18e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008
Mon pays a des frontières avec 4 pays limitrophes.
Mon pays a près de 10 millions d'habitants.
Mon pays est divisé principalement en deux grandes communautés.
Mon pays a des difficultés politiques.
Mon pays a de belles collines dans le sud.
Mon pays a des pêcheurs dans le nord.
Mon pays a sa capitale au centre de son territoire.
Mon pays a trois langues officielles.
Mon pays a une densité de population parmi les plus hautes du monde.
Mon pays est réputé pour apprécier la bière.
Mon pays a une équipe nationale de football bien décevante...
Qui suis-je ?

Je suis... la Belgique ? Pourquoi pas. Mais aussi le Rwanda. Ce beau pays, aux gens si accueillants, et où j'ai eu l'occasion de passer trois semaines ce mois-ci. Si je vous dis cela, ce n'est point pour vous expliquer que ma mine, un peu moins blanche que d'habitude, est due au soleil de cette partie de l'Afrique. Non, si je vous dis cela, c'est peut-être parce que l'évangile de ce jour nous plonge face à une profonde réalité humaine, véritablement universelle, et qui transcende tous les peuples et toutes les nations. Où que nous soyons, dans quelque pays, région ou communauté que nous soyions, Jésus nous invite aujourd'hui à découvrir que le repli conduit nécessairement à l'exclusion. Quelle que soit notre origine, nous pouvons tous avoir une certaine envie de nous replier sur nous-mêmes, de rejeter ce qui n'est pas nous-mêmes. Les êtres humains que nous sommes ont parfois envie de dire aux personnes qui les entourent, comme le font les disciples dans l'évangile : Allez dans vos villages vous acheter à manger". Comme si pour se nourrir, il suffisait de compter sur ses propres capacités. Comme si nous pouvions nous nourrir nous-mêmes, avec ce que nous avons.

Mais Jésus aujourd'hui nous dit : "Ils n'ont pas besoin de s'en aller chez eux." "Donnez-leur vous même à manger !" Nous connaissons trop bien dans nos vies les dangers de ce repli identitaire : l'actualité belge frôlant parfois le ridicule et l'histoire tragique du Rwanda nous montrent les impasses auxquelles des relations humaines bâties sur un tel repli peuvent conduire. Mais loin du repli sur soi identitaire, loin des barrières et de la distance, Jésus nous dit au coeur de nos égoïsmes : "Non, ne renvoyez pas les foules. Donnez leur vous-mêmes à manger." Comme si nous ne pouvions pas nous nourrir sans l'autre. Comme si les autres ne pouvaient se nourrir sans nous ! Et il est vrai que c'est une des choses les plus difficiles à apprendre, pour les enfants comme pour les adultes. Apprendre à se nourrir, c'est avant tout apprendre à recevoir. L'évangile d'aujourd'hui nous invite à découvrir que nos relations, avec Dieu et avec les autres sont bâties sur notre faim, et sur notre manque, et que ceux-ci ne peuvent être comblés par nous mêmes. Comme chrétiens, nous avons sans cesse, non pas à croire que nous pourrions combler des manques, mais à montrer précisément que nous ne sommes pas à mêmes d'y faire face seuls. C'est toujours par le détour de l'autre que nous pouvons nous nourrir. Une cuiller pour papa. Une cuiller pour maman ! Il y aurait presque un inceste spirituel à vouloir se nourrir soi-même, à vouloir rentrer dans nos villages et nous nourrir tout seuls.

L'évangile d'aujourd'hui nous invite donc à découvrir qu'avec Dieu, il ne nous appartient pas de nous nourrir nous-mêmes. Mais bien plus, nous n'avons pas prise sur ce que nous pouvons donner aux autres. Bien souvent, nous parlons du 'récit de la multiplication des pains' pour qualifier ce passage d'évangile. Or, il n'est pas dit que Jésus a multiplié les pains, mais qu'il rompit les pains. Le mot 'multiplication' n'apparaît en effet pas dans l'évangile. Et tel est bien le paradoxe de notre foi. Vouloir se nourrir soi-même, se replier sur soi-même et agir seul par vanité implique une multiplication d'efforts, de travail, une débauche d'énergie, car nous ne pouvons jamais agir seuls. Par contre agir avec les autres, par humilité, c'est reconnaître simplement que nous avons besoin des autres : ils sont une fraction de notre pain. Le paradoxe est bien là. En nous nourrisant nous-mêmes, avec notre propre nourriture spirituelle, nous manquons d'altérité, nous ne sommes qu'une vaine répétition de nous-mêmes, une auto-similarité fatigante et inintéressante. Tel est bien le tabou alimentaire par excellence : une espèce d'anthropophagie spirituelle, celle de la nourriture de soi par soi, du repli identitaire et culinaire, sans distance. Mais en rompant notre pain, nous donnons peut-être moins, car nous reconnaissons que nous ne pouvons pas tout donner, mais en pensant donner moins, nous nourrissons en réalité bien plus de monde que nous aurions pu l'imaginer.

Le passage de l'évangile d'aujourd'hui, tiré de Saint Matthieu, arrive juste après le récit de la décollation de St Jean Baptiste. Et vous connaissez sans doute ce récit, ou Hérode accepte la demande d'Hérodiade de décapiter Jean-Baptiste. Comme si la puissance devait se manifester dans la division et la violence. Mais le récit de la multiplication des pains est justement l'inverse de ce récit de Jean-Bapiste. Il nous invite à découvrir que la vraie puissance vient non pas dans la multiplication de prodiges et d'artifices miraculeux, mais dans la division et le partage de ce que nous avons reçu, et qui peut véritablement nourrir tout le monde ! Jésus rassemble dans la douceur. Il nous recrée non pas en multipliant, mais en rompant. Tel le Dieu de la Genèse qui crée le monde en séparant et éléments, Jésus nous crée en rompant le pain, en partagant et en donnant non pas la puissance de la quantié, mais la douceur de l'humilité et du manque, la seule vraie nourriture de nos relations humaines. La seule nourriture que nous avons à consommer, mais qui, comme le dit paradoxalement le prohète Isaïe dans la première lecture, "ne s'achète pas." Le manque de l'autre ne s'achète pas. Il se vit et se donne.

Puissions-nous, loin du repli sur soi, bâtir nos relations humaines sur une telle reconnaissance de notre manque originaire et de notre soif et faim des autres. Amen, et bon appétit !


"

19e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

L'évangile d'aujourd'hui fait immédiatement suite à celui de dimanche dernier : nous allons voir que l'ensemble fournit une révélation impressionnante.

Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l'autre rive pendant qu'il renverrait les foules. Quand il les eut renvoyées, il se rendit dans la montagne, à l'écart, pour prier.

Le don du pain dans le désert a nettement évoqué l'exode des Hébreux en route jadis vers la terre promise. Mais pas question pour Jésus de tirer profit du miracle pour jouir d'un triomphe populaire : tout de suite après, ce rassemblement autour de lui des disciples et de la foule éclate. Il ordonne aux siens de rentrer à Capharnaüm, seuls, en barque et il commande aux gens de retourner chez eux en longeant le rivage du lac. Cela fait, Jésus monte dans la montagne - symbole de la recherche du Dieu Très-Haut. Dans la solitude, il prie. Que faut-il faire ? Qu'est-ce que son Père lui dit à travers les derniers événements qu'il vient de vivre : l'assassinat de Jean-Baptiste puis ce partage du pain dans le désert ?...

Le soir venu, il était là, seul. La barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues car le vent était contraire.

Les apôtres qui viennent d'apprendre qu'ils doivent partager leurs provisions et qu'il peuvent nourrir la foule lorsqu'ils donnent tous leurs pains à leur maître, sont affrontés à une grosse épreuve : une forte bourrasque s'est levée, de grosses vagues les empêchent d'atteindre la rive. Les heures passent, et c'est la nuit interminable. Pourquoi donc Jésus les a-t-il abandonnés ?...Ils ont beau faire des efforts, être des marins expérimentés...La peur les étreint.

Vers la fin de la nuit (4e veille), Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils disaient : " C'est un fantôme !"et la peur leur fit pousser des cris. Mais aussitôt Jésus leur parla : " Confiance ! c'est moi ! N'ayez pas peur !"

Que se passe-t-il ? Jésus semble avoir changé d'état ! C'est toujours le même homme, on le reconnaît ...mais la pesanteur ne l'entraîne pas dans les flots, il tient debout sur l'élément hostile, cette mer qui, pour Israël, symbolisait toujours la force hostile, la puissance dangereuse où rôdaient tant de monstres et qui engloutissait tant de navires. On le sait, dans la Bible, la mer, c'est le mal, le danger mortel, l'abîme où l'homme coule. Or voici que l'homme Jésus surmonte le péril, il ne coule pas, il traverse la mer comme si c'était à pied sec ! Comment est-ce possible ?

