19e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2008-2009
Nous continuons la méditation du superbe chapitre 6 de S. Jean. A la foule qui poursuit Jésus afin d'obtenir des bienfaits (guérisons de malades et distribution de nourriture gratuite), Jésus fait une révélation stupéfiante: il s'agit plutôt de se mettre en quête d'un Pain qui donne la vraie Vie, et ce Pain, affirme Jésus, c'est MOI !   ---    La liturgie omet un passage et enchaîne:Jésus avait dit: " Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel".Les Juifs récriminaient contre lui: " Cet homme-là, n'est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire: "Je suis descendu du ciel" ?...Nous avons lu une réaction similaire dans S. Marc (14ème dimanche): lorsque Jésus est revenu dans son village, les gens ont été scandalisés. Eux qui connaissaient très bien ce Jésus, ses parents, son métier, ils ne pouvaient arriver à croire en lui, à lui faire confiance. De même ici, sûrs que Jésus est né, comme tout homme, de ses parents, les gens ne peuvent admettre qu'il puisse affirmer son origine céleste !Leur réaction s'exprime chez S. Jean par un verbe célèbre qui est employé dans la Bible pour pointer les protestations des Hébreux tout au long de leur marche à travers le désert - notamment à 8 reprises dans le chapitre sur la manne (Exode 16). On le traduit souvent par "murmurer" mais il s'agit de tout autre chose qu'un simple chuchotement : le peuple récrimine, grogne, rouspète - bref il ne croit pas, il ne fait pas confiance à Dieu et au guide qu'il lui a donné, Moïse. Il en va de même ici: les gens refusent d'accueillir la révélation que Jésus exprime. Il s'agit donc d'une réaction extrêmement perverse d'incrédulité, de non-foi, de résistance au projet de Dieu.Comment Jésus réagit-il ? Il ne tente pas de les amadouer en nuançant ses paroles: au contraire il va souligner fortement ses propos.  Jésus reprit la parole: " Ne récriminez pas entre vous !  Personne ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour »Pourquoi des hommes refusent-ils de venir à Jésus et de lui faire confiance ? Parce qu'ils n'entendent pas l'appel de Dieu comme Père. Ils ne se laissent pas attirer ! Ils croient en une divinité, ils pratiquent des rites, suivent une ligne morale... mais ils ne veulent pas accepter que Dieu soit vraiment PERE, donc qu'il puisse non seulement créer le monde et envoyer des prophètes mais avoir un FILS, Jésus, et que, avec ce Fils, nous puissions devenir, ensemble, une humanité vraiment filiale donc fraternelle.Pourtant Jésus connaît bien son origine ( il vient de Dieu, il "descend" du ciel) et son but ( donner la Vie divine, donc ressusciter les croyants). Il poursuit :Il est écrit dans les Prophètes: " Ils seront tous instruits par Dieu même". Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. Jésus fait référence au moment capital de l'histoire d'Israël. Alors qu'il avait reçu la Loi de son Dieu et qu'il avait promis solennellement de l'observer, alors qu'il avait eu rois, prêtres et temple pour servir son Dieu avec joie et piété, alors que sans arrêt des prophètes  lui avaient rappelé les exigences de la Loi, avaient dénoncé ses désobéissances en le menaçant de châtiments terribles s'il ne se convertissait pas, - en dépit de tout cela, Israël, même au plus haut niveau, n'était jamais parvenu à une fidélité sans failles. Tous connaissaient bien la Loi dans ses détails... et tous chutaient lamentablement. Ce qui devait arriver arriva: en - 587, les Babyloniens survinrent, rasèrent Jérusalem, le palais, le temple et exilèrent une partie de la population. C'était le désastre absolu !Mais alors que tout semblait fini, la détresse suscita une réflexion absolument nouvelle et des prophètes proclamèrent un message tout à fait inouï : au lieu de rejeter son peuple endurci, Dieu promettait une NOUVELLE ALLIANCE. Non un autre texte. Non des préceptes moins durs. Mais la Loi ne serait plus une leçon que l'on apprend et que l'on s'efforce d'observer.Ici Jésus cite celui qu'on appelle le 2ème Isaïe: " Tous seront instruits par Dieu" (Isaïe 54, 13). Mais le texte le plus célèbre est celui de Jérémie: " Je conclurai, dit Dieu,  une Nouvelle Alliance: je déposerai mes directives au fond d'eux-mêmes, je les inscrirai dans leur être; je deviendrai Dieu pour eux et ils seront un peuple pour moi. Ils ne s'instruiront plus entre eux en répétant: " Apprenez à connaître le Seigneur" car ils me connaîtront tous, petits et grands. Je pardonne leur crime"                                                                                   ( Jérémie 31, 1-34 ; cf. aussi Ezéchiel 36, 28)La Promesse était extraordinaire, très claire mais la date de sa réalisation non précisée. Quand ?...Pour Jésus, l'heure a sonné: avec lui, le Fils, les hommes n'ont plus à apprendre des lois  (les siècles ont prouvé l'échec perpétuel de cette tentative). Désormais par Jésus et ses paroles, les enseignements de Dieu sont gravés dans l'intérieur de l'homme: c'est pourquoi, animés par cette Loi intériorisée devenue une Présence, les croyants peuvent écouter Dieu en personne et lui obéir spontanément.Seule condition pour que cette révolution soit possible: croire que Jésus est plus qu'un prophète, un envoyé qui proclame une Parole qu'il a reçue, mais qu'il est le Fils, la PAROLE même de son Père. Cette foi introduit dans la Nouvelle Alliance.  ---    Jésus poursuit:Certes personne n'a jamais vu le Père sinon celui qui vient de Dieu;  celui-là seul a vu le Père.Amen, amen, je vous le dis: celui qui croit en moi a la Vie éternelle.JE SUIS LE PAIN DE VIE. Au désert, vos pères ont mangé la manne et ils sont morts; mais ce Pain-là qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas. Solennellement (double amen), Jésus affirme l'effet chez le vrai croyant: IL A LA VIE ETERNELLE. Non "il aura" (un jour, plus tard, au ciel) mais IL A - au présent.  Tout de suite, au moment où un homme accueille Jésus comme Fils et Parole de Dieu, il A la Vie divine, il est "divinisé". Certes il conserve son tempérament, il est sujet de faiblesses, il devra mourir en son corps mais sur-le-champ, son être est radicalement changé.Quant aux dernières lignes, je propose de les renvoyer à dimanche prochain car elles introduisent un nouveau développement_____________Donc tout ce passage ( Jean 6, 35-50) est la révélation que JESUS EST LA PAROLE DE DIEU... Parole qu'il faut non seulement écouter mais recevoir en soi... comme un PAIN à  MANGER... MASTIQUER... ASSIMILER...Les autorités de l'Eglise ont commis un crime très grave en enseignant pendant des siècles qu'il était accessoire d'écouter les lectures de la Messe... qu'elles n'étaient que l'"avant-messe" facultative... que le fidèle ne pouvait posséder une Bible ni la lire seul... Comment a-t-on pu affirmer que l'on pouvait se dire chrétien en refusant d'écouter la PAROLE QUI DONNE LA VIE ? On en voit aujourd'hui le résultat catastrophique: non enracinés dans la Parole, nourris d'une piété fade et de dévotions parfois puériles, des multitudes de baptisés ont lâché prise devant la puissante séduction du monde moderne.Heureusement le concile Vatican II a opéré un tournant::  " Il faut que l'accès à la Sainte Ecriture soit largement ouvert aux chrétiens... On peut espérer qu'un renouveau de vie spirituelle jaillira d'une vénération croissante pour la Parole de Dieu" (La Révélation)...  " Dans les célébrations, on restaurera une lecture de la sainte Ecriture plus abondante, plus variée et mieux adaptée.... Le Christ est présent dans sa Parole car c'est LUI qui parle tandis qu'on lit dans l'Eglise les Saintes Ecritures..." (Liturgie-  § 7) Belles déclarations mais qui, hélas, ne sont pas encore bien appliquées. Combien de chrétiens se pressent pour aller écouter la Parole qui leur donne la Vie ? Que de lectures non préparées, mal proclamées, non entendues, non assimilées. Saint Bernard appelait ses moines à « ruminer » la Parole ! Puis-je me permettre de recommander de ne pas seulement lire ces 2 pages mais de les reprendre au cours de la semaine en écoutant personnellement les Paroles évangéliques ? .....

