Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

Mt 2:1-12

Il était arrivé fatigué. Il avait également fait le voyage à pieds mais en partant de l'Ouest. Il est vrai que de Bioul-lez-Warchin, au c½ur du Condroz, jusqu'à Bethléem, il y en a des kilomètres. Il observait par l'entrebâillement de la porte mais n'osait pas entrer. Les trois autres, ceux venus de l'Est, venaient juste de repartir. Il faut dire qu'ils avaient laissé de superbes cadeaux aux pieds de l'enfant-Dieu. Il était là et attendait maintenant sans doute un geste. Les yeux de Jésus croisèrent alors son regard et ses mains lui firent signe d'approcher. Notre mage wallon décida d'entrer dans la pièce. Il regarda tout penaud l'enfant. Qu'y a-t-il ? Je n'ai rien à t'offrir si ce n'est d'ouvrir mon c½ur comme les mages viennent d'ouvrir leurs coffrets. Chez moi, dans mon village, je suis un artisan céramiste mais les gens n'aiment pas beaucoup mes ½uvres. Donne m'en alors une, supplia l'enfant. J'aime recevoir ce que les autres rejettent car je vois ce qu'ils ne peuvent parfois même pas percevoir. Hélas, durant le voyage, j'ai brisé la statuette que je voulais te donner, reprit le mage. Elle est en plusieurs morceaux. Mais c'est justement pour cela qu'il faut que tu me la donnes, souligna Jésus. J'aime recevoir ce qui a été brisé, déchiré, abîmé parce qu'avec moi et en moi, les gens s'ils le désirent peuvent retrouver leur unité et leur dignité. Enfin, laisse-moi ta valise. Impossible, reprit le mage, je n'avais pour seul bagage durant ce voyage que tout l'amour que j'ai donné et tout l'amour que j'ai reçu. Justement, reprit l'enfant Dieu, c'est pour cela que je souhaite le recevoir. Tout amour déposé en moi est multiplié, amplifié à la mesure de l'amour infini de mon Père qui vit dans les Cieux. En ouvrant de la sorte son c½ur, le mage déposa tout cela aux pieds de l'enfant dont le visage s'illumina d'un sourire aux mille étoiles. Il repartit vers son pays tout léger et tout heureux d'avoir dorénavant en lui cet enfant Dieu qui ne demandait qu'à être visité pour lui offrir ce qui lui ferait tant de bien. Voilà, sans doute un des paradoxes de cet événement de l'Epiphanie. En effet, très souvent dans la vie, lorsque nous faisons un cadeau, nous cherchons d'abord à faire plaisir à celle ou celui qui va la recevoir. Il nous arrivera même parfois d'offrir quelque chose que nous n'aimons pas tout simplement pour le plaisir de l'autre. Nous pouvons alors être envahis de sentiments ambigus. Si le cadeau est un peu le prolongement de moi-même et dit quelque chose de l'affection que j'éprouve pour la personne à qui je le donne, il n'est pas toujours aisé d'offrir quelque chose que nous n'aimons vraiment pas comme par exemple un cd de musique d'un groupe contemporain qui se dit musicien alors que pour nous ce n'est que du bruit à devoir supporter. Puis, il y a aussi les cadeaux qui nous font mal, qui nous blessent car nous ne nous sentons pas respectés, aimés pour qui nous sommes. Ils sont un peu comme ces annonceurs de mauvaises nouvelles avec lesquels nous avons l'impression que le monde s'écroule sous nos propres pieds. Nous sommes complètement désemparés et il nous faut alors laisser le temps au temps pour pouvoir continuer d'avancer sur le chemin de notre vie. Heureusement pour nous, il en va tout autrement avec l'événement de la crèche. Cette fois, nous ne venons pas déposer devant lui ce qui ferait plaisir à l'enfant Dieu. Non, c'est tout le contraire qui nous attend. Le Fils nous invite à venir à lui pour offrir ce qui d'abord nous fera du bien à nous, c'est-à-dire à ouvrir notre coeur. Il se réjouit de notre réconciliation avec nous-même. Il nous fait prendre conscience que quelle que soit notre situation de fragilité, de blessure intérieure, de maladie envahissante et pernicieuse, nous pouvons nous rendre auprès de lui pour les déposer en lui. Cela nous demande un chemin intérieur de partir à sa rencontre au creux de nous-même là où réside l'indicible. Il porte alors avec nous tout ce qui nous encombre et grisonne notre avenir. Non pas pour le transformer de manière magique et radicale mais plutôt pour nous aider à trouver, retrouver notre dignité d'homme ou de femme. Il nous fait ainsi découvrir que quoique nous traversions nous sommes toujours des être dignes même si nous ne le ressentons plus toujours. Puissions-nous chacune et chacun venir à notre tour déposer auprès de Dieu tous ces cadeaux qui nous feront du bien et nous permettront encore et toujours d'avoir du prix à nos propres yeux. L'enfant Dieu en ce jour de l'Epiphanie nous tend ses bras pour que nous lui offrions tout simplement qui nous sommes en tout vérité, en toute lucidité. Dieu nous aime tels que nous sommes et nous demande de nous offrir à lui pour qu'il puisse mieux encore s'offrir à nous. Venons, dépêchons-nous, offrons-lui et déposons auprès de lui dans le silence de notre c½ur tout ce qui nous fera du bien pour avancer sur le chemin de la vie, une vie qui nous est promise pour l'éternité. Vivons ce don merveilleux et à notre tour, repartons d'ici par un autre chemin d'intériorité.

Amen

Epiphanie

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

Mt 2:1-12

Pendant des siècles, les Evangiles ont été lus de façon simple, ils étaient crus au premier degré. Avec l'esprit critique, l'interrogation historique s'est acérée et l'homme moderne se demande toujours "si cela s'est bien passé comme c'est écrit ?" Ainsi la T.V. vient de nous présenter un documentaire qui scrutait la "réalité" de l'histoire des mages que nous fêtons aujourd'hui. Trop de croyants sont déstabilisés et craignent d'avoir été victimes de superstitions. Or la critique moderne nous conduit à une lecture vraie.

Il importe tout d'abord de revenir au texte original et d'éliminer les traits légendaires qui s'y sont ajoutés : Matthieu ne parle pas de "rois", ne précise ni leur nombre ni leur nom, n'évoque pas un impressionnant cortège de chameaux avec soldats et esclaves. Tout cela fait partie de la légende.

Ensuite il faut essayer de comprendre le sens profond de ce récit et voir comment il nous atteint. A quoi servirait de trouver la date de l'apparition de cette mystérieuse étoile si moi, aujourd'hui, je ne découvre pas l'étoile qui est le Christ de mon existence ? Pour actualiser le texte, on peut le lire comme une illustration du grand problème - très moderne - des rapports de la raison et de la foi.

LE GRAND LIVRE DE LA NATURE

Les mages ne sont pas des rois mais les savants de l'époque. En Mésopotamie, en Arabie comme en Egypte et en Grèce, il y avait des observateurs qui scrutaient le ciel pour y déceler les messages des dieux et comprendre les signes avertisseurs de l'avenir. Tous les grands événements (fondation d'une ville nouvelle, déclaration de guerre, naissance du prince héritier) devaient être référés au ciel afin que tout se déroule selon la volonté des dieux. Et la majesté des astres en faisaient des dieux que l'on adorait. Depuis longtemps, nous avons appris à séparer astronomie et astrologie, recherche scientifique et divination hasardeuse. Une nuée de savants scrutent le ciel avec l'aide d'extraordinaires moyens techniques : grâce aux télescopes géants et aux navettes spatiales, nous pénétrons de plus en plus profondément dans les secrets du monde, nous remontons jusqu'aux origines de l'univers. Pour les croyants, ces découvertes provoquent la reconnaissance d'un Dieu Créateur et conduisent à l'adoration émerveillée. "Les cieux racontent la Gloire de Dieu ; le firmament proclame l'½uvre de ses mains" (psaume 18)

Mais l'univers continue de poser la question de son sens pour nous. Il ne suffit pas de préciser son âge et de percer ses lois : nous avons besoin de nous tourner vers l'avenir.

Où allons-nous ? L'histoire n'est-elle qu'"une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien" ( Shakespeare) ? Sommes-nous enfermés dans l'éternel retour des choses, condamnés à accepter la loi de la jungle, la victoire des puissants ? Devons-nous nous résigner à l'injustice régnante, à l'écrasement des plus faibles en attendant la chute dans le néant ?