Et lorsqu'il crie "C'est moi" à ses amis terrifiés, c'est la même réponse que Dieu donnait à Moïse au buisson ardent : " Je suis = C'est moi = YHWH" ( Exode 3, 6). Jésus serait-il "en condition divine" ??? Mais alors si Dieu est avec vous, n'ayez pas peur ! Gardez confiance !

Ici, Matthieu ajoute une péripétie que Marc et Jean n'ont pas :

Pierre alors prit la parole : " Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l'eau". Jésus lui dit : " Viens !". Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. Mais voyant qu'il y avait du vent, il eut peur ; et comme il commençait à enfoncer, il cria : "Seigneur, sauve-moi !". Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?". Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba. Alors ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui et ils lui dirent : "Vraiment tu es le Fils de Dieu".

S'il est vrai que Jésus peut dominer la mer, le premier des 12 apôtres, celui que Jésus a surnommé PIERRE, ROC, devrait, lui aussi, partager ce privilège. Mais en est-il capable ? Il commence, mais le doute le prend, le submerge. Il n'a pas une foi absolue, il manque de confiance...il est obligé de lancer un S.O.S....et son Seigneur le sauve...

Jésus est accueilli dans la barque tandis que subitement la tempête se calme. Les disciples tombent devant Jésus dans l'adoration et en confessant sa Seigneurie : " Vraiment tu es le Fils de Dieu".

PREFIGURATION DU MYSTERE PASCAL

Il est manifeste que Matthieu n'a pas l'intention de nous conter un tour de prestidigitateur afin d'épater la galerie. Sa narration suggère déjà le drame qui va bientôt se dérouler à Jérusalem : on peut la lire telle une préfiguration du Mystère pascal.

A la dernière Cène, Jésus refera le même geste : "Il prend le pain, dit la bénédiction, le rompt, le donne..." mais cette fois, ce Pain est sa Présence, le don total de lui-même.

Dès la sortie de la chambre, éclate la plus épouvantable des tempêtes : Jésus est arrêté, jugé, fouetté, mis à mort sur une croix infâmante et enseveli. Le groupe des apôtres est secoué par l'incompréhension, la terreur, la panique. Jésus a disparu !

Mais à la fin de la nuit, au matin du 1er jour de la semaine, soudain Jésus leur revient. Ce n'est pas possible, disent-ils, c'est un esprit, un fantôme...Mais il les apaise : " Ayez confiance ! C'est Moi ! N'ayez pas peur". Ils découvrent que Jésus n'a pas été anéanti par les flots de la mort. Sa résurrection les fait entrer dans une foi toute nouvelle.

Quant à Pierre le téméraire, il se croyait bien capable lui aussi d'affronter la mort : " Je donnerai ma vie pour toi" avait-il affirmé devant tous. Hélas, dans la cour du tribunal, sa peur l'a fait sombrer dans le triple reniement. Mais sa chute n'est pas irrémédiable : son Seigneur revient vers lui pour lui tendre la main et le sauver par son pardon : "Pierre m'aimes-tu ?".

Alors le Souffle de l'Esprit-Saint chasse le vent affreux des peurs et des trahisons. Les apôtres sont convertis : Jésus est plus qu'un maître, qu'un messie nationaliste et guerrier : ils l'adorent et le confessent comme Fils de Dieu. Remplis d'une confiance inébranlable, ils sont capables de témoigner jusqu'à donner leur vie dans le martyre.

Comprenons donc que nous vivons sans cesse le même itinéraire :

Donner ses provisions pour le partage, partager le pain de Jésus dans l'Eucharistie être ballotté par l'épreuve, la peur, les inimitiés, la solitude reconnaître dans cette nuit la présence du Christ Vivant recevoir sa confiance pour ne pas couler, le confesser, avec les autres, comme FILS DE DIEU : toute notre vie est là dans ce ""passage". C'est PAQUES !

 

1er dimanche de Carême, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

La vérité ne se trouve-t-elle pas dans les nuances de notre belle langue française ? Je le crois lorsque je pense à l'exemple suivant. pour décrire un certain type de personne, nous dirons : « c'est un bon gros ». A ce jour, je n'ai jamais entendu quelqu'un clamer à voix forte : « c'est un bon maigre ». Il semble même que certaines personnes lorsqu'elles souhaitent parler de problèmes et ont la possibilité de choisir préfèrent aller vers une personne ayant une certaine corpulence et qui pourrait être mieux à même de comprendre les choses que d'aller vers quelqu'un de plus maigre qui peut sembler plus austère, plus sévère. Je ne prêche pas pour ma propre chapelle mais cela semble en tout cas être la réalité dans certains monastères ou communautés religieuses. Si tout ceci est vrai, je ne suis pas étonné que quelqu'un de « très » maigre ait pu dire, vu mon poids, que j'aurais des difficultés pour parler du jeûne. Je déplore une fois encore ce type de jugement quelque peu hâtif. En effet, je suis très à l'aise pour en parler puisque j'ai la distance scientifique nécessaire pour le faire. Je crois donc que les propos de cette personne grande et maigre étaient de la pure jalousie.

Au-delà de ces quelques considérations légères, je voudrais avec vous, ce matin, m'arrêter sur les bienfaits du jeûne puisque le Christ l'a vécu durant quarante jours nous rappelle l'évangile. Très vite, lorsque nous avons la chance de pouvoir vivre un temps de jeûne, nous découvrons des manques. Et ces derniers sont essentiels pour nos vies. Me revient en mémoire cette histoire de Lacan qui assistait à un colloque sur sa propre pensée. Au fur et à mesure des interventions, il avait l'impression que tout avait été dit, que tout était comblé, qu'il n'y avait plus lieu d'ajouter quelque chose. Dans sa conclusion, il dévoile à l'ensemble des participants cette réalité : « en vous écoutant, j'ai ressenti que le manque commençait à me manquer ». Il n'y a rien de plus terrible lorsque le manque nous manque. Cela signifie que nous sommes devenus pleins de tout. Il n'y a plus aucun espace en nous. Nous nous confrontons alors au comble du manque, c'est-à-dire le manque du manque tellement celui-ci est comblé. Il est vrai que cette situation peut nous rassurer. En effet, il n'est pas toujours facile de marcher au milieu de son propre désert marqué par tant de vide. Nous pouvons être épris d'un certain vertige. Il en va d'ailleurs du désert comme du jeûne. Ce dernier ne concerne pas seulement la nourriture. Il nous est effectivement loisible de jeûner de tant de chose. Dans un hôpital, combien d'entre nous ne sont-ils pas confrontés au jeûne de la santé. Elle vient à manquer et nous cherchons à la restaurer. Un tel jeûne nous fait également entrer au plus profond de notre être, vivre une certaine forme de retraite intérieure pour retrouver l'existentiel de nos existences. L'épreuve de la maladie, de la perte d'un être cher peut nous laisser un grand vide tout en nous ramenant à nos manques essentiels. Il est vrai que certains ne pourront plus jamais être comblés et qu'il y a une forme de béance en nous. Dans la foi, osons alors croire et espérer qu'au plus profond du fond de nos manques, nous ne sommes pas seuls. Par l'exemple de cet épisode au désert, le Christ s'invite au c½ur de nous-même. Il est cette présence discrète, respectueuse, un souffle fragile qui vient susurrer au creux de notre ombre : « non, tu n'es pas seul, je suis avec toi car je suis descendu au creux de tous tes manques. Je reconnais cette béance qui t'habite et je m'autorise à venir m'y reposer pour qu'un jour, à ton rythme, lorsque tu le sentiras, tu pourras toi aussi vivre de ma présence au c½ur de ton coeur ». De manière symbolique, le tentateur de l'évangile ne permet pas ce temps de ressourcement. Il nous enferme en cherchant à nous combler de faux besoins. En effet, par rapport à la première tentation, le Christ nous rappelle que tout être humain a plus besoin d'amour que de nourriture. A la seconde tentation, Jésus nous demande de ne pas entrer dans un processus de négociation avec le Père. Celui-ci se vit en nous au plus intime de notre intimité. Enfin, le refus de la troisième tentation est de reconnaître que notre Dieu qui s'est révélé en Jésus-Christ est un Dieu qui s'agenouille auprès de nous en étant cette présence toute intérieure qui illumine nos manques véritables d'une espérance que rien ne pourra jamais venir éteindre. Entrons alors ensemble dans ce merveilleux temps de Carême, il est pour chacune et chacun de nous, où que nous en soyons dans nos vies, ces jours offerts pour que le manque nous ramène toujours vers l'essentiel de notre histoire, c'est-à-dire l'amour.

