4e dimanche ordinaire, année C
- Auteur: Collin Dominique
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : C
- Année: 2009-2010
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Imaginez vous donc que quelqu'un vienne ici et nous lise le prophète Isaïe, ferme le livre et nous dise : « tout cela que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui que cela s'accomplit ». Comment le prendriez-vous ? Je pense que l'on pourrait le féliciter, lui dire bravo pour la guérison des aveugles, l'espérance pour les pauvres, la libération des prisonniers ! En avant, n'hésite pas et je serais tout disposé ensuite à confirmer que l'Esprit du Seigneur est sur lui, qu'il a été consacré par l'onction ! Oui, voilà un chrétien confirmé !
Confirmé, « oint », « messie », tout ces mots ont le même sens et désignent celui qui a reçu une onction d'huile et qui est choisi pour une fonction messianique ! En ce sens littéral, dire « chrétien confirmé », c'est dire deux fois la même chose puisque chrétien veut dire christ et que Christ veut dire Oint, qui veut dire messie. Ces questions de vocabulaire montrent que nous sommes au c½ur de notre vocation, au c½ur de notre identité chrétienne. Celui qui ne rend pas l'espérance aux pauvres, ne libère pas des captifs, n'ouvre pas les yeux des aveugles, peut-il se dire chrétien ? Peut-il dire : « aujourd'hui encore, la Parole s'accomplit » ? Alors nous prenons conscience du décalage qui existe entre notre vocation et ce que nous en vivons. Alors nous prenons conscience aussi de l'identité exceptionnelle de Jésus.
Jésus est celui qui survient, prend le livre et dit : aujourd'hui, c'est vrai ! C'est vrai et je vous le dis ! Aucun de nous n'aurait osé, aucun de nous n'aurait eu cette prétention. Lui, il le fait, et c'est tout simple et c'est même évident : chaque fois que la Parole est proclamée avec foi, elle s'accomplit. Sinon pourquoi la lirait-on ? Cette Parole est vivante, éternelle, elle est la Parole de Dieu. La proclamer, c'est marquer le temps, le qualifier en sorte que chaque instant est un aujourd'hui, unique et absolu. Nous, nous lisons avec nos lèvres et même si nous nous y impliquons, nous restons à distance, un peu loin. Jésus, lui, prend tout au sérieux : aujourd'hui, ici, c'est vrai ! En cela Jésus est unique, mais il est unique sans vouloir rester tout seul, avec un monopole, comme un privilégié. Il est unique dans sa manière d'être premier, c'est-à-dire d'ouvrir la voie, pour que nous devenions ensuite comme lui, à sa manière, vivants et actifs dans son Esprit. Avec le même culot, avec la même allure, avec le même dynamisme, le même souffle, la même inspiration, nous aussi, à sa suite, fils de Dieu. C'est cela, devenir des « chrétiens » confirmés, habités par l'Esprit, capables de proclamer la Parole, de la comprendre, de l'expliquer et de la mettre en pratique. C'est possible, il faut simplement y croire et s'y entraîner personnellement et en communauté, car la communauté est le lieu vital de la Parole, la Parole suppose que l'on soit plusieurs à l'écouter comme à la porter.
Jésus nous appelle donc à nous lever, à prendre la parole et à soutenir l'adversité. Vous savez en effet que Jésus n'est pas bien reçu, même s'il se trouve dans son village de Nazareth où tout le monde le connaît. Justement peut être parce que tout le monde le connaît. Mais cela est une autre histoire, ou plutôt la suite de notre histoire, pour un autre numéro du roman feuilleton évangélique... Jésus a pour nous une ambition qui va bien au-delà de ce que nous nous croyons capables de réaliser. Croire en sa parole, c'est lui faire confiance pour nous lancer dans une aventure dont les éléments nous échappent complètement. Les disciples savaient-ils où ils allaient quand ils ont laissé leurs barques et leurs filets ? En ce sens, Jésus nous libère. Il nous libère de vouloir tout savoir, il nous libère d'horizons rétrécis, de routines asphyxiantes, d'un quotidien de morts vivants. Il nous ouvre les yeux sur des possibles qui vont se réaliser si nous nous y risquons, si nous y croyons, pas à pas, « à chaque jour suffit sa peine ». La foi fait des miracles pour la simple raison souvent qu'il suffit de commencer pour que les rêves les plus fous, peu à peu deviennent réalité. Ici je vais vous raconter une histoire pour être plus concret. C'est une histoire juive, celle de Samuel, Shlomo qui, dans sa prière, reproche à Dieu de ne jamais gagner à la loterie. Et il entend une voix qui lui dit : « Shlomo, d'accord, mais achète donc au moins un billet ! » Comprenez- moi bien : je ne vous encourage pas du tout à gaspiller votre argent dans les jeux de hasard mais je vous encourage à faire confiance à Jésus et à vous risquer sur les chemins de l'Evangile pour en vérifier toute la fécondité. « Frappez et l'on vous ouvrira, demandez et l'on vous donnera ! » Dieu nous supplie, nous prie, de lui demander son aide. Il a fait alliance avec nous et ne demande qu'une chose, c'est de nous aider.
« L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. »
Et disons, nous aussi avec Jésus : « Cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit. » Elle s'accomplit pour vous, elle s'accomplit pour moi. Voici une année de bienfaits accordés par le Seigneur. C'est la manière de Jésus de nous souhaiter une très bonne année 2010 et je vous dis moi aussi : Bonne année mes amis !
Le Vin de la Noce du Dimanche
La lecture de l'évangile du jour omet l'indication chronologique qui ouvre le texte de saint Jean. Celui-ci a bien écrit:" Or, le 3ème jour, il y eut une noce à Cana....": ce récit est donc en lien avec ce qui le précède. Or, en consultant le Nouveau Testament, on remarque que, de repère en repère, il est possible de remonter jusqu'au tout début de l'évangile lui-même. La scène de Cana apparaît comme l'accomplissement du début de l'évangile que Jean présente dans le cadre d'une semaine:
1er JOUR : 1, 1 : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu...Le Verbe s'est fait chair...
et nous avons vu sa Gloire !
2e JOUR : 1, 12 : Témoignage de Jean ( Baptiste ) : il nie être le Messie et annonce un autre qui vient après lui.
3e JOUR : 1, 29 : Le lendemain Jean désigne Jésus: " Voici l'Agneau de Dieu qui ..."
4e JOUR : 1, 35 : Le lendemain, Jean répète...André et un disciple le quittent pour suivre Jésus
5e JOUR : 1, 41 : Tôt matin, André va chercher son frère Simon que Jésus renomme Képhas = Pierre
6e JOUR : 1, 43 : Le lendemain Jésus appelle Philippe...qui lui-même appelle Nathanaël... -- Jésus a donc 5 disciples.
7e JOUR : ......................... sabbat - vide - rien - silence
(SEMAINE SUIVANTE): 1er JOUR : 2, 1 : Or, le 3ème jour (c.à.d. le surlendemain), il y eut une noce à Cana...
Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit...Il manifesta sa Gloire et ses disciples crurent en lui.
Jean ouvre son évangile en reprenant la célèbre expression de la Genèse: "AU COMMENCEMENT..." et il énumère la succession des jours de la semaine (fait unique dans le nouveau Testament). C'est dire qu'avec Jésus s'opère une NOUVELLE GENESE. Non une réparation ni une amélioration de l'homme mais SA RE-CREATION.
Nous avons la révélation d'une nouvelle vision de l'histoire et de son rythme de base, la semaine:
- Dieu a créé le monde par sa Parole ("Il dit et cela fut").
- Son Fils, le Logos, la Parole s'est faite chair...Il a demeuré parmi nous...( proclame le Prologue).
- Sous le régime de la Loi, les prophètes chantaient la grandeur de l'Alliance entre Dieu et Israël, rappelaient les préceptes....mais rien n'y faisait ! Effort perpétuellement voué à l'échec, tant est grande la faiblesse de l'homme.
- Jean-Baptiste acquit conscience de cette impuissance de la Loi: prédications, bains de purification, menaces, ne pouvaient absolument pas changer l'être humain. Il comprit qu'il devait s'effacer devant celui qui venait après lui.
- Jésus apparut tel un homme ordinaire, un prophète dans la lignée de ses prédécesseurs, Las, il fut méconnu, haï par certaines autorités: "Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas accueilli" ( 1, 11). Et un jour, la veille d'un sabbat, il fut mis à mort sur une croix. Mais "le 3ème jour"(expression biblique pour dire "le surlendemain") qui est également " le premier jour de la semaine" (Jn 20, 1 et les autres évangiles), il ressuscita, se montra comme SEIGNEUR à ses disciples. A la lumière de l'Esprit, ils comprirent que sa mort en tant "qu'agneau de Dieu" ôte le péché du monde et que sa Résurrection communique la Vie.
"La Loi fut donné par Moïse; la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ...
"A ceux qui l'ont reçu, qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu"(1, 12-17)
Il s'agit bien du tournant de l'histoire. L'Alliance - que la Loi et les règlements ne pouvaient jamais réaliser - est enfin accomplie. Elle n'est plus seulement un contrat dont on essaie d'observer les clauses mais elle se vit réellement comme une union des contractants, un amour, un "mariage". A ceux qui croient en lui, qui lui font confiance, Jésus offre d'entrer dans la célébration des NOCES : il y a entre eux union, communion dans la miséricorde et l'amour.
C'est pourquoi les apôtres et premiers disciples décidèrent de se réunir, chaque semaine, chaque "premier jour de la semaine" ( qui est aussi le 3e jour après la croix ) afin de célébrer la mémoire de leur Seigneur Vivant. Ils rappelaient ses paroles, se partageaient son Pain de Vie comme il le leur avait commandé et se passaient la coupe pour boire le Vin de sa Vie nouvelle. Ils en avaient la certitude: au c½ur de leur assemblée, JESUS ETAIT PRESENT, "il est là au milieu d'eux" (Jean 20, 19 et 26). L'eucharistie était bien COMM-UNION
Ce 1er jour, ils l'appelèrent "JOUR DU SEIGNEUR" - en latin "domenica", en français DIMANCHE.
NOCE DE CANA : SIGNE DE L'EUCHARISTIE.
