas beaucoup sur cette question. L'ange dit seulement à Marie : « L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » Mais, comment cela s'est-il passé ? Comment cela pourrait-il bien être possible ?
Cette question n'est pas nouvelle. On a même essayé de peindre cet évènement. Par exemple quelques artistes médiévaux ont essayé de représenter cette scène de l'annonciation :
L'ange dit son message à marie. Marie reçoit la parole que l'ange apporte du Père. Et donc, Marie reçoit le message par l'oreille. La parole qui doit devenir chair.
Et très souvent les artistes médiévaux peignent cette situation ainsi : On y voit un rayon, qui vient de la bouche d'un ange. Ce rayon passe - en touchant son index qui tend vers le ciel - directement vers l'oreille de la Vierge. Et parfois, on peut voir un petit enfant qui glisse sur ce rayon directement vers l'oreille de Marie. Alors, l'ange apporte le message de la parole divine, et elle le reçoit par son oreille - Et le Verbe s'est fait chair. Donc, cela parait très simple.
Une image qui tente une représentation picturale de cet évènement semble aujourd'hui tout à fait bizarre, et peut-être même un peu drôle. Bien sur, c'est juste une image, avec une signification symbolique extrêmement forte, mais - quand j'essaie d'imaginer le réel processus de l'annonciation - je ne trouve pas de réponses.
La Bible n'explique pas « comment » Dieu a fait quelque chose. Ce n'est pas son but. La Bible veut nous dire ce que Dieu a faites - et surtout, ce qu'elles signifient pour nous. Des textes bibliques ne sont ni de la science, ni de la biologie.
C'est aussi le cas dans les textes du début de l'Evangile de Luc, qui commence avec l'annonce de la naissance de Jean-Baptiste, la vision de Joseph jusque à la description de Noel - la naissance de Jésus et la visite des bergers.
Ce que la Bible veut nous dire c'est que Dieu s'est fait homme, et elle nous dit « Pourquoi ».
Dans tous ces textes Marie joue un rôle important - elle est la Mère de Dieu.
L'Écriture ne parle pas de la maternité divine de Marie comme d'un pur et simple événement biologique, mais du fait que Marie devient mère par un acte libre et personnel, un acte de foi participant de la grâce. Marie est devenue mère et elle est bénie par la grâce de Dieu par le « oui » de sa foi obéissante.
Dieu a créé le monde et ainsi tout appartient à Dieu. Mais ce monde ne reste pas à une distance infinie de Dieu. Le « oui » de Marie donne définitivement sens à la vocation de l'homme, et ouvre la porte au salut de Dieu qui peut entrer dans le monde par son Verbe incarné. C'est un moment unique dans lequel l'éternité immuable de Dieu et l'histoire humaine se touchent. Avec son fils Jésus-Christ, qui est né de la Vierge Marie, le Logos incarné, Dieu est entré dans le monde de sorte qu'il ne peut plus s'en retirer.
L'Église a toujours enseigné que Marie a conçu son fils sans la coopération d'aucun père humain et beaucoup d'artistes ont essayé de peindre le « oui » de Marie.
On pourrait dire que la virginité de Marie est toujours liée à la maternité divine de Marie. Quand Marie dit : « Voici, je suis la servante du Seigneur ; qu'il m'advienne selon ta parole ! » (Lc 1,38). Quand Marie dit ca, elle s'ouvre sans réserve et sans condition, partout et toujours aux dispositions de la volonté de Dieu.
La virginité de Marie - le fait que Marie conçoive par l'Esprit saint - le fait qu'elle devienne mère de Dieu - pourrait signifier l'impact de l'imprévisible pouvoir divin. La grâce de Dieu tombe d'en-haut sur notre terre par un acte souverainement libre du Dieu éternel. Dieu est le Dieu de la grâce libre. Dieu vient librement à nous. Nous ne pouvons pas forcer la grâce de venir. Nous pouvons seulement recevoir, nous pouvons seulement sentir la présence de Dieu quand il s'offre lui-même d'une façon inexplicablement libre.
L'Incarnation du Fils de Dieu est le mystère absolument imprévisible, le libre mystère de la grâce divine, de l'auto-communication de Dieu : Cette grâce a son origine en-haut.
Marie se met à la disposition de cet acte divin, qui n'est pas du monde, mais d'en-haut. On voit cela dans l'Evangile d'aujourd'hui par le fait que l'ange Gabriel vient du ciel vers Marie. Bien que cette grâce ne vient que par la libre faveur du Dieu éternel, elle devient chair par le « oui » de Marie, qui dit : « Voici, je suis la servante du Seigneur ; qu'il m'advienne selon ta parole ! »
Marie est devenue un modèle pour la vie chrétienne. Pour moi Marie symbolise une attente, une disponibilité et réceptivité à la grâce d'en-haut. Une grâce qui devrait vivre en tout chrétien comme une disposition permanente. Tout chrétien est donc invité dans son existence, à n'importe quel moment et de n'importe quelle manière, à éprouver et à adopter une attitude qui correspond à celle de Marie. Marie vit une vie terrestre avec une disposition à accueillir la grâce d'en-haut, sans laquelle le monde était perdu.
Je vous souhaite qu'en cette dernière semaine d'avent vous puissiez faire l'expérience de cette grâce divine.

3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Charles Dominique
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Pour nous visiter, Dieu doit faire un très grand chemin. Le prophète Isaïe, dans la Bible soupire et s'écrie : « Ah ! Seigneur Dieu, si tu déchirais les cieux qui nous séparent de Toi et si tu descendais ! » Il espérait voir Dieu « déchirer les cieux » et « descendre » jusqu'à nous. Pour saint Marc, cela s'est réalisé avec la venue de Jésus puisque, au moment du baptême, « les cieux se déchirèrent et l'Esprit, comme une colombe descendit sur lui » (Mc 1,10). Pour nous rejoindre, Dieu doit en effet franchir la grande distance qui le sépare de nous, quitter les cieux et s'installer sur terre. Cette image est reprise dans le célèbre chant de Noël : « Minuit chrétien, c'est l'heure solennelle où l'homme Dieu descendit jusqu'à nous ».

Il y a quelques années, je suis allé au moment de Noël aider un de mes frères dans une paroisse située au centre du Cameroun. Il aimait dire avec le sourire que sa paroisse était aussi grande que la Belgique ! Il m'envoya dans un village très éloigné et isolé dans la brousse. J'ai dû conduire toute une journée en arrêtant à tous les marigots car les ponts étaient effondrés ; la petite équipe qui m'accompagnait installait deux madriers parallèles sur lesquels il fallait rouler. Ayant traversés tous les obstacles, nous sommes arrivés le soir dans le village : les gens furent surpris de nous voir. Nous avons célébré la messe de la nuit de Noël ce soir là. J'ai mesuré alors l'immense chemin que le Seigneur a pu faire pour venir à notre rencontre.
L'homme ne peut pas, par lui-même, s'approcher de Dieu ! Seul Dieu, parce qu'il est Dieu, peut décider d'aller à la rencontre de l'homme pour se révéler à lui et lui parler. L'Avent, c'est le temps de l'espérance en ce Dieu qui se met en route pour venir à notre rencontre.