Amen

1er dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Alors que les théories de Freud commençaient à être connues, une équipe médicale de Bavière décida de les défier. Pour ces médecins, il était évident que l'être humain n'a besoin que d'assouvir ses besoins élémentaires de manger et de boire pour pouvoir exister. Le reste, comme le psychanalyste le prétend, n'est que pur construction théorique de l'esprit. Afin de démontrer la validité de leurs propos, l'équipe médicale décida de faire une expérience sur cinq bébés qui venaient d'être abandonnés par leurs parents. Ils donnèrent comme injonctions aux infirmières de donner le biberon à ces bébés tout en leur interdisant de les regarder, de leur sourire, de leur adresser la parole et enfin de montrer un quelconque signe de tendresse. L'être humain a juste besoin d'être nourri, pensaient-ils. L'expérience tourna au cauchemar. En effet, après seulement un mois, les cinq bébés moururent. Après le décès du troisième, ils décidèrent d'arrêter cette dramatique expérimentation mais il était déjà trop tard et les deux derniers bébés se laissèrent mourir. Aucun être humain ne peut donc se contenter seulement de nourriture. Nous ne pouvons pas être réduits à notre animalité. Nous sommes les sujets de notre devenir et notre humanité prend sa source dans la relation, dans la rencontre. Toutes et tous, nous avons un besoin vital et légitime d'aimer et d'être aimé. Sans amour, je ne suis pas seulement une cymbale retentissante, comme l'écrit Saint-Paul. Non, sans amour, je ne peux pas exister. L'amour est notre nourriture première, notre combustible pour vivre et avancer. Aucun devenir de notre être n'est possible, si l'amour n'en est pas le moteur. En effet, la naissance à soi naît par la parole. Nous sommes des « parlêtres », pour reprendre l'expression de Denis Vasse. La parole nous fait exister. Par elle, nous sommes reconnus. Je suis et je deviens par une simple parole. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Il ne s'agit donc pas de grands discours théoriques, d'élucubrations incompréhensibles. La parole s'inscrit dans la douceur d'un regard, s'origine dans la tendresse de mots prononcés. Elle n'existe jamais pour elle-même mais plutôt pour faire naître d'autres à eux-mêmes. En ce sens, nous touchons les fondements de tout « parlêtre ». Prenons l'exemple suivant : comment sais-je avec certitude que je suis un être humain ? Tout simplement parce qu'à un moment donné de mon existence quelqu'un me l'a dit et m'a reconnu comme tel. La parole est donc bien essentielle pour que je puisse pleinement me sentir moi-même humain. Parler, se raconter fait des nous des êtres vivants. En conséquence, nous avons toutes et tous besoin de communiquer les uns avec les autres et il existe tant de moyens différents pour le faire. Grâce à l'informatique, nous sommes même passés du bavardage au clavardage, c'est-à-dire cette possibilité de communiquer par les claviers de nos ordinateurs. Nous cherchons tous les moyens possibles et imaginables pour se parler. C'est sans doute pour cela que cela nous fait si mal lorsque la parole n'arrive plus à circuler, que le communication est éteinte. N'est-il pas vrai que, les gens, pour les effacer de notre c½ur et de notre mémoire, il suffit de ne plus leur parler. La parole est donc bien existentielle et c'est la raison pour laquelle Isaïe nous invite en ce premier dimanche d'Avent, de nous tourner vers Jérusalem de qui vient la parole du Seigneur. Notre vie n'a de sens que lorsque nos paroles s'enracinent dans une Parole qui trouve sa source en Dieu. Une parole de vie, une parole d'amour, une parole de liberté. Vie, amour et liberté, voilà le tout de la Torah, les composantes de la Loi divine. Ces trois paroles s'interpénètrent et ne font plus qu'une lorsqu'elles s'entendent dans le c½ur de Dieu. Cette loi est une invitation constante à marcher à la lumière du Seigneur. Une lumière qui ne nous éblouit pas mais éclaire notre route. Tout simplement parce que le Dieu de Jésus se révèle à nous par sa Parole et nous fait être par elle. En d'autres termes, nous pourrions dire que cette lumière n'est pas extérieure à nous. Elle est en nous dans ce lieu précis où Dieu inhabite en chacune et chacun de nous par l'Esprit. Il ne s'agit pas d'un éclair, mais plutôt d'une lumière toute douce, à la fois présente et qui s'efface devant nous pour que nous reprenions nous-même le flambeau afin d'éclairer à notre tour celles et ceux qui croiseront notre route. Notre parole se diffuse de tellement de manières différentes : un mot, un geste, un regard, voire un silence. Tant de modes nous sont proposés pour que nos paroles se dévoilent là où nous en sommes sur notre chemin, c'est-à-dire assis, debout ou couché. Peu importe notre position, notre état de santé. Ne devenons pas des muets de la vie mais plutôt des « parlêtres » qui rayonnent de la Parole de Dieu : une parole de vie, une parole d'amour, une parole de liberté.


1er dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Lens Patrick
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Chaque année, l'église célèbre l'Avent. Un nouveau commencement, nous le savons très bien. Notre psychisme a besoin de certains lieux, de certains temps, qui nous permettent de nous situer et de faire le point.

L'Avent nous oriente en avant, vers le futur. Dans quatre semaines, nous célébrons Noël. Mais cela ne suffit pas. L'Avent nous dit encore d'autres choses. Nous, chrétiens, nous célébrons l'Avent parce que nous croyons que dans le temps, il y a une dynamique. Notre vie ne tourne pas en rond, mais c'est une vie qui attend, qui désire, qui espère.

L'homme est un être dynamique : pour lui, ce qui est, ne suffit pas. Il veut évoluer, changer, avoir de nouveaux regards, de nouvelles expériences. Mais parfois il veut trop, surtout dans un temps où il y a beaucoup de possibilités. Et justement là, l'homme commence à s'ennuyer : celui qui a tout, n'a plus rien à attendre.

Donc l'Avent nous pose des questions assez fondamentales : qu'est-ce que nous attendons encore pour notre vie ? Quel est notre regard sur l'avenir ? Y a-t-il un espoir, une attente, ou est-ce que tout au contraire semble être fermé pour moi ?

Mais l'attente est liée à l'attention et à la vigilance. Parfois notre vie semble être fermée, parce que nous courons trop vite, nous courons souvent derrière les faits. Nous ne gérons plus la vie ; il nous semble plutôt que c'est la vie qui nous gère ! Dans ce sens, l'évangile d'aujourd'hui est assez réaliste. L'avènement du Fils de l'Homme ressemble aux jours de Noé : on mange, on boit, on se marie, comme nous. Ce sont des bonnes choses. Toutefois, le déluge vient.

Jésus ne veut pas nous faire peur, mais il nous appelle à la vigilance, à une vie qui prête attention. La vie chrétienne est une vie alerte, une vie active, qui cherche le Royaume de Dieu. Un chrétien sait aussi que ce Royaume va venir et que nous vivons dans le provisoire. Celui qui ne prête pas attention, peut rater le coup. Le Fils de l'Homme vient, prend un homme qui travaille sur le champ et laisse l'autre. Une femme au moulin est prise, l'autre est laissée. C'est comme si le Royaume de Dieu était une sorte de concours, une procédure de sélection sévère et sans pitié comme dans le monde de commerce.

Pourquoi Dieu est-il si cruel ? Mais est-ce que ce n'est pas plutôt le monde qui est cruel ? Nous savons qu'on nous demande beaucoup. Notre société a des exigences assez sévères. Est-ce que c'est la même chose au Royaume de Dieu ? N'y a-t-il pas là un peu plus de miséricorde ? Oui, mais l'évangile nos fait un défi : nous courons après beaucoup de choses et de contraintes, mais notre manière à courir après le Royaume de Dieu est des fois plutôt faible est sans vraie motivation. L'évangile d'aujourd'hui veut nous secouer : est-ce que nous sommes des hommes et de femmes d'attente ?

Pourquoi nous sommes parfois si faibles en tout ce qui concerne le Royaume de Dieu ? Parce que nous pensons que cela durera notre temps ? Parce que Dieu ne jouera pas les choses d'une telle manière ? Mais le fait que le Royaume de Dieu viendra à une heure que nous ne l'attendons pas, ouvre aussi un chemin d'espérance : la solution de mes problèmes, la société, le monde qui ne change pas, ma situation personnelle : tout cela ne dépend pas complètement de nous. Notre futur est un avenir : il y a Quelqu'un qui est en train de venir. La fin du monde, la fin de mon petit monde, peut aboutir à un nouveau commencement grâce à Celui qui vient. Tenons-nous donc prêts et accueillons l'espérance dans nos vies.