Nous commençons à comprendre. La scène de Cana n'est pas un "miracle" - un mot que Jean n'utilise jamais car il réduit l'action de Jésus à une merveille que l'on admire ou que l'on récuse. Point de vue extérieur qui reste vain. A quoi sert en effet de s'extasier sur les merveilles accomplies par Jésus si l'on se contente de les connaître, de les voir, de les admirer ? On peut être témoin d'un miracle à Lourdes et refuser de changer de vie !
Le don du vin de Cana est un SIGNE, un acte qui renvoie au-delà de lui-même. Jean dit bien en concluant son récit de Cana: "Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. Il manifesta sa Gloire et ses disciples crurent en lui. Après quoi il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples".
Jean ne mentionne même pas les noms des jeunes mariés de Cana: peu importe. L'essentiel, c'est que quelques jeunes gens se mettent à croire en Jésus, s'attachent à lui et décident de le suivre.
Plus tard, de façon infiniment supérieure, ils célèbreront le Repas du Seigneur, l'Eucharistie des Noces où le Sang de l'Agneau de Dieu est consommé dans la Coupe de Vin de l'ALLIANCE.
A ce banquet qui actualise l'Evangile, la Bonne Nouvelle, les disciples sont envahis par une JOIE immense, une allégresse toute nouvelle qui a trois qualités, suggère notre évangéliste.
--- Elle est gratuite (comme l'eau de Cana), offerte sans que rien soit exigé, ni argent ni mérites ni diplôme de sainteté. La vie chrétienne n'est pas un championnat, une course aux performances. Tout est grâce.
--- Elle est surabondante comme les cuves qui ont été remplies à plein bord et qui débordaient. Pas de risque d'en manquer, pas de crainte de la gaspiller. Elle doit jaillir, éclater, ruisseler car elle est inépuisable.
--- Elle est "extra", succulente, inouïe, et les chrétiens n'en reviennent pas de goûter sa saveur incomparable- tout comme le "traiteur" de Cana s'étonnait de goûter un nectar à nul autre pareil !
MARIE ET L'EUCHARISTIE
La Mère de Jésus se trouve à Cana comme elle sera à la fin de l'évangile au pied de la croix, contemplant le sang qui coule du c½ur ouvert de son Fils. Elle y prononce deux phrases qui nous permettent d'entrer dans le mystère et d'adopter les attitudes nécessaires dans la célébration eucharistique:
ILS N'ONT PLUS DE VIN ! Marie constate la misère des hommes qui "manquent", "qui n'ont pas", qui ne connaissent pas Dieu, qui ne le voient que comme un créateur lointain ou un juge implacable. Ils voudraient célébrer la joie de l'amour nuptial et si souvent ils font l'expérience de sa fragilité et de son désastre. "Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux". Marie lance l'appel au secours au nom de l'humanité, en notre nom. A notre tour, avec elle, nous "inter-cédons" pour le monde. Nous ne voulons pas nous estimer une élite de croyants qui laisse le monde à ses tragédies. Seul peut communier à Dieu le c½ur qui communie au malheur des hommes.
FAITES TOUT CE QU'IL VOUS DIRA ! Marie n'offre pas une religion au rabais, un raccourci facile pour obtenir le ciel. Elle nous renvoie à une écoute des commandements de Jésus, à une obéissance sans failles. La piété doit être active, la confession de foi doit devenir travail, la prière mobilise.
Et que dit Jésus ? " Remplissez d'eau ces cuves" destinées aux "ablutions rituelles des Juifs" et dont la capacité est de "100 litres"! Combien y a-t-il de ces cuves ? "Six" évidemment.
La Nouvelle Alliance n'est donc pas l'abolition de la Loi, l'anarchie: il s'agit bien d'abord de s'appliquer de toutes ses forces à "remplir" ses obligations "jusqu'au bord" c.à.d. le mieux possible, en allant jusqu'au bout de ses efforts. Tout au long des six jours de la semaine, les disciples de Jésus veulent vraiment obéir à leur Seigneur, vivre selon son Evangile, sans ménager leur peine, heureux d'être à son service. Mais "le premier jour de la semaine", ils se rassemblent, apportant la vie ordinaire et banale des six jours précédents. Et en partageant le pain et le vin "transfigurés" en Corps et Sang de leur Seigneur, ils voient leurs peines et leurs joies "transfigurées". La vie, ses rires et ses larmes, prend toutes ses dimensions.
Alors aucun ne s'enorgueillit de ses succès, aucun ne désespère de ses péchés, aucun ne se compare aux autres.
Et plus aucun n'emploie le mot païen "week-end" puisque le dimanche est JOUR N° 1 !!!
Pour les apôtres, cette expérience de l'Eucharistie dominicale était tellement forte, tellement "grisante" qu'aucun d'eux n'eut l'idée de décréter : "la messe est obligatoire". Les premières générations y couraient. On ne pouvait imaginer une "petite messe" expédiée en une demi-heure, où l'on vient en retard avec des pieds de plomb et d'où l'on sort, l'air morose, sans avoir rencontré les autres, sans avoir fait d'"expérience". L' Eucharistie était "le rendez-vous de Cana", la noce du dimanche. Le départ, le sommet, le c½ur de la semaine.
Elle donnait goût à tout. Elle communiquait une telle force que l'on s'y rendait en dépit des moqueries, des sarcasmes, des menaces. Toute l'existence était accrochée à cette étoile.
Urgence actuelle: nous unir et travailler pour que la messe du dimanche - centre de la vie de toute communauté chrétienne - soit ce qu'elle signifie: une assemblée joyeuse qui rayonne.
Lors d'un débat télévisé, face à l'immensité d'un drame que venait de traverser son pays, la journaliste demanda à son invitée : « mais comment Dieu a pu laisser une telle horreur se produire ? ». La femme donna la réponse suivante : « Je crois que Dieu a été profondément peiné et attristé de ce qui vient de se passer. Je m'étonne toutefois de votre question car depuis des années nous lui avons demandé de sortir de nos écoles, de sortir de notre vie politique, de sortir tout simplement de nos vies. Il est quand même étonnant de constater à quel point il est simple pour les gens de jeter Dieu et de se demander ensuite pourquoi le monde devient parfois un enfer. Arrêtons de nous préoccuper de ce que les gens disent de nous et cherchons plutôt à savoir ce que Dieu pense de nous ? »
A la lecture de l'évangile de ce jour, je me dis que cette femme avait raison de répondre de la sorte. En effet, pourquoi tant de personnes souhaitent sortir Dieu de leur vie ? N'ont-ils pas eu la chance de rencontrer au cours de leur existence de véritables témoins qui leur annonçaient le projet de Dieu pour son humanité. Sommes-nous prêts à nous mobiliser pour proposer à nos contemporains ce que le Christ est venu apporter à chacune et chacun d'entre nous et ce, dès le début de sa prédication publique. Jésus commence cette dernière par l'événement de ce mariage à Cana. Il ne prêche pas encore mais il vient, par ce don de six cents litres de vin, nous dire que Dieu est venu nous offrir l'abondance de la vie. Celle-ci n'est pas une mer de détresses et de douleurs à devoir traverser en se courbant l'échine tellement le poids de nos misères est grand. Loin s'en faut, Dieu se révèle à nous au cours d'une fête. La vie résonne au son d'un hymne à la joie. Elle se vit dans la rencontre interpersonnelle, elle s'épanouit dans le mouvement des danses offertes au rythme de nos c½urs. La vie est faite pour se fêter. Dieu attend de nous que nous soyons des êtres heureux, des hommes et des femmes en quête d'accomplissement. Nous sommes ici sur terre pour nous réaliser. L'épanouissement et le bonheur sont deux des finalités de notre pèlerinage terrestre. Dans la foi, la vie s'offre à nous dans ce don de l'abondance. Elle ne se consomme pas à la cadence d'un régime diététique. Non, elle se consume plutôt au feu de l'amour qui brûle en nous. Les cuves des noces de Cana sont là pour nous rappeler que la vie s'accomplit en la vivant. Ne la vivotons pas mais profitons plutôt de chaque instant qu'il nous est donné à vivre pour aimer. Dieu s'est donc fait l'un des nôtres pour que nous puissions prendre une part active à ces noces d'une nouvelle alliance entre Lui et nous. Au c½ur du désert de notre être, le Christ vient nous présenter non pas un chemin tout tracé mais plutôt une proposition pour vivre notre vie autrement. Il nous offre le prisme de la foi pour voir le monde avec les yeux de Dieu. Nous découvrons alors que notre terre est le terreau idéal à partir duquel nous pouvons devenir plus homme, plus femme, en fait, plus nous-mêmes. Est-ce une vision idyllique, voire utopique, de notre humanité ? Je ne le pense pas. Cette vision est l'opportunité qui nous est donnée pour marcher en tant qu'êtres vivant sur la route de la vie. Il est vrai que celle-ci peut-être semée d'embûches, tracées de certaines voies sans issue, parsemées de nids de poule qui nous font trébucher. Toutefois, ne nous enfermons pas dans une forme de désespérance. Plutôt, prenons les dires de Dieu au sérieux et voyons, comment à notre niveau nous pouvons participer à cette abondance promise. En effet, face à l'épreuve que nous pouvons traverser, Dieu n'est pas absent de notre monde. Il est avec nous et nous en sommes ses témoins privilégiés. Par le Fils et dans l'Esprit, le Père passe par ses créatures pour que nous soyons les icônes vivantes de sa présence au c½ur de notre monde. Dieu ne s'en est pas allé. Il est à nos côtés et passe par nous. C'est à notre tour de prendre nos responsabilités et de nous laisser attendrir par les situations de vie où nous pouvons nous porter les uns les autres quand cela s'avère nécessaire. Tant qu'il y aura un être humain pour nous aider à traverser ce que nous avons à vivre, l'espérance continue de briller de tout son éclat. Dieu nous offre l'abondance de la vie. A nous maintenant d'être ce vin nouveau qui donnera à celles et ceux de qui nous nous ferons proches le goût merveilleux de la foi qui donne un autre sens à la Vie.
Amen
Le Discours Programme de Jésus
L'évangile de ce dimanche est composé de deux parties: d'abord l'introduction où saint Luc présente le projet de son ½uvre; ensuite les débuts de la mission de Jésus. Faute de place, et vu son importance, nous n'étudierons que ce 2d point.