19e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Thomas Edward Lawrence, mieux connu sous le nom de Lawrence d'Arabie vient un jour rendre visite à un de ses amis Thomas Hardy, poète renommé.  Ce jour-là, comme il servait dans la RAF, il était venu en uniforme d'aviateur.  Se trouvait également présent l'épouse du Maire de Dorchester.  Cette dernière était profondément vexée de devoir passer du temps avec un soldat, ignorant tout à fait à qui elle avait affaire.  Elle se tourna vers la femme du poète et lui dit en français que de toute sa vie elle n'avait jamais été obligée de devoir prendre le thé avec un simple soldat.  Personne ne dit rien puis Lawrence d'Arabie, dans un parfait français, se tourna vers la femme du Maire et lui dit : « excusez-moi madame, puis-je vous être d'une quelconque utilité en me faisant votre interprète car Madame Hardy ne connaît pas un mot de français ».  La femme suffisante et peu courtoise ne savait plus où se mettre tellement elle avait jugé sur les apparences et s'était trompée sur la personne qui était face à elle.

Il en va de même avec les contemporains de Jésus qui ne peuvent imaginer un instant que ce fils de Joseph est également le Fils de Dieu et qu'il vient à nous pour nous annoncer une merveilleuse nouvelle : il est le pain vivant descendu du ciel.  Un pain que ne se pétrit pas mais qui se donne entièrement, sans aucune restriction.  Un don du Ciel offert à chacune et chacun d'entre nous.  Mais quel est donc ce pain vivant si merveilleux dont le prix est à ce point inestimable qu'il nous est offert en toute tendresse par le Père ?  Le plus beau cadeau qu'un être humain puisse recevoir est la vie.  Le deuxième plus beau cadeau est lorsque cette vie peut se vivre au son de la musique de Dieu, c'est-à-dire lorsque nous faisons de Lui, l'unique voie à suivre, la seule nourriture substantielle qui vaut la peine.  En d'autres termes, lorsque nous décidons de répondre à l'invitation de la foi, la vie n'est pas qu'une simple réalité biologique qui commence à la naissance et se termine à l'heure de notre mort.  Dans cette perspective précise, le pain ne serait qu'une pure nécessité nous permettant de passer d'un jour au suivant.  Il en va tout autrement du pain vivant descendu du Ciel.  Ce pain fait de nous des êtres vivants même si nous sommes confrontés à la réalité de la maladie ou à certaines faiblesses inhérentes à notre condition physique.  Comme le soulignait Saint Irénée, au deuxième siècle déjà : la plus grande gloire de Dieu, c'est l'homme vivant.  Oui, par Dieu dans le Fils et soutenu par l'Esprit, nous sommes des êtres vivants.  Et la vie qui nous est promise se nourrit principalement d'un carburant bien spécifique et tellement divin.  Il s'agit de l'amour.  Le pain vivant n'est donc rien d'autre que cette capacité de pouvoir nous décentrer de nous-mêmes pour entrer dans une autre dimension de la vie qui ne se réalise que dans la rencontre de l'autre.  Le pain descendu du ciel est une manne de tendresse divine qui vient éclairer nos vies pour que nous puissions à notre tour être des luminaires d'amour partout où nous sommes et ce, quelles que soient nos situations personnelles.  Voilà la richesse du pain vivant.  Il ne tient pas compte de nos fragilités personnelles car il se laisse précisément rencontrer au c½ur même de celles-ci.  L'amour est fragile, l'amour nous rend fragiles puisque nous devenons dépendants de celles et ceux en qui nous déposons notre propre c½ur.  Et pourtant, c'est cet amour-là qui prend sa source en Dieu et qui vient à nous aujourd'hui encore.  Le Père s'est révélé à nous par le biais d'un charpentier.  Il n'a pas eu besoin des honneurs d'une société pour s'incarner.  Depuis l'événement de la Pentecôte, le Père continue de se révéler à nous par le biais de qui nous sommes lorsque nous devenons à notre tour pain vivant, pain d'amour les uns pour les autres.  Et c'est sans doute la raison pour laquelle ce pain nous ouvre le chemin de la vie éternelle.  Jésus nous le confirme : « si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ».  Et l'autre bonne nouvelle de ce jour est que l'éternité n'est pas pour demain, elle est déjà commencée.  Si nous vivons du pain de l'amour, nous avons déjà entamé notre vie éternelle.  Notre vie s'inscrit dans une nouvelle dimension.  Lorsque le frère Timothy Radcliffe prend l'avion et que l'hôtesse à l'aéroport en préparant son ticket lui demande si « Londres est sa destination finale », il se plaît toujours à répondre.  Non, ce n'est pas Londres, j'espère que ma destination finale sera le Paradis.  Pour que cette destination-là devienne également la nôtre, il nous suffit désormais de nous nourrir d'abord et avant tout du pain vivant, du pain de l'amour.  Il s'agit du pain de Dieu qui nous ouvre la voie de la vie éternelle.

