25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009


Un étudiant se trouvait assis dans un train aux côtés d'un homme qui semblait être un paysan bien portant. Cet homme priait le chapelet et égrenait les perles dans ses doigts. - Monsieur - demanda l'étudiant au vieil homme - vous croyez encore en ces trucs arriérés ? Et le jeune éclata de rire, avant d'ajouter : « personnellement, je ne crois pas en de telles stupidités. Suivez mon conseil. Jetez ce chapelet par la fenêtre, et apprenez donc ce que la science a à dire à ce sujet. - La science ? demanda humblement l'homme avec des larmes dans les yeux. Je ne comprends pas cette science dont vous parlez... Peut-être pourrez-vous me l'expliquer ? L'étudiant vit que l'homme était profondément touché. Pour éviter de le blesser davantage, il répondit : - S'il vous plait, donnez-moi votre adresse et je vous enverrai quelques ouvrages pour vous aider dans ce domaine. Le vieil homme fouilla dans la poche intérieure de sa veste, et donna au garçon sa carte de visite. En découvrant la carte, l'étudiant inclina la tête, honteux, et n'osa plus dire un mot. Il venait de lire : "Louis Pasteur, Directeur de l'Institut de Recherche Scientifique, Paris".

Sur quelques apparences extérieures, cet étudiant avait jugé un homme qui priait dans un train. Alors, la question que nous pouvons nous poser est celle de savoir si nous aussi nous n'agissons pas parfois comme ce jeune. Pouvons-nous partir à la rencontre de l'autre librement ou sommes-nous encombrés de ce qui peut nous traverser l'esprit ? Ne sommes nous pas trop souvent habités par des idées véhiculées par notre culture environnante : le gagnant est celui qui fait mieux que les autres, la gloire est d'être respecté et reconnu, le pouvoir est d'être capable que les choses se passent selon notre désir et que les gens nous obéissent. Dans cette perspective, il vaut donc mieux être fort que faible, grand que petit, admiré que blâmé. Et ceci n'est pas nouveau puisque ces mêmes idées traversaient déjà l'esprit des disciples de Jésus : « qui est le plus grand d'entre nous ? ». Il est vrai que c'est tellement plus simple de pouvoir réfléchir en de telles catégories et au moins, nous pensons, ou mieux encore, nous croyons savoir où nous nous situons dans la société à laquelle nous appartenons. Il y aurait celles et ceux du dessus et celles et ceux du dessous et toute une série de personnes se situant entre les gagnants et les perdants. L'être humain chercherait ainsi à toujours grimper, grimper pour atteindre les sommets de sa propre gloire. Une dynamique bien humaine mais qui semble pourtant très éloignée de ce que le Père propose à son humanité. A la question de savoir qui est le plus grand, la réponse du Christ est cinglante : « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Et nous voici, une fois encore, bouleversés dans nos certitudes. Ce n'est pas en haut de l'échelle que Dieu nous attend mais plutôt au service les uns des autres. Et pour argumenter son propos, Jésus, en bon enseignant, propose un exemple. Il prend un enfant, c'est-à-dire dans la culture de l'époque un être insignifiant. En effet, un enfant était considéré comme une forme de nuisance jusqu'au jour où il pourra devenir utile à la société. L'enfant n'était donc pas vu comme un petit être merveilleux à chérir. Il était plutôt un être non reconnu et qui n'avait d'utilité pour personne. Et c'est précisément un enfant que le Christ choisit. « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille. Et celui qui m'accueille ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé. » Un enfant est choisi par le Fils de Dieu comme icône du Père. En clair, il n'y a pas de place pour une dynamique de compétition entre les êtres humains au royaume de Dieu. Cet enfant, icône du Père, encore inutile à la société, est pourtant là pour nous rappeler qu'il est aimé de Dieu, qu'il est précieux aux yeux de Dieu. Toutes et tous, qui que nous soyons, nous vivons avec cette force de foi de nous savoir aimés de Dieu. Nous sommes précieux pour notre Créateur. Et notre Dieu vient nous redire une fois encore que la toute puissance s'exprime dans la douceur, que la gloire se réalise dans le service, que la force s'accomplit dans notre fragilité intérieure, que le regard porté aux autres se donne dans la tendresse. Alors et alors seulement, à notre tour, nous devenons icônes vivantes de Dieu au c½ur de notre humanité. Ne le cherchons pas à l'extérieur de nous. Dieu aujourd'hui encore continue de se dévoiler à nous dans la tendresse d'un regard, dans la caresse d'un geste, dans la douceur d'une parole. Devenons icônes les uns pour les autres, c'est-à-dire acceptons de nous soumettre à la loi divine qui se réalise dans tous les actes d'amour que nous posons. Soyons de véritables serviteurs les uns pour les autres. Nous permettrons ainsi à Dieu d'être encore plus vivant au c½ur de notre humanité.

Amen

25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Après avoir longtemps circulé à travers sa province de Galilée (sans guère de résultats !), Jésus a entraîné ses disciples au-delà des frontières d'Israël. En Phénicie (le Liban), en Décapole puis aux environs de la nouvelle cité de Césarée, ils ont découvert le monde païen et sa prestigieuse civilisation.

Mais au lieu de fustiger les m½urs parfois dissolues de ces incirconcis, friands de charcuterie (interdite au Juif !), au lieu de maudire ces gens adonnés à des cultes idolâtriques, au lieu de prédire le déchaînement imminent de la colère divine sur ces villes licencieuses, Jésus a pris une décision inverse.

Ce qui s'impose à lui comme prioritaire, nécessaire, urgent, indispensable, ce n'est pas de stigmatiser le péché du monde mais c'est d'abord de purifier la propre religion d'Israël.

 

C'est pourquoi il vient d'annoncer à son groupe qu'il montait à Jérusalem, lieu du temple, centre du culte. En y proclamant la venue du Royaume de Dieu son Père, il appellera à une religion du c½ur donc à une conversion radicale: par conséquent il sera tenu de dénoncer les durcissements d'une religion légaliste, de dévoiler l'hypocrisie, la cupidité et la vanité de certains hauts dignitaires religieux, grands prêtres et théologiens.

Pas besoin d'un don spécial de prophétie: Jésus est bien conscient que s'il agit de la sorte, il sera farouchement refusé, excitera la fureur des Autorités, sera condamné et exécuté. Mais il en est absolument sûr: son Père, qui l'a appelé son "Fils bien-aimé" et lui a donné sa mission, ne l'abandonnera jamais: il lui rendra la Vie.

Le Royaume de Dieu ne viendra donc pas grâce à des prédications ou des miracles mais par la croix, par la Pâque, le don de l'amour total, le passage de la mort à la Vie.

 

A partir de Césarée, la traversée du nord au sud du pays est scandée par trois annonces de la Passion: après celle du point de départ (dimanche passé), voici aujourd'hui la 2ème:

 

Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu'on le sache.

Car il les instruisait en disant: " Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes: ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera". Ses disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l'interroger.

 

Toujours "le secret messianique": puisque les gens n'attendent qu'un libérateur nationaliste et tout-puissant, il vaut mieux se taire. Et les pauvres disciples, toujours aussi obtus, ne peuvent admettre ce nouveau message (rappelons-nous Pierre qui voulait s'interposer et morigénait son maître): ils craignent de demander des raisons de cette décision qui les déstabilise. Il nous faudrait pourtant oser questionner Jésus, lui demander la raison de son projet qui nous entraîne vers le même destin.

 

L'INSTRUCTION AUX DOUZE A CAPHARNAÜM

 

Le groupe repasse par le petit port de Capharnaüm sur le lac de Galilée et fait halte sans doute dans l'ancienne maison de Simon et André ( 1, 29): ce sera l'occasion d'un enseignement aux apôtres.

 

Ils arrivèrent à Capharnaüm et, une fois à la maison, Jésus leur demandait:

                     " De quoi discutiez-vous en chemin ?".

Ils se taisaient car, sur la route,   ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.

 

En chemin, Jésus, comme les rabbins de son temps, marchait en tête, suivi par le petit groupe des disciples: peut-être avec un petit sourire moqueur, il s'informe du sujet des conversations animées dont il a perçu les éclats sur la route.

"Qui est donc le plus grand d'entre nous?": On devine que, depuis que Jésus a constitué, parmi la foule des disciples anonymes,  le groupe des Douze premiers et qu'il a nommé Pierre, un pauvre pêcheur,  à leur tête, le jeu des rivalités s'est enflammé.

MOI, j'ai fait plus d'études...MOI je prêche mieux...MOI, je serais un meilleur dirigeant...

MOI ...MOI...MOI...Cacophonie des affirmations de soi, revendications hargneuses, duel des ambitions rivales.

Immense bêtise des hommes: on suit un Maître qui martèle la nécessité de la croix...et on se jalouse, on cherche la première place !!!  Là est le plus gros péché des disciples, dénoncé sans cesse par les évangélistes - avant leur lâcheté, plus tard,  à l'approche de la croix.

 

Jésus appela les Douze et leur dit:

" Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous".

 

Vous avez de l'ambition, chers amis ? Vous désirez être reconnus à votre juste valeur ?  Vous voulez occuper le rang qui vous revient - avant les autres évidemment ? Eh bien, dans ce cas, retournez vos idées païennes d'autopromotion et courez en sens inverse.

Dans le jargon du "Tour de France", pour être "maillot jaune" dans le peloton de Jésus, il ne faut pas s'élancer orgueilleusement en tête afin de manifester devant tous que l'on est le plus fort, mais se faire humble "porteur d'eau", esclave empressé qui se met au service de tous ses frères, surtout les moins doués et les plus misérables. Ne pas cacher ses talents mais les déployer comme service de tous.

 

Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d'eux, l'embrassa et leur dit:

" Celui qui accueille en mon nom, un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille.

Et celui qui m'accueille, ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé".

