26e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Nous, les chrétiens, nous nous plaignons souvent - à juste titre - de l'état du monde : dictatures, famine, corruption, pornographie, climat en compote, mépris des droits de l'homme, etc. Le pape multiplie les appels solennels à la paix, exhorte les dirigeants à restaurer la justice et à mettre fin aux conflits. Sans cesse l'Eglise se lamente sur le péché du monde et exhorte les nations au changement.

Et si le problème n° 1 était d'abord la conversion des chrétiens , de l'Eglise ?...

AU C¼UR DE LA RELIGION

Qu'a fait Jésus dont nous suivons la route de dimanche en dimanche ? Quelle a été sa priorité lorsque, à la fin de son long voyage, il est entré dans Jérusalem ? Il n'a pas mis fin à l'occupation romaine, il n'a pas invectivé les hommes politiques, il n'a pas dénoncé les m½urs dissolues de certains. Il a accepté les vivats de la foule mais sans se faire d'illusion sur cet enthousiasme superficiel. Il a même cessé de faire des guérisons : les quelques dernières sont notées furtivement par Matthieu comme si elles n'avaient guère d'importance (21, 14). Ce sont les c½urs qu'il venait guérir. Où s'est-il rendu lorsqu'il a fait son entrée en ville ? Au temple pour chasser les vendeurs càd. purger le culte de tout mercantilisme. Et où revient-il chacun des jours suivants ? Au temple. Pour y faire quoi ? Enseigner c'est-à-dire parler, expliquer la volonté de Dieu, inciter les croyants à l'engagement de l'obéissance réelle.

Dans la lignée des anciens prophètes, Amos, Osée, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et les autres, Jésus le prophète ne supprime pas le culte mais il restitue en son c½ur l'écoute attentive et l'obéissance à LA PAROLE DE DIEU. Ce n'est pas une parole doucereuse, consolatrice à bon compte, émolliente. Mais une Parole qui crie la Vérité de Dieu et donc qui dénonce les mensonges cachés sous les apparences de la piété, le rituel qui tolère trop bien l'injustice régnante, les chants des cantiques qui couvrent les appels au secours des malheureux et des exploités. En conséquence quels sont les personnages qui vont être heurtés par cette prédication ? Non les Romains (que Jésus ne maudit pas) ni les pécheurs publics (à qui il offre la miséricorde divine) mais bien les autorités religieuses : grands prêtres, anciens et scribes, responsables de l'édifice sacré et des cérémonies.

TROIS PARABOLES POLEMIQUES

Pendant que Jésus, imperturbable, poursuit son enseignement sur l'esplanade, divers groupes de ces autorités viennent l'interroger : Matthieu nous présente 5 controverses. La 1ère concerne la question de l'"autorité" de Jésus (21, 23-27) : de quel droit ose-t-il s'ériger en maître ? Qui lui a donné pouvoir de lancer sa contestation ? Jésus réplique que, au préalable, ils doivent se prononcer sur Jean le Baptiste : au nom de qui baptisait-il ? Etait-ce par une initiative personnelle ou était-il envoyé par Dieu ? Embarrassés, les hommes déclinent la réponse. Ce qui autorise Jésus à refuser de se justifier puisque lui-même prolonge l'activité du Baptiste.

Là-dessus Jésus prend l'offensive et il raconte trois paraboles dans lesquelles il dénonce la rouerie de ses interlocuteurs : elles constituent les évangiles lus en ces trois prochains dimanches. Voici la première, celle d'aujourd'hui :

Jésus disait aux chefs des prêtres et aux anciens : " Que pensez-vous de ceci ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : " Mon enfant, va travailler aujourd'hui à ma vigne". Il répondit : " Je ne veux pas". Mais ensuite, s'étant repenti, il y alla. Abordant le second, le père lui dit la même chose. Celui-ci répondit : " Oui, Seigneur" et il n'y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ? Ils lui répondent : "Le premier". Jésus leur dit : " Amen , je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean Baptiste est venu à vous, vivant selon la justice, et vous n'avez pas cru à sa parole tandis que les publicains et les prostituées y ont cru". Mais vous, même après avoir vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire à sa parole".

Comme dans la célèbre parabole du fils prodigue de s. Luc, Dieu est présenté comme ayant deux fils qui représentent clairement deux groupes, deux attitudes de vie : d'un côté les pécheurs notoires, de l'autre les pratiquants. Mon prédécesseur, Jean-Baptiste, mon maître, dit Jésus, est venu "selon la justice" : il a été un prophète qui, courageusement, proclamait les exigences de la Justice de Dieu, appelait tout le monde à observer les lois de Dieu afin de devenir des justes, des croyants "ajustés" aux volontés de Dieu.

Des gens qui avaient longtemps refusé d'écouter les commandements et qui vivaient dans le péché furent touchés par la prédication du Baptiste : après avoir longtemps dit NON à Dieu, ils se convertirent, changèrent de vie et dirent OUI. Tandis que vous, grands prêtres et anciens, vous avez répondu OUI à Dieu mais sans accepter de mettre en pratique toutes ses volontés. Vous vous présentez comme des croyants, pieux, fidèles aux cérémonies...mais lorsque le Baptiste vous a demandé, à vous également, de changer et de vous convertir à la vraie foi, vous vous êtes cabrés. La conversion vous apparaissait comme l'affaire des brigands, des débauchés, des voyous et ne vous concernant en rien. Et même, en constatant que des gens de mauvaise vie abandonnaient leurs anciennes m½urs pour chercher à devenir des justes devant Dieu, ce spectacle ne vous pas émus. Vous ressemblez à des hommes qui ont dit OUI à Dieu mais en pratique vous dites NON. Car le rituel, la connaissance théologique, les pratiques pieuses ne peuvent jamais se substituer à l'obéissance et à la pratique vécue de tous les commandements de Dieu.

D'ailleurs les interlocuteurs de Jésus eux-mêmes le reconnaissent : le vrai croyant, ce n'est pas celui qui dit OUI du bout des lèvres...mais celui "qui fait la volonté du Père", celui qui se rend compte qu'il disait NON et qui commence à dire OUI par sa vie. Ce converti, affirme Jésus, "précède" ceux qui n'ont dit OUI que du bout des lèvres ( Attention à une mauvaise interprétation trop répandue : Jésus précise bien que ces grands pécheurs "passent avant" parce qu'ils se sont convertis ! et non parce que peu importe la morale ! )

" Si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie. Parce qu'il s'est détourné de ses fautes, il vivra ! " ( Ezéchiel 18 = 1ère lecture )

POUR UN OUI EN ACTES

Ces altercations entre Jésus et ses ennemis ont excité longtemps la colère des chrétiens contre ces chefs juifs indignes. Mais il est manifeste qu'en rapportant ces affrontements, Matthieu a voulu mettre en garde les responsables des communautés chrétiennes : l'orthodoxie (la pensée juste) n'est rien sans l'orthopraxie (l'activité juste). Liturgie et théologie ne valent que si elles changent la vie concrète.

Nous voyons des gens enfoncés dans le mal, nous les jugeons sévèrement, ils ont dit NON à Dieu. Croyons-nous que la Parole peut les toucher et qu'ils peuvent tout à coup dire OUI ? Sommes-nous prêts à les accueillir sans les rejeter dans leur passé ?...

Nous, "bons chrétiens, persuadés que nous sommes (à peu près) des "justes" qui ont dit OUI, savons-nous que nous avons, nous aussi, à changer parce que la conversion n'est jamais accomplie une fois pour toutes ? Admettons-nous que notre OUI cache parfois certains NON ? Osons-nous prendre des options plus radicales ?

Lorsque nous voyons des pécheurs capables de grands changements, sommes-nous heureux ? Voulons-nous une Eglise où tous communient dans la même joie, conscients d'être tous bénéficiaires de la miséricorde du Père ?...

Sommes-nous persuadés que l'avenir de notre ville dépend d'abord de la vérité évangélique de ses paroisses ? ...comme Jésus croyait que l'avenir de son pays dépendait d'abord de la conversion des responsables de sa religion !!!..

27e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Où trouver des expressions modernes pour rendre compte de la radicalité du changement annoncé ? Par quels mots suggérer le licenciement des vignerons, imposteurs et assassins ? Que signifie l'avertissement de Jésus d'un changement de postes, d'un changement de peuple, dans la vigne de Dieu ? Cela ne serait-il que du passé ? La vieille affaire du passage des juifs aux païens ? Pas seulement ! Nous lisons l'Evangile et nous le méditons parce qu'il porte un souffle toujours vivant, et que, mis au contact de notre réalité, il prend feu et devient Parole de Dieu. Aujourd'hui Jésus nous parle d'un bouleversement imminent. Il y a trois questions : celle du changement, celle des dirigeants et celle du grand patron.

***

Parlons du changement. Y aurait-il des problèmes ? Jésus Christ nous inviterait-il à oser ouvrir les yeux, à prendre le risque de la lucidité, à nous avouer que tout ne va pas pour le mieux, ni dans notre Eglise, ni dans notre pays ni, plus largement, dans notre humanité ? Le Christ éveille notre intelligence, notre sens critique, notre capacité d'indignation. C'est peut être moins confortable que le conformisme moelleux de la religion, la répétition de formules toutes faites, une philosophie de prêt à penser, une morale de prêt à pratiquer, un système qui se prend pour l'éternité, à l'abri de toute surprise et de tout changement. Mais le Dieu chrétien n'est pas dans l'immuable ni dans l'éternité, il est dans l'histoire et dans la création.

