2e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Crise ou non, la machine commerciale est lancée : nos boîtes aux lettres débordent de publicités alléchantes, les étalages croulent sous des objets merveilleux, les restaurants affichent leurs menus gastronomiques et les agences de voyages, leurs programmes des stations de ski tandis que les diffuseurs dégoulinent du sirupeux "White Christmas" !... Quant aux crèches de notre enfance, il faut bien chercher pour en découvrir l'une ou l'autre. La paganisation des fêtes chrétiennes se poursuit. Que faire ?...

LA GRANDE FIGURE DE JEAN LE PRECURSEUR

Chaque année, la liturgie de l'Avent nous présente la haute figure de Jean le Baptiseur, le prophète qui eut la charge et l'honneur d'annoncer la venue imminente du Messie. C'est avec lui que Marc commence son livret : ce qu'il nous en dit nous aidera à accomplir notre mission chrétienne aujourd'hui.

Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus, Christ et Fils de Dieu. Il était écrit dans le livre du prophète Isaïe : "Voici que j'envoie mon messager devant toi pour préparer ta route. A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route !" Et Jean le Baptiste parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Toute la Judée, tout Jérusalem, venait à lui. Tous se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain en reconnaissant leurs péchés. Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins, et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : " Voici venir derrière moi Celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l'eau : lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint".

1. EN MARGE

Jean, d'après saint Luc, était fils de prêtre : il aurait donc dû exercer le sacerdoce au temple de Jérusalem. Or Dieu l'a appelé à laisser les fastes du culte pour devenir prophète, à quitter le coeur du pays pour s'installer à la frontière. Il s'est posté au gué du fleuve Jourdain, au lieu où les esclaves hébreux, jadis, fuyant l'Egypte, arrivèrent pour pénétrer dans le pays que Dieu leur avait promis. C'est là que Jean proclama un nouvel "exode" : belles sont les cérémonies mais l'essentiel est de se convertir !

Nous aussi, citoyens de la société et citoyens du Royaume de Dieu, nous vivons à la frontière de deux mondes enchevêtrés. Partageant la vie de nos voisins, nous avons à indiquer qu'un autre monde est possible et déjà présent. Dans ce but, il est important que nous retrouvions la valeur de la solitude, du silence. C'est là, comme Jean, que nous ferons l'expérience de la Présence de Dieu, que nous puiserons la force de témoigner, le courage d'être différents. En effet, si nous, les croyants, demeurons, comme les autres, englués dans la société telle qu'elle va, nous n'avons plus rien à dire aux hommes. Etre une Eglise-pont, une Eglise qui propose un passage, qui sollicite une démarche, qui invite à faire le pas de la nouvelle "pâque".

2. DANS LA SOBRIÉTÉ

Jean avait revêtu un manteau (comme jadis le prophète Elie) et il se contentait d'une nourriture frugale. Car comment témoigner de la venue du Royaume si l'on ne montre pas que l'on est détaché des nourritures terrestres ? Par notre conduite, nous devons témoigner que l'homme ne sera jamais comblé par une société de consommation et qu'il ne trouvera l'achèvement de son humanité qu'en découvrant le Sauveur. Au moment où apparaît crûment le péril mortel où nous projette la surconsommation, allons-nous enfin renoncer à cette course effrénée au confort et aux bons placements où l'homme moderne perd son âme ? Lorsqu'il découvrit le monde occidental, Soljenitsyne criait l'urgence de nous auto-limiter : qui l'a écouté ? Longtemps on a laissé aux moines le soin de faire "v½u de pauvreté", ce qui autorisait les laïcs à user du monde à leur aise. Il n'y a pas de christianisme à deux vitesses : en plein monde, sollicités par les tentations, responsables de la course de l'histoire, les fidèles ont à refréner leurs envies et à opter résolument pour une existence plus simple, de renoncer autant que possible à la voiture et à l'avion, d'économiser les énergies, etc. 3. PREPARER LA VENUE D'UN AUTRE

Ce n'est pas l'Eglise qui est "la Lumière du monde" mais seul le Christ. Comme Jean, l'Eglise n'a pas à imposer sa présence, à prendre toute la place mais à annoncer qu'elle ne vient que pour préparer la venue d'un Autre.

"Préparez le chemin du Seigneur : aplanissez sa route !".

Nous alertons la société, dénonçons ses dérives, mettons le doigt sur ses perversions. Nous appelons les hommes de bonne volonté à prendre conscience des mensonges qui les égarent, les incitons à changer de comportement, leur prouvons qu'un autre avenir est possible, leur montrons par nos actes comment on prépare la venue de Dieu. Et nous-mêmes, nous commençons par "confesser nos péchés" et cherchons comment aujourd'hui "préparer la venue du Christ Seigneur" Le croyant est le témoin d'un Autre : comme Jean et Marc, sa joie est de "commencer la Bonne Nouvelle de Jésus, Christ et Fils de Dieu" puis de s'effacer et de se taire.

4. JESUS VOUS PLONGERA DANS L'ESPRIT - SAINT

Jean interpellait, il pressait ses auditeurs à reconnaître leurs fautes. Mais cela ne suffisait pas. Son message culminait dans la grande promesse finale : Moi je reste impuissant, je ne peux que vous faire des remontrances et des promesses... Seul CELUI QUI VIENT - Jésus - pourra vous conduire dans la Vie de Dieu. La différence entre Lui et moi est infiniment plus grande qu'entre un maître et son esclave : "Je ne suis pas digne..." La prédication du prophète et de l'Eglise, n'est que préparatoire : Jésus qui vient ensuite n'est pas simplement le prédicateur suivant. Car Lui, et Lui seul, peut accomplir ce qu' aucun prophète, aucun roi, aucun prêtre n'a pu réaliser. Parce qu'il est LE FILS, il peut donner l'Esprit de Dieu, faire communier l'homme à Dieu en Esprit, c'est-à-dire "diviniser" l'homme.

Devant cette vision prodigieuse de l'Evangile, que le barnum des fêtes mondaines paraît ridicule et dérisoire ! Rien ne surpasse notre vocation chrétienne !

2e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Ludwig Von Beethoven : le génie de la transition du classicisme au romantisme, un compositeur d'un autre monde dont, cependant, un aspect m'a souvent laissé perplexe. En effet, musicalement, je suis un baroque, un disciple de Bach qui veut que la composition soit presque mathématique ! Beethoven m'a, quant à lui, souvent semblé incapable de terminer de manière claire ses mouvements... Cela traîne, s'éternise parfois, comme si le silence était pour lui une gêne... En écoutant Beethoven, j'ai parfois l'impression qu' il ne sait finalement pas parfaitement où il veut aller : une ligne musicale, telle une conclusion, semble souvent sceller un mouvement, quand soudain le thème recommence par surprise quelques portées suivantes ! Ecoutez toujours le final de la symphonie n°5 en Do mineur pour vous en convaincre !

Si je vous dis cela, c'est parce qu'une impression toute opposée m'est venue à la lecture de l'évangile de ce jour. Le passage que nous venons d'entendre est véritablement le sommet, la conclusion ultime de cet évangile. Après ce passage, il ne faut rien rajouter. De toutes les confessions de l'évangile de Jean, celle de Thomas est la plus complète, la plus parfaite, la plus haute. Thomas est la seule personne dans tout l'évangile qui adresse le mot 'Dieu' directement à Jésus. Il ne sert donc à rien de rajouter encore une idée, un thème... L'évangile de Jean peut se conclure ici, en questionnant notre foi, et -je dirais- nos manques de preuve.

Cependant, Thomas, malgré sa puissante confession, est le symbole de celui qui arrive après, en retard je dirais. Il arrive après Marie Madeleine, après les disciples. Il est le symbole des générations subséquentes de chrétiens. En ce sens, il est notre jumeau. Il est le jumeau des croyants en recherche. Comme Thomas, nous voudrions voir, savoir... toucher même. Et il est vrai que c'est une des envies les plus humaines qui soient : n'avons-nous pas parfois le sentiment d'exister quand nous touchons, quand nous prenons un être aimé dans nos bras. N'avons nous pas ce sentiment de croire -en nous ou en l'autre- d'être assuré et réassuré, quand une place est donnée au contact physique afin que la vérité apparaisse ? Cependant, un des paradoxes de l'humain est que ce qui nous rapproche, nous sépare également. Notre corps est ce qui nous rapproche par excellence de l'autre, mais il est également ce qui nous en sépare. Le Christ ressuscité nous rappelle aujourd'hui, à la finale de l'évangile de Jean, un dimension constitutive de notre être : nous sommes des êtres de contacts et de relations, ayant le désir profond de voir, de sentir, de toucher, d'aimer. Mais cependant -je dirais 'au même instant'- nous sommes des êtres bâtis sur des manques. Si nous avons comme Thomas l'envie de preuves ou de toucher pour croire, le Christ ressuscité nous rappelle que le sentiment d'être comblé est une illusion qui ne voit pas la réalité telle qu'elle est. Il nous dit : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », comme si l'écart et la distance étaient nécessaires à notre bonheur. Et Jean de conclure : Il y a encore beaucoup d'autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit. » Comme si la finale de Jean au chapitre 20 s'achevait une fois de plus sur un manque.

Nous sommes en effet bâtis sur un manque originaire, des failles, des doutes. Ces manques ne doivent pas être vécus comme des frustrations, mais comme des appels à regarder positivement nos désirs. Ces manques constituent ce que nous sommes, et n'existent pas en dépit de nous. Ils ne sont pas à regarder comme des absences qui nous empêcheraient d'être nous-mêmes. Bien au contraire. Comme le dit un philosophe allemand (Martin Heidegger), 'le vide n'est pas un défaut.' Et de même que le silence précède la parole et la permet ; l'écart, la distance, le manque nous permettent d'être nous-mêmes, car il n'y a pas de résurrection sans tombeau vide.