 

 

Nous sommes habitués aujourd'hui à voir même de grands personnages s'approcher des enfants, leur parler, jouer avec eux. Il n'en allait pas du tout de même dans l'antiquité où l'enfant était mis à l'écart, renvoyé à son monde de jeux et de frivolités. Aimé certes mais jamais admis dans la société des grandes personnes. Les Douze ont dû être complètement ébahis par cette "parabole en acte" de leur Maître qui prend l'initiative d'attraper un gosse ( il en courait partout dans toutes les maisons), de le placer au milieu du groupe, de l'embrasser - donc de montrer qu'il s'assimile à lui.

 

Ainsi non seulement chaque disciple doit se faire petit, modeste serviteur mais en outre il doit cesser de chercher un Messie triomphant, de rêver d'un Royaume de gloire et de faste. Au centre de la communauté chrétienne,  au c½ur de l'Eglise, il y a Jésus, un Messie faible comme un enfant, attendant que les grandes personnes capitulent de leur vanité et leur égocentrisme pour se pencher sur lui et l'accueillir.

Car seule cette attitude d'ouverture à la petitesse et à la fragilité permet de recevoir le véritable Jésus et, à travers lui, avec lui, c'est bien Dieu lui-même qui, enfin, est compris, reconnu et aimé.

 

NOTRE  EGLISE  A  CONVERTIR

 

Aujourd'hui l'Eglise ne cesse de lancer de vibrants appels à la conversion du monde; le Vatican publie de grands documents qui exhortent à la fin des conflits et à la paix; les médias chrétiens dénoncent les scandales financiers et les injustices de la société; nous nous plaignons du spectacle d'horreurs qui s'affichent....Tout cela ne change pas grand chose !

Et si, comme Jésus, nous commencions d'abord par décider de la conversion de notre Eglise  ?

Au point de départ, contrairement aux Douze,  osons demander à notre Seigneur pourquoi il a pris ce chemin de vérité souffrante et pourquoi il nous invite à marcher sur ses traces. "Si quelqu'un veut être mon disciple...". Comprendre, admettre le chemin de la croix. S'accrocher tellement au Christ que l'on est prêt à le suivre partout.

Alors nous accepterons de renoncer aux enfantillages du monde ( "Je suis le meilleur...je vaux mieux que toi...") pour devenir, comme Jésus, de vrais Enfants de Dieu. Fragiles comme l'amour. Vulnérables comme la tendresse. Mais forts comme la Foi. Parce que portés par une Espérance infaillible.

 

24e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Nous arrivons aujourd'hui à ce que tous les commentateurs considèrent comme le centre de l'Evangile de Marc. On ne sait depuis combien de temps Jésus a débuté sa mission mais, par une succession rapide de scènes très vivantes, l'évangéliste nous a montré les diverses réactions auxquelles Jésus se heurtait.

Le peuple est intrigué par cet ancien charpentier qui prêche avec une totale autorité mais il demeure surtout demandeur de guérisons et de bienfaits. Sa famille elle-même est épouvantée et tente de récupérer ce membre qui semble avoir perdu la tête. Son village de Nazareth l'écoute prêcher mais ne parvient pas à croire en lui. Les pharisiens qui ont surmultiplié les observances pour préserver la pureté de la foi sont profondément scandalisés par ses déclarations et son comportement. Enfin même les Douze, ces quelques hommes qu'il a choisis et qui partagent toute sa vie, sont perplexes, ils ne comprennent pas. Cependant ils demeurent avec leur Maître.

Il faut aussi noter que, ces derniers temps, Jésus a franchi les frontières de sa Galilée et a rencontré des païens. Aujourd'hui on le voit monter au nord du lac de Galilée, là où jaillissent les sources du Jourdain et où se construit une nouvelle ville consacrée à l'empereur : Césarée-de-Philippe

Jésus demeure une énigme et partout on s'interroge : QUI EST CET HOMME ?

 

Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe.

Chemin faisant, il les interrogeait : «  Pour les gens, qui suis-je ? ». Ils répondirent : «  Jean-Baptiste ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres, un des prophètes ».

Il les interrogeait de nouveau : «  Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »

.

 

Aujourd'hui, 20 siècles plus tard, la question Jésus demeure. Rares sont ceux qui nient son existence et le considèrent comme un mythe; beaucoup reconnaissent en lui une sorte de prophète, une personnalité d'envergure qui, comme Confucius ou Bouddha, a proposé à l'humanité un message élevé de justice et de paix.  Mais on ne peut à son sujet se contenter de rapporter des opinions ou des rumeurs : chacun, devant Jésus, doit se prononcer de façon personnelle : QUI DIS-TU QUE JESUS EST ? Ne réponds pas : «  Ma mère était chrétienne...Je suis baptisé, j'ai suivi le catéchisme...Je crois que le monde ne s'est pas fait tout seul et qu'il y a quelque chose après la mort... ». Il ne t'est pas demandé de colporter des rumeurs, ni de dire ce que tu as cru jadis, ni d'ânonner une leçon, ni de garder secrète ton opinion.

Jésus ne peut être le seul personnage de l'histoire dont on ne peut dire QUI il est !

 

Pierre prend la parole et répond : «  Tu es le Messie ».

Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne.

 

Après des mois de compagnonnage, d'écoute, de questionnements, Pierre, au nom des Douze, exprime sa conviction : Tu n'es pas qu'un maître ou un prophète, tu es différent de Jean-Baptiste : tu es le Messie - ce personnage mystérieux promis dans les Ecritures pour mener à terme le Plan de Dieu.

Bonne réponse - mais grevée d'ambigüités car, sous l'occupation étrangère, le peuple attendait un Messie-Chef qui  apporterait indépendance, bonheur et santé et qui châtierait les nations païennes. Or il ne s'agit pas de cela. C'est pourquoi à nouveau Jésus intime une sévère consigne de silence.

Là-dessus tout à coup éclate, comme le tonnerre,  une prodigieuse annonce :

 

Et pour la première fois, il leur enseigna qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu'il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite.

Jésus disait cela ouvertement. 

 

Jésus ne reprend pas le mot « Messie »- à connotation trop politique et militariste - mais, comme souvent, il s'attribue ce titre de Fils de l'Homme, ce très mystérieux personnage humain à qui Dieu doit remettre la royauté universelle et perpétuelle ( Daniel 7). Mais, au lieu de gloire, ce Fils va connaître la souffrance et la mort. Et quelle mort !: condamné par les plus hautes autorités religieuses de son peuple !

 

« Il faut » : cela ne signifie pas une fatalité inéluctable. Comme souvent dans les Ecritures, on veut dire que l'événement annoncé correspond au projet de Dieu.

Non que Dieu veuille la mort de son Fils bien-aimé. Jésus a décidé de monter dans la capitale pour y poursuivre sa mission : annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu qui vient avec lui. Cette proclamation l'obligera à dénoncer les dérives d'un culte superficiel et l'hypocrisie de beaucoup de dirigeants - ce qui ne pourra que susciter leur hostilité et leur haine. L'issue ne pourra donc être autre que la condamnation et la mort de Jésus. Mais ce qui paraîtra son échec définitif sera au contraire sa victoire : son Père lui rendra la vie ! Et ainsi surgira le Royaume éternel du Fils de l'Homme glorieux.

 

Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches.

Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre :

                  «  Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ».

 

Un Messie qui est écrasé ! Et par les autorités du temple ! Pierre se révulse devant cette éventualité absurde ! Et le voilà qui réprimande son maître ! Aussitôt il se fait sèchement remettre à sa place : refuser la croix c'est devenir « satan ». Vouloir la réussite terrestre et la gloire, refuser d'aimer jusqu'à en mourir, c'est proprement satanique, c'est s'opposer à Dieu, c'est destructeur !

Hélas, que de fois dans son histoire, l'Eglise a cherché les honneurs et le faste ! Que de successeurs de Pierre avides de splendeur et de pouvoir ! Quel aveuglement de vouloir le Royaume sans détresse, sans souffrance, sans échec !

 

Mais ce n'est pas tout ! La suite nous frappe le c½ur et nous fait trembler de peur :

 

Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : «  Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive.

Car celui qui veut sauver sa vie la perdra mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'Evangile la sauvera ».

 

Déclaration capitale, tournant aussi de notre existence chrétienne ! Chaque terme est à méditer.

 

LA CROIX NECESSAIRE : Jésus n'est donc pas un messie qui réalise la libération et l'offre à des amis qui se contentent de prier puis de recevoir béatement une ½uvre tout accomplie. Nous ne resterons chrétiens que si nous acceptons de le suivre sur ce même chemin.

 

« LA FOULE ET LES DISCIPLES... » : Il n'y a pas que le pape et les apôtres qui doivent entendre cette leçon : tout homme est concerné.

 

« SI... » : L'option est dure, très difficile, angoissante : elle ne peut donc être imposée. C'est à chacun de réfléchir et de se décider librement. Seul contre tous s'il le faut.

 

« RENONCER A SOI » : il ne s'agit pas de se détester, de se dévaloriser, de renoncer à toute créativité,  mais de cesser d'en faire à notre tête, de courir après la possession et la renommée, de vouloir à tout prix réaliser nos projets.

 

« ET PRENDRE SA CROIX » : Le condamné à la crucifixion, comme Jésus le sera, devait porter lui-même l'instrument  de son supplice. Donc l'expression ne signifie pas d'abord subir les accidents de la vie ni encore moins s'infliger des souffrances, mais parler et agir de sorte que l'on est jugé et condamné.

 

« ME SUIVRE » : l'enseignement ne porte pas sur une décision morale. Le côté négatif n'est que conséquence de l'option positive : il s'agit de vouloir suivre le Christ, de prendre son chemin parce qu'il est le sien, de porter l'opprobre parce qu'elle est la sienne. Aimer avant d'obéir. Obéir pour aimer encore.

 

« CAR CELUI QUI... » : le réflexe biologique (« sauver sa peau », éviter mal et mort) conduit l'homme à sa perte. Aimer le Christ même s'il faut y perdre la vie est SALUT, LIBERATION, DELIVRANCE, VRAIE VIE.

 

Jésus n'attend pas les réponses : il se retourne et prend sa route. Vers le Père par la croix. Vers la Vie par la mort.  Il sait qu'alors son annonce du Royaume, la Bonne Nouvelle, se réalisera.