La tyrannie du mal et l'obscurité de l'avenir posent des questions auxquelles il est impératif de répondre. Y a-t-il ou non une clarté dans notre nuit ? Où trouver la réponse ?

Bref LE LIVRE DE LA NATURE nous émerveille et nous intrigue : nous restons "à sauver" et demain que serons-nous ?...Aucun astre, aucun soleil, aucune science ne peut nous sauver. Donc la raison doit aller outre. Il est raisonnable d'aller au-delà des calculs. Là est la première audace des mages : ils ont compris que la solution du mystère n'apparaîtrait jamais au bout de leurs lunettes. Il fallait quitter leur observatoire et se mettre en recherche. Vers quoi ?

Vers le peuple qui détenait un AUTRE LIVRE.

LE GRAND LIVRE DE L'ESPERANCE.

Les pyramides égyptiennes, la philosophie et l'art grecs n'apportant pas la solution à leur inquiétude, les voyageurs se dirigèrent vers un petit peuple, Israël, qui présente au monde un livre unique : la Bible. Plus que les archives d'une nation, elle est fondamentalement le livre de l' espérance. Toute tournée vers le futur, elle révèle qu'il n'y a qu'un monde, qu'un Dieu, qu'un avenir. Donc que nous ne tournons pas en rond dans une cage.

L'histoire, dit la Bible, est le déroulement d'un projet du Créateur, elle est histoire du salut. L'humanité sera sauvée, c'est-à-dire libérée de son mal et conduite à son accomplissement par un Roi que Dieu désignera et couronnera. On l'appelle le MESSIE, le CHRIST, le SAUVEUR.

Les mages se rendent donc à Jérusalem, la capitale d'Israël, persuadés que le Messie est là. Or il ne se trouve ni au palais ni au temple. Mais un ancien prophète a dit jadis qu'il naîtrait à Bethléem, un petit village de Judée. Les théologiens transmettent cet oracle aux mages...mais au lieu de les accompagner vers cet endroit, ils restent enfermés dans leurs palais, leurs liturgies et leurs études. On peut être un bon exégète et refuser de suivre les indications du texte !

Les mages, pugnaces, persévérants, reprennent seuls la route et effectivement ils découvrent à Bethléem un nouveau-né. Le Roi du monde n'est pas né dans un palais, ne repose pas dans un berceau luxueux : il n'est qu'un fils d'artisan, endormi dans un logis tout simple. Nouvelle audace des mages : ils osent CROIRE. Ils sont convaincus : c'est bien lui, Messie aussi pour les païens ! Ils reconnaissent la vérité de cet enfant pauvre : ils lui offrent leurs cadeaux en signe de reconnaissance et d'adoration. Cette découverte du Christ change les c½urs, elle modifie la vie, elle pousse à prendre d'autres routes ; c'est pourquoi S. Matthieu termine son histoire en disant : Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin

La RAISON et la FOI ne sont donc pas ennemies ; au contraire elles sont comme "les deux ailes" (Jean-Paul II repris par Benoît XVI) qui permettent d'assurer le voyage et d'aboutir à la découverte adorante du Seigneur. Devant Jésus le pauvre, science et Evangile se rejoignent. Sans la foi la raison resterait aveugle ; sans la raison, la foi tomberait dans la superstition.

ACTUALITE DE L'EPIPHANIE

Voyons comment l'aventure des mages est "vraie" lorsqu'elle devient notre histoire. Perdus dans l'immensité de l'univers, nous sommes émerveillés parce qu'il nous révèle la Grandeur et la Splendeur de Dieu. Et nous admirons le travail prodigieux des savants, l'audace des cosmonautes. Mais plus les découvertes progressent, plus l'énigme s'aiguise : quel est le sens de cette aventure cosmique et humaine ? Le laboratoire appelle à un oratoire. Où est la lumière ? Où est la vérité que notre c½ur pressent ? Chercher. Ouvrir le Livre de la Révélation : " Jésus dit : Je suis la Lumière du monde". Et nous mettre en route. Ne pas seulement étudier et connaître les Ecritures mais se laisser mobiliser par elles. Abandonner un Dieu de Puissance pour reconnaître un Dieu petit, faible, pauvre. Au lieu de chercher à s'enrichir, ouvrir son c½ur et ses mains. Offrir son or ( partage ) ; offrir l'encens ( élan de prière et d'adoration ) ; offrir la myrrhe ( aromate pour ensevelir les défunts - càd. accepter la mort par amour) Et ainsi se convertir, modifier sa façon de vivre, prendre un autre chemin. Devenir soi-même pour les autres non une "star" mais "une flamme" qui témoigne doucement de la vérité. Car la chose essentielle qui manque aux hommes, c'est l' ESPERANCE. Prenons la route 09 et suivons l'Etoile.

Mercredi des Cendres

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

Nous sommes entrés depuis le mercredi des cendres, dans le Carême, c'est-à-dire dans le temps pascal, dans le courant profond qui fait de nous des chrétiens et non pas seulement des humanistes, ni des membres d'une autre religion, mais des disciples de Jésus, décidés à vivre de son Esprit, à chercher la vérité et non les apparences, l'essentiel et non les faux semblants. A la suite de Jésus qui a triomphé des tentations mensongères, nous entrons dans le grand mouvement baptismal qui nous fait passer de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière, de l'esclavage à la liberté, de l'offense au pardon, de la rupture à la réconciliation : Ce grand mouvement de la mort à soi-même pour vivre en relation de confiance et de réciprocité, d'abondance et de générosité, en recevant en plénitude la vie qui nous est proposée par notre Père, ce Dieu qui sans cesse nous crée et nous recrée. Nous avons commencé par les cendres, geste ténébreux, de pénitence, d'humilité lucide et d'abaissement volontaire, mais ce n'est pas pour nous rouler indéfiniment dans la poussière, tout au contraire, c'est pour renaître de nos cendres ! Les chrétiens ne vivent le Carême comme un acte de soumission, de servilité, mais comme un exode, comme une sortie, comme une progression qui les amènent aux trois jours saints, au c½ur de l'année chrétienne, au sommet de la liturgie, à ce grand moment où la foi se dit, se célèbre et se communique à tous les nouveaux adultes baptisés. Il est vital pour notre foi d'y participer. Il y a le jeudi saint avec l'institution de l'Eucharistie, le Vendredi Saint et la Passion de Jésus-Christ, le Samedi Saint et l'attente, et enfin dans la nuit, la fête de la Résurrection, victoire sur la haine et sur la mort, début d'une nouvelle création. 40 jours jusqu'à la Résurrection, d'où le mot Carême (quadragesima), mais aussi 40 jours depuis la Résurrection jusqu'à l'Ascension et dix jours encore jusqu'à la Pentecôte avec les langues de feu et le don de l'Esprit Saint. Cette pédagogie liturgique qui va donc des Cendres jusqu'aux langues de feu du baptême dans l'Esprit, nous permet de progressivement renaître de nos cendres pour devenir ensemble buisson ardent, comme une Eglise vivante, jeune, attirante, diversifiée. Oui, telle est notre espérance et nous ne pouvons pas désirer moins : former une Eglise ressuscitée, intelligente, libre, animée de l'Esprit d'amour et de vie ! En disant cela, je suis sûr que vous mesurez à la fois combien c'est urgent et tout le chemin à parcourir ! Heureusement pour nous, il ne s'agit pas d'un « travail à réaliser » au sens volontariste du terme. Certes, cela ne se fera pas sans nous mais cela ne dépend pas non plus uniquement de nous. Il s'agit avant tout de répondre à l'appel de Dieu qui nous dit « viens ! » Ne reste pas dans ton péché, dans ta désespérance, dans ta médiocrité, dans tes remords. Viens ! J'ai un projet pour toi, une ambition pour toi, toi humanité, toi Eglise et toi aussi personnellement. Il est possible de renaître, il est possible de commencer à vivre pour de vrai, pour de bon, il est possible d'entrer pleinement dans l'amitié et d'inscrire ta vie dans le grand projet du Dieu vivant. Rien n'est perdu, rien n'est désespéré. Il n'est jamais trop tard pour Dieu, rien n'est impossible pour lui. Pour cela Jésus est clair. Il nous appelle à prier, dans le secret, dans le fond de notre c½ur, à exprimer notre désir, à souhaiter la rencontre avec Dieu qui nous connaît et qui est déjà là au plus intime de nous-mêmes. Ensuite Jésus nous appelle à jeûner, un jeûne qui n'a pas pour objet de limiter la surcharge pondérale ni le taux de cholestérol, un jeûne qui n'a rien à voir avec l'esthétique mais tout avec le désir. Il s'agit de reconnaître ce désir comme essentiel, d'accepter de ne pas être rassasié, de nous libérer de l'illusion qu'en consommant ceci ou cela nous pourrions en avoir assez. Il s'agit de prendre conscience du manque fondamental que rien ne peut combler, de ce désir profond qui nous fait avancer, nous fait lever matin, nous fait espérer. Oui, ce manque-là est richesse, ce désir-là n'est pas stérile, il ne peut être déçu, il est l'inscription dans notre programme personnel, dans notre être le plus vrai, de notre ouverture à l'absolu, à l'infini de l'autre, c'est-à-dire à la rencontre de Dieu. Prier, jeûner et partager, donner sans contrôle, sans retour, gratuitement, à celui qui nous ressemble, à cet autre qui est un autre nous-mêmes, que nous devons aimer comme un autre nous même. Reconnaître dans le pauvre celui qui est notre propre chair. Dans cette triple décentration, nous nous libérons des illusions qui nous empêchent de respirer librement : dans le secret de notre c½ur, notre Père nous attend pour une rencontre en vérité, au creux de notre faim se trouve un manque qui nous ouvre à l'infini, et dans l'aumône nous entrons en solidarité avec l'ensemble de l'humanité. Que ce Carême soit pour tous et pour chacun non seulement l'occasion d'être fiers de nous en devenant des champions de la résistance aux tentations, mais plus encore, qu'il nous donne radicalement de renaître de nos cendres et de vivre du feu de Dieu !