Il est une très vieille et très courte prière chrétienne d'Avent que Paul a conservée dans la langue araméenne, cette « première langue » de Jésus, la langue humaine que le Fils de Dieu a apprise au contact de ses parents, et qui fut aussi celle des premiers chrétiens : « Maranatha ! » c'est-à-dire « Seigneur, viens ! » (1Co 16,22). C'est une prière qui rejoint le cri du prophète Isaïe : « Déchire les cieux et descends ! » C'est là le contenu du mot « Avent » qui vient du latin et veut dire « venue » ou « avènement ». En ce monde, c'est notre rôle, à nous les croyants, d'être ceux qui attendent la venue du Seigneur et qui espèrent voir se déchirer le ciel et le Dieu du ciel venir habiter ici-bas.

Comme Moïse, nous désirons voir Dieu ici-bas ! Comme Isaïe, nous espérons qu'il va venir. À chaque eucharistie, après la consécration nous le répétons : « Gloire à toi qui était mort, gloire à toi qui est vivant, notre Sauveur et notre Dieu, viens Seigneur Jésus ! » Sans lui, ce monde n'a aucun sens et nous sommes perdus, et c'est pourquoi nous préparons sa « venue » chez nous. Dans l'évangile, Jésus nous invite à être comme des portiers attendent le retour de leur maître sans savoir à quelle heure il sera de retour et qui attendent en « veillant ». Le verbe « veiller » est un verbe-clé du temps de l'Avent. Veiller consiste à ouvrir l'½il et à garder la tenue de service pour être prêt, à ne pas s'assoupir, à laisser toutes les lampes allumées pour que la maison soit accueillante.

Il y a des jours où nous vivons des heures d'attente intense et il nous est impossible de dormir : par exemple, l'attente de nouvelles concernant un ami, un parent, un conjoint gravement malade ou l'attente d'une naissance. Les étudiants ne ferment pas l'½il de la nuit quand ils attendent les résultats des examens ou des concours. Oui, il y a des moments où nous ne pouvons pas dormir parce que nous attendons ! Espérer, c'est tout simplement attendre quelqu'un que nous aimons, qui s'est annoncé et dont on est sûr qu'il va venir. Le moindre bruit qui annonce son arrivée est alors entendu et nous sursautons immédiatement. Nous allons sans hésiter vers la porte « pour lui ouvrir dès qu'il arrive et frappe » et, parfois même, avant qu'il n'ait eu le temps de frapper ou de sonner.

Vivre dans l'attente de quelqu'un est une expérience  essentielle, vitale ! Nous sombrons dans la mort si les autres nous oublient ou, ce qui revient au même, si nous nous isolons, si nous nous enfermons en nous-mêmes, si nous voulons nous suffire en oubliant les autres. C'est alors l'impasse...

Seule l'espérance peut nous faire sortir de nous-mêmes pour aller vers les autres et vers l'Autre. Quand nous attendons quelqu'un, nous oublions nos soucis et nos peines. L'attente d'une visite, pour un prisonnier, pour une personne malade ou isolée ou pour une personne très âgée, se transforme en préparation de fête. Nous ne vivons intensément que dans l'attente de la visite de ceux qu'on aime... Il n'y a pas d'amour sans attente, sans désir de la venue de l'être aimé. La foi n'est rien d'autre que l'attente impatiente et amoureuse de la visite de Dieu. Saint Jean de la Croix, le grand mystique espagnol du 16e siècle dont nous faisons mémoire aujourd'hui, écrit que celui qui est dans une telle attitude « ne peut demeurer longtemps sans être visité par son Ami » (Cantique spirituel, X, 2).

« Maranatha ! Viens, Seigneur Jésus ! » Nous veillons dans l'attente de ta visite et nous sommes impatients de t'accueillir. Ta venue sera pour nous une fête que nous préparons. Seigneur, nous te disons : « Bonne arrivée », selon la belle formule de l'Afrique de l'Ouest.

Je finirai par une petite histoire vécue... Un jour, alors que j'assurais les confessions dans une grande basilique, un enfant vient frapper à la porte vitrée de l'espace d'accueil et, avec des yeux pétillants de joie et un grand sourire, il me dit ces mots tout simples : « Bonjour. Je voulais vous dire que j'aime Jésus et, à la maison, je prépare la crèche pour l'accueillir ! » Ah, si nous pouvions retrouver cette spontanéité de l'enfance... Si nous pouvions attendre la venue du Seigneur comme cet enfant ! Il se ferait de nouveau enfant pour nous rejoindre et combler notre attente. Puisse ce souhait d'Angélus Silésius, mystique du 17e siècle, être vrai pour chacun de nous :

« Ah, si ton c½ur pouvait devenir une crèche !
De nouveau, ici-bas, Dieu serait un enfant. »

3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012


Je ne suis pas Marie-Thérèse.
Je ne suis pas bulgare
Je ne suis pas ostéopathe
Je ne suis pas ostendais
et je ne suis pas Dominique Collin.

Voilà, j'espère que vous cernez un peu mieux l'être mystérieux que je suis.

Se définir de la sorte par la négative ne nous engage pas véritablement
et dans certains cas, cela prête plutôt à rire. Il y a quelques années, je suis tombé sur un drôle de livre présentant la Belgique de cette manière--avec un humour bien anglais. Dans cet ouvrage, la Belgique y était présentée comme
le pays se définissant par la négative, car ses habitants y parlent le français, le néerlandais ou l'allemand mais ne veulent pas être confondus
ou assimilés à un des trois grands pays qui les entourent !

Présenter quelque chose ou quelqu'un par la négative ou bien par l'opposition
est facile, mais ce n'est jamais un chemin très constructif. Il est toujours plus facile
de dire ce que nous ne sommes pas, plutôt que de révéler ce que nous sommes réellement.

C'est pourtant ce chemin-là, face aux questions fermées des prêtres et des lévites,
que doit emprunter pour commencer Jean-Baptiste au début de l'Evangile.
Je ne suis pas Elie, je ne suis pas le Messie, je ne suis pas la lumière...
Je ne suis pas celui qui dira 'Je suis' plus loin dans l'Evangile.

Dans nos vies, nous pouvons être traversés de manière plus ou moins forte par cette quête d'identité par l'opposition. Certains essaieront de réussir là où d'autres ont échoués. D'autres chercheront une reconnaissance qu'ils n'ont jamais reçue.
D'autres encore essaieront de se poser, en s'opposant... laissant paradoxalement la clé de leur identité dans les mains de ceux contre qui ils s'opposent !