Amen

18e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
Afin sans doute de ne pas allonger la lecture, la liturgie omet ( dommage !) l'épisode suivant du célèbre chapitre 6 de Jean commencé dimanche passé. Jésus a  donné du pain à la foule mais, fuyant l'enthousiasme populaire, il s'est enfui dans la montagne. Les disciples, désemparés par l'absence de leur maître, décident de rentrer en barque à Capharnaüm: l'obscurité est tombée, un grand vent soulève les vagues quand, tout à coup, ils voient Jésus marcher sur la mer ! Panique ! Mais Jésus leur dit: "C'est Moi ! N'ayez pas peur !". Peu après, ils touchent terre. Les gens, eux, sont demeurés sur place: le lendemain matin, ne voyant plus ni Jésus ni les disciples, ils retraversent eux aussi et, à Capharnaüm, ils retrouvent Jésus. Donc cette nuit marque une rupture : il s'agit de retrouver Jésus...le même...mais autre ! Qui le pourra ?...Un grand dialogue s'engage - essentiel !! ! -: en voici le début  (évangile de ce jour):- Rabbi, quand es-tu arrivé ici ?- Amen, amen, je vous le dis: vous me cherchez non parce que vous avez vu des signes mais parce que vous avez mangé du pain et que tous vous avez été rassasiés. Jésus n'est pas dupe: si les foules se pressent à sa rencontre, c'est parce qu'elles profitent de ses bienfaits: guérison des malades et distribution gratuite de nourriture! Remarquons que c'est l'unique fois des évangiles où Jésus a donné à manger ! Lorsque la foule en redemande, il coupe court nettement: il ne se laisse pas enfermer dans le rôle du médecin ni du bienfaiteur social - ce dans quoi le monde voudrait le confiner,  lui et son Eglise ! Il a soigné et nourri mais il n'y a là que des SIGNES c.à.d. des actions valables mais qui renvoient à autre chose. En effet à quoi bon recouvrer la santé et jouir du pain gratuit si l'on ne change pas de vie, si l'on demeure égoïste, cupide et orgueilleux? Ne voyons-nous pas comment notre société nantie exacerbe l'individualisme et érode la foi ?....Jésus renvoie les gens à leurs responsabilités: que fermiers et boulangers travaillent, que citoyens et autorités politiques veillent à la subsistance normale de chacun. Le Royaume de Dieu ne se réduit pas à des actions philanthropiques (pas plus qu'à des liturgies hypocrites) et l'Eglise n'est pas un organisme de sécurité sociale ni une institution scolaire ou humanitaire. Jésus poursuit : Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la Vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'Homme, lui que Dieu le Père a marqué de son empreinte.Certes le pain ordinaire est indispensable pour la vie du corps mais, si succulent soit-il,  il pourrit et il n'empêchera jamais son consommateur de "se perdre" et de mourir. Jésus tente d'orienter les c½urs à la recherche d'une autre nourriture: celle qui garde vraiment parce qu'elle donne la Vie éternelle c.à.d. la Vie divine. Les hommes sont impuissants à la fabriquer et à se la procurer: seul Jésus le peut, seul il pourra la donner. Parce qu'il est non seulement un homme mais "le Fils de l'homme que le Père a marqué de son sceau". Cette expression renvoie sans doute à la fameuse scène du rêve de Daniel quand le prophète vit "comme un fils d'homme qui approchait de Dieu et celui-ci lui donnait la souveraineté éternelle, une royauté qui ne sera jamais détruite" ( Daniel 7, 14) Dieu a donné à Jésus « l'Esprit sans mesure "(Jn 3, 34) tel un sceau qui a imprimé en lui la marque ineffable de la filiation divine.Les gens : " Que faut-il faire pour travailler aux ½uvres de Dieu ?"Jésus répond: " L'½uvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé"Les gens, intrigués, demandent les conditions: «  Que faire pour obtenir ce fameux pain ? que produire ?  quelles ½uvres Dieu exige-t-il de nous ? » Mais on n'achète pas la grâce à coup d'exploits ! Vous n'avez qu'une chose à faire, répond Jésus: CROIRE en moi, me faire confiance, m'écouter, obéir à ma parole, vous laisser conduire vers une découverte que vous ne soupçonnez pas. Car je suis l'initiateur du Règne de Dieu sur terre.Devant cette exigence, la foule se cabre ! Ce Jésus serait l'Envoyé, le Messie attendu ? Il faut en ce cas qu'il en fournisse des preuves, par exemple  réitérer le don du pain comme celui de la manne jadis.Ils lui dirent: " Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir et te croire ? Quelle ½uvre vas-tu faire ?...Au désert nos pères ont mangé la manne: comme dit l'Ecriture " Il leur a donné à manger le pain venu du ciel".La Bible raconte en effet que, dans le désert du Sinaï, les Hébreux subsistèrent grâce à une nourriture spéciale, la manne, imaginée comme un don tombant du ciel ( cf.1ère lecture) On sait qu'il s'agit en fait de "la sève d'un arbuste du désert qui suinte et se solidifie et peut servir de nourriture d'appoint" ( T.O.B.: note sur Exode 13, 15). Toutefois, à côté de la légende populaire, le livre du Deutéronome avait déjà fourni une interprétation plus spirituelle de cet épisode : " Dieu t'éprouvait pour voir ce qu'il y avait dans ton c½ur... Il t'a mis dans la pauvreté du désert, il t'a fait avoir faim et il t'a donné à manger la manne... pour te faire reconnaître que l'homme ne vit pas de pain seulement mais qu'il vit de toute parole qui sort de la bouche du Seigneur"                                                                                                                    (Deutéronome 8, 2-5)On avait donc compris le sens symbolique de la manne : puisqu'elle était un don de Dieu, imprévu, quotidien, fade et pauvre (toujours le même goût), mystérieux ( son nom était expliqué par l'hébreu "MAN-HU?" = Qu'est-ce que c'est ?),  elle signifiait la Parole de Dieu. Les Hébreux devaient reconnaître que Dieu, qui les avait fait sortir d'Egypte, ne les abandonnait pas, il les guidait de jour en jour, il les préservait des dangers. Ses Paroles étaient fiables, on ne devait pas douter de lui, on pouvait poursuivre la route en toute sécurité. La manne était la preuve que Dieu était fidèle: elle était le symbole de la Parole de Dieu, une Parole absolument sûre.Car Dieu s'adresse chaque jour à son peuple : on ne comprend pas toujours ce qu'il dit, on doit questionner ( "Qu'est-ce que c'est ?") et  avancer avec assurance: si Dieu a libéré son peuple, c'est afin de le conduire à son but. Il importe d'écouter, de se laisser guider dans la pauvreté et la confiance absolues. C'est pourquoi, se basant sur cette interprétation - pour la dépasser infiniment -  Jésus peut lancer solennellement  à la foule:Amen, amen, je vous le dis: ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel. Le Pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la Vie au monde.                ---      Ils lui dirent: " Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours ! ".Jésus leur répondit: " MOI JE SUIS LE PAIN DE LA VIE.  Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif"..Ici retentit la révélation stupéfiante: Cette Parole de Dieu, dit Jésus, c'EST MOI ! Il faut m'écouter, m'approprier, me mettre en pratique, me laisser vous conduire, "me manger" c.à.d. vivre de ma parole, vivre de moi ! Car s'il y a des paroles qui tuent, il y a la Parole de Dieu qui est Vie, qui fait Vivre, qui conduit à la VIE. Et lorsqu'on "vient à Jésus", c.à.d. quand on croit en lui, quand on l'écoute, quand on décide de pratiquer sa parole, alors l'homme, pèlerin de cette terre, est comblé. Le pain terrestre, comme la manne, ne nourrit que pour quelques heures et n'accorde qu'un sursis avant la mort tandis que celui qui mange la Parole de Dieu QUI EST JESUS, qui y croit au point de l'assimiler, de la "manger", celui-là vit  et vivra toujours ! Que cherchons-nous ? Un Dieu à notre service, qui répond à nos appels et qui satisfait nos requêtes ?...Ou bien acceptons-nous de nous laisser retourner ? C'est nous qui devons servir Dieu. Que nous dit-il ? Comment nous dit-il qu'il faut vivre ? La société de consommation qui entend assouvir tous nos besoins n'a-t-elle pas atrophié, éteint chez beaucoup, notre désir profond, notre désir de Dieu ? ...Ai-je faim de savoir ce que Dieu attend de moi ?...Suis-je à l'écoute attentive de la Parole qui, seule, me conduit à l'accomplissement de mon existence ?...

18e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Imaginez-vous un instant la situation cocasse suivante : vous vous trouvez par un malheureux hasard au c½ur d'une tribu de cannibales et vous essayez de sauver votre propre peau en posant cette question: Pourquoi mangez-vous des hommes ? Le cannibale vous répondra vraisemblablement qu'en fait, celles et ceux qui les connaissent savent qu'ils ne mangent pas d'hommes. En effet, les cannibales risquent d'être mis à mort sur-le-champ pour avoir attenté à la vie d'un homme, s'ils commettaient pareille ignominie. Mais, pourriez-vous alors protester, je viens juste de vous voir mettre mon meilleur ami dans la marmite. Ce n'était pas un homme, répondra-t-il en agitant avec force la tête. Qu'est-ce qu'un homme alors, lui demanderez-vous anxieusement, conscient de l'extrême importance de la réponse à cette question pour ne pas être le suivant dans la casserole. Un homme est un membre de la tribu, conclura le cannibale. Dans sa culture à lui, si vous n'êtes pas membre de sa tribu, vous n'êtes pas un homme. Vous êtes réduit à de la chair à consommer. Pour ma part, je jouerais sans doute dans la pièce du « veau gras ». Quoiqu'il en soit, si nous avions été confrontés à cette situation, vraisemblablement plusieurs d'entre nous, n'auraient pas compris ces subtilités culturelles.

Il en va sans doute de même avec ces nombreuses personnes qui avaient traité les premiers chrétiens de cannibales puisque ceux-ci mangeait la chair et le sang de Jésus. Ils n'avaient pas non plus compris toutes les subtilités sous-jacentes à ces paroles du Christ : «  Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif. » Pour entrer dans une telle dynamique, il nous faut d'abord faire nôtre cette autre affirmation du Fils de Dieu :

« l'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. » Il s'agit donc d'abord et avant tout de vivre dans son c½ur une rencontre ; une rencontre dans la foi avec Celui que le Père nous a envoyé ; une rencontre qui nous fait découvrir combien Dieu aime chacune et chacun d'entre nous. Comme le souligne Pierre Claverie, frère dominicain et évêque d'Oran lâchement assassiné le 1er août 1996, Jésus consent à s'abandonner, c'est-à-dire à être dépendant de cette conscience vive de la présence dans sa vie de Quelqu'un qui est le fondement même de sa liberté. En d'autres termes, le Christ consent à ce qu'il y ait en lui une source d'amour, extérieure à lui. En s'inscrivant de la sorte, il devient un homme libre. Comment ? En laissant Dieu être Dieu et en aucune manière en ne cherchant à prendre la place de Celui qui l'a envoyé. Cette expérience n'est en rien banale. En effet, vouloir être Dieu, chercher à se mettre à sa place, se croire tout-puissant, font partie de ces vieux démons qui peuvent nous habiter et nous envahir au point d'en perdre notre liberté intérieure. Nous courrons le risque d'être frustrés car nous n'arrivons pas par notre simple volonté à changer le cours des événements. Cette frustration vient d'un désir étrange : croire en un Dieu qui obéirait à toutes nos attentes, même les plus légitimes surtout lorsque nous sommes confrontés à l'injustice de la maladie ou de la perte d'un être aimé. Or, dès l'instant de la création de l'humanité, Dieu nous a laissé une part de sa toute puissance pour nous permettre, chacun avec nos dons, de participer à la construction d'un Royaume d'amour et de tendresse. Un royaume où seule la douceur règne puisqu'elle est la source de toutes nos actions, de toutes nos paroles. Dieu le Père se laisse advenir par chacune et chacun d'entre nous. Il nous convie ainsi dans la foi à prendre conscience que vit en nous une présence divine, ce Quelqu'un qui nous aime tels que nous sommes et qui nous accompagne sur la route de notre destinée. Aujourd'hui encore, le Christ vient nous révéler que, dans la vie de chacune et de chacun, il y a ce Quelqu'un que, dans la foi, nous osons nommer Dieu et qui nous aime avec une telle force, qu'il nous nourrit d'une confiance telle que nous pouvons avancer plus librement encore sur le chemin de la vie. « Celui qui vient à moi, n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif ». Ces mots ne sont pas vains. Ils nous permettent de découvrir que de mettre nos pas dans les traces du Fils nous ouvre une perspective plus grande encore que nous aurions pu l'imaginer car nous prenons conscience qu'accepter de suivre le Christ et ce, quelque soit notre état de vie, est une occasion unique pour être libre de toutes sortes de contingence car nous serons alors pétris de cette certitude que nous sommes aimés de Dieu. Par le Fils, le Père est entré dans notre vie. Nous avons fait une rencontre merveilleuse. Que l'amour devienne alors l'unique raison de nos vies.

