30e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Au temps de Jésus, voilà 6 siècles qu'Israël a perdu son indépendance et qu'il est occupé par des puissances impériales : Babylone puis les Perses puis les Grecs puis les Romains. Comme beaucoup cèdent à la séduction des m½urs païennes, en réaction est né le mouvement pharisien qui tente de sauver l'identité du peuple élu non seulement en rappelant les prescriptions de la Loi mais en ajoutant sans cesse des observances. Les rabbins sont arrivés à dénombrer 613 préceptes qu'il faut suivre méticuleusement afin d'éviter l'assimilation au paganisme. Intention louable ...mais finalement devant cet amas d'observances, une question aiguë se posait : Qu'est-ce qui importe le plus ? Qu'est-ce qui est essentiel et qui est accessoire ? La circoncision ? le sabbat ? Les jeûnes ?...Les fêtes ?...D'où la démarche d'un groupe de rabbins qui viennent tester Jésus.

Les Pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux Sadducéens, se réunirent et l'un d'eux, un docteur de la loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve.
-  Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? Jésus lui répond : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c½ur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans l'Ecriture ( la Loi et les Prophètes) dépend de ces deux commandements.

LE PREMIER COMMANDEMENT : AIMER DIEU

Jésus répond à la façon d'autres docteurs de la Loi : Le 1er commandement, le plus essentiel, c'est l'amour de Dieu. Tous les Juifs, matin et soir, récitaient la prière (en usage encore aujourd'hui) du "SHEMA" ( Deutéronome 6, 4) :

"Ecoute (en hébreu : "shema"), Israël : le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, etc...." :

Dans les premiers livres bibliques, on disait "craindre ou servir Dieu" mais dans le Deutéronome, pour la première fois, on osait proposer aux croyants d'AIMER DIEU, YHWH - mot imprononçable, traduit par "Seigneur", et qui désigne le Dieu de l'histoire, le Dieu Un qui était intervenu gracieusement pour libérer les esclaves hébreux de l'Egypte. Donc avant de demander aux hommes de l'aimer, Dieu avait manifesté, prouvé son amour : il avait entendu la plainte des malheureux et agit pour les sauver. En réponse, il pouvait demander aux croyants non seulement de l'honorer, de le craindre mais de l'aimer.

Aussi le texte biblique ne tombe pas comme un impératif dur et catégorique ("AIME !") mais telle une invitation au futur : "Tu aimeras...". C'est-à-dire : Tu réfléchiras à l'amour que YHWH a pour toi et ton peuple, et en retour, émerveillé par cette grâce, avec reconnaissance, tu comprendras que tu peux, que tu dois rendre amour à Celui à qui tu dois tout : existence, vie et liberté. Laisse-toi attirer par sa révélation : peu à peu tu cesseras d'être un serviteur peureux, l'esclave d'une divinité lointaine pour devenir un croyant donné à un Dieu plein de tendresse et de miséricorde.

UN AMOUR TOTAL

Evidemment tu ne pourras plus te contenter de te mettre en règle sur un minimum, d'offrir à Dieu quelques menus sacrifices et des petites prières furtives : on ne peut renvoyer Dieu aux franges de l'existence et l'amour ne peut se limiter à des miettes. L'amour est total ou n'est pas. Tu aimeras Dieu :

"de tout ton c½ur" : dans la bible, le c½ur ne désigne pas l'affectivité, le sentiment, mais le centre de la personne, de sa volonté, de ses projets, de ses décisions. La foi n'est pas un battement de c½ur sentimental.

"de toute ton âme" : en hébreu le mot désigne "la vie". Le grand rabbin Aquiba, au moment de mourir martyr, disait : "Enfin je vais pouvoir aimer Dieu en lui donnant mon âme, ma vie".

"et de tout ton esprit" : ( le Deutéronome disait "tout ton pouvoir" = tes biens, tes capacités). L'amour n'est pas irrationnel, vague, aléatoire : la foi est intelligente, claire, décidée. On sait pourquoi on croit et on vit en conséquence.

Donc l'insistance est sur "TOUT" : le sens de la vie humaine est de se donner intégralement à Dieu. Tandis que l'idolâtrie émiette et disperse, l'amour du Dieu UN rassemble les facultés, focalise les désirs. Cet amour unifie l'homme et donc il l'équilibre. "Aimer, c'est tout donner et se donner soi-même" (Ste Thérèse de Lisieux)

UN SECOND COMMANDEMENT : AIMER SON PROCHAIN

Bien des rabbins auraient fait la même réponse quant au 1er commandement mais Jésus ajoute un "second qui est semblable", donc qui ne le remplace pas, ne se substitue pas à lui mais est d'une valeur équivalente :

"Tu aimeras ton prochain comme toi-même" : du livre du Lévitique (19, 18).

Cela sous-entend que l'homme doit s'aimer lui-même - ce qui, contrairement à ce qu'on pense, ne va pas de soi mais qui est possible à partir du moment où l'homme se sait aimé, libéré par Dieu de son égoïsme et de sa détresse. Animé par cette source d'amour ouverte au creux de son être, l'homme est appelé à aimer son prochain, à agir à son endroit comme Dieu a agi envers lui. "Aimez-vous les uns les autres".

Donc Jésus affirme le primat de l'amour, il synthétise tous les préceptes de la Loi en l'amour. Un amour qui est d'abord amour reçu de Dieu, puis amour pour Dieu qui rayonne sur autrui. Mais en outre il ajoute :

"Tout ce qu'il y a dans l'Ecriture dépend de ces deux commandements".

Toute la Bible, toute la Révélation de Dieu, découle de cet amour. Il n'y a plus place pour une religion de mise en règle, une obéissance servile, un rituel accompli par habitude, une prière machinale et réglementée. Tout n'a valeur que comme conséquence, mise en pratique de l'amour. Prière et liturgie ne se mesurent pas à la longueur et au faste mais au feu de l'amour des croyants. L'Eglise ne vaut que par l'amour dont elle vit et qu'elle offre. La foi vient de l'amour ( de Dieu pour nous) ; elle suscite la réponse de l'amour ( de nous pour Dieu ) ; elle se pratique dans l'amour ( de nous, les uns envers les autres).

Le noyau originel des Ecritures soulignait fortement que là était l'existence normale des croyants : "Dieu dit : Tu ne maltraiteras pas l'immigré...Vous n'accablerez pas la veuve et l'orphelin...Si tu prêtes de l'argent à ton frère, tu ne lui imposeras pas d'intérêt...etc.." ( Exode 22 = 1ère lecture).

Et en cette année S. Paul, on peut rappeler les nombreuses exhortations qui parsèment ses lettres : "Comblez ma joie en vivant en plein accord"(Phil 2,2)... " Nous avons été baptisés pour être un seul Corps...les membres ont un commun souci les uns des autres "(1 Cor 12,12)...Que l'amour fraternel vous lie d'une mutuelle affection : rivalisez d'estime réciproque..."( Romains 12, 9).

La messe du dimanche est la célébration du double amour vécu par Notre Seigneur Jésus sur la croix : la foi nous y rassemble pour être UN peuple, UNE communauté qui chante son amour de Dieu en vivant l'amour fraternel. "Au soir de cette vie,nous serons jugés sur l'amour"

32e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Arnould Alain
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Voilà 62 ans que les démons de la guerre ont quitté notre pays. Après deux guerres mondiales aux horreurs indescriptibles ici même dans ce petit coin de terre, la paix est venue nous revisiter. Soixante-deux ans de paix où nous avons pu nous organiser librement en politique comme en association, où l'activité économique a pu se développer assurant un niveau de vie jamais atteint, où les arts et les opinions ont pu s'exprimer en toute liberté. Soixante-deux ans de bien-être. Un trésor que nous acceptons comme acquis et comme la plus banale des normalités. Pour moi-même et pour la plus grande partie de la population, la guerre est devenue une notion abstraite, connue uniquement par des images et quelques sons, tenus à bonne distance derrière un écran. Il est heureux qu'il en soit ainsi. La guerre est une plaie, une monstruosité qui ne rejoint en rien le dessein que Dieu a pour l'humanité. Les poèmes qui rythment cette Eucharistie et qui ont été mis en musique pour l'occasion sont des cris face aux énormes blessures physiques et humaines. La guerre est une folie humaine, une Dulle Griet meurtrière si bien dépeinte par Pieter Brueghel dans son tableau au Musée Mayer Vandenbergh à Anvers. Quel bonheur de vivre dans un temps de paix !