Mais comment oser imaginer qu'un changement complet pourrait arriver ? Pourquoi pas ? nous dit Jésus : ouvrez les yeux, même la religion juive et sa loi révélée a été bouleversée. Accueillons aujourd'hui les leçons de l'actualité. Que signifient les événements de ces derniers jours sinon que tout peut basculer, y compris les institutions bancaires les plus renommées ? Que devient une vigne en manque de liquidité ? Elle sèche et voilà tout. Que devient une entreprise sans crédit, un gouvernement sans popularité ? Que devient une Eglise sans vie sinon une momie ou un musée ? Si, dans les banques, le capital premier c'est la confiance, dans l'Eglise c'est la foi. Sans la foi, administration, rituels et différentes fonctions, tout s'écroule comme un château de cartes soufflé par le vent.

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Quand Jésus nous dit que le Royaume de Dieu va être confié à un autre peuple, s'agit-il d'un divorce dans l'Alliance ou parle-t-il d'une révolution ou encore d'une délocalisation ? Il nous dit que tout peut changer et que ceux qui s'imaginent propriétaires vont, tôt ou tard, déchanter. Car, dans toutes les religions, il y en a qui s'imaginent propriétaires, ministres à vie, dirigeants à vie, propriétaires du Royaume de Dieu, propriétaires de la religion, propriétaires de la liturgie, propriétaires de la parole de Dieu, propriétaires de la théologie, propriétaires de la vérité, propriétaires de Dieu... Ils connaissent Dieu mieux que lui-même ne se connaît. Ils parlent en son nom, ils agissent en son nom. Vous connaissez la différence qu'il y a entre un intégriste et un terroriste ? C'est qu'avec le terroriste, vous pouvez négocier... L'intégriste, lui, fait toujours la volonté de Dieu, qu'il le veuille ou non ! Les intégristes ont oublié que Dieu n'est pas qu'une idée, un concept, une représentation et qu'il pourrait bien se réveiller, qu'il pourrait se manifester, qu'il pourrait exister. En attendant, leur manque de foi pratique fait beaucoup de mal car ces faux propriétaires de Dieu tuent les envoyés, leur coup d'état idéologique fait beaucoup de morts. Leur religion privatisée exige beaucoup de sacrifices humains. Dominicains, petits neveux ou petits fils d'inquisiteurs, nous ne pouvons pas l'oublier.

Mais il ne faudrait pas, parce que nous sommes dans une Eglise humaine, imparfaite, toujours à réformer, nous laisser obséder par nos problèmes de bénitiers. Ce que nous vivons entre nous se vit surtout en grosses lettres dans le monde entier. Comment cela se passe-t-il dans les partis, les grandes administrations, les entreprises, les universités ? Qui détourne à son profit les fruits du travail de tous ? Qui détourne le pouvoir, l'avoir, le savoir ? Qui s'approprie le vivant à coup de brevets ? Qui s'attribue la création, les plantes, les gènes, l'eau, l'espace, les ressources minières et jusqu'aux ½uvres d'art ? Apprenons à dénoncer les multiples formes de vol organisé !

***

Mais le temps passe et il ne faut pas oublier de méditer dans notre parabole, l'attitude singulière du grand patron, maître de la vigne, Seigneur de l'histoire, père de Jésus, celui que nous choisissons comme notre Dieu.

Aucun responsable sérieux n'agirait comme il le fait. Personne, à sa place ne perdrait ainsi son temps et ses meilleurs éléments. Après le sacrifice des premiers envoyés, qui en enverrait d'autres, désarmés ? Et après ce nouveau massacre, qui enverrait son fils les mains nues ? Pourquoi cet immense gâchis de collaborateurs sacrifiés ? N'y a-t-il pas là le signe d'une fidélité insensée, d'une volonté extrême d'aller jusqu'au bout ?

Remarquez le bien : ce sont les interlocuteurs de Jésus qui parlent de la colère du propriétaire. Jésus ne dit rien de tel. Nous le voyons ces jours-ci. Ce qui est fondé sur le vide s'effondre dans le vide. On peut s'en réjouir mais combien d'affamés auraient pu être nourris, combien d'enfants auraient pu être scolarisés avec les milliers de milliards d'Euros et de dollars volatilisés ! Certains parlent d'une « nouvelle fondation » pour le capitalisme. La fondation du monde nouveau, nous dit Jésus, se fera sur les rebus, sur les exclus. La périphérie sera placée au c½ur. Oui, tout va changer, tout change incessamment. Et Jésus nous appelle à anticiper !

27e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Depuis les gigantesques travaux entrepris par le roi Hérode pour agrandir et embellir le temple de Jérusalem, celui-ci resplendissait comme un des plus magnifiques édifices du monde de l'époque. Le culte y déployait ses fastes avec ses prêtres richement vêtus, ses chorales de lévites, ses processions, ses sacrifices offerts dans l'observance minutieuse des rites. Caïphe et les grands prêtres officiaient avec piété ; les Anciens géraient l'administration avec prudence ; les scribes y étudiaient et enseignaient toutes les subtilités de la Loi. Vraiment on se trouvait au lieu le plus sacré de la création : YHWH, l'unique vrai Dieu, demeurait là et son peuple l'adorait et le célébrait avec ferveur. Tout était fait pour la plus grande gloire de Dieu

Cependant c'est là, dans l'enceinte, sur l'esplanade, que Jésus, au terme de son long voyage depuis la Galilée, s'installe et "enseigne". Et si la foule se presse pour l'écouter avec plaisir, les autorités religieuses sont de plus en plus outrées et scandalisées car Jésus ne se gêne pas pour leur dire leur fait - notamment à l'aide de trois paraboles qui, loin d'être des histoires roses, dénoncent crûment les mensonges "du système".

Après celle des deux fils de dimanche passé, voici la 2ème, évangile de ce jour.

ISRAEL LA VIGNE DU SEIGNEUR DIEU

Jésus disait aux chefs des prêtres et aux pharisiens : " Un homme était propriétaire d'un domaine ; il planta une vigne, l'entoura d'une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons et partit en voyage".

On reconnaît tout de suite le "chant de la vigne" rapporté par le prophète Isaïe (Is. 5 = 1ère lecture) : parmi toutes les nations, Dieu a planté Israël, son peuple avec lequel il a fait alliance et qu'il a comblé de bienfaits...mais dont justement, en retour, il attend de très bons fruits. Et les vignerons sont évidemment les autorités religieuses qui doivent veiller à cette fécondité qui n'est rien d'autre que vivre selon la volonté de Dieu, en célébrant son culte, certes, mais surtout en étant une société où règnent le droit et la justice.

Quand arriva le moment de la vendange, il envoya des serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne : mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l'un, tuèrent l'autre, lapidèrent le 3ème. De nouveau le propriétaire envoya d'autres serviteurs, plus nombreux que les premiers : mais ils furent traités de la même façon.

Elie, Amos, Osée, Isaïe, Jérémie, et tant d'autres jusque Jean-Baptiste : depuis des siècles Dieu n'a cessé d'envoyer des prophètes afin de rappeler ses exigences et dénoncer les infidélités de son peuple. Mais hélas, la Bible rapporte les échecs successifs de ces envoyés de Dieu : non seulement on refusait de les écouter mais souvent ils suscitaient une telle furie que certains d'entre eux moururent martyrs ! Pour ne pas devoir se convertir, des hommes sont toujours capables de tuer ceux qui les remettent en question !

Finalement il leur envoya son fils en se disant : " Ils respecteront mon fils". Mais voyant le fils, les vignerons se dirent :" Voici l'héritier : allons-y, tuons-le, nous aurons l'héritage !". Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.

Tournant de l'histoire : Dieu, à la fin, envoie Jésus, son Fils bien-aimé, ainsi qu'il l'a appelé à son baptême. Devant sa bonté, sa tendresse, sa clarté, son amour, on s'attendrait qu'enfin les hommes admettent leur errements et se convertissent à son enseignement. Trois fois hélas, la haine s'exacerbe et on met à mort ce fils traité comme un blasphémateur impie et qui en effet sera exécuté hors de la ville, au Golgotha ( Hébreux 13, 12). Et quels sont les auteurs qui ont manigancé cette exécution ? Les autorités du temple, les célébrants du culte, les maîtres en théologie !!!...

Jésus interpelle son auditoire afin qu'il n'écoute pas une histoire étrangère et lointaine mais se sente concerné et participant :

Jésus dit : " Quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ?" On lui répond : " Ces misérables, il les fera périr misérablement ; il donnera la vigne en fermage à d'autres vignerons qui en remettront le produit en temps voulu".

Matthieu écrit son évangile dans les années 8O : il a donc vécu la grande catastrophe de l'an 70 quand les Romains ont impitoyablement écrasé la révolte juive, saccagé la ville, détruit le temple et donc mis fin au sacerdoce et au culte. Matthieu interprète cet événement comme conséquence du refus de l'évangile de Jésus : on n'a pas voulu vivre selon les Béatitudes, on a opté pour la violence et on l'a payé chèrement ! Il n'y a plus de prêtres juifs et plus de temple donc les nouveaux vignerons, ce sont les responsables de l'Eglise de Jésus.

Qu'ils prennent donc bien garde, qu'ils tirent la leçon de l'histoire : si Dieu leur remet le soin de "sa vigne", c'est avec la ferme volonté de voir enfin se réaliser la vie selon l'Evangile, une société qui accepte la royauté de Dieu en pratiquant droit et justice, - les fruits que Dieu exige puisqu'il en a donné les moyens de réalisation.