1er dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2004-2008

C'est aujourd'hui que nous, chrétiens, devrions envoyer nos v½ux puisque, un mois avant la société, nous entamons une nouvelle année. Nous reportons le gros livre de Matthieu dans la bibliothèque et nous ouvrons le petit livre de Marc sur le lutrin car c'est lui qui va nous guider au cours de ces douze prochains mois.

"EN AVENT" ...MARC... !

Acclamons notre cher Marc : le premier homme qui a écrit un "EVANGILE" ! Un livret très court : 16 chapitres seulement mais ce n'est pas un évangile pour limaces. Il n'y a pas de temps à perdre. Le petit mot "AUSSITÔT" revient pas moins de 42 fois dans son texte.

Rendez-vous compte, dit Marc : nos ancêtres d'Israël étaient très malheureux au point que l'un d'eux, un jour, a lancé vers le ciel cet appel pathétique : " Ah si tu déchirais les cieux....si tu descendais !!!??...." (Prophète Isaïe - 1ère lecture)

Eh bien, ce cri a été entendu ! Dieu a envoyé son Fils, Jésus a inauguré le Royaume, il a offert sa vie pour nous et, ressuscité, il a vaincu la mort et nous conduit vers son Père. Oui, Jésus est le Sauveur, le seul qui peut nous libérer de l'absurde, de la méchanceté, de la haine, de la guerre. Et en outre le Christ Seigneur a promis sa venue : il a ouvert l'histoire à un dépassement, lui a donné un horizon donc un sens. Pour les croyants, l'histoire devient un immense, un interminable, un joyeux AVENT. Marc ne raconte pas la naissance à Bethléem : pas de sentimentalisme, pas de nostalgie ! L'essentiel est de guetter la merveilleuse Révélation du Seigneur. Le souvenir de Noël n'est là que pour nous aider à préparer le futur avènement du Christ. Voilà la plus grande des nouvelles, une nouvelle qui ne sera jamais dépassée, qui restera "nouvelle" au long des siècles, la BONNE NOUVELLE, L'EVANGILE POUR LE MONDE

LA PARABOLE DE LA MAISON A TENIR ALLUMEE

Cette Bonne Nouvelle inouïe, extraordinaire, il faut la divulguer. Il s'agit de la chose la plus importante à faire sur cette terre : faire connaître le Seigneur Jésus, apporter son salut à tout homme, à toute femme de tous les continents.

Ne savez-vous pas, dit Marc, que nous sommes l'avant-garde, les pionniers qui marchent en tête sur les sentiers du futur ? C'est la raison pour laquelle l'Eglise commence l'année avant tout le monde : afin d'ouvrir la marche, baliser la route, indiquer le sens de la vie, rappeler aux hommes le but de leur existence. Aussi le premier passage qui inaugure l'année Marc est le dernier enseignement que Jésus a donné à ses disciples ( et " A TOUS " !!) avant d'entrer dans sa passion ( 14, 1)

Jésus parlait à ses disciples de sa venue : " Prenez garde, veillez car vous ne savez pas quand viendra le moment. Il en est comme d'un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller. Veillez donc car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra : le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin. Il peut arriver à l'improviste et vous trouver endormis ! Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez !

Donc nous ne vivons pas chez nous, nous sommes des locataires admis dans la "maison du maître" : l'Eglise. Avant de disparaître, Jésus ressuscité l'a laissée à notre garde, sous notre responsabilité. A chacun de nous, il a confié une tâche (Matthieu parlait des talents) : nous sommes donc complémentaires, appelés à collaborer dans la concorde pour l'entretien et le perfectionnement de la maison. Un jour - non précisé mais qui peut survenir à tout moment -, le Maître reviendra et il nous demandera compte de notre conduite, de la manière dont nous aurons exercé nos travaux. Aurons-nous veillé au sort des plus petits habitants ? Aurons-nous cherché à sauver la planète du péril de mort ? Aurons-nous vécu en famille, en nous aimant les uns les autres ? Aurons-nous exercé notre mission : apporter paix et réconciliation à l'humanité ?

A 4 reprises, l'impératif est répété : VEILLEZ...VEILLEZ . Cela ne veut pas dire : "Soyez stressés, anxieux, insomniaques", mais : " Sachez qui vous êtes, comprenez les enjeux, choisissez les valeurs authentiques, pratiquez l'enseignement de votre Maître écrit dans l'Evangile, ne vous perdez pas dans le superflu, évitez toute idolâtrie, allez de l'avant avec joie et confiance".

Veillez :
-  à l'éclairage de la maison ( la lumière de la FOI),
-  à la température ambiante pour que nul n'y meure de froid et de solitude (la chaleur tendre de la CHARITÉ fraternelle)
-  sans jamais oublier que vous attendez le Maître ( l'ESPÉRANCE joyeuse du Christ).

V¼UX DE NOUVEL AN AVEC SAINT PAUL

En ce jour, évitons svp. les banalités d'usage ("Bonne Année ! et surtout une bonne santé"... !!???) . Comment exprimer des v½ux vraiment chrétiens ? Saint Paul nous donne les mots : osons nous en inspirer ( 2ème lecture du jour )

Frères et s½urs : Que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur. Je rends sans cesse grâce à Dieu à votre sujet... En Christ vous avez toutes les richesses de la Parole, vous attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C'est lui qui vous fera tenir solidement jusqu'au bout et vous serez sans reproche au Jour de notre Seigneur Jésus Christ. Car Dieu est fidèle ...lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils.

Quand des chrétiens se parlent, ils se traitent comme membres d'une famille, de vrais "frères et s½urs" et en vérité, ils se communiquent les dons essentiels : la grâce (Tu es aimé de ton Père) et la paix (Le Christ te donne le pardon). Dans cette communion fraternelle jaillit l'action de grâce, la joie de remercier Dieu le Père de tous. : tant de cadeaux reçus ! tant de richesses dans sa Parole qui nous fait vivre ! Franchement tournés vers l'avenir, nous guettons la venue de l'apocalypse de Jésus Seigneur - qui n'est pas une catastrophe épouvantable mais la "Révélation", la manifestation éclatante du Dieu d'amour. S'il fallait s'améliorer soi-même, travailler à édifier sa propre statue, nous serions découragés. Mais c'est Dieu qui ½uvre. Lui qui nous a appelés ne peut nous laisser tomber : il terminera l'½uvre qu'il a commencée. Donc remettons-nous à lui avec confiance. Le Christ qui viendra ne nous manque pas : déjà, aujourd'hui, nous vivons, ensemble, en communion avec Lui.

Ces souhaits de Paul, je vous les adresse, chers amis de tous pays qui recevez ce message hebdomadaire. SAINTE ANNEE 2009 les yeux ouverts, dans l'urgence, la communion, l'action de grâce

20e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Voici quelqu'un qui pourrait être moi, qui pourrait être vous, ou toi, n'importe qui parmi nous ici. Cette personne a un proche qui est malade. On ne connaît pas son nom ni celui de sa fille. On sait qu'elle est femme, Cananéenne, c'est-à-dire non juive. De sa fille, on ne sait rien ni son prénom, ni son âge, ni sa maladie. Vraiment, c'est toi, ou toi, ou moi. Je n'ai pas de fille mais ma mère est malade. Nous avons tous un proche qui va mal.

Cette femme n'a donc rien d'extraordinaire, et c'est cela qui est intéressant. Parce que ce qui va lui arriver peut nous intéresser.

Ce qui lui arrive est banal. Triste mais classique, excusez moi. Elle s'adresse aux disciples de Jésus et elle se fait rembarrer. Vous me direz, c'est normal : c'est une femme et en plus elle est d'une autre religion. Normal, ou pas normal ? C'est pas normal, nous sommes d'accord, mais c'est malheureusement très courant. Elle m'intéresse de plus en plus. Les disciples veulent la faire taire. Elle les ennuie. Elle doit souligner un point chez eux qui est sensible, voir douloureux. Il n'est pas agréable d'être incapable, de ne pas pouvoir guérir quelqu'un qui le demande instamment. Cela révèle notre impuissance et cette impuissance, nous pouvons difficilement nous l'avouer, nous pouvons difficilement l'accepter. Impression d'être impuissant, toujours fâcheux, pour des hommes, mais aussi impression de culpabilité, de n'être pas à la hauteur, de ne pas pouvoir rendre l'autre heureux. D'être défaillant, insuffisant, coupable d'une certaine manière.