Dans cette ère de paix, je vous invite à deux démarches. La première est celle l'action de grâce. Car, si nous avons le privilège de vivre en paix aujourd'hui, ce n'est pas un hasard. Non ce n'est pas une coïncidence ou le fruit d'une évolution logique. Si nous pouvons vivre en paix aujourd'hui, c'est que l'Esprit de Dieu a soufflé sur nos peuples. Plus particulièrement, il a inspiré une poignée d'hommes qui ont su trouver des attitudes justes et fortes pour réconcilier ce qui pouvait paraître irréconciliable. Alors que notre continent baignait encore dans le sang et les ruines, alors que des blessures ouvertes comme des gouffres criaient à la vengeance, les Schuman, Adenauer, Spaak, de Gaspari et autres, anonymes aussi d'ailleurs, ont su construire des ponts envers et contre tout. Pour ce faire, ils ont choisi, avec une audace inimaginable, d'agir sur des lieux de pouvoir, pommes de discorde par excellence : la politique d'acier et du charbon, clé de toute l'économie de l'époque de l'après-guerre. C'est sur cette démarche que s'est construit la confiance entre les ennemis et que la paix à pu venir semer ses fruits. Souvenons-nous de leur audace prophétique et rendons grâce à Dieu pour leur dévouement à doter nos pays d'un outil de réconciliation et pour la paix qu'ils nous ont assuré. Bienheureux, ces artisans de paix !

Une deuxième démarche est celle de la vigilance. Les béatitudes que nous venons d'entendre sont un appel pressant et radical à rester éveiller. Car la paix n'est pas un droit acquis, une condition de vie normale, évidente ou naturelle. Sans artisans de paix, sans vigilance, sans efforts et sans sacrifice, la paix que nous connaissons aujourd'hui pourrait bien vite s'évaporer. Pour donner une chance à la paix, nous devons en vigilance lire les signes du temps.

Car la paix a des racines dans ce que nous vivons. o Une première de ces racines s'appelle réconciliation. Pour de petites ou de grandes blessures, il faut l'audace de demander et de recevoir le pardon en vérité. Réconciliation entre les pays riches et les pays en voie de développement, réconciliation au sein des églises chrétiennes et avec d'autres familles de foi, réconciliation entre générations, réconciliation entre flamands et francophones, réconciliation dans nos insertions professionnelles et associatives et au sein de nos familles. Si notre orgueil ne cède pas le pas à l'humilité, cette racine se dessèchera et privera la paix de nourriture vitale. o Une autre de ces racines s'appelle justice. Paix et justice s'embrassent nous dit le psaume. Quand la disparité de salaire devient trop grande, quand la connaissance n'est pas accessible à tous, quand la répartition des richesses n'est pas équitable, quand la notion de bien commun se dilue, quand les ressources dont Dieu a doté notre planète ne sont pas partagées équitablement avec tous ceux qu'Il a créés à son image, cette racine qui alimente la paix vient à mourir. La justice est le terreau de la paix. o Une troisième racine se nomme ouverture. Toute sa vie, le Christ est parti à la rencontre des autres, de ceux qu'Il ne connaissait pas et de ceux n'appartenaient pas naturellement à sa catégorie sociale. Toute sa vie il a construit des ponts avec ceux qui étaient des étrangers. C'est pour cela que les hommes lui ont donné le nom de 'Prince de la Paix'. Ouvrons donc largement nos c½urs à la différence et aux autres.

Les noms de ces racines sont inscrits dans les évangiles. Jésus les a enseignés avec insistance à ses disciples. Comme chrétiens, nous avons donc une responsabilité particulière à soigner ces racines de réconciliation, justice et d'ouverture. Par notre baptême, nous sommes devenus des prophètes. Le vêtement blanc dont nous avons été revêtus ce jour là est aussi celui de prophète de la paix. Il nous faut prendre avec audace nos responsabilités si nous ne voulons pas que s'épuise l'élan de paix qui procure du bonheur à notre pays. La paix c'est la volonté de vivre ensemble, en surmontant les griefs du présent et du passé en reconnaissant et valorisant nos différences. Ne nous contentons pas de mots ! A chacun d'entre nous de trouver son terrain d'initiative : partager un repas avec celui qui ne partage pas notre langue, nos idées, notre foi, notre rang social, notre histoire. Car heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu.


33e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Les fêtes des deux dimanches précédents ayant interrompu le fil du récit de saint Matthieu, nous le reprenons aujourd'hui. Pendant ses derniers jours à Jérusalem, Jésus prêche inlassablement et évite les questions pièges de ses adversaires. Enfin il " sortit du temple" (25, 1) qui le refuse. Assis en face, sur la pente du mont des Oliviers, il contemple le paysage de la ville dominé par le temple majestueux que les disciples n'en finissent pas d'admirer. Soudain Jésus leur fait une annonce stupéfiante : " Vous voyez tout cela ?...En vérité, tout sera détruit". Et là-dessus, dans un grand discours, le 5ème et dernier de l'évangile de Matthieu ( de 24, 4 à 25, 46), il leur livre ses ultimes instructions : il les met en garde car ils vont traverser des temps de grande détresse, il leur prédit la destruction de ce temple et surtout il leur annonce son retour dans la gloire.

Pour quand ? Impossible de le déterminer. D'où une unique consigne, répétée avec insistance : "VEILLEZ ...TENEZ-VOUS PRETS" (24, 42-44).

Que signifie donc cette vigilance ? Quatre paraboles vont l'expliquer :

24, 45-51 : parabole des serviteurs établis pour veiller sur la maison abandonnée par le maître. Heureux celui que le maître, à son arrivée, trouvera en pleine activité. Elle s'adresse donc aux responsables des communautés. 25, 1-13 : parabole des 10 jeunes filles chargées d'accueillir l'époux. Heureuses celles qui ont prévu une réserve d'huile pour allumer leur lampe et entrer dans la salle des noces. Dans la nuit, il faut garder la flamme de la foi ! 25, 14-30, la parabole des talents lue en ce jour. La 4ème parabole constituera l'évangile de dimanche prochain.

LE MAITRE ABSENT ET SES SERVITEURS

Un homme qui partait en voyage appela ses serviteurs et leur confia ses biens. A l'un il donna une somme de 5 talents, à un autre 2 talents, au 3ème un seul - à chacun selon ses capacités. Puis il partit.

Dans cet homme qui va s'absenter, on reconnaît tout de suite Jésus qui, dans un jour ou deux, va être mis à mort et disparaître. Mais auparavant, il rassemble ses serviteurs les disciples et leur confie ses biens. Le "talent" est la monnaie la plus élevée de l'époque : 6000 francs-or, près de 20 ans de salaire d'un journalier ! Il ne s'agit donc pas d'une qualité, d'une capacité humaine ( au sens que le mot a pris aujourd'hui : "un pianiste de talent") mais des trésors spirituels que le Christ remet à ses amis et qui sont d'une valeur inestimable .

La distribution n'est pas égale : chacun reçoit "selon ses capacités". Ste. Thérèse de Lisieux remarquait cette disparité des grâces à l'intérieur de son carmel, elle réalisait qu'elle avait reçu plus que les autres. Elle expliquait : comme un bon jardinier, Dieu plante toutes sortes de fleurs donc aucune ne doit être jalouse des autres car chacune, même la plus petite, apporte sa beauté à l'ensemble (Man. A , 1ère page) Nous voyons en effet que certains chrétiens ont reçu davantage de dons que les autres : au lieu de nous en étonner, sachons reconnaître que ceux-là sont plus "doués" que nous. Ne cherchons pas la raison : l'essentiel est que chacun exerce ses responsabilités selon ses propres "talents" reçus.

Longtemps après, le maître revient et il leur demande des comptes.

Remarquons l'imprécision du délai : "longtemps après" : il ne faut pas attendre le retour du Christ pour l'immédiat ! L'attente sera longue, très longue : elle mettra à l'épreuve la foi et l'espérance des disciples au point que certains perdront courage et retourneront à la vie ordinaire des païens. Il importe de persévérer quoi qu'il en coûte. La foi doit devenir fidélité.

Le 1er serviteur s'avança : " Seigneur, tu m'as confié 5 talents : voilà, j'en ai gagné 5 autres"
-  "Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître". De même, le 2ème vient : " Tu m'as confié 2 talents : voilà, j'en ai gagné 2 autres". .... Même compliment, même récompense.

Les grâces du Seigneur ne sont donc pas des cadeaux bien emballés qu'il suffirait de lui restituer intacts : ce sont plutôt comme des graines qu'il faut planter, comme des potentialités à développer.

Ainsi la grâce du baptême, la connaissance de l'Evangile, toute liturgie, toute motion de l'Esprit-Saint que nous recevons ne sont pas des privilèges que nous avons à préserver avec soin : ce sont des élans, des forces, des poussées qui doivent nous engager à l'action.

Dieu nous comble des dons de son Amour et toute grâce, tout charisme nous confère une responsabilité : nous avons à partager avec nos frères cet amour, cette miséricorde, cette foi. Il ne suffit pas de dire : " Je suis baptisé...Je vais à la messe"...-mais : " Voici comment je vis mon baptême...Voilà les conséquences pratiques de l'Eucharistie dans ma vie...".