Jésus leur dit encore : " La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire : c'est là l'½uvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux."

Jésus s'approprie le psaume 118 dans lequel un juste persécuté clame sa joie d'avoir été sauvé par son Dieu. Alors que les chefs du peuple le considéraient comme "un rebut", le rejetaient comme les maçons écartent une pierre inapte à la construction, voilà que Dieu va rechercher cette pierre méprisée et en fait la pierre d'angle de sa nouvelle construction, l'Eglise. La merveille des merveilles, c'est que le Seigneur Dieu choisit un crucifié bafoué et déshonoré pour en faire le fondement de la Cité nouvelle qu'il construit ! Les autres pierres que nous sommes ne peuvent désirer d'autre destin.

Mais attention de bien interpréter la terrible sentence finale : Aussi, je vous le dis : le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit".

Il n'est pas dit qu' Israël sera remplacé par un autre peuple ni même par l'Eglise puisque l'Eglise primitive était constituée de Juifs, puis de Juifs et de païens mêlés. C'est le système -"temple-sacerdoce-liturgie-théologie"- tel qu'il fonctionnait à Jérusalem, soucieux de rites mais stérile en actes de vie, qui doit disparaître. Comme d'ailleurs disparaîtra tout système similaire - fût-il catholique - qui s'enorgueillirait de ses constructions architecturales, de ses théories théologiques et de ses liturgies rituelles sans donner le fruit que Dieu exige et qu'il exigera toujours : former une communauté bâtie sur le droit et la justice.

Les premières générations chrétiennes n'ont bâti ni chapelle ni cathédrale. Le baptême était célébré comme rite significatif d'une option, l'engagement d'un adulte à qui on ne cachait pas un destin de souffrances de toutes sortes. Dans les maisons, les disciples de Jésus faisaient mémoire de l'offrande du FILS rejeté, tué mais ressuscité. Le calice contenait le FRUIT d' AMOUR agréable à Dieu. En l'offrant et en le partageant, les disciples s'accueillaient les uns les autres et constituaient UN CORPS car la communion eucharistique créait la communauté fraternelle. Ils acceptaient d'être rejetés par la société, dans la joie de partager le destin de leur Seigneur. Les temps ont changé mais l'Eglise doit toujours vérifier avec soin si ses activités cultuelles fructifient en charité vécue.

28e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Dans cette chapelle, ce matin, nous sommes, toutes et tous, venus habillés de différentes façons : en blouse d'hôpital, en peignoir, en pull, en cravate, en tailleur, en costume, etc. Imaginons qu'à ce moment précis, chacune et chacun, nous recevions une enveloppe dans laquelle se trouve un carton d'invitation où nous lisons : « Le Maître prie chacun des participants à la célébration eucharistique de Saint-Luc de lui faire l'honneur d'assister au déjeuner qu'il donnera aux Salons Z à l'occasion des noces de son Fils le dimanche 12 octobre 2008 à 11 heures 30 précises ». En fait dans moins d'une heure. Et puis, toujours sur ce même carton, en bas à gauche, en plus petit, est indiquée la tenue vestimentaire exigée pour la circonstance : robe longue, jaquette ou uniforme. Notre célébration dominicale se terminant aux alentours de 11h10, je suis au regret de vous annoncer que je pense être le seul à pouvoir m'y rendre. En tant que religieux, je porte l'habit de mon Ordre et je réponds ainsi aux conditions requises par l'invitation. Ne vous inquiétez pas, je penserai à vous là-bas et je boirai un verre à votre santé. Mon histoire pourrait se terminer de la sorte. Toutefois, je me suis imaginé une autre fin d'autant que, comme le dit la sagesse populaire, l'habit ne fait pas le moine. Il m'est en effet difficile d'imaginer que le Dieu qui nous rassemble pour le célébrer s'encombre de détails vestimentaires superfétatoires. Il nous invite plutôt à le rejoindre tout en portant un vêtement de noce, c'est-à-dire un vêtement invisible aux yeux des êtres humains mais tellement visible aux yeux de Dieu. Le Père nous prie de nous habiller, c'est-à-dire, pour reprendre l'expression du poète de nous « endieuser ». S'endieuser, c'est accepter de revêtir le Christ, ou encore de se laisser enrober par le Père. Dès l'instant de notre baptême, toutes et tous, nous avons été endieusés. En effet, nous portons en nous et sur nous la marque de l'Esprit-Saint. Il ne s'agit pas d'une simple étoffe mais plutôt d'une disposition de c½ur : se laisser recouvrir par l'amour de Dieu qui se révèle dans le drapé de notre être. Au fil de la vie, cet habit de lumière créé par le Père, dessiné dans le Fils et confectionné par l'Esprit peut, suite à certaines saisons douloureuses de l'existence, se ternir quelque peu, voire s'abîmer. L'échec professionnel, la maladie, les diverses souffrances auxquelles nous sommes confrontés sont autant de facteurs qui peuvent altérer la qualité de ce vêtement de noce qui ne demande qu'à rayonner d'une lumière arc-en-ciel offrant ses couleurs à nos histoires personnelles. Permettez-moi d'insister : il est vrai que la dure réalité de la vie reprend parfois le dessus et fait alors ombrage à ce qui nous a été donné. Si le vêtement de noce a vocation d'éternité, il reste immanquablement marqué de nos accrocs respectifs mais également altéré par ces mites humaines qui viennent subtiliser nos énergies par le mensonge, la trahison ou encore l'abus. Heureusement pour nous, dans la foi, le plus grand couturier depuis la Création du monde est l'Esprit Saint qui n'utilise que le fil d'or de la tendresse pour réparer nos blessures les plus profondes. L'aiguille de la douceur, tenue par une main d'amour, vient caresser la béance de certaines parties de notre être et de notre histoire pour la recouvrir à nouveau d'un point qui relie, d'un mouvement qui réconcilie, d'une attention qui attendrit. En Dieu, rien n'est jamais perdu à jamais. Il y a toujours l'espérance. Et cette dernière se laisse découvrir dans la rencontre humaine. Il ne faut pas grand chose, juste deux c½urs prêts à s'accorder pour que le souffle de l'Esprit puisse agir en nous. S'endieuser devient ainsi l'espérance folle que Dieu est avec nous, que Dieu est en nous. Il ne nous lâche pas et nous convie à le chercher dans les traces laissées par son Fils lors de son pèlerinage terrestre et dans les marques de l'Esprit agissant par le biais des créatures humaines. L'endieusement est alors cette pratique de l'existence qui nous fait prendre conscience que nous sommes non seulement toutes et tous appelés à la Vie mais également élus en Dieu lorsque nous écrivons notre histoire avec l'encre de l'amour dont la source est intarissable puisque divine. Oui, ne craignons pas nos avenirs, revêtons tout simplement, tout tendrement ce vêtement de noce. Laissons-nous recouvrir par l'amour Dieu, un amour d'éternité.

Amen

28e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

En entrant à Jérusalem, en s'installant pendant plusieurs jours (les derniers avant la fête de la Pâque !!) sur l'esplanade du temple, en enseignant le peuple, en osant dénoncer l'hypocrisie et le mensonge de certaines autorités religieuses, Jésus était pleinement conscient des dangers qu'il encourait. Mais "il fallait" parler, proclamer la vérité, dénoncer les ornières du système car la dérive religieuse est pire que l'occupation étrangère, les malversations ou la débauche.

Aux groupes de grands prêtres et d'anciens qui tentent de le déstabiliser, Jésus réplique sèchement par trois paraboles dont nous avons entendu les deux premières : 1ère parabole :"Les deux fils" : dire OUI à Dieu oblige à une conversion coûteuse qui va bien plus loin que la pratique des cérémonies. Toutefois le NON de certains peut se convertir en OUI réel.

2ème parabole : "Les vignerons" : il faut travailler dans la vigne de Dieu, prêter l'oreille à ses envoyés et donner le fruit que Dieu exige : justice et droit. Sinon on sera exclu et remplacé par d'autres.

La 3ème parabole aujourd'hui reprend la même thématique de l'appel mais en éclairant la profondeur d'amour à laquelle nous sommes promis.

DIEU INVITE AUX NOCES DE SON FILS

Le Royaume de Dieu est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils.

Contre le danger de rabaisser l'Eglise au niveau d'une institution (inscription, réunions, rites, vie morale régulière...), il nous est rappelé ici une vision beaucoup plus profonde. Dieu ne veut pas se laisser enfermer dans les idées que nous nous faisons de Lui : divinité lointaine, tyran arbitraire, juge implacable...... Il aime tellement ses créatures humaines qu'il veut s'en approcher au point de s'unir à elles. Ni contrat ni fusion, divinité et humanité s'unissent en des noces mystiques en Jésus. Moïse et les prophètes (comme tous les enseignants) demeuraient séparés de nous : Jésus, Fils de Dieu et fils de l'homme, peut nous rejoindre dans l'être.

Prétention exorbitante mais qu'il osait proclamer clairement lorsqu'il avait le front de dîner chez Matthieu en compagnie des publicains pécheurs et qu'il avait lancé aux pharisiens scandalisés : " Les invités à la noce peuvent-ils être en deuil et jeûner tandis que l'Epoux est avec eux ?". ( Matth 9, 15). Le projet de Dieu étant la réalisation de ce "mariage" et celui-ci ne pouvant s'accomplir que dans la liberté des partenaires, Dieu ne cesse d'inviter, d'appeler, de convoquer...Mais hélas, il se heurte à notre résistance :

Il envoya ses serviteurs pour appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d'autres serviteurs dire aux invités : " Voilà : mon repas est prêt, mes b½ufs et mes bêtes grasses sont égorgés : tout est prêt : venez au repas de noce !". Mais il n'en tirent aucun compte et s'en allèrent, l'un à son champ, l'autre à son commerce. Les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent.

