12e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Cela fait déjà plusieurs semaines qu'il était absolument insupportable au catéchisme. Il faisait partie d'un groupe animé par sa propre maman. Cette dernière n'en pouvait plus et ne voyait pas comment elle pourrait un jour s'en sortir. Un jour, exaspérée par l'attitude de son fils, elle lui fit savoir qu'à partir du lendemain, elle ne lui adresserait plus la parole si ce n'est par des citations bibliques. Le lendemain matin, comme d'habitude, le fils n'était toujours pas levé et risquait une fois encore d'arriver en retard à l'école. Elle cria plusieurs fois son prénom de la cage d'escalier mais rien n'y fit. Il n'y avait aucun signe de vie dans la chambre du fils. Enervée, la mère monta, ouvrit la porte de la chambre et voyant son fils couché dans le lit lui dit : « Luc 8, 54 : 'Lève-toi et marche' ». L'enfant la regarda médusé, laissa retomber sa tête sur l'oreiller puis, tout en remontant la couette, dit à sa mère : « Jean 2, 4 : 'Femme, mon heure n'est pas encore venue' ». Son heure à lui n'était pas encore venue. Mais qu'en est-il de la nôtre ? Quand serons-nous en concordance avec notre propre heure ? Quel signe attendons-nous pour être certain que c'est maintenant le véritable moment ? Non pas le moment pour passer de l'autre côté de la vie mais plutôt celui où nous disons au grand jour, où nous proclamons sur les toits. Un peu comme si Dieu attendait que nous devenions des hérauts de sa Parole. Il a besoin de chacune et chacun de nous pour que son Nom soit chanté à la terre entière. Oui mais quel Nom ? Quel Dieu, sommes-nous prêts à proclamer ? Celui de Jésus-Christ me direz-vous ? Vraisemblablement. Mais permettez-moi de pousser la logique un peu plus loin encore : quel Dieu de Jésus Christ ? Sans vouloir les offenser outre mesure, je dirais volontiers le Dieu de Jésus Christ mais pas celui de certains traducteurs de la Bible. Pourquoi ? Reprenons tout simplement deux extraits des lectures entendues ce jour. A la fin du quatrième siècle de notre ère, saint Augustin conceptualisa l'idée du péché originel à partir entre autre d'une erreur de traduction. En effet, dans la version latine qu'il avait devant les yeux, il lisait les mots « en qui tous ont péché », comme si nous étions dans la tête d'Adam au moment où il avait choisi de désobéir alors que le texte grec disait tout simplement « du fait que tous ont péché ». Il s'agissait d'une forme d'imitation naturelle et non pas d'une mauvaise nature. Il en va de même avec l'évangile de ce jour, où nous avons entendu la phrase suivante : « pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille ». Comme si Dieu voulait notre malheur ou notre mort. Lorsque nous revenons au texte original, il ne s'agit pas du tout de cela. C'est vrai cette idée est bien ancrée en nous. Combien de fois ne lisons-nous pas dans le journal : il a plu au Seigneur de rappeler son fidèle serviteur ou à sa fidèle servante. Dieu décide-t-il vraiment de l'instant précis de notre passage de la vie à la vie éternelle. D'après le texte évangélique entendu en français, oui. Mais lorsque nous le lisons en grec, il s'agit d'autre chose : « pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père ne le sache ». Dieu ne veut donc pas notre malheur. Dieu ne veut donc pas notre mort. Toutefois, il est avec nous, en nous, lorsque nous sommes confrontés à ces réalités de vie. Il est à nos côtés et nous tient par la main humaine signe de douceur de sa présence divine. Voilà le Dieu qui se révèle à nous en Jésus Christ. Voilà le Dieu que toutes et tous nous sommes appelés à proclamer. Notre Dieu s'engage par nous au c½ur de notre propre humanité. Il passe par chacune et chacun de nous et fait de nous des êtres responsables dans la manière dont nous témoignons de sa présence. La réalité divine n'a pas besoin de grands discours. Dieu se communique et se laisse découvrir dans la contagion. Oui, nous sommes encore une fois appelés à devenir contagieux de Dieu par la manière dont nous vivons nos existences. Cette contagion se vit de diverses manières : debout et en bonne santé, couché et atteint par la maladie, assis avec nos interrogations. Il n'y a pas d'état idéal si ce n'est celui dans lequel nous nous trouvons ici et maintenant. Je n'oublierai jamais cette femme rencontrée il y a plus de vingt ans qui, lors d'un pèlerinage à Lourdes, passait de lit en lit dans les chambres des malades. Elle rayonnait de l'amour de Dieu alors qu'elle avait été brûlée vive par son mari. Elle n'avait plus de visage, plus d'oreilles, plus de cheveux. Et pourtant, c'est elle qui par sa simple présence, réconfortait celles et ceux qui croisaient sa route. Oui, nous dit le Christ, nous sommes appelés à témoigner de sa présence, à proclamer au grand jour ce que nous avons perçu dans la douceur de l'intimité divine. Nous sommes aujourd'hui encore et toujours les témoins vivants de Dieu et ce, que nous soyons couchés, assis ou debout. Notre corps dira vraisemblablement peu car c'est par notre c½ur que nous parlons. Notre heure est venue !

Amen

12e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Témoigner du Christ sans peur

Le chapitre 10 de l'évangile de Matthieu rapporte le 2ème grand discours de Jésus : ses instructions de mission aux douze apôtres. Dimanche passé, nous avons entendu les 8 premiers versets : aujourd'hui nous sautons au verset 26. Or dans cet intervalle, Jésus a dit quelque chose de capital en prévenant ses disciples du sort dangereux qui les attend : "Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups...Les hommes vous livreront aux tribunaux...Le frère livrera son frère à la mort...Vous serez haïs de tous à cause de mon Nom...". Et ce grave avertissement a été expliqué par cette déclaration au c½ur du chapitre : "Le disciple n'est pas au-dessus de son maître ni le serviteur au-dessus de son seigneur..." ( versets 24-25)

Lorsque Matthieu rédige son évangile, l'Eglise a expérimenté la réalité de ces annonces. Partout elle est mal jugée, espionnée, critiquée, dénoncée ; Etienne a été lynché ; Jacques décapité ; Pierre et Paul mis à mort ; beaucoup d'autres sans doute ont subi des coups, ont comparu devant les tribunaux, ont connu la torture, les supplices, la mort. Les disciples s'interrogent : pourquoi donc cet acharnement du monde contre nous ? Ils relisent l'Evangile et reprennent courage : non seulement le Maître l'avait dit mais en accomplissant la mission au milieu des souffrances, l'apôtre sait qu'il subit le même sort que son Seigneur et qu'ainsi il lui ressemble de plus en plus.

Mais devant la pression des menaces, l'éventualité des souffrances, comment ne pas trembler ? Il est probable que certains disciples, épouvantés, ont reculé devant la perspective du martyre. Il faut d'autres encouragements. Aussi le texte poursuit : c'est l'évangile de ce dimanche

1. TOUT DOIT ETRE PROCLAME

Ne craignez pas les hommes ; tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Ce que je vous dis dans l'ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l'oreille, proclamez-le sur les toits.

L'Evangile n'est pas une doctrine ésotérique réservée aux initiés. Tous les enseignements que les apôtres ont reçu de Jésus, ils doivent les publier dans leur intégralité, les divulguer par tous les moyens, dans toutes les langues, en utilisant tous les moyens de communication. Rien n'est plus essentiel, rien n'est plus urgent que de proclamer que Jésus a vaincu la mort, qu'il offre le pardon, qu'il nous permet de vivre en enfants de Dieu Père, que le Royaume de justice est inauguré...mais que cela exige certains renoncements. Il ne faut pas gommer ce qui dérange ! Tout l'Evangile doit être "dévoilé".

2. LA SEULE BONNE CRAINTE

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l'âme ; craignez plutôt Celui qui peut faire périr, dans la géhenne, l'âme aussi bien que le corps. La peur des ennemis humains ne peut être vaincue que par une autre crainte, "la crainte de Dieu" - laquelle, on le sait, dans la Bible, n'est pas une panique devant une divinité terrifiante mais un immense respect, une adoration éperdue, un désir de fidélité envers Celui dont on se sait infiniment aimé. Seule cette "crainte de Dieu" nous permet de ne pas perdre c½ur et de persévérer dans la foi et le témoignage.

3. L'IMMENSE VALEUR D'UN ENFANT DE DIEU

Est-ce qu'on ne vend pas deux moineaux pour un sou ? Or pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus que tous les oiseaux du monde.