LE PECHE = LA PEUR...L'INACTION

Le 3ème serviteur s'avança : " Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain. J'ai eu peur, et suis allé enfouir ton talent en terre. Le voici. Tu as ce qui t'appartient" Son maître répliqua : " Serviteur mauvais et paresseux, tu savais tout cela...Il fallait placer mon argent à la banque ; à mon retour je l'aurais retrouvé avec les intérêts. Enlevez-lui son talent et donnez-le à celui qui en a 10. Car celui qui a recevra encore. Mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a. Ce serviteur bon à rien, jetez-le dehors dans les ténèbres...".

Ainsi le jugement du Christ ne porte pas sur les qualités, les défauts, la piété ; Il ne fait pas le compte de nos chutes. Une seule exigence : l'efficience Le péché grave ici, ce ne sont pas les distractions dans les prières, les petits énervements, les écarts de conduite mais le manque d'actes, la paresse.

"J'ai eu peur" : l'homme avoue son péché. Il n'était pas très doué, il n'avait pas reçu autant de "talents" que les autres et il s'est renfermé dans une piété évanescente. Il s'est cru modeste en disant : " Oh vous savez, moi, je ne vaux pas grand chose...Il ne faut rien me demander".

C'est cette inertie, cette fausse humilité qui enfoncent les paroisses dans la médiocrité. Trop de chrétiens ne veulent pas risquer, entreprendre, être différents. Sous une apparence de vertu, ils cachent leur crainte d'abandonner leur tranquillité, de perdre leurs aises. Ils se croient propres parce qu'ils n'ont pas osé ; ils ont peur de se salir les mains ; la vue des périls et des tentations les font rentrer dans leur coquille. Ils n'ont pas confiance en Dieu !

Dans une paroisse, on doit s'aider à déceler les "talents" les uns des autres. Que ceux qui ont reçu beaucoup ne s'enorgueillissent pas ; que les petits ne s'enferment pas dans la peur. Sans jalousie, d'un même c½ur, encourageons-nous à édifier une authentique communauté de charité ; avec une folle espérance, luttons, témoignons pour répandre l'Evangile.

Des banques peuvent faire faillite : à la banque de Dieu, il n'y a que des rendements merveilleux.

33e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Pirson Pierre
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Langage bien étrange et déconcertant de l'évangile ; moins cependant si nous le relisons avec des images de nos JT d'aujourd'hui, ou d'un hier plus ou moins proche mais toujours d'actualité.

Ce que vous contemplez... ce matin du 11 septembre 2001, répétition et réponse à un 11 septembre 1973 au Chili, ... tout sera détruit.

Vous entendrez parler de guerres ; on se dressera nation contre nation : Palestine, Irak, Somalie...

Tremblements de terre, épidémies et famines : Tsunami, cyclones, Sida, Darfour ; SOS à répétition d'une « vérité qui dérange » et des scientifiques pour la survie de la planète...

On vous persécutera, on vous jettera en prison : moines de Birmanie ; prisons secrètes de la CIA, chrétiens avant la chute du Mur ; ou en Chine encore aujourd'hui...

Vous serez livrés par vos parents, votre famille ; ils feront mettre à mort certains d'entre vous : Shoah, Rwanda, Darfour...

Hier comme aujourd'hui, les gens posent les mêmes questions que les disciples : quand Seigneur ? quel sera le signe que cela va se réaliser ? Quand ? Quels signes ? Nous trouvons toutes les réponses à ces deux questions dans les horoscopes, marcs de café, lignes de la main et autres prophéties de Malachie (pas celui qu'on a entendu dans la lecture, vrai prophète, plus vieux d'une dizaine de siècles). Mauvaises questions, aux yeux de Jésus ; questions sans réponse !

Quand ? Mais hier, aujourd'hui, demain. Quels signes ? Il n'y a pas de réponse évidente. Alors, dans l'incertitude, nous risquons de penser à autre chose, en attendant le prochain JT. C'est ce que font la plupart ; et toute la culture ambiante nous y pousse, avec les publicités qui encadrent les JT : tu ne peux porter toute la misère du monde ; et tu n'y peux rien ; alors, prends ton temps et jouis de la vie ; la mort n'est qu'un mauvais moment à passer.

Il faut que cela arrive ; mais ce ne sera pas tout de suite la fin. De génération en génération, nous vivons ces drames, ces violences. Voilà la vraie question qui nous est posée ! Il vaut la peine de l'affronter et d'écouter Jésus pour en avoir une vision juste.

Première évidence fondamentale. Tout sera détruit. Ce monde passera ; et notre petit monde personnel passera... très bientôt, le jour de ma mort.

Face à cette vérité, face à cette réalité inéluctable, Jésus nous propose quelques attitudes de base :

1. Ne vous effrayez pas ! Quelques phrases plus loin, Jésus conclut son enseignement : « Quand tout cela arrivera, redressez-vous, relevez la tête ; car votre délivrance est proche. »

2. Ne vous laissez pas égarer ; beaucoup viendront en mon nom en disant : le moment est tout proche. Ne marchez pas derrière eux ! Sans commentaire !

3. Ce sera pour vous l'occasion de rendre témoignage ; ... Moi-même, je vous inspirerai langage et sagesse, auxquels on ne pourra opposer ni résistance ni contradiction. Souci terriblement actuel : Comment partager, communiquer nos raisons de vivre à nos proches, nos amis, nos enfants, apparemment indifférents ?

4. Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. Dieu est là, toujours là ; même et surtout quand tu y penses le moins.

5. Par votre persévérance, vous obtiendrez la vie ! Permettez un petit souvenir ; jeune dominicain, j'avais vingt ans ; notre père maître, très vieux (il devait bien avoir cinquante-cinq ans !) nous a dit : « Je me souviens que notre père maître nous disait :'priez pour ma persévérance' ; mais je n'ai pas compris ; aujourd'hui, j'ai compris », disait mon père maître, il y a cinquante ans.

6. Vous obtiendrez la vie ! La vie est plus que la vie ; elle est vie éternelle, déjà entamée ; pour déboucher en vie, de plus en plus vie, sans fin.

Pour conclure, bref résumé avec deux phrases de la première lecture de Malachie, le vrai :

Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme une fournaise.

Pour vous qui craignez mon nom se lèvera le Soleil de justice ; il apporte la guérison dans son rayonnement.

Le Royaume de Dieu vient ; il est tout proche ; il est déjà là ; il est au milieu de vous ; multiples facettes de l'unique royaume : pas encore ; et pourtant déjà là. Le Soleil de justice apporte la guérison dans le rayonnement de son corps livré pour nous, l'Eucharistie que nous allons offrir et partager. Amen.

34e dimanche ordinaire, année A (Christ Roi)

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

En ce dernier dimanche de l'année liturgique, l'Eglise contemple la fin de l'histoire. Nul ne peut en préciser la date. Elle ne sera pas essentiellement désintégration ultime, anéantissement de tout mais Epiphanie du CHRIST ROI. Si aujourd'hui ce titre n'a plus guère de signification qu'honorifique, réalisons néanmoins l'énormité de cette affirmation ! En lisant et en proclamant l'Evangile du jour, nous osons annoncer qu'un certain juif de Galilée, appelé Jésus, condamné à une mort ignominieuse sur le gibet de la croix, est pourtant le FILS DE L'HOMME qui est vivant, qui est SEIGNEUR et qui viendra un jour juger l'humanité tout entière. Le condamné du Golgotha sera le Juge de la planète !!

Pourquoi ? Parce que si Jésus le crucifié a été ressuscité par Dieu, si son Père l'a réhabilité, c'est donc qu'il était et demeure l'apparition suprême, la manifestation définitive de l'amour authentique et que l'amour est la seule valeur qui fait le prix d'une vie humaine. Donc c'est sa pratique - non son concept ni sa sensation - qui constitue le critère de la réussite de notre existence.

Si nous n'étions pas jugés devant cet Amour, notre condition en resterait au stade animal, biologique : nous vivrions selon la loi de la jungle où les forts, les rusés, les violents, les implacables, les chanceux, s'imposent et où les pauvres, les innocents, les faibles ne peuvent que subir leur malheur innocent et pleurer leur existence écrasée pour rien.

Le jugement final par l'amour de Dieu nous sauve du bagne des injustices, de la dictature du hasard, de l'absurdité du destin pour nous hisser au niveau de la justice et de la vérité. Le jugement donne sens à notre histoire.

TESTAMENT DE JESUS EN S. MATTHIEU

Le grand et dernier enseignement de Jésus- dont nous avons déjà entendu quelques extraits ces derniers dimanches - culmine sur cette question. Il apprend à ses disciples que, dans un monde déchiré par les guerres, en butte aux persécutions, ils devront annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations jusqu'au jour où "le Fils de l'Homme" reviendra. Ce jour étant indéfinissable, il importe de demeurer vigilant : " Veillez car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur va venir...Tenez-vous prêts".

Trois petites paraboles ont expliqué en quoi consiste cette attitude de veille chrétienne : 24, 45-51 : Que les responsables de communautés veillent avec sollicitude sur ceux qui leur sont confiés. 25, 1-13 : Même si la nuit de la foi est épaisse et l'attente interminable, que chaque disciple maintienne allumée la flamme de l'Esprit. 25, 14-30 : Et que, sans se lasser, chacun travaille à faire fructifier les talents que son Seigneur lui a confiés.

