Mt 2:1-12
Il était arrivé fatigué. Il avait également fait le voyage à pieds mais en partant de l'Ouest. Il est vrai que de Bioul-lez-Warchin, au c½ur du Condroz, jusqu'à Bethléem, il y en a des kilomètres. Il observait par l'entrebâillement de la porte mais n'osait pas entrer. Les trois autres, ceux venus de l'Est, venaient juste de repartir. Il faut dire qu'ils avaient laissé de superbes cadeaux aux pieds de l'enfant-Dieu. Il était là et attendait maintenant sans doute un geste. Les yeux de Jésus croisèrent alors son regard et ses mains lui firent signe d'approcher. Notre mage wallon décida d'entrer dans la pièce. Il regarda tout penaud l'enfant. Qu'y a-t-il ? Je n'ai rien à t'offrir si ce n'est d'ouvrir mon c½ur comme les mages viennent d'ouvrir leurs coffrets. Chez moi, dans mon village, je suis un artisan céramiste mais les gens n'aiment pas beaucoup mes ½uvres. Donne m'en alors une, supplia l'enfant. J'aime recevoir ce que les autres rejettent car je vois ce qu'ils ne peuvent parfois même pas percevoir. Hélas, durant le voyage, j'ai brisé la statuette que je voulais te donner, reprit le mage. Elle est en plusieurs morceaux. Mais c'est justement pour cela qu'il faut que tu me la donnes, souligna Jésus. J'aime recevoir ce qui a été brisé, déchiré, abîmé parce qu'avec moi et en moi, les gens s'ils le désirent peuvent retrouver leur unité et leur dignité. Enfin, laisse-moi ta valise. Impossible, reprit le mage, je n'avais pour seul bagage durant ce voyage que tout l'amour que j'ai donné et tout l'amour que j'ai reçu. Justement, reprit l'enfant Dieu, c'est pour cela que je souhaite le recevoir. Tout amour déposé en moi est multiplié, amplifié à la mesure de l'amour infini de mon Père qui vit dans les Cieux. En ouvrant de la sorte son c½ur, le mage déposa tout cela aux pieds de l'enfant dont le visage s'illumina d'un sourire aux mille étoiles. Il repartit vers son pays tout léger et tout heureux d'avoir dorénavant en lui cet enfant Dieu qui ne demandait qu'à être visité pour lui offrir ce qui lui ferait tant de bien. Voilà, sans doute un des paradoxes de cet événement de l'Epiphanie. En effet, très souvent dans la vie, lorsque nous faisons un cadeau, nous cherchons d'abord à faire plaisir à celle ou celui qui va la recevoir. Il nous arrivera même parfois d'offrir quelque chose que nous n'aimons pas tout simplement pour le plaisir de l'autre. Nous pouvons alors être envahis de sentiments ambigus. Si le cadeau est un peu le prolongement de moi-même et dit quelque chose de l'affection que j'éprouve pour la personne à qui je le donne, il n'est pas toujours aisé d'offrir quelque chose que nous n'aimons vraiment pas comme par exemple un cd de musique d'un groupe contemporain qui se dit musicien alors que pour nous ce n'est que du bruit à devoir supporter. Puis, il y a aussi les cadeaux qui nous font mal, qui nous blessent car nous ne nous sentons pas respectés, aimés pour qui nous sommes. Ils sont un peu comme ces annonceurs de mauvaises nouvelles avec lesquels nous avons l'impression que le monde s'écroule sous nos propres pieds. Nous sommes complètement désemparés et il nous faut alors laisser le temps au temps pour pouvoir continuer d'avancer sur le chemin de notre vie. Heureusement pour nous, il en va tout autrement avec l'événement de la crèche. Cette fois, nous ne venons pas déposer devant lui ce qui ferait plaisir à l'enfant Dieu. Non, c'est tout le contraire qui nous attend. Le Fils nous invite à venir à lui pour offrir ce qui d'abord nous fera du bien à nous, c'est-à-dire à ouvrir notre coeur. Il se réjouit de notre réconciliation avec nous-même. Il nous fait prendre conscience que quelle que soit notre situation de fragilité, de blessure intérieure, de maladie envahissante et pernicieuse, nous pouvons nous rendre auprès de lui pour les déposer en lui. Cela nous demande un chemin intérieur de partir à sa rencontre au creux de nous-même là où réside l'indicible. Il porte alors avec nous tout ce qui nous encombre et grisonne notre avenir. Non pas pour le transformer de manière magique et radicale mais plutôt pour nous aider à trouver, retrouver notre dignité d'homme ou de femme. Il nous fait ainsi découvrir que quoique nous traversions nous sommes toujours des être dignes même si nous ne le ressentons plus toujours. Puissions-nous chacune et chacun venir à notre tour déposer auprès de Dieu tous ces cadeaux qui nous feront du bien et nous permettront encore et toujours d'avoir du prix à nos propres yeux. L'enfant Dieu en ce jour de l'Epiphanie nous tend ses bras pour que nous lui offrions tout simplement qui nous sommes en tout vérité, en toute lucidité. Dieu nous aime tels que nous sommes et nous demande de nous offrir à lui pour qu'il puisse mieux encore s'offrir à nous. Venons, dépêchons-nous, offrons-lui et déposons auprès de lui dans le silence de notre c½ur tout ce qui nous fera du bien pour avancer sur le chemin de la vie, une vie qui nous est promise pour l'éternité. Vivons ce don merveilleux et à notre tour, repartons d'ici par un autre chemin d'intériorité.
Amen