Amen

17e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
Aujourd'hui l'Eglise "change de disque". Alors que nous étions arrivés au moment où Jésus va distribuer le pain à la foule, nous quittons  Marc pour lire ce même épisode dans Jean qui lui accorde une importance capitale: pas moins de 71 versets, l'entièreté du chapitre 6 ! Il faudra 5 dimanches pour en venir à bout. Seule la synthèse finale permettra d'en percevoir l'extraordinaire richesse. Jésus était passé de l'autre côté du lac de Tibériade (appelé aussi mer de Galilée). Une grande foule le suivait parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait en guérissant les malades. Jésus gagna la montagne et là, il s'assit avec ses disciples. C'était un peu avant la Pâque qui est la grande fête des Juifs.Jésus, premier nommé, guidera toute la séquence. Il entraîne ses disciples et la foule "de l'autre côté". L'endroit n'est pas précisé, ne le cherchons pas sur la carte. Il s'agit bien d'effectuer "un passage", de sortir de nos conceptions pour accéder à un nouveau monde. D'ailleurs on approche de la Pâque, la grande fête de printemps où l'on mange l'agneau rôti avec des pains azymes, en souvenir de l'EXODE, la sortie d'Egypte des ancêtres hébreux. Les allusions à cet événement fondateur seront nombreuses dans le texte. Donc le lieu et le temps concordent pour préciser l'enjeu fondamental: Quel est le nouvel "EXODE" à faire ? Comment les gens, qui ne sont avides que de guérisons spectaculaires, vont-ils "passer" à une nouvelle vision de Jésus et donc de l'existence ?.....Il monte sur une montagne (laquelle ?) avec ses disciples. Jadis Moïse et les anciens, après le passage de la mer, avaient gravi la montagne du Sinaï pour y recevoir la charte de l'Alliance. La mise en scène similaire fait donc penser à une Alliance nouvelle.Jésus leva les yeux et vit qu'une foule nombreuse venait à lui; il dit à Philippe: " Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ?" ( Il disait cela pour le mettre à l'épreuve car lui-même savait bien ce qu'il allait faire). Philippe répond: " Le salaire de 200 journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain". Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit: " Il y a là un jeune garçon qui a 5 pains d'orge et 2 poissons... mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ?"Nouvelles initiatives de Jésus: il décide de nourrir la foule ...qui n'a rien demandé ! Pourquoi ?   Parce que nous ne pouvons imaginer le don que Jésus va nous faire et qui va bien "au-delà "de tous nos rêves et de nos attentes. Ensuite il éprouve ses disciples  en les faisant buter sur leurs limites humaines. Philippe pense tout de suite à la grosse somme d'argent qui serait nécessaire  pour acheter assez de pain; et André ajoute : « A quoi bon  les petites provisions de ce jeune garçon ? »  L'impasse est totale. Mais jadis les ancêtres, libérés de l'esclavage, souffraient de la faim dans l'immense désert ! Or Dieu avait pris soin d'eux et ils avaient survécu grâce au "don de la manne". Eh bien maintenant Jésus va pouvoir, sans argent,  "donner du pain" parce que ce petit garçon a osé donner ses provisions. Il n'est pas enfermé dans la question financière et, à partir du peu, il fait éclater nos calculs dérisoires. Jésus dit: " Faites-les asseoir". Il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit.En effet, après les pluies d'hiver et au temps de la pâque, les pâturages reverdissent. Du coup Jésus va pouvoir se révéler comme le Seigneur, Bon Berger du psaume: il peut faire "reposer  son peuple sur des prés d'herbe fraîche" et celui-ci pourra dire: " Je ne crains aucun mal...tu prépares pour moi une table...Bonheur et fidélité me poursuivent " ( Psaume 23).INTERPRETATION EUCHARISTIQUEIls s'assirent donc, au nombre d'environ 5000 hommes. Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, les leur donna et de même avec les poissons, autant qu'ils en voulaient.       Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples: " Ramassez les morceaux qui restent pour que rien ne soit perdu". Ils les ramassèrent et remplirent 12 couffins avec les morceaux qui restaient des 5 pains d'orge ...Après les références au passé de l'Exode, Jean raconte le geste de Jésus avec le vocabulaire liturgique: on reconnaît les verbes de l'institution eucharistique tels que les chrétiens les entendent lors de leurs célébrations: prendre, rendre grâce, donner. Donc Jean ne se veut pas un historien décidé à raconter les faits dans leurs moindres détails afin de convaincre ses lecteurs de l'authenticité de l'événement. Bien plutôt il transpose l'événement passé dans le présent des croyants. Il semble dire: " Ne perdez pas votre temps dans des enquêtes interminables sur un "ancien miracle": comprenez que le geste de Jésus était un "signe" de ce qu'il veut réaliser encore aujourd'hui avec vous". -----     On voit clairement que tous les détails du récit renvoient à l'Eucharistie :En effet le repas offert par Jésus peut se dérouler n'importe où.Il s'agit d'un Pain "pascal" qui célèbre et réalise la sortie de l'égoïsme du monde de l'argent où tout doit s'acheter, où certains peuvent s'empiffrer tandis que des multitudes meurent de faim.D'un Pain qui a été préparé par des mains humaines mais qui est "pris" en mains, assumé par Jésus - il serait donc faux de réduire ce repas à un geste de solidarité entre hommes.      D'un Pain sur lequel Jésus prononce l'"Eucharistie" (action de grâce adressée à Dieu). Il s'agit d'un Pain "consacré".      D'un Pain qu'il donne lui-même ( Jean a bravé la vraisemblance en précisant que c'est Jésus seul qui a donné à chacun un morceau !?...). En effet même si ce sont les apôtres ou les prêtres qui le distribuent, nous recevons le Pain de Jésus lui-même.Ce Pain est unique, seul capable d'apaiser notre désir profond d'amour, de justice et de paix - alors que les nourritures terrestres ne calment  que nos besoins.Ce Pain, on ne peut le gaspiller : il faut le conserver car à chaque Repas du Seigneur, il y a "des restes" qui seront utilisés ensuite pour les malades.     Ce Pain veut rassembler les hommes et les femmes de toutes conditions et de tous pays pour en faire le Peuple de Dieu uni dans l'amour de Dieu.( Jean ne dit pas "ramasser les restes": il écrit "rassembler" parce que ce mot était utilisé pour désigner les réunions eucharistiques)    Ce Pain a pour but de "sauver" l'humanité, de la retirer du chemin de perdition ( "afin que rien ne soit perdu")    Ce Pain " fait l'Eglise" représentée par les 12 apôtres.A la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient: " C'est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde !". Mais Jésus savait qu'ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi; alors de nouveau il se retira, seul, dans la montagne".Moïse avait dit: " C'est un prophète comme moi que le Seigneur ton Dieu suscitera du milieu de toi, entre tes frères, c'est lui que vous écouterez" ( Deutér.18, 15). Et on pensait que ce prophète pourrait réitérer les merveilles de l'Exode: libération de la servitude, don de manne gratuite. La foule croit donc que Jésus réalise cette figure et elle projette de le couronner. Mais Jésus refuse de se laisser enfermer dans un messianisme terrestre, dans l'image d'un sauveur "social" qui guérit et donne à manger gratuitement. Il grimpe plus haut dans la montagne, il fuit dans la solitude pour rencontrer son Père.Il est donc vain de se demander comment Jésus a "multiplié le pain" (expression qui n'est pas dans le texte). Soyons émerveillés: Jésus accomplit les Ecritures, il conduit l'Exode définitif et il continue à nous inviter à partager "le Repas du Seigneur". Une seule condition: à l'exemple du petit garçon, oser donner ce que l'on a et entrer dans le peuple pèlerin emporté par l'Eucharistie. 