LE COMMENCEMENT DE LA MISSION DE JESUS
Nous l'avions vu lors de la fête du baptême de Jésus ( le 10 janvier), le rite par Jean-Baptiste de purification par l'eau a été à peine évoqué par Luc car l'événement essentiel s'est déroulé tout de suite après:
" Jésus, baptisé, priait: le ciel s'ouvrit et l'Esprit-Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe; une voix vint du ciel: " Tu es mon Fils : moi aujourd'hui je t'ai engendré" ..." (3, 21-22).
Cette déclaration solennelle du psaume 2 était celle que le Grand Prêtre prononçait, au nom de Dieu, lorsqu'il oignait d'huile consacrée un nouveau roi. Elle devait également être faite pour désigner le Roi Messie attendu (Messiah, en hébreu, signifie "oint" et se traduit en grec par "Christos"). Donc, à l'issue de son baptême, sans qu'il soit besoin de recourir à l'huile, Jésus reçoit directement une infusion d'Esprit qui est la Force de Dieu. Celui-ci le nomme "son Fils": il est bien le Messie royal espéré, le Christ. L'heure de l'action a sonné : son Père lui intime une mission à accomplir sur le champ: "aujourd'hui". Comment, par quels moyens, réaliser cette tâche ? Jésus doit réfléchir: après le passage à travers l'eau, il pénètre dans le désert, comme ses ancêtres hébreux, après la traversée de la Mer Rouge, se sont enfoncés dans le désert du Sinaï:
" Alors Jésus, rempli d'Esprit-Saint, revint du Jourdain et il était dans le désert, conduit par l'Esprit..." (4, 1)
Il écarte trois contrefaçons diaboliques de sauver l'humanité et il opte pour un autre moyen: La PAROLE NUE sera la proposition et l'instrument du salut. L'humanité ne peut être sauvée que librement: chacun aura à écouter puis à opter, comme Jésus, en toute conscience. L'ancien charpentier de Nazareth devient prophète itinérant. Il est invité à prêcher dans les synagogues des villages et très vite on parle de lui dans la région.
Lorsque Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région.
Il enseignait dans les synagogues des Juifs et tout le monde faisait son éloge.
LE DISCOURS PROGRAMME A NAZARETH
A la différence de Marc et Matthieu qui rapporteront la scène plus tard, Luc raconte tout de suite le passage de Jésus dans son village de Nazareth. Tous le connaissent bien, plusieurs ont été ses voisins, ses clients. Comme certains d'entre eux, il était allé se faire baptiser par Jean-Baptiste mais ensuite, au lieu de rentrer chez lui, il avait abandonné sa mère et son métier et s'était mis à prêcher en circulant. Et le revoici de passage. Tous l'ont congratulé, joyeux de voir revenir un enfant du pays en train de devenir célèbre.
Le sabbat est le grand jour de fête où la communauté cesse le travail et se rassemble le matin pour l'office de prière. Il y a les bénédictions puis la lecture d'un passage de la Torah, le chant du psaume puis une seconde lecture tirée des Prophètes bibliques. Le responsable a dû demander à Jésus de faire cette dernière.
Il vint à Nazareth où il avait grandi. Comme il en avait l'habitude, il entra dans la synagogue, le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit:
" L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, proclamer aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur" ( Isaïe 61, 1....)
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
Ce texte était-il celui prévu pour ce jour-là ou Jésus l'a-t-il choisi lui-même ? On ne sait. Toujours est-il qu'il s'approprie ce texte et il le présente comme son discours programme.
Dans le livre d'Isaïe, on parle à plusieurs reprises d'un personnage appelé "Le serviteur du Seigneur" qui sera oint par Dieu et comblé de l' Esprit; il vivra une obéissance parfaite aux ordres de Dieu et il apportera le droit et la justice non seulement à Israël mais à toutes les nations. ( Lire: Isaïe 61, 1...; 42, 1-3; 49, 1-5; 52, 13 à 53, 12;...)
Jésus a refermé le rouleau, l'a rendu au servant: il s'assied selon la coutume. Tous, intrigués, le fixent des yeux. Silence total. Suspense ! Que va-t-il dire ? Quel commentaire va-t-il faire de ce texte ?
Alors il se mit à leur dire:
"Cette parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit".
Stupeur générale ! Il y a de quoi suffoquer, avouons-le !!!
--- Le pauvre charpentier du village s'identifie à l'immense personnalité de ce Serviteur de Dieu !!??
--- Sans rien de changé dans ses apparences, il se déclare comblé et animé par l'Esprit de Dieu !!??
--- Il assume la mission universelle du Serviteur !!??
--- Et pour lui cette mission n'est pas un projet lointain: elle est déclenchée, en voie de réalisation "aujourd'hui" !!??
Toute la suite de l'Evangile montrera comment Jésus accomplit ce programme : ce ne sera ni une ½uvre guerrière, ni une ½uvre politique, ni même ce que l'on appelle une ½uvre sociale, caritative. Car en fait Jésus ne rendra la vue qu'à un ou deux aveugles; il ne répondra pas à l'appel de Jean-Baptiste en prison pour venir le libérer; il ne supprimera pas l'esclavage et la domesticité; il ne distribuera pas des vivres; il ne supprimera pas les geôles; il ne rejoindra pas les rangs des zélotes pour fomenter la révolution violente.....
Il nous faut sans cesse relire et méditer l'Evangile pour comprendre en quoi consiste précisément cette mission fondamentale qui n'est rien d'autre que l'arrivée du Royaume de Dieu sur terre.
En tout cas, cette déclaration de Jésus est terriblement dérangeante: l'auditoire va se cabrer et rejeter Jésus - cf. la suite de la scène dimanche prochain.
L'HOMELIE : COMMENT UN VIEUX TEXTE EST " PRESENT"
Jésus inaugure sa mission en citant les Ecritures où il a lu ce qui lui est arrivé au baptême et quelle vocation son Père lui a confiée. Il a su interpréter le Livre, il y a entendu la voix de son Père qui lui parlait réellement, il a compris son identité, il en a reçu sa vocation. Tout l'histoire de son peuple convergeait sur lui; il venait pour l'accomplir, la mener à terme, proclamer à tous la Bonne Nouvelle.
Cette scène est l'occasion de réfléchir à la place que tient dans notre vie chrétienne la lecture et l'écoute des Ecritures. Y cherchons-nous à comprendre notre identité nouvelle "dans l'Esprit de Dieu" et à percevoir la mission que cette vocation nous confère ? Ce que nous appelons l'Ancien Testament et que nous connaissons si mal est une mine pour connaître Jésus: n'a-t-il pas dit à ses disciples: " Il faut que s'accomplisse tout ce qui a été dit de moi dans la Loi et les Prophètes ?" (Luc 24, 44)
LA LITURGIE DE LA PAROLE n'est pas " l'avant-messe". Pas plus que la conversation des convives n'est "l'avant-banquet". Si tous les mélomanes sans exception, à Paris comme à New-York, à Pékin comme à Moscou arrivent à l'heure au concert, pourquoi l'assemblée chrétienne n'est-elle jamais complète dès le début ?...Ne serait-ce pas parce qu'on ne veut pas écouter une parole qui remet en question? On veut bien prier, chanter, consommer une Hostie...mais on n'aime guère accueillir une parole qui ouvre un nouveau chemin "AUJOURD'HUI."
ET L'HOMELIE ? Elle n'est pas un catéchisme, un enseignement dogmatique, une leçon de morale, un commentaire historique, une spéculation sur l'avenir, ni encore moins un morceau d'éloquence.
Elle est la proclamation assurée du PRESENT DE L'EVANGILE, l'offre de la foi, la révélation de la grandeur de l'homme qui reçoit l'Esprit de Dieu, la présentation de la plus belle mission qui soit: libérer l'homme, faire sauter les chaînes, chasser le désespoir et l'absurde. Maintenant. Mais la Parole ne se réalisera que si nous, qui l'écoutons, nous décidons à l'accomplir. La Bonne Nouvelle, c'est toujours AUJOURD'HUI.
Aujourd'hui, nous célébrons le baptême du Seigneur dans le Jourdain.
Je m'imagine les rives du Jourdain, plein de boue. Et tu dois passer par là pour te faire baptiser dans la rivière et d'en sortir. Impossible donc de rester pur après ton baptême. Quel signe prophétique qui nous libère de tant d'illusions. Impossible de ne pas te compromettre avec ce monde. Tu es comme tout le monde. Même Jésus, celui qui était la pureté en personne, a voulu être comme tout le monde. La liturgie dit que par sa descente dans les eaux, il a rincé le fleuve. Par sa descente dans notre humanité, il a guéri notre humanité, il l'a assumé et l'a porté de l'intérieur.