Nous ne vivons pas dans une jungle où règne la loi de l'absurde et de l'insignifiance. Dieu n'ignore rien d'un événement aussi minuscule que la mort d'un moineau : donc vous, les apôtres, chassez le doute et le désespoir. Aux yeux de vos ennemis et de vos tortionnaires, vous êtes moins que rien ; mais Dieu est VOTRE PERE. Il connaît votre valeur immense lorsque, comme son Fils, vous portez la croix des épreuves et offrez votre vie en pardonnant.

4. JESUS NOTRE AVOCAT DEVANT LE PERE

Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. L'Eglise n'est pas là pour exercer sa puissance ni pour conforter les pouvoirs en place ; elle ne se réduit pas à une ½uvre philanthropique qui panse les plaies de la société ; elle n'est pas une secte repliée sur elle-même ou marginalisée dans le désert. Dans tous ces cas, elle serait bien vue, applaudie, soutenue dans ses efforts ou négligée comme inoffensive.

Elle existe pour annoncer Jésus Christ Seigneur : la mission est une confession de foi. Or Jésus a été incompris, injurié, accusé, condamné : il nous a prévenus de façon très claire que nous subirions le même sort. Il est impossible qu'il en soit autrement. L'Evangile authentique ne sera jamais accueilli par tous car il remet en question de façon radicale. A la face de tous les Caïphe et tous les Pilate qui accusent Jésus d'être un blasphémateur et qui affirment qu'il est mort, les disciples ont à proclamer que Jésus est le Fils de Dieu et qu'il est Vivant. Au procès de Jésus qui se prolonge dans l'histoire et qui ne sera jamais clos, nous sommes ses témoins à décharge, ses défenseurs, ses avocats. Si nous remplissons cette fonction, alors nous pouvons envisager de nous présenter avec confiance devant l'autre tribunal. Car il y aura le seul, l'unique vrai tribunal où la valeur de toute vie sera jugée dans une Vérité totale : devant Dieu, Jésus sera à notre égard ce que nous aurons essayé d'être pour lui : notre "paraclet", notre avocat. Car annoncer Jésus-Christ est défendre l'homme. Et Jésus est le Sauveur de l'homme.

Les martyrs sont l'honneur de l'Eglise, la preuve qu'elle demeure évangélique. Comment manifestons-nous notre communion avec nos frères persécutés aujourd'hui ? Pourquoi nos Eglises occidentales sont-elles tranquilles, acceptées ? Est-il normal qu'elles couvrent la politique par des cérémonies religieuses ? Quelle est la force pernicieuse de désintégration que nous subissons en Occident ? Pourquoi notre peu de résistance ?.- "Proclamez !" : l'évangélisation ne se ramène pas à des ½uvres sociales.

14e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Il y a quelques semaines, quelqu'un vint me voir et me fit la confidence suivante que je me permets de vous partager aujourd'hui. « Tu sais, Philippe, il y a un an j'avais un grand défaut, j'étais imbu de moi-même. Depuis lors, je me suis sérieusement amélioré. A l'heure actuelle, ce n'est plus le cas. Je suis devenu parfait ». Je me réjouis pour son épouse qui doit avoir une chance exceptionnelle de pouvoir partager la vie d'un tel homme. D'aucun se diront qu'il manque un peu d'humilité. A l'image du Christ dans l'extrait d'évangile que nous venons d'entendre lorsque celui-ci affirme « je suis doux et humble de c½ur » ? Toutefois, ici, il ne s'agit en rien d'un regard porté sur sa propre personne mais plutôt d'une attitude d'amour. Nous sommes donc bien dans un tout autre registre.

Ce sont de tels mots d'amour qui permettent à Jésus d'affirmer que certaines choses ont été cachées aux sages et aux savants mais bien révélées aux touts petits. Ce genre de phrase pourrait être difficile à accepter par celles et ceux qui passent leurs vies à chercher Dieu et à tenter d'entrer dans un tel mystère. Voici peut-être une des clés de compréhension d'une telle affirmation. Dieu ne semble pas souhaiter que nous l'enfermions dans nos concepts, dans des images toutes faites qui sont d'abord et avant là pour nous rassurer ou encore pour avoir une certaine autorité sur les autres qui nous sont confiés. L'humilité divine n'a que faire de nos prétentions à vouloir définir le Dieu qui s'est révélé à nous en la personne de Jésus Christ. En effet, si je m'adresse à un être humain et si j'ose prétendre savoir qui il est, je ne lui permets plus d'exister pour qui il est vraiment. Je ne peux pas l'accepter dans la singularité de son être puisque je pense tout savoir de lui ; comme si cela était possible. Nous ne pouvons déjà pas être complètement transparents par rapport à nous-mêmes. Il y a encore et toujours des zones d'ombre dont nous ne saisissons pas tous les contours. Alors, s'il en est ainsi pour chacune et chacun d'entre nous, comment une personne pourrait-elle prétendre connaître et définir une autre ? C'est non seulement impensable mais également abusif. La foi au Dieu de Jésus Christ ne peut s'enfermer dans des mots. Ces derniers deviennent rapidement des maux qui empêchent celles et ceux qui croisent notre route de faire leur propre chemin de foi. Notre foi elle se vit d'abord avant de se dire. Ou en d'autres termes, Dieu ne se dit pas mais il se vit. Notre croyance n'est pas de l'ordre de la connaissance mais plutôt de l'espérance. Nous espérons et nous croyons que ce Dieu qui nous rassemble ce matin autour de la table eucharistique est un Dieu qui nous accompagne sur nos routes d'Emmaüs. Il nous invite à l'accueillir et à l'écouter afin que nous soyons à même d'opérer un déplacement en nous. Ce déplacement nous permettra d'entrer ainsi pleinement dans un mystère qui jamais ne se résoudra mais qui se laisse contempler dans la tendresse de regards échangés, dans la manière dont nos mains se tendent pour nous aider les uns les autres dans les phases de la vie que nous traversons. En Dieu, il n'y a rien de magique. Nous ne sommes pas face à une énigme mais plutôt nous vivons une relation d'intimité exceptionnelle et nous le laissons se découvrir à nous dans tous les petits détails merveilleux qui font le quotidien de nos existences. Il est vrai que ces dernières peuvent parfois nous sembler bien lourdes surtout lorsqu'elles sont teintées par l'expérience de la maladie, de la souffrance ou encore du deuil. Et pourtant, c'est lorsque nous sommes confrontés à ces réalités-là que le Christ nous invite à mettre toute notre confiance en Lui de telle sorte que jamais le désespoir n'aura le dernier mot sur nous. Déposons alors en lui ce qui peut nous encombrer, nous désespérer, nous faire défaillir face à l'immensité de ce qui semble se trouver devant nous. Entrons dans un chemin de confiance et d'espérance et portons-nous l'un l'autre dans les épreuves. Confions-lui toutes nos vies et soyons à même d'accueillir la manière dont l'Esprit Saint continue de se dévoiler à nous chaque jour dans ce mystère divin. Osons une fois encore faire ce pari merveilleux de la Vie. Dieu ne se dit pas, il se vit. Laissons-le vivre en chacune et chacun de nous. En effet, avec lui, nous ne sommes plus jamais seuls mais bien deux pour traverser notre route. De la sorte, nous rayonnerons ainsi de sa présence, une présence lumineuse et fortifiante.

Amen

15e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Les Semailles du Royaume

 

Quelle est la mission que Jésus est venu accomplir ? Matthieu l'a précisé dès le début de son livre : au lendemain de son baptême et après avoir rejeté les projets diaboliques, "Jésus commença à proclamer : " Convertissez-vous : le Règne des cieux s'est approché" (4, 17). Donc avec Jésus, Dieu commence à établir son règne sur les hommes. S'ils se convertissent ! c'est-à-dire s'ils l'acceptent et laissent Dieu transformer leur vie. !... Car Dieu ne règne que sur des libertés. En quoi consiste donc ce Règne divin ? Nulle part il n'en est fourni de définition. Mais, au c½ur même de son évangile, dans le discours central (le 3ème sur les 5), Matthieu a regroupé 7 paraboles fondamentales par lesquelles Jésus tente de révéler "les mystères du Royaume des cieux"(13, 17). Nous les écouterons pendant ces trois dimanches.

Aujourd'hui voici la première, la plus importante de ces 7 paraboles.

"Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison et il était assis au bord du lac. Une foule immense se rassembla auprès de lui, si bien qu'il monta dans une barque où il s'assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : "................"

Assis dans la barque(de Pierre ?) attachée au rivage, Jésus se tient dans la posture de l'enseignant et la barque devient comme une "chaire" d'où va retentir la Révélation fondamentale. De l'Eglise retentit la parole de révélation. Elle sera offerte en paraboles, en récits imagés. Ce ne sont certainement pas "des histoires pour enfants"ni des énigmes distillées par un maître savant et qui demeureraient incompréhensibles au commun des mortels. Mais le symbole est la seule façon d'exprimer une réalité tellement profonde qu'elle ne peut s'enfermer dans des concepts. Jésus ne peut pas dire : " Le Royaume, c'est ceci..." mais seulement "Le Royaume divin est COMME cela..."et il le compare à des choses connues des auditeurs.