Avouons-le : notre instinct de vie se crispe devant de telles exigences : comme Pierre, nous avons envie de crier : «  Pas comme cela ! ...Pas jusque là... ! Autrement s'il vous plaît ! ...». 

Non, il  n'y a pas d'autre chemin.

33e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Mes amis, permettez-moi, d'entrée de jeu, de vous annoncer une bonne nouvelle : vous êtes riches et vous êtes doués. Oh bien sûr, vous allez commencer à vous comparer et remarquer que certains sont plus riches encore et, sur certains points, plus doués. Mais si vous regardez un peu plus loin, sur d'autres continents, ou bien si vous regardez avant votre génération, vous verrez que rares sont ceux qui bénéficient de telles facilités. Dans les siècles passés, même les plus riches n'ont jamais bénéficié d'un pareil confort. Personne n'a bénéficié de pareilles distractions. Personne n'a jamais été aussi bien soigné, aussi bien enseigné. Vous en savez davantage que le plus grand savant, il y a trois cent ans et vous avez probablement plus voyagé que lui.

Oublions donc les comparaisons et reconnaissons avec joie la richesse et la variété des dons que nous avons reçus, en considérant par exemple les dons les plus merveilleux, que nul ne peut surestimer, que sont la paix, la santé ou l'amitié. Et, s'il est bon de recevoir, il est meilleur encore de cultiver, de développer les talents dont nous avons hérité.

Vous savez qu'à la cathédrale s'achève cette semaine une exposition d'art contemporain, « septiformis », organisée par notre frère Alain en hommage au cardinal Daneels. C'est pour moi l'occasion de vous raconter la parabole à ma manière, avec les catégories artistiques.

Imaginez à Bruxelles trois artistes, trois artistes différemment doués, trois artistes contemporains. Le premier a reçu beaucoup de talents. Le second en a reçu aussi quelques uns et se débrouille bien. Le troisième a reçu un don particulier mais n'en a rien fait.

C'est le cas du dernier qui est le plus intéressant. C'est peut être vous, c'est peut-être moi. Il ne doute pas de son talent mais ne le met jamais en application. Prenons des exemples : son talent est-il de chanter ? Eh bien il reste muet, pour ne pas s'abîmer la voix. Son talent est-il d'écrire ? Il n'écrit jamais rien pour ne pas fatiguer son inspiration. Son talent est-il de peindre ? Il craint trop de s'enfermer dans un style particulier. Ce qu'il a reçu, il le garde jalousement, sans jamais y toucher.

Que se passe-t-il ? Vous pouvez le deviner ! Les deux premiers artistes progressent et leur génie ne cesse de se confirmer. Le dernier, lui, reste toujours aussi méconnu car, pour former un véritable artiste, il faut un peu de talent, c'est sûr, mais surtout la passion d'un travail acharné.

Cette application à la vie des artistes me permet de comprendre la parole un peu choquante de Jésus suivant laquelle celui qui a, développe plus encore, mais celui qui n'a pas, perd même l'illusion de ce qu'il croyait avoir.

*** Maintenant permettez-moi non pas une lecture moralisante mais une lecture théologique de la parabole car lorsque Jésus nous raconte des histoires, il nous parle aussi de lui.

Je me demande si Dieu n'est pas le premier artiste et nous ses chefs-d'½uvre inachevés. Pourquoi « inachevés » ? Parce que Dieu déborde d'inspiration mais il ne va pas au-delà des esquisses, des ébauches, des premiers traits. A partir d'un certain moment, il se retient.

Comprenez bien : on ne peut pas créer des artistes comme on fabrique des robots. On ne peut pas créer des créateurs On ne peut pas créer des dieux. Alors il en fait le moins possible et il faut écouter sa musique dans les silences, lire sa peinture dans les blancs, comprendre son écriture entre les lignes. Son art est d'éveiller à la liberté et à la responsabilité. Ses absences signifient : « à vous de jouer » !

Sa discrétion, que nous percevons souvent comme une faiblesse ou une démission, nous permet d'exister dans l'autonomie. Il nous laisse inventer du neuf et qui soit tout entier de nous. Le don qu'il nous donne, c'est de pouvoir donner. Mais ce don là, comme tous les autres dons, il faut le recevoir vraiment.

Ce cadeau, comme pour tous les cadeaux, il faut en enlever les papiers dorés, ouvrir la boite, et se l'approprier. Ce qui est donné est donné, c'est pour nous. Ce que nous avons produit ne nous sera pas enlevé, tout au contraire, nous recevrons plus encore. Mais celui qui enterre son talent, pour le conserver tel quel sans y toucher, n'a rien compris. Il n'a pas reçu le don. Il ne sait pas recevoir ni assimiler. Ce qu'il a reçu, il le vomit sans se l'approprier. Il n'entre pas dans l'échange et n'a rien compris. Ne soyons pas fermés comme lui.

Pour terminer, permettez-moi de poursuivre mon application de la parabole à cette ½uvre d'art collective que nous sommes tous ensemble. Si l'Eglise conservait la foi intégristement, comme un « dépôt révélé », sacro-saint et extérieur à elle. Si elle enterrait le don reçu pour le laisser tel quel sans y toucher, en araméen, grec ou hébreu. Si elle ne le faisait pas fructifier en le mettant au contact de notre vie, de notre culture et des grandes interrogations du temps, alors, un jour, cela nous serait retiré comme un don artistique que nous n'aurions pas pratiqué, comme une créativité que nous n'aurions pas exercée, comme une chance que nous n'aurions pas su accueillir, comme un amour que nous n'aurions pas compris ni vécu.

La parabole ne doit pas nous terroriser mais nous aider à comprendre que ce qui nous est donné, n'est pas seulement déposé, ni prêté mais nous appartient vraiment. Il est trop facile de penser qu'il suffit de tout laisser en l'état présent. Nous sommes appelés à prendre des initiatives à la mesure de ce qui nous est donné pour le faire fructifier. Pour cela l'Esprit Saint nous est offert sans aucune limitation. « Demandez et vous recevrez » !

Bonne nouvelle mes amis : vous êtes riches, vous êtes doués et Dieu vous appelle à le devenir plus encore !

34e dimanche ordinaire, année A (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2008-2009

Quelqu'un vint un jour trouver Socrate, le grand philosophe de la Grèce antique et lui dit : « Sais-tu ce que je viens d'apprendre sur ton ami ? » « Un instant, répondit Socrate. Avant que tu me racontes ce que tu souhaites me dire, j'aimerais te faire passer un test, celui des trois passoires ». Les trois passoires ? s'étonna l'interlocuteur. Mais oui, reprit Socrate. Avant de me raconter toutes sortes de choses sur une autre personne, il est toujours bon de prendre le temps de filtrer ce que l'on aimerait dire. C'est ce que j'appelle le test des trois passoires. La première passoire est celle de la vérité. As-tu vérifié si ce que tu veux me dire est vrai ? Non, reprit l'homme. J'en ai simplement entendu parler. Très bien, répondit Socrate. Tu ne sais donc pas si c'est la vérité et pourtant tu désires quand même me partager ce type d'information. Essayons de filtrer autrement en utilisant une deuxième passoire, celle de la bonté. Ce que tu veux m'apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bon, de gentil, de bienveillant ? Ah non ! Au contraire, souligna avec force celui à qui la question était posée. Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses sur lui et tu n'es même pas certain si celles-ci sont vraies. Tu peux peut-être encore passer le test, car il te reste une dernière passoire, celle de l'utilité. Est-il utile que tu m'apprennes ce que mon ami aurait fait ? Non. Pas vraiment, confessa la mine défaite celui qui avait voulu partager cette nouvelle. Alors, conclut Socrate, si ce que tu as à me raconter n'est ni vrai, ni bon, ni utile, pourquoi vouloir me le dire ? Et l'homme repartit bien silencieux sans avoir eu l'occasion de raconter ce qui au départ lui semblait tellement important à partager. Sommes-nous si éloignés de l'attitude de cet homme lorsque nous nous mettons à parler des autres ? Je crois que la question doit pouvoir être posée en ce dimanche où nous fêtons Celui qui règne sur nos vies sans pour autant les gouverner.

Cette sagesse de la nuit des temps attribuée à Socrate me rappelle ce qu'un de mes frères dominicains se plaisait à répéter : « lorsque tu parles à quelqu'un d'autre, n'oublie jamais de tourner sept fois la langue non pas dans ta bouche mais autour de ton c½ur ». Oui, dans la foi, comme le souligne le sens de l'évangile que nous venons d'entendre, la source même de nos paroles, de nos gestes et de nos actes se trouvent dans notre c½ur. Celui-ci est non seulement le moteur de nos existences mais il est la raison même de notre comportement. Dieu ne semble pas attendre de nous de grands miracles, ces attitudes exceptionnelles, au-delà de toute imagination. Il nous invite plutôt, là où nous sommes ou mieux encore là où nous en sommes dans la traversée de nos vies, à nous tourner vers notre hôte intérieur, l'Esprit Saint, pour que celui-ci nous pousse constamment à vivre d'amour. Ce dernier est le seul combustible nécessaire à l'accomplissement de toute destinée. En effet, nous ne pouvons pas vivre sans amour. Toutes et tous, nous avons cette soif indicible d'aimer et d'être aimé. Un lieu comme cet hôpital est d'ailleurs un rappel constant que seul l'amour importe puisque l'amour toujours l'emporte. Cet amour n'est pas un concept théorique ou un pur sentiment. Non, il est bien plus que cela. Il s'agit d'un mouvement qui vient du plus profond de notre être, passe par notre c½ur pour rayonner ensuite en chaleur subtile dans nos yeux, notre visage, notre voix, nos mains, en fait dans notre être tout entier. Et ce qui est merveilleux, c'est que l'amour se vit quelle que soit notre condition. Il n'a pas besoin de grand chose, juste une attention à l'autre, une bienveillance, une empathie c'est-à-dire ces qualités qui définissent l'essence même de notre humanité. L'accomplissement de notre destinée ou en d'autres termes, notre divinisation, passe par ces différentes attitudes du c½ur qui, il est vrai, sont souvent aiguisées au contact de l'expérience du deuil et de la maladie. Il y a en chacune et chacun de nous des lézardes intérieures qui peuvent soit nous miner et nous enfermer dans un passé à jamais révolu, soit nous transformer parce que nous avons pu intégrer en nous tous les événements de notre histoire pour nous ouvrir mieux encore à l'avenir. Croire au Dieu de Jésus-Christ devient ainsi pour chacune et chacun de nous une occasion unique de déployer toute la tendresse qui vit en nous pour l'offrir tout doucement à celles et ceux qui ont faim, qui attendent une visite, une attention, un peu de douceur tout simplement. Grâce à cet amour incarné dans notre manière de nous accompagner les uns les autres, des hommes et des femmes deviennent par nous des miraculés de la vie. Miracle de l'amour. Miracle de la vie. Voici, des miracles qui sont à portée de notre c½ur. Souvent, il ne faut pas grand chose. Parfois, juste trois passoires.