Il nous faut donc des espaces de vide, de distance et de questionnement pour exister. Et tel est bien un des sens du commandement fondamental du rejet de l'idolâtrie. L'idolâtrie signifie 'vouloir tout de suite et maintenant un plein'. L'idolâtrie n'est donc 'pas une erreur sur Dieu, mais une erreur sur l'homme' (Gesché). C'est l'illusion de croire que l'homme peut se passer du manque. Mais le Christ ressuscité nous invite peut-être aujourd'hui à redécouvrir que le bonheur ne passe que par l'acception de nos manques, et non pas par le comblement de ceux-ci. « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » nous dit-il. L'intégrisme, le conservatisme, le fondamentalisme, le sectarisme, le repli sur soi, sont autant de réactions fondées sur cette peur de se trouver devant un vide. Mais le Christ ressuscité nous dit : « Heureux, ceux qui croient sans avoir vu ». Heureux ceux qui croient sans sécurités ; ceux qui, pour paraphraser le livre des Actes, « possèdent sans être propriétaires ».

Maintenant, vous pourriez me rétorquer que je deviens un peu romantique à la Beethoven, et qu'on a du mal à voir la fin de mon sermon... Sans doute. Permettez-moi alors, -comme dans une bonne structure symphonique- de réintroduire en conclusion le thème par lequel j'ai commencé, simplement sous forme de question. Beethoven, compositeur devenu sourd à la fin de sa vie, n'écoutait-il pas, sans entendre ?

Dans nos existences, à notre tour alors d'être heureux dans nos manques ; de croire sans voir, de vivre sans preuves et sécurités. Amen.

2e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Comme tout le monde, nous avons pris l'habitude de commencer la semaine par le lundi et de la terminer par le "week-end" ...sans nous rendre compte que cette expression torpille ce que les premières générations chrétiennes avaient inventé : une nouvelle organisation du temps ! En effet les 4 évangiles et saint Paul concordent pour affirmer que Jésus est ressuscité la nuit du lendemain du shabbat, c'est-à-dire "le 1er jour de la semaine", puisque le shabbat est le 7ème et dernier jour de la semaine juive. Donc ce jour premier devenait SON JOUR, LE JOUR DU SEIGNEUR...- en latin "domenica dies" qui devint en français "DIMANCHE" (d'autres langues gardent le signe astral : SUN-day ; Zon-dag ;...).

L'évangile de Jean d'aujourd'hui nous prouve que très vite, dès le 1er siècle, les chrétiens prirent l'habitude de se réunir en ce jour-là :

"C'était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient... Jésus vint et il était là au milieu d'eux...."

Or Thomas était absent. On imagine avec quelle émotion, quelle fougue, quelle insistance les dix apôtres lui racontèrent l'extraordinaire expérience qu'ils venaient de vivre.. : " Nous avons vu le Seigneur !..." Mais il leur déclara : " Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous...non, je n'y croirai pas".

Les jours suivants, les Dix martèlent la Bonne Nouvelle mais Thomas a beau voir leur exaltation, écouter leurs affirmations, constater leur certitude unanime : il ne cède pas. Alors saint Jean poursuit :

" Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, alors que les portes étaient verrouillées et il était là au milieu d'eux. Il dit : " La Paix soit avec vous"...

Ainsi donc le Seigneur ne condamne pas son apôtre incrédule, il accède même à sa demande...mais seulement "huit jours plus tard", c'est-à-dire le 1er jour de la semaine suivante. C'est en rejoignant la communauté chrétienne qui se réunit le jour hebdomadaire de la Résurrection - LE DIMANCHE - que Thomas et les immenses foules d'incrédules qui lui succèdent peuvent espérer vivre l'expérience de la rencontre du Christ vivant.

D'ailleurs, bien avant saint Jean, l'apôtre Paul, dans une lettre qui date de l'an 56 et où il raconte "le Repas du Seigneur" (1 Cor 11) avait déjà mentionné que ses communautés se réunissaient effectivement en ce jour : "Pour la collecte, vous suivrez, vous aussi, les règles que j'ai données aux Eglises de Galatie : Le premier jour de chaque semaine, chacun mettra de côté ce qu'il aura épargné afin qu'on n'attende pas mon arrivée pour recueillir les dons..." ( 1ère aux Corinthiens 16, 1).

Donc les Apôtres et les premiers chrétiens ont organisé leur vie selon ce nouveau rythme, dorénavant ils vivent une nouvelle semaine : le jour de fête est le 1er, LE JOUR DU SEIGNEUR.

QUELLES SONT LES CARACTERISTIQUES DU DIMANCHE ?

-- - C'est le jour de la réunion de la communauté. Dispersés pendant les autres jours, occupés à leurs tâches familiales et professionnelles, les chrétiens se retrouvent dans la maison de l'un d'eux. Ils sont très différents les uns des autres : juifs ou païens, jeunes ou vieux, bourgeois ou ouvriers. Jusqu'alors ils ne se fréquentaient pas, ils s'évitaient même : désormais il s'accueillent, se saluent, s'embrassent. Paul leur interdit sévèrement de répéter leurs clivages sociaux : pas question que riches et pauvres forment des groupes distincts. " Vous êtes le Corps du Christ, vous êtes ses membres !" ( 1 Cor 12, 37)

-- - C'est le moment du REPAS DU SEIGNEUR. En quoi consiste-t-il ? D'abord on rappelle ses enseignements, on discute sur l'Evangile, on conforte et enracine la foi. Puis on fait mémoire de la dernière Cène : " La nuit où il fut livré, le Seigneur prit du pain, il rendit grâce, le rompit et dit : " Ceci est mon Corps...". Et de même avec la coupe....."

Car l'amour entre chrétiens n'est pas sympathie naturelle, cordialité entre collègues ou voisins qui se choisissent. C'est la Croix et la Résurrection du Seigneur - mystérieusement représentées à l'Eucharistie - qui peuvent édifier son corps. C'est la Charité, l'amour divin du Seigneur qui rassemble en Lui des personnes très diverses afin d'en faire son Corps. Son Corps ressuscité à Pâques s'incarne, se manifeste, apparaît dans le Corps formé par les personnes qui "communient", c'est-à-dire qui entrent dans la "communion" du Seigneur Jésus. L'Eglise n'est pas une organisation mais un organisme vivant.

-- - C'est l'Heure du Don de l'Esprit et de la Mission

Jésus leur dit : " La paix soit avec vous. De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie". Il souffla sur eux et dit : " Recevez l'Esprit-Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous les maintiendrez, ils lui seront maintenus"

La vision du Seigneur ne fut qu'un privilège éphémère : l'essentiel désormais est de recevoir son Esprit, son souffle. Il n'y a plus un maître suivi de ses disciples mais un seul Seigneur présent dans les siens. Du coup la réunion n'est pas clôture : les chrétiens ne se regroupent que pour repartir. Ils ne rentrent pas chez eux comme après un concert : ils comprennent qu'ils y sont envoyés par leur Seigneur. Ils retrouvent leur milieu en tant que champ de mission où ils sont chargés d'une tâche à accomplir. Laquelle ? Rien d'autre que de partager le pardon qu'ils viennent de recevoir en célébrant la Pâque de leur Seigneur. "Pierre, tu es pardonné de ta lâcheté, de ta trahison : va donc maintenant offrir ce pardon aux autres"

-- - C'est le moment du partage entre églises, comme a commandé Paul ( voir ci-dessus ) . En effet chaque Eglise prend conscience qu'elle n'est qu'une cellule unie à toutes les autres disséminées dans le monde. Donc si on apprend que des frères et s½urs quelque part ont faim, on se doit, d'urgence et chaque semaine, de les secourir. Remarquez que Paul ne parle jamais d'aider les pauvres païens. Il ne fixe pas un pourcentage sur les revenus mais il insiste avec vigueur : " Que chacun donne selon la décision de son c½ur...Vous connaissez la générosité de notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour vous enrichir de sa pauvreté" ( 2 Cor 9, 7 et 8, 9)

Le DIMANCHE est donc Jour de la PAIX, de la VIE, de la JOIE. * Le dimanche constitue un enjeu fondamental de la foi. Peut-on se dire chrétien si on déserte l'assemblée, si on butine d'une église à l'autre, si on refuse la rencontre des autres, si on remplace l'Eucharistie par une vie vertueuse et la bonne volonté, si on s'enferme dans une piété individuelle ?.... Au concile de Vatican II, l'Eglise a déclaré qu'elle était ouverte aux propositions d'un "calendrier perpétuel" à condition de "sauvegarder la semaine de 7 jours avec le dimanche" (Sur la Liturgie -- Appendice) Au 19ème siècle, le machinisme avait enlevé le dimanche aux ouvriers ; aujourd'hui la pression commerciale recommence à attaquer le dimanche. Saurons-nous le sauver ?

R. Devillers , dominicain Tél. et Fax : 04 / 223 51 73 - Courriel : r.devillers@skynet.be

HOMELIE HEBDOMADAIRE : abonnement gratuit - adresse ci-dessus - " Le fr. R. Devillers publie généralement une homélie en début de semaine afin de pouvoir préparer le dimanche suivant. Il est possible de s'abonner gratuitement afin de recevoir ce service : resurgenceslg@gmail.com"

2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

 

Jn : 1,35-42.