Là-dessus, le discours atteint son sommet avec la scène solennelle du Jugement dernier : évangile de ce dimanche. (texte abrégé)

"Quand le Fils de l'homme viendra, il siègera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui : il séparera les hommes... Il dira aux uns : " Venez les bénis de mon Père, recevez le Royaume.... Car j'avais faim et vous m'avez donné à manger ; j'avais soif et vous m'avez désaltéré ; j'étais nu et vous m'avez habillé ; j'étais malade et vous m'avez visité...". Les justes répondront :" Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim , avoir soif, être en prison ? ...Quand sommes-nous venus jusqu'à toi ?...". Le Roi répondra : "Amen je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait".


Et le jugement se poursuit à l'inverse par le rejet des autres qui, eux, n'ont pas nourri, désaltéré, visité...

 

La lampe à garder allumée, le talent à faire fructifier, c'est l'amour. Nous sommes donc mis sur terre pour aimer. L'amour n'est pas un sentiment volatil mais un engagement. Il doit s'incarner, passer aux actes.

Attention que les réalisations prodigieuses de S½ur Emmanuel ou de l'abbé Pierre ne nous écrasent par leurs dimensions et nous calfeutrent dans notre bassesse ( "Je ne suis pas capable d'un tel héroïsme !"). Il n'est nul besoin de partir au Caire ou de fonder un autre Emmaüs.

L'amour n'est pas d'abord héroïsme, actions d'éclat, réalisations spectaculaires. Il est pain rompu, invitation à la fontaine, visite désintéressée. Il est sourire, poignée de mains, coup de téléphone - pour autant que le c½ur embrase le geste.

Dans un monde où abondent les solitudes, il est présence réelle. Il n'est pas bavardage mais écoute, attention. Il est refus de l'enfermement en soi, de l'égoïsme, de l'aveuglement. Il remarque le manque de l'autre, il écoute la plainte du malheureux, il est étreint par son désarroi. Avant cela, il est "prévenance" : il anticipe la demande, il devine les appels muets, il pressent où il faut intervenir.

Il n'aime pas le prochain "pour Dieu", il n'agit pas pour une récompense. Car il ignore même QUI il a rencontré en allant vers l'affamé et le pauvre.

La morale n'est plus une obéissance à un code mais une relation interpersonnelle. Dieu ne dit plus : " As-tu observé toute ma loi ? ...Es-tu en règle ? " mais "As-tu aimé en actes ?"

C'est pourquoi le contraire de l'amour, le péché, n'est pas l'écart de conduite, l'accroc au règlement, le débordement d'une passion mais le manque d'action, l'omission, l'oubli, la paresse, la peur de sortir, la méfiance de l'inconnu, le cocoon dans son bien-être. Car il faut pouvoir accepter son propre malheur mais jamais celui de l'autre. Satisfaire mes besoins est un problème matériel ; aider l'autre est un problème spirituel.

Ainsi donc si la FOI constitue la réponse normale à la proposition de l'Evangile, pour beaucoup ( la majorité sans doute ?) le chemin vers le Dieu qu'ils ignorent sera l'émotion, la compassion, le bon coeur, le geste à l'endroit d'un inconnu. Un acte de CHARITE peut sauver une vie gâchée..

Cette scène nous défend de juger, de placer des barrières entre "bons croyants" et les autres. Personne ne peut discerner. Et elle explique peut-être la crise de notre Eglise d'Occident : nous avons mené grand train de vie et répondu si chichement aux appels de nos frères lointains, d'Irak, du Soudan, du Liban, de Haïti !! ...

Maintenant nous ne pouvons plus dire : " Je ne savais pas !" Les derniers jours de l'année nous replacent devant l'essentiel : réfléchissons pour savoir comment agir mieux en l'année qui vient.

3e dimanche de Carême, année A

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Une femme, un puits et la soif de midi. La routine des corvées d'eau, tous les jours, plusieurs fois par jour. Une femme et un homme : la valse des partenaires, la soif de la vraie rencontre, l'émerveillement premier, la lassitude, la déception. Pourquoi est-ce raté, si souvent ? Il lui parle d'eau vive, jaillissant au c½ur. Curieux, intéressant ! Pourquoi pas, mais question pratique : avec quoi va-t-il la puiser, cette eau ? Il lui demande d'appeler son mari. Elle n'en a pas, elle n'en a plus, il y a celui qui sert de mari pour le moment, mais pas la peine de le convoquer. Cet inconnu connaît son histoire, son intimité. Il va au fond des choses, comme au fond du puits, il comprend. Etonnant. Qui est-il ? Le Messie... ? Cela pose l'éternelle question des religions. Il y en a tant. Laquelle est vraie ? Ici, ou là ? La Mecque, Rome, Bénarès ou Jérusalem ? Ni là ni ailleurs, le c½ur, l'esprit, la vérité. Les religions seraient-elles simplement un langage, une voie ? L'important serait-ce la prière et la foi ?

En attendant cet homme a toujours soif. Mais soif de quoi ?

Ce récit incroyablement dense et pertinent nous parle du désir. Du désir de la femme, du désir de l'homme, du désir de Dieu.

La Samaritaine n'a pas de nom et nous représente tous, nous tous qui ne sommes pas du peuple Juif. Nous pouvons nous reconnaître en elle, nous qui cherchons vaille que vaille notre chemin, notre bonheur, notre survie, au jour le jour, en différentes expériences, souvent répétitives et presque toujours décevantes. Elle en est à son cinquième mari, elle vit avec un sixième et Jésus semble l'intéresser qui pourrait prendre le numéro 7, chiffre parfait ! Sa recherche de partenaires est comme sa marche vers le puits, à peine abreuvée, la soif revient et cela semble sans fin.

Mais il y a quelque chose de surprenant dans la rencontre de cette heure de midi. C'est la sixième heure nous dit le texte, celle de la Passion. Le moment où Pilate dit « voici l'homme ». Peu après Jésus dira « J'ai soif ! », sur la croix du Golgotha. Il y a là quelque chose de grave, de fondamental, d'intemporel. Entre cet homme et cette femme s'accentuent les différences structurantes : homme et femme, humanité et Dieu, Juifs et Samaritains, religions concurrentes, cultures opposées. Faut-il adorer ici, ou là-bas ? Quelle est la vraie religion ? Comment se fait-il que tu n'observes pas ta propre Loi ? Juif, tu m'adresses la parole, à moi, une femme et une étrangère ? Comment peux-tu me demander à boire alors que mon seau est impur ? Autrement dit « tu n'es pas à ta place, tu sembles ailleurs, un peu perdu ».

N'a-t-elle pas raison ? Cet homme semble être au bout du rouleau, fatigué, sans repères. Il mendie un verre d'eau et fait presque pitié. Il lui fallait avoir parcouru tout ce chemin là, aux frontières de la fatigue et de la soif, aux extrêmes de la Loi, à la rencontre de l'homme et de la femme, pour que le Désir de Dieu puisse se manifester. Pour que le désir de Dieu et le désir de l'homme puissent se rencontrer. L'eau du puits bien sûr, pour la soif du corps, mais aussi l'eau vive pour le c½ur. La venue du Messie, le don de l'Esprit et la religion en toute vérité. « Je sais qu'il vient, le Messie, dit la femme qui pressent quelque chose ». « Moi, qui te parle, je le suis » avoue Jésus. Comme Dieu à Moïse « je suis celui qui suis » Ego Eimi. Tout est dit, pour la première fois. A une étrangère, une femme de surcroît.

Va-t-elle le retenir, le garder pour elle, le phagocyter ? Non, elle laisse tomber sa cruche et court en ville raconter ce qui vient de lui arriver. C'est elle, l'Eglise des non-juifs, c'est elle qui évangélise le monde grand ouvert. Pour parler de Dieu, elle parle d'elle « Il m'a dit tout ce que j'ai fait ». Pour dire sa trouvaille, elle parle de son errance. Qu'importe son passé ? Il est la Vérité, une vérité qui ne condamne pas mais qui libère. « Il m'a dit tout ce que j'ai fait et il m'a avoué son secret, il m'a dit son identité ». Rencontre de l'homme et de la femme, rencontre de Dieu et de l'humanité au c½ur de la diversité des religions ! La rencontre de la samaritaine avec le vrai Dieu ne s'est pas faite brutalement. Pas de violence ici, tout au contraire, un mendiant assoiffé, qui transgresse les règles méprisantes de sa Loi pour demander la survie et un peu d'attention. Un dévoilement réciproque des identités. Jésus ne culpabilise pas notre Samaritaine, il ne la recrute pas non plus. Il ne la baptise pas, il ne cherche pas à l'enrôler. Elle reste libre, femme, samaritaine, tout comme avant. Ce qui a changé, c'est d'avoir été touchée au c½ur, c'est à dire au plus profond de son désir, non pas pour le réprimer ni pour le juger mais tout au contraire pour l'orienter. Celui qui lui promet l'eau vive est assis au bord du puits : il a soif plus qu'elle encore et depuis beaucoup plus longtemps. Elle l'écoute, elle l'accueille, elle s'intéresse à lui.