16e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
Belle pagaille autour de Jésus: les hommes qu'il avait envoyés en mission quelques semaines auparavant reviennent les uns après les autres et racontent ce qu'ils ont vécu pendant ces voyages.Après leur mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus et lui rapportent tout ce qu'ils ont fait et enseigné.Jésus est le c½ur battant de son Eglise missionnaire: c'est lui qui envoie, qui apprend les méthodes, qui transmet ses pouvoirs et c'est autour de lui que les envoyés doivent se recentrer pour rendre des comptes. Le message a été proclamé, il est devenu acte; à présent il devient récit. Première leçon de ce jour: si une paroisse se renferme sur elle-même et sur ses petites activités (le nombre de baptêmes et de communions, l'organisation de pèlerinages), s'il n'y a pas communication des événements d'Eglise, il ne faut pas s'étonner qu'elle n'intéresse plus. Une cellule chrétienne n'a de sens qu'insérée dans l'immense réseau mondial, dans l'effort missionnaire incessant. Qui est au courant des récents massacres de nos frères chrétiens au Pakistan, en Inde, en Irak ? Jamais dans l'histoire de l'Eglise, il n'y a eu autant de martyrs: où en parle-t-on ? La foi chrétienne se joue dans l'histoire: une foi qui ne se dit pas dans les faits devient une idéologie ou se dissout dans une piété désincarnée.Jésus leur dit: " Venez à l'écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu". De fait les arrivants et les partants étaient si nombreux qu'on n'avait même pas le temps de manger.Les apôtres sont émerveillés par ce qu'ils ont accompli: cela dépassait tellement leurs propres capacités ! Mais cela n'alla pas sans mal. Ici, accueil chaleureux, guérisons de malades,  enthousiasme du village; là, combien de refus, de sarcasmes, de coups, combien d'heures le ventre creux, de nuits à la belle étoile ?...Mais que de choses à raconter, que d'expériences à partager ! 2ème leçon: savons-nous écouter le frère qui explique son travail ? N'y a-t-il pas parfois de la jalousie ?En tout cas, à présent, l'agitation est telle que les missionnaires n'ont même pas le temps de se restaurer. 3ème leçon: Jésus n'a jamais fixé de programme de jeûne, de périodes de renoncements. Des événements imprévus bousculent les prévisions, des importuns surgissent tout à coup qui chahutent les projets élaborés. L'ascèse ne s'inscrit pas dans un planning: elle s'improvise dans la bousculade des relations.Jésus remarque que ses disciples sont recrus de fatigue: un temps de repos à l'écart de la foule est nécessaire. Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l'écart. Les gens les virent s'éloigner et beaucoup les reconnurent. Alors à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.Pas de chance ! A nouveau les gens torpillent le projet de vacances. Car l'effervescence populaire grandit au fur et à mesure que l'on découvre l'ampleur du mouvement qui est en train de naître dans ce coin de Galilée. De la rive, les gens observent la barque et suivent le long du rivage. Les apôtres, et Jésus, ne sont-ils pas en train d'apprendre qu'ils doivent "se laisser manger" par les gens ? La suite va montrer le sens réel de cette expression.En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. Les apôtres ont dû râler sec ! Je les imagine hurlant à la foule: " Rentrez chez vous ! Laissez-nous tranquilles! On part en vacances !...". Mais Jésus, lui, a une tout autre réaction et il faut la souligner car elle est capitale: il voit la foule...et il est - non pas "saisi de pitié" selon la traduction officielle car la pitié connote souvent une émotion marquée de condescendance -  mais "étreint aux entrailles". Le verbe vient de l'hébreu "rehem" qui signifie "matrice" et, dans les 4 évangiles, il est strictement réservé à Dieu et à Jésus. Choc de tout l'être comme celui d'une mère bouleversée devant le fruit dévasté de sa chair. Côté féminin, maternel de Jésus.Et qu'est-ce qui provoque cette compassion ? :                                        "ils sont comme des brebis sans berger". En ce pays et en ce temps-là, avec la rareté des sources, la pauvreté des pâtures et la fréquence des prédateurs, les brebis ne doivent leur salut qu'à leur BERGER ! Lui seul peut les tenir groupées, les conduire aux sources vives, les défendre contre toute agression.Jésus perçoit que le grand malheur des hommes est de ne pas avoir de vrai guide ! Leurs chefs ( rois, hommes politiques, leaders religieux ) défaillent, ne réalisent pas leur tâche, ne secourent pas les plus faibles, favorisent les plus forts, et même souvent aggravent les divisions. Même ses apôtres, tout fiers de leurs exploits, n'ont pas réussi à UNIR les hommes !Jésus se présente comme LE VRAI BERGER, celui que les Ecritures annonçaient:" Parole du Seigneur: misérables bergers qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage ! A cause de vous, mes brebis se sont égarées et dispersées ! Je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis..Je les ramènerai dans leurs pâturages...Voici venir des jours où je donnerai à David un Germe juste: il règnera en vrai Roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice...Voici le nom qu'on lui donnera: "Le Seigneur est notre justice"( Prophète Jérémie, chap. 23 = 1ère lecture de ce jour )Formidable promesse et avec quelle ambigüité ! Après l'échec général des rois et des prêtres ( c.à.d. de la politique et du culte),  DIEU lui-même promet de venir comme guide du peuple...Mais en même temps ce Guide sera le descendant de David. Nous retrouvons la fameuse question, fil rouge de l'évangile de Marc: " QUI DONC EST JESUS ?". Réponse: l'homme de Nazareth. Certes- mais encore ???.......Jésus renonce à ses vacances, à son pique-nique avec ses disciples. Les divisions,  les brutalités, les déchirements des familles, les jeunes conduits au précipice, l'isolement des victimes: tout cela le bouleverse, le chavire, le pousse à l'action immédiate. Comment unir les hommes ? comment remédier à la vie absurde ? : PAR  SA  PAROLE , l' EVANGILEAlors il se mit à les instruire longuement       ( traduction T.O.B.: "il se mit à leur enseigner beaucoup de choses" ).La Parole de Jésus est joie de la Bonne Nouvelle parce qu'elle guérit nos inimitiés, apaise nos ressentiments, nous unit dans le C½ur d'amour de Dieu. Il nous faut, encore et toujours, ECOUTER L'EVANGILE. La Parole  de Jésus fait un peuple, crée une Eglise universelle. Des foules aujourd'hui meurent parce que, saoules de bavardages creux, matraquées par des slogans menteurs, elles n'entendent pas le Joyeux Message.   

16e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Nous sommes nombreux à nous lasser de ces images de bergers qui nous rendent méfiants. Faut-il intégrer un troupeau, se conformer aux réflexes du groupe, de manière grégaire et soumise ? Quelles sont donc les intentions de ceux qui utilisent aujourd'hui un tel vocabulaire ? Qui peut se prétendre berger des autres ? Au nom de quelle supériorité ? Faudrait-il revenir aux royautés de droit divin, comme il en existe encore en certains endroits de la planète, au Maroc par exemple ? L'esprit critique est maintenant tellement répandu qu'il n'est plus possible de parler naïvement de bergers et de troupeaux. Il y a un problème dans l'exercice de l'autorité et cela à tous les niveaux.

Car, de fait, cela va mal. Il y a des exceptions certes, des personnages exceptionnels capables et dévoués. L'élection d'Obama vient de faire renaître l'espoir chez les désabusés, mais pour combien de temps ? Car, dans l'énorme majorité des cas nous avons raison de nous plaindre, comme le prophète Jérémie, comme Jésus, comme le tout venant : nos politiques manquent d'idées, de souffle, de générosité, ils manquent de sincérité. Ce sont des mercenaires plus que des gens dévoués. Ils cumulent les fonctions et profitent de tout. Or ce qui est vrai pour la politique est vrai aussi pour l'économie, avec leurs « parachutes dorés » les soit disant « responsables » ont un réflexe commun : « courage, fuyons » ! Ils ne se contentent pas de fuir, ils préparent leur fuite avec préméditation... Alors je me pose une question : après le politique et l'économique, le religieux serait-il différent ?