Amen

23e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Entendre  pour  Parler

 

A part un bref passage en Décapole, territoire au nord-est du lac ( 5, 1), Jésus n'a d'abord exercé sa mission que dans sa province de Galilée. Tout à coup il entreprend un long voyage à l'étranger : il entraîne ses disciples en Phénicie, le pays des grands navigateurs et du commerce de la pourpre, avec ses grands ports célèbres de Tyr et Sidon (aujourd'hui le Liban) .  Il entend bien y passer incognito mais sa réputation l'a précédé : une femme, à force d'insistances, parvient à lui arracher la guérison de sa petite fille (7, 24-30). Alors que, dans son pays, tant de scribes et de pharisiens le critiquent parce qu'il en prend à son aise avec les observances du shabbat et les pratiques rituelles (évangile de dimanche passé). Jésus a découvert une païenne qui lui fait confiance ! La porte de la mission universelle s'entrouvre !

 

Sautant cet épisode capital, le texte de ce dimanche enchaîne avec une autre rencontre d'un païen.

 

Jésus quitta la région de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction du lac de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole.  On lui amène un sourd-muet et on le prie de poser la main sur lui.

 

Là également Jésus est reconnu comme thaumaturge : on lui présente un handicapé de la parole. En réalité, Marc écrit : «  un sourd qui, de plus, parlait difficilement » : or ce dernier verbe n'apparaît qu'une seule fois dans la Bible, en Isaïe 35, 5-6, que la liturgie nous fait entendre en 1ère lecture. Nous verrons la raison de cette référence.

Jésus accède à la demande mais curieusement, au lieu d'opérer la guérison d'un mot et sur-le-champ, il entreprend une démarche mystérieuse.

 

Jésus l'emmena à l'écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles et, prenant de la salive, lui toucha la langue. Puis les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : «  Effata ! » c.à.d. « Ouvre-toi ».

Ses oreilles s'ouvrirent : aussitôt sa langue se délia et il parlait correctement.

 

Bizarre : alors que si souvent Jésus guérit d'une parole, ici il semble se heurter à un obstacle difficile qui d'abord exige le secret : l'homme doit expérimenter une rencontre seul à seul avec Jésus. Puis il faut des contacts, des touchers avec les organes malades. On sait par ailleurs que de tels gestes étaient également pratiqués par les guérisseurs de l'époque.

A juste titre, Jésus guérit d'abord l'ouïe car c'est à cause de la déficience de ce sens que l'homme ne parvient pas à s'exprimer. Le langage correct vient d'une écoute normale.

Ensuite Jésus fait appel à  la force divine : « les yeux au ciel, il soupire... » : il invoque « le Père qui est aux cieux » et appelle le Souffle de l'Esprit.

Enfin il prononce un ordre que Marc a conservé dans la langue originale : « EFFATA ». L'homme était enfermé en lui-même : n'entendant pas, il ne pouvait bien s'exprimer, il bredouillait des sons informes. Jésus lui rend la communication, le langage, la parole.

 

Alors Jésus lui recommanda de n'en rien dire à personne ;

                         mais plus il le leur recommandait, plus ils le proclamaient.

 

Pourquoi Jésus interdit-il de propager ses guérisons ? Parce que les gens n'y voient que le côté miraculeux, la santé rendue. D'un côté ces gestes  sont nécessaires puisque, avec Jésus, le Royaume de Dieu est survenu et que la Présence de Dieu doit rendre la vie à tout l'homme donc aussi à son corps ; mais d'un autre côté leur aspect sensationnel bloque les spectateurs dans l'admiration devant le merveilleux. D'où l'interdiction - sans guère d'effet - de Jésus qui ne veut pas être réduit à la figure d'un messie bienfaiteur.

 

Ses actions ne sont que des « signes » qui attirent l'attention mais qui doivent conduire à demander une guérison beaucoup plus essentielle, celle du c½ur. Au lieu de s'extasier devant les exploits d'un guérisseur exceptionnel, les foules devraient s'interroger en profondeur : quelle est donc la surdité qui frappe le païen ? Pourquoi le païen ne parvient-il pas à s'exprimer avec justesse sur Dieu ? Pourquoi bégaie-t-il des mythes, des fables, des négations ? N'est-ce pas parce qu'il n'a pas entendu la Révélation reçue par Israël ? Jésus n'est-il pas l'Envoyé qui vient l' « ouvrir », lui donner une ouïe neuve qui va lui permettre de s'exprimer en toute justesse et de louer Dieu en joignant sa voix à celle d'Israël ?

 

Très vivement frappés, ils disaient :

                         «  Tout ce qu'il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets »

 

Très astucieusement Marc termine son petit récit en plaçant dans la bouche des païens la phrase d'Isaïe 35. En fait ce texte évoquait l'allégresse du Liban lorsque les Judéens exilés revinrent de Mésopotamie 

( - 6ème siècle):

 

« Que la steppe exulte ! Qu'elle danse et crie de joie ! La gloire du Liban lui est donnée... et on verra la Gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu...

Ne craignez pas : voici votre Dieu, il vient vous sauver...

Alors les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s'ouvriront...

Là on construira une route, la voie sacrée...

Ceux qui appartiennent au Seigneur prendront cette route. Ils reviendront, ceux que le Seigneur a rachetés... ...  Sur leur visage une joie sans limite ! »

 

Pour l'évangéliste, l'événement passé n'est pas qu'un souvenir à rappeler : il devient une promesse de l'avenir. En Jésus, effectivement, c'est bien Dieu qui, aujourd'hui, vient traverser le Liban et y répandre ses bienfaits : enfin les aveugles voient et « les oreilles des sourds s'ouvrent ».

« EFFATA » : le pays qui gisait dans l'ombre de l'incroyance découvre la lumière ; les captifs de l'incrédulité s'ouvrent à la lumière de la foi ; la tristesse de la fatalité se mue en joie folle devant Jésus. Juifs et païens qui suivaient, depuis des siècles,  des routes différentes se rejoignent maintenant sur « la voie sacrée », le chemin de l'Evangile, Bonne Nouvelle de la libération universelle.

 

En racontant cette scène à sa communauté de Rome, Marc nous apprend comment s'y faisait l'admission des païens lors du baptême -  car, née en Israël, l'Eglise doit s'ouvrir au monde et imiter son Seigneur :

-       des gens (les parrains) lui emmènent un homme qui ne connaît pas Dieu, qui bredouille des à peu près, des insanités, des blasphèmes...

-       il faut le prendre à part, lui donner un temps d'isolement afin qu'il assume sa décision personnelle de se convertir...

-       l'assemblée prie : on invoque l'amour du Père ... on appelle la puissance de l'Esprit ...

-       on le touche, on procède à des contacts charnels (au grand scandale des faux mystiques des religions désincarnées !)

-       on proclame avec confiance  la Parole de Jésus : « EFFATA - OUVRE-TOI ! »

-       Avec le nouveau « baptisé », tous chantent la Gloire de Dieu qui opère des merveilles par son Fils :

                                          «  Sur leur visage, une joie sans limite » !

 

Et Marc nous invite de la sorte à poursuivre aujourd'hui ce travail d' « ouverture ». L'heure est venue de sortir de notre enfermement et de remarquer les « sourds ». Ne soyons pas scandalisés par les propos parfois odieux, parfois obscènes, par les affirmations d'athéisme. Ces gens « parlent mal » parce qu'ils n'ont pas entendu la Bonne Nouvelle. L'ouïe, bouchée par les décibels déchaînés ou les slogans menteurs d'une société fermée sur elle-même, ne peut entendre la douce voix de l'Evangile.

Mais parmi  ces jeunes que l'on dit perdus, il en est qui attendent que quelqu'un vienne les prendre par la main et les conduise  à la rencontre du Seigneur. Que nos communautés s'ouvrent, elles aussi, qu'elles les accueillent avec allégresse. Alors le ch½ur de la louange s'agrandira et ensemble nous proclamerons tout joyeux : «  Tout ce qu'il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets ! »

 

22e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
 

Sauver son identité chrétienne

 

Après les 5 dimanches vécus avec S. Jean, nous reprenons aujourd'hui l'évangile de Marc avec une scène de controverse entre Jésus et les Pharisiens. Au premier abord, l'enjeu nous en paraît dépassé mais nous verrons qu'il s'agit d'une question très actuelle. Pour comprendre la scène, un petit rappel historique est nécessaire.

 

Depuis ses origines, le peuple d'Israël vit dans la certitude que le Dieu unique a fait Alliance avec lui, qu'il doit donc observer tous les préceptes divins et qu'il a mission de révéler ce Dieu et sa Loi à toutes les nations. Mais à partir du 3ème siècle avant notre ère, la brillante civilisation hellénistique s'étend dans tout l'est du bassin méditerranéen et le Proche-Orient ; avec sa démocratie, ses théâtres, écoles de philosophie, gymnases, jeux, chefs-d'½uvre de l'art, elle jouit d'un prestige extraordinaire et tend à s'imposer partout comme  LE mode de vie normal.