La descente nous apprend tellement de choses. La première lecture en parle. C'est un des chants du Serviteur de Yahvé. Le texte dit : « Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton. » Il n'est pas comme certains prédicateurs en tiers-monde ou en Amérique qui prêchent le succès en criant. Il prêchera sans aucune agressivité. Il n'a pas besoin d'élever le ton, parce qu'il ne cherche pas le conflit ; pas besoin de s'imposer, il est la vérité en personne, et la vérité convainc par la contemplation de cette vérité, pas par la persuasion, encore moins par la contrainte. Le texte continue : « On n'entendra pas sa voix sur la place publique : » Il ne jouera pas aux médias. Ou bien : la voix des vrais prophètes n'est jamais entendu dans le forum publique. Ils ne savent pas comment manipuler la masse. Ils n'ont pas de style, ou bien : leur style est si différent. Ils font toujours référence à toi-même, de façon déconcertante certes, mais sans s'imposer. Ils te laissent cette terrible liberté qui te confronte avec une certaine solitude. C'est plus confortable d'oublier cette voix prophétique, qui parfois trouve en toi-même une résonnance qui te gêne. « Il n'écrasera pas le roseau froissé, il n'éteindra pas la mèche qui faiblit. » Pour beaucoup de gens, dire la vérité est un acte de violence. Ou bien parce que certains « prophètes » aiment choquer, ou bien parce que beaucoup de gens se sentent contraints par cette vérité. Ils n'osent pas dire non, mais ils ne veulent pas dire oui non plus. Beaucoup de gens pensent que la vérité ne peut pas aller de pair avec l'amour. C'est parce qu'ils ne comprennent pas que la vérité et un service, et qu'un vrai prophète ne peut que vouloir servir l'humanité. Donc il parle toujours avec amour, et s'il est un vrai prophète, avec un scrupuleux respect de la liberté d'autrui. Un vrai prophète, c'est celui ou celle qui a fait la descente vers le fond de sa vie. Il a rencontré ses faiblesses et ses résistances. Il sait, par expérience, ce que les hommes doivent vivre. La tentation ici, c'est l'orgueil, de se placer au-dessus des autre, en analysant le problème des autres. Un vrai prophète est humble, car il sait que sans l'aide de Dieu, il ne peut pas changer sa vie. Il se sent parfois un pauvre diable. Mais »lui ne faiblira pas, lui ne sera pas écrasé » : la descente vers le fond de l'âme, avec toutes les contradictions intérieures qu'on peut rencontrer, donne toujours une force, car tu y rencontres Dieu. C'est Jésus lui-même qui a faite cette descente dans notre humanité, pas en cosmonaute curieux d'apprendre, mais comme partie prenante, qui lui aussi sans succomber au péché comme l'Écriture nous enseigne, a sali ses mains et ses pieds à la boue de notre histoire, il s'est risqué son c½ur à notre humanité, il a perdu sa vie à nous. Les eaux de la mort l'ont submergé. Mais il est entré là-dedans pour partager notre vie et nous donner la vie, là où la mort règne. Son baptême dans notre vie et notre mort nous régénère tous. Jésus nous apprend un nouveau style d'humanité : celui d'un Serviteur de Yahvé, qui trouve sa force au fond de son c½ur et qui a assumé l'humanité entièrement, sans perdre son identité : celui de Fils bien-aimé du Père.
Patrick Lens o.p.
Les Quatre Signes de Dieu
Je ne sais toujours pas dans quel pays vivaient les mages, quels étaient leurs noms ni leur nombre et encore moins quelle mystérieuse comète a pu les guider jusqu'à Bethléem. Mais je n'ai nul besoin de ces connaissances historiques. J'ai compris qu'il fallait moins reconstituer un passé mort que de laisser cet événement reconstituer notre existence de sorte qu'il soit non un souvenir mais une Bonne Nouvelle. L'aventure des mages est la nôtre.
1er SIGNE : LE COSMOS
Nous sommes la première génération à découvrir les splendeurs du cosmos grâce aux merveilleuses photos envoyées par Hubble et les satellites. Ronde des planètes, amas incalculable d'étoiles, Carrousel impeccable qui aurait pris naissance il y a plus de 13 milliards d'années et qui, un jour, retombera dans le néant. Fabuleuse histoire, chiffres époustouflants, distances phénoménales. Mais surtout photo de notre planète bleue. Beauté déchirante de notre petite terre fragile voguant dans un coin d'un univers immense. Qui sommes-nous là-dedans ? "Des poussières d'étoiles", dit l'un. Aventure absurde d'un protoplasme inutile, dit l'autre. " Histoire pleine de bruit et de fureur, racontée par un fou, et qui ne signifie rien" ??
Le cosmos n'est-il qu'une machinerie dans laquelle nous sommes nés par hasard avant de nous dissoudre dans le rien ? Le cosmos est une "magie" qui ne sera jamais éclaircie tout à fait par les sciences et les mathématiques. Les mages scrutaient le ciel pour y décrypter les messages des dieux: les signes du zodiaque permettaient d'éviter le malheur, de prendre les décisions heureuses, de prévoir l'avenir.
Jusqu'au jour où ils sont descendus de leur tour d'observatoire pour se mettre en route, à la quête de l'homme Il faut certes poursuivre le labeur scientifique, chercher à comprendre la naissance et le fonctionnement de l'univers mais le cosmos renvoie à notre histoire. Il faut partir, quitter la contemplation du ciel et se poser la question de l'homme. Quel est le sens de notre vie ?
2ème SIGNE : LA BIBLE
Toutes les civilisations cherchent à résoudre le mystère de la condition humaine. Religions, sagesses, philosophies, spiritualités présentent des réponses, affirment ou nient l'existence d'une divinité ou d'une multitudes de dieux. D'autres traitent tout cela de mythes, d'illusions. Qui a raison ?...
Les mages découvrent un petit peuple en bordure orientale de la Méditerranée. Ni pire ni meilleur qu'un autre. Mais Israël présente au monde un livre: une révélation du Dieu unique pour le monde.
Non un catéchisme ni un traité théologique mais une histoire. "Au commencement Dieu créa le ciel et la terre...." et l'histoire se déroule: conflits familiaux, conquêtes, guerres, mariages et adultères.....
La BIBLE - LE LIVRE - ne nie pas le mal, la souffrance, les horreurs. Mais son axe est une promesse: puisque tous les dirigeants, tous les rois, juifs et autres, échouent à établir une terre heureuse, Dieu créateur a promis qu'un jour il consacrerait un roi tout autre qui éclairera notre énigme, dévoilera le sens, révélera le but, tracera le chemin du droit et de la justice. De siècle en siècle, les Prophètes jettent une lueur sur ce "Messie":
"La jeune femme est enceinte et enfante un fils, elle lui donne le nom d'Emmanuel, Dieu-avec-nous" ( Isaïe 7, 14)
"Un fils nous est donné; on proclame son nom: Conseiller, Dieu Fort, Père à jamais, Prince de la Paix... Il affermira le trône de David sur le droit et la justice" (Is 9, 4-8)
Où naitra-t-il ? " Et toi Bethléem, trop petite pour compter parmi les clans de Juda, de toi sortira celui qui doit gouverner Israël...Il se tiendra debout et fera paître son troupeau...Il sera grand jusqu'aux confins de la terre. Lui-même il sera la Paix" ( Michée 5, 1-4).
Les mages se rendent donc d'abord à Jérusalem, la Ville sainte, le lieu du temple sacré, du roi, des scribes spécialistes des Ecritures. Païens qui déchiffraient le livre du ciel, ils découvrent le Livre de la terre.
Mais le Messie n'est pas né dans un palais. Et ceux qui devraient le reconnaître demeurent aveugles; ils éditent le Livre, le commentent et l'admirent mais ils ne suivent pas toujours ses indications.
Il faut poursuivre la recherche, aller plus loin, trouver à tout prix celui vers qui tout le Livre est tendu.
3ème SIGNE : L'ENFANT DE BETHLEEM
Quittant les somptueux édifices et les subtiles écoles théologiques, les voyageurs découvrent un petit village et là, quelque part, la modeste maison d'un artisan. Son épouse présente son enfant: on l'appelle IESHOUAH - JESUS
(en hébreu: Dieu sauve). Ce serait lui ?...Nous étions partis à la recherche du plus grand des Seigneurs, du plus subtil des Sages, du plus puissant des Monarques...et "ce n'est que cela" ? ...Oui, c'est LUI !
Les païens tombent à genoux devant un enfant juif; les savants vénèrent le petit pauvre. Et du coup, sans qu'il soit nécessaire de les exhorter, ils deviennent généreux. La reconnaissance se concrétise en cadeaux:
- de l'OR : alors qu' ils étudiaient les mouvements des astres pour faire des horoscopes et gagner beaucoup d'argent., ici ils font le contraire: leur cupidité devient partage.
- de l' ENCENS : ils en brûlaient devant leurs idoles dans les temples sacrés. Ici dans le nouveau-né de la femme réside le Dieu caché que l'on peut prier sans être écrasé.
- de la MYRRHE: c'était le parfum de la femme aimée, le signe de l'amour (Cantique des cantiques) mais aussi l'aromate pour embaumer les cadavres. ( à la croix Nicodème apportera myrrhe et aloès - Jn 19, 39) car Jésus apprendra à tous que l'amour véritable va jusqu'à donner sa vie.
Toutes les routes des chercheurs de lumière aboutissent à l'humble Signe de Dieu, au fils de Marie, au petit pauvre silencieux, à la maison où l'on partage son Pain de Vie, à l'église qui accueille tous ceux qui errent dans la nuit, aussi bien les bergers que les mages, les simples que les savants. Car la route des chercheurs de Dieu conduit tout simplement au rendez-vous dans une église où ils adorent leur Seigneur devenu pour tous le PAIN DE VIE.
Le signe sera l'EUCHARISTIE.
LE 4ème SIGNE : UNE VIE RAYONNANTE
Je n'ai pas parlé de la fameuse étoile qui aurait guidé les mages: elle a disparu à jamais. Leur histoire se termine ainsi: " Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin". Leur recherche a abouti: ils ont découvert celui qui est la Lumière du monde. A présent c'est leur foi nouvelle qui les éclaire et peut les guider. Ils retrouveront leur pays et leurs proches. Mais désormais ils ont à adopter une nouvelle conduite, une manière différente de vivre qui tranchera sur celle de l'entourage car la foi dans le Messie pauvre de Bethléem bouleverse l'existence.
Aujourd'hui encore le monde, fasciné par la réussite, l'enrichissement et la célébrité, court vers les idoles, les "stars" du cinéma, les "étoiles" du spectacle. Pour les croyants, la course aux honneurs, la frénésie d'achats, les rivalités mesquines, la passion "d'être à la mode" paraissent des jeux infantiles et superstition, haine, racisme, violence, gaspillage des pratiques intolérables qui conduisent le monde au désastre.
Les chrétiens ne cherchent plus dans le ciel des signes surnaturels: sur terre, au c½ur du monde, ils deviennent eux-mêmes des SIGNES du Royaume du Père dont le Prince est un enfant.
Saint Paul ne convertissait pas les foules mais lorsqu'il avait amené à la foi une vingtaine de Grecs perdus dans la grande cité païenne, il leur ouvrait les yeux sur leur indispensable mission : " Agissez en tout sans murmures et réticences afin d'être sans reproche et sans compromission - enfants de Dieu sans tache au milieu d'un monde dévoyé et perverti où vous apparaissez comme des SOURCES DE LUMIERE, vous qui portez la Parole de Vie" ( Philippiens 2, 15)
"EPIPHANIE" signifie MANIFESTATION et est une grande fête de la MISSION. Qu'est-ce que nos petites communautés manifestent ? Reprenons l'exemple des mages, sortons de nos routines, suivons les signes de Dieu. Peut-être rayonnerons-nous de sa Présence qui nous habite.