Savons-nous partager nos manques, nos besoins, nos désirs ? Nos questions, nos déceptions ? Savons-nous écouter, regarder, patienter ? C'est au c½ur de nos rencontres que se joue l'absolu de Dieu.

3e dimanche de Carême, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Troisième dimanche de Carême A : le 24 février 2008

Après un dîner bien arrosé, Pierre Dac et Francis Blanche sont montés sur les planches et ont improvisé un sketch qui restera gravé dans la mémoire de tous ceux et celles qui l'ont entendu. Il s'agissait du Sar-Rabin-Dranat-Duval. A un moment donné, Pierre Dac demande à Francis Blanche jouant le Sar-Rabin-Dranat-Duval, c'est-à-dire un homme ayant des voyances et pouvant dire des choses que personne d'autre ne pouvait deviner, s'il était capable de donner le numéro de la carte d'identité d'un spectateur se trouvant dans le public. Le Sar-Rabin-Dranat-Duval répond qu'il peut le dire. A cela, Pierre Dac demande une fois encore : « vous pouvez le dire ? ». Oui, répond le voyant. Pierre Dac invite la foule à applaudir le Sar-Rabin-Dranat-Duval de sa performance alors qu'il a juste dit qu'il pouvait le dire mais sans jamais dévoiler ce fameux numéro de carte d'identité. Il en aurait bien été incapable d'ailleurs. Il a suffit à Francis Blanche de prétendre qu'il pouvait le dire pour que la salle applaudisse à tout rompre.

Tout au contraire, dans l'évangile de ce jour, sans que rien ne lui soit demandé, Jésus à sa manière dévoile la vie privée de la Samaritaine. Ce n'est pas sans incidence car comme le souligne l'évangéliste : « beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause des paroles de la femme qui avait rendu ce témoignage : 'Il m'a dit tout ce que j'ai fait' ». Le Christ a ainsi pu voir en elle. Non pas pour la juger et encore moins pour la condamner mais pour mieux partir à sa rencontre. En agissant ainsi, il lui permet d'être pleinement elle-même. Elle n'a pas de honte à avoir, elle n'a pas à se cacher, elle n'a pas à se soucier de dévoiler quelque chose plus tard. Dieu le Fils sait et il s'empresse de le faire savoir à son interlocutrice. Grâce à ces quelques mots, il permet à cette femme d'être elle-même en toute vérité. Cette façon de faire de Jésus rejoint cette phrase trouvée dans la première lettre de Jean où il est dit que « Dieu est plus grand que ton c½ur et il connaît toute chose ». Par cette situation, le Christ veut nous montrer une fois encore qu'il nous accueille tel que nous sommes. Il nous fait prendre conscience qu'une véritable relation n'est possible que dans la lumière de la vérité. Nos parcours de vie ont peut-être été semés d'embûches, de zones d'errance voire parfois de transgression. C'est possible. Et pourtant tous ces éléments disent quelque chose de la richesse de qui nous sommes aujourd'hui. Nous en sommes pétris et il nous est impossible d'agir comme nous le faisons avec notre ordinateur. C'est vrai lorsque je veux me débarrasser d'un document, il suffit que je le dépose dans une poubelle virtuelle que je m'empresse de vider. Lorsque celle-ci a été correctement vidée, il m'est impossible de revenir en arrière. Le document a été tout simplement effacé. Il n'en va pas de même dans nos vies. Les événements heureux et plus difficiles ne s'effacent jamais mais s'inscrivent en nous pour l'éternité puisqu'ils nous ont façonné au fil des années écoulées. Et Dieu nous prend là, à ce moment très précis, à la margelle de nos vies. Notre c½ur est un peu comme un puits. Nous aimons venir nous y ressourcer. L'amour est cette eau vive qui le remplit. Souvent, celles et ceux que nous aimons et qui nous aiment viennent le remplir de leurs sentiments, de leur tendresse, de leurs mots empreints d'empathie et d'attention. Ce puits est là en nous. Il suffit d'y retourner lorsque le besoin se fait sentir. Rien ne peut nous l'enlever ni la vieillesse, ni la maladie, ni les erreurs commises. Il est ce lieu où naît une source jaillissante. Et Dieu nous y rejoint. C'est comme s'il aimait venir s'asseoir au bord de notre propre puits et s'y reposer pour le simple plaisir d'être avec nous. Il ne craint pas quelques gouttes d'eau plus troubles. Il les connaît et peut-être même mieux que nous. Il est là à nos côtés et il attend que nous donnions un peu de nous-mêmes. La foi est alors une chance inouïe de pouvoir nous dire qu'il nous est possible de nous laisser aller, d'être authentiquement qui nous sommes parce que nous nous savons aimés de Dieu. Non seulement, il nous aime mais il vient en nous pour s'abreuver. Il a besoin de chacune et chacun de nous pour qu'il puisse continuer son ½uvre d'humanité. Donnons-lui un peu de nous et en contrepartie acceptons de recevoir ce qu'il nous donne. Par Lui, avec Lui et en Lui, nous n'aurons plus jamais soif. Dieu vient aujourd'hui encore s'abreuver à l'amour de ses créatures. Puissions-nous à notre tour venir boire en nous à cette source jaillissante pour la vie éternelle. Nous serons à jamais désaltérés et remplis d'espérance. Dieu se donne à nous de cette manière ô combien merveilleuse. Il est au plus profond de notre puits. Empressons-nous de l'y rejoindre.
Amen.

3e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Racontez ce que vous voyez et entendez

Une des objections majeures adressée au christianisme est celle-ci : " Comment pouvez-vous prétendre que Jésus de Nazareth est le Sauveur du monde alors qu'il arrive encore tant de malheurs ? Les cris des innocents condamnés, les larmes des enfants martyrs ne sont-ils pas la preuve que votre foi est une illusion ?". Question qui devient lancinante lorsque le chrétien lui-même est frappé par le mal, souffre durement dans sa chair, pleure un enfant disparu. Le doute alors semble désagréger la foi.

LE PROPHETE TENAILLÉ PAR LE DOUTE

Eh bien, le prédicateur impétueux, le grand Jean-Baptiste lui-même a connu cette épreuve. Jeune, il avait reçu la vocation prophétique : plongeant dans le dénuement total du désert, il avait appelé les foules à la conversion car le Messie allait survenir avec éclat : "Il vient, celui est plus fort que moi, et il vous plongera dans l'Esprit...Il tient sa pelle à vanner et va nettoyer son aire" ( Evangile de dimanche passé)

Et voilà que maintenant, parce qu'il a eu le front de dénoncer les m½urs du roi, Jean est arrêté et jeté en prison. A la veille de son exécution, il s'interroge avec angoisse : " Pourquoi Jésus n'intervient-il pas ?". Lui qu'il décrivait comme un justicier tout-puissant qui allait manifester la colère de Dieu, pourquoi ne vient-il pas délivrer son héraut ? Serait-ce possible qu'il le laisse à son sort cruel ?.

Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ. Il lui envoya demander par ses disciples : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?".

"Me serais-je trompé, ne faut-il pas mettre notre espérance en un autre ?" : tout au long de l'histoire, d'immenses multitudes de baptisés ont été déchirés, comme Jean, par cette question. Du fond de leur détresse, ils ont abdiqué de leur foi et reporté leurs espoirs sur un autre. Puisque Dieu ne répond pas à nos supplications, c'est un nouveau régime politique ou la révolution ou le communisme ou la science ou un mystérieux gourou qui apportera la libération et le bonheur. L' Eglise nous a trompés avec un mythe, un opium, une illusion.

Mais que pouvait faire Jésus pour Jean ? Tenter un coup de mains, mener une opération commando ? Sa mission lui interdisait d'user de violence, de verser le sang des gardiens. Opérer un miracle, ouvrir la geôle par un tour de passe-passe ? Il ne pouvait pas davantage utiliser la magie, le stratagème qui hypnotise le peuple crédule.

Jésus leur répondit : " Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.

Jean ne s'est pas trompé : Jésus est bien l'unique Messie. Mais il n'est pas venu imposer un Royaume par la force. Sa méthode est de douceur, de respect des libertés.

IL AGIT : Ici un aveugle recouvre la vue, là un paralytique remarche... : partout des guérisons s'effectuent. Certes Jésus ne fait pas sauter les murs des prisons, ne libère pas tous les captifs, ne guérit pas tous les malades, ne ferme pas les hôpitaux, ne résout pas les problèmes de chacun. C'est bien peu devant la foule innombrable des malheureux mais ces SIGNES sont suffisants pour induire à la foi.