Mais aujourd'hui, nous sommes invités à remettre la clé de notre identité
de manière positive, dans les mains du tout Autre,
dans les mains de celui qui nous appelle chaque jour à vivre.
Et il nous invite à le faire en faisant place à nos déserts et à nos manques.
Alors, ce chemin d'identité pourra venir par le détour de l'Autre, par cet Esprit de Dieu qui nous convoque à l'existence
et nous invite à dire véritablement qui nous sommes.

Au c½ur même de nos existences parfois tortueuses,
Dieu advient chaque jour dans nos déserts intérieurs pour nous dire 'qui es-tu ?'
pour nous inviter à quitter la négation acquérir notre véritable identité.

Jean le Baptiste ne s'arrête donc pas à une définition de lui par la négative...
A la question 'Que dis-tu sur toi-même ?'  Jean le Baptiste révèle positivement
qui il est. Comment ? En criant dans le désert, en faisant résonner sa voix,
il passe de l'individu à la personne !
Il y a un jeu de mot en latin entre persona et per-sonare, 'faire résonner', 'faire retentir'. Jean Baptiste devient véritablement qui il est en faisant retentir sa voix. Car une identité n'est jamais donnée. Elle ne vient pas de l'extérieur. Elle ne vient pas de ceux qui veulent nous raisonner. ( A - I).  Mais elle se donne lorsque notre voix résonne, notre 'je'  s'exprime dans la dépendance.

C'est ce chemin d'affirmation et d'humilité que nous sommes conviés à prendre aujourd'hui.  Humilité dans la confiance, car Jean le Baptiste, tout en prétendant ne pas être la lumière, nous dirige cependant vers elle. C'est en suivant Jésus,
en permettant à Dieu même de nous guider, que nous arriverons à faire advenir le divin dans nos vies.

***

Il y a très exactement 500 ans, en décembre 1511, le frère Dominicain Antonio de Montesinos proclamait à Saint Domingue cet Evangile que nous venons d'entendre et dénonçait l'esclavage des indiens d'Amérique. Son sermon commençait comme ceci : « La voix qui crie dans le désert de cette île, c'est moi qui vous l'apporte.» C'est ce sermon qui a réveillé Las Casas, autre dominicain célèbre pour avoir défendu les droits des Indigènes en Amérique en élevant sa voix. Las Casas a su transformer son opposition, son indignation en engagement positif auprès des exclus, pour libérer les captifs de l'esclavage.

Puissions, à notre tour, être éclairés par cet Esprit
afin qu'il nous aide à transformer notre indignation
en engagement concret.

Que ce temps de la venue soit pour
nous source de joie véritable, car Il vient,
celui dont la Parole d'encouragement
nous libère de nos prisons intérieures. Amen.

3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

PASSER ET TÉMOIGNER DE JÉSUS

Les quatre évangélistes, en débutant leurs livrets, ont tenu à préciser le rôle de Jean-Baptiste. Pourquoi ? Parce qu'au temps de leur rédaction, les groupes de disciples de Jésus croisent ceux de Jean-Baptiste qui proclament que leur maître exécuté est le vrai Messie (cf. « les johannites » en Ac. 18, 25 ; 19, 3). Les chrétiens répliquent que si Jésus a bien accepté le baptême par Jean, il faut rappeler fortement que Jean en personne a reconnu être d'un statut infiniment inférieur à Jésus.   L'évangile de ce jour nous fait d'abord entendre une des deux mentions du Précurseur dans le « Prologue » solennel qui ouvre l'évangile de Jean et qui est tout à la gloire de Jésus « le logos », la Parole même de Dieu,
Il y eut un homme, envoyé par Dieu. Son nom était Jean.
Il était venu comme témoin pour rendre témoignage à la Lumière afin que tous croient par lui.
Cet homme n'était pas la Lumière mais il était là pour lui rendre témoignage.
Le Verbe était la vraie Lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme....
Jean demeure dans la lignée des prophètes, ces hommes envoyés par Dieu pour rappeler les exigences de la Loi et appeler à la conversion un peuple qui s'en était écarté. Mais en outre, et là est sa grandeur unique, Jean a été envoyé comme TEMOIN de Jésus, pour le montrer et s'effacer devant lui. A la suite de Moïse, Jean ne pouvait que donner et rappeler la LOI, tandis que « GRÂCE ET VERITE sont venues par Jésus Christ » (Jn 1, 17).

TOUT COMMENCE AVEC LE TÉMOIGNAGE D'UN HOMME

Après le Prologue qui s'ouvre, comme la « Genèse », par l'expression « AU COMMENCEMENT » (Jn 1, 1-18), l'évangéliste débute son récit de la mission de Jésus par plusieurs petites scènes qui s'échelonnent sur une SEMAINE (de 1, 19 à 2, 11). La Bible présentait la création du monde en 7 jours : l'évangile de Jean débute par la re-création de l'humanité en une première semaine symbolique. Les lois et préceptes ne peuvent que sermonner, admonester, exhorter : la Grâce de Jésus, elle, accomplit une NOUVELLE GENESE. C'est pourquoi la foi chrétienne n'est pas obéissance à une règle mais renaissance, re-création radicale.
En ce dimanche, nous écoutons la scène du 1er jour : le précurseur Jean se dresse dans toute sa grandeur  (l'évangéliste ne l'appelle jamais que Jean et non Jean-Baptiste).

Et voici quel fut le témoignage de Jean quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : «  Qui es-tu ? ». Il le reconnut fermement : «  Je ne suis pas le Messie ». Ils lui demandèrent : «  Qui es-tu donc ? Es-tu le prophète Elie ? » - Non - Alors es-tu le grand Prophète ? - Ce n'est pas moi - Qui es-tu ? Il faut que nous donnions réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? - Je suis la voix qui crie à travers le désert : « Aplanissez le chemin du Seigneur »  comme a dit le prophète Isaïe ». Or certains des envoyés étaient des pharisiens. Ils le questionnent encore : «  Si tu n'es ni le Messie, ni Elie, ni le Prophète, pourquoi baptises-tu ? ».
Jean répondit : «  Moi je baptise dans l'eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c'est lui qui vient derrière moi et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale ». ---- Tout cela s'est passé à Béthanie de Transjordanie, à l'endroit où Jean baptisait.

Immédiatement l'ambiance est tendue. A Jérusalem, les autorités religieuses, gardiennes des traditions légales et liturgiques, sont en effervescence et dépêchent une commission d'enquête : qui est cet individu ? De quel droit pratique-t-il ce baptême ? Car c'est au temple, par des sacrifices et l'observance de la Loi, que s'obtient le pardon. Jean se présente dans la ligne de celui que l'on appelle aujourd'hui « le 2ème Isaïe », l'inconnu qui, en - 538, a tout à coup lancé l'étonnante « bonne nouvelle » à ses frères et s½urs déportés en Babylonie suite à la chute de Jérusalem et l'incendie du temple : « Prenez courage ! Après 50 ans de détresse, l'exil va prendre fin, nous allons enfin rentrer au pays » (cf. Isaïe 40).