Noël

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

En décembre 1940, dans un stalag allemand, une foule de soldats français se morfondaient, prisonniers, écrasés par la défaite. Comme Noël approchait, un prêtre demanda à l'un d'eux, qui était professeur de philosophie et qui avait déjà publié plusieurs livres, d'écrire un jeu scénique. Bien que totalement incroyant, le professeur (35 ans) accepta et écrivit une pièce intitulée "Bariona" avec le projet de rendre espoir aux prisonniers de tous bords, croyants et incroyants. Il se prit lui-même au jeu, mit en scène son ½uvre et y interpréta le rôle d'un roi mage avec tellement de zèle et de conviction qu'il conduisit un camarade à la conversion.

Après la libération, cet écrivain devint très célèbre, suscitant d'âpres polémiques et s'attirant louange et haine. Après avoir longtemps refusé, il accepta que le texte de cette pièce de Noël soit publié à l'intention de ses anciens camarades.

C'est ainsi que, il y a quelques années, l'abbé René Laurentin, théologien, découvrit cette oeuvre et, publiant un florilège des plus beaux textes écrits sur la Vierge Marie depuis 2000 ans, il y glissa un extrait de cette pièce en disant : "Cette page accède à l'essentiel...Une description sublime...S'il fallait jeter à la mer les textes de (mon) livre, c'est un des dix que je garderais" ( R. Laurentin : Marie, Mère du Seigneur ; éd. Desclée 1984)

UN ATHÉE PARLE DE MARIE ET SON ENFANT

Vers la fin de la pièce, un montreur d'images, aveugle, évoque la scène de la nativité à Bethléem et voici comment il s'adresse à la foule :

" La Vierge est pâle et elle regarde l'enfant. Ce qu'il faudrait peindre sur son visage, c'est un émerveillement anxieux qui n'a paru qu'une fois sur une figure humaine. Car le Christ est son enfant, la chair de sa chair et le fruit de ses entrailles.

Elle l'a porté neuf mois et lui donnera le sein et son lait deviendra le sang de Dieu. Et par moments, la tentation est si forte qu'elle oublie qu'il est Dieu. Elle le serre dans ses bras et elle dit : " Mon petit".

Mais à d'autres moments, elle demeure interdite et elle pense : Dieu est là, et elle est prise d'une horreur religieuse pour ce Dieu muet, pour cet enfant terrifiant. Toutes les mères sont ainsi arrêtées par moments devant ce fragment rebelle de leur chair qu'est leur enfant, et elles se sentent en exil devant cette vie neuve qu'on a faite avec leur vie et qu'habitent des pensées étrangères. Mais aucun enfant n'a été plus cruellement et plus rapidement arraché à sa mère, car il est Dieu et il dépasse de tous côtés ce qu'elle peut imaginer...

Mais je pense qu'il y a aussi d'autres moments, rapides et glissants, où elle sent à la fois que le Christ est son fils, son petit à elle, et qu'il est Dieu. Elle le regarde et elle pense : " Ce Dieu est mon enfant. Cette chair divine est ma chair. Il est fait de moi, il a mes yeux ; et cette forme de ma bouche, c'est la forme de la mienne, il me ressemble. Il est Dieu et il me ressemble".

Et aucune femme n'a eu de la sorte son Dieu pour elle seule, un Dieu tout petit qu'on peut prendre dans ses bras et couvrir de baisers, un Dieu tout chaud qui sourit et qui respire, un Dieu qu'on peut toucher et qui rit.

Et c'est dans ces moments-là que je peindrais Marie si j'étais peintre".

Qui est l'auteur de cette page : ? C'est Jean-Paul Sartre lui-même, lui s'est toujours déclaré farouchement athée et qui osa écrire tant de blasphèmes. Dans son autobiographie ("Les mots"), il raconte qu'il reçut une éducation chrétienne, qu'il fit sa communion....mais il sentit que cette éducation était purement formaliste, sans âme, sans véritable foi. Et tout jeune adolescent, il se déclara un jour :" Dieu ? Il n'existe pas ". Point c'est tout. Néanmoins l'écrivain ambitieux qui venait de rater le prix Goncourt avec son roman "La Nausée" et qui voulait faire une grande carrière n'avait pas oublié la scène apprise au catéchisme. Mieux que les prêtres du stalag, il sut évoquer - et avec quelle délicatesse ! - la relation unique entre Marie et son nouveau-né.

Qui est ce Jésus dont on ne finit pas de parler ? Nouveau-né semblable aux autres et Dieu ! Comment était-ce possible ? L'impossible a eu lieu, l'incroyable s'est réalisé.

Et il se réalise encore. Car le salut de notre existence ne peut se réduire à un vague souvenir d'un événement passé ni se projeter dans un avenir indéfini.

NOËL DANS L'EUCHARISTIE

Il ne suffirait pas, comme Sartre le suggérait, de peindre la scène. Le chef d'½uvre de Dieu ne peut rester enfermé dans les musées. Noël doit se réaliser tout au long de l'histoire. Le salut est présent - au double sens du mot : présent aujourd'hui......et présent comme cadeau.

Car ce n'est pas pour rien que Jésus est né dans le village de Bethléem - mot qui signifie "maison du pain" - et que sa mère Marie le déposa sur la paille d'une crèche c'est-à-dire d'une mangeoire.

Dès son apparition, il se manifestait comme un Dieu qui ne veut plus être dans les étoiles mais qui, par amour, a envie de nous habiter, de demeurer en nous. Il n'a pas besoin d'édifices somptueux, de cathédrales gigantesques : ce qu'il veut, c'est nous aimer, habiter notre c½ur. S'incarner tous les jours.

C'est pourquoi Jésus, à la fin de sa vie, au moment de mourir, chercha le moyen de re-naître dans nos c½urs et il inventa le repas eucharistique. Et depuis lors, chaque dimanche il invite les hommes et les femmes, les jeunes et les âgés, les bergers et les mages, les pauvres et les savants, à se rassembler, à tendre leur main puis à ouvrir leur coeur à sa présence. Afin qu'ils apparaissent et agissent comme Sa Présence réelle dans l'aujourd'hui des siècles.

Notre pape Benoît XVI disait la semaine passée :

" C'est le Fils du Dieu vivant qui s'est fait homme à Bethléem... Un Dieu qui s'est fait notre prochain, qui a du temps pour chacun de nous... "Une telle chose est-elle possible ?" ... Nous nous serions inclinés plus facilement devant une Puissance ; mais Lui ne veut pas que nous nous inclinions. Il fait appel à notre c½ur et à notre libre choix d'accepter son amour. Il s'est incarné librement pour nous rendre véritablement libres. Libres de l'aimer". Libres pour nous aimer.