Comme religieux et ancien responsable moi-même, je suis tenté de dire que oui, par solidarité de classe, probablement. Pour être supérieur, nul n'est davantage payé, mais les nuits sont courtes et les soucis nombreux. Les projets sont immenses, aux dimensions de l'Evangile, et les ressources limitées. Il faut être un peu fou pour accepter certaines charges aujourd'hui, ou bien très vaniteux... Dans l'Eglise que nous connaissons, ce sont en général de braves gens, pas toujours très malins car ils sont choisis en fonction d'un profil bien défini. L'esprit «  troupeau » et « conformiste » se trouve paradoxalement davantage du côté des bergers que du côté de la base des chrétiens. Ils ont « bon esprit », c'est gentil mais en temps de crise, cela ne suffit pas, il faudrait de vrais prophètes, des innovateurs, des bergers qui ne marchent pas derrière, mais devant. Et surtout, s'ils marchent derrière, qu'ils ne regardent pas en arrière par-dessus le marché ! Qu'ils soient libres dans leur tête, dans leur c½ur, qu'ils disent ce qu'ils pensent, c'est-à-dire qu'ils osent penser et qu'ils parlent autrement que de manière ventriloque pour répéter une langue de bois officielle que tout le monde a déjà entendu. Mais la critique est aisée, l'art plus difficile...

Alors que faire ? Opter pour l'anarchie, comme ces groupes évangélistes qui pullulent ? Surtout pas.  Nous sommes incarnés et de même que nous ne pouvons échapper à notre corps, socialement nous avons besoin d'institutions.

La question est bien sûr celle du pouvoir et du service du bien commun. Il ne suffit pas de changer les tenants du pouvoir, il ne suffit pas de faire des révolutions et de mettre les opprimés à la place des oppresseurs, il faut changer la nature du pouvoir. Mais la question, quand il s'agit des choses de Dieu (et tout, finalement, de près ou de loin, se rattache à Dieu), la question est de savoir pourquoi il ne prend pas tout en main, pourquoi il a délégué.

A-t-il délégué dans le passé ? Va-t-il tout reprendre en main comme le souhaite Jérémie ? Faut-il situer son espérance dans cette dynamique là, celle de la théocratie, à la manière médiévale, à la manière marocaine ? Faut-il continuer à se plaindre de la sécularisation et entretenir la nostalgie d'un pouvoir clérical ? Ou, à l'inverse, s'agit-il de découvrir qu'il est  dans la nature même de Dieu, dans son  essence même de créateur, de s'effacer et de déléguer de plus en plus. Découvrir que l'½uvre de Dieu, c'est aussi de susciter chez nous une responsabilité authentique, qui n'est nullement un jeu et qui doit s'exercer de manière intelligente, compétente, et avec générosité... Nous devenons de plus en plus responsables de la planète et de la survie même de l'humanité, cela les générations antérieures ne le vivaient pas aussi intensément.

Cette question ici, déborde le plan de la simple difficulté de notre organisation, elle est une question théologique : comment Dieu exerce-t-il ses responsabilités ? Comment nous associe-t-il à sa mission, à ses projets, à ses ambitions pour l'humanité ? Comment nous associe-t-il à sa vie, finalement, faisant  de nous véritablement des partenaires, des vis-à-vis, plus que des serviteurs ? N'est-ce pas là le programme politique de Dieu,  que Jésus reconnaît très clairement quand il nous dit : « Je vous appelle amis » ?... Ce programme a un coût, celui de nos errances, de nos erreurs, celui de notre liberté.

Ce coût, il est le premier à en payer le prix, avec les plus faibles, les enfants et les vieux. Pourquoi donc le peuple se retrouve-t-il sans bergers ? On ne manque jamais de candidats pour diriger ! Pilate, Hérode, Caïphe étaient certainement très occupés. Jésus, en pleine conscience de cause choisira Pierre qui a renié mais aussi  Paul qui a persécuté. Peut-être les bergers doivent-ils savoir d'où ils viennent et témoigner du pardon qui les a renouvelés ?

Pourquoi notre Dieu n'exerce-t-il pas directement sa responsabilité ? Pourquoi Pourquoi Jésus refuse-t-il d'être roi ? Pourquoi veut-il tellement déléguer ? Parce qu'il nous aime finalement... Alors, à notre tour, allons-nous aussi accepter de déléguer, de partager les responsabilités, d'éveiller les libertés ? Avec l'âge, de toute façon, il le faudra bien, mais vivons le positivement : c'est le processus même de la vie et de l'amour qui se communique et se transmet à travers les différentes générations.

15e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
L' Envoi en Mission Dès le début de sa mission, Jésus a tout de suite appelé quelques hommes à le suivre (1, 16); après un certain temps, parmi tous les disciples qui l'avaient rejoint, et de façon solennelle, il en a institué DOUZE, d'abord "pour être avec lui" (3, 14)., l'accompagner partout. De jour en jour, Jésus a fait leur écolage sur le terrain. Aujourd'hui il les juge capables de collaborer à sa mission.Jésus appelle les Douze et, pour la 1ère fois, il les envoie deux par deux; il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais.L'Eglise n'est pas une organisation qui décide de diffuser son programme ou de faire du bien aux hommes. Son travail fondamental s'appelle "l'apostolat". Et pour être un "apôtre", il faut d'abord être choisi et appelé: on ne s'attribue pas cette charge, on n'en prend pas l'initiative sous prétexte que l'on déborde de dynamisme et que l'on a envie de changer le monde. Il faut d'abord que, patiemment et longuement, on se mette à l'"école de Jésus", qu'on écoute ce qu'il dit, qu'on examine ce qu'il fait et comment il procède. L'apôtre ne doit jamais oublier la signification de son nom qui signifie "envoyé". On ne s'élance pas de soi-même, on part en tant que représentant d'un autre: si le lien avec Jésus s'atténue ou s'oublie, on ne sera plus un évangélisateur ou un missionnaire mais un activiste, un philanthrope, un révolutionnaire, un leader qui veut imposer ses conceptions. On ne part pas seul mais "deux par deux" 1) afin de pouvoir s'épauler en cas de besoin, 2) aussi parce que la Loi juive exige deux personnes pour apporter un témoignage valable, 3) enfin et surtout parce que la mission est une ½uvre à réaliser ensemble. On ne vient pas faire son "one-man-show": on apprend à collaborer, à unir les talents des uns et des autres. Le curé ne monopolise pas tout le travail, il confie des tâches, il suscite la solidarité; le grand théologien ne dédaigne pas la petite catéchiste; le prédicateur s'appuie sur une contemplative enfermée dans son cloître.La preuve que la mission chrétienne ne se réduit pas à une ½uvre humaine d'aménagement politique, de propagande d'un idéal, de gestion des ressources humaines, d'amélioration de la planète, c'est que les envoyés doivent recevoir la puissance même de Jésus . Car il y aura lutte - et terrible et sanglante -: jamais  directement contre des personnes mais contre les mystérieuses forces du mal et contre la mort. Bien naïf l'apôtre qui imagine qu'il suffit d'un grain de bonne volonté !Il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route si ce n'est un bâton; de n'avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture. " Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange".L'apôtre ne peut s'encombrer de rien, il doit même se dépouiller. Ni argent ni moyens de subsistance ni parures superflues. Le minimum: un vêtement, un bâton et des sandales. N'est-ce pas une référence à la tenue exigée pour le repas pascal: " les reins ceints, les sandales aux pieds, le bâton à la main" ( Exode 2, 11) ?  Cela sous-entendrait que la mission effectue le véritable "exode" de l'humanité: avec Jésus, nouveau Moïse, les Douze retirent les hommes hors des ténèbres du péché pour les conduire vers le Royaume du Père.La mission est urgente, ½uvre de commandos libérés de toute surcharge, manifestant une totale disponibilité. Leur désintéressement et leur pauvreté témoignent de leur espérance, appellent les hommes à sortir de la prison du passé, à abandonner leurs possessions qui les possèdent, à quitter l'ornière du  matérialisme qui les pousse à avoir toujours plus.Il leur disait encore: " Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ..."Les apôtres ne sont pas des anges désincarnés: il leur faut bien vivre. Seule issue: se laisser accueillir. Ainsi il y aura un véritable échange: s'ils sont fiers d'apporter les trésors du Royaume, ils auront besoin de recevoir, de manger dans la main de la Providence en acceptant d'être hébergés par de nouveaux amis. Car la foi ne transporte ni au ciel ni dans les lieux sacrés des synagogues ou des temples: elle se vit dans les maisons, au c½ur de la vie familiale et professionnelle. L'Evangile n'est pas une évasion dans "le sacré" mais une nouvelle façon de vivre les relations et de pratiquer l'hospitalité et les échanges. Jésus prévient ses apôtres de ne pas papillonner à la recherche de la meilleure table,  du nid le plus douillet. L'accueil frugal chez des pauvres sera mieux que la table somptueuse des nantis.Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds: ce sera pour eux un témoignage.Cet acte est bien connu dans l'antiquité: il scelle le refus de l'accueil. Mais quel terrible symbole ! : "Vous refusez l'accueil du Royaume de la Vie ? Eh bien, comprenez donc que vous  restez dans celui de la mort !". En vérité, l'annonce de la Bonne Nouvelle n'est pas un luxe, un superflu, un passe-temps !...Ils partirent et proclamèrent qu'il fallait se convertir. Ils chassaient beaucoup de démons, faisant des onctions d'huile à de nombreux malades, et les guérissaient.En finale enfin se dit l'essentiel de l'½uvre des apôtres: proclamer (c.à.d. proposer sans imposer) l'urgence de la conversion, appeler à croire à la Bonne Nouvelle donc à changer de point de vue, de projet, de manière de vivre. En outre, par la grâce reçue du Seigneur, ils exorcisent, ils peuvent délivrer du mal. Et ils montrent la réalité de sa puissance en oignant les malades - ce qui deviendra ce sacrement que, hélas, on a longtemps confiné comme "extrême onction" et qui est redevenu un magnifique témoignage de la mission chrétienne qui vient de toute urgence libérer l'homme et le remettre debout.Ce petit texte vous semble refléter une pratique d'un autre âge ?Et si on l'appliquait à notre  Eglise d'aujourd'hui?Les successeurs des Apôtres sont les Evêques, a répété le récent concile. Donc, chaque évêque, à la tête d'une Eglise locale (= diocèse), pourrait, comme Jésus, s'entourer d'une douzaine de collaborateurs: ensemble ils formeraient l'équipe apostolique de base. Ils circuleraient à travers tout le diocèse pour faire ce que Jésus a ordonné aux Apôtres: essentiellement proclamer l'Evangile - ensuite l'expliquer-  et conduire la lutte contre le mal (en offrant le pardon, en réconciliant les frères ennemis, en apaisant les tensions, en veillant aux personnes souffrantes, en oignant les malades)Comme les premiers envoyés, ils iraient non en haillons mais en pauvreté, sans possessions, sans falbalas. Menant une vie sobre, ils solliciteraient l'accueil des petites communautés locales, les paroisses, lesquelles, comme aux origines, seraient administrées par "des anciens"-...lesquels - pourquoi pas ? -  pourraient être  des couples mariés (?!...)En circulant de la sorte, les "envoyés" établiraient un réseau, tisseraient les liens entre paroisses, les incitant à s'entraider et les ouvrant à la mission universelle de l'Eglise. Par leur mouvement permanent et leur pauvreté, ils apprendraient aux chrétiens ce qui leur manque sans doute le plus aujourd'hui: perdre la mentalité matérialiste, redevenir un peuple en marche, animé par l'espérance, joyeux de croire et d'aller à la rencontre du Seigneur.