Il n'est pas anodin que Jean se soit installé sur la rive orientale du fleuve Jourdain (où l'on a retrouvé les vestiges d'une antique église bâtie en son souvenir). De la sorte Jean obligeait les gens à sortir du pays pour s'approcher de lui, accepter le baptême qu'il conférait, puis passer l'eau pour ensuite rentrer à nouveau sur leur terre. Ainsi il les obligeait à mimer le retour de leurs ancêtres qui jadis étaient revenus de déportation à Babylone. Le procédé est radicalement différent de celui pratiqué dans la communauté essénienne de Qûmran (tout proche de là) où les initiés se purifient eux-mêmes par des bains sans cesse répétés.
Mais Jean est conscient de ses limites : en plongeant les gens dans l'eau et en leur rappelant leur état de pécheurs incurables, il ne peut que les préparer à accueillir celui qui va survenir après lui et qui accomplira une ½uvre infiniment supérieure. Jean se sent moins qu'un esclave à l'égard de Jésus car celui-ci sera comblé de l'Esprit de Dieu et il baptisera - c.à.d. il plongera - les personnes dans l'Esprit-Saint -  ce dont Jean est radicalement incapable (suite de son témoignage en 1, 33).

CONCLUSIONS

1)   Pendant des siècles, nous, chrétiens, nous pouvions interpeler ceux que nous appelions « incroyants et non-pratiquants » : « Pourquoi n'avez-vous pas la  foi ? Pourquoi n'allez-vous pas à la messe ? ». Aujourd'hui la situation s'est inversée (peut-être est-ce un retour à la normale ?) et c'est la minorité chrétienne qui est sommée de se justifier : «  Pourquoi croyez-vous ?.... ». C'est l'heure du TEMOIGNAGE. D'où l'importance de regarder Jean (Baptiste), premier « témoin » dans l'évangile. Depuis le « désert » que sont devenues nombre de nos chapelles et églises vidées de leurs pratiquants, comment témoigner de Jésus ?
2) Jean prend d'abord toute la place puis il s'efface ; il parle «lois, règlements » mais il annonce Quelqu'un « au-delà ». Ainsi doit faire l'Eglise. Le fait-elle ?...
3) Jean-Baptiste n'est pas attaqué par des malfaiteurs mais par des hommes pieux, excédés par ce qu'ils estiment une innovation insupportable. De même St Thomas d'Aquin, maître Eckhart, Galilée, tant d'autres et jusqu'au pape Jean XXIII promulguant l'initiative du concile Vatican II furent l'objet de contestations à l'intérieur même de l'Eglise. De hauts prélats ne comprenaient pas des nouveautés qui semblaient remettre en question leurs certitudes.
Jean-Baptiste se situe comme un marginal. Et tout l'évangile de Jean montrera Jésus en posture de suspect. Sans cesse on lui dira : « Pourquoi agis-tu ainsi ? Qui es-tu ? Que dis-tu de toi-même ? ». 
Comment porter un témoignage non arrogant mais paisible dans sa force ?

4) Plusieurs personnages de l'évangile de Jean apparaissent aussi comme des témoins de Jésus : les premiers disciples (1, 41) ; la Samaritaine (4, 39) ; le paralytique (5, 15) ; la Bible (5, 39) ; l'aveugle-né (9) ; .....Il est important de faire une étude du TEMOIGNAGE dans Jean. Que nous apprennent ces croyants sur nos possibilités de témoigner de notre foi aujourd'hui ?

4)    La Révélation biblique présente l'homme comme appelé sans cesse à PASSER :
Abraham passe de Ur en terre de Canaan.
Les esclaves hébreux sortent d'Egypte et passent le Nil pour marcher vers la liberté
Avec Josué, ils passent le Jourdain pour entrer dans la terre promise.
Les déportés judéens sortent de Babylone et passent l'Euphrate.
Jean-Baptiste se place au-delà du Jourdain afin d'obliger les baptisés à repasser le fleuve.
Jésus accepte lui-même ce passage.
Et à la fin, il entraîne les siens à passer, avec lui, de la mort à la Vie.
Sommes-nous une Eglise installée ? Ou cherchons-nous les sorties, les passages que la foi nous presse de faire : trouver un nouveau langage, des rites plus parlants, une organisation plus souple...pour passer à  un autre style de vie chrétienne, un monde plus juste, une terre préservée...  ? etc....

Funérailles

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

Il est des moments dans la vie où se pose la question de savoir : c'est quoi, réussir sa vie.  On ne répond pas à cette question de la même façon selon que l'on soit jeune ou plus âgé.  Pour une jeune homme, réussir sa vie, ce sera peut-être avoir une belle place dans la vie professionnelle, ou bien être entouré de respect et d'admiration pour les exploits réalisés.  Pour une personne plus âgée, réussir sa vie, ce sera peut-être avoir connu quelques instants de bonheur ou tout simplement ne pas être brisé par les épreuves de la vie.  Car, vous le savez mieux que moi, il y a dans la vie de chacun d'entre nous des événements épouvantables qui ont pu nous briser un moment et qui ont laissé de profondes blessures en nous, des blessures qui nous empêchent d'être pleinement heureux, des blessures qui nous enferment sur nous-mêmes, des blessures qui nous empêchent de recevoir l'amour de nos proches.  Car le plus difficile dans la vie, ce n'est pas tant d'aimer que d'accepter l'amour de quelqu'un.  Nous avons tous des tonnes d'amour dans notre c½ur.  Ces tonnes sont prêtes à être déversées sur notre entourage.  Et parfois nous le faisons, ou nous l'avons fait, pas toujours au bon moment, ni de la meilleure façon, mais on peut toujours imposer son amour comme un acte d'autorité.  Il est bien plus difficile d'accepter d'être aimé, car cela nous place dans une situation d'infériorité, de dépendance.  C'est pour cela que c'est parfois plus facile d'être craint que d'être aimé.  C'est tellement difficile de renouer une relation d'amour que parfois on préfère être seul et ne plus aimer.  C'est tellement plus facile de se replier sur soi-même, de s'enfermer dans son monde à soi.  Mais c'est alors que se pose la question : sommes-nous des porteurs de vie ou des porteurs de mort ? Est-ce que nous voulons créer autour de nous une atmosphère de terreur ou est-ce que nous allons porter à notre frère, à notre s½ur un regard d'amour et de confiance ? Est-ce que nous allons lui porter une parole de résurrection ? Car, oui, recevoir une goute d'amitié, une goutte de tendresse, c'est redécouvrir la beauté de vivre.  Vivre, c'est aimer.  Aimer, c'est souffrir.  Ne pas aimer, c'est être mort.  Prions Dieu que notre s½ur puisse trouver auprès de lui la vraie vie, c'est-à-dire le vrai amour, et cela pour l'éternité.