Il y a dans cet évangile comme une série de cascades de transmissions une série de relais, en sorte que ce qui semblerait radicalement nouveau se trouve comme préparé en détail et ne surgit pas sans médiation, sans transition. Cela nous montre comment ce qui est divin est aussi tout à fait humain et se joue dans l'humain. Le spirituel pur n'existe pas, tout vient à 100% de l'homme et à 100% de Dieu. C'est comme cela dans notre vie aussi : question de regard, question d'attention pour s'en apercevoir. On peut certes tout analyser et réduire à des mécanismes physiques, sociologiques, psychologiques, chimiques, mais on peut aussi lire dans cette même réalité les chemins de Dieu, l'incarnation de l'amour de Dieu.

Les premiers disciples de Jésus étaient déjà disciples d'un autre grand personnage, le Baptiste. C'est lui qui leur indique leur nouveau maître spirituel. Il ne les garde pas de manière captative, pour avoir des gens sous son influence, pour avoir une sorte de miroir et exister plus intensément du fait d'être entouré. Jean Baptiste s'efface, c'est toute sa grandeur. C'est rare et c'est très beau. Il ne mesure pas son succès au nombre de ceux qui le suivent, il se comprend lui-même comme un relai. Il ne se met pas au centre, il n'est pas la lumière mais une lampe, il n'est pas la Parole, mais une voix... L'ami de l'époux se réjouit de la joie de l'Epoux.

Et ces disciples, à leur tour, en appellent d'autres pour qu'ils se joignent à eux. André est le tout premier, les orthodoxes se réfèrent à lui. Qui était le second ? Nul ne sait, peut être Jean. André appelle son frère Pierre. Il y a comme un effet de contagion, de diffusion, comme toujours parmi les hommes, le premier pas est le plus difficile.Tout est simple ici. Jésus ne s'impose pas, ne fait rien, ne dit rien.

Dans ce récit Jésus n'appelle pas, c'est lui qui est choisi et qui accueille. On nous dit simplement que Jean Baptiste « pose son regard sur lui » et, à la fin, Jésus à son tour « pose son regard » sur Pierre... Le regard, l'attention. Apprenons, nous aussi, à poser notre regard, à ouvrir les yeux, à savoir regarder, découvrir, nous émerveiller, attendre de l'autre quelque chose qui va venir. Regarder quelqu'un en sachant que c'est une personne qui promet... quoi ? On ne sait pas, mais une belle surprise tout au moins ! Adopter un regard de confiance... de silence aussi. Un regard qui n'est pas nécessairement celui d'un projet, d'un plan, d'une mission. Un regard de reconnaissance. « Tu es plein de potentialités. Tu peux devenir mon ami. »

Réciproquement, recevoir un tel regard, vous change, vous appelle à être, à devenir vous-même, à découvrir qui vous pouvez devenir dans une aventure qui s'inaugure... Simon change de nom ! Il devient Pierre, le roc, la base, le socle, l'appui.

« Que cherchez-vous ? » demande Jésus. Vous remarquerez que Jésus pose souvent des questions, beaucoup plus souvent qu'il ne propose de réponse. Il inverse les rôles. « Pour vous qui suis-je ? ». Il leur demande aujourd'hui : « que cherchez-vous ? » Il ne leur dit pas ce qu'il faut chercher. Sa pédagogie, c'est de rejoindre le mouvement même de ceux qu'il rencontre. Et c'est une grande question ! Savez-vous ce que vous cherchez ? Vous connaissez la blague : « Un chercheur qui cherche, cela se trouve, mais un chercheur qui trouve, cela se cherche ! » Nous sommes tous des chercheurs car nous sommes au fond de notre c½ur toujours insatisfaits. Mais nous ne savons pas toujours ce que nous cherchons. Nous cherchons autre chose, une autre forme de vie, de relation « la vraie vie est ailleurs, nous ne sommes pas au monde ! » écrivait Rimbaud...

« Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre c½ur est sans repos tant qu'il ne repose en toi » dit saint Augustin. Et il a bien raison : finalement nous sommes des chercheurs de Dieu mais nous ne le savons pas consciemment et nous ne savons pas non plus qui est Dieu. Il y a un manque, il y a un désir, mais il ne connaît pas son objet tant qu'il ne l'a pas rencontré. Cela explique pourquoi nous nous trompons souvent. Pourquoi nous allons en tâtonnant, de déception en déception, d'impasse en impasse, cherchant notre chemin.

Si quelqu'un dit qu'il a trouvé, nous sommes prêts à le croire et à l'imiter. Mais il arrive que l'on se trompe. Même les disciples se trompent. Nos disciples cherchent le Messie, et ils ne savent pas encore ce que sera le vrai messie. Ils passeront par l'épreuve du feu. Tout cela devra être purifié, remis en cause, retrouvé. Leur vocation elle-même passera par la Pâque, une forme de mort et de résurrection.

Comme me disaient de vieux dominicains, « on s'engage pour certaines raisons et l'on reste pour d'autres raisons... ». Autrement dit, avec le recul, on s'aperçoit que l'on avait de mauvaises motivations, ou tout au moins que nos motivations allaient être fortement purifiées. Mais peut-être il vaut mieux avoir de mauvaises motivations que pas de motivations du tout. Celui qui n'a pas de désir, celui qui ne cherche rien, est mort.

Il est intéressant de suivre le chemin de chacun. Jésus les rencontre là où ils sont. Les uns suivent Jean Baptiste et attendent le Messie, Mathieu, lui, est à son travail, comme publicain, il collecte l'impôt, d'autres seront à la recherche de nourriture, en train de pêcher. Les disciples d'Emmaüs attendent le grand chambardement révolutionnaire. Chacun rencontre Jésus au c½ur même de son attente, dans le prolongement de son désir. Jésus les rencontre là où ils sont mais il va les faire évoluer et les conduire ailleurs.

Je termine par quelques questions à méditer :

Quel est mon désir ? Quelle est mon attente ? Où se tournent mes regards ? Où donc puis-je reconnaître l'approche de Dieu dans mon histoire ? Quel est le chemin que Jésus m'amène à parcourir ?

2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

On s'est étonné de la promptitude avec laquelle 4 pêcheurs, au lac de Galilée, répondirent à l'appel d'un inconnu : Jésus les héla et ils partirent à sa suite sur le champ !?? (Marc 1, 16). L'évangile de Jean, aujourd'hui, permet de comprendre cette réaction immédiate : ces jeunes gens avaient déjà fait connaissance de Jésus lorsqu'ils étaient disciples de Jean-Baptiste.

Jean Baptiste se trouvait de nouveau avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : " Voici l'Agneau de Dieu".

Jean le baptiseur était un vrai prophète de Dieu : il exhortait les gens à la conversion, il les appelait à signifier leur désir de pureté en les plongeant dans les eaux du fleuve. Mais conscient de ses limites, il invitait ses disciples à ne pas rester avec lui et à partir avec Jésus car seul il était "l'Agneau de Dieu". Expression très célèbre, répétée par le prêtre lorsqu'il montre l'Hostie au peuple avant la communion. Il est capital d'en redire le sens.

PESSAH : LA FÊTE DE LA LIBERATION

Alors que les Hébreux, pendant des siècles, étaient exploités comme esclaves par le pharaon d'Egypte, un jour, Moïse leur promit la délivrance. Cela se passerait lors de la prochaine fête des bergers. En effet, chaque année, à la première lune de printemps, ceux-ci immolaient un jeune agneau. Avec son sang, ils faisaient des taches sur les montants des portes afin, disait-on, d'éloigner le mauvais sort. En tenue de route, debout, ils mangeaient l'agneau rôti puis chacun s'en allait avec son troupeau à la recherche des nouveaux pâturages. Cette fête joyeuse s'appelait "pessah" (passage - pâque) Cette année-là, sur les indications de Moïse, les Hébreux accomplirent ce rite et, en pleine nuit, ils s'enfuirent. Sans devoir mener bataille, ils passèrent la Mer rouge et ne furent jamais rejoints. Les esclaves devenaient un peuple libre.

On décida que la fête de Pessah devrait être fêtée chaque année en souvenir de cette libération miraculeuse due, certes, à Dieu, mais grâce à la mort de cet agnelet innocent, le seul qui avait versé son sang.

13 siècles après l'Exode, les Israélites du temps de Jean-Baptiste et de Jésus continuaient fidèlement à observer ce rite mais ils constataient que la sortie d'Egypte et l'occupation de la terre d'Israël n'avaient pas abouti à une vraie liberté. Même sur sa propre terre, on restait sous la domination du péché ! Les Prophètes avaient eu beau rappeler les préceptes de la Loi, les prêtres ressasser l'obligation de célébrer le repas de pessah...rien n'y faisait : le c½ur humain restait porté au mal. Le droit ne régnait pas, les victimes ployaient sous les injustices, les forts écrasaient les faibles....

JESUS L'AGNEAU DE LA LIBERATION VERITABLE

Alors Jésus, sachant qu'il était au dernier soir de sa vie, réunit ses disciples pour partager le repas de pessah. Tout à coup, il eut une initiative déconcertante : Il prit le pain, dit la prière, le rompit, le donna aux siens : " Prenez et mangez : ceci est mon corps". De même il prit la coupe, la fit passer : " Buvez-en tous : ceci est le sang de l'Alliance". Sur le moment, les disciples ne comprirent évidemment pas ce geste. La mort en croix du maître, le lendemain, les plongea dans une détresse sans nom. Mais quelque temps plus tard, après avoir vu leur Seigneur ressuscité et avoir reçu l'Esprit, ils comprirent ! Jésus avait transfiguré la tuerie de la croix en sacrifice personnel : au Golgotha, il s'était offert pour libérer les siens de leur péché, de leur lâcheté, de leur trahison. JESUS ETAIT L'AGNEAU DE LA PÂQUE DEFINITIVE.