 

Péril mortel pour la foi d'Israël ! Aussi, afin d'échapper à la contagion du paganisme, on constitue le Livre des Ecritures sacrées (la Torah), on impose  la circoncision aux nouveau-nés mâles, on renforce l'observance du shabbat et on s'astreint à des règles alimentaires strictes(« cacher »).  Cette affirmation d'identité se révélant encore insuffisante, c'est alors que naît le nouveau mouvement des Pharisiens qui inventent et veulent imposer au peuple beaucoup d'autres observances singulières afin de rester un peuple « pur » indemne des « impuretés » païennes.

Comment Jésus se situe-t-il vis-à-vis de ces nouvelles traditions ?

 

Les Pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem. Ils se réunissent autour de Jésus et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures c.à.d. non lavées...Ils demandent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils mangent sans s'être lavé les mains ! ». Jésus leur répond : «  Isaïe a fait une belle prophétie sur vous, hypocrites, dans ce passage : «  Ce peuple m'honore des lèvres mais son c½ur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu'ils me rendent : les doctrines qu'ils enseignent ne sont que des préceptes humains ! » Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes ».

 

A la suite de plusieurs prophètes, Jésus dénonce l'invention de pratiques soi-disant religieuses mais qui restent superficielles et qui vont même jusqu'à supplanter les commandements de Dieu. Et il cite un cas qu'il a sans doute rencontré et qui est malheureusement omis dans la lecture liturgique.

 

Moïse a dit : «  Honore ton père et ta mère »...Mais vous, vous dites : « Si quelqu'un dit à son père ou à sa mère : Le secours que tu devais recevoir de moi est qorban, c.à.d. offrande sacrée, vous lui permettez de ne plus rien faire pour son père ou sa mère ! Vous annulez ainsi la Parole de Dieu par la tradition que vous transmettez ! Et vous faites beaucoup de choses du même genre ! »

 

Le 4ème commandement du Décalogue obligeait les enfants à honorer leurs parents et notamment à les soutenir dans leur vieillesse ( en ces temps-là, pas de pension ni de sécurité sociale !). Mais des scribes pharisiens enseignaient que l'on pouvait se libérer de cette charge parfois pesante en déclarant que l'on avait voué tous ses biens au temple de sorte que l'on pouvait les conserver car ils étaient tenus pour « sacrés » ( ??)

 

Cette perfidie rend Jésus furieux ! Comment ose-t-on inventer pareille casuistique qui semble honorer Dieu et bafoue les droits des vieux parents ? Comment le culte pourrait-il être authentique s'il piétine la justice ? Quelle hypocrisie d'imposer une « tradition humaine » qui supprime un commandement de Dieu !

N'a-t-on pas également  vu dans l'Eglise certains exploitant les pauvres, édifiant des fortunes et se dédouanant par de petits actes de piété et des dons au culte ?...

 

LA  VRAIE  SOURCE  DE  L'IMPURETE.

 

Jésus enchaîne en revenant au problème de l'alimentation. Les lois du Lévitique détaillaient la liste des animaux impurs (notamment le porc) qu'il était strictement interdit de consommer (Lév.11). Cette singularité juive provoquait les sarcasmes sinon l'irritation des autres peuples : le roi Antiochus IV avait tenté d'extirper cette coutume et si des Juifs avaient cédé à la menace, d'autres avaient préféré mourir plutôt que d'enfreindre cette loi prescrite par les Ecritures donc par Dieu ( cf. 2 Macc.7).

Or ici, de sa propre autorité, Jésus va abolir cette loi.

 

Jésus appela de nouveau la foule : « Ecoutez-moi tous et comprenez bien.

Rien de ce qui est extérieur à l'homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui rend l'homme impur ».

Il disait encore à ses disciples à l'écart de la foule : «  C'est du dedans, du c½ur de l'homme que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans et rend l'homme impur »

 

On ne contracte pas une impureté rituelle selon le genre de nourriture que l'on prend : ainsi, commente Marc, Jésus « déclarait que tous les aliments sont purs ». Ce qui souille vraiment l'homme, c'est le péché, ce sont les pensées perverses qui produisent des actes méchants.

La source de l'impureté ne réside donc pas dans telle alimentation mais dans le c½ur.  Dans la Bible, le mot « c½ur » ne désigne pas le lieu des affections et des sentiments mais bien le centre de la personne, là où l'homme  forme ses projets, prend ses décisions. Là est le mal qui salit, qui détruit.

 

Ces traditions pharisiennes, on le sait,  constituèrent un gros obstacle dans les premières Eglises où se côtoyaient Juifs et païens convertis et saint Paul eut fort à faire pour convaincre ses frères de race - et même saint Pierre ! -  d'appliquer la libération apportée par le Seigneur Christ. Il n'y a pas de tabous alimentaires en christianisme ni d' « impuretés rituelles ».

 

« J'en suis convaincu par le Seigneur Jésus : rien n'est impur en soi...

Car le Règne de Dieu n'est pas affaire de nourriture ou de boisson :

 il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint.

C'est en servant le Christ de cette manière qu'on est agréable à Dieu et estimé des hommes »

                                                                                                                (Rom. 14, 14-18)

 

ACTUALITE  DU  DEBAT

 

Aujourd'hui, à notre tour, nous sommes immergés dans une civilisation d'une puissance colossale : elle multiplie les prodiges, offre un niveau de vie que les générations précédentes n'auraient jamais imaginé. Mais où est Dieu dans ce monde sécularisé ? Etourdi par les sirènes de la publicité, submergé par les objets et les images, tenté par les opportunités toujours nouvelles de la consommation à outrance, l'homme moderne oublie la question du sens de la vie. Beaucoup vivent « comme si Dieu n'existait pas ».

 

Et nous, chrétiens, ne sommes-nous pas pris - sans nous en rendre compte - par cette ambiance ? Ayons le courage de nous interroger : ne vivons-nous pas comme nos voisins incroyants ? Qu'est-ce qui nous distingue ? La foi ne peut être cantonnée dans la zone privée, réduite à des croyances secrètes ...

Si l'Eglise doit préserver son identité, Jésus nous a mis en garde contre les fausses protections pharisiennes, les pratiques rituelles hypocrites, les habitudes pieuses et superficielles. La souillure ne vient pas du contact avec des incrédules pas plus qu'avec les aliments : elle est cachée dans le c½ur, au plus profond de notre être où rôde le mal.

 

Et remarquons bien la liste que donne Jésus («  inconduites, vols, cupidité... ») : les 12 mots se rapportent non à la piété mais aux relations humaines, à la détérioration des liens entre nous, à l'attaque contre le prochain. Donc l'identité chrétienne n'est enracinée, préservée, affirmée que par la charité fraternelle.

 «  Voyez come ils s'aiment » s'étonnaient les citoyens romains devant les premières communautés évangéliques.

 

On comprend donc pourquoi ce débat sur le « c½ur » à purifier surgit au moment où Jésus vient de promettre son Eucharistie : c'est en accueillant au fond de nous (dans le c½ur), par la foi et la confiance, le Christ crucifié et ressuscité que notre c½ur sera purifié de ses souillures et nous entraînera à nous aimer les uns les autres  comme le Christ nous a aimés.

 

21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
 

Aujourd'hui nous arrivons à la double conclusion du long chapitre 6 de Jean : très choqués par les déclarations successives de Jésus, ses disciples l'abandonnent mais un petit reste s'accroche à lui.

 

  1. LA  GRANDE  DEBANDADE

 

Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm : «  Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie éternelle » Beaucoup de ses disciples qui avaient entendu s'écrièrent : «  Ce qu'il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l'écouter ! ».

Jésus connaissait par lui-même ces récriminations des disciples. Il leur dit : «  Cela vous heurte ? Et quand vous verrez le Fils de l'homme monter là où il était auparavant ? ...C'est l'Esprit qui fait vivre, la chair n'est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont Vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas ».

Jésus savait en effet depuis le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas et celui qui le livrerait. Il ajouta : «  Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père ».

La veille encore, c'était l'explosion d'enthousiasme : quelle allégresse de suivre ce Jésus qui opérait des guérisons et même offrait du pain! Quelle fierté d'appartenir à ce leader ! Et si on le sacrait Roi ? Il nous apporterait bonheur, santé, indépendance !!...Mais la cascade de ses dernières déclarations  a refroidi d'un coup l'engouement qui  vire au refus et à la colère : «  Dieu exigerait de croire en cet homme ? Il serait le Pain de Vie ? Bien plus il donnerait sa chair à manger ?... Ec½urant, ignoble ! Tout cela est absurde, inacceptable, intolérable.... »

Jésus n'a jamais été dupe de ses succès : il perce l'incroyance, la rébellion profonde qui peut se cacher derrière de belles confessions de foi. Que sera-ce, dit-il aux gens, lorsque vous me verrez monter sur la croix et, par là même, rejoindre mon Père des cieux ? Il est évident que « la chair » ( c.à.d. tout l'ensemble des ressources humaines ) est impuissante à comprendre le sens profond de ce que j'ai dit : seul le peut l'Esprit de Dieu.

Et cet Esprit, ce sont mes paroles qui peuvent vous le donner car elles sont Esprit et Vie.

 

A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s'en allèrent et cessèrent de marcher avec lui.

 

Les annonces voilées de la mort et de l'Eucharistie ( «  ma chair donnée pour que le monde vive ...Celui qui mange ma chair et boit mon sang... ») constituent le scandale, la pierre d'achoppement. On aime les beaux discours religieux, on accepte une morale et même un programme d'ascèse, on applaudit aux miracles, on est ému par les liturgies sacrées, on jouit des bienfaits de la divinité...mais on ne veut pas se laisser guider par les paroles de Jésus.

On cherche à recevoir, à AVOIR mais on refuse d'ETRE-AVEC-LUI en communion d'amour. 

En conséquence,  la multitude de « disciples » qui suivait Jésus depuis tout un temps se détourne de lui et l'abandonne. Cela ne se passe-t-il pas encore aujourd'hui ???

Et Jésus ne fait rien pour les retenir ! Il est hors de question d'édulcorer le message, d'abaisser les exigences, d'invoquer le symbolisme ou « une manière de parler » afin de conserver beaucoup de monde près de lui. On ne remplit pas les églises par des compromis !