Quelle tristesse ! Si nous sommes invités dans un château, chez une vedette du spectacle ou du sport, nous tressaillons de joie, nous nous préparons avec soin, nous nous pressons, le c½ur en fête, et dès le lendemain, nous n'en finissons pas de raconter tous les détails de cette réception. Par contre, quand Dieu invite gratuitement les hommes à prendre part au banquet le plus extraordinaire - puisqu'il s'agit de partager la VIE DIVINE -, alors beaucoup hésitent, allèguent des excuses, déclinent l'invitation : "Je n'ai pas le temps, j'ai beaucoup à faire, je réfléchirai..." Toutes les personnalités sont intéressantes à fréquenter...sauf Dieu !!!

Et même - le comble ! - il y a des gens tellement excédés par les rappels des messagers de Dieu qu'ils les molestent, les injurient, et parfois les suppriment !

Le roi se mit en colère : il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et brûla leur ville. Comme dans la parabole précédente des vignerons, ceci semble faire allusion à l'événement de l'an 70 lorsque les Romains écrasèrent la révolte juive, détruisirent la ville et incendièrent le temple. On sait en effet que les chrétiens du temps ( donc les communautés de Matthieu ) interprétèrent cette catastrophe comme le châtiment d'Israël qui avait rejeté son Messie Jésus.

Alors le roi dit à ses serviteurs : " Le repas de noce est prêt mais les invités n'en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce". Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu'ils rencontrèrent, les mauvais comme les bons. Et la salle de noce fut remplie de convives.

Les hommes ne peuvent pas faire échouer le projet de Dieu : Israël a refusé de croire ? Alors Jésus ressuscité envoie ses disciples dans le monde entier :

" Tout pouvoir m'a été donné. Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit" ( Matth 28, 19).

Désormais l'Evangile est proposé dans toutes les langues, les apôtres s'élancent dans toutes les directions et le peuple de Dieu a pris une dimension internationale, mondiale !

Mais attention ! Il ne faut pas que nous nous rassurions à bon compte et transformions notre vocation en un privilège inamovible. On ne s'installe pas sans façons dans le royaume de l'amour. Aussi pour prévenir le danger de cette folle assurance, la finale va apporter un correctif.

Le roi entra pour voir les convives. Il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce : " Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noce ?". L'autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : " Jetez-le pieds et poings liés dehors dans les ténèbres : là il y aura des pleurs et des grincements de dents". Certes la multitude des hommes est appelée mais les élus sont peu nombreux" .

On retrouve la leçon de la parabole du filet (13, 47) : les missionnaires appellent à tous vents, accueillent chacun avec mansuétude, les portes de l'Eglise sont ouvertes, le baptême est conféré...Encore faut-il que le baptisé vive dans la lumière symbolisée par sa robe blanche et qu'il respecte ses engagements. Car un jour Dieu lui-même opérera le tri : on ne va pas automatiquement au paradis - ce qui serait un non respect de notre liberté donc un mépris de l'homme.

La note finale nous semble restrictive ? Ne spéculons pas sur le pourcentage des élus et en tout cas ne damnons personne. Et croyons à l'immense miséricorde de Dieu. Mais sans oublier l'avertissement qui nous est lancé.

Ces trois paraboles de ces trois dimanches sont à relire en bloc : elles insistent toutes sur l'importance capitale de l'invitation de Dieu. 1) Il faut répondre un vrai OUI qui soit acte.

2) Ce OUI est une embauche qui oblige au travail, c'est-à-dire à la pratique ardue des exigences du Seigneur et toute jalousie entre nous est interdite. Dieu est BON envers tous.

3) Ce OUI est participation joyeuse aux Noces de l'Agneau. L'appel de Dieu est la Parole la plus essentielle qui nous soit adressée tout au long de notre existence. N'endurcissons pas notre c½ur. Ne remettons pas à plus tard. Si nous ne brûlons pas d'amour, nous risquons de brûler vainement et affreusement d'envie et de déception.

L'appel à venir à la messe du dimanche est l'invitation qui déjà nous permet de vivre l'inauguration du Banquet des Noces. Pourquoi ne pas venir ?....

29e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Alors que la fête de la Pâque approche, la foule se presse sur la grande esplanade du temple de Jérusalem pour écouter Jésus arrivé récemment de Galilée. Serait-il le Messie qui, dit-on, doit survenir justement lors de cette fête de la libération ? Va-t-il déclencher la révolution ?...Mais les autorités religieuses - grands prêtres, anciens et scribes - sont de plus en plus excédées par cet homme qu'elles tiennent pour un imposteur et elles cherchent à le discréditer en le harcelant de questions insidieuses. C'est ainsi que Matthieu, après Marc, rapporte cinq controverses : à la première concernant son audace de parole, Jésus a répondu par les trois paraboles assez dures que nous avons entendues les dimanches précédents. Aujourd'hui voici la 2ème dispute qui concerne un sujet brûlant, très débattu à l'époque. En cette année (30 de notre ère), il y a déjà plus de 90 ans que les Romains occupent le pays. Ces païens idolâtres règnent d'une main de fer sur la terre sainte, répriment dans le sang toute tentative d'insurrection et exigent de lourds impôts qui pèsent de façon intolérable sur la population.

Le peuple de Dieu doit-il acquitter ce tribut qui semble reconnaître son allégeance à l'endroit de ces païens honnis ? Les zélotes, partisans de la résistance armée, mènent campagne pour qu'on refuse cette contribution ; au contraire, les grands prêtres et leur parti sadducéen, par crainte de la répression sanglante, ont opté pour la soumission et l'obéissance forcée. Ce sujet reste évidemment à la une de l'actualité et les opinions sont déchirées. Et si on allait demander son avis à ce Jésus ?...

Les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d'Hérode : " Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne car tu ne fais pas de différences entre les gens. Donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l'impôt à l'empereur ?"

L'abord flagorneur qui semble honorer Jésus en soulignant sa droiture et son obéissance parfaite à la loi de Dieu cache une ruse : on le somme, devant les gens, de ne pas chercher de faux fuyant, de correspondre à sa réputation d'homme qui dit franchement la vérité quoi qu'il en coûte. Le dilemme l'enferme dans un piège. S'il répond "Il faut payer", ce sera la preuve qu'il n'est pas un vrai prophète puisqu'il accepte l'occupation païenne et le déshonneur de la nation : en ce cas on pourra persuader la foule de le rejeter. S'il dit "Ne pas payer", on le dénoncera aux Romains comme révolutionnaire dangereux, à supprimer d'urgence.

Jésus, connaissant leur perversité, riposta : " Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre dans l'embarras ? Montrez-moi la monnaie de l'impôt". Ils lui présentèrent une pièce d'argent ( un denier)
-   Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ?
-   De l'empereur César, répondirent-ils.
-   Eh bien, rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu"

Cette réponse de Jésus est sans nul doute une de ses réparties les plus célèbres au point d'être devenue une expression proverbiale. Ce qui ne veut pas dire qu'elle est facile à comprendre ni moins encore à appliquer car elle pointe des problèmes permanents : la situation du chrétien en tant que citoyen et le rapport de l'Eglise et de l'Etat.

RENDRE A CESAR CE QUI EST A CESAR

Le denier représentait le buste de l'empereur avec l'inscription " Tibère César, fils du divin Auguste, Auguste" : prétention divine blasphématoire pour les Juifs ! Mais Jésus reconnaît - sans l'approuver bien sûr- la souveraineté romaine : le Prince qui frappe monnaie a autorité sur le pays. Donc Jésus ne veut pas être un Messie politique. Les croyants demeurent des citoyens tenus à remplir tous leurs devoirs : nous devons observer les lois et donc payer nos contributions. Sous l'empereur Néron, Saint Paul écrira aux chrétiens de Rome d'acquitter leur tribut : " Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir...c'est la raison pour laquelle vous payez les impôts" ( Romains 13, 1-7). Car Paul se rend compte que si les petites communautés chrétiennes se rebellent, elles seront impitoyablement exterminées. Israël en fera la terrible expérience quelques années plus tard : l'insurrection conduira au carnage, à la destruction de Jérusalem et à la fin du temple.

RENDRE A DIEU CE QUI EST A DIEU

S'il faut rendre à l'Empereur l'impôt (la pièce frappée à son effigie), il faut plus encore rendre à Dieu ce qui porte son image. Or qu'est-ce qui porte l'image de Dieu ? Ainsi que le déclare le premier récit de la création : l'être humain ! Tout être humain, quels que soient sa couleur de peau, son état de santé, son âge, sa condition, porte l'empreinte divine et est donc revêtu d'une dignité inaliénable. L'Etat ne dispose donc pas d'un pouvoir inconditionnel, il ne peut empêcher l'humain de "se rendre à Dieu", il ne peut imposer l'athéisme en combattant la religion vue comme une superstition néfaste, ni imposer des lois qui brident la liberté et bafouent la dignité humaine.