ET IL PARLE : L'évangile poursuit sa course, allume partout un feu d'amour, la bonne nouvelle continue d' être annoncée aux pauvres de coeur. La mort qui menace son prophète ne fait pas taire Jésus et il n'ignore pas que s'il dénonce la corruption des Autorités, il subira le même sort que lui.

Quant à Jean, le prisonnier, il doit, à la suite de tant de prophètes, accepter de donner sa vie pour un message qui est vrai, pour un homme qui est bien le Messie. Il lui faut perdre ses conceptions d'un Libérateur nationaliste et guerrier, ses rêves d'une transformation subite du monde, ses désirs de la venue soudaine d'un paradis où il n'y aurait plus ni souffrances ni mort.

Et Jésus dit : "Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi".

Jésus est une pierre, un roc sur quoi le croyant peut édifier sa vie ; il est aussi une "pierre d'achoppement", un scandale sur lequel on trébuche et que l'on maudit de rage ! HEUREUX sera Jean si, en entrant dans son agonie et en acceptant sa mort, il garde foi en Celui qu'il annonçait. Plus tard Saint Paul écrira :

" Les Juifs demandent des miracles et les Grecs recherchent la Sagesse. Mais nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens. Mais pour ceux qui sont appelés, il est Christ, puissance de Dieu et Sagesse de Dieu" (1 Cor. 1, 22).

RAPPORTER CE QUE NOUS ENTENDONS ET VOYONS

A tous les déçus de l'Eglise, à tous ceux qui sont désespérés par leurs malheurs, nous ne pouvons toujours apporter une solution mais nous pouvons livrer un récit. Au lieu de dénigrer l'Eglise et de n'en voir que ses défaillances (réelles), savons-nous voir et raconter les SIGNES de l'action universelle de l'Esprit ?

Sur tous les continents, dans l'ombre, loin des médias, des hommes et des femmes travaillent sans relâche pour soigner, consoler, remettre debout. En Mongolie comme en Patagonie, partout, des missionnaires annoncent, à des pauvres avides d'espérance, la Bonne Nouvelle d'un Dieu qui s'approche de l'homme. En Chine, les conversions se multiplient à foison. Dans plusieurs pays, certains de nos frères et soeurs croupissent dans des geôles infectes, subissent des traitements ignobles depuis des années. Mais ils ne doutent pas que Jésus est avec eux dans leur solitude et qu'il les accompagnera dans leur montée au golgotha. Comment se fait-il que les chrétiens, ici, sont toujours au courant des péripéties de la politique, des frasques des vedettes, des lieux de la "bonne bouffe" et des spectacles "qu'il faut voir"... et ignorent ce que réalise leur Eglise ? Et quand ils le savent, ils n'en disent rien. L'immense majorité des jeunes occidentaux reste persuadée que l'Eglise est un club inutile qui, à la veille de sa disparition, rassemble des gens pieux dans des cérémonies inefficaces.

" Allez rapporter..." : Notre péché n'est-il pas notre mutisme ?

3e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Depuis des années, lorsqu'ils en avaient le temps, ils aimaient aller se balader toute une après-midi et terminer leur journée par un bon repas festif. Certains étaient étonnés de leur amitié : comment un prêtre et un rabbin pouvaient-ils si bien s'entendre ? se demandaient-ils. Ce jour-là, le prêtre dit à son rabbin d'ami : « J'ai découvert un truc pour manger gratuitement ». « Donne-moi ton secret », répond le rabbin, très intéressé. « Je vais au restaurant, assez tard, et je commande deux entrées, un plat, du fromage, un dessert et puis je prends mon temps en dégustant un café, un cognac et un cigare et j'attends la fermeture. Comme je ne bouge pas, et que toutes les autres chaises sont déjà rangées sur les tables, le garçon vient me voir pour encaisser. Alors je lui réponds quelque peu outré : "Mais j'ai déjà payé à votre collègue qui est parti !" Et le tour est joué ! », conclut le prêtre. Très astucieux, répondit le rabbin. Essayons tout à l'heure après notre promenade. Si tôt dit, si tôt fait, les deux compères vont au restaurant et tout se passe comme prévu. Au moment de la fermeture, le garçon demande s'il peut encaisser et le prêtre lui répond : « Désolé, mais on a déjà payé à votre collègue qui est parti ». Et le rabbin d'ajouter : « Et d'ailleurs, nous attendons toujours notre monnaie... ». Cette histoire n'est évidemment pas très morale mais n'en a-t-il pas été de même avec les disciples d'Emmaüs ? L'évangile nous dit « qu'à l'instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem ». Rien n'est dit sur le payement de la note. Ils ne sont pas non plus accusés d'un délit de grivèlerie. Ils semblent en tout cas ne pas s'embarrasser de telles contingences matérielles vu ce qu'ils viennent de vivre. Nous sommes face à une sorte de Happy End alors que tout avait si mal commencé. Reprenons la trame de ce récit.

Ils ont quitté la ville sainte. Ils ne comprennent pas ce qu'il leur est arrivé. Il y a chez eux de l'incrédulité, de la tristesse, de l'aveuglement. Ils sont aussi bouleversés, reconnaissent-ils. Ils sont là, marchant sur la route de leur vie avec tant de questions restées sans réponse. Ils s'en retournent d'où il venait. Comme si ces moments passés avec Jésus n'avaient été qu'une boucle, une parenthèse dans leur vie. D'une certaine manière, ils ont vécu le chemin de l'odyssée et reviennent à un point de départ. Et c'est à ce moment précis que le Christ se manifeste. Il ne veut pas que nos vies soient des odyssées mais plutôt un exode permanent vers une terre de promesses dont nous sommes les artisans. Pour ce faire, il vient marcher à nos côtés. Tout comme les disciples d'Emmaüs, il nous prend tels que nous sommes, là où nous en sommes sur notre chemin de vie. Il accepte nos interrogations, nos incompréhensions face à ce que nous sommes en train de vivre. Il ne craint pas nos colères mais les accueille car elles font pleinement partie de ce que nous sommes occupés à traverser. Comment pourrait-il en être autrement d'ailleurs ? Lorsque nous sommes touchés par la douleur de la séparation, par la maladie qui vient s'inscrire dans notre histoire alors que nous n'avions rien demandé, nous nous sentons souvent bien seuls au plus profond de notre solitude. Il y a tant d'interrogations qui restent sans réponse. L'injustice nous frappe et cela nous semble tellement insensé. Oui, tout cela est injuste et dire que ce serait pire encore si c'était juste parce que cela voudrait dire que c'était mérité. Ce serait une juste punition pour la vie vécue. Espérons que de telles idées soient loin de nous. Et nous restons là avec notre propre souffrance, même si nous nous sentons soutenus par tant de gestes de tendresse et d'amitié. Au fond de nous, le voile de notre temple intérieur s'est déchiré. Il y fait mal et les larmes existent pour nous permettre de retrouver une certaine paix intérieure. Ne craignons pas nos émotions. Acceptons-les, vivons-les parce que c'est à ce moment très précis que le Christ vient nous prendre par la main au travers de celles et ceux qui se sont faits proches de nous. Il est à nos côtés et entend nos interrogations. Il porte toute notre fragilité sur ses épaules tout en marchant avec nous. Il nous invite à venir déposer en lui, dans le champ de notre méditation intérieure, tout ce qui nous dépasse afin de nous permettre d'entrer plus profondément encore dans le mystère de la Vie. Tournons-nous vers lui et surtout ne craignons pas de lui partager tout ce qui nous habite. Il accepte nos émotions quelles qu'elles soient : colère, tristesse, amertume, incompréhension. Dieu prend tout avec lui et cherche à nous alléger en choisissant de marcher à nos côtés. Il n'est pas qu'au-dedans de nous sur la route de la Vie mais également autour de nous. Que cette confiance et cette espérance nous désaveuglent pour que nous puissions percevoir toute la richesse de sa divinité au c½ur même de notre humanité.

Amen

3e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

L' Annonciation d ' Emmaüs

 

Le philosophe Jean Guitton disait : " Si l'on m'envoyait en exil dans une île avec un seul livre, je prendrais l'Evangile de Saint Luc. Et si l'on ne m'autorisait à garder qu'une page, ce serait celle des disciples d'Emmaüs". Un chef-d'½uvre.

Luc, écrivain de génie, a encadré son Evangile par deux scènes d'une incroyable beauté, d'une luminosité incomparable. Elles se correspondent admirablement pour nous plonger au c½ur du mystère de la foi et de l'Eucharistie. Or cette année, la liturgie nous les présente en ces deux jours : heureuse occasion de les comparer. au seuil : L' ANNONCIATION A MARIE en finale : LES DISCIPLES D'EMMAÜS.

AU POINT DE DÉPART : INTERROGATIONS ET TRISTESSE.