A part la fugue à 12 ans, plus rien n'est dit des longues années suivantes, appelées "années obscures de Jésus". Le seul événement certain qui a dû se produire et dont on ne dit rien, c'est la mort de Joseph puisqu'il n'interviendra plus par la suite. Jésus a repris l'atelier de son père et il vit avec sa mère en restant célibataire. Les temps sont durs, la misère est grande, le joug romain impitoyable. On vit pauvrement dans la petite maison de Nazareth: existence simple, nourriture frugale. Mais quelle joie profonde et inaltérable entre mère et fils: comment imaginer leur communion ? Pourtant rien n'apparaît chez les voisins: ils participent à la vie du village, partageant joies et peines et, chaque sabbat, tous se retrouvent à la synagogue pour la grande prière. Les lectures de la Torah et le chant des psaumes entretiennent l'espérance du Messie. " Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais !" ( Isaïe 63, 19 ).
Jésus a maintenant bien plus de 30 ans (il doit être né 5 ou 6 ans plus tôt que l'on n'a dit et on doit être en l'année 28 de notre ère): pas question de décider soi-même le moment d'agir. Il faut attendre le signal de Dieu. Or, un jour, la rumeur se répand: un prophète s'est levé ! Iohanan annonce l'arrivée imminente du Messie ! Seul ou avec quelques autres, Jésus décide d'aller voir. Jean s'est installé sur la rive gauche du Jourdain. Là où arrivèrent les esclaves hébreux avec Moïse, là où Moïse mourut, là aussi où plus tard le grand Prophète Elie disparut pour être enlevé au ciel, là également où les déportés à Babylone revinrent après un long exil. Le 3ème et dernier exode va se réaliser.
Par ses annonces de la fin du monde, ses exhortations violentes, Jean fait forte impression !
Le peuple venu auprès de Jean était en attente et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie. Jean s'adressa alors à tous : " Moi je vous baptise avec de l'eau; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu".
Au moment où Luc écrit son évangile (années 80-85), et longtemps encore par la suite, beaucoup tenaient encore Jean pour le véritable Messie puisque Jésus s'était présenté comme son disciple; ils pratiquaient son baptême, signe d'entrée dans la secte des "baptistes" qui perpétuaient la mémoire du Maître disparu.
Mais les évangélistes insistent très fort sur l'immense fossé qui sépare les deux hommes. Même s'il a rompu avec le temple et ses sacrifices, même s'il baptise, Jean reste un homme du Premier Testament. Il prêche, il exhorte, il pratique un rite de purification, il presse les gens de prendre de bonnes résolutions...mais on demeure au niveau de la Loi: on écoute et on admire un enseignement que l'on reçoit comme une leçon à mettre en pratique. Or toute la Bible montre l'échec perpétuel de cette façon de faire: la faiblesse de l'homme est telle qu'il ne pourra jamais être totalement fidèle. Et Jean, très humble, très conscient, l'explique à la foule: entre moi et "celui qui vient", il y a un abîme plus grand qu'entre un seigneur et son esclave. Jésus baptisera et redira un enseignement très semblable au mien mais lui seul pourra communiquer l'Esprit, la Force de Dieu. Sa Parole ne donnera pas seulement une leçon de morale: elle fournira la puissance de la réaliser.
Beaucoup de baptisés chrétiens n'ont pas compris cette différence abyssale. Ils tiennent l'Evangile pour un enseignement que l'on écoute et que l'on doit mettre en pratique. Sans guère d'effet. S'il s'agissait seulement d'apprendre la conduite à tenir comme chrétien, la messe s'achèverait après l'homélie. On serait comme dans une salle de cours: "voici ce qu'il y a à faire, faites-le".
Comme tout le peuple se faisait baptiser et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi,
alors le ciel s'ouvrit. L'Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe.
Du ciel une voix se fit entendre: " C'est toi mon fils: moi aujourd'hui je t'ai engendré"
Jésus a effectivement reçu le baptême de Jean mais remarquez l'expression de Luc: il ne raconte même pas le geste de Jean. L'essentiel n'est pas tant le rite mais l'attitude de Jésus ensuite: IL PRIE.
Car il faut éviter le danger sans cesse menaçant de "magie" ( accomplir un acte sacré en estimant qu'il va agir de lui-même). Accepter la plongée dans l'eau est un engagement qui appelle l'homme non pas à se croire quitte ("je suis en règle") mais à se présenter comme disponible à Dieu. Jésus ne parle pas: il se tient là, nu, ruisselant, offert à Dieu: " Me voici, Seigneur, je viens faire ce qui te plaît"( Psaume 40, 9 )
Alors se produit la merveille: Dieu donne l'Esprit et vocation à son Fils.
L'Esprit de Dieu, la "ruah", c.à.d. le Souffle, le Vent, la Force, l'Inspiration de Dieu investit Jésus. "Comme une colombe". La note n'est pas que pittoresque. Au début de la Genèse, dans le tohu-bohu initial, il était écrit que " le souffle de Dieu planait à la surface des eaux" comme pour susciter et protéger la création qui allait surgir. (Gen 1, 2). Le baptême avec le don de l'Esprit n'est donc pas une cérémonie, une simple purification, un bain rituel, mais une NOUVELLE CREATION. La Loi admonestait, exhortait, apprenait, corrigeait: l'Esprit RECREE !
Et, 2ème référence, la colombe (IONA) est l'animal symbole d'Israël (Lecture symbolique du Cantique des cantiques): Jésus accepte donc d'assumer son peuple, il s'engage à le porter, à le supporter, à le représenter. Le baptême n'est pas une élection privée mais une charge en vue de la communauté.
Jésus entend une voix (celle de son PERE évidemment) qui cite le psaume 2 où on ne parle pas de la naissance mais de l'investiture royale du Messie: " Tu es mon Fils: aujourd'hui je t'engendre". Fils de Dieu, Jésus l'est de toujours, il est né tel ( Annonciation: Luc 1, 35). Ici il reçoit son ordre de mission. Le temps de Nazareth est terminé et "aujourd'hui", tout de suite, le Royaume de Dieu est remis entre les mains de Jésus Messie.
Mais comment agir ? L'appel ne précise aucune modalité. C'est pourquoi Jésus, au lieu de retourner chez sa mère, va s'enfoncer dans le désert pour y réfléchir sur la façon de réaliser sa mission. Ensuite il regagnera sa province et Luc montrera comment le baptême était bien une onction d'Esprit: "Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en Galilée...il enseignait dans les synagogues et tous disaient sa gloire...Il vint à Nazara où il avait été élevé. Le sabbat, à la synagogue, on lui présenta le livre du prophète Isaïe et il lit : "L'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres" (Luc 4, 14-18)
Au-delà du baptême d'eau, Jésus a été OINT d'ESPRIT DIVIN. Il est donc le OINT = le MESSIE consacré par l'Esprit pour annoncer l'Evangile. Dans les Actes, Luc répètera: baptême = Onction d'Esprit. L'apôtre Pierre voit que l'Esprit est donné à des Romains, ces païens honnis, et il raconte
"C'est lui, Jésus, qui est le Seigneur de tous. Vous savez ce qui s'est passé à travers tout le pays des Juifs depuis les débuts en Galilée, après le baptême proclamé par Jean. Jésus de Nazareth, Dieu l'a consacré par l'Esprit-Saint et remplit de sa force. Là où il passait, il faisait le bien et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon" ( Actes 10, 38 = 2ème lecture )
NOTRE BAPTEME
--- Sacrement de la foi, rite d'entrée dans l'Eglise, le baptême est conformation au Seigneur Christ:
"...Par le baptême, en sa mort, nous avons été ensevelis avec lui afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la Gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle ".
Aujourd'hui il nous faut relire et méditer cette magnifique mystique du baptême développée par Paul (Lettre aux Romains chap. 6). Etre baptisé, c'est entrer dans le mystère pascal.
--- Longtemps à forte majorité de baptisés (mais n'hésitant pas à s'étriper et à déclencher les guerres les plus sanguinaires de l'histoire !!!), nos pays occidentaux voient la pratique s'effondrer: on baptise 2/3 des enfants en Belgique, seulement la moitié en France. Faut-il s'en plaindre ? Car d'autre part les demandes de baptêmes d'adultes sont en progression constante ( parfois même de musulmans). Ces nouveaux convertis, à condition que le rite ne soit pas du conformisme, ne pourraient-ils apporter un sang neuf à nos communautés souvent assoupies ? N'avons-nous pas besoin de nous entendre dire par des laïcs transformés par leur baptême: " Reconnaissez donc, ô baptisés, votre dignité !! Rendez-vous compte de qui vous êtes ! Pratiquons ce que nous sommes devenus !!!"
--- Le baptême n'est pas une cérémonie familiale, la bénédiction d'un nouveau-né mais l'entrée dans l'Eglise en tant que communauté concrète, locale. C'est le responsable local qui préside....et la paroisse se doit de manifester qu'elle est heureuse d'accueillir un nouveau membre.
--- Comme le récit du baptême de Jésus le manifeste, le baptême donne vocation: "Tu es devenu enfant de Dieu, voici la tâche à laquelle je t'envoie". Est-ce que la paroisse ose proposer des missions urgentes ?...
Le fils "prodige" : il était perdu et il est retrouvé !
Un enfant qui fugue: l'incident est somme toute assez courant. Mais..pour aller au catéchisme: ça, c'est exceptionnel !
Que l'''épisode du "recouvrement au temple " se passe lors de la fête de la Pâque, que sa famille cherche Jésus disparu ...puis le retrouve...et précisément le 3e jour...: voilà qui nous met immédiatement sur la piste. Il s'agit d'autre chose que d'un fait-divers.
Chaque année, les parents de Jésus allaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque.
Quand il eut douze ans, ils firent le pèlerinage suivant la coutume.
A la première lune de printemps, tout le peuple monte en pèlerinage à Jérusalem pour y célébrer "pessah" (pâque) où l'on commémore l'exode.. Comme dans l'épisode précédent de la présentation du nouveau-né au temple, Luc a soin de noter que ses parents sont de fidèles observants de la Loi. Est-ce à cette occasion que Jésus aurait fait sa "bar-mitsvah", c.à.d. la démarche rituelle qui marquait l'entrée d'un garçon dans sa majorité religieuse ? On ignore si cette cérémonie existait déjà à cette époque. Mais si Joseph, Marie et Jésus ont certainement accompli tous les rites de la fête avec le repas de l'agneau immolé par les prêtres au temple, Luc ne les mentionne pas !