Par ailleurs la foi religieuse ne se réduit pas à une opinion privée et à la pratique de certains rites pieux : la religion ne peut être enclose dans les sacristies et l'Eglise conserve un droit de parole. En effet l'Evangile est tout sauf conformiste, il doit rester une instance critique, une force contestatrice qui exige un état de droit et dénonce, s'il le faut, les injustices et l'idolâtrie. Lorsque Rome, pour unifier les divers peuples de son immense territoire, voudra imposer non seulement l'obéissance mais le culte de l'Empereur, les chrétiens (pas tous !) refuseront de plier les genoux devant sa statue, proclamant que le seul et unique SEIGNEUR est JESUS LE CHRIST et acceptant du coup le martyre ( cf. la fameuse Lettre de Pline le Jeune en 112) .

L'Eglise devra également prendre garde lorsque l'Etat aura la tentation de la flatter, de lui accorder des subsides ou des privilèges afin d'acheter son silence. Elle n'a pas vocation à prêcher la résignation ni à avaliser tout ce que dit le pouvoir. Nos Eglises d'occident ont-elles, ces dernières décennies, dénoncé suffisamment le gaspillage des ressources, l'injustice mondiale, le primat de l'argent fou ?...

On le voit : ces problèmes sont extrêmement délicats, impossibles à résoudre en quelques minutes. Je terminerai par une citation du pape Benoît XVI lors de sa récente visite à Paris :

« "...De nombreuses personnes en France se sont arrêtées pour réfléchir sur les rapports de l'Église et de l'État. Sur le problème des relations entre la sphère politique et la sphère religieuse, le Christ même avait déjà offert le principe d'une juste solution lorsqu'il répondit à une question qu'on Lui posait : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mc 12,17).

L'Église en France jouit actuellement d'un régime de liberté. La méfiance du passé s'est transformée peu à peu en un dialogue serein et positif, qui se consolide toujours plus. Un nouvel instrument de dialogue existe depuis 2002 et j'ai grande confiance en son travail, car la bonne volonté est réciproque. Nous savons que restent encore ouverts certains terrains de dialogue qu'il nous faudra parcourir et assainir peu à peu avec détermination et patience. Vous avez d'ailleurs utilisé, Monsieur le Président, la belle expression de « laïcité positive » pour qualifier cette compréhension plus ouverte. En ce moment historique où les cultures s'entrecroisent de plus en plus, je suis profondément convaincu qu'une nouvelle réflexion sur le vrai sens et sur l'importance de la laïcité est devenue nécessaire. Il est en effet fondamental, d'une part, d'insister sur la distinction entre le politique et le religieux, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité de l'État envers eux, et d'autre part, de prendre une conscience plus claire de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu'elle peut apporter, avec d'autres instances, à la création d'un consensus éthique fondamental dans la société..... C'est à l'Etat qu'il revient d'éradiquer les injustices............." » ( Cérémonie de bienvenue - Palais de l'Elysée -vendredi 12 09 08 - cf. site du Vatican)

2e dimanche de Carême, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Carnavals : pauvres et dérisoires essais de montrer que l'on "s'amuse bien" ; masques qui cachent et défigurent les visages ; tressaillements ridicules sur des airs vulgaires ; et ces ivresses qui ne font rire que ceux dont l'enfant n'a pas été écrasé par un chauffard alcoolique. Ah oui ! ce désir profond en nous : changer de "look" comme on dit, resplendir de beauté, acquérir une nouvelle personnalité, former un vrai peuple qui fraternise dans l'allégresse en vérité ! Il y faut bien autre chose que des pluies de confettis, des lancers d'oranges et des fanfares !

Avoir un nouveau visage, devenir vraiment ce que l'on n'a pas réussi à être, guérir de ses laideurs, être clair avec soi, se revêtir de gloire : est-il possible d'être un être rayonnant ? Jésus l'a été, un soir, sur la montagne. Et nul empereur, nul savant, nul artiste n'eut et n'aura jamais bénéficié de telle aura.

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère et il les emmène à l'écart, sur une haute montagne. Il fut TRANSFIGURE devant eux : son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Leur apparurent Moïse et Elie qui s'entretenaient avec lui. Pierre dit : " Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie" Il parlait encore lorsqu'une NUEE LUMINEUSE les couvrit de son ombre ; et de la NUEE, une voix dit : "CELUI - CI EST MON FILS BIEN AIME EN QUI J' AI MIS TOUT MON AMOUR : ECOUTEZ - LE".

Ce rayonnement ne s'acquiert pas, il n'est pas le résultat d'efforts de maîtrise de soi ni d'une montée mystique - ni encore moins, évidemment, l'effet de maquillages et de cosmétiques. C'est l'éclat de l'être de Jésus, l'épiphanie de son mystère, l'apparition de la Lumière du Verbe de Dieu, de la Vérité QU ' IL EST !

Cette trans-figuration n'advient pas devant la foule, ni même devant l'ensemble des disciples : seuls trois d'entre eux sont admis au seuil du mystère. On ne peut exiger cette faveur. Elle n'est pas permanente : pur moment de grâce qui rend tellement heureux que l'on voudrait qu'il se prolonge ("Faisons trois tentes"...).

Mais pourquoi arrive-t-elle à cet endroit, à ce moment ? La question est capitale et seul l'Evangile en donne la clef - que malheureusement la lecture liturgique a omis. Il faut aller voir le texte pour lire l'introduction de l'événement :

""Après 6 jours, Jésus prend avec lui Pierre, ...". Un des rarissimes endroits où l'on note l'intervalle entre deux faits de la vie de Jésus : Six jours après quoi ???". Nous sommes à Césarée de Philippe, près des sources du Jourdain et l'évangéliste Matthieu raconte : " A partir de ce moment, Jésus commença à montrer à ses disciples qu'il lui fallait s'en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être mis à mort et, le 3ème jour, ressusciter".

Evidemment, devant cette affirmation scandaleuse, Pierre se dresse : " Ah non ! Dieu t'en préserve ! Cela ne t'arrivera pas !". Mais Jésus sèchement écarte son apôtre : " Derrière moi, satan ! ". Et loin d'adoucir l'âpreté de ses propos, il étend le tragique de sa destinée à ceux qui veulent le suivre : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix et qu'il me suive...".

Voilà donc pourquoi Dieu, à ce moment -ci, offre à son Fils cet éclair de bonheur : c'est parce que Jésus vient d'accepter d'entrer dans l'ultime étape de sa vie : en obéissant à son Père, aller plus loin encore sur le chemin de l'amour. Après le temps des beaux discours et des guérisons spectaculaires, voici venu le temps d'affronter ses ennemis et, pour l'honneur de son Père, d'offrir sa vie pour pardonner à l'humanité endurcie dans la nuit du mal. Le Père qui naguère avait offert sa vocation à Jésus lors de son baptême, aujourd'hui reprend les mêmes paroles à l'intention, cette fois, des disciples :

"CELUI- CI EST MON FILS BIEN AIME...ECOUTEZ - LE".

Et la VOIX remplace la LUMIERE, l' ECOUTE remplace la VISION, le charme de l'EXTASE débouche dans l 'OBÉISSANCE pénible. Ecoutez ce message stupéfiant, inacceptable : le Messie ne vous entraîne pas au triomphe à Jérusalem, il va à la rencontre de ses pires adversaires. Echouant à les convertir, il va au contraire attiser leur haine : unanimes ils se dresseront contre lui pour le supprimer.

Au Jardin des Oliviers, devant l'échéance de la croix, Jésus sera DEFIGURE par l'épouvante. Etreint par l'angoisse, il sera "pressé" - Gethsémani signifie "lieu du pressoir" - mais ainsi il pourra, au nom de Dieu, offrir la Douceur de l'Esprit, la Mansuétude de la Miséricorde.

Parce que, à Césarée, il accepte d'entrer sur ce chemin, ce jour, sur la montagne, la Vérité qu'il accepte de vivre TRANSFIGURE sa face.

Il est comme le Buisson ardent où Moise jadis avait entrevu la Présence d'un Dieu qui lui révélait son dessein : " J'ai vu le malheur de mon peuple : fais-le sortir d'Egypte". Aujourd'hui Jésus, irradié par la Lumière divine, monte à Jérusalem pour accomplir sa mission : libérer les hommes prisonniers du péché, leur rendre leurs visages d'enfants de Dieu

Il n'est pas l'heure de dresser des tentes, de vouloir arrêter le temps pour se fixer dans une extase égoïste. Il faut retrouver l'homme Jésus ordinaire et se décider à le suivre. Au bout de la route, il n'y aura pas la victoire facile sur le mal mais la pâque, le passage - terrifiant mais nécessaire - à travers la mort pour déboucher dans la lumière de la Transfiguration définitive. Alors nous ne serons plus des hommes qui font "de la figuration" dans le carnaval de la terre- mais une humanité à tout jamais transfigurée, glorieuse, rayonnante de la Vérité que Dieu lui aura donnée pour toujours à travers son Fils. La 2ème étape de carême nous offre sur le Visage de Jésus un reflet de cette Gloire qui nous attend si, aujourd'hui, nous acceptons d'"écouter" le Fils et de le suivre sur la route. Car il est la LUMIERE DU MONDE.

2e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Dans notre petit pays secoué par la tourmente (et sans voir "le terme"), nous viennent heureusement quelques consolations : nous avions TINTIN, nous avons maintenant TITINE, notre célèbre "n°1 du tennis mondial", Justine Hénin. Même les non sportifs peuvent deviner quels sacrifices il faut consentir pour atteindre ce niveau et y demeurer : régime alimentaire strict, séances douloureuses de musculation, temps de sommeil régulier, répétitions inlassables des mêmes gestes. Pas question de courir les boîtes et de s'en donner à c½ur joie ! Cette dure ascèse fait que les grands champions sont rares !