Si le Royaume de Dieu est un "mystère", c'est parce qu'il est une réalité immense dans laquelle on n'en finit pas d'entrer. Nous pouvons connaître, posséder une matière scientifique mais nous ne pouvons posséder le Royaume de Dieu.

Par 7 symboles, 7 paraboles, Jésus ne nous offre pas une connaissance intellectuelle à maîtriser mais il révèle l'arrivée d'un nouveau monde dans lequel je suis invité à pénétrer, qui bouleversera ma vie, et que je ne comprendrai que peu à peu, au fur et à mesure que j'accepterai de m'y conformer. Si au contraire, j'exige de "saisir" avant de m'engager, je demeurerai toujours sur le seuil.

PREMIERE PARABOLE : LE SEMEUR

Voici que le semeur est sorti pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin et les oiseaux sont venus tout manger. -- D'autres sont tombés sur le sol pierreux où ils n'avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt parce que la terre était peu profonde. Le soleil s'étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. -- D'autres grains sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. ---D'autres sont tombés sur la bonne terre et ils ont donné du fruit à raison de 100, ou 60, ou 30 pour un. Celui qui a des oreilles qu'il entende !

Grosse surprise : on attendait du Messie promis qu'il instaure instantanément un état de bonheur parfait pour les bons. Un coup de baguette et hop ! plus de mal ni de souffrances, on serait transporté au paradis. Or Jésus se présente comme un Messie qui commence et non qui achève. Il n'est pas le moissonneur mais le semeur. Il ne s'impose pas par un coup de force : il parle. Au lieu d'utiliser des moyens de coercition (comme le diable l'y incitait), il propose un message, il explique, il enseigne. Le Royaume de Dieu vient d'abord par une Parole qui doit être écoutée, reçue et accueillie et il faudra, ensuite, comme pour une graine, veiller sur sa croissance, son bon développement. Cadeau de Dieu et collaboration de l'homme ! Devant la foule rassemblée devant lui, Jésus ne se berce pas d'illusion : il sait que ses annonces et ses prédications resteront souvent lettre morte, discours sans lendemain, semailles sans effets durables.

Les 4 terrains de la parabole sont expliqués par la suite :

1) Un homme écoute la prédication...mais elle ne le pénètre pas. Elle est comme une graine tombée sur le macadam. Aucun intérêt..."ça ne me dit rien !".

2) Un autre homme reçoit le message avec plaisir, il le trouve beau, véridique. Mais sa réception demeure superficielle, elle n'a pas de racines. Aussi quand survient l'épreuve, la critique, la persécution, il se hâte d'abandonner. Tel le baptisé qui a suivi le catéchisme, a fait sa profession de foi...mais des copains le ridiculisent pour sa pratique religieuse et, gêné, sans bruit, il renie tous ses engagements.

3) Un autre a acquiescé à l'évangile mais il n'a pas le courage de renoncer à certains attachements de la terre. Il voudrait être chrétien et mondain. Dualité impossible ! Or cet homme aujourd'hui est légion : par dizaines de millions, des baptisés occidentaux auraient voulu une religion compatible avec la frénésie d'achats et de loisirs développée par notre société : compromis illusoire ! La foi, la pratique religieuse, l'engagement chrétien deviennent vaporeux, sans attraits. On n'a pas eu le courage d'opter franchement. On ne voulait pas perdre sa vie pour le Christ et l'Evangile...et voilà qu'on la perd !

4) Mais en dépit de cette multitude d'échecs, Jésus reste confiant : il est certain que sa Parole pénètrera quelques c½urs, les transformera, et rendra des existences admirablement fécondes. Selon les divers degrés d'ouverture et de don de soi, l'Evangile provoquera des fruits merveilleux. Tous les chrétiens ne deviendront pas St François ou Ste Thérèse mais chacun, selon sa vocation et ses réponses à la grâce, donnera des fruits.

"Celui qui a des oreilles qu'il entende" : comme les anciens Prophètes, Jésus nous hèle, nous supplie d'ouvrir nos oreilles : "Ecoute, Israël, ...". La foi naît de l'écoute, dira St Paul. Jésus a été essentiellement un prédicateur. Aussi la mission essentielle de l'Eglise n'est pas de bâtir des édifices, de multiplier les Oeuvres, de déployer les splendeurs du culte, de distribuer des sacrements à tout va mais de parler, d'annoncer l'Evangile.

Un des pires péchés de l'Eglise a été de nous apprendre qu'il était facultatif d'écouter les lectures au début de la messe. On paye encore aujourd'hui les conséquences de cette tragédie : peu de soins et peu d'attention à la prédication, grande ignorance des Ecritures, religion superficielle qui s'effrite à la moindre objection.

" Je soulignerai avec force que l'avenir de l'Eglise est strictement lié à la connaissance, à la familiarité et à l'amour de la Bible...Nous trouverons dans l'étude attentive de la Parole la nourriture et la force pour accomplir chaque jour notre mission"  [1]

16e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Le monde n'est pas parfait : il y a des « bugs » et tout ne va pas bien. Il y a les wallons et les flamands bien sûr mais il y a aussi les anglais et les écossais, les basques et les catalans, les corses et les parisiens, c'est mieux que les serbes et les croates, que les hutus et les tutsis. Mais comment comprendre ces oppositions, ce qui parasite la communication ? Comment comprendre surtout les crises majeures, quand il semble falloir choisir, comme entre le bien et le mal, les gentils et les méchants ?

Dans peu de temps vont commencer les Jeux Olympiques en Chine et le marché des médias sera peut être encombré d'un déferlement de produits culturels chinois, du genre le « Yin et le Yang ». Ce fameux couple d'opposés, sinon d'opposants, ce couple dialectique serait-il de quelque intérêt pour mieux comprendre les oppositions ? Ne faut-il pas qu'il ait des perdants pour qu'il y ait des gagnants, des progressistes pour qu'il y ait des conservateurs de leurs innovations, des petits pour qu'il y ait des grands, des femmes pour qu'il y ait des hommes ? Comment comprendre la parabole du bon grain et de l'ivraie ? L'ivraie ici et le bon grain par là ? Ou bien le bon grain et l'ivraie seraient-ils en chacun de nous, grandissant indissociablement en tout ce que nous faisons ? Dans ce cas, il n'y a pas le bien d'un côté et le mal de l'autre, mais deux pôles complémentaires, d'une même réalité. Impossible de les séparer, même en se donnant du temps.

***

Cette perspective bipolaire ne manque pas d'intérêt mais me semble loin des paroles de Jésus.

Les cathares, jadis, opposaient radicalement le bien et le mal. Ils étaient dualistes au sens où tout pouvait se classer en deux camps symétriques et opposés, la matière et l'esprit, la matière du côté du mal, l'esprit du côté du bien, avec deux dieux, le dieu du mal et le dieu du bien. Entre les deux, il fallait choisir. Dans la perspective du yin et du yang, il n'y a pas à choisir mais à réconcilier.

Mais peut-on réconcilier le bon grain et l'ivraie ? Je comprends bien qu'il faut qu'il y ait des gros pour qu'il y ait des maigres, des vieux pour qu'il y ait des jeunes mais faut-il qu'il y ait des pauvres pour qu'il y ait des riches, des pécheurs pour qu'il y ait des saints, des victimes pour qu'il y ait des tueurs, des Ingrid Bétancourt pour qu'il y ait des FARC, des millions de déplacés au Darfour pour qu'un président soit inculpé de crimes contre l'humanité ?

Il est-il vrai d'affirmer comme Lévinas que « nous sommes tous coupables ? » Coupables d'Auschwitz, coupables du Rwanda hier, coupables du Darfour aujourd'hui ? Marie était-elle coupable de la croix ? Pierre n'a-t-il pas utilisé son épée ? N'y a-t-il pas de vrais bons et de vrais méchants ? Prétendre se passer de cette distinction, n'est-ce pas choisir de vivre indifférent, anesthésié, sans aucune indignation face à l'inacceptable ?

La parabole de Jésus ne nous dit pas que l'ivraie sera toujours au contact du bon grain. Elle ne nous dit pas de cesser de distinguer. Elle nous parle d'un délai. Ce qui ne peut être accepté ne peut pas durer. Il y a un temps à tout. Mais ce temps ne nous appartient pas. Il y a une souffrance des victimes et il y a une patience de Dieu. Souffrance, patience. Un patient, dans le langage médical, c'est quelqu'un qui souffre. Dieu souffre de patienter, il souffre en chacune des victimes comme il l'a définitivement montré en Jésus crucifié. Il fait corps avec tous ceux qui sont éprouvés. Mais il patiente. Mystère difficilement compréhensible auquel la parabole ne répond pas, qu'elle se contente de situer, de délimiter, comme une question à laquelle on n'a pas de réponse mais que l'on essaie tout au moins de bien formuler.