JOYEUX NOËL A TOUS.

 

Noël

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

 

Chers amis, J'ai tapé « Noël » sur Google et j'ai trouvé les problèmes des vacanciers, l'adresse du Père Noël, comment rencontrer des petits lutins, les boules, les guirlandes et les sapins, la hotte des cadeaux.... Alors je pose la question : qu'est-ce que Noël pour nous ? Du saint Nicolas coca-cola ? Une illusion infantile un peu prolongée ? Sur quoi repose notre joie ?

Quelle que soit l'ampleur de la crise économique et politique, Dieu est entré dans le temps, il fait corps avec nous. Jésus, Emmanuel. Dieu sauve, Dieu avec nous !

Le père Noël ? Nous n'y avons jamais cru. Nous sommes lucides et conscients. Le massacre des innocents n'est pas loin, la liturgie nous le rappellera dès demain. L'absence de place à l'hôtel, la pauvreté de l'étable et la solitude des parents, nous sortent des rêveries, nous ouvrent les yeux sur l'ampleur des changements à réaliser et nous obligent à la plus grande maturité. Jésus est né sur la paille et mort sur une croix. Aucune fausse publicité dans l'Evangile : il nous est dit de multiples manières qu'il ne faut rien attendre de « merveilleux » ni de « magique », il ne s'agit pas d'un conte de fées.

Pas nécessaire d'être un « sans abri » ni une personne déplacée, nous le voyons tous : rien ne va plus, il y a un vrai « malaise dans la civilisation », et il nous faut innover, renaître, avancer si nous ne voulons pas mourir sur place, asphyxiés !

Si le Royaume de Dieu prend corps dans le monde, si la Parole, le Verbe, l'expression de Dieu prend chair humaine aujourd'hui dans le monde, où le fait-il donc mes amis ? Si ce n'est parmi nous, au milieu de nous, entre nous, en nous ? Chaque fois que nous voulons bien ne pas faire avorter, ne pas étouffer ce que l'Esprit nous inspire comme chemin de vie et de vérité ? Chaque fois que nous tissons les liens relationnels et institutionnels où s'incarne une vraie dynamique d'amour et de solidarité ?

Si le Christ prend corps aujourd'hui, ce n'est pas autrement que par le nôtre, ce n'est pas ailleurs que dans le nôtre, lorsque nous faisons pression sur les blocages pour les écarter et les franchir (Ga 3, 23-29), lorsque nous affrontons les mécanismes d'ennui et de désespoir, pour accueillir la promesse que Dieu nous dit possible, concevoir le futur et enfanter avec lui l'avenir.

Prendre corps, venir au monde, venir au jour : C'est, dans l'amitié du Dieu chrétien, faire le choix de la vie, celui de l'histoire, de l'alliance, de prendre corps, c'est accepter nous aussi, individuellement mais surtout communautairement, d'entrer dans un devenir lent et patient. A l'image de l'enfant, commencer par quelques pleurs, quelques cris, quelques répétitions laborieuses avant de savoir parler ; commencer par quelques chutes, quelques bosses, quelques genoux écorchés avant de savoir marcher ; se perdre dans quelques impasses et retrouver son chemin, connaître quelques refus avant de célébrer l'amitié.

Prendre corps, venir au monde, venir au jour : c'est comme Jésus, s'exposer au froid, à la fragilité, à la mort, risquer la jalousie et le rejet, le massacre des innocents et l'exil. C'est donc grandir et mûrir, s'informer et réfléchir, analyser et s'organiser.

Prendre corps, venir au monde, venir au jour : c'est s'exprimer, questionner, c'est progresser, avancer, créer, communiquer et partager. Et bien sûr, prendre corps, c'est également devenir un point de fidélité, un point de résistance, un point de mire, une cible exposée... mais c'est connaître l'élan de la vie et entrer dans une extraordinaire communion (Mt 5, 11) : le Dieu vivant est présent avec nous et il nous construit (Ep 4, 15).

En vivant ainsi, nous ne sommes pas des « pères-noëls », mais nous vivons tellement proches de Jésus qu'il nous considère comme sa famille, ceux avec qui il partage le même Esprit, les mêmes gènes spirituels, ceux avec qui il fait corps.

« Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? Etendant la main sur ses disciples, Jésus dit : Voici ma mère et mes frères. Car, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma s½ur, et ma mère ». (Mt 12, 48, Mc 3, 33)

Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

Desmond Tutu, évêque anglican sud-africain et prix Nobel de la paix, raconte l'histoire suivante : « le soir de Noël, Joseph supplie l'aubergiste : s'il vous plaît, je vous en prie aidez-moi s'il vous plaît. Ma femme va accoucher. Ce à quoi l'aubergiste répond : désolé, mais ce n'est pas de ma faute. Joseph reprend alors la parole et dit : ce n'est pas de la mienne non plus ». Et dans la vidéo circulant actuellement sur internet, on peut voir Desmond Tutu s'esclaffant et heureux de sa blague. Il est heureux comme nous le sommes également lorsque nous prenons conscience que l'aubergiste a bien fait de refuser l'entrée à Marie. Ce refus obligera la jeune femme à donner naissance à l'enfant Dieu dans une crèche. En ce sens, la fête de Noël devient pour chacune et chacun d'entre nous une synecdoque ou en d'autres termes, une espèce de métonymie. Il paraît que dans certains pays, il est important que le prédicateur utilise des mots compliqués pour que l'assemblée se réjouisse d'avoir devant elle quelqu'un d'intelligent. Je vous dis cela bien évidemment en toute humilité. Alors permettez-moi de jouer à ce petit jeu pendant quelques instants encore en insistant sur le fait que l'événement survenu à la crèche est bien une synecdoque. La synecdoque est une forme de langage consistant à nommer la partie pour désigner le tout. Prenons l'un ou l'autre exemple. Nous parlons d'un trois-mâts pour décrire un navire. Dans cette assemblée ce matin, il y a quelques nouveaux visages, c'est-à-dire de nouvelles personnes. Et il en va de même avec la crèche. En vieux français, la crèche était une mangeoire pour bestiaux mais au fil des siècles, elle est devenue un lieu, la pièce toute entière. Cette nuit, le Christ a été déposé dans une crèche. Sa couche est la crèche de la crèche. L'histoire que nous célébrons en ce jour est à ce point merveilleuse qu'il est normal que le premier endroit où le Fils de Dieu se soit reposé, est devenu le nom du lieu à proprement parlé. La divinité de Jésus emplit tout l'espace et nous ne pouvons que nous en réjouir. En effet, « le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire », nous dit saint Jean. Ainsi, dans l'événement de Noël, le Ciel s'est établi sur notre terre. La gloire divine s'est installée auprès de nous, au-dedans de nous. Dieu est né à son humanité entière. Il s'est donné à nous et comme le souligne l'écrivain-philosophe contemporain Eric-Emmanuel Schmitt : « Ce que tu donnes est à toi pour toujours, ce que tu gardes est perdu à jamais ». Dieu se donne à nous pour que nous soyons à jamais à Lui. Il semble ne vouloir perdre aucun d'entre nous. Alors il a choisi de venir parmi nous pour nous faire découvrir la gloire dont il aime se vêtir. Il n'est pas venu à nous avec trompettes et fanfares. Ce serait même plutôt le contraire. La gloire de Dieu s'offre à nous dans la fragilité d'un nouveau né. Sa puissance se réalise dans le fait qu'il accepte que nous le portions en nous. Dans la crèche de sa crèche, l'enfant-Dieu nous tend ses mains comme si dans son gazouillis, il cherchait à nous susurrer au creux de notre c½ur : « j'ai besoin de vous. Je ne peux pas me passer de vous. Sans vous, je n'y arriverai pas. Prenez-moi avec vous ». Et voilà que cette musique-là se met à emplir notre être tout entier. Nous laissons, nous aussi, tout l'espace à Dieu au-dedans de nous. Il s'est fait l'un des nôtres pour que nous partagions pleinement cette dimension divine qui sommeille en chacune et chacun de nous. Dieu s'est incarné, il y a un peu plus de deux mille années, parce qu'il avait souhaité pouvoir se dévoiler à nous dans la fragilité, la candeur, l'innocence de la vie. Depuis cette fameuse nuit où une étoile a brillé d'une lumière plus forte encore, la puissance de Dieu s'est donnée à nous dans un nouveau né, dans un être qui ne peut encore se dire et se raconter mais qui peut se laisser regarder pour mieux nous attendrir. Noël devient alors une invitation à nous laisser aller à un chemin de retournement intérieur pour que Dieu puisse prendre en nous toute sa place et ne plus faire qu'un avec nous. Dieu a pris le chemin de l'être humain pour que nous puissions à notre tour prendre celui de Dieu. Serait-ce absurde d'oser prétendre que la vocation de tout être humain est de devenir une synecdoque de Dieu ? Je ne le pense pas et j'oserais même aller jusqu'à affirmer que l'événement de Noël est cette occasion unique où le Verbe s'est fait chair pour qu'un jour l'humanité tout entière soit la crèche accomplie de sa divinité. En attendant ce jour, laissons à Dieu l'occasion de nous envahir pour que nous soyons à jamais pétris de sa présence et donnons lui en retour la possibilité de permettre à Marie de venir déposer en chacune et chacun de nous l'enfant-Dieu. Notre c½ur deviendra ainsi une nouvelle crèche et si nous laissons cette vie divine emplir tout notre être, nous deviendrons à notre tour crèche de la crèche. Que l'étoile de Noël brille avec surabondance et nous montre la route divine de la Vie. Joyeux Noël.