Et nous, chrétiens, nous n'accepterions pas une sévère discipline de vie alors qu'il ne s'agit pas, pour nous, de gagner une coupe ou un gros chèque mais de répondre à l'appel que Dieu nous a lancés et d'entrer dans la Vie éternelle ?!

Au début de l'année nouvelle, un prophète nous accoste et nous assure que nous aussi, les bons croyants, nous les premiers, nous devons travailler à changer de vie !! Et pas seulement nous contenter de critiquer tout ce qui va mal dans le monde et dans l'Eglise.

En ces jours-là paraît Jean le Baptiste qui proclame : " Convertissez-vous car le Royaume de Dieu est tout proche !"... Alors Jérusalem, toute la Judée venaient à lui, et ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.

Curieux ! Jean ne vitupère pas contre les païens idolâtres, contre les pécheurs débauchés mais au contraire il s'adresse à ses compatriotes, à ceux qui partagent sa foi. Et il leur révèle que ce n'est pas au temple de Jérusalem mais, avec lui, dans les eaux du fleuve, qu'ils seront pardonnés...s'ils avouent leurs péchés ! Devant les dysfonctionnements de la société, ce sont d'abord les croyants qui ont à s'atteler à la tâche de leur propre conversion !

Nous sommes sans doute choqués par cette interpellation : nous estimons que nous avons déjà consenti beaucoup d'efforts, que ce sont les autres, les méchants, les pervers, les athées qui devraient changer. Mais Jean dénonce une foi qui en reste à des mots et qui n'a pas suffisamment d'effets tangibles :

Des pharisiens (laïcs engagés) et des sadducéens (prêtres) venaient nombreux au baptême, Jean leur lance : " Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez un fruit qui exprime votre conversion ; N'allez pas vous dire : " Nous avons pour père Abraham" car Dieu, avec des pierres, peut faire surgir des enfants à Abraham !..."...Car tout arbre qui ne donne pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu !"

Impossible de se considérer croyant par hérédité, de réduire la foi à des pensées élevées, des bonnes manières, des rites légalistes, des miracles...Croire, c'est agir. Si elle est sincère, la foi passe aux actes. Si elle ne produit pas de fruits, elle est déclaration hypocrite et mensongère. Nulle cérémonie, nul sacrement, nulle extase ne peut nous épargner la dure décision d'obéir aux ordres de Dieu.

INEFFICACITE DE JEAN : ANNONCE D' UN AUTRE

Mais voici l'étonnant : Jean-Baptiste lui-même va "se convertir" !!!! Comme s'il se rendait compte que ses exhortations sont justes mais inefficaces, il se met à proclamer un tout nouveau message. Et ici résonne LA BONNE NOUVELLE : (Jean continue)

" Moi, je vous baptise dans l'eau pour vous amener à la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales ! Lui vous baptisera dans l' Esprit-Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas".

Le prophète remplit sa fonction, il prêche, il secoue mais il doit avouer ses limites. Il faut qu'un autre survienne après lui. Quelqu'un de tout autre : Jean n'est même pas digne de s'agenouiller devant lui tellement la différence entre les deux hommes est abyssale !

Seul JESUS a la capacité de changer les hommes parce qu'il possède toute la puissance de l'Esprit, de l'Energie de Dieu. Jean lavait dans l'eau du fleuve mais seul Jésus peut allumer le feu de l'Amour divin dans les c½urs. Alors a lieu la véritable conversion : non l'accomplissement d'un rite, mais le renouvellement de l'être qui fait que, retourné par sa foi nouvelle, le croyant peut mettre en pratique les lois de Dieu, porter des fruits durables, mener une vie féconde. Non, il ne nous est pas demandé de devenir des champions à la force du poignet ; les chrétiens ne sont pas des Merckx, des Justine, des sportifs fiers d'accomplir des exploits par leurs propres efforts.

Tout au contraire, les chrétiens savent trop bien leurs limites, leurs faiblesses. Mais ils se tournent vers Jésus leur Seigneur, leur Sauveur : ils lui demandent son Esprit, ils sont d'accord de recevoir de Lui un élan qui, ils ne l'ignorent pas, va les entraîner sur des chemins inconnus. Ils prendront des décisions déchirantes, ils s'étonneront de constater de quoi tout à coup ils sont capables. Mais une joie nouvelle les saisira : la Parole du Christ a beau ressembler à celle de Jean-Baptiste et des prophètes mais elle leur est incomparable. Car elle contient l' ESPRIT, elle apporte par elle-même la force de la réaliser, elle change la vie.

LA MESSE : PAROLE ET HOSTIE - OREILLES ET BOUCHE

Voilà pourquoi l'Eucharistie se compose de deux parties : dans la première, on écoute des enseignements (lectures, homélie, chants)...mais il faut déboucher dans la seconde où la PAROLE du Christ reçue dans l'oreille devient PAIN à accueillir dans la bouche.

L' Hostie que nous acceptons porte en elle l'enseignement entendu quelques minutes auparavant. On ne va pas manger un "pain sacré" : nous allons recevoir LE CHRIST EN PERSONNE, ce "quelqu'un qui vient après" les prophètes et les prédications et dont "la présence réelle" nous rend capables de mettre en application la leçon écoutée et acceptée. Les deux parties de la messe sont indissolublement liées :

-- Refuser l'Hostie, c'est assimiler Jésus à un prophète, un professeur de morale, un éducateur des droits de l'homme.
-- Vouloir manger l'Hostie sans d'abord écouter la Parole de Dieu et être décidé à la vivre, c'est retomber dans la magie.

2e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Six semaines avant Pâques, nous acceptions de recevoir le signe cendré de la croix et nous engagions sur le chemin du carême. On nous exhortait à la conversion, aux renoncements, aux sacrifices tandis que l'Eglise nous interpellait par le chant-programme :

« Changez vos c½urs, croyez en la Bonne Nouvelle ! changez de vie, croyez que Dieu vous aime ! ».

Enfin, la joie de Pâques a éclaté et les Alléluias ont retenti. Avons-nous tenu nos bonnes résolutions ? Nos pénitences ont-elles été réalisées ? Nos familles et nos paroisses sont-elles devenues meilleures ? Nos c½urs et nos vies ont-ils changé ? Notre joie pascale ne viendrait-elle pas simplement d'être débarrassés d'un impératif de privations ?

Quelle présomption de croire que l'on peut par soi-même accomplir sa vocation chrétienne ! Souvenons-nous des premiers Apôtres : ils avaient cheminé longtemps derrière le Maître, avaient écouté ses exhortations- « Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive ! » - ; ils s'étaient engagés à donner leur vie pour lui en montant à Jérusalem. Et, patatras ! ces enseignements, ces belles résolutions s'étaient écroulés comme château de cartes à l'approche du danger menaçant. Comme il le leur avait annoncé, Jésus s'était retrouvé seul à Gethsémani et à la croix. Absolument seul !

Mais c'est alors, au c½ur même de leur échec, qu'allait éclater la merveille de Pâques. Loin de condamner ses disciples pour leur lâcheté, loin de rejeter ses faux amis, Jésus, dans l'élan de sa Vie nouvelle de ressuscité, les retrouve et les accueille avec amour :

C'était après la mort de Jésus, le soir du 1er jour de la semaine.. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient car ils avaient peur des Juifs. JESUS VINT et il était là au milieu d'eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous » et il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous. De même que le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Il envoya sur eux son souffle : « Recevez l'Esprit-Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus ».

Le Ressuscité ne donne plus des enseignements : il communique la force de les réaliser. Il ne condamne pas des traîtres : il leur pardonne pour qu'ils puissent, à leur tour, offrir ce pardon à quiconque voudra bien croire en lui.

Ainsi donc, pour saint Jean, le don de l'Esprit est effectif le jour même de Pâques. Or la liturgie nous a habitués à suivre la chronologie de saint Luc qui reporte la descente de l'Esprit à la fête de Pentecôte, 50 jours plus tard. Y a-t-il contradiction ? Pas du tout. Chaque évangéliste veut exprimer une facette essentielle du mystère.

JEAN ET LUC : DEUX THEOLOGIES DE L ' ESPRIT

Saint Jean nous met en garde de ne pas séparer "Croix-Résurrection-Don de l'Esprit". La Paix est offerte à partir des plaies de Jésus, d'un Jésus qui est vivant et qui communique l'Esprit à ceux qui le contemplent. Le danger existe en effet de parler de « spiritualité » en gommant la croix, de se croire chrétien en étant « zen » ou « cool », de s'imaginer être dans le souffle de l'Esprit en vibrant dans une transe collective, en jubilant d'un enthousiasme infantile ou en se blindant dans une sérénité imperturbable. Cette Energie divine ne peut venir qu'au sein d'une communauté qui fait mémoire de la Passion de Jésus : c'est pourquoi Thomas ne la reçoit pas tant qu'il n'accepte pas de rejoindre ses frères « huit jours après ». Nous avons ici une attestation primitive de la valeur centrale du DIMANCHE. Thomas, l'un des Douze, n'était pas avec eux quand Jésus était venu.. Les autres lui disent : « Nous avons vu le Seigneur ». Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, ni la main dans son côté, non, je ne croirai pas » Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison et Thomas était avec eux. Jésus vient - portes verrouillées - il était là au milieu d'eux. Il dit : « La paix soit avec vous ». Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt, vois mes mains, avance ta main. Ne sois pas incrédule : sois croyant ». Thomas dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Jésus lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».