Alors les disciples en appellent à Jésus. Ils ne s'adressent pas à Jésus pour lui demander de guérir son enfant, cela serait pourtant très bien. Non, ce sont des disciples comme nous en connaissons beaucoup, qui ont d'abord le souci de leur confort et ensuite celui de la vie des gens. Ils en appellent à Jésus pour qu'il les libère de ce démon qui les poursuit de ses cris ! Pauvres disciples, victimes d'une personne qui demande la guérison de sa fille. Et si cette femme représentait l'humanité et si sa fille représentait les nouvelles générations qui ne trouvent pas leur place et qui sont déboussolées ? Les disciples ne font pas d'analyse, ils ne posent pas de questions. Ils recherchent la paix. Et, et c'est là que cet évangile est décidément très intéressant, parce que déroutant, disons le mot, il est scandaleux : Jésus, au lieu de réprimander ses disciples, leur emboite le pas. Il va dans leur sens. Il en rajoute au plan de l'exclusion ! Il le dit clairement : il n'est pas là pour des gens de son espèce. Ils ne sont d'ailleurs pas tout à fait des hommes, ces non-juifs... et il ne convient pas de jeter le pain des enfants aux petits chiens. Même si le diminutif donne une nuance de tendresse, les « petits chiens » restent des chiens. En clair Jésus la traite de chienne ! Il ne vaut pas mieux que son entourage. A la place de cette femme, je me serais découragé cinquante fois. J'aurais haussé les épaules et je serais parti.

Mais non. Elle accueille les paroles qui lui sont données. Elle va même dans leur sens : « Oui, dit-elle... » Oui. Elle entre en sympathie, elle accepte ce qu'on lui a dit. Mais elle s'empare de cette image, pour la pousser dans son sens. Elle prend cette logique au mot. Oui, mais, mais, les petits chiens, ils mangent les miettes. Elle n'en demande pas plus : quelques miettes ! Vous me direz des miettes de Dieu, c'est toujours Dieu. Des miettes d'infini, c'est encore infini. Mais elle n'a pas Dieu devant les yeux, simplement un juif intolérant et prétentieux. Il n'empêche, même s'il y a très peu d'espoir, elle s'accroche jusqu'au bout. Elle va dans le sens de ce qu'on lui dit et elle le pousse à ses conclusions. En termes de judo, pour faire appel à une discipline olympique, en termes de judo, elle prend Jésus dans son inertie et, accompagnant son élan, elle le met au tapis. Jésus est beau joueur et il le reconnaît : elle a gagné.

Voici donc la championne toutes catégories. C'est, avec la Vierge Marie à Cana, la seule personne de tout l'Evangile qui ait réussi à faire changer Jésus d'avis. Mais c'est une personne normale, comme je le disais en commençant. Elle n'a rien qui la distingue, sinon certains points qui sont plutôt des handicaps : elle n'est pas juive, elle est une étrangère, et elle est femme et sa fille aussi...

Alors qu'aujourd'hui, faut-il que je vous fasse un schéma, tant de personnes souffrent d'être exclues, rabrouées, rejetées, critiquées, de la part de bien des milieux et aussi des milieux d'Eglise, que cette cananéenne inconnue, anonyme, nous donne courage de vouloir jusqu'au bout, de désirer jusqu'au bout, de ne surtout pas nous décourager, et d'insister, d'insister envers et contre tout. « Femme, grande est ta foi, qu'il te soit fait selon ton désir » Grande est ta foi. Elle n'est pas juive et Jésus ne la convertit pas. Il n'en fait pas une chrétienne non plus. Il lui confirme que son désir de vie et de santé ne peut être déçu. Que nous soyons fils et filles spirituels de cette femme là !

22e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Dans la vie, que nous voulions ou non, il y a des tubes comme par exemple ces chansons qui ont fait le tour de la terre. Est-il besoin de rappeler Dominique-nique-nique de S½ur Sourire ? Toutefois, les tubes ne sont pas l'unique apanage de la musique. En effet, en liturgie, il en existe de nombreux également. Prenons par exemple quelques textes qui marquent certaines cérémonies de la vie. Pour le mariage, il y a l'hymne à l'amour de Saint-Paul ou encore les Petites gouttes d'huile de Mère Térésa. Pour les baptêmes, le tube qui tient le hit parade depuis des années est bien évidemment le texte : « vos enfants ne sont pas vos enfants » de Khalil Gibran. Enfin pour les funérailles, nous avons le voilier ou encore la pièce d'à-côté. Ces textes sont beaux, il est vrai mais lorsque nous célébrons souvent de tels événements, nous serions aussi heureux d'en découvrir d'autres. Il y a aussi des tubes liés à certains lieux et je pense bien évidemment à un hôpital où une des phrases fétiches est : « et oui, Monsieur l'Aumônier, il faut bien un jour porter sa croix comme le Christ nous le demande ». Puisque cette dernière phrase semble s'inspirer de l'évangile de ce jour, je souhaiterais que nous nous y arrêtions quelques instants. « Porter sa croix » mais qu'est-ce à dire ? Le Fils de Dieu nous demande-t-il vraiment d'entrer dans un monde de souffrance et de nous laisser écraser par cette dernière pour mieux le suivre ? Sommes-nous toutes et tous obligés de passer par un tel chemin ? Non seulement, nous devrions porter notre croix mais en plus nous sommes auparavant priés de renoncer à nous-mêmes ? Renoncer à soi, prendre sa croix puis le suivre. Ces trois verbes nous invite à entrer dans une dynamique divine. Dès lors, reprenons-les dans une perspective positive. Renoncer à soi-même ne signifie pas se nier, se laisser écraser par les circonstances ou encore ne plus exister par soi-même. Renoncer à soi, c'est accepter de ne plus se laisser guider uniquement par les contingences matérielles de ce monde. C'est peut-être surtout oser inscrire sa vie dans quelque chose de plus grand que nous, dans un espace qui nous dépasse car nous entrons dans une dimension d'éternité divine dont nous sommes incapables de saisir tous les contours tellement ceux-ci semblent immense à déchiffrer. Renoncer à soi, c'est faire le pari de la Vie tout en quittant son propre ego pour nous laisser guider par l'Esprit de Dieu qui nous tend la main. Ayant renoncé à moi-même pour moi-même tout en m'inscrivant dans plus grand que moi, je suis alors invité à prendre ma croix, c'est-à-dire à quitter la route habituelle de ma vie pour grimper au balcon de la Vie. Lorsque nous sommes confrontés à l'expérience de la souffrance ou de la maladie, nous marchons pleinement sur la route de notre histoire. Nous pouvons être pris d'un vertige car nous ne voyons pas le bout de ce qui nous arrive. La désespérance peut venir envenimer notre existence. Dieu nous prie alors de prendre notre croix, c'est-à-dire de nous surélever par rapport à nous-mêmes et d'oser aller voir plus loin que nous-mêmes. En prenant ma croix, je prends de la hauteur et je peux commencer à voir certains méandres de mon chemin, à percevoir l'étendue de l'horizon qui s'ouvre à moi et qui me dépasse complètement. Au balcon de mon être, je peux me laisser envahir par la beauté de ce qui semble tellement plus grand que moi et qui trouve sa source en Dieu. Ayant renoncé à moi et ayant pris ma croix, je peux alors commencer à suivre le Christ. Il ne s'agit donc pas de souffrir pour souffrir. Loin s'en faut. Il s'agit plutôt d'entrer dans une forme de dynamique divine, une nouvelle espérance, un feu dévorant qui ne s'éteindra jamais puisqu'il est en Dieu. La dure réalité de la vie nous fait parfois achopper sur certaines pierres qui nous confrontent alors à l'insensé, voire l'absurdité de ce qui nous arrive. Puis en laissant le temps au temps, cette pierre d'achoppement peut avec l'aide de celles et ceux qui nous accompagnent dans la tendresse de leurs gestes et de leurs mots devenir une pierre angulaire, c'est-à-dire la découverte de quelque chose de nouveau, de plus grand encore et qui pourra même aller jusqu'au-delà de tout entendement. Me revient en mémoire, l'histoire de cet aveugle qui mendiait. Il avait devant lui un petit écriteau où l'on pouvait lire : « je suis aveugle, aidez-moi s'il vous plaît ». Peu de gens lui donnait quelque chose. Une femme passant par là, prit l'écriteau, écrivit quelques mots de l'autre côté et le déposa. Quelques heures après, le chapeau de l'aveugle était plein de pièces et de billets. Sur l'écriteau, elle avait écrit : « Aujourd'hui, c'est le printemps, je ne peux pas le voir mais vous qui avez cette chance, profitez-en ». Renoncer à soi, prendre sa croix et suivre le Christ, c'est peut-être tout simplement alors apprendre à voir la vie autrement, c'est-à-dire à regarder et apprécier la vie mais cette fois avec les yeux de Dieu.