Amen

Noël

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

Sermon prêché à la communauté internationale de Bruxelles

Voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ! Nous avons peut-être des difficultés à être surpris et émerveillés par le signe qui nous est donné : un simple enfant couché... Le tableau nous est connu, trop connu, comme ces gouvernement belges et leurs formateurs ! C'est un peu l'éternel retour du même.

En réalité, il me semble que le seul signe que Dieu nous donne est paradoxalement l'absence de tout signe, l'absence de sécurité, l'absence de merveilleux. Dieu a l'audace de se révéler dans la banalité de la vie de notre quotidien et c'est précisément cela qui doit nous surprendre. Et en cette nuit de Noël, Dieu naît et se révèle non pas dans la 'salle commune' des hommes, dans les lieux communs où nous pourrions l'attendre spontanément, mais il nous surprend. Oui notre Dieu créateur est un Dieu vivant, fragile et dépendant comme une créature. Mais si Dieu prend le chemin des hommes pour nous faire découvrir qui Il est, alors nous pouvons ce soir nous risquer à emprunter le chemin de Dieu pour découvrir qui nous sommes. Dieu est vivant et entre dans notre histoire, pour que nous entrions dans l'histoire vivante de Dieu.

Ce chemin de Dieu est le chemin de la vie et du vivant. Le scientifique Henri Atlan a -je trouve- une très belle image pour exprimer ce qui fait la particularité de l'humain et du vivant : il dit que le vivant se trouve entre 'cristal' et 'fumée'. Dieu n'est pas comme le cristal, solide et indestructible, incapable de recevoir et d'être affecté par quoi que ce soit. Si vraiment Dieu s'est fait l'un de nous, alors nous devons peut-être abandonner les images d'un Dieu cristal, dont la toute puissance ne serait pas une puissance de fragilité. Mais si Dieu est vivant, il n'est pas non plus fumée, capable de tout recevoir, mais incapable d'être reçu et compris. Il n'est pas dans le hasard de nos idées. Non, le paradoxe de Noël est que notre Dieu échappe à toute prise, précisément par ce qu'il se montre à nous, humains, parce qu'il se montre vivant. Il ne faut pas le chercher dans la nécessité et la certitude d'un recensement. Mais il n'est pas non plus dans la nuée, dans le hasard du passage d'un troupeau des bergers. Il est entre les deux. Il est dans la mangeoire. Il est surprise : entre hasard et nécessité.

Et tel est bien le mystère de Noël. Le signe qui nous est donné est celui d'une éternelle naissance faite de surprises. Dieu est éternellement jeune et sans cesse créatif. Et aujourd'hui, Dieu naît en chacun de nous. N'ayons donc pas peur de croire que Dieu nous a créé à son image : dans une mangeoire, sans plan, sans un projet tout tracé. Notre vie n'est pas une dictée. D'une certain manière notre Dieu est comme Gaudi, ce génial architecte un peu fou qui a dessiné la cathédrale de la Sagrada Familia. Je ne sais pas si vous avez déjà vu cette cathédrale inachevée de Barcelone. En tout cas, c'est une horreur à visiter pour ceux qui, comme moi, ont le vertige. Et puis, sa construction est un gouffre financier ! Je souhaite bonne chance à ceux qui devront chercher des fonds pour sa restauration dans 2 siècles. Gaudi, à sa mort, n'a laissé aucun plan pour sa cathédrale. C'est aux constructeurs d'aujourd'hui de poursuivre l'édifice, de le faire vivre. Et en plus Gaudi surprenait ses ouvriers car il donnait ses instructions au jour le jour ! Alors, peut-être que si Dieu se révèle au c½ur de notre humanité comme un enfant ayant tout à recevoir, alors notre Dieu ne nous donne pas d'indications, il n'a pas d'autre plan que celui de notre bonheur. Et c'est à nous de l'écrire.

Therefore, our God does not like common places. That's the reason why there was no place for him in the common room. The Incarnation is the great mystery that destroys all our categories and securities. Our gaze is sometimes too weak to see and understand him. But Christmas makes everything new, afresh. Whilst in the Old Testament, God was presented as creating by separation, the new creation we celebrate today is a creation that put together things that are seemingly impossible to reconcile, God and Man.

In a wonderful sermon, Saint Bernard writes about this paradox. In the Incarnation, he says, we can behold 'Eternity shortened, Immensity contracted, sublimity levelled down, profundity made shallow. We can contemplate the Light without splendour, the Word without speech, Water which is thirsty, and Bread that feels hunger. We see Omnipotence being ruled, Omniscience being instructed, Virtue supported, God feeding at the breast whilst he nourishes the angels.' And that is the mystery and the paradox of the incarnation. Indeed, tonight, we discover 'sadness giving joy, fear producing confidence, suffering a source of health, weakness imparting strength.' In a sense, the mystery of the Incarnation turns upside-down all our categories. God is living, and life is surprising. This is the reason why we can sometimes see the beauty in a dying person in a hospital, not as if pain and suffering could give any meaning to anything at all, but simply because within flaws and rifts, we can discern the feeble strength and the discrete presence of the one who walks with us.

This is the tremendous hope of Christmas. So the wonderful mystery we celebrate today invites us to discern the mysterious presence of God, not outside, but within our lives. God cannot manifest himself clearly as God, as crystal as it were. But God cannot remain hidden forever, and be like the smoke of our vanishing concepts and ideas. He is and has to be like us, fragile, but living. God is with us. God is within us. Joyeux Noël ! Merry Christmas !

Sainte Famille, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Rien ne distinguait ce couple ordinaire qui traversait l'immense esplanade du temple de Jérusalem grouillante de monde : Joseph et Marie étaient montés de Galilée afin d'accomplir deux rites ordonnés par la Loi.

LITURGIE DE NAISSANCE

D'abord le rite de purification de la maman. Certes enfanter, loin d'être un péché, est une grande bénédiction mais comme il y a eu épanchement de sang, un sacrifice doit restituer la pureté rituelle. " Lorsque s'achève le temps de sa purification (40 jours), elle amène au prêtre un agneau et une tourterelle...Si elle n'arrive pas à se procurer un agneau, elle prend deux tourterelles" ( Lévitique 12 ). Joseph et Marie manquent de ressources : ils doivent se contenter de l'offrande des pauvres.

L'autre rite est beaucoup plus important : il s'agit de la loi du rachat des premiers-nés. Dieu étant le créateur de la vie, toute première éclosion de vie lui appartient ; l'homme doit donc lui offrir les prémices de ses récoltes ainsi que les premiers-nés des animaux ; mais pour les enfants, il est strictement interdit de les sacrifier : ils sont "consacrés" à Dieu

"Le Seigneur dit : Consacre-moi tout premier-né ouvrant le sein maternel...C'est à moi...Tu feras passer au Seigneur tout ce qui ouvre le sein maternel...Les mâles sont au Seigneur...Tout premier-né d'homme, parmi tes fils, tu le rachèteras"( Exode 13, 1 ; 13, 11-16 ; ...)