2e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

RECOMMENCER L'EVANGILE

Il ne faut pas se fier à nos livres qui affichent « Evangile de saint Marc » car ce titre a été ajouté plus tard par les éditeurs. En réalité Marc (qui est-il ?) a intitulé son livret par ce qui en est le premier verset et qui en dévoile d'emblée le sujet et la composition : 
« COMMENCEMENT DE L'EVANGILE DE JESUS : MESSIE ET FILS DE DIEU ».

Dans toutes les cours de l'Antiquité, il y avait des « hérauts » chargés de circuler à travers le pays pour annoncer les nouvelles : «  La Reine a donné naissance à un garçon...Notre vaillante armée a remporté une éclatante victoire sur nos ennemis...Etc. ». Les apôtres furent les nouveaux hérauts de la Bonne Nouvelle Universelle : sans tambour ni trompette, sans recherche d'argent ou de gloire, ils se pressaient d'annoncer partout l'Evangile de Jésus ressuscité, débordant toutes frontières pour rejoindre toute personne humaine. Donc au point de départ, l'EVANGILE est d'abord un cri, une annonce, une parole. 
Mais très vite l'hostilité contre ces messagers se durcit et les témoins disparurent l'un après l'autre. En outre, en 70, éclatait l'horrible nouvelle de la destruction de Jérusalem et de l'incendie du temple. Les chrétiens se mirent donc à noter quelques souvenirs que l'on gardait de Jésus à travers les témoignages de ses apôtres. Et MARC fut le premier à rédiger une présentation complète (en tout cas, on n'a rien conservé des tentatives antérieures, s'il y en eut) car il est manifeste que Mattieu et Luc se sont, par la suite, inspirés de lui. Avec lui l'EVANGILE  devient un LIVRE. Avec un danger : la joie de dire une bonne nouvelle peut devenir lecture curieuse, simple mise au courant. La parole sautillante devient lettre figée.

Marc ne dit pas qu'il va raconter « l'histoire » de Jésus avec toutes ses péripéties mais montrer comment l'apparition de Jésus a résonné comme LA BONNE NOUVELLE. A travers le récit de quelques actes et enseignements, son livret se présente comme une recherche à propos du personnage. Il y a effectivement Evangile quand le lecteur peut répondre à la question fondamentale. Non « qu'a-il-dit ? » mais « QUI EST JESUS ? ». Et le titre indique le plan de Marc en deux grandes parties :
--  au milieu, en 8, 29, à Césarée, Simon Pierre, le juif, confesse à  Jésus : «  Tu es le Messie » ;
--  et à la fin, en 15, 39, au pied de la croix, le centurion romain, le païen, « voyant comment Jésus avait expiré, dit : «  Vraiment cet homme était Fils de Dieu ».
Religion juive et religion païenne se rejoignent dans une foi qui les dépasse, détruit les frontières et  unifie les peuples dans l'Amour enfin révélé et donné en plénitude.

A nouveau, au cours de cette année, Marc va nous guider pour répondre. Et la proclamation de son texte, intégrée dans la célébration eucharistique, retentira comme la Parole vivante d'un Seigneur qui continue de parler et de se donner : «  Ceci est mon corps, ceci est mon sang : écoutez, prenez et mangez ». C'est ainsi que le texte de Marc n'est pas un document sur un mort, la mémoire d'un héros disparu, mais une Parole qui nous sollicite afin qu'à notre tour, nous confessions encore aujourd'hui « Jésus est MESSIE...FILS DE DIEU » et que nous en tirions les conséquences pratiques.  Marc a dit que son Evangile (écrit sur un parchemin) était « un commencement » afin qu'il ait une suite : qu'il devienne notre chemin et que, en le mettant en pratique, nous l'écrivions par notre vie.

LE PRECURSEUR

Pour persuader ses lecteurs juifs, Marc devait impérativement montrer que Jésus était bien le Messie tel qu'il était esquissé dans les Ecritures de son peuple. Le salut de l'homme en effet ne peut être un miracle qui survient d'ailleurs et qui nous resterait extrinsèque : Dieu aide l'homme à accomplir sa propre histoire. D'où l'ouverture du livre de Marc par des citations bibliques très bien choisies.

1) « J'envoie mon message devant toi » : Dieu assure les Hébreux libérés d'Egypte avec Moïse qu'il les conduira sûrement dans la terre promise (Ex 23, 20)
2) « Pour préparer ton chemin » : Malachie, le dernier prophète, rapporte l'oracle où Dieu affirme que « l'ange de l'Alliance » va venir pour le jugement dernier (Mal 3, 2).
3) « Une voix crie : « Préparez le chemin du Seigneur... » : Le prophète anonyme, appelé le 2ème Isaïe, clame aux déportés juifs à Babylone que leur exil est terminé et qu'ils vont rentrer au pays (Is. 40, 3).

Donc Marc a bien compris la progression cohérente de la Révélation : après les deux exodes, les deux retours précédents (d'Egypte et de Babylone), Jésus va réaliser la 3ème et définitive libération : celle de l'esclavage du péché - laquelle est elle-même figure et gage de l'ultime libération eschatologique lors du Jugement.

COMMENT ANNONCER LA VENUE DU CHRIST SAUVEUR ?