Comme ils s'en retournaient à la fin de la semaine, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s'en aperçoivent. Pensant qu'il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.
A la clôture des festivités, des caravanes s'organisent vers toutes les directions: c'est une foule joyeuse et mêlée qui s'en repart vers la Galilée. Les parents ne s'étonnent pas de l'absence de leur fils: il doit être avec des oncles, des cousins, des amis. Mais le lendemain, il n'est pas encore revenu !?.. Où est Jésus ? : question de toujours !
Ne le trouvant pas, ils reviennent à Jérusalem en continuant à le chercher. C'est au bout de 3 jours qu'ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs de la Loi: il les écoutait et leur posait des questions; tous ceux qui l'entendaient s'extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses.
Jésus a fait une fugue. Parce qu'il est passionné par les Ecritures et qu'il a découvert de grands maîtres appliqués à l'étude et au commentaire. En effet, dans l'immense édifice du temple, à côté du lieu central du culte ( l'autel avec les sacrifices d'animaux et les grandes processions ), se trouvait notamment une synagogue et des salles d'étude où les rabbins étudiaient la Torah, célébraient le culte de la Parole avec lectures et psaumes et où ils vérifiaient les connaissances des jeunes pèlerins pour savoir si l'instruction était bien donnée dans les villages du pays.
Les peintres ont plusieurs fois représenté cette scène de "Jésus parmi les docteurs ": ils se plaisent à montrer Jésus en position surélevée, le doigt dressé et semblant faire la leçon aux rabbins. Luc ne dit pas cela: il note que Jésus écoute les sages qui discutent et il les questionne. Eux aussi l'interrogent et ils sont admiratifs devant le niveau de ses connaissances. Ce petit Galiléen pauvre, issu d'une famille modeste, est vraiment très intelligent !
Voilà donc la première attitude de Jésus dans l'évangile de Luc: un garçon avide d'apprendre les Ecritures saintes.
En le voyant, ses parents furent stupéfaits et sa mère lui dit: " Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi !"
Il leur dit: " Comment se fait-il que vous m'avez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être".
Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait. Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth et il leur était soumis.
C'est la 1ère parole de Jésus ! Les expressions et le vocabulaire nous aident à comprendre la portée de la scène qui s'éclaire à la lumière de la fin de l'Evangile. En effet que va-t-il se passer quelques années plus tard ?
Jésus, après un premier temps de mission, au travers de sa Galilée, monte à Jérusalem. Précisément en ce même temps de Pâque. Il proclame que ce temple est la Maison de son Père et que celui-ci ne demande pas des sacrifices d'animaux mais que l'on écoute sa Parole et que l'on observe ses volontés.
C'est pourquoi Luc ne montrera jamais Jésus participant au culte officiel du temple et chantant des cantiques: il souligne sans répit qu'IL PARLE, IL ENSEIGNE ! Car il est trop facile d'accomplir des rites, de s'acquitter devant Dieu par un petit sacrifice. Comme tous les prophètes, Jésus bouscule ce ritualisme vide, ces cérémonies hypocrites que l'on tente de substituer au changement de vie.
Mais naturellement, comme les prophètes et comme Jean-Baptiste avant lui, du coup il est refusé et honni. Plus il exige d'appliquer toute la Loi, et plus les prêtres et les pharisiens attachés au rituel lui en veulent.
Leur haine s'exaspère et ils en viennent à faire exécuter ce trouble-fête.
Jésus, l'élève surdoué, va expirer sur la croix d'ignominie. Et quels sont ses dernier mots ?
Marc et Matthieu lui font citer le cri de déréliction du psaume 22 ("Mon Dieu mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?"); Luc préfère le soupir de confiance du psaume 31 qu'il fait précéder par l'invocation filiale: " Père, entre tes mains, je remets mon esprit".
De sorte que tout l'Evangile est encadré par la première et l'ultime parole de Jésus. L'enfant instruit par la Torah était à la recherche de Dieu: " Je dois être chez mon Père". C'est pour le connaître mieux qu'il avait désobéi à ses parents, qu'il interrogeait les maîtres. C'est pour le faire connaître à son peuple qu'il a prêché. Il a échoué à transformer le temple de Jérusalem en maison de son Père mais au moment de mourir, il sait que son désir d'adolescent va se réaliser : enfin IL EST CHEZ SON PERE !!!
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Pour sa mère et ses disciples, la détresse est totale: ils ont perdu le fils, Maître disparu.
Ils le cherchent en vain dans la mort et au tombeau....
Mais, "le 3e jour", ils le retrouvent, Fils vivant , Seigneur glorifié à jamais.
Alors il leur communique son Esprit filial et ils deviennent maison du Père, Eglise faite de pierres vivantes, communauté où l'on n'offre plus de sacrifices mais où simplement l'on célèbre la vraie Pâque, le culte en esprit et vérité (Jn 4) en disant ensemble: " NOTRE PERE QUI ES AUX CIEUX".
La scène du recouvrement est un texte pascal: perte / retrouvailles ... mort / vie ...
Pour le moment, l'heure n'est pas encore venue: Jésus retourne avec ses parents à Nazareth.
Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait. Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth et il leur était soumis.
Sa mère gardait dans son c½ur tous ces événements......
Le thème de l'incompréhension court dans tous les évangiles: le nez sur l'événement, nous n'en comprenons pas le sens profond. Nous lisons l'évangile, nous écoutons l'homélie et nous restons balourds, aveugles. Il faut du temps, de l'expérience, de la mémoire pour que peu à peu nous percevions à quelle profondeur se joue notre existence.
Marie, la mère, nous apprend la juste attitude. Pour la seconde fois, Luc note: "Elle garde dans son c½ur tous ces événements". Elle est devenue la mère de cet enfant exceptionnel mais elle ne comprend pas les péripéties du chemin qu'il lui fait parcourir. Son accouchement à Bethléem, la venue des petit bergers, la prophétie du vieil homme sur l'esplanade qui a lui a prédit le coup de poignard et, à présent, cette fugue : que veut donc Dieu ? Dans quelle aventure suis-je lancée ? Il faudra une autre Pâque, avec la croix et le "recouvrement" de Jésus dans les Apparitions pour que tout s'éclaire merveilleusement.
En attendant, la vie ordinaire va reprendre au village où rien ne distingue cet enfant unique d'un artisan. Près de 20 années vont s'écouler dans l'ordinaire des jours. Jusqu'au moment où Dieu appellera par la voix de Jean le Baptiste.
* * * * * * * *
Les parents doivent apprendre que s'ils ont eu un enfant, ils ne le possèdent pas. Grand est leur désarroi de voir que leur enfant leur échappe. Or il le doit pour découvrir et suivre sa vocation personnelle. Osent-ils consentir à sa liberté ? Il y a un terrible risque de dérapage...mais nécessaire pour s'accomplir en vérité. Acceptons-nous que notre jeune cherche un engagement dans l'Eglise ?...
De même on ne possède pas Dieu: le croyant, rongé par des doutes, passe par des moments difficiles. Au temps des joyeuses certitudes succèdent les nuits du doute: lassitude, impression d'un Dieu perdu, perte du goût de la prière, eucharisties lassantes.
Réapprendre que si le Christ est venu chez nous, c'est afin de nous conduire chez Lui. Et pour cela, il faut la Croix !...
Le rituel du culte ne doit pas étouffer la proclamation et l'étude de la Parole de Dieu. Les Ecritures sont notre "Maison" où chacun cherche sa vocation, où ensemble nous échangeons pour comprendre la Volonté de Dieu. Cherchons-nous à mieux connaître Dieu ? Arriver en retard à la Messe, ne pas écouter l'enseignement, c'est manifester un bien grand dédain de ce que Dieu dit !
Pour Jésus, la maison de ses parents était sa "résidence secondaire car sa véritable demeure était celle de son vrai Père.
Il a été déçu par le temple où les hommes du culte scrutaient les Ecritures mais ne les pratiquaient pas. Il a tenté de purifier cette demeure et il en a été exclu. Mais, confiant et miséricordieux, il est entré par la mort dans sa Maison définitive. Il nous attend là-haut.
Il semble perdu pour nous: nous avons à le chercher avec zèle.
Au seuil de cette nouvelle année, mon souhait est que vous vous appliquiez toujours davantage à comprendre les Ecritures.
Ne vous contentez pas d'une lecture rapide des commentaires. Reprenez-les plusieurs fois pendant la semaine. Procédez à votre propre recherche. Confrontez votre point de vue au mien. Et surtout que la réflexion débouche dans la prière.
Savez-vous que saint Pierre, saint Jean, saint Paul et les premières générations chrétiennes n'ont jamais fêté Noël ? Leur unique fête était la Pâque hebdomadaire: le lendemain du shabbat, ils célébraient Jésus "ressuscité le 1er jour de la semaine". En ce "JOUR DU SEIGNEUR" - en latin "domenica dies"...qui a donné le français DIMANCHE - , ils se réunissaient dans la joie et partageaient dans l'allégresse le REPAS DU SEIGNEUR. Ainsi de semaine en semaine, l'Eglise se constituait, croissait, se consolidait par le mystère pascal.
La naissance de Jésus dans le Pain faisait re-naître l'Eglise dans l'histoire.
Au milieu du 2ème siècle, les Eglises décidèrent de célébrer l'anniversaire annuel de la Résurrection à la première lune du printemps. On y joignit ensuite les 7 semaines jusque la Pentecôte, don de l'Esprit. "La cinquantaine" devint LE GRAND DIMANCHE. L'année avait trouvé son sommet, son centre, son axe.
Et c'est seulement au 4ème siècle que l'on commença à fêter la naissance de Jésus le 25 décembre. Non parce que l'on avait retrouvé la date exacte (oubliée depuis longtemps) mais parce que, en ces jours, éclataient les grandes festivités populaires à la gloire du soleil ("sol invictus"). Voyant les jours s'allonger, la foule extasiée agitait des couronnes de gui, dansait près du sapin toujours vert; on allumait des feux, on s'offrait des cadeaux, on trinquait à tire-larigot. Bonheur: le monde allait sortir du froid et de la nuit pour retrouver la Lumière, la chaleur, la Vie !