14e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
En Belgique, lors de nombreuses célébrations de mariages, les fiancés ou souvent plutôt les mamans des fiancés, apprécient qu'ils prennent le temps de faire un beau petit carnet présentant le déroulement du sacrement.  Ce carnet a un double avantage : il permet aux malentendants de suivre la célébration et aux copines des mamans des fiancés de reprendre le carnet chez elles et de le mettre dans une boîte pour que cela puisse servir le jour où un de leurs enfants devra préparer son mariage.  Toutefois, ce type de carnet a également deux désavantages : l'assemblée passe son nez dedans plutôt que de suivre ce qui se vit mais surtout, en attendant l'entrée de la suite, beaucoup de personnes l'auront déjà parcouru et jetteront un bref coup d'½il sur les textes choisis.  De la sorte, ils ne se laisseront plus surprendre par ce qui va se vivre dans l'heure qui suit. Ils savent déjà tout ce qui va se lire et se dire.Sans doute un peu comme ces habitants de la région de Jésus.  Leurs interrogations semblent démontrer qu'ils ne sont pas prêts à se laisser surprendre, à se remettre en question.  Ils ont labellisé le Christ et refusent de le voir autrement que ce qu'ils imaginent de lui.  C'est évidemment tellement plus facile d'enfermer l'autre dans nos propres jugements, de penser que nous en saisissons tous les contours, qu'il ne pourra rien nous apporter de nouveau.  N'est-ce point rassurant ?  De la sorte, aucun pouvoir n'est donné à celui qui veut s'exprimer.  Nous l'avons empêtré dans nos images qui ne lui permettent pas de pleinement exister.  Il me semble qu'il n'y a rien de pire que d'enfermer un être humain dans une partie de ce qui fait sa spécificité, comme si la partie disait le tout.  Même notre langue française peut prêter à confusion.  Dans un hôpital, nous entendons souvent au détour d'un couloir que telle personne est malade comme si la maladie disait le tout de son être.  Or, lorsque je suis atteint d'une maladie, je ne me réduis pas à elle.  Je reste l'être que je suis même si je suis encombré par ce qui me fragilise.  Dire « je suis malade », c'est étymologiquement reconnaître que « je suis mal habité », c'est-à-dire habité par quelque chose qui ne me fait pas du bien et que j'ai à combattre par tous les moyens mis à ma disposition.  Je ne m'identifie pas pour autant à ce qui me traverse même si ce que je vis est profondément douloureux.  Tout comme j'ai à permettre à l'autre d'être autre que ce j'avais pensé de lui, j'attends également que les autres ne m'enferment pas dans une image mais me reconnaissent comme un être à part entière, en toutes ces dimensions de joie et de peine, de qualités et de zones plus grises.  En fait un être humain, mieux encore un être toujours en devenir.  Et ici aussi l'évangile entendu ce jour peut nous aider.  Il est intéressant de constater que les habitants du village de Jésus ne s'occupent absolument pas de sa destinée, de vers où il veut les conduire.  Non, par leurs questions, ils préfèrent l'enfermer dans son passé, c'est-à-dire dans ce qu'ils croient connaître.  Ils cherchent plutôt l'origine alors que la réponse se trouvera vraisemblablement dans la finalité.  Très souvent, nous aussi, lorsqu'il nous arrive quelque chose, nous cherchons à comprendre.  Nous voulons savoir pourquoi cela nous arrive ici et maintenant.  Nous risquons même parfois de nous enfermer dans une spirale mortifère, une litanie de pourquoi qui resteront à jamais sans réponse.  La solution n'est pas dans la thématique de l'origine.  Il y a tant de pourquoi qui sont synonymes de mystère non pas à résoudre mais à intégrer dans l'histoire de sa propre vie.  Une fois encore, le Christ vient nous convier à quitter une démarche protologique, en d'autres termes tournée vers le passé, vers l'origine pour entrer dans un chemin eschatologique, cette fois ouvert vers un avenir, vers demain.  Nous quittons les « pourquoi » et nous vivons les « pour quoi », c'est-à-dire « pour en faire quoi ».  Comment pouvons-nous grandir, apprendre, aimer encore mieux lorsque nous sommes traversés par l'expérience de la maladie, du deuil, de la perte de sens ?  Comment nous laisser à nouveau surprendre par la beauté de notre quotidien car nous aurons acquis la conviction que l'essentiel se vit dans l'amour offert et partagé ?  C'est cela que le Christ vient nous proposer aujourd'hui.  Mais sommes-nous capables de l'entendre ?  Sommes-nous encore des croyantes et croyants étonnés de Dieu ?  Des hommes et des femmes tournés vers le mystère de demain en toute confiance car pétris de cette espérance que le Fils de Dieu marche à nos côtés et que l'Esprit nous porte pour un jour vivre cette rencontre avec le Père, une rencontre d'éternité puisque c'est celle-là même qui nous a été promise ?  Laissons-nous conduire vers l'avenir, vers demain et que l'étonnement soit toujours cette lumière intérieure qui fera briller notre vie aux mille couleurs de Dieu.Amen