Amen

22e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Aux sources du Jourdain, près d'une grande ville païenne, Césarée de Philippe, Jésus a provoqué la confession de foi de Simon : "Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant". Et l'apôtre devient Pierre, la première pierre vivante, la pierre de fondation de l'Eglise que Jésus crée comme instrument d'entrée dans le Royaume de Dieu. Mais la scène n'est pas finie : elle se poursuit immédiatement par l'évangile de ce dimanche qui dut résonner aux oreilles des apôtres comme un coup de tonnerre et qui certes va à nouveau nous secouer drôlement ! Alors que Pierre vient de confesser l'éminente grandeur de Jésus, voici que celui-ci tout à coup fait une révélation épouvantable.

PREMIERE ANNONCE DE LA PASSION

A partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu'il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des Anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le 3ème jour ressusciter....

En reprenant la même expression qui marquait le début de la mission de Jésus ("A partir de ce moment, Jésus commença à proclamer..."4, 17), Matthieu indique que nous entrons dans la 2ème partie de l'Evangile, un nouveau commencement : la montée vers Jérusalem où Jésus va vivre sa Pâque : souffrir, mourir et ressusciter.

"Il lui fallait..." : évidemment Jésus ne se sent pas forcé d'accomplir un destin inscrit d'avance dans les astres. Pas plus qu'il ne croit que Dieu son Père exige qu'il meure pour apaiser sa colère. Pas plus qu'il ne ressent une envie morbide de mort. "Il faut" est une expression biblique : il s'agit d'une volonté de Dieu que le fidèle se doit d'accomplir. Après la longue mission à travers la Galilée, Jésus a compris qu'à présent son Père l'appelait à la poursuivre à Jérusalem : son message doit retentir au c½ur de la capitale.

Qu'il prédise ses souffrances et sa mort n'est pas dû à un charisme spécial de divination. Dès le début, Matthieu nous a montré que Jésus était soupçonné, contesté, détesté, haï par certaines autorités de son peuple.

Quand il a pardonné au paralytique, les pharisiens ont crié au blasphème (9, 3) ; quand il partageait la table avec des pécheurs notoires (9, 11), quand il s'appelait "médecin", "époux", ils étaient horrifiés ; s'il opérait des guérisons, c'était "par le chef des démons"(9, 24 ; 12, 24) ; quand il autorisait ses disciples à faire des entorses à l'observance sacrée du shabbat (12, 2), ils étaient scandalisés. D'ailleurs, un jour, quelques pharisiens n'avaient-ils pas déjà décidé sa perte ? (12, 14).

Donc l'hostilité est déclarée depuis longtemps et il est certain que scribes et pharisiens de Galilée ont alerté leurs collègues de la capitale. Puisque Jésus est absolument décidé à poursuivre sa mission, à proclamer au temple le même message et à poser les mêmes actes, il s'ensuit qu'il suscitera une haine violente qui ne pourra que le conduire à la souffrance et la mort. Mais il a une absolue confiance en son Père : le Dieu vivant le soutiendra et, si les hommes le tuent, Il lui rendra la Vie.

SIMON : PIERRE DE SCANDALE

Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : " Dieu t'en garde, Seigneur, cela ne t'arrivera pas !". Mais lui, se retournant, dit à Pierre : " Passe derrière moi, satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes !"

Pauvre Pierre ! Et comme il est bien à l'image d'une Eglise qui aime un Seigneur opérant des miracles, adulé par la foule...mais qui refuse le chemin du sacrifice ! Son Maître venait de le surnommer "Pierre, Roc", mais dès qu'il se met en travers du chemin de Jésus, il retombe au rang du "satan", de ce diable qui, dans le désert, tentait déjà d'entraîner Jésus sur un chemin de gloire et de puissance (4, 1). Ainsi la plus haute autorité de l'Eglise peut devenir "diabolique" ! Est-il besoin de rappeler certains moments de l'histoire où la Papauté s'est dressée en puissance bouffie d'orgueil, où l'Eglise a refusé la voie de l'abnégation et a basculé dans le luxe, l'intolérance, la morgue ?...

AVERTISSEMENT A TOUS LES DISCIPLES

Il n'y a pas que Pierre qui doit entendre la dure leçon : c'est à chacun de nous que Jésus s'adresse ensuite :

" Alors Jésus dit à ses disciples :

" Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. Quel avantage en effet un homme aura-t-il de gagner le monde entier s'il le paye de sa vie ? Et quelle somme pourra-t--il verser en échange de sa vie ? Car le Fils de l'Homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père : alors il rendra à chacun selon sa conduite".

Jésus est le chef de file : nous ne pouvons que marcher derrière, lui emboîter le pas. Donc celui qui répond à son appel, qui choisit librement d'être chrétien, disciple de Jésus ("Si quelqu'un..."), doit accepter de renoncer à ses idées trop humaines de réussite.

"Qu'il prenne sa croix" : le sacrifice n'est pas une privation que l'on s'inflige, une ascèse que l'on programme. Le disciple, comme Jésus, doit décider d'aller jusqu'au bout de sa mission : en ce cas il sait d'emblée - ou en tout cas il apprend peu à peu - que son existence et ses options susciteront l'incompréhension puis l'hostilité de beaucoup. Remarques, énervements, colères, coups, arrestation, condamnation possible : Jésus ne peut annoncer à son Eglise d'autre destin que le sien : la croix ...mais pour aller à la vraie Vie !

Cette parole est rude ! Ce n'est pas pour rien qu'elle est l'enseignement de Jésus le plus répété par les évangélistes : pas moins de 6 fois !!! (Matt 10, 39 et 16, 25 ; Mc 8, 35 ; Luc 9, 23 et 14, 27 ; Jean 12, 25). Tout de suite il fallait inculquer aux premiers chrétiens une exigence qu'ils préféraient ne pas entendre.

Notre méditation devrait souvent se porter sur ce point : Contre qui Jésus s'est-il heurté ? Non contre les païens de Romains mais contre des frères de race. Non contre les grands pécheurs enlisés dans le mal mais contre des "gens bien", persuadés de défendre l'Honneur de Dieu. Non contre le sacerdoce en soi - mais contre le haut clergé imbu de ses privilèges et organisateur d'un culte formaliste. Non contre la théologie - mais contre les scribes tatillons et légalistes, soucieux des détails mais oublieux de l'essentiel de la Loi. Non contre les pharisiens appliqués à bien observer tous les préceptes - mais contre les hypocrites dissimulant leur fausseté sous des apparences pieuses.

L'Eglise se plaint des malheurs du monde, critique les moeurs dissolues, pointe les injustices sociales, dénonce la corruption des dirigeants et le déni des droits de l'homme... Il est secouant de nous rappeler que Jésus s'en est pris aux déviances de son Eglise. Et au lieu de maudire un monde pervers, il a accepté de donner sa vie sur une croix ignominieuse. Justement pour son Eglise ! Pour qu'elle le suive vraiment ! Le salut du monde ne dépend pas de nos cris mais de notre fidélité à vivre selon "les pensées de Dieu".

Question gravissime pour l'Eglise qui vit en régime de consommation, dans une société basée sur l'offre alléchante des biens de toutes sortes :

"Que sert à l'homme de gagner le monde s'il perd sa vie ??..."

23e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Le 4ème grand discours de Jésus dans l'évangile de Matthieu (chapitre 18) est consacré à la vie de relations entre les disciples.

Il importe donc d'abord de souligner que, entre chrétiens, il doit y avoir des relations. Ce qui ne va pas de soi, semble-t-il ! Quand une famille demande le baptême d'un enfant, peut-on dire que cet acte est "l'entrée dans une communauté" ? Ce nouveau chrétien intéresse-t-il les autres qui l'accueillent ? N'est-il pas habituel que le pratiquant régulier de la messe dominicale n'ait jamais de contact avec la plupart des autres personnes ? A la sortie, on se donne bonne conscience en jetant une pièce à un mendiant inconnu mais on ignore qu'un "frère" croyant se meurt à l'hôpital ! La paroisse doit être une communauté, un ensemble de personnes qui se parlent, s'entraident, partagent la joie de la foi commune. En tout cas, il en allait ainsi chez les premiers chrétiens et il est d'une extrême urgence que nous retrouvions le sens de la communauté qui passe avant les "bonnes ½uvres" et l'entraide sociale. C'est pour elle que le Christ a donné sa vie sur la croix ; c'est elle que doit effectuer toute célébration liturgique.

Le point de départ du "discours communautaire" est la nécessité primordiale de l'humilité. A Pierre qui se préoccupe des préséances, Jésus répond qu'il n'y en a pas : " Si vous ne devenez pas comme les enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume de Dieu". Il met en garde contre le dédain qui pourrait se manifester à l'endroit des membres les plus modestes et, par une magnifique parabole, il montre combien Dieu a souci du salut de la 100ème brebis qui s'est égarée et que le Bon Berger recherche avec anxiété pour la reconduire au troupeau.