L'esclavage de l'homme n'était pas politique mais spirituel : le salut n'était pas dans la révolution armée mais dans la confiance en Jésus, agneau de la pâque, du "passage", de la sortie du mal pour entrer dans le Royaume de Dieu le Père. Désormais il fallait se réunir non une fois au printemps mais chaque 1er jour de la semaine - jour où Jésus était ressuscité - pour partager le Pain et le Vin devenus son Corps et son Sang. Car l'Eucharistie est le repas de la libération.

REACTION EN CHAINE : LES APPELS DES PREMIERS DISCIPLES

Les deux disciples entendirent cette parole (de Jean Baptiste) et ils suivirent Jésus. Se retournant, Jésus vit qu'ils le suivaient : " Que cherchez-vous ? - Rabbi (Maître), où demeures-tu ? - Venez et vous verrez." Ils le suivirent, ils virent où ils demeurait et ils restèrent près de lui ce jour-là. C'était vers 5 heures du soir. André était l'un des deux qui avaient entendu le Baptiste. Il trouve d'abord son frère Simon : " Nous avons trouvé le Messie !" et il amena son frère à Jésus. Celui-ci le regarda : " Tu es Simon, fils de Jean : tu t'appelleras Képha - ce qui veut dire Pierre".

André est le 1er : qui donc était le 2ème ? La tradition a toujours supposé qu'il s'agit de Jean l'évangéliste. A l'invitation du Baptiste, les deux jeunes marchent derrière Jésus : au bruit celui-ci se retourne "QUE CHERCHEZ-VOUS ?". Ce sont les premiers mots de Jésus dans l'évangile et ils expriment une demande fondamentale qui est adressée à chacun de nous, à tout homme :

QUE CHERCHES-TU ? Sois sincère, réponds ! Tu cherches une petite vie tranquille, la santé, la réussite, l'argent, la gloire ? Alors tu restes un païen. Si tu cherches une règle de vie, une morale, tu peux suivre Jean-Baptiste ou un autre prophète : ils t'apprendront un code, ils t'inviteront au dévouement, à la gentillesse, au service, à l'engagement politique....Mais tu en resteras au plan de l'humanisme, des m½urs, de l'idéal...

Si ton c½ur pressent qu'il faut aller plus loin que cela, si tu admets que, quels que soient les progrès des sciences, la chaleur des discours philanthropiques, les élans des appels humanitaires, la piété des exigences religieuses, l'homme reste impuissant à SE sauver, si tu souffres de l'incapacité humaine à s'accomplir en vérité, si tu découvres Jésus non comme un maître de sagesse mais comme l' AGNEAU qui se donne pour te libérer de tes liens, pardonner tous les péchés que tu ne peux t'empêcher de commettre ... ..... alors ne quémande pas un programme, un catéchisme, un rituel....

Réponds simplement : C'est toi, Jésus, que je cherche. Permets-moi de demeurer avec toi. Tu n'exiges pas de préalables : que je m'améliore, que je prenne mille résolutions, que je vainque mes défauts, que je m'inflige des pénitences, que je fasse des expériences mystiques...

Tu me connais par mon nom : Simon ou Paul ou Jean ou Benoît ou Achille ou Thérèse ou Catherine..... Et d'un mot tu me transformes et me donnes une mission : "Tu es Pierre". Tu ne construis aucun édifice : tu veux bâtir une communauté, un peuple, une communion. Et dedans, chaque croyant est une PIERRE VIVANTE. Il en est de grosses, il en est de petites. Toutes se blessent l'une l'autre mais, par le mortier du sang de l'Agneau, elles tiennent. Elles DEMEURENT.

Et ensemble les pierres vivantes chantent la Gloire de l'Agneau, elles appellent les hommes : Vous qui cherchez, venez. Ne vous égarez pas dans des impasses, fermez l'oreille aux slogans mensongers, aux musiques envoûtantes. L'Agneau porte, emporte les péchés. SUIVEZ-LE. Ce jour, la mission commençait : non par obligation mais comme une nécessité de partager la joie de la Bonne Nouvelle. Réaction en chaîne : à nous aujourd'hui de la prolonger. Le faisons-nous ?...

2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Beethoven étant devenu sourd, tomba dans la dépression et s'en prit un jour de colère à Dieu en lui criant : « Pourquoi, Dieu, suis-je devenu sourd ? Ce que tu m'as donné, était-ce pour me l'enlever au moment où je pouvais donner le meilleur de moi-même ? Etais-je devenu trop encombrant pour toi ? Je comprends mieux maintenant pourquoi il est écrit que tu es un Dieu jaloux. Mais qu'ai-je donc fait de mal pour mériter une punition pareille ? » Aussitôt, il entend une voix toute intérieure qui lui répond : « De là où je suis, je ne t'ai rien imposé du tout. Tu découvres simplement l'histoire de la vie dans sa fragilité inexorable. Alors, soit tu peux continuer à te lamenter et à me rendre responsable de ce qui t'arrive, soit tu cherches à découvrir une autre musique, celle du ciel et des anges. » C'est peu après que Beethoven composa une véritable musique céleste : la 9ème symphonie avec ch½ur en ré mineur qui contient le célèbre Hymne à la Joie. Cet hymne est devenu la musique la plus enregistrée de tout le répertoire musical de tous les temps ; la musique la plus écoutée et jouée dans toutes les cultures. D'ailleurs, depuis le 19 janvier 1972, son prélude est devenu l'hymne de l'Union européenne. L'Hymne à la joie n'a rien de terrestre. C'est une musique divine, une ode du ciel où les dernières paroles nous chantent : « au-dessus de la tente céleste, doit régner un tendre père. Vous prosternez-vous millions d'êtres ? Monde, Pressens-tu ce créateur ? Cherche-le au-dessus de la tente céleste, au-delà des étoiles, il demeure nécessairement. » C'est un Père plein de tendresse qui s'adresse à nous aujourd'hui encore et il nous appelle chacune et chacun par notre prénom pour vivre de sa vie. A l'image de Samuel, toutes et tous, nous sommes des êtres appelés. L'appel n'est pas un privilège réservé à une catégorie spécifique de personnes. De par notre simple condition humaine, nous sommes appelés par Dieu à la Vie. Le Père ne nous regarde pas du haut de sa divinité et encore moins, il ne jette un simple coup d'½il sur sa Création. Non, comme son Fils, le Père pose son regard sur nous. Il pose son regard pour nous inviter à parler avec nos yeux. En effet, notre regard est bien souvent le reflet de notre âme. Il dit quelque chose de ce que nous traversons. Il n'arrive pas à cacher nos émotions. Le regard de tout être humain est comme une page qui n'attend qu'à se laisser déchiffrer par celles et ceux qui acceptent de la lire. Il est cette porte d'entrée qui nous conduit à l'essentiel de notre être, là où se trouve le fondement de notre fondement, c'est-à-dire notre pierre intérieure. Un peu comme si le Christ venait nous dire : « oui, toi aussi tu es pierre ». En nous, il y a comme un socle qui ne peut s'abîmer, se fracasser. Il est cette pierre angulaire qui nous ramène à cette part intouchable malgré notre fragilité qu'elle soit due à la maladie, à la mort d'un être cher, aux blessures de l'existence. En chaque créature humaine, il y a ce lieu intérieur qui nous confirme dans notre dignité et ce, qui que nous soyons, quoique nous ayons fait ou subi. Il y a de l'intact en nous, mieux encore du merveilleux divin. Cette part divine n'est pas à sous-estimer mais plutôt à reconnaître pour nous faire entrer dans la musique céleste de Dieu. Ne serions-nous pas inviter malgré ce par quoi nous passons à composer l'hymne de notre vie mais autrement ? Trop souvent, nous nous sentons submergés. Nous avons pu parfois ou encore maintenant avoir le sentiment de vivre l'existence au rythme effréné d'une société en quête de sens et qui n'arrive plus toujours à se trouver. Les lectures de ce jour viennent alors susurrer au creux de notre c½ur de prendre conscience de notre condition d'appelés à la vraie vie, celle qui se décline au temps de Dieu où le passé renforce le présent pour mieux entrer dans l'avenir céleste. Puissions-nous alors vivre chaque seconde comme cet hymne à la joie né au c½ur de la fragilité de celui qui l'a composé. Osons, nous aussi, découvrir cette musique du ciel et des anges, pétris de cette certitude que ce chemin est aisé puisque, grâce à la venue du Fils de Dieu sur terre, le ciel est dorénavant en nous. Tournons-nous alors vers notre pierre intérieure tout fragile que nous puissions être pour laisser le Père nous conduire vers une dimension éternelle de la Vie qui prend sa source dans la douceur de regards échangés. Que l'Hymne à la Joie devienne à son tour notre hymne intérieur.

Amen

2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Il y a dans cet évangile comme une série de cascades de transmissions une série de relais, en sorte que ce qui semblerait radicalement nouveau se trouve comme préparé en détail et ne surgit pas sans médiation, sans transition. Cela nous montre comment ce qui est divin est aussi tout à fait humain et se joue dans l'humain. Le spirituel pur n'existe pas, tout vient à 100% de l'homme et à 100% de Dieu. C'est comme cela dans notre vie aussi : question de regard, question d'attention pour s'en apercevoir. On peut certes tout analyser et réduire à des mécanismes physiques, sociologiques, psychologiques, chimiques, mais on peut aussi lire dans cette même réalité les chemins de Dieu, l'incarnation de l'amour de Dieu.