Oui, « heureux » celui qui n'exige pas d'apparition mais qui, avec ses s½urs et ses frères, partage l'Eucharistie du dimanche en y voyant le corps et le Sang d'un Jésus qu'il peut confesser comme « Mon Seigneur et mon Dieu ». Alors l'Esprit lui est accordé.

Saint Luc, lui, reporte le don de l'Esprit à la fête de la Pentecôte. Sept semaines après la Pâque, l'antique fête des Moissons était devenue la commémoration du don de la Loi au mont Sinaï. Mais si cette Loi de Dieu - la Torah - était la fierté d'Israël, celui-ci reconnaissait qu'il avait toujours été incapable de la pratiquer fidèlement tout au long de son histoire. Toutefois, après la catastrophe de l'Exil, les prophètes avaient transmis la grande Promesse de Dieu : « Je vous donnerai un c½ur nouveau, Je mettrai ma Loi au fond de vos c½urs, Je vous donnerai un Esprit nouveau ». ( Jér 31, Ez 36). Alléluia ! clame saint Luc, la Promesse s'est réalisée : à la Pentecôte, Dieu a envoyé son Esprit sur les apôtres au cénacle. Non pour déclarer le dépassement de la Loi ancienne ni pour offrir une grâce facile, mais pour permettre précisément aux croyants de pratiquer les commandements de Dieu de façon radicale.

Il nous faut donc articuler les deux récits des évangélistes.

Jean nous assure que l'Esprit est donné aujourd'hui à ceux qui rejoignent la communauté qui, chaque 1er jour de la semaine, accueille Jésus vivant dans le souvenir de sa croix (mon corps et mon sang).

Luc nous invite à demeurer en état d'éveil, à ne pas nous croire trop vite propriétaires de l'Esprit et à demeurer sans cesse ouverts à sa venue.

Après le carême ( QUARANTAINE d'efforts à FAIRE) voici venu le TEMPS PASCAL : CINQUANTAINE de jours de prière, de supplication, d'ouverture pour RECEVOIR. Voici le temps de « changer de disque » et d'entonner l'autre cantique : « Donne-nous, Seigneur, un c½ur nouveau ; mets en nous, Seigneur, un Esprit nouveau ».

Nous ne prétendons plus nous dresser tels des matamores sûrs de pratiquer un impératif : nous devenons des mendiants, qui ont expérimenté leur faiblesse et implorent une puissance qu'ils sont incapables de s'attribuer. Voici le temps de comprendre que la condition préalable à la conversion chrétienne n'est pas de présenter à Dieu la liste de nos dévouements mais d'accepter, en communauté, de nous reconnaître pécheurs et de nous laisser recréer gratuitement par l'Esprit. Car le pardon n'est pas coup d'éponge, encore moins indifférence au péché : il n'est pas banal que S.Jean note que le Ressuscité a « soufflé » sur ses disciples - de la même manière que Dieu avait soufflé sur Adam pour lui donner la vie (Genèse 2, 7) Le temps pascal est le temps de la re-création de l'homme. Celui-ci peut alors chanter Alléluia sans oublier que ce cri est rouge du sang de son Sauveur.

2e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

A chaque Eucharistie, avant la communion, le célébrant présente l'Hostie consacrée en proclamant la fameuse phrase par laquelle, selon l'évangile de Jean, Jean-Baptiste a désigné Jésus lorsque celui-ci s'est présenté à son baptême : "Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ".

Que signifie-t-elle exactement ? Un rapide parcours historique nous permet de percevoir la richesse extraordinaire de cette titulature et, du même coup, la merveilleuse histoire de l'Eucharistie.

1. LA FETE DE PRINTEMPS DES BERGERS

Depuis des temps immémoriaux, les bergers nomades du Proche-Orient célébraient le retour d'une nouvelle année par la fête de l'agneau. Après les quelques semaines de froid et de pluies d'hiver, au soir de la première lune de printemps, ils se rassemblaient en tenue de départ ; on immolait un jeune agneau mâle ; de son sang, on maculait les piquets de tente en vue d'écarter les mauvais esprits ; dans l'allégresse, debout, on consommait l'agneau rôti. Après les adieux, chaque berger emmenait son troupeau à la recherche des pâturages et des puits dans l'espoir que la divinité le protègerait des maladies et des attaques des prédateurs. On se retrouverait à la fin de la saison pour un nouvel hivernage. Cette coutume s'est pratiquée jusqu'à nos jours.

2. LA PÂQUE DES ESCLAVES HEBREUX

La Bible raconte que, vers le 13ème siècle avant notre ère, plusieurs clans de bergers hébreux étaient descendus dans les terres riches en pâtures du delta du Nil mais ils furent réquisitionnés pour réaliser des travaux de fortification à la frontière. Astreints à des rythmes effrénés, battus par les gardiens, ils criaient leur détresse vers leur Dieu sans recevoir de réponse.

Or un jour, un certain Moïse leur promit la fuite prochaine précisément en cette nuit de fête de l'agneau (appelée PESSAH) : on tâcherait les tentes de sang, on mangerait l'agneau rôti et on s'enfuirait. Et effectivement le miracle se produisit ! En pleine nuit, les esclaves s'en allèrent...et ne furent jamais rejoints par leurs poursuivants. Ils franchirent le fleuve, traversèrent le désert du Sinaï où leur Dieu fit alliance avec eux en leur donnant sa Loi. Quelques années plus tard, ils pénétraient en Canaan et fondaient le royaume d'Israël.

3. PESSAH, LA PÂQUE JUIVE

Cette sortie d'Egypte -appelée l' EXODE- devint l'événement fondateur du peuple d'Israël et, tout au long de la Bible, Dieu répéta : " C'est moi qui vous ai fait sortir du pays d'Egypte". C'est pourquoi la fête de PESSAH, avec le rite du sang et le repas de l'agneau, prit une importance essentielle et devint la fête obligatoire qu'il fallait célébrer chaque année, à la pleine lune de printemps.

Moment capital dans l'histoire : désormais, au lieu de demander la protection des troupeaux, Pessah célébrait la libération des hommes. On ne fêtait plus le cycle annuel des saisons mais un événement historique : contre la dictature du tout-puissant Pharaon, Dieu avait pris le parti des esclaves ! Selon la Tradition juive, chacun doit "se considérer soi-même comme sorti d'Egypte". Et le don de la libération miraculeuse fut attribué au jeune agneau innocent, le seul dont le sang avait été versé et qui devenait le mémorial perpétuel de cette révélation extraordinaire.

4. LE REPAS PASCAL DE JESUS

Célébrer PESSAH et en apprendre la signification à ses enfants était et reste une obligation fondamentale du père de famille. Saint Joseph le fit avec Jésus et lui-même, devenu adulte, la célébra avec ses disciples.

Or, en l' année 30 de notre ère, monté à Jérusalem pour le pèlerinage annuel de la Pâque, Jésus comprit que l'étau se refermait sur lui : les Autorités avaient décidé de supprimer ce Galiléen dangereux.

Jésus dit à ses disciples : " Allez à la ville chez un tel et dites-lui : Mon temps est proche : c'est chez toi que je fais la pâque avec mes disciples". Ils firent comme Jésus avait prescrit et préparèrent la pâque" (Matt 26, 17) . C'est alors, au cours de ce repas, qu'il allait prendre l'initiative la plus stupéfiante et la plus bouleversante de son existence : il allait transfigurer le rite séculaire :

Le soir venu, il était à table avec les Douze...Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit puis le donna aux disciples : " Prenez, mangez : ceci est mon Corps". Puis il prit une coupe et, après avoir rendu grâce, il la leur donna : " Buvez-en tous car ceci est mon sang, la sang de l'Alliance, versé pour la multitude pour le pardon des péchés". (Matth. 26, 20-30).

Pas un mot sur l'agneau ! qui, pourtant, a été immolé quelques heures auparavant par les prêtres du temple, qui a été rôti chez l'hôte et qui se trouve sur le grand plat au milieu de la table !

JESUS ASSUME LE ROLE DE L' AGNEAU. Conscient de sa mort prochaine, avant que ses ennemis lui PRENNENT sa vie, IL LA DONNE aux siens.

Sa mort n'est pas un accident ni même l'exécution d'un martyr pour une juste cause : par le don de lui-même, il les fait sortir non d'un pays mais de l'esclavage du péché et les constitue en peuple d'hommes libres, accueillis DANS LA NOUVELLE ALLIANCE ! Les disciples - qui vont lâchement abandonner leur maître dans les heures qui suivent - sont pardonnés par LE SANG REPANDU de leur Seigneur.

5. NOTRE EUCHARISTIE DOMINICALE

Dès sa naissance, la communauté des disciples a obéi à l'ordre de son Seigneur. Elle a compris qu'elle ne pouvait vivre qu'en recevant sa vie du sacrifice de l'Agneau et elle l'a célébré non plus au printemps de chaque année, non plus même au soir de la dernière Cène, mais le lendemain de chaque sabbat, au matin glorieux où Jésus était ressuscité (Jour du Seigneur = Dimanche). Lorsque le prêtre présente l'Hostie, regardons l'Agneau qui a été immolé ; avançons et recevons avec une immense gratitude Celui qui, en se partageant à ses frères, leur donne le pardon de leurs péchés et la communion à sa Vie. Chaque fois l'exode s'accomplit : Dieu nous fait sortir de la prison de notre égoïsme et nous devenons un PEUPLE LIBRE.