Dans son petit village de Nazareth, Marie est seule et médite sur le destin de son peuple. Tant de siècles d'oppression, tant de malheurs ! Pourquoi ce silence de Dieu ? Quand donc enverra-t-il le Messie qu'il a promis ? Sur la route d'Emmaüs, Cléophas et son ami quittent Jérusalem pour retourner dans leur village. Les deux anciens disciples de Jésus sont plongés en plein désarroi : on a exécuté sur une croix celui qu'ils suivaient avec enthousiasme et dont ils étaient persuadés qu'il était le Messie qui allait libérer son peuple

Ainsi la réflexion de l'homme commence par l'interrogation douloureuse sur le problème de l'injustice, le scandale du mal, la ruine de l'espérance, le tragique de sa condition et le silence de Dieu.

ACCUEILLIR L' INCONNU

Soudain Marie, dans sa solitude priante, est rejointe par un être mystérieux, "un ange" qui la salue et qui tout de suite dissipe son inquiétude : " Joie à toi, pleine de grâce : le Seigneur est avec toi". De même, sur la route, un voyageur inconnu arrive à la hauteur des deux disciples et se mêle à leur conversation : " De quoi parlez-vous ?".

Il ne faut donc jamais s'enfermer dans la tristesse : il est nécessaire de laisser venir l'"autre" qui entre dans mon cheminement, se préoccupe de mes inquiétudes, demande à me rejoindre dans mes questions sans réponse. Si je déclare le problème résolu, si je tonne :" Laissez-moi tranquille", si je refuse d'aller plus loin que mes convictions présentes, je me fermerai à tout avenir. Malheur à qui s'enferme dans ses certitudes, prétend découvrir seul la lumière ou trouver sa grandeur dans un orgueilleux désespoir.

Perplexes, inquiets mais disponibles, Marie, Cléophas et l'autre accueillent l'inconnu, ils acceptent d'écouter, de se confier, de dialoguer, de reprendre le problème.

UNE LECON D' ECRITURES

A Nazareth, Marie s'interrogeait sur le silence de Dieu, elle cherchait à savoir quand arriverait le Messie promis. L' Ange vient la bouleverser : "Rappelez-vous les Ecritures, les prophètes Isaïe, Zacharie : "La jeune femme aura un fils...il règnera toujours... L' Esprit de Dieu viendra... Ce fils sera Fils de Dieu".

Eh bien, au cadran de l'histoire, le projet de Dieu se réalise MAINTENANT... ICI... EN TOI... PAR TOI... Marie ! Oui, les promesses du grand Livre convergent dans ton aujourd'hui. Ne reporte pas tes rêves à plus tard. Ne décline pas l'invitation. Ne rejette pas la responsabilité sur d'autres. Ne cherche pas ailleurs qu'en toi l'accomplissement des prophéties. Le parchemin que tu lis (les peintres représentent souvent Marie en train de lire le Livre) t'indique le chemin qui s'ouvre aujourd'hui devant toi. L' Ecriture que tu parcours des yeux balise la route à prendre ; la Voix entendue te dit la Voie à suivre, ta vocation à accomplir.

De même, sur la route, le 3e homme, lui aussi, fait une leçon d'exégèse aux deux amis éperdus. " C½urs lents à croire !! Comment lisiez-vous la Bible ? Comme l'épopée des grands ancêtres conquérants ? Comme l'attente d'un général invincible ? Comme la griserie des triomphes ? Le rêve de l'écrasement des ennemis ?....Mes bons amis, vous avez sauté des pages, vous n'avez pas voulu lire ce qui vous choquait...Par exemple ceci :

"Le serviteur de Dieu est méprisé, déshonoré...Brutalisé, il s'humilie, il n'ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à l'abattoir...En fait ce sont nos souffrances qu'il porte, il est broyé à cause de nos perversités. Parce qu'il s'est dépouillé jusqu'à la mort, il verra une descendance, il sera comblé..." (Isaïe 53).

Reprendre le Livre, le lire avec des yeux neufs, sans faire le tri pour ne garder que l'utile et l'agréable. Il faut d'urgence poursuivre la rénovation des lectures de la messe : beaucoup n'ont pas encore compris qu'il faut toujours, et longtemps, et attentivement, écouter les enseignements de Dieu, laisser Dieu éclairer notre chemin par le feu de la Résurrection ! C'est parce qu'ils ont écouté, parce qu'ils ont accepté, que Marie et Cléophas vont pouvoir recevoir en eux.

LE CHRIST AU PLUS INTIME

Craintive, émue, la jeune Nazaréenne acquiesce : " Je suis la servante du Seigneur : que tout se passe pour moi comme tu l'as dit". Et sur le champ, elle devient porteuse du Verbe, Temple de l'Esprit, Arche d'Alliance.

Sur la route de la recherche, à l'écoute de l'inconnu, les c½urs refroidis des disciples se mettent à battre plus fort, une chaleur les envahit. On approche du village : " Reste avec nous, le soir vient". Et IL ENTRA POUR RESTER AVEC EUX. A la lettre ! A table, il prend le pain, dit la bénédiction, le leur partage. Ils ne le voient plus, mais il n'est pas parti. Il ne sera jamais plus absent : il est en eux. Comme il avait commencé à être dans le sein de Marie !

SORTIR...PARTAGER LA NOUVELLE.

Eblouie, sans plus attendre, Marie se hâte vers la Judée et se jette dans les bras d'Elisabeth : " Le Seigneur a fait pour moi des merveilles...". Les deux femmes pauvres - la stérile et la vierge - portent l'avenir du monde et, transportées par la Joie de l'Esprit, elles communient dans la Vie nouvelle. A Emmaüs, les deux hommes, eux aussi, se lèvent de table et courent vers Jérusalem. On ne peut s'enfermer chez soi : il faut rejoindre la communauté des disciples pour reconstituer le CORPS DE JESUS. " C'est vrai : il est ressuscité, il est apparu à Pierre". Et à nous aussi : nous l'avons reconnu à la fraction du pain ! L'union au Christ s'effectue dans l'Eucharistie. L' Eucharistie est la force divine seule capable de contrecarrer nos terribles puissances centrifuges. Elle est échange de paroles puis assomption intérieure. La manquer et se dire chrétien est un leurre. Puisque la Passion et la Résurrection de Jésus n'ont eu d'autre but que de nous réunir dans l'amour. Alors l'Eglise est Marie.

3e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Parce qu'il a eu le front de critiquer les m½urs du roi, Jean-Baptiste est arrêté et jeté en prison où un sort tragique l'attend (Matth 14). Cet événement, dirait-on, sert de signal à Jésus : il sort de la solitude du désert où il a fait ses choix décisifs sur la façon de réaliser la mission reçue de son Père au baptême.

Mais il ne prend pas la place de Jean au Jourdain. Le précurseur a préparé la voie : Jésus, lui, vient pour accomplir le dessein de Dieu. Quittant la Judée, il remonte au nord dans sa province de Galilée non pour retrouver son village de Nazareth mais pour s'installer à Capharnaüm, petite ville au nord-ouest du lac qui va dès lors devenir le centre de son activité.

Au croisement des deux grands axes commerciaux (Mer Méditerranée / Syrie et Liban/Jérusalem), la Galilée voit se côtoyer Israélites et païens, synagogues et temples : c'est une région très ouverte à tous les vents du monde. En s'y installant, Jésus révèle déjà son projet universel qu'il précisera à la fin de l'Evangile : c'est à partir d'une montagne de Galilée que le Ressuscité enverra ses disciples : " Allez... ! De toutes les nations, faites des disciples ....... " (Matth 28).

Ainsi les chrétiens se doivent-ils de vivre en plein monde, rencontrant chaque jour des gens de toutes origines, de toutes opinions, de toutes religions. C'est dans le "capharnaüm" d'une société mêlée qu'ils ont à faire retentir le message de la Bonne Nouvelle et à en témoigner.

LA PROCLAMATION DU REGNE DE DIEU.

Et c'est alors que nous entendons pour la 1ère fois la voix de Jésus : une phrase capitale résume l'essentiel de la mission qu'il va remplir jusqu'au bout. Elle lui coûtera la vie, à lui aussi !.

A partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer : " Convertissez-vous car le Royaume des cieux est tout proche".

Selon Matthieu, cet appel était déjà lancé par Jean-Baptiste (3, 1) : la Nouvelle Alliance surgit donc en pleine continuité avec l'Ancienne. Mais avec une différence considérable : Jean prédisait la venue de la colère de Dieu, d'un messie qui mettrait fin à l'histoire...or Jésus vient en douceur, pauvreté et patience. Jean pressentait l'arrivée du Règne de Dieu : Jésus, lui, le déclare présent, déjà en voie de réalisation.

"Le Royaume des cieux" : Matthieu se garde de prononcer le Nom de Dieu mais attention : il ne s'agit pas d'une réalité évanescente, destinée aux belles âmes, limitée à des pensées pieuses et des liturgies sacrées. Alors que tous les rois avaient été infidèles, Jésus annonce que désormais c'est Dieu lui-même qui vient régner. Non sur un territoire limité mais sur le monde entier. Non par l'emploi de la force mais de la douceur- c'est pour cela que Jésus use de la parole. Il n'impose pas : il propose. Il en appelle à la réponse libre de chacun.