Cette parabole éclaire la suite du texte qui est l'évangile de ce jour :

LA CORRECTION FRATERNELLE

Jésus disait : " Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes afin que toute l'affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S'il refuse de les écouter, dis-le à la communauté de l'Eglise. S'il refuse encore d'écouter l'Eglise, considère-le comme un païen ou un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel."

Attention ! Il n'est pas dit "un péché CONTRE TOI" car en ce cas l'obligation serait de pardonner "70 fois 7 fois" ainsi que le texte le dira par la suite. Ici il s'agit d'un chrétien qui a un comportement contraire à l'Evangile et de la procédure appelée " correction fraternelle". Cette démarche, extrêmement difficile, exige tact, délicatesse, amour mais elle montre combien il est capital qu'une communauté maintienne son authenticité "chrétienne". Et elle ne le pourra que si chacun de ses membres se sent responsable de cette vérité. On ne peut tout laisser faire puisque la vie d'un groupe de disciples doit témoigner de la présence du Seigneur. C'est la mission qui est en jeu !

ETAPES DE LA PROCEDURE

1. - Un chrétien remarque qu'un frère a un comportement qui fait injure à l'évangile : plutôt que de colporter la rumeur et d'en rajouter sur son compte, qu'il prenne son courage à deux mains et aille s'entretenir avec ce frère, en privé, pour essayer de lui ouvrir les yeux. Car ce dernier n'est peut-être pas conscient d'avoir mal agi : mis en garde, il promettra de s'en corriger.

2. - Si le frère ne veut pas céder, alors il est mieux d'en aviser deux ou trois autres que l'on juge sages et de bon conseil. Dans une franche conversation, il est possible que ceux-ci connaissent des aspects du problème ignorés par le premier : ils le dissuaderont d'intervenir. Par contre si, ensemble, ils sont convaincus, ils auront un nouvel entretien avec le coupable. Celui-ci se rangera aux bons arguments avancés par le groupe.

3. - Il est possible que rien n'y fasse et que cet homme s'endurcisse dans sa position, refusant catégoriquement de se convertir : alors il convient d'exposer le cas à "l'Eglise", c'est-à-dire, ici, à la communauté locale, à la paroisse, dirait-on aujourd'hui. Tous ensemble, on étudiera la situation en demandant l'avis de chacun. Si on le juge bon, les responsables de la communauté iront lancer un ultime appel au pécheur, le supplieront de céder et de changer de conduite.

4. - Et, hélas, si en fin de compte, l'homme demeure fermé à toute supplication, s'il s'endurcit dans son comportement, alors on doit lui notifier qu'il ne fait plus partie de la communauté ; on le considère "comme un païen et un publicain". La sentence nous paraît dure : y aurait-il un rejet implacable et définitif ? Pas du tout. L'Evangile montre combien justement Jésus lui-même avait souci des païens et des publicains et la parabole précédente a prouvé que le Seigneur est un berger qui se met à la recherche de la petite 100ème brebis égarée car, dit Jésus, "votre Père qui est aux cieux veut qu'aucun de ces petits ne se perde". Il faudra donc imiter le Seigneur et multiplier les initiatives pour que l'égaré réintègre le groupe ( pas à n'importe quelle condition)

L'INDISPENSABLE PRIERE

La correction fraternelle est une procédure coûteuse, elle demande beaucoup de délicatesse, d'amabilité, de doigté, de patience,...d'humour même ! Trouver les mots adéquats...Saisir le moment propice...Dans une approche sans animosité... Elle exige donc prière et secours de l'Esprit. C'est pourquoi le texte poursuit : "Encore une fois je vous le dis : si deux d'entre vous sur la terre se mettent d'accord pour demander quelque chose, ils l'obtiendront de mon Père qui est aux cieux. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux".

Devant les défaillances inévitables, deux attitudes en effet sont répandues. Certains, impatients, voudraient corriger les autres, ils voient la paille dans l'oeil du prochain sans voir la poutre qui est dans le leur, ils s'érigent en juges, n'admettent pas que leur point de vue est partial. Tentation de l'inquisiteur oublieux de la parabole du blé mêlé à l'ivraie. D'autres au contraire, sous prétexte de tolérance, sont toujours prêts à accepter n'importe quoi et se défendent d'intervenir. Laxisme coupable qui entraîne immanquablement à la médiocrité des assemblées.

Pour éviter ces écueils, Jésus nous donne le conseil : PRIER ENSEMBLE.

C'est en invoquant, ensemble, l'Esprit-Saint avec ferveur, que nous verrons clair dans certaines situations scabreuses, que nous aurons le courage d'entreprendre des démarches, que nous parviendrons, par le sourire et la bienveillance, à faire entendre quelques remontrances nécessaires. Car le Seigneur est au milieu de nous, il est vivant pour reconduire son Eglise sur le chemin de la Vérité.

Esprit Saint : ouvre nos yeux pour que nous discernions d'abord nos propres faiblesses. Que l'humilité nous rende capables d'entendre les reproches. Remplis-nous de charité fraternelle afin que nous sachions, au temps favorable et avec des mots choisis, aider notre frère à retrouver le droit chemin. Que notre paroisse soit une communauté qui cherche sans cesse à mieux répondre à ton amour, à vivre ton Evangile en vérité.

25e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Après la célébration de la Croix glorieuse, nous reprenons le fil de l'évangile de Matthieu - dont c'est la fête aujourd'hui 21 septembre ! Rappelons-nous : près de Césarée, Jésus a décidé de fonder "son Eglise" et de monter à Jérusalem : " Jésus commença à montrer à ses disciples qu'il lui fallait monter à Jérusalem, y souffrir beaucoup..."( 16, 21). Il a vertement remis à sa place - derrière lui - le brave Pierre qui voulait lui éviter ce destin et il a averti tous les candidats disciples : " Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix et qu'il me suive" ( 16, 24).

Que signifie ce "renoncement", cette "croix" qu'il faut impérativement porter ?... Comment vivre dans la communauté de Jésus ? Les chapitres 18 à 20 montrent quelles sont les conversions auxquelles le disciple doit consentir.

Chapitre 18 : le disciple doit être un humble qui ne cherche pas à se faire valoir, qui montre de la sollicitude pour le plus petit et pardonne sans cesse les offenses.

Ensuite chapitres 19 et 20 : plusieurs petites scènes permettent à Jésus de préciser les nécessaires changements de comportement pour marcher en vérité derrière lui.

19, 1-12 : en opposition aux licences que la Loi juive accordait de répudier l'épouse, Jésus reconduit le mariage au dessein originel du créateur : l'homme ne peut séparer ce que Dieu a uni. En outre il ajoute une nouveauté : à certains, il sera donné la grâce du célibat, non en dédain du mariage mais comme signe du royaume de Dieu.

19, 13-15 : loin de les rabrouer, il faut accueillir les enfants : "Laissez...car le Royaume des cieux est à ceux qui sont comme eux".

19, 16-30 : la question du jeune homme riche permet à Jésus de donner un enseignement sévère sur les dangers de l'argent : " Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume !". Et aux douze apôtres qui ont tout abandonné pour suivre leur Maître, Jésus promet qu'ils siègeront sur des trônes et recevront infiniment plus que ce qu'ils ont lâché.

CONCLUSION : Relations fidèles entre époux, considération de l'enfant, détachement vis-à-vis de l'argent : voilà les comportements que doivent adopter les membres de "l'Eglise de Jésus". Ils sont à l'opposé de ce que vit le monde car ils valorisent les faibles : la femme, l'enfant, le pauvre. Ce qui justifie la finale de ce chapitre : "Beaucoup de premiers seront derniers et beaucoup de derniers, premiers" ( 19, 30)

PARABOLE DES OUVRIERS DE LA 11ème HEURE

Et le texte poursuit immédiatement par une parabole qui constitue l'évangile de ce dimanche et qui montre encore le renversement de nos conceptions.

Le Royaume de Dieu est comparable au maître d'un domaine qui sortit au petit jour afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d'accord avec eux sur un salaire d'un denier (une pièce d'argent) pour la journée et il les envoya à sa vigne.

La participation au royaume de Dieu n'est donc pas un privilège de naissance ni une désignation arbitraire ni une simple signation par un rite : c'est un appel lancé à toutes les libertés...et qui provoque au travail. Quiconque répond s'engage à un labeur, à une manière de vivre qui comporte beaucoup de duretés (toutes celles que l'on vient de souligner dans les chapitres précédents).

Sorti vers 9 h., il en vit d'autres là, sans travail : " Allez, vous aussi, à ma vigne et je vous donnerai ce qui est juste". Il sort vers midi puis vers 3 h. et fit de même. Vers 5 h., il sort encore et en trouve d'autres : " Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?". Ils répondent : " Parce que personne ne nous a embauchés". Il les envoie à sa vigne.