La fête de l'avènement du Christ, le 25 décembre, fut un essai de christianiser cette grande festivité païenne. Car s'il était heureux d'entrevoir le printemps et de recommencer un nouveau cycle annuel, les questions fondamentales de l'homme demeuraient: le temps n'est-il qu'un éternel retour des saisons ? comment l'homme doit-il vivre ? où mène l'histoire ? comment vaincre le mal ? ...et la mort ?..
La manifestation de Jésus apportait la réponse aux grandes interrogations de la condition humaine. C'était lui le véritable "soleil de justice". Car les pires ténèbres qui nous emprisonnent, ce sont nos fautes, nos aspirations qui sont restées insatisfaites, ces souffrances que nous avons infligées, cette culpabilité qui nous étreint, ces affections qui ont été piétinées, ces murs qui nous séparent les uns des autres. Nuit épaisse du péché, des actes manqués, des plaies ouvertes, des animosités, des conflits, des guerres.
Et voilà que, modeste et fragile à Bethléem, la présence du Sauveur, en dépit des persécutions, se répandait dans l'univers entier et y apportait la grande Lumière de la Vérité.
Dieu notre Sauveur a manifesté sa Bonté et sa tendresse pour les hommes: il nous a sauvés.
Il l'a fait dans sa miséricorde et non pas à cause d'actes méritoires que nous aurions accomplis par nous-mêmes
( Lettre à Tite, 3 - 2ème lecture de la messe de l'aurore)
Noël n'est pas une réponse théorique à nos problèmes, un discours lénifiant, une envolée théologique. Noël est un ACTE, un acte de Dieu. Dieu n'est pas un mythe, une puissance lointaine, un juge incorruptible, un Tout-Puissant vengeur pas plus qu'il n'est un saint Nicolas bonasse et distributeur de cadeaux. Le nouveau-né de Bethléem est la preuve que Dieu s'approche de nous, qu'il nous aime le premier, qu'il a projet de nous libérer de notre nuit horrible, de nous pardonner nos chutes, de nous guider vers la Lumière Infinie de son Amour infini
Venir comme un nouveau-né endormi sur la paille est le signe qu'il croit en nous: il espère nous changer non plus en nous dictant des lois mais en nous apprenant à aimer.
Car rien n'est plus fragile, plus exposé qu'un nouveau-né d'homme: laissé à lui-même il meurt.
L'enfant de Dieu nous dit: regarde-moi, veille sur moi. Ne me demande pas des cadeaux: je suis le cadeau.
Ne me laisse pas seul, parle-moi, accueille-moi dans ta vie, aide-moi à grandir dans ton c½ur.
D'abord petite flamme silencieuse, ta foi deviendra clarté au milieu de tes brouillards, elle sera feu qui te réchauffera le c½ur.
-- Fort bien, mais comment retrouver cet événement qui s'éloigne de plus en plus dans le passé ?
Saint Luc, quand il écrit son évangile dans les années 80, nous met sur la piste.
Où est né Jésus ? A Bethléem, un nom qui signifie "maison-du-pain".
Comment est-il ? "Emmailloté" (3 fois répété) comme plus tard, il sera un corps inerte, "enveloppé dans un linceul"( 23, 53) . Signe de sa déréliction, de la mort par laquelle il devra passer.
Mais à quel endroit est-il déposé ? Dans une crèche, c.à.d. une mangeoire.
LA COMMUNAUTE AUTOUR DE JESUS
On comprend pourquoi les premiers apôtres n'ont pas eu souci de garder mémoire d'une date. En se rendant à l'assemblée chrétienne, le 1er jour de la semaine, ils célébraient le Repas du Seigneur: chaque croyant tendait la main pour recevoir le morceau de Pain et sa paume ouverte devenait comme une crèche.
Plus besoin de pèlerinage vers une terre sainte lointaine: à Corinthe, à Rome, au c½ur de la société païenne, de son idolâtrie et de son tintamarre, l'assemblée chrétienne devenait "la Maison-du-Pain".
Oh, comme aujourd'hui, comme toujours, l'Eglise n'était pas brillante, elle n'avait rien d'une académie de gens parfaits. Mais comment était le premier groupe autour de Jésus ? Les bergers n'étaient pas les blondinets bouclés de nos cartes postales mais des adolescents pas très propres, parfois chapardeurs, méprisés par les pharisiens parce qu'ils n'étaient jamais en règle avec les lois. C'était des pauvres, mais pendant la nuit, ils veillaient, pour quelques sous, sur les troupeaux. Ils s'étaient déplacés, avaient reconnu le signe de Dieu à travers la pauvreté.
Il n'est pas besoin d'un ticket d'entrée ( propreté, bonnes manières, vertus) pour se présenter devant le Sauveur: il suffit de venir tel que l'on est, éveillé dans la nuit du monde, refusant l'opium d'une société de gaspillage.
ET MARIE ?...
Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son c½ur.
A l'Annonciation, il lui avait été révélé que son enfant serait roi d'un royaume éternel et elle se retrouvait loin de chez elle, dans la nuit d'une étable, avec un berceau de paille !!! Quel contraste incompréhensible ! Le Messie qui survient à l'écart, dans le silence et la nuit, ignoré par la majorité.
Dieu vient chez nous de manière déconcertante: sa réalisation ne correspond pas à nos imaginations. Mais Marie sait en qui elle a mis sa confiance: elle s'est donnée pour toujours . Elle retient ces événements qu'il lui est donné de vivre et elle sait que la lumière se fera, que tout cela a un sens caché que Dieu lui découvrira un jour.
Notre société fête un Noël sans Jésus !! Et nous, comment allons-nous faire ?
* En imitant les Anges qui proclament la Bonne Nouvelle:
Aujourd'hui nous est apparu le Sauveur, grande joie pour tous
* En nous joignant à leur ch½ur: et en chantant
"Gloire à Dieu au plus haut des cieux et Paix sur terre aux hommes qu'il aime".
* En suivant les pauvres bergers qui se sont mis en route et ont été remplis d'allégresse:
" Allons jusqu'à Bethléem pour voir..."... et il s'en retournèrent en rendant gloire à Dieu ".
· En imitant Marie qui gardait mémoire de tout et méditait en son c½ur.
Au bout de la nuit, il n'y a pas de nuit mais l'aurore.
Au bout de l'hiver, il n'y a pas l'hiver mais le printemps.
Au bout de la mort, il n'y a pas la mort mais la Vie.
Au bout du désespoir, il n'y a pas le désespoir mais l'espérance.
Au bout de l'humanité, Il n'y a pas l'homme, mais l'HOMME-DIEU.
( Joseph Folliet )
Marie nous rend Visite
L'historien moderne s'attache à reconstituer, avec la plus grande exactitude possible, les événements qu'il veut raconter de sorte que le lecteur est sûr que "tout s'est bien passé comme il le dit". Mais lorsque saint Luc, plus de 80 ans après les faits, veut évoquer l'enfance de Jésus, il n'entend pas narrer des petits épisodes avec précision. Son intention, ce qui le passionne, c'est de montrer la foi de la communauté chrétienne en Jésus ressuscité. Il veut proclamer que Jésus était bien Seigneur dès sa conception, que Marie, sa mère, était déjà comme la figure de l'Eglise et que tout ce qui s'est produit accomplissait les Ecritures. Le passé est évoqué dans le but de soutenir la foi présente et pour affermir l'espérance en l'avenir. La scène de la Visitation, évangile de ce dimanche, n'est donc pas un reportage pris sur le vif: c'est déjà comme une homélie, un enseignement donné à l'Eglise de tous les temps pour qu'elle croie en l'Incarnation et pour qu'elle accomplisse sa mission.
En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée.
Une jeune paysanne quelconque, d'un village insignifiant de Galilée, vient de vivre l'événement qui va changer l'histoire du monde: Dieu a distingué celle que personne ne remarquait et lui a proposé de devenir la mère du Messie attendu. Non d'un simple roi ni d'un grand prophète, mais du propre Fils de Dieu, comblé de l'Esprit, pour inaugurer un Royaume qui ne passera jamais. Bouleversée par cette visite, Marie a tremblé, a questionné, a buté sur ses limites puis finalement a cru à l'incroyable: " Voici la servante du Seigneur: que tout se passe pour moi comme tu l'as dit". Or, en outre, lors de cette annonce, il lui a été dit que sa parente, Elisabeth, demeurée stérile après plusieurs années de mariage, était enfin enceinte.
Marie pourrait se donner le temps de réaliser ce qui lui arrive, se calfeutrer à l'abri chez elle afin de protéger le trésor qu'elle porte, se réfugier dans un petit ermitage pour se livrer à la prière et à la contemplation. Au contraire, sur le champ, Marie a décidé d'entreprendre le voyage. "Rapidement": elle ne tergiverse pas, ne perd pas de temps en cogitations. Et elle ne part pas pour aller constater la véracité du fait ni pour exhiber sa propre et suréminente dignité mais pour soutenir Elisabeth dans ses dernières semaines puisqu'elle va demeurer chez elle jusqu'à son accouchement.
Tant il est vrai que la vocation est toujours une "pro-vocation", que l'appel de Dieu est un privilège mais toujours "pour" les autres. Répondre à Dieu "Je suis la servante du Seigneur" entraîne de se faire "servante de sa s½ur". Une illumination qui bloquerait un voyant dans l'extase serait illusion; une écoute de Dieu qui ne deviendrait pas écoute d'autrui serait aliénation.
Elle entra dans la maison d'Elisabeth et salua Elisabeth. Or quand Elisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit en elle et elle fut remplie du Saint-Esprit.