Ces rites religieux paraissent incompréhensibles aujourd'hui dans une société sécularisée où le lien avec Dieu est distendu sinon nié. Les couples disent "qu'ils font un enfant", au moment où ils le désirent, commençant à désirer un enfant "formaté" à leur gré, décidant de le garder ou non. L'enfant ne devient-il pas "un droit", une propriété ?...

Pour les Anciens, la vie était sacrée, l'enfant d'abord un cadeau de Dieu à demander et accueillir avec respect. Symboliquement on offrait à Dieu un sacrifice pour concrétiser cette conviction : notre fils est à l'image de Dieu, le Seigneur nous le confie, il le place sous notre garde. A nous de préserver cette image, de l'élever dans cette foi, de le rendre conscient de ce privilège, de l'assurer de sa grandeur. A nous, parents, de ne pas nous croire propriétaires : l'enfant n'est jamais une chose mais un sujet, un don de Dieu.

Remarque essentielle : Joseph et Marie ont obéi aux lois rituelles, mais Luc parle de "présentation" et non du "rachat" de l'enfant. Jésus est tout de Dieu et tout de l'homme : Dieu l'a offert à Marie à l'Annonciation. Il est saint. Et au contraire c'est lui qui, plus tard, servira d'agneau offert pour racheter les hommes de l'esclavage du péché.

IGNORE PAR LE PRETRE ET RECONNU PAR LE PROPHETE.

Les rites ont été effectués selon les règles mais, si le prêtre de service n'a vu en Jésus qu'un enfant comme les autres, un laïc va reconnaître le Messie attendu.

Il s'appelle Syméon ("l'écoutant") ; il est juste (càd. appliqué à réaliser les volontés de Dieu, "ajusté" au Dessein de Dieu,) ; religieux ( càd. pieux, observant rites et prières) ; il attend la Consolation d'Israël (manière, inspirée d'Isaïe 40, de désigner le salut : c'est un homme d'espérance) ; et l'Esprit-Saint était sur lui ( comme les prophètes, Syméon est guidé par le Souffle de Dieu, il est inspiré, il reçoit des lumières d'En Haut)

"L'Esprit-Saint lui avait révélé qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Messie du Seigneur. Or, poussé par l'Esprit, Syméon vint au temple. Les parents y entraient avec l'enfant Jésus pour accomplir les rites de la Loi"

LA RENCONTRE - LE CANTIQUE DE SYMEON

Syméon prit l'enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant :
-  Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta parole. Car les yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples : Lumière pour éclairer les nations païennes et Gloire d'Israël ton peuple".

Sans doute a-t-il un certain âge, cet homme mais, sous l'inspiration de l'Esprit, il est comblé : l'espérance que lui ont transmises les Ecritures n'a pas menti. Oui, enfin, après une si longue attente, le Royaume de Dieu va survenir, le salut s'effectuer, et ce salut est déjà présent, il le tient dans ses bras. Le salut n'est pas l'espoir d'une société parfaite mais UNE PERSONNE : Iéhoshouah, en hébreu, signifie "DIEU SAUVE, "SAUVEUR". Mais Syméon, en outre, complète la révélation reçue par Marie à l'Annonciation : son fils sera Gloire d'Israël mais aussi salut pour tous les peuples, lumière pour les païens ! En Jésus, le salut est offert au monde, destiné à réaliser l'unité du monde en Dieu.

ORACLE DE SOUFFRANCES : UN MESSIE CONTESTÉ

Mais à cette joyeuse nouvelle, Syméon ajoute une mystérieuse et douloureuse prédiction :

Syméon les bénit puis il dit à Marie sa mère : "Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division - Et toi-même, ton c½ur sera transpercé par une épée - Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d'un grand nombre".

L'ange Gabriel avait annoncé un roi glorieux : à présent Marie apprend que Jésus ne s'imposera pas comme une évidence, comme un despote. Le Messie se présentera à la liberté des hommes, on sera pour ou contre lui : l'option dévoilera la droiture ou le mal des c½urs. Cette contestation, ce rejet sera source d'immenses souffrances auxquelles Marie participera : son c½ur sera déchiré de constater que son peuple, en majorité, ne reconnaît pas son Messie, alors que des païens, eux, le découvriront avec émerveillement.

UNE FEMME PROPHETESSE.

A l'homme Syméon, Luc joint une femme : Anne apparaît comme le modèle des pauvres veuves :

"Elle ne s'éloignait pas du temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière...Elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l'enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem"

Le service de Dieu, dans la prière continuelle et la pénitence, ouvre le c½ur à l'Esprit et permet d'accueillir la venue du Messie. Cette reconnaissance éveille la joie de partager la Bonne Nouvelle. La femme précède l'homme Syméon dans l'urgence missionnaire.

"Lorsqu'ils eurent accomplis tout ce que prescrivait la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L'enfant grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui".

Telle fut la première entrée de Jésus, le Fils, dans le Temple. Préfiguration des événements futurs : Jésus reviendra au Temple, tentera en vain de s'y faire reconnaître. Les grands prêtres le méconnaîtront et le rejetteront. La croix sera le sacrifice définitif de l'Agneau qui permettra le "rachat", la libération, "le relèvement" des disciples. Jésus mort et ressuscité sera bien "la gloire d'Israël" mais ce sont les pauvres en esprit et les païens qui s'ouvriront à sa Lumière. 40 jours après sa Résurrection, Jésus entrera dans le Temple céleste de son Père, y entraînant les pauvres en esprit de toutes les nations.

10e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Lorsqu'un frère dominicain entre au noviciat ou prononce ses v½ux, juste après la lecture de l'évangile, il vient se placer dans le ch½ur de l'église. Là, il se couche les bras étendus en croix. Le provincial qui est venu se placer devant l'autel lui adresse ces mots : « que demandes-tu ? ». Toujours couché le visage tourné vers le sol, le frère répond : « la miséricorde de Dieu et la vôtre ». Après quelques secondes, le provincial lui dit : « lève-toi ». Le frère se relève et retourne à sa place. Le provincial commence alors son homélie et c'est après celle-ci, que le frère prononcera ses v½ux. Ce moment du rituel des professions est très intense. Il s'agit d'un acte de foi en la miséricorde de Dieu et celle des frères de l'Ordre tout entier. Il est vrai que notre fondateur, saint Dominique, a toujours été pétri de miséricorde face aux égarements de celles et ceux qu'il rencontrait sur sa route. A l'image de Jésus d'ailleurs citant le prophète Osée : « c'est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices ». Comme si Dieu n'attendait pas de nous que nous nous enfermions dans des rites tels que des sacrifices. Il ne peut se contenter uniquement d'une présence autour de l'autel si celle-ci n'enracine pas notre foi dans une manière spécifique de vivre notre vie. Une foi sans miséricorde est une foi insensée, une foi sans racine. Nous serions comme quelqu'un qui met des roses dans un vase à coups de marteau. Il n'y a plus de place pour la compassion, la douceur, la tendresse. En effet, la miséricorde n'est pas un concept théorique. Elle s'inscrit en nous, au plus profond. Elle est ce levier qui nous met en marche à la rencontre de l'autre dans sa réalité souffrante. Nous nous laissons être remués jusque dans nos entrailles. Lorsque la miséricorde effleure notre c½ur, nous permettons à celle ou celui à qui nous l'offrons de se laisser engendrer à nouveau vers une nouvelle forme d'espérance. En d'autres termes, nous pourrions même oser dire que la miséricorde permet une véritable mise à la Vie. Dieu nous a créé d'abord et avant tout pour la vie et non pas pour devoir traverser des moments difficiles et douloureux. L'effroi de ce qui nous arrive ne peut être qu'un passage momentané. Il n'est pas la destinée à laquelle nous sommes appelés. Lorsque nous sommes touchés de plein fouet par ce type d'expérience de vie telle que la maladie, la mort, la perte d'un emploi, nous aimons trouvé sur notre route des hommes et des femmes qui nous tirent vers le haut pour nous permettre une nouvelle mise au monde. C'est pourquoi, la miséricorde, la compassion n'ont rien avoir avec de la pitié. Il s'agit d'une attitude noble du c½ur. La personne compatissante ne peut évidemment pas se mettre à la place de l'autre mais elle l'accompagne sur son chemin de souffrances pour lui permettre de se laisser questionner, interroger afin de permettre à son c½ur de se dévoiler tout en vérité. Oui, malgré ce qui nous arrive, nous sommes appelés à une nouvelle mise au monde, un mise à la Vie que celle-ci soit terrestre ou éternelle. D'ailleurs, la mise à la Vie passe immanquablement par un des fruits de la miséricorde qui est la tendresse. Cette dernière est, entre nous, comme un souffle doux, une brise ineffable qui vient de notre âme, passe par le coeur pour se rayonner en chaleur subtile dans les yeux, la voix, les gestes, en fait dans l'être tout entier. La tendresse est une lumière si fine, si ténue et cependant si forte lorsque nous la recevons. Elle nous illumine de l'intérieur et donne un autre sens à notre vie. Si l'Amour était une fleur, la tendresse en serait son parfum. Ce parfum ne se mendie pas, mais se donne naturellement sans bruit, dans le silence de regards aimants. Donner de la tendresse, c'est donner un peu de la lumière de son âme. Un geste de tendresse est caresse. Prononçons-le, doucement, tendrement, dans l'intime de notre coeur. Aimons le souffle de la tendresse, il dore tout ce qu'il touche et guérit les blessures, surtout les plus profondes. La miséricorde est ainsi ce sentiment merveilleux qui provient du plus profond de nos entrailles pour permettre aux êtres humains de « se tendresser ». « Se tendresser » mais ce verbe n'existe pas, penseront certains. Que du contraire ! Vous ne le trouverez pas dans un dictionnaire, c'est vrai. « Se tendresser » est un verbe qui se découvre en le vivant. Par la miséricorde, je te tendresse et si tu te laisses tendresser, tu me tendresses également. Nous nous porterons ainsi l'un l'autre dans l'amour d'agapè qui nous étreindra. Grâce à la miséricorde, nous assistons à notre mise à la Vie en nous laissant « tendresser ». Ne vous avais-je pas dit que la tendresse est le parfum de l'Amour ?