Il ne les condamne pas non plus. Il faut du temps pour entrer dans le mystère, pour se laisser attirer par le Père, pour comprendre que la faim de Jésus est bien plus importante que l'appétit pour les nourritures terrestres, que l'amour à recevoir par la croix est bien plus essentiel que la santé du corps.

Peut-être certains de ces renégats, un jour, feront-ils volte face et reviendront à Jésus pour communier à son Eucharistie et partager son Esprit et sa Vie ?....

 

  1. LE PETIT RESTE

 

Cependant tous ne sont pas partis : Jésus se retourne et regarde un petit groupe, les Douze !

                                                                                                    - Attention de terminer le texte amputé par la liturgie.

 

Alors Jésus dit aux Douze : «  Voulez-vous partir, vous aussi ? »

Simon-Pierre lui répondit : «  Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la Vie éternelle. Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu ». Jésus leur répondit : «  N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les Douze ? Et cependant l'un de vous est un diable ».

Il désignait ainsi Judas, fils de Simon l'Iscariote ; car c'était lui qui allait le livrer, lui, l'un des Douze.

 

La foi n'est jamais embrigadement : Dieu ne veut pas des esclaves mais des enfants qui optent librement pour lui. On ne force pas la confiance.

Ces hommes qui restent ont-ils compris toute la portée des enseignements de Jésus ? Certes non. Mais, comme Pierre l'exprime au nom de tous, qui rejoindre si l'on s'en va ? Un  rabbin pour apprendre les lois ? un chef de bande pour préparer la révolution armée ? un artiste pour goûter la beauté ? un philosophe pour chercher la sagesse ? un savant pour comprendre le fonctionnement du monde ? un banquier pour gagner plus d'argent ? ...Qui donnera SENS à notre vie ?...

Seul, Jésus dit les Paroles qui offrent sens, lumière, vérité, Vie.

Oui, dit Pierre, nous avons écouté, réfléchi, discuté, prié : non seulement tu AS les paroles vivantes mais tu ES le Consacré de Dieu (6, 27 ; 10, 36)

Néanmoins si belle soit-elle, la profession de foi n'est pas ½uvre humaine (« la chair ne sert de rien »). Si ces hommes demeurent avec Jésus, ce n'est pas à cause de leur intuition personnelle : le choix de Jésus les précède. Mystère de l'acte de foi : entièrement de l'homme, option suprêmement libre, mais toujours par initiative divine ( cf. encore en 15, 16).

 

En outre il ne faudrait pas diviser le monde en bons croyants et mauvais incroyants, en incrédules et bons disciples. Au c½ur même des Douze, il y a le mal. Sans le nommer (au dernier repas non plus : 13, 21), Jésus sait qu'un traître est là dans la bande. Il ne l'a pas choisi pour qu'il le trahisse : mais son choix ne supprime jamais la liberté. Le croyant peut toujours virer de bord.

 

Cet homme s'appelle YEHOUDA (Judas en français), nom qui vient de « YHWH-YÔDA » qui signifie « louer Dieu » ( Genèse 29, 35 ) : ainsi celui qui avait été nommé pour vivre « à la louange de Dieu » va trahir son maître. Mais Jésus, sa victime « livrée », va lui-même « se livrer » par amour des hommes et dans cet amour, il fera communier ses amis à sa chair et à son sang. Il demeurera en eux et eux en lui (6, 56) si bien qu'ils seront la nouvelle humanité qui pourra vivre A  LA LOUANGE DE DIEU, « eucharistiquement ». Le « judas » est l'ouverture qui jette un jour sur la Miséricorde Infinie !   

 

Curieusement, dans son récit du dernier repas,  S. Jean ne rapportera pas l'Institution de l'Eucharistie : il la remplacera par le lavement des pieds - geste du même symbole (abaissement de Jésus pour la purification des siens). Mais Jean a accroché la révélation de l'Eucharistie à la multiplication des pains. Ainsi d'une part il a pu la montrer comme la manne infiniment supérieure qui permet au peuple croyant de poursuivre sa pérégrination dans la pauvreté et parmi les détresses. Et, d'autre part, il manifeste clairement le lien et l'abîme entre le geste humanitaire (donner du pain) et le partage du Pain de Vie : si le premier suscite l'émerveillement des gens, il faut qu'il enchaîne sur la proposition scandaleuse du « Pain qui est chair à manger ».

Quitte à refroidir l'enthousiasme de la foule et à l'entendre « murmurer », critiquer, détester ce qu'elle annonce, l'Eglise ne peut se taire sur l'essentiel : le mystère pascal de mort et résurrection se proclame dans la Parole de l'Evangile et se mange dans la Chair et le Sang de Jésus pour s'intérioriser dans le c½ur du croyant.

Le petit garçon généreux du début, qui a d'abord donné ses pains, doit devenir le Pierre de la fin qui ose demeurer avec Jésus, même si tous les autres s'en écartent et même si le mal rôde dans l'Eglise.

                                                       « Seigneur, à qui irions-nous ?... »

21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Il y a quelques années lorsque quelqu'un demandait à ma maman : « comment va votre fils ? », elle se plaisait à répondre : « il va très bien et ses enfants aussi ».  La personne interloquée demandait : « votre fils a des enfants ».  « Oui, il en a trois », poursuivait-elle.  « Mais, je pensais qu'il était prêtre », reprenait la personne de plus en plus perdue.  « Ah, vous parlez de mon fils dominicain, reprenait ma maman.  Il va très bien.  Et lui, il n'a pas d'enfant.  Enfin, pas que je sache ».  Si elle s'amusait avec ce dialogue, c'est parce qu'elle voulait rappeler à son interlocutrice qu'elle avait quatre enfants et non pas un.  Quatre enfants, quatre vies données ou encore quatre relations différentes à créer avec chacun d'eux.

Je me plais à imaginer que le Père des Cieux pourrait répondre de la même manière si je lui demandais : « comment va votre enfant ? ».  Lequel ?  me rétorquerait-il sans doute.  J'en ai une multitude.  En effet, dans la foi, toutes et tous nous sommes enfants de Dieu par adoption.  Nous avons répondu à cette invitation personnelle d'entrer en relation privilégiée avec lui par le Fils et dans l'Esprit.  Et c'est vraisemblablement la qualité de la relation que nous établissons avec Dieu qui donne la richesse d'une nourriture céleste.  Lorsque Jésus nous dit que sa chair est la vraie nourriture, qu'il est le pain vivant, il ne s'agit pas d'un mélange subtil de farine et d'eau qui pourrait nous combler durant quelques heures.  Non, nous entrons dans une autre dimension, celle d'une nourriture qui ne fait pas grossir mais qui fait nous fait grandir au plus profond de nos êtres tout au long de notre pèlerinage terrestre.  Cette nourriture exceptionnelle nous la vivons il est vrai au cours de nos eucharisties.  Toutefois, ces dernières ne se suffisent pas à elles-mêmes pour que nous soyons rassasiés.  Nos eucharisties se complètent d'un autre pain, cette fois quelque peu plus substantiel et qui se pétrit dans les relations individuelles que nous établissons et que nous chérissons.  En effet, au terme de ces trois années passées à l'aumônerie des Cliniques Saint-Luc, j'ai vraiment pu découvrir à chaque étage de cet hôpital ô combien chaque personne rencontrée peut devenir nourriture de vie lorsque le temps offert l'un à l'autre se vit au son de la musique de la vérité.  Au cours de ces années, j'ai décelé en ces lieux une nourriture gastronomique qui non seulement nourrit le c½ur d'un être humain mais qui l'irradie d'une force intérieure de l'ordre de l'indicible, de l'ineffable.  Je m'étonnais toujours lorsque des connaissances s'émerveillaient du travail de l'aumônerie et me disaient à quel point cela devrait être difficile pour nous.  Je me faisais un plaisir de leur rétorquer qu'il n'en était rien car j'avais cette chance unique de pouvoir tout simplement prendre du temps pour rencontrer d'autres êtres humains.  Simplement pouvoir être présent et surtout recevoir.  Pour moi, toutes ces rencontres au fil des chambres et des couloirs étaient et resteront une nourriture exceptionnelle qui m'a fait mieux prendre conscience à quel point Dieu est présent en chacune et chacun d'entre nous.  A vous que j'ai eu la chance de rencontrer, je m'autorise à vous dire que vous êtes le pain vivant descendu du Ciel.  Fragilisés par la vie dans l'épreuve de la maladie, confrontés à la réalité de la vieillesse (en trois ans, l'abbé Terlinden, mon chef de service est quand même passé de 50 à 53 ans), ou encore éprouvés par la perte d'un être tant aimé, vous êtes nourriture de vie pour celles et ceux qui ont la chance de pouvoir vous côtoyer, mieux encore signes visible de la présence de Dieu au c½ur de notre humanité.  Notre Eglise prétend qu'il y a sept sacrements.  Or, si un sacrement est un signe visible de la présence de Dieu, j'ose affirmer que des sacrements, il y en a des milliards.  Et nombreuses furent les rencontres sacramentelles vécues dans cet hôpital.  C'est vraisemblablement dans la fragilité de la Vie que Dieu se révèle dans toute sa plénitude.  Il s'offre à nous par les êtres que vous êtes et vous nous permettez alors de toujours revenir à l'essentiel, à l'existentiel.  Nourris de toutes ces rencontres sacramentelles, je découvre mieux encore où Dieu se dévoile à nous chaque jour.  Grâce à vous, il n'est plus nécessaire de regarder le Ciel pour le trouver, il suffit de partager un moment de fraternité dans le partage de ce qui nous traverse au plus profond de nos êtres.  Dans un lieu comme celui-ci prend toute sa force la phrase de Saint Paul « car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort ».  Puissions-nous chacune et chacun nous réjouir d'avoir pu ainsi croiser nos routes.  Même si ces moments furent parfois éphémères dans le temps, ils sont devenus dans nos c½urs une nourriture inépuisable forgée à la source des trois ingrédients divins : la douceur, la tendresse et l'amour.