Les premiers disciples de Jésus étaient déjà disciples d'un autre grand personnage, le Baptiste. C'est lui qui leur indique leur nouveau maître spirituel. Il ne les garde pas de manière captative, pour avoir des gens sous son influence, pour avoir une sorte de miroir et exister plus intensément du fait d'être entouré. Jean Baptiste s'efface, c'est toute sa grandeur. C'est rare et c'est très beau. Il ne mesure pas son succès au nombre de ceux qui le suivent, il se comprend lui-même comme un relai. Il ne se met pas au centre, il n'est pas la lumière mais une lampe, il n'est pas la Parole, mais une voix... L'ami de l'époux se réjouit de la joie de l'Epoux.

Et ces disciples, à leur tour, en appellent d'autres pour qu'ils se joignent à eux. André est le tout premier, les orthodoxes se réfèrent à lui. Qui était le second ? Nul ne sait, peut être Jean. André appelle son frère Pierre. Il y a comme un effet de contagion, de diffusion, comme toujours parmi les hommes, le premier pas est le plus difficile.Tout est simple ici. Jésus ne s'impose pas, ne fait rien, ne dit rien.

Dans ce récit Jésus n'appelle pas, c'est lui qui est choisi et qui accueille. On nous dit simplement que Jean Baptiste « pose son regard sur lui » et, à la fin, Jésus à son tour « pose son regard » sur Pierre... Le regard, l'attention. Apprenons, nous aussi, à poser notre regard, à ouvrir les yeux, à savoir regarder, découvrir, nous émerveiller, attendre de l'autre quelque chose qui va venir. Regarder quelqu'un en sachant que c'est une personne qui promet... quoi ? On ne sait pas, mais une belle surprise tout au moins ! Adopter un regard de confiance... de silence aussi. Un regard qui n'est pas nécessairement celui d'un projet, d'un plan, d'une mission. Un regard de reconnaissance. « Tu es plein de potentialités. Tu peux devenir mon ami. »

Réciproquement, recevoir un tel regard, vous change, vous appelle à être, à devenir vous-même, à découvrir qui vous pouvez devenir dans une aventure qui s'inaugure... Simon change de nom ! Il devient Pierre, le roc, la base, le socle, l'appui.

« Que cherchez-vous ? » demande Jésus. Vous remarquerez que Jésus pose souvent des questions, beaucoup plus souvent qu'il ne propose de réponse. Il inverse les rôles. « Pour vous qui suis-je ? ». Il leur demande aujourd'hui : « que cherchez-vous ? » Il ne leur dit pas ce qu'il faut chercher. Sa pédagogie, c'est de rejoindre le mouvement même de ceux qu'il rencontre. Et c'est une grande question ! Savez-vous ce que vous cherchez ? Vous connaissez la blague : « Un chercheur qui cherche, cela se trouve, mais un chercheur qui trouve, cela se cherche ! » Nous sommes tous des chercheurs car nous sommes au fond de notre c½ur toujours insatisfaits. Mais nous ne savons pas toujours ce que nous cherchons. Nous cherchons autre chose, une autre forme de vie, de relation « la vraie vie est ailleurs, nous ne sommes pas au monde ! » écrivait Rimbaud...

« Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre c½ur est sans repos tant qu'il ne repose en toi » dit saint Augustin. Et il a bien raison : finalement nous sommes des chercheurs de Dieu mais nous ne le savons pas consciemment et nous ne savons pas non plus qui est Dieu. Il y a un manque, il y a un désir, mais il ne connaît pas son objet tant qu'il ne l'a pas rencontré. Cela explique pourquoi nous nous trompons souvent. Pourquoi nous allons en tâtonnant, de déception en déception, d'impasse en impasse, cherchant notre chemin.

Si quelqu'un dit qu'il a trouvé, nous sommes prêts à le croire et à l'imiter. Mais il arrive que l'on se trompe. Même les disciples se trompent. Nos disciples cherchent le Messie, et ils ne savent pas encore ce que sera le vrai messie. Ils passeront par l'épreuve du feu. Tout cela devra être purifié, remis en cause, retrouvé. Leur vocation elle-même passera par la Pâque, une forme de mort et de résurrection.

Comme me disaient de vieux dominicains, « on s'engage pour certaines raisons et l'on reste pour d'autres raisons... ». Autrement dit, avec le recul, on s'aperçoit que l'on avait de mauvaises motivations, ou tout au moins que nos motivations allaient être fortement purifiées. Mais peut-être il vaut mieux avoir de mauvaises motivations que pas de motivations du tout. Celui qui n'a pas de désir, celui qui ne cherche rien, est mort.

Il est intéressant de suivre le chemin de chacun. Jésus les rencontre là où ils sont. Les uns suivent Jean Baptiste et attendent le Messie, Mathieu, lui, est à son travail, comme publicain, il collecte l'impôt, d'autres seront à la recherche de nourriture, en train de pêcher. Les disciples d'Emmaüs attendent le grand chambardement révolutionnaire. Chacun rencontre Jésus au c½ur même de son attente, dans le prolongement de son désir. Jésus les rencontre là où ils sont mais il va les faire évoluer et les conduire ailleurs.

Je termine par quelques questions à méditer :

Quel est mon désir ? Quelle est mon attente ? Où se tournent mes regards ? Où donc puis-je reconnaître l'approche de Dieu dans mon histoire ? Quel est le chemin que Jésus m'amène à parcourir ?

32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2008-2009

La très longue montée de Jésus vers Jérusalem ( commencée en Luc 9, 51) a abouti : suivi de ses disciples, il fait une entrée triomphale dans Jérusalem, acclamé par la foule qui, accueillant un descendant de la famille royale de David, est persuadée que Jésus est le Messie et qu'il va déclencher l'insurrection générale contre les Romains. Mais très bizarrement, au lieu de foncer vers le palais de Pilate, Jésus entre dans le temple et se met à en chasser les vendeurs : " La maison de prière a été transformée en caverne de bandits"(19,46)- ce qui provoque la furie des Grands Prêtres bien décidés désormais à le supprimer.

Loin de fuir la menace qui pèse sur lui, Jésus chaque jour s'installe sur l'esplanade du temple et y enseigne. Saint Luc note que "tout le peuple, suspendu à ses lèvres, l'écoutait "( 19, 48). Mais à trois reprises, ses ennemis tentent de le déstabiliser.

Ces trois débats sont importants car ils font connaître quelles sont les grandes certitudes qui habitent Jésus à la veille de son exécution.

D'abord arrivent les grands prêtres et les scribes qui demandent à Jésus sur quelle autorité il s'appuie pour parler et agir comme il le fait. Jésus les remballe car ils ne veulent pas se prononcer sur la valeur du baptême de Jean-Baptiste. Par la parabole des vignerons, il montre qu'il a percé leur dessein : le tuer ; mais il les avertit qu'ils vont déchoir de leur rôle ( 20, 1-19)

Ensuite les mêmes lui envoient des indicateurs qui, après une entrée en matière flatteuse, le questionnent au sujet d'un problème grave : " Faut-il ou non payer l'impôt à César ?". La réponse de Jésus est célèbre : il distingue nettement les domaines : " Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu"?"(20, 20-26)

Survient la 3ème polémique, sujet de l'évangile du jour :

Alors s'approchent quelques Sadducéens, gens qui contestent qu'il y ait la résurrection.

En effet, le sort des défunts était demeuré très obscur dans la foi d'Israël pendant des siècles. C'est au milieu du 2ème siècle avant Jésus, lors d'une guerre qui avait causé beaucoup de victimes, que s'était dressée l'espérance. Si Dieu est juste, il ne peut permettre que ses fidèles et leurs ennemis aient le même sort : donc on pouvait croire que les morts pour la foi ressuscitent. LIRE la 1ère lecture avec la magnifique confession de foi des jeunes Juifs acceptant le martyr parce que persuadés que Dieu les fera vivre.

Mais le débat n'était pas clos : les grands prêtres avec le parti des Sadducéens refusaient cette croyance qui ne se trouvait pas dans la Torah, les cinq premiers livres de la Bible qui, pour eux, contenaient tout l'essentiel à croire. En s'appuyant sur une antique coutume écrite dans la Loi de Moïse ( Quand un homme meurt sans enfant, son frère doit épouser la veuve pour lui donner une descendance - Loi dite du lévirat : Deut 25, 5), ces hommes proposent à Jésus une histoire folle pour tourner l'idée de résurrection en ridicule :

Il y avait 7 frères. Le 1er prend femme et meurt sans enfant. Le 2ème épouse la veuve et lui aussi meurt sans enfant. Ainsi des 7. D'où la question finale : "Eh bien, cette femme, à la résurrection, duquel d'entre eux sera-t-elle la femme ^ puisque les 7 l'ont eue pour femme ?".

La réponse de Jésus comporte deux parties :

1. PAS DE MARIAGE DANS LE MONDE A VENIR

Jésus leur dit : " Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui auront été jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts ne se marient pas car ils ne peuvent plus mourir :

ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu".

C'est une erreur grossière d'imaginer l'autre monde sur le modèle du nôtre. La sexualité a pour but de prolonger la vie sur terre : tout couple mortel se donne une descendance. Mais dans "le monde-à-venir" (expression juive), chaque personne est vivante en soi, elle n'a plus besoin de trouver un partenaire pour se survivre dans l'enfant. Il n'y a plus de temps, plus de mort. Rien que l'amour éternel.