L'ennemi a semé le mauvais grain. Il y a un ennemi. Entre parenthèses il faut bien avoir des ennemis si l'on veut les aimer ! Mais ils ne cessent pas d'être des ennemis. On ne dit pas que Pilate ni Caïphe aient jamais rencontré le Ressuscité qu'ils avaient fait torturer.

***

Mystère du temps, d'un temps qui se prolonge mais qui ne durera pas toujours.

Mystère de ce qui est petit, négligeable, sans rayonnement ni pouvoir. Mystère de la semence minuscule qui devient un grand arbre. On début, il faut y croire. Du nouveau est là, qui grandit au c½ur du monde. Quelque chose qui ne se voit pas, dont on ne parle pas... Quelque chose qui est ignoré, consciemment ou inconsciemment, et cela est germe d'avenir. Le Royaume de Dieu est comme une semence d'arbre, rien à voir avec la poudre aux yeux.

Mystère donc de ce qui est caché, enfoui, que l'on ne voit pas mais qui agit, à l'abri des médias, plus réel encore que ce que l'on voit. Mystère de la levure qui fait lever la pâte entière. Il ne faut pas opposer la levure et la pâte : les deux sont solidaires et formeront le pain que l'on mangera demain.

En conclusion, je vous rappelle le mot terrible de Loisy : « Jésus annonçait le Royaume, et c'est l'Eglise qui est venue ». L'Eglise annonce le Royaume, dont elle est signe, sacrement, avec lequel elle ne s'identifie pas. Surtout Jésus a annoncé le Royaume, comme quelque chose de discret, de caché, de minuscule qui grandit, comme une minorité active dans le béton du monde, pour l'aérer, l'alléger, le faire respirer. Mais ce Royaume, dans l'Eglise comme ailleurs, rencontre des oppositions, des contrefaçons, des produits parasites. Il faut savoir discerner, ouvrir l'½il, être patient.

Même si cela nous paraît parfois insupportablement long. Le jour viendra où Dieu se manifestera et, finalement, fera le tri. Permettez-moi de conclure cette méditation avec cette prière très ancienne : « Que vienne ta grâce et que ce monde passe ! »


16e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Combien d'entre nous n'ont pas fredonné cette chanson au cours de différentes veillées dans les mouvements de jeunesse ou ailleurs. Il suffisait de lancer les premiers mots pour que tout le monde se mette à chanter à tue-tête. Nous la chantions sans pour autant nous rendre compte que théologiquement certaines paroles allaient à l'encontre des Ecritures. Vous l'aurez reconnue, il s'agit de ce chant d'Hugues Aufray : le bon Dieu s'énervait. Je me permets non pas de vous la chanter mais de citer un couplet : « Le bon Dieu s'énervait dans son atelier, en regardant Adam marcher à quatre pattes mais pourtant nom d'une pipe, j'avais tout calculé pour qu'il marche sur ses deux pieds. Pour faire un homme, mon Dieu que c'est long ! » Rien à dire sur la conclusion du refrain. Effectivement, il faut beaucoup de temps pour faire un être humain, c'est-à-dire pour que celui soit à même de prendre sa destinée en main. Mais où est l'erreur théologique se demandent sans doute certains ? Dans le titre même. En effet, souligne le psaume de ce jour : « Toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d'amour et de vérité ! » Oui, heureux sommes-nous de croire en un Dieu, lent à la colère et plein d'amour. Notre Dieu est un Dieu patient. Il nous prend par la main sur nos routes humaines et se réjouit de notre temps de mûrissement. Chacune et chacun d'entre nous, nous sommes la terre dans laquelle le Maître est venu semé. Mieux encore, nous sommes la bonne semence de Dieu. Il est vrai qu'il y a également en nous de l'ivraie, c'est-à-dire des zones plus sombres. Elles font partie du tout de notre être. En d'autres termes, il y a en nous du bon mais également du moins bon. N'oublions jamais que l'essentiel est d'abord cette bonne semence à partir de laquelle nous pouvons grandir, avancer dans la vie. Puis il y a ces quelques zones d'ombres. Elles sont là, ne le nions pas mais ne noircissons pas pour autant. L'ombre n'est visible que parce qu'il y a de la lumière. Nous sommes donc d'abord toutes et tous destinés à devenir des êtres de lumière. Cette dernière est déjà bien là lorsque nous mettons nos pas à la suite du Christ, lorsque par nos actes et nos paroles nous participons à la construction d'un monde plus juste, lorsque nous laissons nos vies se laisser guider par l'amour des sentiments qui nous étreignent. La lumière de Dieu passe par nos yeux lorsque ceux-ci se mettent à briller parce que nous sommes capables de reconnaître que l'être qui est à nos côtés est également un être de lumière. Toutefois, nous ne pouvons nous contenter simplement d'être la bonne semence de Dieu. Au cours de notre croissance, l'ivraie poursuit également son chemin en nous. Et Dieu nous invite dans l'évangile de ce jour à vivre une forme d'opération chirurgicale, c'est-à-dire à nous laisser enlever cette partie de nous-même et ce, lorsque le temps sera venu. Ce temps est le temps de Dieu. Qu'est-ce à dire ? Nous sommes conviés à également entrer dans le temps de la patience de Dieu en acceptant de contempler le Maître de nos vies. Du fruit de cette contemplation naîtra en nous le désir de nous réconcilier avec nous-mêmes et avec Lui. Lorsque nous sommes dans ce temps de vérité divine, dans le moment de la moisson intérieure, nous le laissons devenir le chirurgien de notre c½ur. Un chirurgien qui tout en douceur, tout en finesse vient nous délivrer pour jeter au feu les bottes de nos ivraies. À cet instant, précis, les ombres n'ont plus d'ombre. Elles s'évanouissent par le fait même du Maître de la moisson. Nous sommes libérés de nous-même, plus rien ne nous encombre et nous entrons dans le temps de la liberté profonde. Le Dieu de Jésus Christ se révèle à nous comme un tel chirurgien. Il est le médecin par excellence de notre âme. Suite à une telle opération, nous restons cependant nous-mêmes. Nous ne devenons pas quelqu'un d'autre. Il s'agit toujours bien de nous mais cette fois dégagé des grisailles encombrantes qui nous empêchaient d'évoluer vers qui nous sommes appelés à être. Nous ne sommes donc pas seuls sur cette route de la réconciliation. Dieu est avec nous. Il est à nos côtés. Il a semé en nous une bonne semence puis il prend patience jusqu'au moment où nous venons à Lui pour opérer en nous cette transformation qui redonne toutes ses couleurs à l'être que nous sommes devenus. Comme le souligne Guibert Terlinden, « ultimement, les ombres ne feront plus ombrage à la fin des temps en Dieu ». Forts de cette espérance, il ne nous reste plus qu'à entrer dans le temps de Dieu pour contempler ce Maître qui chaque jour vient nous visiter et nous accompagner. Il est capable d'opérer en chacune et chacun de nous ce miracle qui fera de nous des êtres de lumière.

Amen

16e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Comme nous le disions, le c½ur de l'Evangile de Matthieu est le 3ème discours de Jésus où il explique en 7 paraboles, ce qu'est "Le Royaume de Dieu" qu'il a reçu mission d'inaugurer sur notre terre. Après la première parabole du semeur, nous entendons aujourd'hui les trois suivantes.

1ère PARABOLE : LE BLE ET L' IVRAIE

"Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l'ivraie au milieu du blé et s'en alla. Quand la tige poussa et produisit l'épi, l'ivraie apparut aussi ! Les serviteurs du maître vinrent lui dire :
-  Seigneur, n'est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ?... D'où vient donc qu'il y a de l'ivraie ?
-  C'est un ennemi qui a fait cela !
-  Alors veux-tu que nous allions l'enlever ?
-  Non, de peur qu'en enlevant l'ivraie, vous n'arrachiez le blé en même temps. Laissez-les pousser ensemble jusqu'à la moisson. Au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : " Enlevez d'abord l'ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, rentrez-le dans mon grenier".

L'objection est ancienne : "Comment pouvez-vous prétendre que le Christ a instauré le "Royaume de Dieu" alors que nous voyons partout tant de turpitudes, de souffrances, d'horreurs ? Même dans l' Eglise, il y a des scandales, des divisions !!!...Si Dieu règne, ne devrions-nous pas vivre dans un monde rétabli dans son intégrité de bonheur ? N'est-ce pas le mal qui règne ?...".