Car si Dieu vient inviter les hommes à entrer dans son Royaume de paix et d'amour, il est nécessaire que chaque interlocuteur accepte l'invitation et décide de se remettre en question.

"Convertissez-vous !" : l'homme doit refuser le culte des idoles -dont le règne fait des ravages - et se laisser retourner totalement car les idées de Dieu sont infiniment au-dessus des nôtres. L'enjeu est énorme. Sur les plans de la politique, de la culture, de la science ou des idées, les options, les idéologies, les inventions se succèdent sans fin : au plan spirituel du salut c'est-à-dire de la réussite de l'humanité en Dieu, le moment clef est là.

Sommes-nous d'accord de laisser Dieu diriger notre vie ? Acceptons-nous de renoncer à nos a priori égoïstes ? Osons-nous quitter nos chemins pour nous engager sur les siens ?

MARCHER : PROCLAMER ... ENSEIGNER ... GUERIR

Très vite, Jésus embauche des collaborateurs mais, par concision, nous sauterons la scène de l'appel des quatre pêcheurs pour commenter la fin du texte de Matthieu qu'il convient de traduire et disposer comme ceci :

Jésus parcourait toute la Galilée : enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume guérissant toute maladie et toute infirmité dans le peuple.

Au contraire de Jean qui stationnait au Jourdain, des prêtres qui attendaient les fidèles au temple, des scribes qui recevaient leurs élèves, Jésus CIRCULE. Il restera toujours un prophète itinérant comme si Dieu voulait nous rejoindre là où nous vivons, au sein de nos maisons et de nos lieux de travail. La foi n'est pas un moment sacré lors d'une liturgie ou d'une visite à un monastère ou d'un temps de pèlerinage- ce qui laisserait indemne notre quotidien. Dieu pénètre dans nos demeures, nos entreprises, nos écoles. C'est là que l'Evangile doit être vécu ...en bousculant beaucoup d'habitudes !

A la façon biblique, l'activité principale de Jésus, est notée au milieu : "proclamer la bonne Nouvelle du Royaume".

De même que les rois avaient un corps de hérauts chargés de publier les grandes nouvelles de l'Etat, ainsi Jésus est le Héraut de son Père : inlassablement il va parcourir villes et villages afin que toute personne entende de ses oreilles la Nouvelle la plus importante de l'histoire : Dieu vient ! L' Evangile n'est pas d'abord un livre, un code, une morale : il est un cri, la joyeuse nouvelle d'un événement, un appel ("le Kérygme")

N'est-ce pas de "hérauts" que manque notre Eglise aujourd'hui trop engluée dans le rituel, la catéchèse et le social ?...

"enseignant..." Après la 1ère annonce, il faut expliquer ce que signifie l'intrusion de ce Royaume : qu'est-ce que cela entraîne ? à quoi faut-il renoncer ? quelle conduite adopter ? quelles m½urs ? quelle morale ? y a-t-il des rites spécifiques ?...Cette explication s'appelle "enseignement", "catéchèse". Jésus proposait cet enseignement "dans les synagogues" qui lui proposaient d'assurer la prédication. Acceptons-nous d'apprendre notre foi ? Quels efforts consentons-nous pour la mieux connaître ?

Et enfin Jésus "guérissait toute maladie...". Car le Royaume s'adresse à tout l'homme, dans son esprit et dans sa chair. La vérité accueillie dans les âmes doit retentir dans les corps. Certes Jésus ne guérira pas tous les malades et handicapés mais jamais il ne leur dira qu'ils doivent se résigner, que souffrir est nécessaire, que la foi se cantonne dans la pensée. Si Dieu vient régner, il se doit de remettre l'homme debout dans son c½ur et dans son corps. C'est pourquoi une paroisse, sans être "un service social", doit avoir le souci des malades. L' Evangile est nécessairement thérapeutique.

3e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Dites-nous, mon père, quand avez-vous reçu l'appel ? Etait-ce une expérience exceptionnelle ? Pourquoi seuls les prêtres, les religieuses et religieux le reçoivent ? Comment être certain que c'est vraiment Dieu qui vous a appelé ? L'aviez-vous demandé et est-il possible de le refuser ou l'appel est-il si fort que celle ou celui qui le reçoit en perd sa liberté tellement il est convaincu que l'ampleur du message reçu ? Ces quelques questions m'ont été posées la semaine passée encore alors que j'animais différents groupes de jeunes. Je ne sais pas si je les ai déçus dans ma réponse mais j'ai bien dû leur avouer que je n'avais jamais vécu une telle expérience mystique. Personnellement, je n'ai jamais ressenti un appel quelconque comme si une lumière ou une petite voix intérieure me montrait le chemin à suivre. Je n'ai eu Jésus ni au téléphone ni sur mon mail pour me dire de le suivre. Bref, je n'ai donc pas reçu un appel spécifique. Toutefois je suis et reste convaincu que j'ai été appelé. En effet, même si nous n'avons jamais été confrontés à de grands expériences où la vision divine s'impose à nous, toutes et tous nous sommes encore et toujours appelés dans le Christ. L'appel de Dieu est un appel à la vie, à oser la regarder en face avec ses beautés et ses moments plus douloureux, à l'écrire avec une plume trempée dans l'encre de l'amour habité par cette conviction que l'encrier ne se videra jamais puisqu'il prend sa source dans le Fils. Pour prendre conscience d'un tel appel à la Vie, il n'est pas nécessaire d'aller s'enfermer dans un lieu quelconque où notre Dieu se serait caché. L'appel divin se vit dans le quotidien de la vie, au c½ur de nos tâches habituelles. Non pas dans l'exceptionnel mais dans la banalité des actes journaliers et ce, à l'instar des disciples qui s'affairaient au moment où le Christ les appelle : les deux premiers pêchaient, les deux autres préparaient leurs filets. Ils étaient simplement là où ils venaient chaque jour. Le Christ s'est invité dans leur routine comme il continue de s'inviter dans la nôtre. Il nous appelle tels que nous sommes, là où nous en sommes. Ne le cherchons donc pas au loin. Il semble être beaucoup plus proche de nos vies que nous n'aurions jamais pu l'imaginer. Il vient à nous chaque fois que nous le laissons advenir pour que retentisse au plus profond de nous cet appel merveilleux à prendre conscience que tout ce qui se vit aujourd'hui s'inscrit dans le temps de l'éternité divine. Dieu nous attend non seulement au bord de notre chemin mais il ne craint pas non plus nos propres carrefours. En reprenant la citation d'Isaïe, « Galilée, toi le carrefour des païens », Jésus démontre à quel point il accepte de s'exposer à la culture de son temps, au bouillonnement du brassage d'approches de vie ou de foi. Il n'a donc pas eu peur de se confronter à la réalité du monde de son époque. Il était non seulement sur la route mais également aux carrefours des histoires des gens qu'il croisait. Chaque fois que nous sommes nous-mêmes face à des grands choix de vie, nous nous sentons comme à une croisée de chemin, un carrefour et nous espérons que la décision que nous prenons sera celle qui nous conduira toujours vers un mieux être, un plus grand bonheur. Les carrefours de nos vies peuvent parfois nous donner aussi le vertige, surtout lorsque ceux-ci s'imposent à nous et que rien ne nous y préparait. La perte d'un être cher, la maladie sont des carrefours qui surgissent et viennent nous bousculer dans la routine de nos existences. Le destin vint frapper le cours normal de notre destinée. Nous nous retrouvons alors désemparés, dépassés par ce qui nous arrive. Nous ne comprenons pas et la litanie des questions restées sans réponse nous envahit. Nous pourrions nous enfermer dans une forme de désespérance. Heureusement pour nous l'évangile de ce jour souligne le fait que le Christ vient s'installer au c½ur de nos carrefours intérieurs, qu'il ne nous laisse pas seuls et surtout qu'il continue de nous appeler à la Vie pour mieux nous préparer à un jour partager la vie éternelle. Il n'est jamais trop tard pour recevoir et surtout vivre cet appel et ce, quelle que soit notre condition physique ou morale actuelle. Dieu le Fils nous prend là où nous sommes à la croisée de nos vies. L'appel divin reçu ce jour encore est un appel à la lumière. Oui, croyons et osons mettre de la lumière dans nos vies. Celle-ci est composée de nombreux faisceaux qui passent par nos regards, par toute forme de tendresse échangée, par la douceur des paroles prononcées. Alors si parfois notre carrefour intérieur nous semble ombrageux, voire orageux, ne craignons pas de laisser le Christ venir s'y reposer. En confiance, avec lui et avec toutes nos forces de vie, nous pourrons alors chanter à l'humanité entière : « sur ceux qui habitaient dans le pays de l'ombre et de la mort, une lumière s'est levée » et cette lumière, c'est chacune et chacun de nous tendrement illuminé de la présence divine.

Amen