Amen 

 

 

20e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

 

15 août 2009, Le c½ur de l'été. La ville est presque déserte, les embouteillages réduits. Beaucoup de gens sont partis. Ailleurs...

Mais « pourquoi, demande le poète, pourquoi ce nomadisme, circonscrit, il est vrai, des sociétés averties? » Que sont-ils allés chercher ailleurs ? Un autre rythme ? La vraie vie ? Le repos ? L'oubli ? Un autre espace-temps ? Un autre monde, une autre nature, un autre cosmos ? Un autre souffle ? Ou bien eux-mêmes, tout simplement, avec l'altérité en miroir, car « je est un autre » ? N'ayant aucun moyen de connaître l'au-delà, vont-ils s'y familiariser auprès de l'éternité des sites historiques et des musées ?

 

Les artistes pointent ce qui se joue en nous confusément. Leur sensibilité exacerbée nous révèle ce qui se cache implicitement dans nos errances et nos hésitations. Ils désignent quelque chose, une logique cachée, une philosophie, pourquoi pas aussi une théologie qui se sait pas mais qui se cherche : une raison, une parole, une révélation ? L'ailleurs... Il y a beaucoup d'ailleurs, beaucoup de formes d'ailleurs possibles. Vers quel ailleurs sommes-nous aimantés, comme des oiseaux migrateurs ?

 

Qui d'entre nous peut dire en toute assurance qu'il sache parfaitement où il va ? Peut-être sait-il d'où il vient et, comme Barak Obama, peut-il reconnaître après coup : « I was operating mainly on impulse, like a salmon swimming blindly upstream toward the site of his own conception » Prodigieuse lucidité, n'est-il pas vrai, que de reconnaître ses propres hésitations, et percevoir dans le cours de sa vie, comme un sens inné qui le guide, malgré tout, vers quelque chose d'essentiel, où se manifestera sa raison d'être et de progresser, depuis sa conception jusqu'à son plein accomplissement.

 

Ce qui est vrai pour un être humain particulier, par exemple le président américain, ne l'est-il pas aussi pour l'ensemble de l'humanité ? La vie comme un chemin à parcourir, un projet à réaliser en s'adaptant jour après jour, un fleuve à visiter, en nageant à contre courant, car il ne s'agit pas de se laisser aller au fil de l'eau mais d'affronter les difficultés comme autant d'occasions de se muscler et de se structurer.

 

Mais où est donc le fleuve ? Nous ne sommes pas des saumons sauvages. Il n'y a pas de fleuve ni de chemin tracé. Comme dit le poète espagnol « Caminante, no hay camino, se hace camino al andar ». Le chemin se fait en marchant. Il n'y a pas de livre, où tout soit écrit, à l'avance et défini. « A partir d'ici, écrit Jean de la Croix, il n'y a plus de chemin ».

Où allons-nous alors ? Et qu'est-ce qui nous pousse à y aller ?

 

Cette question, l'humanité n'a jamais cessé de se la poser. Bien avant d'inventer le moteur à explosion, bien avant d'identifier un virus, bien avant de marcher sur la lune. Que sera cet ailleurs recherché, espéré, attendu ? A quoi ressemblera-t-il? Et nous, comment serons-nous ? Qu'en sera-t-il de notre esprit, de notre souffle, de notre c½ur, de nos affections, de nos pensées ? Qu'en sera-t-il de notre corps ? Quel rapport y aura-t-il entre ce que je vis de plus intense et la matière même qui me permet de le réaliser ?

 

Quelle sera la date ou l'heure du grand départ ? Le prix à payer ? Un aller sans retour ? Des réductions ? La durée du voyage ? Que peut-on emporter ? Trajet direct où par étapes ? Certains parlent de tunnel lumineux, c'est paradoxal. Une naissance à vivre ? Faut-il avoir peur ?

 

Devant la question de l'au-delà, le christianisme n'est pas bavard. De toutes les religions, il est probablement celui qui est le plus discret. Aucune carte de l'au-delà, aucune photo sur Internet, aucun témoignage de revenants. Pas d'assurance-vie éternelle, pas d'agence de voyage pour « la vie après la vie ». Pas d'explications mais quelques grandes affirmations. Tout se joue maintenant comme germe de l'après. Tout se joue dans la relation que nous avons avec les autres, en particulier les plus faibles, ceux qui ont besoin de nous.

 

La bonne nouvelle que nous portons est celle de la Résurrection de Jésus le crucifié.

 

***

 

Marie, la mère de Jésus n'a pas été martyrisée. Mais la  « vierge des douleurs » a été associée étroitement au destin de son fils. Pour elle, l'histoire n'a pas retenu pour elle de tombeau.

Où est-elle allée ? Qu'est devenu son corps ? La foi des chrétiens depuis toujours, sans bien comprendre comment, mais de manière poétique comme s'expriment toutes les intuitions qui ne peuvent être démontrées, celle de l'amour en particulier, la foi des chrétiens a tout de suite perçu que Marie était associée à la Résurrection de son fils au point d'être intégralement auprès de lui.

 

Le mot « résurrection » n'est cependant pas prononcé, par égard pour nos frères orthodoxes qui parlent de « dormition » et non pas de « mort ». Le mot « assomption » est donc utilisé, qui se rapproche de l' « ascension ».

Une femme est « auprès de Dieu » et si l'on imagine celui-ci « en haut », elle est « montée » auprès de Lui. Marie nous précède sur nos chemins, elle est, avec son fils, cet ailleurs ou cet autrement vers lequel nous allons tous. Elle représente l'humanité en son devenir, l'humanité saisie par la résurrection de Jésus. C'est par elle qu'il est entré dans notre histoire, c'est par lui qu'elle sort de notre histoire et prend corps de gloire.

 

Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. »

 

Cette femme, c'est l'humanité accomplie, revêtue de la lumière de Dieu. Toute la création la contemple et lui sert de parure : le soleil, la lune et les étoiles soulignent sa beauté. C'est l'Eglise transfigurée, c'est Marie, en tout premier lieu, la petite fille d'Israël, qui a cru à la promesse, qui a conçu le Fils de Dieu, qui est toujours à ses côtés, au pied de la croix et maintenant dans l'accomplissement de sa résurrection.

 

 

Assomption de la Vierge Marie 

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

 

15 août 2009, Le c½ur de l'été. La ville est presque déserte, les embouteillages réduits. Beaucoup de gens sont partis. Ailleurs...

Mais « pourquoi, demande le poète, pourquoi ce nomadisme, circonscrit, il est vrai, des sociétés averties? »[1] Que sont-ils allés chercher ailleurs ? Un autre rythme ? La vraie vie [2]? Le repos ? L'oubli ? Un autre espace-temps ? Un autre monde, une autre nature, un autre cosmos ? Un autre souffle ? Ou bien eux-mêmes, tout simplement, avec l'altérité en miroir, car « je est un autre » ? N'ayant aucun moyen de connaître l'au-delà, vont-ils s'y familiariser auprès de l'éternité des sites historiques et des musées ?

 

Les artistes pointent ce qui se joue en nous confusément. Leur sensibilité exacerbée nous révèle ce qui se cache implicitement dans nos errances et nos hésitations. Ils désignent quelque chose, une logique cachée, une philosophie, pourquoi pas aussi une théologie qui se sait pas mais qui se cherche : une raison, une parole, une révélation ? L'ailleurs... Il y a beaucoup d'ailleurs, beaucoup de formes d'ailleurs possibles. Vers quel ailleurs sommes-nous aimantés, comme des oiseaux migrateurs ?

 

Qui d'entre nous peut dire en toute assurance qu'il sache parfaitement où il va ? Peut-être sait-il d'où il vient et, comme Barak Obama, peut-il reconnaître après coup : « I was operating mainly on impulse, like a salmon swimming blindly upstream toward the site of his own conception »[3]. Prodigieuse lucidité, n'est-il pas vrai, que de reconnaître ses propres hésitations, et percevoir dans le cours de sa vie, comme un sens inné qui le guide, malgré tout, vers quelque chose d'essentiel, où se manifestera sa raison d'être et de progresser, depuis sa conception jusqu'à son plein accomplissement.

 

Ce qui est vrai pour un être humain particulier, par exemple le président américain, ne l'est-il pas aussi pour l'ensemble de l'humanité ? La vie comme un chemin à parcourir, un projet à réaliser en s'adaptant jour après jour, un fleuve à visiter, en nageant à contre courant, car il ne s'agit pas de se laisser aller au fil de l'eau mais d'affronter les difficultés comme autant d'occasions de se muscler et de se structurer.

 

Mais où est donc le fleuve ? Nous ne sommes pas des saumons sauvages. Il n'y a pas de fleuve ni de chemin tracé. Comme dit le poète espagnol [4]« Caminante, no hay camino, se hace camino al andar ». Le chemin se fait en marchant. Il n'y a pas de livre, où tout soit écrit, à l'avance et défini. « A partir d'ici, écrit Jean de la Croix, il n'y a plus de chemin ».

Où allons-nous alors ? Et qu'est-ce qui nous pousse à y aller ?

 

Cette question, l'humanité n'a jamais cessé de se la poser. Bien avant d'inventer le moteur à explosion, bien avant d'identifier un virus, bien avant de marcher sur la lune. Que sera cet ailleurs recherché, espéré, attendu ? A quoi ressemblera-t-il? Et nous, comment serons-nous ? Qu'en sera-t-il de notre esprit, de notre souffle, de notre c½ur, de nos affections, de nos pensées ? Qu'en sera-t-il de notre corps ? Quel rapport y aura-t-il entre ce que je vis de plus intense et la matière même qui me permet de le réaliser ?

 

Quelle sera la date ou l'heure du grand départ ? Le prix à payer ? Un aller sans retour ? Des réductions ? La durée du voyage ? Que peut-on emporter ? Trajet direct où par étapes ? Certains parlent de tunnel lumineux, c'est paradoxal. Une naissance à vivre ? Faut-il avoir peur ?