Réponse de Jésus : Si je ne sème que du bon grain, "mon ennemi" me suit et sème de l'ivraie ! Qui est donc ce mystérieux "ennemi" ? Jésus en a fait l'expérience dès sa retraite au désert : alors qu'il était à l'écoute de son Père, "le diable" tenta de lui souffler d'autres méthodes- que Jésus rejeta net. Interlocuteur réel, Puissance ou symbole ?...Ne perdons pas notre temps sur cette question : ouvrons les yeux et remarquons en effet que retentissent sans cesse des messages qui tendent à nous détourner de la foi. Au début on ne remarque rien mais en grandissant "l'ivraie" révèle sa différence. D'où la tentation des disciples d'arracher, de supprimer tout le mal. Non, défend le maître, car les racines sont entremêlées.

Nous devons nous accoutumer à cette co-existence, résister à la tentation (dangereuse) de la "pureté". Dans la société, comme dans l'Eglise, comme en chacun de nous, bien et mal sont présents ; nous vivons dans le tiraillement, nous souffrons de ces tentations qui nous harcèlent. Elles nous appellent à la vigilance, à l'éveil et elles rendent l'Eglise plus humble, plus consciente de ses faiblesses : elle n'a pas à se dresser comme l'empire du Bien face à l'empire du Mal. Car il arrive que le mal tourne au bien : en voyant "l'ivraie" en lui, le chrétien est acculé à demander pardon, il perd son pharisaïsme, son illusion d'être parfait, il devient humble. Un homme mauvais peut très bien devenir un excellent fils de Dieu . Et l'Eglise cesse de se pavaner, de prétendre "posséder la vérité" puisqu'elle tombe si lourdement ! Mais il y aura jugement, tri, séparation pour la Vie ou pour la Mort. Donc si le Jugement ne se déroule qu'à la fin et si le Seigneur seul est apte à le prononcer, cela nous interdit de porter condamnation maintenant. Au lieu d'instituer l'inquisition et de vouloir extirper le mal, nous pouvons lancer, semer beaucoup plus de bonnes graines d' Evangile. Au lieu de nous plaindre de l'extension du mal, répliquons en semant beaucoup plus d'Evangile. Que fait-on chez vous pour répandre la Bonne Nouvelle, pour que l'Evangile retentisse, pour qu'il soit entendu, lu, médité ?... On ne cherche pas des arracheurs, mais des semeurs

2ème PARABOLE : LA GRAINE DE MOUTARDE

"Le Royaume des cieux est comparable à une graine de moutarde qu'un homme a semée dans son champ. C'est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre - si bien que les oiseaux du ciel font leurs nids dans leurs branches".

Caïphe et Pilate auraient bien ri si Pierre leur avait affirmé que ce qu'il vivait, lui et ses compagnons, allait remplir le monde. Quelle idiotie ! quelle absurdité !...Et pourtant !? Le Temple de Jérusalem et l'Empire romain ont disparu alors que, dans tous les continents, dans toutes les langues, des baptisés, par centaines de millions, se réunissent chaque dimanche et célèbrent en chantant la mémoire de ce Jésus que ses juges condamnaient et qui aujourd'hui est proclamé Seigneur vivant au milieu d'eux. L'événement minuscule "Christ" est devenu réalité universelle.

Nous manquons d'espérance : nous aimons participer à un mouvement qui marche, suivre la foule... mais nous avons peur de créer, de commencer petitement. Il nous faut inventer, faire confiance, croire à la petitesse des débuts. Août 1940 : en pleine débâcle de son pays, un jeune homme de 20 ans s'est installé dans un village inconnu : Taizé est devenu un phénomène mondial !

3ème PARABOLE : LE LEVAIN

"Le Royaume des cieux est comparable à du levain qu'une femme enfouit dans trois grandes mesures de farine, jusqu'à ce que toute la pâte ait levé"

Le Royaume n'est pas une société juxtaposée à la nôtre ; la foi n'est pas une zone pieuse distincte des niveaux de la vie ordinaire ; l'Eglise n'est pas une contre-société. L'Evangile doit se mêler au plus intime de toutes nos activités : il n' y a pas "un sacré" en-dehors de la vie. Il n'y a qu'un monde, qu'une société, qu'une existence : l'Evangile est une révélation et une puissance à insérer au plus intime de tout et qui élèvera tout.

17e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Sur une autoroute, un carambolage se produit entre trois voitures de personnes travaillant dans le même hôpital : l'Audi du directeur de Clinique, la Mercedes du chirurgien et la Renault Twingo de l'aumônier. Les trois voitures sont méconnaissables tellement le choc a été violent. Le directeur se plaint : « ah, je suis écoeuré, mon Audi ! Fichue ! Tout le salaire d'une journée de travail ». Et moi, dit le chirurgien, ma Mercedes, fichue ! Deux jours de salaire détruit en si peu de temps » L'aumônier, effondré, assis sur le bord de l'autoroute, pleure lui aussi : « Ma petite Renault Twingo, cinq années complètes de salaire, vous ne vous rendez pas compte, vous, cinq années de salaire ! ». Le directeur et le chirurgien se regardent, se tournent vers l'aumônier et s'exclament ensemble : « Y a pas idée de s'acheter une voiture aussi chère ! ». En un instant, il a tout perdu et il pleure. Il en va tout autrement dans l'évangile de ce jour. Là, celui qui trouve le trésor ou la perle, dans le joie, vend tout ce qu'il possède. Il y a un bonheur intérieur à découvrir ce trésor merveilleux de la foi. Mais pourquoi le cacher alors ? Dans la vie, il nous arrive parfois de faire des expériences ou des rencontres tellement fortes, qu'il nous est impossible d'en parler directement. Nous avons besoin de temps pour comprendre le merveilleux de ce qui nous arrive. Nous cherchons à mettre des paroles face à l'indicible de ce que nous vivons. Les mots nous semblent tellement pauvres que nous préférons, dans un premier, laisser le silence au silence. Nous sommes là, pétris d'une joie qui nous inonde et nous irradie de l'intérieur. Cette joie profonde se marque dans la brillance de notre regard. Nous sommes tellement pleins de ce bonheur que nous craignons d'éblouir celles et ceux qui croisent notre chemin. Il y a également le temps de l'apprivoisement avec cette nouvelle réalité qui peut nous conduire à devenir pudique face à ce que nous traversons. Parler de ce trésor caché en nous, nous fait remémorer le premier « je t'aime » dit à un être aimé. En effet, au début d'une relation amoureuse, nous sentons que l'amour est là, nous nous en nourrissons et nous aimerions tant le partager avec la personne aimée. Mais nous sommes un peu pudique, nous avons un peu peur de lui avouer ce que nous ressentons. Il est vrai que nous prenons un risque lorsque nous acceptons d'aimer et de nous laisser aimer. Nous échafaudons alors des scénarios pour voir comment pouvoir lui dire ce « je t'aime » et nous avons aussi le vertige. Car quand ces trois mots-là sont prononcés, tout est dit. Nous nous dévoilons dans notre fragilité, dans notre vérité intérieure. Nous reconnaissons que nous avons besoin de l'autre. Ce trésor de l'amour, nous ne pouvons plus nous en passer. Il est vital. Il est existentiel. Et c'est normal. Le Christ ne dit-il pas ailleurs dans l'évangile : là où est ton trésor, là aussi sera ton c½ur. Le trésor de la foi se situe au c½ur de notre c½ur, c'est-à-dire dans cette mer intérieure de sentiments qui s'expriment dans la tendresse de regards échangés, dans la douceur de paroles prononcées, dans l'affection de gestes partagés. Le sens même de notre éveil à la vie trouve sa source et sa réalisation dans notre c½ur. C'est à cet endroit précis que Dieu a choisi de venir habiter pour ne plus jamais nous quitter. Oui, toutes et tous, dans la foi, nous avons un trésor en nous. Il y a chez chacune et chacun, quelle que soit notre condition, quelque que soit notre santé, une perle qui ne cherche qu'à briller. Parfois, sous le poids de la maladie, de la perte de l'être aimé, de l'expérience de la souffrance injuste et injustifiée, nous enfouissons ces merveilles au plus profond de nous et nous prenons alors le risque de les oublier. Puissions-nous alors trouver autour des nous des éveilleurs et des éveilleuses d'amour qui par leur simple présence nous font redécouvrir ce trésor qui vit en nous. Ne passons pas à côté de toutes ces perles superbes qui illuminent nos visages et chérissons ces instants merveilleux. Au c½ur de notre c½ur, Dieu est notre trésor mais en même temps, nous sommes nous aussi le trésor vivant de Dieu lorsque nous participons à son Royaume par le rayonnement de l'amitié et de l'amour que nous répandons autour de nous sans jamais nous lasser. Dieu nous appelle à la Vie. Dieu nous appelle à l'Amour. Telle est notre destinée de croyantes et croyants. Laissons-nous alors voler les uns les autres notre trésor intérieur pour que nous puissions à jamais rayonner de cette joie profonde qui donne sens à nos vies. Finalement, seul l'amour importe et importera à jamais.