2 . CERTITUDE DE LA RÉSURRECTION

Jésus poursuit : "Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du Buisson ardent quand il appelle le Seigneur "le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob". Il n'est pas le Dieu des morts mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui" Contre les sadducéens, Jésus prend le parti des pharisiens et il affirme nettement la foi en la résurrection. L'argument, dit-il, peut même en être découvert dans la Torah, base unique de la foi sadducéenne : dans la scène du Buisson ardent, lorsque YHWH s'est révélé à Moïse dans le désert du Sinaï, il s'est présenté comme le Dieu personnel des trois Patriarches. Si Dieu conclut une Alliance avec eux, il ne peut les abandonner à la mort puisqu'il est juste !

Sinon la mort serait plus puissante que Dieu. Et Dieu ne serait pas Dieu. Dieu est un Vivant, il donne sa Vie, la Vie éternelle aux croyants.

Il y avait là dans l'auditoire quelques scribes du parti des pharisiens et évidemment, eux, ils applaudissent Jésus :

Quelques scribes prenant la parole dirent :" Maître, tu as bien parlé".

Et on n'osait plus l'interroger sur rien.

CONCLUSION :

Ces trois débats soulignent donc les certitudes de Jésus, ce qui l'anime alors même qu'il sait qu'il va mourir. Ces assurances doivent être les nôtres si nous voulons être ses témoins même au prix de notre vie.

1) Il sait qu'il est "le fils bien-aimé du Père" (20, 13) et pas seulement un prophète ; il a autorité pour enseigner et accomplir son dessein ; certes ses ennemis vont le tuer mais du coup ils seront dépossédés de l'héritage, lequel passera dans toutes les nations. Jésus se voit comme la pierre d'angle sur laquelle s'édifiera sa nouvelle communauté ouverte à toutes les nations (20, 17)

2) Jésus ne vient pas réaliser une révolution politique, fonder une nation parmi les autres : que César continue à exercer son pouvoir mais sans jamais bafouer les droits de Dieu.

3) Et enfin si Jésus prévoit sa fin prochaine (ses ennemis se dévoilent), il est absolument sûr que la mort n'est pas anéantissement. Il ressuscitera et ainsi il permet à ses disciples d'accepter, eux aussi, de mourir pour lui afin de retrouver, comme Lui et avec Lui, une Vie nouvelle, éternelle, qui dépasse tout imagination.


3e dimanche de Carême, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Jn 2:13-25

Un gentleman avait tué un homme : la justice ne le soupçonnait pas, mais les remords le faisaient errer tristement. Un jour, comme il passait devant une église anglicane, il lui sembla que le secret serait moins lourd s'il pouvait le partager ! Il entra donc et demanda au pasteur d'écouter sa confession. Celui-ci répondit prestement : « Mais certainement : ouvrez-moi votre c½ur, vous pouvez tout me dire comme à un père ». L'autre commença : « J'ai tué un homme ». A l'instant même, le pasteur fut pris d'une violente colère et bondit en prenant le pénitent par le cour. « Et c'est à moi que vous venez dire cela ! Misérable assassin ! Votre présence souille la maison de Dieu. Il n'est pas question de vous garder une minute de plus sous ce toit habité de la présence divine ». Il le jeta hors de son église et l'homme s'en alla tristement. Quelques kilomètres plus loin, il vit, près de la route sur laquelle il marchait, une église catholique. Un dernier espoir le fit entrer et il s'agenouilla dans le confessionnal. Il devina dans l'ombre le prêtre qui priait, la tête dans ses mains. « Mon père, dit-il, je ne suis pas catholique, mais je voudrais me confesser à vous. » « Mon fils, je vous écoute », reprit le prêtre. « Mon père, j'ai assassiné ». Il attendit l'effet de l'épouvantable révélation. Dans le silence auguste de l'église, la voix du prêtre dit simplement : « combien de fois, mon fils ? ». Nous pourrions nous interroger sur la colère du pasteur ? Pourquoi une telle réaction ? Pourquoi si peu de miséricorde dans le chef d'un homme de Dieu ? Quelles émotions négatives l'ont-elles traversé ? C'est vrai, il y a tant de colères qui peuvent se vivre : celle face à l'injustice des situations auxquelles nous pouvons être confrontées comme la perte d'un emploi, la disparition d'un être cher, le surgissement d'une maladie douloureuse, la trahison d'un être aimé. Il y a également les colères à grands cris et puis celles qui se disent dans le silence et le calme. Ces dernières sont souvent plus difficiles à vivre car elles nous désarçonnent par leur froideur. Il y a aussi des colères colorées : une colère noire ou l'expression « il est rouge de colère ». Puis, il y a la colère divine, c'est-à-dire une colère bien spécifique lorsqu'un homme, une femme se perd sur un faux chemin, se détourne de sa vocation première, quitte le champ de la vérité intérieure. Ne serait-ce pas la colère de l'évangile que nous venons d'entendre ? Dieu le Fils se met en colère et cette dernière est même assez violente dans ses mots et ses gestes. Le Christ ne peut tolérer que le sens premier du Temple soit dévié, que les autorités osent manipuler les plus faibles. Le Temple est le lieu par excellence de la rencontre avec Dieu. Il est l'expression de la Vérité divine qui ne peut tolérer aucun marchandage. S'il en est autrement, la seule réponse est alors cette colère. Personnellement, cela me rassure de me dire que Dieu peut se mettre en colère. S'il se l'autorise, alors j'estime que, si cela s'avère nécessaire, je puis également laisser place à ce type de sentiment. Oui, la colère peut nous envahir face à ces situations injustes. Ne la réfrénons pas. Laissons-lui toute sa place et crions-la. D'une certaine manière, à l'instar de Job, Dieu nous autorise à la laisser éclater pour que nous puissions nous libérer de nos incompréhensions, de ces sentiments négatifs qui nous assaillent jusqu'à parfois nous faire trébucher, voire tomber. Toutefois, la colère n'a pas de finalité en elle-même. Elle ne peut être qu'un moyen, un mode d'expression nous permettant d'entrer ainsi dans une nouvelle dimension de notre être, à devenir capables d'écrire une nouvelle page de notre histoire. Lorsque la colère nous libère, elle ouvre en nous un espace nous conduisant vers une réconciliation intérieure permettant à ce qu'une paix profonde nous envahisse. Telle est l'annonce de ce nouveau temple dont parle Jésus. Dieu ne peut se satisfaire de nos offrandes, il attend plutôt le don de notre vie au service de tous ceux et celles qui ont été fragilisés et en qui il se révèle de manière plus forte encore. Depuis cet événement où ces marchands ont été chassés du Temple, depuis l'entrée dans le mystère de ce nouveau Temple qu'est le Christ, nous sommes devenus aujourd'hui encore le temple habité de l'Esprit Saint. Notre temple intérieur peut également parfois être encombré de tant de choses qui nous détournent de notre destinée. Que ce temps de Carême offert, nous donne l'occasion de nous réconcilier avec nous-mêmes afin de participer mieux encore autour de nous à l'élaboration d'un monde de paix et de joie. Laissons advenir Dieu en chacune et chacun de nous par le biais de la Vérité puisque celle-ci nous ouvre à l'existentiel d'une Vie offerte au don de soi dans l'Amour.

Amen

3e dimanche de Carême, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Comme il l'avait décidé, Jésus, suivi de ses disciples, pénètre dans Jérusalem. Et d'emblée il cause un esclandre tellement grave qu'il va provoquer une hostilité qui le conduira à la mort : il chasse les marchands du temple. En fait, nous ne lisons pas aujourd'hui la version de Marc qui, comme Matthieu et Luc, situe la scène au dimanche des Rameaux mais celle de Jean qui a anticipé la scène en la remontant tout au début du ministère de Jésus parce que, pour lui, c'est dès l'origine qu'a éclaté le conflit entre Jésus et les autorités religieuses.

Le roi Hérode (mort 4 ans avant la naissance de Jésus) - despote odieux et grand bâtisseur - avait lancé un gigantesque programme de travaux de réfection du temple avec notamment une extension de la superficie de l'esplanade où se rassemblait le peuple. Les grands prêtres y avaient organisé l'installation de marchands d'animaux destinés aux sacrifices et de changeurs d'argent puisque les pèlerins devaient offrir dons et tribut en monnaie locale. Caïphe et ses collègues en retiraient de très plantureux bénéfices ! Beaucoup trouvaient cette foire inadmissible dans ce lieu sacré. Jésus a décidé de s'y attaquer - à ses risques et périls : il est toujours gravissime de s'attaquer au portefeuille des riches !!

Comme la pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva installés dans le temple les marchands de b½ufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes et les chassa tous du temple ainsi que leurs brebis et leurs b½ufs. Il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs et dit aux marchands de colombes : " Enlevez cela d'ici. Ne faites pas de la Maison de mon Père une maison de trafic".

Contrairement aux représentations de certains peintres, il ne faut pas imaginer Jésus fouettant impitoyablement des commerçants avides de profits et exploitant la piété de leurs compatriotes. En effet, on ne dit pas qu'il est en colère, il ne fouette que quelques animaux et il ne traite pas les marchands de voleurs. Comme toujours saint Jean a saisi la symbolique profonde de la scène.

L'événement survient à l'approche de la Pâque et quelques jours seulement après le baptême de Jésus dans le Jourdain : ces fêtes vont faire comprendre la signification de l'action de Jésus.

1) Dieu s'est adressé à lui comme à son "Fils bien-aimé" : il doit donc veiller à la sainteté du temple qui est bien "la Maison de son Père". En tant que Fils, il peut y entrer en maître et en chasser tout ce qui le profane.

2) Jean-Baptiste l'a désigné comme l'"agneau de Dieu qui enlève le péché du monde" : il n'est donc plus besoin de poursuivre des sacrifices d'animaux lesquels sont totalement impuissants à purifier les hommes de leurs fautes. Jésus doit être l'agneau pascal dont l'immolation permettra le véritable et définitif exode - c.à.d. le pardon définitif des péchés, donc la sortie du monde du mal pour nous permettre d'entrer dans le Royaume de Dieu.