Quoi de plus lamentable que de traîner une existence sans but ? Metro-boulot-dodo ! Cliq et Zap ! Notre société est "en panne de sens". Les J.O., les gadgets électroniques, les concerts ne résoudront pas la crise de l'âme. Il y a énormément à faire dans la Vigne de Dieu : l'embauche est perpétuelle. Tout au long de l'histoire, Dieu a besoin des hommes et femmes de toutes nations ; tout au long de notre existence, de l'enfance à la dernière minute, il ne cesse de nous appeler. A chaque âge son travail, sa responsabilité.

Mais voici la finale surprenante de l'histoire. A la fin de la journée, le maître ordonne à son intendant de payer les salaires en commençant par les derniers embauchés : ils reçoivent un denier ! Voyant cela, les premiers engagés s'attendent à recevoir davantage mais ils touchent également un denier : d'où leur "rouspétance" :

"Ces derniers n'ont fait qu'une heure et tu les traites comme nous qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur ?!". Mais le maître répond : " Tu as été d'accord pour un denier ? Prends-le et va-t'en. Je veux donner à ce dernier autant qu'à toi : n'ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un ½il mauvais parce que moi, je suis bon ?".

Evidemment cela heurte notre sens de la justice. Il y aurait là aujourd'hui de quoi déclencher un défilé de protestation, ou même une grève générale : " A travail inégal, salaire inégal". Mais ce patron est BON : il paye aux premiers ce qui était convenu et il ne traite pas les derniers comme de "sales fainéants" : il n'ignore pas qu'un denier est la somme minimale pour subvenir aux besoins de la famille. Pour lui, les derniers ont droit, comme les autres, à une existence décente.

De même Dieu est-il injuste ? Pas du tout. Il est BON. TOTALEMENT. Il ne peut offrir un peu à celui-ci, un peu à celui-là, peser les mérites sur une balance, jauger les proportions de "ses grâces" au prorata de nos actions,... distribuer des médailles d'or, d'argent ou de bronze !

DIEU EST AMOUR...DONC IL NE PEUT QU'AIMER... ET POUR LUI, AIMER C'EST SE DONNER. Non donner quelque chose mais SE DONNER. L'Infini ne se partage pas.

Notre scandale devant la parabole est du même ordre que celui du frère aîné dans la fameuse parabole de s. Luc ( Luc 15 ) : Dieu y fait un accueil fastueux à son fils prodigue qui a tout galvaudé...à la grande rage du fils aîné qui, toujours fidèle aux commandements, ne comprend pas et refuse de prendre part à la fête. Personne devant Dieu ne peut revendiquer une plus grande récompense que les autres ! "Mes pensées, dit Dieu, ne sont pas vos pensées" (1ère lecture)

LA MONTEE EN PORTANT SA CROIX

Pour comprendre le chemin de Jésus, nul besoin de faire un pèlerinage en "terre sainte" (sic !) comme s'il suffisait de marcher sur les chemins qu'il a empruntés ! Son trajet est une nouvelle manière de vivre, faite de décisions coûteuses clairement enseignées dans ces chapitres d'évangile. Elle est déconcertante car elle va à rebours de ce que prône notre société :

Faire une communauté sans rivaliser pour les meilleures places, en toute humilité et dans le pardon réciproque et illimité. dans la fidélité à l'union conjugale et le respect du mystère du célibat de certains qui ne sont pas supérieurs mais témoignent que les véritables noces sont celles de Dieu avec son peuple. dans l'imitation des petits enfants : confiants, joyeux et abandonnés. dans le renoncement à toute avarice, le dédain de l'argent et le respect des pauvres. dans le refus de toute envie, toute jalousie et dans la joie sincère que le dernier reçoive autant que le premier. Marie n'a jamais été jalouse ni de Pierre ni de Marie-Madeleine ! Dans la vérité de cette "suite du Christ", l'Eglise n'est plus conformiste et médiocre : elle devient appelante : " Ici on embauche !! "...Mais ne pas s'étonner que peu répondent !!

25e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Un dimanche à la fin de la messe, un jeune paroissien s'avance vers le curé qui le reconnaît car il avait célébré son mariage six mois auparavant. Comment cela va-t-il ? s'enquit le curé. Justement, répondit le jeune homme, j'ai une question à vous poser. Trouvez-vous normal que quelqu'un puisse profiter des erreurs des autres et pire encore en tirer un certain bénéfice pécuniaire ? Le curé réfléchit quelques instants puis d'une voix claire affirma que ce n'était non seulement pas normal mais pire encore tout à fait immoral. Je me réjouis de votre réponse, reprit le jeune homme. Si vous êtes en cohérence avec vos propos, voulez-vous bien me rendre les 200 euros que je vous avais donnés il y a six mois pour célébrer mon mariage. Et voilà comment, en quelques mots, la dynamique économique mal comprise peut envahir et contaminer la vie de quelqu'un. Cette dynamique économique-là semble de plus en plus omniprésente et influence, parfois de manière insidieuse, nos comportements. Je m'explique. La publicité faite par plusieurs marques de magasins nous invitent à comparer les prix et si nous trouvons moins chers ailleurs, ils nous remboursent la différence. Lorsque cela touche notre porte-monnaie, nous ne pouvons que nous en réjouir mais, puis-je me permettre d'insister, cela n'influence-t-il pas d'une manière ou d'une autre notre façon de vivre ? N'entrons-nous pas sans toujours nous en rendre compte dans une dynamique de la comparaison ? Un dicton de notre langue française semble confirmer cela : « l'herbe est toujours plus verte chez le voisin ». La comparaison fait partie de nos vies et elle est souvent signe de sagesse car elle nous apprend à faire des choix judicieux. Là où le bât blesse, c'est lorsque la comparaison est érigée en philosophie de vie, c'est-à-dire lorsque nous nous mettons à tout comparer, comme si nous étions tous les mêmes. Or, la vie nous apprend que nous sommes toutes et tous des êtres uniques avec leurs forces et leurs fragilités. Nous avons reçu certaines qualités, d'autres nous font défauts. Nos intelligences rationnelles et émotionnelles varient d'une personne à l'autre et c'est tant mieux puisque c'est dans la rencontre des différences que l'amour peut trouver sa place et se réaliser. Ce qui est frappant dans la dynamique de la comparaison, c'est que, de manière naturelle, nous aimons plutôt comparer avec celles et ceux qui ont plus que nous plutôt que de nous réjouir de ce que nous avons déjà par rapport à celles et ceux qui n'ont pas notre chance. Nous entrons dans une spirale du « toujours plus et dans une certaine mesure, le plus vite possible ». Si nous poussions cette logique de la comparaison jusqu'à son paroxysme, nous pourrions aller jusqu'à estimer que nous avons un droit à réclamer le même traitement tout en niant nos différences, notre altérité. La justice que nous proclamerions serait un lieu de fermeture dans lequel nous deviendrons prisonniers de nos attentes inassouvies. Cherchant à toujours comparer, nous nous centrerons alors sur nous-mêmes uniquement ; une voie sans issue, il va sans dire. Or la vie n'est pas un droit mais un don. Lundi passé, juste après la messe de la rentrée académique de notre université, j'ai eu une conversation avec le Cardinal Danneels et sachant qu'il avait subi un triple pontage il y a une dizaine d'années, je lui ai demandai ce que cette opération avait changé en lui. Il me répondit ceci : « dans la vie, il y a les pontés et les pontables. Quand on est un pontable, on pense que la vie est un droit alors que lorsque l'on est ponté, nous découvrons que la vie est un cadeau de chaque jour ». En conséquence, une certaine idée de justice avec ses droits sans devoir risque de nous enfermer à jamais. Nous serions comme les ouvriers de la première heure qui estiment avoir des droits alors que leur contrat a été respecté. La dynamique divine s'inscrit quant à elle dans le champ de l'amour et de la tendresse. Elle s'ouvre de manière lumineuse vers quelque chose de plus grand, de plus beau : la reconnaissance. Dieu dans sa bonté nous conduit sur le chemin de la reconnaissance en nous permettant de nous ouvrir à l'autre qui se fait proche de nous. Dieu ne calcule pas, il nous donne de surcroît, en abondance. Que nous soyons en bonne santé ou en train de traverser l'épreuve de la maladie ou du deuil, il nous convie à toujours nous ouvrir à l'autre en découvrant dans la simplicité de petits gestes quotidiens, les signes de sa tendresse offerte à nous par le biais de celles et ceux qui nous accompagnent. En ce sens, la vie n'est pas un droit mais un cadeau aux mille lumières. Puissions-nous toujours en déceler les petites étincelles qui éclairent nos vies tout au long de notre pèlerinage terrestre.

Amen