Amen

17e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

« Il ne faut pas prendre le tout pour la partie, ou le contenant, pour le contenu. » Rien de plus logique. Cela peut vous sembler stupide ou évident, mais l'évangile que nous venons d'entendre nous provoque un peu dans notre petite logique du contenant et du contenu. Jésus, pour nous faire découvrir plus encore ce qu'est son Royaume, utilise une parabole avec une surprenante comparaison. « Le Royaume des Cieux, nous dit-il, est comparable à un trésor caché dans un champ ; l'homme qui l'a découvert le cache à nouveau. Cependant, dans sa joie, cette personne vend ce qu'elle a et achète le champ. » N'est-il pas étrange qu'une personne, ayant trouvé un trésor dans un champ, le cache à nouveau dans ce même champ ? Ne serait-il pas plus logique de garder ce trésor, ou de le montrer aux autres, plutôt que de le cacher à nouveau ?

En réalité, Jésus nous invite sans doute à renverser notre logique. Pour avoir le contenu, ce Royaume dans lequel nous espérons, il nous faut être prêt à toujours partir du contenant, le champ dans lequel il est enfui. Un disciple du Royaume tire son trésor du neuf et de l'ancien. Mais si tel est le cas, quel est ce champ qu'il nous faut acheter pour accéder au Royaume ? Quel est ce champ qui a du prix aux yeux de Dieu ?

Peut-être tout simplement que Jésus nous invite à découvrir que le trésor du Royaume est avant tout caché en nous, dans le champ de notre humanité, dans la terre de notre frère. Les prémices du royaume des cieux se révèlent d'abord à nous dans le "sacrement de notre humanité", dans cette humanité faite à l'image et à la ressemblance de Dieu. En effet, humanité et humus, la terre, ont la même racine. Le royaume des cieux prend donc le chemin de la terre des hommes. Nous partageons tous la même humanité, la même terre d'un champ dans lequel le trésor du Royaume des cieux est caché et doit être discerné et découvert.

Pour trouver ce trésor, il nous faut donc un esprit de discernement. Nous avons à discerner le bien et le mal, avec un c½ur attentif, comme Salomon, et c'est ce que nous invite à découvrir la première lecture de ce jour. En effet, à l'offre de Dieu d'octroyer à Salomon tout ce qu'il demande, Salomon demande à Dieu le véritable trésor : le don de discernement du bien et du mal. Et cette demande peut sembler étrange, si nous comparons ce récit avec celui de la création, au livre de la Genèse ! En effet, dans le jardin d'Eden, Adam et Eve voulaient être comme des dieux, capables de discerner le bien et le mal, et manger le fruit de l'arbre de la connaissance. Nous connaissons la suite du récit de la Genèse. Leur demande ne fut pas accordée.... Or, la demande de Salomon plut au Seigneur, et fut acceptée, car la demande de Salomon concernait d'abord son c½ur, et l'art d'être attentif. Donne à ton serviteur « un c½ur attentif », dit Salomon, « pour qu'il sache discerner ». En effet, on ne voit bien qu'avec notre c½ur, et notre trésor sera là où nous mettrons ce c½ur. Alors demandons-nous aujourd'hui quel est notre véritable trésor, en nous demandant ou se trouve véritablement notre coeur ?

Mais si tel est le dessein de Dieu pour nous, pourquoi donc le trésor devrait-il rester caché à nouveau ? Ne nous faut-il pas révéler aux yeux de tous ce que nous avons trouvé ? En réalité, il me semble que l'Evangile d'aujourd'hui nous invite à découvrir que le trésor du royaume doit d'une certaine manière rester caché en nous-mêmes, pour que ce trésor puisse être paradoxalement découvert par d'autres.

1. Le trésor doit tout b'abord rester caché à nous-mêmes, car nous sommes un mystère pour nous-mêmes. Il est parfois dangereux de prétendre avoir la pleine vérité sur les choses. Que nous le voulions ou non, nous sommes aussi des hommes cachés à nous-mêmes, des mystères sans réponse. Nous ne sommes pas transparents, mais nous avons des parts d'ombres en nous. Nous sommes des hommes dont le trésor est caché à nous-mêmes ; nous sommes ces champs, dont le trésor est enfoui au plus profond de nous. Ne cherchons donc pas le Royaume trop vite, trop loin, trop haut. Ce n'est peut-être pas comme cela que nous avons à vivre. C'est d'abord dans l'aujourd'hui de nos vies et de notre humanité que nous avons à chercher et espérer notre trésor. C'est en nous que le royaume doit d'abord se chercher. Non pas que Dieu meure en nous, comme si notre foi en Lui n'était qu'une foi en l'homme. Bien au contraire, Dieu doit naître en nous, comme l'a fameusement écrit de manière un peu provocative Maître Eckhart, un mystique dominicain. Il doit être découvert dans nos frères. L'athéisme est peut-être de ne pas vouloir voir nos frères à l'image de Dieu.

Le Royaume des Cieux se trouve donc dans le champ et dans la terre de notre humanité et de nos frères. Mais osons-nous faire face à cela ? Croyons-nous assez en nous-mêmes, pour croire en nous comme Dieu croit en nous ? Bien plus, sommes-nous assez forts pour « vendre tout ce que nous avons » comme nous y invite l'Evangile ? N'y aurait-il pas là une espèce de fanatisme, pouvant nous faire peur ? Connaissons-nous vraiment des personnes autour de nous qui auraient cette naïveté de tout donner pour une seule cause ? En réalité, il ne s'agit pas de se couper de tout, de vivre dans la précarité. Renoncer à tout ce que nous avons, c'est renoncer à tout ce qui nous empêche d'être nous-mêmes, car on ne se définit pas par ce que l'on possède, mais par ce qu'on est ; en effet, l'évangile ne dit pas que la personne achetant le champ n'a plus rien du tout, mais qu'elle s'est débarrassée de ce qu'elle avait, ce qui l'empêchait d'être elle-même pour acheter le champ. Grâce à cela, elle a pu acquérir ce qu'elle était, ce champ, et la terre de son humanité. Plutôt que de tout perdre, elle se gagne complètement. N'y a-t-il pari moins risqué que cela ?

2. Ensuite, si le trésor du royaume reste caché, c'est aussi pour que d'autres puissent le chercher et le découvrir. Un peu comme si le trésor de Dieu était constamment investi et réinvesti, révélé puis caché, pour que nous ayons sans cesse à le chercher. Il n'y a rien de plus dangereux que de se croire arrivés à destination sur cette terre. Comme l'a dit Christophe Colomb avant de partir pour les indes : « L'important pour moi n'est pas d'arriver, mais de partir. » Chercher toujours est donc la seule manière d'entretenir notre foi, et d'être prêt à être conduit vers l'inconnu de Dieu et du Royaume.

Oui, le royaume des cieux implique que nous ayons foi en l'inconnu de Dieu mais aussi foi dans le mystère de l'humanité de nos frères et soeurs. Cacher le trésor à nouveau est donc un acte de foi en Dieu et dans les autres. Cela signifie qu'il y a toujours plus à trouver, en soi, et dans les autres. Et bien souvent, ce sont les autres, nos frères, nos amis, qui nous aident à faire la vérité sur nous-mêmes. « Dites-moi qui je suis ; dites moi où est mon trésor », pourrions-nous dire à nos frères et s½urs, comme s'il leur appartenait de faire accoucher la vérité qui est en nous. D'une certaine manière, « c'est la foi que les autres mettent en nous qui nous indique notre route ». Cacher à nouveau le trésor dans le champ de notre humanité est donc un acte de foi, que nous posons pour les autres : foi que d'autres découvrent ce trésor, foi en l'homme qui peut contenir et garder ce trésor, foi en un Dieu qui visite et vit au c½ur de notre humanité.

Comme le dit Saint Paul, « Dieu nous a destiné à être à l'image de son Fils. » A notre tour de croire à ce dessein de Dieu pour nous, et d'aider nos frères et s½urs à croire que nous sommes cette terre porteuse du royaume en notre humanité, crée à l'image de Dieu. Amen.

17e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Avec les trois dernières paraboles, nous entendons aujourd'hui la fin du grand discours dans lequel - au centre de l'évangile de Matthieu - Jésus tente de nous révéler ce qu'est ce "Royaume" que son Père l'a chargé d'inaugurer sur terre.

5ème PARABOLE : LE TRÉSOR CACHÉ

Le Royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ : l'homme qui l'a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu'il possède et il achète ce champ.