3) L'Esprit de Dieu est descendu sur lui "tel une colombe" - donc il faut libérer les colombes prisonnières et procéder à un lâcher comme signe de l'arrivée du Dieu de la paix à Jérusalem.

4) Enfin il faut arrêter tout ce trafic d'argent qui donne l'impression d'une religion commerciale où l'on achète les bienfaits de Dieu "donnant-donnant". Voici venu le temps de la grâce gratuite : le pardon va être réalisé par la croix, l'Esprit sera communiqué, les croyants vivront la communion de vie avec Dieu. Il n'y a plus rien à payer !!

5) Il est inadmissible que le haut clergé organise un trafic pour s'engraisser et bâtir des fortunes.

6) Dès lors le temps des marchands du temple est clos - comme le prédisait un ancien Prophète :

"En ce jour-là... le Seigneur se montrera le roi de toute la terre.....Il n'y aura plus de marchand dans la Maison du Seigneur en ce Jour-là" ( Zacharie 14, 21).

LE NOUVEAU TEMPLE

L'intrusion de Jésus provoque l'effervescence. De quel droit cet inconnu de Galilée se permet-il de jeter une telle pagaille ? Entend-il réaliser cette prophétie ? On se rassemble autour de Jésus afin qu'il justifie son action :

Les Juifs l'interpellent : " Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ?". Jésus leur répond : " Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai". Ils répliquent : " Il a fallu 46 ans pour bâtir ce temple et toi, en trois jours, tu le relèverais ?!?...".

On comprend la stupéfaction de ces hommes : cette déclaration de Jésus semble aberrante, elle n'est compréhensible pour personne, pas même les disciples. Néanmoins Jésus n'explique rien, la scène se termine sur cette énigme.

Mais S. Jean, quelques années plus tard, peut en donner le sens profond :

Mais le temple dont il parlait, c'était son corps ! Aussi quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela : ils crurent aux prophéties de l'Ecriture et à la parole que Jésus avait dite.

Voici un thème très important : la mémoire. Beaucoup d'actes et d'enseignements de Jésus sont, sur le moment même, demeurés opaques, obscurs Ce qu'il faisait et disait était tellement éloigné des conceptions partagées par le peuple qu'on n'en voyait pas le sens. Mais plus tard, quand Jésus mort en croix fut ressuscité, l'Esprit-Saint illumina les disciples et leur fit saisir la signification extraordinaire de ce qu'ils avaient vécu et entendu sans comprendre. Jésus l'avait promis :" "L'esprit-Saint que le Père enverra en mon Nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit" ( Jean 14, 26). Grâce à lui, enfin on comprenait : en croix Jésus avait été l'agneau de la pâque : le pardon était accordé, on était réconcilié avec Dieu. Ressuscité il était devenu le véritable temple, le lieu de la Présence divine, la Demeure spirituelle de Dieu où les disciples, par la foi, pouvaient pénétrer en devenant des pierres vivantes, des membres de son Corps. C'est pourquoi le splendide temple de marbre et bois précieux pouvait disparaître : et en effet, en répression à la révolte juive, les Romains le détruisirent en l'an 70.

En christianisme, il n'y a plus de centre sacré où il faudrait se rendre en pèlerinage : "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ?" ( 1 Cor 3, 16 )

Le Pouvoir et la Puissance financière manigancent toujours pour, disent-ils, soutenir la religion mais en fait pour l'utiliser à leur service. On offre des bâtiments somptueux, on comble de subsides sous les apparences de la piété !.... Que l'Eglise prenne garde de ne pas redevenir "maison de trafic". Qu'elle reste libre !!! Contrairement à la société marchande, l'Eglise doit être le lieu de la gratuité totale, l'espace où, à la suite de Jésus, l'on disperse l'accumulation périlleuse de l'argent, le lieu où s'arrêtent les pouvoirs des banques. Le culte ( le rapport à Dieu) doit être d'une pureté transparente.

Le carême est temps de l'approfondissement de la foi par une mémoire plus vive. Rappelons-nous tel événement de notre passé ou tel passage d'Ecriture qui nous ont paru incompréhensibles : éclairons-les aujourd'hui par la croix et la résurrection. Vous allez voir un sens nouveau apparaître : tout s'éclaire avec Pâques grâce à l'Esprit.

Jésus n'a pas lancé d'anathème sur le monde païen pervers, ni menacé les pécheurs : il était passionné par la pureté de sa religion, se voyait responsable de l'état des lieux saints. Tâche périlleuse car les profiteurs renâclent à abandonner leurs privilèges. Plutôt que de nous plaindre des péchés du monde, en carême, acceptons que notre Seigneur nous purifie, enlève de nos vies tout ce qui défigure la foi. Travaillons avec lui pour une Eglise humble et sobre.

3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Jn 1:6-28

Comme Jean, être le témoin du Christ

Comme dimanche passé, nous retrouvons Jean le Baptiseur, cette fois présenté par saint Jean, l'évangéliste. Pour celui-ci, Jean (en hébreu, IOHANAN= "Dieu fait grâce") est surtout un TEMOIN DE JESUS : il le présente ainsi d'emblée en l'insérant dans le fameux Prologue qui ouvre son Evangile : ....Il y eut un homme, envoyé par Dieu. Son nom était Jean. Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n'était pas la Lumière. Mais il était là pour lui rendre témoignage.....

Après cette introduction, Jean commence l'histoire de Jésus :

Voici quel fut le témoignage de Jean quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander :
Qui es-tu ? - - Je ne suis pas le Messie.
Qui es-tu donc ? Es-tu le prophète Elie ? - - Non !
Alors es-tu le grand Prophète ? - - Ce n'est pas moi.
Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyé. Que dis-tu sur toi-même ?
Je suis la voix qui crie à travers le désert : "Aplanissez le chemin du Seigneur" comme a dit le prophète Isaïe. Certains envoyés étaient des pharisiens ; ils questionnent encore :
Si tu n'es ni le Messie, ni Elie, ni le Grand Prophète, pourquoi baptistes-tu ?
Moi, je baptise dans l'eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. C'est lui qui vient derrière moi et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale." Tout cela s'est passé à Béthanie de Transjordanie, à l'endroit où Jean baptisait.

Le lieu de l'action est remarquable : sur l'autre rive du Jourdain, donc hors Israël. C'est là que se sont présentés jadis, lors de l'exode, les esclaves hébreux quittant l'Egypte ; là aussi qu'arrivèrent les rescapés de l'exil à Babylone 6 siècles auparavant. En se postant "au-delà", sur l'autre rive, Jean oblige donc les Juifs à sortir de leur pays, à le rejoindre, puis à y rentrer en plongeant dans les eaux. Il s'agit donc du 3ème passage. Cette fois-ci, on ne revient pas de l'étranger pour entrer en terre sainte : on doit accepter de quitter Israël pour y pénétrer. Démarche symbolique : comment enfin réussir à entrer dans le Royaume de Dieu ?...N'y faut-il qu'un changement de lieu ?...

L'INTERROGATOIRE DU TEMOIN

L'Evangile de Jean - qui au fond constitue un incessant procès contre Jésus- commence donc par une grande scène d'interrogatoire : Jean est mis à la question par les autorités religieuses gardiennes du temple comme plus tard Jésus le sera lui-même devant Caïphe et le Sanhédrin. En effet c'est par les rites officiels effectués dans le temple de Jérusalem, grâce à des offrandes et des sacrifices d'animaux, que l'on pouvait espérer et obtenir le pardon. De quel droit ce Jean ( connu sans doute comme un fils de prêtre) prétend-il opérer la purification des pèlerins par ce rite d'eau ?...

Jean , très humblement, l'avoue lui-même : il n'est ni le Messie attendu, ni Elie ni le Prophète dont les Ecritures annonçaient la venue à la fin des temps . Peu importe son identité, son âge, sa formation : il refuse que rien de sa personne attire la moindre attention. Humilité impressionnante dans notre monde où le culte de la personnalité, l'idolâtrie des vedettes atteint des sommets de vanité !

Jean n'est qu'une VOIX qui reprend le cri que le prophète Isaïe ( le 2ème comme disent les spécialistes) lançait aux exilés judéens en Babylone, en 536 ans avant notre ère : "N'ayez crainte, réjouissez-vous, faites vos bagages et revenez sur votre terre : notre Dieu va vous apparaître et il vous guidera comme un berger son troupeau "( Isaïe 40). Car pas plus que l'Exode des esclaves, le retour des exilés à Babylone n'a réussi : en dépit des bonnes intentions et de l'enthousiasme des pionniers, Israël n'a cessé de désobéir à son Dieu, il n'a pu réussir à construire une société dont le Décalogue traçait l'idéal. Les rois n'ont pas établi le droit et la justice, les petits et les faibles ont été écrasés par les puissants. Conséquence : les païens ont envahi la terre. Et Rome la prestigieuse écrase le peuple élu d'une poigne de fer, centre d'un empire que rien, semble-t-il, ne pourra ébranler.

Mais Jean est lucide : il sait que lui-même, pas plus qu'Elie ou Isaïe, ne réussira à établir le Royaume de Dieu. Son baptême à lui, le changement de lieu, le pèlerinage en terre sainte, les cérémonies du temple, les bonnes volontés, les paroles des prophètes et des prédicateurs,...pas plus que les programmes politiques, les décisions socio-économiques, les serments et les contrats et les engagements et les sciences... :RIEN NI PERSONNE n'a pu ni ne pourra inaugurer le Règne de Dieu.