2e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Lens Patrick
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Notre cher Jean-Baptiste est quand même un oiseau curieux : il vit dans le désert, il est vêtu d'un poil de chameau et d'une ceinture de cuir autour de ses reins, et il mange des sauterelles. C'est un homme du minimum : il se contente du minimum pour lui-même. D'autre part, c'est un homme du maximum : il est assez exigeant, il demande la conversion de tout un peuple, il prédit que Dieu va faire le grand nettoyage, que le temps est devenu très limité et qu'il faut se dépêcher. La cognée se trouve déjà à la racine des arbres. C'est l'Avent, on attend la venue du Christ, le petit enfant Jésus. Par sa venue même comme enfant, il prêche la douceur, l'amour, la grâce et la miséricorde pour tous, surtout pour les pécheurs et les malheureux. Comment réconcilier ces deux figures, ces deux messages ? Jean-Baptiste n'a-t-il donc rien compris de l'évangile ? Ou est-ce que c'est plutôt Jésus qui est le naïf ? Mais on a parfois tendance à oublier que Jésus lui-même pouvait être très sévère, là où il rencontrait de l'hypocrisie au lieu d'ouverture de c½ur et d'esprit. Là, il ne lui restait que la colère pour exprimer ce qu'il avait dans son c½ur. En fait, briser l'atmosphère d'indifférence est très difficile. Jésus lui-même la dit quand il parlait de Jean le Baptiste. En fait il dit : nous avons chanté une lamentation, et vous n'avez pas pleuré, nous avons joué à la flute, et vous n'avez pas dansé. Qu'est-ce que vous voulez en fait ? On peut se plaindre du fait que Jean-Baptiste a été trop sévère. On peut dire : il faudrait plutôt mettre l'accent sur la joie de la bonne nouvelle que Jésus nous a apporté. Mais est-ce qu'on se réjouit vraiment pour cela ? Car quand Jésus vient avec toute sa douceur, l'annonce de la miséricorde, le pardon des péchés, on aurait peut-être la tendance à penser que c'est pour les autres. Nous, nous faisons de notre mieux. C'est peut-être un peu le problème de notre temps : nous avons déjà nos interprétations toutes prêtes. On sait ce que l'on veut entendre. On sait surtout très bien ce que l'on ne veut plus entendre. L'indifférence n'est pas toujours le manque de c½ur ou de l'esprit, mais c'est le manque d'ouverture. Nous avons peut-être justement trop dans notre c½ur et dans notre esprit pour écouter librement. L'Avent, c'est créer le vide et le désert pour mieux écouter, aplanir la route pour que le Seigneur puisse vraiment venir et entrer chez nous. L'Avent, c'est se contenter du minimum pour recevoir le maximum : le don du Fils de Dieu lui-même. Aplanir la route pour nous débarrasser de tout ce qui gêne en nous l'ouverture de c½ur. Nous avons parfois besoin d'un Jean-Baptiste et sa prédication un peu violente ; cela nous choque et nous réveille de notre sommeil. Ne dis pas : nous avons Abraham pour père, car Dieu peut susciter des enfants à Abraham à partir des pierres mortes. Pour nous cela peut signifier : ne disons pas trop rapide que nous sommes éduqués chrétiennement, que nous avons envoyé nos enfants à une école catholique et que nous nous comportons comme de bons citoyens. Tout cela est bien vrai. Ma la question est : est-ce que nous sommes des vrais croyants, est-ce que nous sommes prêts à le devenir ? Est-ce que nous avons une foi vivante ? Beaucoup de nos traditions sont mortes ; ce n'est plus parce que tes parents étaient catholiques, que toi tu l'es. Il faut faire un nouveau choix, bien délibéré. La cognée se trouve déjà à la racine des arbres, mais Dieu ne va pas couper les arbres qui portent du fruit. A nous à voir les signes du temps. C'est un peu le message de Jean-Baptiste traduit pour aujourd'hui. Je pense que nous vivons un temps de purification : la vraie mentalité des gens est en train de sortir. C'est une bonne chose ; cela nous permet justement de recevoir le baptême dans l'eau que Jean-Baptiste propose, un baptême de purification de l'intérieur, de notre mentalité profonde. Mais après Jean-Baptiste viendra celui qui nous plongera dans le feu et l'amour du Saint-Esprit : après le vide, vient la plénitude, après l'eau le vin de la fête. Mais il faut d'abord se laisser vider pour bien en pouvoir profiter.

30e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Il m'arrive assez régulièrement dans cet hôpital d'entendre des personnes qui me disent qu'elles sont croyantes et non pratiquantes. A l'étonnement qui se lit sur mon visage, certaines s'autorisent à me questionner : « pourquoi réagissez-vous de la sorte ? » Ma réponse est toujours la même : « je n'arrive pas à comprendre comment l'on peut être croyant sans être pratiquant. La foi et la pratique sont les deux côtés de la même pièce. Elles sont indissociables. Pour moi, la foi n'est pas un simple concept intellectuel, une relation privilégiée qui m'unit au Créateur par le biais unique de la prière. Non, si vous croyez, cela doit se voir dans la manière dont vous vivez votre vie. La foi se lit dans vos yeux, elle se décline dans les paroles de votre bouche, elle s'offre dans les gestes montrant l'attention que vous portez à celles et ceux de qui vous vous faites proches ». Le Christ ne semble pas souhaiter que nous limitions notre foi au Père en nous enfermant dans une relation personnelle tournée exclusivement vers Lui. Il est vrai que nous sommes invités à aimer Dieu de tout notre c½ur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Mais ce n'est pas suffisant. Ce serait trop facile. Je viens à la messe le dimanche, j'ai accompli mon devoir et le reste de la semaine, je fais ce que je veux sans plus aucune référence à cette foi proclamée une heure par semaine dans un lieu précis. C'est sans doute la raison pour laquelle, le Christ rappelle cet autre commandement, semblable au premier : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Quelques mots pour souligner que la pratique ne peut se limiter à un moment dominical mais qu'elle s'enracine dans la rencontre de l'autre. En d'autres termes, si nous sommes croyants, nous sommes automatiquement pratiquants. L'un ne va pas sans l'autre puisqu'il s'agit d'aimer Dieu et d'aimer son prochain. Voilà la tâche précise qui nous est demandée. Rien de plus. Nous pourrions presque en arriver à regretter les commandements donnés par Moïse. Je crois en effet, qu'il est beaucoup plus simple de se limiter à quelques lois édictées plutôt que de faire vibrer sa vie au son de la loi divine : une loi d'amour de l'autre et du Tout-Autre. Dieu n'attend rien d'autre de nous. Il nous demande d'aimer, d'aimer et toujours d'aimer. Telle est sa volonté. Ö combien cette dernière nous semble parfois bien difficile à appréhender. En effet, dans la vie, cette phrase du Notre Père a souvent été mal comprise : « que ta volonté soit faite ». Je l'entends avec un soupir de résignation comme si l'épreuve que j'étais en train de traverser avait été dictée de là-haut. La perte de l'être aimé, l'expérience de la douleur, de la souffrance ou encore du temps de la maladie peuvent être perçues par certaines personnes comme étant la volonté de Dieu à laquelle nous devrions acquiescer sans broncher. Toutefois, je pense que dans cette perspective, la volonté divine serait purement arbitraire. Dieu l'a voulu ainsi et nous n'aurions qu'à le subir. Sa volonté serait un absolu que rien n'explique ni ne justifie. Dieu l'a voulu ainsi et je suis prié de m'y soumettre puisqu'il est le plus fort. Je ne peux pas faire autrement. Cette compréhension de Dieu qui a marqué de nombreux siècles de notre histoire me paraît profondément perverse. En effet, ici, Dieu n'est plus que pouvoir arbitraire et aliénant. C'est la loi du plus fort qui s'applique et nous n'avons plus d'autre solution que celle d'obéir aveuglément. Nous serions ainsi réduits à courber l'échine devant une volonté qui cherche à nous anéantir en nous envoyant les pires épreuves possibles. Heureusement pour nous, Jésus nous rappelle ce matin que la volonté de Dieu est tout autre. La volonté divine s'inscrit au c½ur de notre c½ur. Elle s'enracine dans ce dont nous avons le plus besoin au monde : l'amour. Oui, telle est la véritable volonté de Dieu : que nous aimions, que nous puissions grandir en humanité et en divinité par les armes de l'amour. La volonté divine est ce projet merveilleux que Dieu nous offre à chacune et chacun : celui d'aimer. L'aimer Lui mais également aimer tous ceux et celles qui croisent notre chemin. Dieu n'a pas d'autre volonté que cette loi d'amour. Sa volonté se récapitule dans cette bienveillance qu'il a pour ses propres enfants. Nous sommes toutes et tous aimés de Dieu. Il veut notre bonheur. Puissions-nous nous le rappeler tout à l'heure lorsque ensemble nous dirons « que ta volonté soit faite ». Cette phrase sera alors un cadeau que nous pourrons nous offrir les uns aux autres car nous avons compris que sa volonté est un désir d'amour qui nous conduit immanquablement vers la vraie vie. Moïse ne disait-il pas déjà : « je te propose aujourd'hui de choisir ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Choisis la vie ! ». Ensemble ce matin choisissons alors la vie et choisissons de la vivre dans l'amour puisque telle est la volonté de Dieu. Que ta volonté soit faite !

Amen