Beaucoup de gens vivent à la surface des choses : on dirait que gagner de l'argent et préserver leur petit bonheur leur suffit. Pourtant les circonstances, souvent l'échec et le malheur, obligent à creuser plus profond, à se poser des questions. Et il arrive qu'un jour, soudain, l'étincelle jaillit - comme une bêche qui frappe un coffret de fer enfoui : les apparences s'effritent, une signification nouvelle illumine. Dieu était là et je ne le savais pas. Le Royaume n'est pas au-delà de nos horizons familiers, il ne se cache pas au loin dans un lieu dit sacré, il ne se confond pas avec des expériences surnaturelles. Il est là tel UN TRESOR caché au fond de la vie quotidienne. Famille, profession, maison, loisirs, école... : on ne quitte pas le monde mais ce monde est changé. Une joie nouvelle envahit parce que, enfin, on voit la profondeur des choses, la signification des rencontres, la beauté nouvelle de l'amour et la splendeur de l'espérance. L'existence humaine découvre sa profondeur, sa richesse incalculable, sa beauté fulgurante en même temps que sa tragédie et ses véritables enjeux.

6ème PARABOLE : LA PERLE

Le Royaume des cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu'il possède, et il achète la perle.

Ici il s'agit d'un homme inquiet, un "philosophe" pourrait-on dire : depuis longtemps il réfléchit, il lit, il médite, il cherche un sens à sa vie, il fait diverses expériences mais aucune ne le satisfait. Jusqu'au jour où - à l'exemple de saint Augustin, de saint François d'Assise, d'Edith Stein et de tant d'autres -, il tombe sur un livre, fait une rencontre, entend une voix, se sent désarçonné, bondit d'allégresse : j'ai trouvé ! Il ne s'agit pas d'un plaisir, d'une connaissance du même ordre que ceux que l'on goûtait auparavant. C'est LA PERLE, plus belle infiniment, que toutes celles que l'on connaissait et que l'on ne peut simplement ajouter aux autres. Sur le champ, le converti sait qu'il doit renoncer à beaucoup de choses, à des attachements incompatibles avec sa nouvelle découverte. Mais nulle rupture ne pèse au c½ur enfin comblé !

7ème PARABOLE : LE FILET

Le Royaume des cieux est encore comparable à un filet qu'on jette dans la mer et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s'assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon et on rejette ce qui ne vaut rien.
-  Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges viendront séparer les méchants des justes et les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents.

" Je vous ferai pêcheurs d'hommes" avait dit Jésus à ses premiers apôtres. Depuis lors, l'Eglise court dans tous les pays du monde, multiplie les appels en toutes langues, s'adresse à toutes les couches de la population : " Convertissez-vous, changez : le Royaume s'approche !". Des multitudes immenses répondent à l'appel, demandent le baptême, reçoivent les sacrements, sont cataloguées comme "chrétiennes"...Mais hélas, tous ne s'engagent pas dans une vie nouvelle, ne vivent pas selon l'Evangile. Or la participation au Royaume ne se ramène pas à une inscription sur le registre du catéchisme ni ne se rassure par le nombre de messes.

Qui est dans le Royaume ? Combien ? Nul ne sait. Il nous est interdit de juger car les apparences sont souvent trompeuses et les retournements toujours possibles. Mais un jour le Jugement authentique sera porté et la séparation sera faite. Comme on l'avait dit avec l'ivraie et le blé, tous les humains seront jugés. Perspective redoutable, certes, mais comment vivre si tout se vaut, si bien et mal sont insignifiants ?... Et d'ailleurs comment craindre un Juge qui a été victime de nos jugements infâmes avant de mourir sur le gibet du Golgotha où il murmura : "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" ?

CONCLUSION C'est en ce mois de vacances que nous devons mûrir nos convictions et mettre au point nos décisions pour la rentrée. D'abord - et avant tout - prier. Notamment en relisant et méditant tout le chapitre 13 de Matthieu afin de nous faire une idée plus claire de cette réalité essentielle du Royaume de Dieu ...Car c'est là que nous sommes appelés à vivre !

7 paraboles, 7 images pour en détailler les aspects importants :

1) SEMEUR : le Royaume vient par la Parole du Christ, l'Evangile...Si j'écoute ! S'il prend racine ! S'il s'épanouit dans un c½ur accueillant !

2) IVRAIE : ne pas nous scandaliser ni nous décourager : bien et mal coexistent ; semer et répandre l'Evangile avec plus de zèle !

3) GRAIN DE MOUTARDE : oser des débuts modestes, espérer, ne pas craindre le ridicule ; l'Evangile a toujours un avenir.

4) LEVAIN : insérer la foi au c½ur des réalités : mariage, économie, études, arts, sports, médecine, politique, écologie...

5) TRESOR : creuser les questions, aller au-delà des apparences, chercher l'essentiel.

6) PERLE : se détacher de beaucoup de choses, se donner à fond, oser se laisser emporter par la Joie ; témoigner du bonheur de croire dans la sobriété de vie.

7) FILET : sans se lasser, lancer le filet, accueillir, ouvrir les portes...sans condamner. Mais prévenir qu'il y aura tri, jugement.

18e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Après l'important enseignement sur le Royaume (Les 7 paraboles du chapitre 13), Jésus repasse dans son village de Nazareth : il s'y heurte au scepticisme des gens qui le connaissent trop bien depuis l'enfance ("N'est-ce pas le fils du charpentier ?..."). De là il redescend vers le lac lorsque lui parvient la tragique nouvelle : le roi Hérode Antipas a fait exécuter Jean-Baptiste !

Jésus est sous le choc : l'évangile d'aujourd'hui poursuit :

Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l'écart. Les foules l'apprirent et, quittant leurs villes, elles suivirent à pied. En débarquant, il vit une grande foule de gens ; il fut saisi de pitié envers eux et guérit les infirmes.

Donc Jésus ne part pas en promenade : il souffre de la mort de Jean et il cherche un lieu de solitude avec quelques disciples. Raté ! les gens ont observé et le rejoignent quand il débarque. Mais loin de s'énerver et de les renvoyer, "il est saisi de pitié en les voyant". C'est la 2ème fois que Matthieu note cette réaction de Jésus ; il le fera encore à trois reprises et il faut traduire : " il fut bouleversé aux entrailles". Il ne s'agit pas d'une vague pitié superficielle mais d'un choc extrêmement fort : d'ailleurs l'usage de ce verbe (comme chez Marc et Luc) est strictement réservé à Jésus. C'est une émotion divine, indicible, un empoignement viscéral tant Jésus "com-patit", "sym-pathise" à nos détresses.

Voir - Pâtir - Agir. En rester à la larme à l'½il serait odieux : le sentiment vrai incite à l'acte. Touché, Jésus " guérit les infirmes". Puisque le Royaume de Dieu est inauguré, la Vie divine doit rejoindre l'homme entier. Une religion qui ne serait que rites et piété serait trop angélique. L'Eglise doit déployer beaucoup de sollicitude à l'endroit des malades et handicapés.

Le soir venu, les disciples s'approchèrent et lui dirent : "L'endroit est désert et il se fait tard. Renvoie donc la foule ; qu'ils aillent dans les villages s'acheter à manger". Mais Jésus leur dit : " Donnez-leur vous-mêmes à manger". Alors ils lui disent : " ???...Nous n'avons là que 5 pains et 2 poissons !".

Les disciples désiraient goûter un peu de paix avec leur maître : aussi sont-ils excédés par cette intrusion populaire - d'autant qu'ils ont, eux, emporté quelques provisions. Mais Jésus leur enseigne que si l'on veut être son disciple, il faut se donner totalement, comme il le fait, lui, depuis le début. La "pitié" superficielle est une parenthèse, une obole, un geste consolant avant de retrouver sa petite existence tranquille : mais l'émotion qui poigne Jésus oblige à tout donner. Ceux qui s'affichent comme ses proches ne peuvent plus se réserver leurs aises, gémir sur l'état de la planète, plaindre les malheureux du Darfour ni faire la quête. Il est impérieux, sur le champ, d'ouvrir ses coffres et de donner ce qu'on voulait cacher et se réserver : "Donnez-leur vous-mêmes à manger !".

Stupéfaction et réaction normale des disciples : " ???...Nous n'avons que 5 pains et 2 poissons !!!" - c'est-à-dire juste assez pour nous. Et puis il n'y a pas de proportion entre notre petit sac et les besoins de cette foule !??...

Jésus dit : " Apportez-les moi ici". Puis, ordonnant à la foule de s'asseoir sur l'herbe, il prit les 5 pains et les 2 poissons et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction, il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule. Tous mangèrent à leur faim et, des morceaux qui restaient, on ramassa 12 paniers pleins. Ceux qui avaient mangé étaient environ 5000, sans compter les femmes et les enfants.

On doit comprendre ce texte par son ancrage en amont et en aval.