Si l'Eglise est désormais la manifestation de Jésus Seigneur (« son Corps » dit S. Paul), elle doit, pour commencer et recommencer sa mission, se rendre d'abord, comme Lui, près d' « un précurseur ». C'est le sens de l'AVENT. Autrement dit quelle est l'équivalence actuelle de la scène de notre évangile ? Il ne s'agit évidemment pas de se rendre en Israël pour découvrir l'endroit exact où opérait le Baptiste, ni de le copier exactement, ni même de nous mettre au régime des sauterelles (pas mauvais, paraît-il !).
Chaque point du texte est donc à méditer :
« Jean paraît dans le désert et proclame un baptême de conversion pour le pardon des péchés ». C'est dans une certaine solitude que nous devons mener une recherche personnelle. Il nous faut « sortir » de nos idées toutes faites, de notre soumission aux modes. La venue du nouveau monde ne se prépare ni à l'Olympia ni devant les séries télévisées ni en courant dans les galeries marchandes mais dans « le désert », là où nous ressentons notre isolement, notre fragilité, là où s'éveille notre vraie soif de plénitude, notre désir de Dieu.
Ne se trouve que celui qui se cherche. Unique. 
« Ils se faisaient baptiser par lui en reconnaissant leurs péchés ». Il est vain de hurler contre les scandales, de dénoncer les m½urs dépravées, d'échafauder des utopies. C'est toi, c'est moi, qui devons initier une démarche personnelle. «  C'est moi qui dois changer » disait mère Térésa. Jean-Baptiste interpelle chacun : es-tu content et fier de toi ou oses-tu te remettre en question, « reconnaître » que le malheur du monde provient d'abord de ton péché à toi, du mal que tu as commis ? N'essaie pas de le gommer, de t'en dédouaner facilement.
Avouer sa faiblesse n'est pas masochisme mais premier pas vers la lumière.  
« Jean était vêtu d'un vêtement en poils de chameau...il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage ». Ne cherche pas ton salut dans la science (elle peut faire des bombes) ni dans les banques (elles peuvent faire faillite), ni dans les oripeaux et les paillettes des spectacles (ils peuvent te mentir). Reste sourds aux refrains qui flattent, aux slogans qui anesthésient. Va près du pauvre. Remets en question ta consommation, ton mode de vie. Va écouter l'homme heureux qui s'est dépouillé pour te dire la vérité.   
« Jean proclame : Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber pour défaire la courroie de ses sandales ». N'écoute pas les maîtres trop sûrs d'eux-mêmes. Méfie-toi de quiconque te promet le bonheur immédiat, le top de la réussite, la suppression du mal, l'ivresse goulue. Jean dénonçait le péché, exigeait la conversion mais il était conscient de ses limites, il savait qu'il n'apportait pas la solution de nos problèmes. Il créait l'attente d'un Autre.
Ne crois pas celui qui promet de te satisfaire mais celui qui élargit tes questions et dilate ta béance.   
« Moi, disait Jean, je vous ai baptisés dans l'eau ; lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint ». Les baignades enivrées sur  les plages de rêve, les ablutions répétées des Esséniens de Qumran, les plongées des Hindous dans le Gange, et même l'eau du Jourdain avec un prophète comme Jean-Baptiste : aucune purification extérieure ne peut réellement changer l'homme.  Seul le baptême de Jésus, avec l'eau pleine du feu de l'Esprit, peut laver de toute souillure, dilater le c½ur, faire tomber les liens, faire renaître, RECREER l 'homme.

CONCLUSIONS

De même que Jésus n'est survenu qu'après le long chemin de l'histoire où s'écrivaient les préludes de son arrivée, ainsi l'homme ne peut le découvrir aujourd'hui que s'il lit son propre passé comme « son ancien testament » où les recherches, les désirs, les échecs constituent les étapes de la recherche de Dieu... et de soi.
Nous n'avons pas à nous morfondre sur nos fautes ni à maudire les saletés du monde : toutes sont des appels à plus, à autre, à fin. Aspiration non vers richesse et gloire mais vers Quelqu'un qui, seul, peut nous accomplir.
Jésus, dit Marc d'emblée, est « Messie et Fils de Dieu » : « commencement » afin que « de commencement en commencement  nous allions vers des commencements qui n'ont pas de fin » (S. Grégoire)
Que voulons-nous faire de cette année qui « commence » ?

3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

La lecture de ce passage du livre d'Isaïe, repris d'ailleurs par Jésus pour inaugurer sa mission dans l'évangile de Luc, est une occasion on ne peut plus opportune de s'intéresser à cette institution sociale de l'antiquité juive qu'était l'année du Jubilé (bien faiblement traduite par « année de bienfaits » dans la traduction liturgique), institution d'une originalité, d'une profondeur de vue et d'une audace sociale sans comparaison depuis les 5000 ans d'histoire humaine (et reprise, mais dans un sens purement pénitentiel, par l'Eglise latine depuis 1300).

De quoi s'agit-il ? Avant l'instauration de cette institution (vers le 5°s. avant J-C) existait déjà le principe de l'année sabbatique suivant lequel chaque 7° année devait être une année de repos (d'une activité réduite au minimum), non seulement pour soi-même mais pour toute la communauté, y compris serviteurs, servantes et esclaves et même pour les animaux et aussi pour la terre. Quel formidable programme écologique, social et d'hygiène mentale ! Faire une pause dans le cycle de la production, de l'exploitation, non pas pour se laisser aller dans une ennuyeuse oisiveté mais pour se laisser être et laisser être les autres et toute la Création ! Se donner une occasion de ressourcement, se donner un temps pour se poser la question : qui suis-je ? qui crois-je être ? qui voudrais-je être ? mais aussi pour poser la question à ceux qui nous entoure ou que nous rencontrons : qui es-tu ? comme la pose l'évangile du jour. Prendre le temps de répondre à la question : « que dis-tu de toi-même ? » en ayant la sagesse et l'humilité de connaître sa place (comme Jean-Baptiste) ! Ce repos de soi, quand il est repos pour tous et pour toute la Création devient une expérience spirituelle, une union à Dieu, à un Dieu qui aurait à nouveau des raisons d'être heureux de sa Création.

Sur cette institution s'en est greffée une autre, l'année Jubilaire, son multiple. Après 7 x 7 années, donc la 50° année, Israël a estimé que la plus belle manière d'honorer Dieu pour sa Création, c'était de remettre de l'ordre dans l'Histoire des hommes. L'année jubilaire n'est pas, en son fond, une année de joie, de réjouissances ! C'est le pur hasard linguistique qui fait que le mot latin « jubilare » (qui signifie, lui, « être dans la joie ») est phonétiquement si proche du mot hébreu « yobel » (qui est la vraie origine du mot « jubilé »). Le « yobel » est le cor, la trompe qui annonçait l'ouverture de cette année socialement très particulière. Il s'agissait en effet de libérer tous les esclaves, de remettre toutes les dettes et de rentrer chacun dans son patrimoine. Ce n'est pas le lieu ici pour expliquer ou évaluer la manière concrète d'appliquer ces principes, ni si ou dans quelle mesure ils ont été appliqués. Ce qui nous importe, c'est de cerner l'intuition fondamentale : la volonté de donner à chaque génération l'occasion de repartir à neuf, comme si la Création repartait à zéro et repartait donc du point idéal : un état d'harmonie, d'égalité de tous les hommes devant Dieu. Sur une vie, il peut y avoir des malheurs, des injustices que l'on subit, des bêtises que l'on commet, des esclavages, des souffrances... mais dans le monde que voudrait Dieu pour l'homme, il n'y a rien d'irréversible, de définitivement incapacitant. Savoir que le mal subi peut avoir une fin et qu'il y aura moyen de repartir à neuf, bien plus qu'une consolation, quel espoir dynamisant cela peut-il donner ! On l'aura compris, les mesures sociales de l'année jubilaire ne sont pas là pour elles-mêmes (et ne conviendraient, comme telles, qu'à un contexte économique et social ultra-élémentaire), elle valent surtout comme signes concrets d'une dynamique d'espérance.
Puissions-nous, nous-mêmes, prendre le temps de nous poser la question : sommes-nous, par nos ½uvres, par notre être, porteurs d'espérance, d'avenir ouvert, préparant le chemin de Celui qui vient ?