Amen

10e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Lens Patrick
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Allez apprendre la miséricorde.

La foi chrétienne a la réputation d'être une religion de morale et de perfectionnisme : il faut toujours aider, il faut toujours aimer les autres. Et si tu ne le fais pas, tu n'es pas un vrai chrétien ou tu es un hypocrite si tu vas encore à la messe. Cela arrange certains : moi, je ne suis pas parfait, donc je ne peux pas aller à la messe ! D'autres ricanent : tu vois, les chrétiens avec leur haute morale, ils ne peuvent pas suivre leur morale, ils sont si faibles que nous ! La foi chrétienne, c'est un bel idéal, mais on sait que c'est impraticable ! Mais la vérité est que Jésus n'est pas venu les bons, les justes, mais les pécheurs. Jésus appelle des pécheurs comme nous, des gens faibles, des gens qui ne sont pas parfaits. Il mange même avec eux, ce qui dans la religion juive avait une connotation religieuse. Cela aussi peut arranger certains : tout le monde va au ciel, je ne dois pas vraiment changer ma vie ! Mais ce n'est pas ça que Jésus veut nous enseigner. Il faut bien comprendre dans quel contexte Jésus donne l'enseignement de l'évangile d'aujourd'hui. Il fait une réaction à ce que les pharisiens lui disent. Ils sont irrités parce que Jésus mange avec les pécheurs. Et ces pécheurs, ce ne sont pas les moindres : des publicains, des collaborateurs avec le régime romain. Qui sont nos publicains aujourd'hui ? Est-ce que nous aurions considéré Jésus comme quelqu'un qui est politiquement correcte ? Mais Jésus et justement venu pour les pécheurs, ceux qui en ont bien besoin. Nous ne le comprenons pas toujours bien, parce que nous ne comprenons pas la miséricorde de Dieu. Et nous ne comprenons pas la miséricorde de Dieu, parce que nous ne comprenons pas que nous aussi, nous sommes des pécheurs. C'est peut-être justement le péché des justes, des gens de bien, bien éduque dans la religion juive ou chrétienne : si on parle des pécheurs, c'est toujours des autres que l'on parle. Et si nous parlons de la miséricorde de Dieu, nous en parlons parce que cela nous arrange, pour nous-mêmes, ou pour des groupes de gens pour lesquels on lutte ou s'investit. Et curieusement on peut se battre pour une cause juste en s'irritant contre les autres. Pour certains redresseurs de torts, leur engagement s'st terminé dans la déception totale ou dans l'amertume. Et à tous ceux, mais aussi nous tous, Jésus dit aujourd'hui : « Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C'est la miséricorde que je désire en non les sacrifices. » Les sacrifices : ce sont nos essais à être bon et parfait. Nous avons luttés contre nos mauvais penchants, mais nous constatons chaque fois notre imperfection. Et c'est si difficile à accepter. Nous avons donné tout, avec toutes nos forces, mais cela n'a pas marché. Certains, malgré leur éducation et leur bonne volonté, on été pris au piège des forces mauvaises et n'ont plu pu échapper à cela. Et maintenant ils sont dans l'isolation et ils se sentent seuls. C'était peut-être le cas de Matthieu, qui était assis à son bureau de publicain. Et soudain, vient Jésus et il lui dit : « Suis-Moi ! » Suivre Jésus, c'étai son unique issue, sa dernière chance. Jésus est l'avenir des pécheurs, parce qu'il les voit avec les yeux de Dieu. Et le c½ur de Dieu est plein de miséricorde, parce qu'il voit le néant de l'homme sans Dieu. La miséricorde, c'est les entrailles de Dieu qui bougent. Dieu est comme une mère : Il ne peut pas voir la souffrance de son enfant. « Allez apprendre ce que cela veut dire : Je ne veux pas des sacrifices, mais la miséricorde. » Dieu ne nous demande pas la perfection, car la perfection, c'est son ½uvre en nous. D'abord, il faut entre en contact avec son propre néant pour devenir plus miséricordieux vis-à-vis les autres. Puis Dieu peut continuer à changer ton c½ur aussi, pour que tu puisses pardonner ta propre imperfection à toi-même et t'accepter comme tu es. Dieu change ton c½ur, tes entrailles, ton esprit, ta mentalité. Là, tu es guéri et tu ne jugeras plus les autres. Tu seras bien content que les pécheurs trouveront eux-aussi la voie du salut et deviennent, comme toi, des enfants de Dieu.

11e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Lens Patrick
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Comment parlons-nous des autres ? On parle des gens". On parle de « tout le monde ». « Les gens » aujourd'hui disent que... « Le monde » d'aujourd'hui est comme ça...« On » pense maintenant que... Ce sont presque toujours des expressions peu personnelles. Jésus, voyant les foules, avait pitié d'elles parce qu'elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans bergers. Ce n'est pas l'image que le monde me donne. Quand je suis à la gare de Bruxelles, je vois toujours des hommes et de femmes qui se dépêchent. Ils semblent connaître leur destinée, le but de leur vie. Mais si tu interroges les gens sur les questions fondamentales de vie et de mort, ils te répondent par leur non-savoir. Luther, au 16ième siècle, disait : « Les gens ne savent pas d'où ils viennent et où ils vont, cela m'étonne qu'ils sont si joyeux. Les chrétiens connaissent la source de leur vie et savent où ils vont, cela m'étonne qu'ils sont si tristes. » C'est bien là le paradoxe que nous vivons aujourd'hui. J'ai été responsable de la pastorale des vocations pendant des années. La parole : « La moisson est abondante et les ouvriers sont si peu nombreux. Priez le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour la moisson » était un grand classique. Mais j'ai l'impression que l'église dite postconciliaire, même avec sa réputation d'ouverture, a la tendance de se replier sur elle-même, et pas seulement comme on dit, dans un réflexe conservateur. Depuis le concile Vatican II, on parle beaucoup, sans doute trop, de l'église. On a multiplié les discussions, mais par forcément les paroles qui donnent vie. Certaines discussions qui ont l'église pour sujet, me semble-t-il, cachent parfois l'impuissance des chrétiens d'aujourd'hui d'entrer en contact avec le monde, en dépit de beaucoup de grandes déclarations. La parole de Jésus : « La moisson est abondante et les ouvriers sont si peu nombreux » décourage seulement lorsque nous restons concentrés sur nous-mêmes. Mais le monde me décourage moins qu'une communauté chrétienne en discussion constante ou une église parlementaire. Quand Jésus nous déclare que la moisson est abondante, il veut nous attirer au « monde », là où vivent « les gens ». Et là, les possibilités sont illimitées. En fait, la parole de Jésus : « La moisson est abondante et les ouvriers sont si peu nombreux » n'est pas une plainte découragée ni une crise de panique. C'est une parole qui nous invite à avoir une passion pour le monde. Mais pas dans un mouvement superficiel. Pour pouvoir vraiment rencontrer le monde comme chrétiens, il nous faut avoir le c½ur et l'esprit de Jésus.