En amont : Les détails du récit rappellent la marche des Hébreux à travers le désert. " Jésus est "sorti", une foule est dans la solitude, n'a rien à manger, on est prié de s'asseoir, on reçoit une nourriture mystérieuse (la manne)...et on est rassasié " : on remarque la situation et tout le vocabulaire de l'"Exode". Donc Jésus réitère le grand signe que les ancêtres avaient reçu jadis. Il est bien le Messie. Mais il ne faut plus attendre un produit secrété par des arbustes ni une nourriture offerte par les anges du ciel (Ps 78, 25) : à présent ce sont les disciples (nous) qui doivent d'abord donner ce qu'ils ont, sans s'inquiéter de la disproportion entre leur avoir et les besoins immenses des foules.

Et en aval : évidemment la narration évoque le dernier repas que Jésus fera bientôt à Jérusalem : ce sera au même moment, "le soir venu" ( 26, 20) et on y retrouvera les quatre mêmes verbes : PRENDRE, BENIR, ROMPRE, DONNER.

Donc à partir de là, l'épisode rejoint notre propre situation et se propage à travers toute l'histoire de l'Eglise en marche. La signification de l'acte de Jésus se révèle : une préfiguration, une prophétie de l'Eucharistie.

SIGNIFICATION DU PAIN PARTAGE

Donc soyons attentifs à la manière de raconter de l'évangéliste. Plutôt que d'accumuler les preuves historiques que Jésus a bien accompli "un miracle" époustouflant, Matthieu montre comment lui et sa communauté ont compris l'épisode et comment celui-ci garde valeur permanente.

Tout découle de la MISERICORDE, de l'émotion violente qui saisit le Christ à la vue de nos misères. "Voici ce Coeur qui a tant aimé les hommes !".

Alors il emmène les siens à l'écart, loin des fêtes du monde où l'on semble tellement se réjouir mais si souvent au détriment des pauvres et en faisant taire les prophètes (exécution du Baptiste).

Au repas du Seigneur, il n'y a plus de classes sociales séparées et rivales : ce sont même les handicapés, les éclopés, qui sont les premiers servis.

Le Christ presse ses disciples de ne rien garder pour eux, de donner le peu qu'ils possèdent. Leur pain, il le PREND...DIT LA BENEDICTION DE LOUANGE...LE ROMPT ...LE DONNE ; dans ses mains et grâce à sa prière, il devient partageable à l'infini. Ce partage n'a rien de commun avec les banquets mondains où se succèdent les mets plantureux et les vins de prestige : ce n'est qu'une modeste bouchée mais chacun reçoit la même portion car chacun revêt la même dignité inaliénable.

On gardera les restes et, un autre jour, on recommencera : ce sera toujours le même Don qui se prolongera au long de l'histoire. Chaque messe ouvre sur l'avenir, garde l'Eglise en ouverture de croissance à l'infini.

Dans l'expérience de cette rencontre - du Christ Sauveur et des autres devenus frères et s½urs dans l'amour de Dieu -, le croyant goûte une plénitude, une joie qui lui rendent fades toutes les festivités du monde. Par le Pain du Christ, l'Eucharistie, il est "rassasié", comblé de la Paix de Dieu.

Alors il comprend que, au milieu des tragédies du monde, le Christ réalise le véritable EXODE : il constitue un peuple qui pérégrine dans la pauvreté et qui reste épié par les Puissants qui s'accrochent à leurs trônes. Ainsi se multiplie infiniment l' EUCHARISTIE DU SEIGNEUR : On ne la comprend pas si on ne la voit pas comme née de l'émotion, du c½ur brisé du Christ devant nos blessures. Et elle ne tend à rien d'autre qu'à nous faire partager cet amour entre nous afin d'être unis à jamais.


18e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Il y a quelques années, le curé d'un village expliquait en chair de vérité la façon dont s'était déroulée la multiplication des pains. « Vous vous rendez compte, frères et s½urs, dit-il, nourrir cinq hommes avec cinq mille pains et deux mille poissons ? » Au fond de l'église, un paroissien à la langue un peu fourchue s'aperçoit de l'erreur du curé et, se penchant vers son voisin, lui glisse à l'oreille de façon un peu forte, ce qui fait que toute la communauté l'entend : « C'est pas difficile, tout le monde en aurait fait autant ! ». Silence dans toute l'église et le curé est tout confus de son lapsus. Le dimanche suivant, notre bon curé de campagne décide de réparer son erreur : « L'un d'entre vous s'est gentiment moqué de moi la semaine dernière, du fait de mon lapsus. Bien entendu, je voulais dire que notre Seigneur avait nourri cinq mille personnes avec cinq pains et deux poissons et personne, là, ne peut dire qu'il en aurait fait autant ! ». « Bien sûr que si, reprit le paroissien impertinent, vous pensez, avec tout ce qui restait de dimanche dernier... ! » L'erreur de ce brave curé était peut-être de trop vouloir insister sur l'historicité d'un tel événement alors que le texte ne dit pas que le Christ multiplie mais plutôt qu'il rompt les pains. En effet, comment est-ce possible de nourrir autant de personnes avec si peu de nourriture. Si Dieu est Dieu, me direz-vous, tout est possible pour lui. Sans doute, mais n'y a-t-il pas autre chose qui se vit dans cette histoire entendue ? Quelque de plus merveilleux encore qu'un miracle à proprement parlé ? Quelque chose qui peut nous aider à avancer mieux encore dans nos vies aujourd'hui ? Je le crois. Tout d'abord cet événement se réalise dans un lieu précis : un désert, c'est-à-dire un endroit par excellence où il y a peu d'espace pour la vie, où tout semble dénué, où rien n'est véritablement possible puisque nous sommes confrontées à des étendues se répétant à l'infini. Ces dernières peuvent être belles dans leur nudité mais elles peuvent également devenir un lieu d'angoisse voire de mort si nous n'avons pas été suffisamment prévoyants. Il y a des déserts de lieu mais il y a aussi des déserts de temps. Effectivement, dans nos vies, il peut nous arriver de traverser des déserts de temps où celui-ci s'écoule au rythme de la maladie, de l'épreuve de la souffrance ou du deuil. Nous sommes face à des étendues infinies dont nous ne voyons pas toujours clairement l'horizon. Nous pouvons ressentir un vertige car ce temps précis de l'expérience où nous sommes fragilisés dans nos corps et nos âmes semble tellement aride que nous cherchons des oasis où il fait bon venir se reposer auprès de celles et ceux qui nous soutiennent dans l'épreuve par leur tendresse et leurs marques d'amour. Au c½ur de ce désert qui nous semble injuste et injustifiable puisque la souffrance n'a pas de fin en elle-même, nous voyons aussi parfois des mirages, c'est-à-dire des rêves éveillés où la vie reprend ses couleurs d'autrefois. Nos déserts peuvent ainsi devenir des lieux de désespérance si nous nous laissons entraîner dans une spirale sans fin vers les ombres de nous-mêmes. Or c'est au c½ur même de nos déserts que le Christ s'adresse à nous aujourd'hui encore. Il ne vient pas à notre rencontre lorsque tout va bien, lorsque nous ne nous posons pas de questions tellement nous nous laisserions bercer par le roulis calme de l'existence. Non, il choisit de venir nous retrouver là où nous sommes sur le chemin de notre vie, au c½ur de ce désert que nous traversons et il vient nous donner un message plein d'espérance. Il est avec nous par l'entremise de celles et ceux qui se font proches de nous ; que ces derniers portent le nom de patients, parents, amis ou soignants. Dieu vient à notre rencontre et nous convie à trouver nos forces intérieures pour continuer d'avancer. Un peu comme s'il susurrait au creux de nos oreilles : « il y a tellement plus en vous que vous n'imaginez. Il y a en vous cette nourriture qui coule, pain et poisson, espérance et vie ». Appelons alors ce Dieu présent à nos côtés. Il accepte de toujours se laisser déranger nous conte l'évangile et il répond à nos appels tellement il se laisse saisir à ses propres entrailles par la réalité de nos histoires. Traversons alors nos périodes de désert avec cette confiance indicible en ce Dieu de Jésus Christ qui, si nous le lui demandons, nous donne par l'entremise de son Esprit les forces nécessaires pour pouvoir traverser le temps de nos vies avec cette espérance que nous ne sommes plus jamais seuls. Le Père est avec nous et nous prend la main pour nous conduire au c½ur de ce lieu intérieur où se trouve la vraie vie, celle qui rassasie notre âme, notre corps et notre c½ur. Que l'espérance nourrisse notre prière. Que l'espérance ne nous quitte jamais. Et surtout, qu'elle devienne la nourriture qui nous remet debout car nous croyons en un Dieu qui donne sa tendresse et son amour toujours à profusion .

Amen