1er dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

L'Eglise dans le temps

Nous nous préoccupons beaucoup du temps qu'il va faire et nous sommes accrocs  aux bulletins météo  pour décider de nos sorties, de nos travaux, de nos vacances. Or ce dimanche qui marque le début d'une nouvelle année liturgique nous place devant une question beaucoup plus importante : que faisons-nous du temps ? Nous résignons-nous à le laisser passer ? Le tuons-nous par ennui ? Le perdons-nous devant la si fréquente nullité du petit écran ? Réparons-nous ses dommages par une crème « anti-âge » ? Nous lamentons-nous dans les regrets du temps passé ? Sommes-nous angoissés devant le temps futur inconnu ? Le temps présent n'est-il qu'une machine pour accumuler (time is money) ?
Qu'est-ce donc que « le TEMPS » ? Tous les philosophes ont affronté ce problème parmi les plus ardus de la pensée. Saint Augustin écrivait : «  Qu'est-ce que le temps ?...Si personne ne me pose la question, je le sais ; si quelqu'un pose la question et que je veuille l'expliquer, je ne sais plus » (Confessions XI.14.17).
Le temps nous fait et nous défait : que faisons-nous du temps ? Au contraire des religions qui promettent la sérénité en fuyant le monde et le tragique, la foi chrétienne se vit dans la durée, dans l'histoire. Elle est une façon de vivre le temps.

LA SEMAINE ET LE DIMANCHE

Toutes les civilisations scandent le temps par des fêtes afin de l'humaniser. Israël vit au rythme de la semaine : après 6 jours de travail consacrés à construire le monde vient le 7ème jour appelé le SHABBAT où l'homme cesse son travail. C'est le jour de fête primordial que l'on doit observer par ordre de Dieu (4ème commandement), où il ne s'agit pas seulement de se reposer pour reprendre des forces mais de se retrouver comme une personne, sujet libéré des servitudes. Ce n'est pas un jour d'ennui mais de plénitude : les époux se retrouvent dans un amour plus proche, parents et enfants dialoguent, les familles se ressoudent, le serviteur n'est plus contraint à la corvée, les croyants forment une assemblée qui chante dans l'allégresse les merveilles de Dieu. Le shabbat est le jour de l'homme, le jour de Dieu, le jour des relations. Il est l'aboutissement de la création. C'est le shabbat qui a gardé Israël, disent les maîtres juifs.

Pourtant ce sont des Juifs qui vont opérer un déplacement considérable. Jésus ayant été exécuté la veille d'un shabbat et s'étant manifesté vivant à ses apôtres le surlendemain, donc « le 3ème jour », les premiers disciples vont faire du 1er jour de la semaine leur grand jour de fête et ils l'appelleront « JOUR DU SEIGNEUR », en grec : « kuriakè », en latin « domenica » qui donnera le français « DIMANCHE ».
En ce jour, les disciples éparpillés par la peur se regroupent, la communauté « ressuscite » et dans une joie folle elle partage le  Repas du Seigneur. C'est ainsi qu'est née la semaine telle que le monde la connaît aujourd'hui...et telle qu'il cherche à la détruire. Ainsi on a pris coutume de dire «  week-end » (fin de semaine) pour désigner les « « samedi-dimanche » ( ??). Et si l'industrialisation du 19ème siècle a enlevé le dimanche aux ouvriers en les forçant à se plier aux cadences incessantes des machines, aujourd'hui la société fait pression pour ouvrir, tous les jours,  ses temples d'une consommation effrénée.

Si le dimanche est sans cesse menacé, c'est sans doute parce qu'il porte un enjeu spirituel de taille. Car pour les chrétiens qui l'ont inventé, le dimanche est jour d'affirmation que Jésus est Seigneur, que la vie l'emporte sur la mort, que les croyants doivent s'assembler, qu'ils ont à partager le Pain de Vie, qu'ils goûtent ensemble le repos de la prière et de l'action de grâce.
Pâques - Résurrection - Assemblée - Eucharistie - Joie - Repos : telle est la richesse inouïe du 1er jour de la semaine. Vécu et célébré avec une conscience claire dans sa plénitude, il permet de s'élancer pour une nouvelle semaine de travail. Le dimanche apprend que l'essentiel, c'est l'homme, que nul ne peut être réduit en esclavage, que si le travail est la poursuite du dessein créateur de Dieu, tout culmine dans la louange à Dieu d'un peuple heureux.

L'ANNEE LITURGIQUE

Au 2ème siècle, les Eglises décidèrent de célébrer également l'anniversaire de la PÂQUE de Jésus à sa date de printemps (1ère lune). La fête fut prolongée sur 50 jours avec le temps de PENTECÔTE puis préparée par un temps de pénitence qui devint peu à peu les 40 jours du CARÊME. Plus tard encore on fixa la NAISSANCE de Jésus au 25 décembre (au solstice d'hiver, lorsque les jours commencent à s'allonger) pour contrer les festivités païennes à la gloire du soleil. A l'exemple de Pâques, Noël fut précédé d'un temps de préparation appelé l'AVENT. La longue période des dimanches après la Pentecôte signifia la longue route de l'Eglise dans l'histoire qui se termine par le triomphe du projet de Dieu : la recréation d'une humanité renouvelée par l'amour, la TOUSSAINT.
L'année liturgique était constituée. Sur le rythme fondamental du dimanche, jour de fête primordial, l'année déploie le Mystère de Dieu manifesté en Jésus le Christ Seigneur.

Fêtes et dimanches ne sont donc pas uniquement des commémorations et des souvenirs (comme on se souvient des morts de la guerre ou des grands moments d'une personnalité). Les événements de la révélation à travers le temps, deviennent en quelque sorte présents aux croyants. Ils sont actualisés, ils nous rejoignent dans notre vie ordinaire afin que notre existence suive le même itinéraire :
Attente et recherche de sens : AVENT     -     Première lueur d'un Dieu qui vient vers nous en silence et pauvreté : NOËL       -     Lutte, combat et pénitence : CAREME      -       Horreur de la CROIX et de la MORT
Lumière du 1er jour de la re-création : PAQUES        -       Effusion de la Vie nouvelle : PENTECOTE
Marche joyeuse et pénible à travers les ans et les siècles : TEMPS APRES PENTECOTE     -    Affirmation de la réussite du Projet de Dieu : la TOUSSAINT, dans l'attente de son RETOUR.

Les épisodes de la vie de Jésus ne sont pas que des événements passés mais des « mystères ». Non au sens de trous noirs incompréhensibles, d'énigmes irrationnelles et insolubles, mais dans le fait que leur lumière guide encore ceux qui croient en eux. En fêtant l'Avent, la Nativité, le Baptême, la mort en Croix, la Résurrection, l'Ascension, l'Eglise est rejointe par la signification, la force vitale de chacun de ces « mystères ». En se les appropriant, elle bénéficie de la grâce divine attachée à chacun de ces événements.