Le mois de juin est traditionnellement dédié au Sacré-C½ur. On n'en parle pas beaucoup maintenant. Pourtant, le c½ur est un symbole qui parle pour tout le monde. Je me demande si le message chrétien de notre temps n'est pas devenu trop technique, trop abstraite, sorti de la table de travail des théologiens plutôt que des sentiments que le Christ a pour nous en son c½ur. Mais avoir le c½ur et l'esprit de Jésus, c'est souffrir avec les gens, avec ceux et celles qui peinent. Avoir le c½ur et l'esprit de Jésus, c'est souffrir aussi avec Jésus parce que son amour n'est pas reçu. Avoir l'esprit de Jésus, c'est souffrir parce que l'évangile est parfois si décoloré par notre médiocrité et nos idées-fixes, par toutes nos théories et nos déclarations. La parole de Jésus : « N'allez pas chez las païens et n'entrez dans aucune ville des Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël » peut surprendre. Jésus était-il raciste ? Mais comment aller à la rencontre des autres si tu n'as rien à offrir, si toi-même tu as perdu ton âme ? Jésus était venu pour susciter dans son peuple l'Esprit de Dieu pour lequel le peuple n'était plus susceptible. Jésus avait une stratégie, bien réfléchi, dans un long contact avec le c½ur de son Père. Il a commencé par le peuple de Dieu qui doit vivre de l'Esprit de Dieu au c½ur du monde.

Jésus voyait les foules, fatiguées et abattues. C'est la souffrance de son c½ur, la vraie compassion, le vrai souci pour le bonheur des gens qui l'a envoyé en mission. Pour moi, la mission évangélique s'enracine dans une double contemplation : la contemplation de Dieu dans les hommes, et la contemplation des hommes... sans Dieu.

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11e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

L'évangile de ce dimanche débute par une notation capitale : le sentiment qui étreint Jésus et qui motive son activité : Jésus, voyant les foules, eut pitié d'elles parce qu'elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger.

Jésus nous regarde : mais où vont donc ces gens pressés qui font "leurs courses"(en effet), se bousculent dans les grandes surfaces, se dépêchent pour gagner un stade ou une salle de concert, se ruent vers la mer et les aéroports ?...Il suffit d'une affiche, d'un slogan publicitaire, d'une rumeur pour mobiliser la multitude. Moutons de panurge attirés ci et là, tiraillés, stressés, jamais satisfaits.

"Jésus a pitié" : le terme français, dégoulinant de condescendance, ne convient absolument pas. La traduction exacte est : "Il est étreint aux entrailles". Le verbe vient du mot "matrice"et il n'est jamais utilisé que pour Jésus. A la manière d'une maman bouleversée à la vue de son enfant malade, Jésus est bouleversé dans la profondeur de son être : tant de malheurs, de handicaps, de violences, de guerres, de désespoirs ! ... Il veut rendre sens à notre vie, guider les peuples vers la Vie !

L'image des brebis égaillées n'est pas banale : on la trouve notamment dans le fameux chapitre 34 du prophète Ezéchiel où Dieu accusait les autorités d'Israël, rois et prêtres (habituellement dénommés "les pasteurs") de ne pas accomplir leur tâche : "Malheur aux bergers qui se paissent eux-mêmes...Vous n'avez pas guéri la brebis malade, vous n'avez pas cherché la brebis perdue. Vous avez exercé votre autorité par la violence...Les bêtes se sont dispersées faute de berger...." C'est pourquoi Dieu faisait la promesse solennelle de venir un jour s'occuper lui-même de son peuple : " Ainsi parle le Seigneur Dieu : je viens chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin...Je le rassemblerai des différents pays...Je ferai paître mon troupeau selon le droit".

Et très curieusement le texte continuait : " Je susciterai à la tête de mon troupeau un berger unique : ce sera mon serviteur David...Moi, le Seigneur, je serai leur Dieu et mon serviteur David sera Prince au milieu d'eux... Je conclurai avec mon troupeau une alliance de paix..."

Ainsi en assumant le titre de ce Berger, Jésus prétend bien être ce Messie, fils de David, authentifié par Dieu, présence même du Dieu Pasteur, qui doit venir rassembler les hommes dans l'alliance de paix.

L'URGENCE DE LA MOISSON

Il dit alors à ses disciples : " La moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson".

Changement de registre. Dans la Bible, l'image de la moisson désigne le temps du jugement final de Dieu : avec Jésus, ce moment décisif est arrivé. Il a semé le grain de la Parole : même s'il y eut beaucoup de pertes, le grain a poussé dans de bons c½urs. A présent, Dieu instaure son règne et les hommes sont appelés à y entrer. Avec Jésus survient la plénitude définitive de l'homme.

Afin de réaliser son ½uvre, il a besoin de collaborateurs mais au lieu de leur crier : " Foncez vite !", il recommande de PRIER. Car on ne s'auto-proclame pas "évangéliste", on ne décide pas soi-même de travailler à la moisson de Dieu. Vertus, intelligence, bonne volonté sont radicalement insuffisantes. Il importe au préalable de regarder le monde avec les yeux du Christ, de communier à son amour "viscéral", de reconnaître sa propre impuissance, d'être angoissé par l'urgence de sauver l'humanité. C'est pourquoi le disciple, d'abord, PRIE. Avant de courir vers les gens, il tombe à genoux et se tourne vers le Père car Lui seul peut le choisir, l'envoyer, l'adapter à sa tâche. Et ses élus ne seront pas souvent ceux ou celles que nous aurions choisis nous-mêmes selon nos critères !

CHOIX ET MISSION DES DOUZE APOTRES

Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna pouvoir d'expulser les esprits mauvais et de guérir toute maladie et toute infirmité. (suit la liste des 12...)

La "moisson-mission" n'est pas une tâche à hauteur d'homme : il faut accepter que Jésus communique son propre pouvoir. Les dons fondamentaux ne sont pas l'intelligence, l'éloquence, le prestige mais la force divine d'exorciser le mal dans l'esprit et dans le corps de l'homme.

Ces Douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes : " N'allez pas chez les païens et n'entrez dans aucune ville des Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël. Sur votre route, proclamez que le Royaume des cieux est tout proche ; guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement."

Donc la première mission concerne d'abord le peuple juif mais on sait que l'évangile se terminera par l'ouverture au monde entier : " Allez dans toutes les nations...". Il faut commencer par "les croyants" mais, devant leurs réticences, les apôtres se tourneront de plus en plus vers l'universel. L'échec renvoie toujours à de nouveaux horizons.

Les envoyés calqueront leur conduite sur celle du Maître : ils resteront des itinérants sans jamais s'installer ; ils seront les hérauts du Règne de Dieu et ils accompliront des signes de guérison. Et bien entendu, ils rempliront leur mission dans un désintéressement total. Comme Jésus, ils vivront dans la dépendance de ceux qui voudront bien les accueillir. L'Eglise doit être la société de la gratuité. Leur amour mutuel, leur pauvreté, leur empressement joyeux, leur certitude d'accomplir la tâche la plus essentielle de l'histoire et les résultats stupéfiants de leur action - voilà ce qui étonnera et pourra convertir. Ainsi se réalisera peu à peu l'unification de l'humanité.

La mission s'origine dans la compassion du C½ur du Seigneur devant l'immense malheur de l'humanité. Qui n'est pas ému par la misère humaine ne peut être apôtre. Quel regard portons-nous sur le monde ? De dédain ? De jalousie ? D'indifférence ? D'où la 1ère nécessité= prier. La prière nous fait communier à la Miséricorde. Ne pas nous arrêter à une émotion. Ne pas attendre que d'autres agissent. L'amour du Christ nous presse : la mission est la première urgence. Evangéliser avant de catéchiser ; appeler à la conversion avant de" sacramentaliser" Le Christ est l'unique berger, le seul qui peut offrir nourriture de vérité, eau de la grâce ;le seul qui peut nous unir, le seul pour nous conduire au terme.. Joyeuse annonce du Seigneur, le Bon Pasteur, qui vient unifier les hommes dans le droit et la justice.