Prendre l'initiative de venir - pénétrer dans la maison - saluer l'autre: Marie se comporte envers sa parente de la même façon que l'ange Gabriel à son égard. Elle est "l'ange", l'envoyée de Dieu. Et même elle n'a nul besoin de parler: sa seule présence suffit à bouleverser l'autre. La surprise de la visite inattendue a peut-être provoqué le premier mouvement du f½tus mais Luc interprète de façon théologique: Jésus, en Marie, apporte au futur Jean-Baptiste l'Esprit de Dieu comme l'ange Gabriel avait dit au père, Zacharie le prêtre:
" Ta femme Elisabeth t'enfantera un fils...Il sera rempli de l'Esprit-Saint dès le sein de sa mère" (Luc 1,13-15)
Quelques années plus tard, Jésus se présentera au baptême de Jean, il paraîtra donc comme son disciple qui, après l'arrestation de son maître, prendra sa succession. Luc dément: Jean est un personnage d'une immense envergure, prophète sanctifié dès le sein maternel, mais cette grandeur lui a été conférée par Jésus. Jean est apparu le premier sur la scène de l'histoire mais Jésus est le premier en grâce et c'est de lui que son précurseur tient sa force. Autrement dit c'est la Loi (proclamée par les prophètes) qui apparaît d'abord mais toute sa valeur lui vient de celui qu'elle annonce et sa mission est de conduire à lui. Car lui seul peut sauver l'homme.
Marie se contente de saluer sa parente, de lui souhaiter la "shalom", la paix de Dieu. Sous l'action de l'Esprit, c'est Elisabeth qui exprime sa réaction: elle clame un éloge qui tient en 5 parties ( la typographie fait remarquer les concordances de la construction ) : Elisabeth s'écria d'une voix forte :
" Tu es bénie entre toutes les femmes
Et le fruit de tes entrailles est béni.
Comment ai-je ce bonheur que la Mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ?
Car lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi.
Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur "
Au c½ur de cette exclamation brille l'expression " Mère de mon Seigneur ": Marie n'est pas porteuse du plus grand des prophètes ni du plus génial des sages ni d'un homme qui serait transfiguré en "fils de Dieu" lors de son baptême. Dès sa naissance dans le sein de Marie, Jésus est Fils de Dieu et Marie sera à bon droit saluée plus tard comme "theotokos", Mère de Dieu. Son sein est bien un "tabernacle". Son voyage n'était pas curiosité mais mission: la vie nouvelle en Christ envoie à la rencontre de l'autre.
Le texte ruisselle d'une joie profonde ( allégresse, bonheur, heureuse...). Marie survient à l'improviste, elle rayonne de la Vie qu'elle porte et qui la transfigure: comment celui ou celle qui lui ouvre sa porte ne serait-il pas comblé(e) ? L'acte de foi est accueil de l'Eglise qui porte en elle un mystère, une Présence, un Dieu silencieux qui n'est ni juge des fautes ni récompense des qualités - mais gratuité et plénitude. La peur s'éteint, l'idolâtrie s'effondre, la lumière jaillit: comment le c½ur ne bondirait-il pas d'allégresse ?
Et lorsque Elisabeth loue Marie, ce n'est ni pour sa virginité ni pour son "immaculée conception" mais pour sa FOI ! La grandeur de Marie réside dans le fait qu'elle a osé faire confiance: sans réticences, de manière totale - comme une femme se donne à la maternité éclose en elle - Marie a CRU. Lorsque, plus tard, une femme, éblouie par l'enseignement de Jésus, enviera la mère qui l'a porté, il répondra: " Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui l'observent" ( Luc 11, 28).
La foi est espérance - certitude que si Dieu dit quelque chose, cela se réalisera certainement. Comment ? Marie n'a pas exigé de connaître son avenir: elle sait que Dieu la guidera toujours.
Elisabeth est ainsi la première de l'immense multitude qui, depuis 20 siècles, continue à chanter Marie comme elle a osé le dire dans sa prière qui va jaillir à la suite
"...Et toutes les générations me diront bienheureuse..."
Remarquons le parallèle voulu par Luc entre les débuts de ses deux livres, l'Evangile et les Actes des Apôtres:
* Marie écoute le message de Dieu, elle cherche à le comprendre, elle le croit c.à.d. elle se donne.
--------- De même la 1ère communauté écoute l'ultime instruction de Jésus ressuscité et le croit ( Ac 1, 7-8)
* Marie reçoit l'Esprit qui la rend féconde.
--------- De même la 1ère communauté, au cénacle, reçoit l'Esprit de Pentecôte ( Ac 2, 1-4)
* Marie quitte sa maison en hâte pour se rendre en visite chez l'autre.
--------- De même, la communauté sort vite du cénacle, descend dans la rue et rejoint la foule des passants.
* Marie chante son Magnificat: " ...Le Seigneur a fait pour moi des merveilles..."
--------- De même l'Eglise explose de joie, chante, danse et "proclame les merveilles de Dieu" ( Ac 2, 11)
Marie est le modèle de l'Eglise, elle est sa réalisation initiale; l'Eglise doit imiter son modèle.
* * * * * * *
Noël est maintenant tout proche: la ville multiplie ses efforts pour créer une ambiance de fête, le commerce déploie ses charmes pour accélérer les achats. Vacarme, luxe, artifices enjôleurs pour séduire.
Doucement, discrètement, sans bruit, Marie nous fait signe: la petite pauvre vient nous rendre visite, elle nous prie de l'accueillir, de partager avec elle la Bonne Nouvelle de celui qui vient nous aimer et nous sauver.
Et elle nous suggère de devenir, à notre tour, "des anges", des envoyés de Dieu: l'important ce ne sera pas la quantité de paquets chamarrés dans nos bras, ni le nombre de bouteilles pour donner un plaisir factice mais le vrai bonheur qui nous habitera et que nous avons, comme Marie, envie de partager.
Les autres voient-ils en nous des vrais croyants ?
Dans le spectacle intitulé « Les hommes viennent de Mars, les femmes de Venus », l'auteur raconte que lorsqu'un couple arrive chez un couple d'amis, les deux hommes, après s'être salués, discuteront plutôt en termes de compétences, c'est-à-dire, par exemple, de la durée du trajet. Par contre, les femmes auront du plaisir à prendre des nouvelles des enfants, de l'état d'âme du mari pendant le voyage. J'ose supposer que c'est sur base d'un tel constat que l'auteur de l'évangile n'a pas souhaité mentionner une dialogue qui aurait pu y avoir entre Zacharie et Joseph qui se seraient également rencontrer lors de la visitation de Marie à Elisabeth. En tout cas, ce qui est clair, c'est que la conversation entre ces deux femmes confirme la thèse énoncée dans le spectacle. En effet, Marie et Elisabeth ne s'encombrent pas des détails de la route. Elisabeth va directement à l'essentiel, aux émotions les plus intimes qui l'ont traversée. Elles ne se sont sans doute plus vues depuis quelques temps et pourtant, tout paraît tellement simple. Il aura suffit d'un simple regard, d'une joyeuse salutation, d'une présence empreinte de tendresse pour que les mots échangés témoignent de la profondeur de ce qui les habitent toutes les deux.
Les émotions sont-elles exacerbées par le fait qu'elles attendent toutes les deux un heureux événement tellement imprévisible ou bien ont-elles déjà pleinement conscience que par leurs maternités respectives, elles vont changer le cours de l'histoire de notre humanité ? L'événement de la visitation semble en tout cas témoigner de la reconnaissance par l'une de la grandeur de l'enfant que l'autre portait. Un tressaillement aura suffi pour qu'Elisabeth, remplie de l'Esprit-Saint, se transforme en prophétesse. Elle est la première à reconnaître que Marie porte en elle le Sauveur de notre humanité. Nous pourrions même aller jusqu'à affirmer que, tout s'est joué dans leurs entrailles. Jean-Baptiste tressaille car il ressent qu'il est en présence de plus grand que lui et le fruit des entrailles de Marie est béni à jamais. Au-delà du récit, je pense qu'il y a une invitation qui nous est faite en ce dernier dimanche de l'Avent pour que nous puissions à notre tour mieux encore entrer dans le mystère de Noël. Elisabeth a fait confiance en ses émotions et elle s'est laissée émouvoir par ce qui vivait en elle. C'est un peu comme si nous étions invités à faire de même. Ne cherchons pas Dieu en dehors de nous. Depuis l'événement de la Pentecôte, Dieu est venu habiter chacune de ses créatures. Par notre propre baptême, toutes et tous, nous avons également été rempli de l'Esprit Saint. Devenons alors aujourd'hui ces prophètes et ces prophétesses dont le Père a tant besoin en notre monde qui semble s'être éloigné de sa présence divine. Pour ce faire, il suffit que nous ne gardions pas le silence sur ce mystère qui habite au plus profond de nous mais que nous devenions des messagers de vérité, des messagers capables de reconnaître la présence de Dieu au c½ur de notre humanité. En effet, à nous aussi, il nous arrive de vivre des rencontres d'une telle intensité de vérité, d'une telle grandeur de tendresse et de respect mutuel que nous pouvons avoir le sentiment que quelque chose nous a dépassé, que nous étions transcendés dans le temps de ce partage vécu en toute beauté. C'était comme si Dieu était présent non seulement au-dedans de nous mais entre nous. Lorsque nous avons le privilège de vivre une telle expérience, ne la gardons pas pour nous mais devenons ces prophètes qui sont à même de reconnaître la sacramentalité de l'événement qui vient de se vivre. Osons nous dire alors l'un à l'autre : cette fois Dieu était vraiment parmi nous. Nous avons été dépassé par quelque chose de merveilleux qui était de l'ordre de l'indicible, de l'ineffable. Ayant accepté ce simple rôle de prophétie à notre niveau, nous découvrons alors que nous sommes capables de reconnaître que Dieu est présent non seulement en nous-mêmes mais également en l'autre. Chacune et chacun d'entre nous, sommes parcelles privilégiées où le Père a choisi dans le Fils et par l'Esprit de venir habiter. Nos corps respectifs sont à leur tour le tabernacle de la présence divine en notre monde. Aujourd'hui, sans chercher à être plus saint que tous les saints du ciel, nous sommes conviés à prendre conscience qu'à l'instar de Marie, nous portons Dieu en nous. Il suffit de nous pencher tout au bord de notre c½ur pour le rencontrer, pour l'aimer. Dès à présent, il nous ouvres ses bras et nous les tend pour que nous le prenions avec nous sur le chemin de la route. Dieu n'est pas extérieur à nous. Il est en dedans de nous. Que cette espérance et cette confiance nous suffisent pour entrer ensemble plus avant encore dans le mystère de ce Dieu qui a voulu se faire si proche de nous, qu'il est devenu l'un d'entre nous pour ne plus jamais nous quitter.
Amen