 

Devant la question de l'au-delà, le christianisme n'est pas bavard. De toutes les religions, il est probablement celui qui est le plus discret. Aucune carte de l'au-delà, aucune photo sur Internet, aucun témoignage de revenants. Pas d'assurance-vie éternelle, pas d'agence de voyage pour « la vie après la vie ». Pas d'explications mais quelques grandes affirmations. Tout se joue maintenant comme germe de l'après. Tout se joue dans la relation que nous avons avec les autres, en particulier les plus faibles, ceux qui ont besoin de nous.

 

La bonne nouvelle que nous portons est celle de la Résurrection de Jésus le crucifié.

 

***

 

Marie, la mère de Jésus n'a pas été martyrisée. Mais la  « vierge des douleurs » a été associée étroitement au destin de son fils. Pour elle, l'histoire n'a pas retenu pour elle de tombeau.

Où est-elle allée ? Qu'est devenu son corps ? La foi des chrétiens depuis toujours, sans bien comprendre comment, mais de manière poétique comme s'expriment toutes les intuitions qui ne peuvent être démontrées, celle de l'amour en particulier, la foi des chrétiens a tout de suite perçu que Marie était associée à la Résurrection de son fils au point d'être intégralement auprès de lui.

 

Le mot « résurrection » n'est cependant pas prononcé, par égard pour nos frères orthodoxes qui parlent de « dormition » et non pas de « mort ». Le mot « assomption » est donc utilisé, qui se rapproche de l' « ascension ».

Une femme est « auprès de Dieu » et si l'on imagine celui-ci « en haut », elle est « montée » auprès de Lui. Marie nous précède sur nos chemins, elle est, avec son fils, cet ailleurs ou cet autrement vers lequel nous allons tous. Elle représente l'humanité en son devenir, l'humanité saisie par la résurrection de Jésus. C'est par elle qu'il est entré dans notre histoire, c'est par lui qu'elle sort de notre histoire et prend corps de gloire.

 

Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. »

 

Cette femme, c'est l'humanité accomplie, revêtue de la lumière de Dieu. Toute la création la contemple et lui sert de parure : le soleil, la lune et les étoiles soulignent sa beauté. C'est l'Eglise transfigurée, c'est Marie, en tout premier lieu, la petite fille d'Israël, qui a cru à la promesse, qui a conçu le Fils de Dieu, qui est toujours à ses côtés, au pied de la croix et maintenant dans l'accomplissement de sa résurrection.

 

20e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Pain  de  Vie  et  de  Résurrection  

 Il est indispensable de bien garder en mémoire le déroulement du chapitre 6 de Jean que nous sommes en train de suivre pendant ces 5 dimanches.Au point de départ, et pour la seule fois, Jésus a donné du pain à la foule. Jean nous a convaincus qu'il ne fallait pas parler du "miracle de la multiplication des pains" (expression jamais utilisée dans le Nouveau Testament) mais d'un SIGNE du repas eucharistique.     Ensuite il y a eu la traversée houleuse du lac où Jésus s'est révélé à ses disciples comme celui qui ne coule pas dans la mer ( dans la mort), qui sauve du péril et qui dit " C'EST MOI" - exactement comme Dieu se révélant au Buisson ardent. Qui est ce Jésus qui ose s'attribuer le nom de Dieu: "YHWH" ? !!!!        Puis a commencé un grand dialogue avec la foule. Jésus a refusé de réitérer le don du pain. "Cherchez plutôt à avoir un autre pain, leur a-t-il, un pain qui donne la vraie Vie". Sans comprendre, les gens ont dit: " Donne-le nous"....Mais ils restaient enfermés dans leurs conceptions utilitaristes.   -  Alors Jésus a répondu : «  C'EST MOI : JE SUIS LE PAIN DE LA VIE. Venez à moi, croyez en moi car je viens du ciel. Je suis la Parole de Dieu: celui qui croit en moi a la Vie divine »   . Incompréhension du public ! - Aujourd'hui cette Révélation atteint son point culminant. - Jésus réaffirme : Je suis le Pain de Vie... le Pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l'éternité. Et le pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie"Jésus reprend les mêmes expressions mais maintenant il va beaucoup plus loin en précisant ce qu'est ce pain mystérieux: "ma chair pour la vie du monde"!!!Dans le langage biblique, "la chair" désigne l'humanité dans sa faiblesse, ses limites, sa fragilité: Jésus annonce qu'il va se donner. Nous perçons l'allusion: Jésus va être rejeté, haï, condamné et exécuté de façon ignominieuse mais en réalité, il va faire de cette capture un "don de soi". Le châtiment infligé par les hommes sera vécu par lui comme une offrande-pour-ses-disciples.  La croix le hissera au sommet de son amour pour nous, les hommes. Donc il donnera la Vie au monde.-----     Evidemment cette déclaration inouïe paraît intolérable et provoque sur-le-champ un épouvantable charivari, des hurlements de colère:  Les Juifs discutaient violemment entre eux:                    -  Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?????.....En effet, prise au pied de la lettre, la phrase de Jésus évoque le cannibalisme et ne peut que susciter une violente répulsion. Comment comprendre ? Jésus va tenter de s'expliquer. Mais contrairement à ce que nous attendons, il ne met pas un bémol à sa déclaration, il ne cherche pas à faire passer son message comme un symbole, une "façon de parler". Au contraire il continue en insistant sur le côté réel, charnel, choquant. Et de la sorte, il nous donne comme une "théologie de l'Eucharistie" en cinq points qui constitueront notre méditation de la semaine -  surtout au moment où la messe ne semble plus du tout comprise par nos contemporains.*       Jésus leur dit alors: " Amen, amen, je vous le dis: si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la Vie en vous"L'Eucharistie n'est évidemment pas "anthropophagie" mais communion au "Fils de l'Homme" glorieux et vivant. Elle n'est pas une friandise pour âmes pieuses, un don facultatif pour chrétiens retardés. Jésus ne la suggère pas comme "utile" mais la proclame nécessaire. Elle - seule - donne la VIE !  Un handicapé me disait un jour: " Pour moi la messe n'est pas obligatoire: elle m'est indispensable".Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.La traduction précise serait: "...qui mâche, croque..." ! Les parents juifs apprenaient à leurs enfants qu'il fallait bien "mâcher" les aliments du repas de la Pâque. L'Hostie (qui devrait manifester une certaine consistance) doit donc se mastiquer: aucun risque de faire mal "au petit Jésus"! Le croyant désire bien assimiler,  communier au Fils de l'homme, recevoir sa VIE ici et maintenant. Le croyant est un Vivant divinisé. Cela ne lui évitera pas la mort mais le Fils de l'homme glorieux aura la puissance de rendre vie à son corps mortel. L'Eucharistie est réception d'une Vie assez forte pour ressusciter une chair mortelle. Communier, c'est ensemencer son corps d'une Vie qui le dépasse.En effet ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.                   Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.Nous assimilons les nourritures terrestres, elles deviennent notre chair et notre sang, elles nous redonnent des forces mais elles ne prolongent qu'une existence promise au déclin et à la mort inéluctable. A l'inverse, dans l'Eucharistie, le Christ Seigneur nous approprie à Lui: c'est nous qui "entrons" en lui. Il nous fait "son Corps". Notre vie devient "en Christ", comme dira Paul. En même temps, en l'accueillant en nous, nous devenons son tabernacle, nous devenons des "christophores", des "Porte-Christ". C'est pourquoi il ne faut pas dire à l'enfant: "Tu vas recevoir le petit Jésus... Tu vas faire ta communion" (expressions absurdes)  - mais: " Tu vas être accueilli dans le C½ur de Jésus qui t'aime. Tu vas participer à sa communion et donc tu seras en communion avec tous les croyants du monde". De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé et que moi, je vis par le Père,                                   de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.La merveilleuse "demeure réciproque l'un dans l'autre" réalise le v½u de l'amour - moi en toi et toi en moi - mais n'isole pas dans une jouissance égoïste. Recevoir l'Eucharistie de Jésus, l'Envoyé du Père, confère d'emblée une mission.   L'homme n'est qu'un habitant de la terre parmi les autres: chrétien, "eucharistié par son Seigneur", il devient un envoyé de Dieu parmi les hommes. Il est "missionnaire": il a la charge de laisser le Christ poursuivre, en lui et par lui, sa mission de salut du monde. Il ne s'appartient plus, il doit lui aussi donner sa chair et son sang, donc "se laisser manger" par amour des hommes.Tel est le pain qui descend du ciel; il n'est pas celui que vos pères ont mangé.           Eux, ils sont morts; celui qui mange de ce Pain vivra éternellement.Depuis des siècles, on apprenait dans les synagogues que l'histoire de la sortie d'Egypte suivie de la traversée du désert était  un symbole de la marche du peuple de Dieu.A nouveau donc Jésus rappelle le destin des ancêtres: Oui, Dieu les avait libérés de l'esclavage, leur avait fait passer la mer, leur avait donné sa Loi et la manne, les avait conduits à travers le désert... Mais, sauf rares exceptions, aucun d'entre eux n'était parvenu à la terre promise, destination finale du projet de Dieu. Par leurs récriminations, leurs rébellions perpétuelles, ils n'avaient pu aller jusqu'au bout de leur histoire, ils étaient des morts spirituels.Désormais, affirme Jésus, ce que la Loi et la manne n'ont pu réaliser, mon Pain  l'accomplira. Celui qui reçoit, dans la foi, le corps et le sang de son Seigneur  peut marcher avec assurance: le Fils de l'homme gardera l'homme croyant et le conduira sûrement dans le Royaume éternel. Le Pain de Jésus est  le ressort et le gage de l'espérance.Tels furent les enseignements de Jésus, dans la synagogue, à Capharnaüm.Dimanche prochain, nous terminerons la lecture de ce chapitre extraordinaire et nous verrons comment la promesse de l'Eucharistie constitue la pierre d'achoppement fondamentale. Comment accepter pareille révélation ? Jamais un homme n'avait tenu de tels propos.   Et pourtant le Pain de Jésus continue à être distribué à travers le monde, à étendre l'Amour de Dieu, en son Fils, dans les hommes croyants et à susciter chez eux un amour inouï..