SAUF JESUS LE MESSIE...CELUI QUI VIENT DERRIERE JEAN ... LE FILS DE DIEU ... LUI SEUL A L'ESPRIT ...LUI SEUL PEUT LE DONNER ... LUI SEUL PEUT CHANGER LES C¼URS... C'EST A LUI QU'IL FAUT SE DONNER ...CAR SES PAROLES SONT ESPRIT... UNE EGLISE INTERPELLEE Aujourd'hui, en Occident, l'Eglise est à nouveau mise à la question. On l'accuse de vouloir imposer sa puissance, d'arrêter le progrès, d'enrôler les âmes. De quel droit intervient-elle sur la scène publique et interdit-elle des pratiques que l'on estime normales ?...On parle même d'une "chistophobie", d'une "allergie" à toute parole chrétienne car dans certains milieux il est inacceptable que l'on parle encore de la religion chrétienne.

Pourquoi nous en étonner ? Jésus n'a-t-il pas prévenu ses disciples :

" Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups...Prenez garde aux hommes : ils vous livreront aux tribunaux..." (Matt 10, 16) " Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous...Tout cela ils le feront à cause de mon Nom"( Jean 15, 18)

Mais St Pierre écrivait : " Si l'on vous outrage pour le nom du Christ, Heureux êtes-vous !"( 1 Pi 4, 14).

Comme Jean Baptiste, nous sommes des TEMOINS qui avons à rendre compte de notre foi. A son exemple, ne présentons pas une carte de visite chargée de titres ronflants pour nous valoriser : "Eminence...Sa Grandeur...Révérendissime... Ministre extraordinaire...". Ne soyons pas une Eglise qui se met en avant, qui table sur ses grandeurs, qui s'appuie sur la force, la fortune et le prestige.

N'être qu'une VOIX humble qui ne défend pas son honneur personnel.

Une VOIX audacieuse qui sans arrêt appelle à préparer le chemin du Seigneur, c'est-à-dire à adopter d'autres pratiques, à changer de comportement.

Une VOIX joyeuse surtout qui annonce la venue du Christ, du Fils qui nous plonge dans sa mort pour que nous soyons pardonnés, qui nous donne son Esprit afin que nous soyons des enfants de Dieu.

La VOIX assurée du témoin qui, devant le tribunal du monde, prie pour que les hommes découvrent CELUI QUI EST AU MILIEU D' EUX ET QU'ILS NE RECONNAISSENT PAS.

3e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

La levée de l'excommunication des évêques intégristes, puis les propos négationnistes de l'un d'eux, puis l'avis péremptoire d'un évêque brésilien sur l'affaire de la gamine avortée, puis la déclaration du pape à propos du sida et du préservatif en Afrique : cette cascade d'événements a provoqué une fameuse tempête. Certains médias se déchaînent, les avis les plus violents se font entendre et on parle d'une crise très grave de l'Eglise. Certes il est normal que le peuple chrétien s'exprime haut et clair et qu'éventuellement, il ose désavouer certains propos au moins maladroits de ses responsables. Il est sain qu'il y ait une opinion publique franche. Mais il l'est moins que certains catholiques déchargent leur fureur contre l'Eglise et demandent à leurs évêques d'être "débaptisés" !!?... A l'encontre de cette demande d'"ex-communion" ( !!), il est intéressant d'écouter l'évangile de ce jour.

LE RESSUSCITE REVIENT VERS NOUS QUI L'AVONS TRAHI

Les disciples rentrant d'Emmaüs racontaient aux 11 apôtres et aux compagnons ce qui s'était passé sur la route et comment ils avaient reconnu le Seigneur quand il avait rompu le pain. Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d'eux et il leur dit : " La Paix avec vous". Frappés de stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : "Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées en vous ? Voyez mes mains et mes pieds : c'est bien moi. Touchez-moi, regardez : un esprit n'a pas de chair ni d'os et vous constatez que j'en ai"..

Voilà donc devant lui les hommes qu'il avait appelés à le suivre, qui avaient partagé sa vie pendant des années, qu'il avait mis en garde, qui lui avaient promis de donner leur vie pour lui et qui s'étaient enfuis comme des lâches dans la nuit à Gethsémani. Voilà Pierre, le téméraire, qui, à quelques mètres de son maître prisonnier dans la cour du tribunal, avait juré par trois fois ne pas le connaître. Les voilà tous, piteux, misérables, honteux !

Jésus les retrouve. C'est lui qui prend l'initiative de revenir vers eux. Et il ne les rejette pas pour les remplacer par une autre équipe. Et, magnanime, il ne les accable pas, ne les foudroie pas. Et, tout au contraire, il les regarde avec tendresse et s'il leur montre ses plaies, ce n'est pas du tout à notre façon rancunière et rageuse (" Regarde un peu ce que j'ai subi ! Dis : n'oublie pas le mal que tu m'as fait").

Lui, l'ancien crucifié, leur parle avec douceur : "Voyez mes plaies. Ces souffrances atroces que j'ai subies, je ne vous les reproche pas ; la Croix, c'est pour vous que je l'ai acceptée. Les plaies de mes mains et de mes pieds ne sont pas cause de votre condamnation mais de votre rachat. Vous m'avez laissé aller à la mort : je reviens vous apporter la vie. Vous n'avez pas eu pitié de moi : moi j'ai pitié de vous. Vous n'avez pas su m'aimer jusqu'au bout : moi, je vous ai aimé dans ma mort et vous aime encore au-delà de ma mort. PAIX A VOUS ".

Lors de nos pauvres liturgies, le dimanche, comment écoutons-nous ces appels : " La Grâce du Seigneur soit avec vous" ou "La Paix soit avec vous" ?...

Sont-ce des formules ressassées, entendues dans l'indifférence, ou même pas remarquées ? Ou comprenons-nous ce merveilleux cadeau qui nous est offert sans mérites ?...

La Paix avec vous : la croix a été vécue pour réaliser ce but. Pour créer un peuple qui est réparé, refondé, restitué par la Miséricorde divine. Pour rassembler des gens qui reconnaissent leurs fautes et qui explosent de joie parce que le pardon de Dieu leur est à chaque fois accordé. Pour faire une Eglise !

Toute la semaine, chez nous et ailleurs, nous nous jugeons avec sévérité : les autres remarquent nos manquements, soulignent nos gaffes ; et nous-mêmes nous nous en voulons de nos erreurs, pleins de ressentiment de ne pas correspondre à notre idéal.

Au moins, quelque part - à l'église - il y a quelqu'un qui, chaque fois, sans se lasser, nous accueille avec bonté, qui ne croit pas se valoriser en écrasant les autres, qui nous regarde sans nous jeter le passé en pleine figure, sans nous obliger à nous aplatir de honte.

Mais pour cela, il nous faut oser contempler les plaies du Christ avec attention. Ne pas vouloir un Ressuscité qui n'aurait pas d'abord été un crucifié - tels certains qui voudraient que l'Eglise soit un peuple parfait et qui s'en vont en claquant la porte dès qu'ils remarquent une erreur, un échec, un malentendu, une brisure.

Sur la route de la terre, l'Eglise se traînera toujours en haillons parmi les épreuves inévitables et nous ne pourrons jamais chanter des alléluias qu'avec des voix discordantes : Oui je t'ai trahi, Seigneur, et mes frères autour de moi également. Et pourtant tu nous montres tes plaies pour que nous sachions y voir la source unique de notre pardon. Voilà le sang qui, seul, permet la communauté. Je jugeais mes frères, et moi-même je me croyais meilleur ou, parfois, un moins que rien : tu nous révèles notre valeur divine puisque, pour chacun de nous, un Dieu a accepté de mourir ! Si tu es au milieu de nous, nous ne pouvons que nous accepter les uns les autres.

UNE GRANDE LECON D'EXEGESE

Nullement choqué par le scepticisme de ses disciples qui n'en reviennent toujours pas, Jésus poursuit :

Jésus déclara : " Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous : il fallait que s'accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi, les Prophètes et les Psaumes". Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Ecritures. Il conclut : " C'est bien ce qui était annoncé par l'Ecriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d'entre les morts le 3ème jour et la conversion proclamée en son Nom pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C'est vous qui en êtes les témoins".

Le temps pascal est propice à une relecture des Ecritures, à une nouvelle interprétation. En effet comme les premiers apôtres qui n'avaient retenu que les prophéties annonçant un Messie puissant et vainqueur, nous sommes portés à opérer un tri, à ne garder que les passages consolants, agréables, faciles. Nous aimons nous retrouver entre "bons pratiquants" bien élevés, apparaître comme une Eglise respectable, nombreuse dont le monde écoute les avis avec attention. Et voilà que nous sommes un petit groupe minoritaire, objet de vexations, considéré avec dédain par le monde qui se soucie de l'Eglise comme d'une guigne ! Demandons au Seigneur de nous ouvrir à une lecture intégrale de ses paroles afin de voir la croix avec toute son horreur inéluctable, d'entendre tous les appels à la conversion qui parsèment les Ecritures, d'obéir à l'obligation de l'humilité, du service, du partage, du pardon, d'accepter toutes les annonces de persécutions.

La valeur de l'Eglise n'est que dans la présence invisible de Celui qui est au milieu d'elle pour lui pardonner et la conduire vers plus de fidélité. Alors, bouleversée, remise dans la vérité, elle peut, elle doit, annoncer la Bonne Nouvelle de la Miséricorde parce que, elle, la première, en a été bénéficiaire.

R. Devillers - dominicain Tél. et Fax : 04 / 2 23 51 73 courriel : resurgenceslg@gmail.com

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