En reparcourant chaque année le trajet de l'Incarnation de Dieu parmi les hommes - depuis son attente jusqu'à sa réussite plénière -, l'Eglise peut à son tour vivre cet itinéraire. Son Seigneur Jésus vivant l'accompagne : comme lui, après lui, en lui, elle peut naître dans l'ombre, lutter contre les tentations, se heurter à ses ennemis, accepter de donner sa vie, ressusciter dans l'Esprit, propager cet Esprit aux quatre coins du monde. Le temps a une signification et un but. L'existence a sens.

ANNEE CIVILE ET ANNEE LITURGIQUE

Le chrétien vit donc selon deux calendriers, civil et liturgique. Il ne les juxtapose pas comme si engagements de foi et responsabilités humaines formaient deux plans séparés : sacré et profane. La grâce reçue lors de la liturgie éclaire ses décisions et le rend capable de mener son existence en incarnant l'Evangile. En suivant la vie de son Seigneur, qui a vécu dans l'histoire ordinaire, il comprend que le sens profond de son existence, la clef de sa réussite, est le mystère pascal : se donner pour se trouver. Il refuse d'être abruti par les mensonges du monde, il opte pour une originalité qui lui attire les sarcasmes et lui cause certains ennuis.
Mais il a la joie d'être éveillé pour comprendre la valeur de chaque moment et le prix de la durée. Comme un bon serviteur, il accomplit son travail dans la fidélité et il attend son Maître : l'année qu'il commence aujourd'hui sera rencontre eucharistique dans l'espérance de l'accueil final et bienheureux (évangile de ce dimanche) 
Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« Prenez garde, veillez car vous ne savez pas quand viendra le moment.   Il en est comme d'un homme parti en voyage : en quittant sa maison,   il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller.    Veillez donc car vous ne savez pas quand le maître de maison reviendra :  le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin.  Il peut arriver à l'improviste et vous trouver endormis.  Ce que je vous dis là, je le dis à tous : VEILLEZ « 

Mes v½ux à vous, chers abonnés, pour l'année nouvelle ?  Je les reprends à saint Paul  (2ème lecture)

« Frères et s½urs,    De la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur, que la grâce et la paix soient avec vous.  Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet,  pour la grâce qu'il vous a donnée en Christ Jésus : en lui vous avez reçu toutes les richesses de sa Parole...Vous attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C'est lui qui vous fera tenir solidement jusqu'au bout. Et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ.  Dieu est fidèle, lui qui vous appelés à vivre en communion avec son Fils. »

1er dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Sur une route de campagne, juste à côté d'un arbre, deux vagabonds, Vladimir et Estragon, se retrouvent dans un non-lieu à la tombée de la nuit pour attendre quelqu'un. Cet homme - qui ne viendra jamais - leur a promis qu'il serait au rendez-vous ; sans qu'on sache précisément ce qu'il est censé leur apporter, il représente un espoir de changement. En l'attendant, les deux amis tentent de trouver des occupations, des "distractions" pour que le temps passe.  Toutefois, des inquiétudes naissent : Est-ce le bon jour ou le bon endroit ? Peut-être est-il déjà passé ? Que faire en attendant ? Il ne leur reste qu'à attendre.  Certains d'entre nous se rappellent peut-être cette pièce de Samuel Beckett intitulée « en attendant Godot » et qui faisait partie du programme de français au cours de nos humanités.
Sommes-nous si différents des personnages principaux de cette pièce, en ce premier dimanche de l'Avent où Jésus nous dit : « Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment. »  Contrairement à Vladimir et Estragon, nous avons la chance de savoir pourquoi nous sommes invités à veiller.  Le Christ nous a promis qu'il reviendrait un jour.  Nous ne savons ni quand ni comment.  En attendant, il ne nous reste qu'à veiller.  Nous sommes des veilleurs et par définition, le veilleur veille.  Cependant, parfois, le veilleur sommeille.  En effet, vu les aléas de la vie, les préoccupations, les soucis, mais aussi des moments de bonheur, il peut nous arriver non pas de nous détourner de Dieu mais de le mettre de côté, de le laisser sommeiller en nous.  Il reste bien évidemment au plus profond de notre intimité mais nous ne prenons pas suffisamment de temps pour lui.  Nous n'avons pas souvent assez d'une journée pour tout faire et nous le mettons après nos autres préoccupations.  L'Avent devient alors une occasion unique de permettre aux veilleurs que nous sommes de nous réveiller, c'est-à-dire de profiter de ce temps pour nous mettre à nouveau en marche vers l'étoile de Noël.  Il y a ce retour du Christ qui nous est promis mais en attendant un tel événement, réveillons-nous pour nous préparer à l'événement déjà survenu de sa venue parmi nous.  De la sorte, les veilleurs que nous sommes pourront s'éveiller au mystère de la foi.  S'éveiller, c'est permettre à tous nos sens de se laisser saisir par le message d'amour dévoilé par le Père dans le Fils et vécu dans l'Esprit.  Eveillons-nous de la sorte au Dieu des vivants qui vit en nous.  Il nous donne ainsi l'occasion de le remettre au c½ur de nos vies.  Non pas dans des choses extraordinaires à réaliser, dans l'exceptionnel où nous pourrions chercher à briller.  Dieu nous attend dans la simplicité de notre quotidien.  Il nous convie à nous humaniser ou pour le dire en d'autres mots à conjuguer notre foi dans les actes habituels de nos vies.  Il suffit de peu de chose pour rendre la dignité à un être humain.  Un sourire peut parfois suffire.  Ne nous mettons pas des fardeaux sur les bras mais éveillons-nous en mettant plus de foi dans nos vies.  Cette dernière aura alors un autre goût, et pourquoi pas, un goût d'éternité.  Dieu a besoin de nous.  Dieu passe par nous.  Les veilleurs que nous sommes ne sont pas des êtres inactifs, des femmes et des hommes qui passent leur temps à attendre.  Loin s'en faut.  Le veilleur veille en berçant sa vie au son de la musique de Dieu.  Lorsque nous arrivons à une telle harmonie, le veilleur peut alors se mettre à s'émerveiller de la présence divine au sein de notre humanité.  Dieu est présent dans nos vies.  Il est en chacune et chacun de nous.  Jamais, il ne nous abandonnera.  En ce temps d'Avent, offrons-lui plus encore un peu de notre temps et émerveillons-nous de la manière dont il nous manifeste sa présence dans tous ces petits gestes de la Vie : une parole réconfortante, une présence humanisante, un geste accueillant, un regard 'tendressant'.  C'est de cette manière que nous pouvons veiller. Sommeiller, se réveiller, s'éveiller et s'émerveiller sont ainsi différentes déclinaisons possibles du verbe veiller.  Vivons de cette espérance : tout veilleur sommeille, puis il se réveille.  Ensuite, il s'éveille  et s'émerveille.  S'il en est ainsi devenons à notre tours ces veilleurs qui ont décidé à jamais de veiller et cette fois, pour l'éternité.
Amen