13e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Dimanche passé, nous avons vu que lorsque Jésus décide de partir en mission, ses disciples doivent s'attendre à traverser des tempêtes. Mais au c½ur du péril, ils découvrent un Seigneur qui les sauve.  Trois événements s'ensuivent : Jésus va à nouveau montrer sa puissance en libérant successivement un homme, une femme puis un enfant.1.    LIBERATION  DE  L'HOMME  VIOLENTD'abord, en abordant à l'autre côté du lac, en pays païen, se déroule un épisode très bizarre, non repris en liturgie. Voici que surgit un énergumène, nu, hantant les cavernes des tombeaux, se tailladant le corps avec des pierres, et que personne n'avait jamais réussi à ligoter. Mais ce fou est lucide: " Que me veux-tu, Jésus, Fils de Dieu?". D'une parole, Jésus le libère de ses démons qui s'engouffrent dans des porcs et le troupeau de se jeter dans la mer tandis que le sauvage retrouve son calme. Ainsi Jésus est capable de guérir l'homme hanté par la violence et d'apporter la paix dans une région ravagée. Mais, accourus et stupéfaits, les villageois, au lieu de se réjouir de la guérison du forcené, prient Jésus de s'en retourner dans son pays. Bien des gens refusent le Christ s'ils doivent consentir à perdre des revenus et renoncer ...à "leurs cochonneries" !                       L'évangile d'aujourd'hui embraie avec la suite de l'histoire.* * * On retraverse le lac pour rejoindre la Galilée où aussitôt une grande foule s'amasse autour de Jésus. Survient  un pauvre papa qui implore:  Jaïre, un responsable de synagogue, tombe aux pieds de Jésus et le supplie: " Ma petite fille est à toute extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu'elle soit sauvée et vive". Jésus partit avec lui; la foule qui le suivait était si nombreuse qu'elle l'écrasait.2.     LIBERATION  DE  LA  FEMMETout à coup dans la cohue, se glisse une femme qui souffrait d'hémorragies depuis 12 ans: elle avait vu beaucoup de médecins, dépensé toute sa fortune sans nulle amélioration. La Loi lui défendait d'être là car son état la rendait rituellement impure (Lévitique 15) et lui interdisait tout contact.Ayant appris ce qu'on disait de Jésus, elle vient par derrière dans la foule et touche son vêtement. Car elle se disait: " Si je parviens seulement à toucher son vêtement, je serai sauvée"...A l'instant elle ressentit dans son corps qu'elle était guérie. Jésus se rend compte qu'une force est sortie de lui: "Qui a touché mes vêtements ?". Ses disciples sont surpris: " La foule t'écrase et tu demandes qui t'a touché ?". Alors la femme craintive et tremblante, se jette à ses pieds et lui dit toute la vérité. La foule se pressait contre Jésus (comme aujourd'hui pour toucher une idole de la chanson ou du sport) mais ne "touchait" pas son être. La femme, elle, alors qu'elle ne pouvait se joindre au culte ni même toucher personne sous faute de transmettre son impureté, a bravé l'interdit, s'est approchée avec une folle espérance et le contact de foi avec Jésus l'a purifiée.Sa démarche est-elle teintée de superstition, de magie ?...En tout cas Jésus ne le pense pas et il la félicite:Jésus reprend: " Ma fille, ta foi t'a sauvée; va en paix et sois guérie de ton mal".Malgré tous ses échecs précédents, elle ne s'est pas résignée à son état: elle a cru à ce qu'on lui rapportait de ce Jésus et elle a osé, elle a fait confiance. La foi est un désespoir surmonté, une main tendue vers le Christ qui peut sauver. Et la personne de Jésus guérit instantanément, sans condition, la pauvre qui humblement osait croire. Il la sauve de sa honte, de sa marginalisation, il lui restitue sa féminité, il la réintègre dans la communauté, il la comble de sa paix.3.     LIBERATION  DE  L'ENFANTDes gens accourent de chez Jaïre et lui annoncent le décès de sa petite fille. Mais Jésus lui dit: " Ne crains pas: crois seulement". Il refuse que personne l'accompagne, sauf Pierre, Jacques et Jean. A la maison, des gens pleurent et poussent de grands cris. Jésus leur dit: " Pourquoi cette agitation ? L'enfant n'est pas morte: elle dort" On se moque ! Avec le père et la mère et les trois disciples, Jésus pénètre dans la chambre. Il saisit la main de l'enfant et dit: "Talitha koum" - ce qui, en araméen, signifie: " Jeune fille, lève-toi". Aussitôt la petite se lève et marche (elle avait 12 ans). Tous sont complètement bouleversés. Jésus leur recommande que personne ne le sache; puis il dit de lui donner à manger".La mort arrêtait la petite dans l'enfance, au moment de sa puberté. Jésus lui rend un corps vivant, lui ouvre son avenir de femme qui pourra s'épanouir dans la future maternité. Qui est celui-là qui peut même libérer de la mort !!??? ***A l'inverse des autres évangélistes, Marc ne rapporte presqu'aucun discours de Jésus mais il accorde  une place énorme à ses miracles : ici, à la fin de son 5ème chapitre, on a déjà lu 8 récits, souvent très détaillés, et en outre, il a  noté à deux reprises que Jésus guérissait un grand nombre de gens (1, 34; 3, 10). Tout son livre veut montrer la réalisation de la proclamation originelle de Jésus: " Le temps est accompli: le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle" (1, 15). Une réalité toute neuve est apparue sur la terre - "Dieu en Jésus a inauguré son royaume" -  et cela  se manifeste. Il est donc faux de réduire l'Evangile à un système de croyances et de rites, à une évasion dans le monde éthéré des belles âmes. Faux de dédaigner le corps, de juger la maladie comme une fatalité ou un châtiment de Dieu, d'en appeler à la résignation. Certes l'essentiel exigé est " Convertissez-vous, croyez à l'Evangile": l'entrée sous le pouvoir divin appelle une réponse, un changement de vie, une FOI. Mais cette foi se joue aussi dans les corps. Ce n'est pas pour rien qu'un tiers des établissements qui soignent les malades du sida en Afrique est tenu par les Eglises.Marc présente Jésus comme un guérisseur - des corps par ses contacts et des âmes par le pardon (2, 10; 2, 17).  Les souffrants sont des personnes en appel, ils accourent vers Jésus avec cris et larmes. Et Jésus, loin de se détourner d'eux, de trouver leur démarche intéressée et superstitieuse, sait reconnaître en eux un élan de foi, de confiance.Aujourd'hui, loin d'appuyer la foi, les récits de miracles constituent pour beaucoup un obstacle: ils y soupçonnent un ramassis de légendes. Il nous est impossible de vérifier l'authenticité de faits perdus dans un passé révolu car Marc raconte sans nulle intention d' apporter les preuves de qu'il dit. En effet le problème n'est pas là. C'est à nous de rendre vraies ces pages anciennes en les réalisant aujourd'hui:Être une Eglise qui ose voguer vers de nouveaux rivages.Prête à subir oppositions, orages, tempêtes.Certaine que son Seigneur que l'on dit "endormi" ou mort peut se lever vivant, Sauveur de son  Eglise chahutée.Pénétrer dans les zones de conflit où la violence des hommes fait des ravages                      et y faire entendre la douce Voix de son Seigneur capable d'apporter la paix.Cesser d'inférioriser la femme et de dresser des tabous.Tendre la main aux enfants, les éveiller à la vraie vie, les aider à "faire les passages".Oser proclamer, aux jours de deuil, que le défunt est "endormi"                 et que le Ressuscité le fera participer à sa Vie nouvelle.Car l'Evangile ne sera jamais une lecture pieuse ni un document livré à nos scalpels: il est interpellation, ouverture de l'avenir et de la libération du lecteur (homme, femme ou enfant). A une condition unique: qu'il ait la foi, la confiance absolue en son Seigneur, maître de l'impossible.                                     "   NE CRAINS PAS: CROIS SEULEMENT  ".

13e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Lens Patrick
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
Il y a parfois des jours où tout se mêle. Tu reçois un coup de téléphone sur ton fixe, et voilà que ton GSM sonne. Un médecin est appelé pour une urgence, et, en quittant sa maison, il trouve quelqu'un qui veut lui parler immédiatement. Cela arrive à la paroisse aussi : tu es en train de parler avec l'équipe de baptême et on vient te dire que tu dois aller donner l'onction des malades à quelqu'un qui est en train de mourir. Les mères de familles ont beaucoup d'expérience sur ce point-là. Tu es en train de faire quelques travaux nécessaires, et voilà qu'un des gamins vient à toi en pleurant pour te dire que son petit frère a fait ceci ou cela.Jésus est appelé par Jaïre, chef de la synagogue. Sa fille est mourante. Jésus doit venir de toute urgence. Mais les gens se pressent autour de lui, au point même de l'écraser. Une femme lui touche, car elle espère d'être guéri.Cela me dit que tous, nous avons une histoire. Et toutes ces histoires se mêlent, se touchent, ou ne se touchent pas du tout. Et tous, nous avons nos urgences, nos « dead lines », nos priorités, et ces priorités sont parfois contrecarrés par d'autres.Et nous ne comprenons pas comment Dieu peut gérer tout cela. Mais l'Écriture nous dit : « Dieu ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu'elles subsistent. La puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle. » Jésus est venu pour manifester l'amour de Dieu pour tous et pour toutes. Il manifeste que la mort n'est pas quelque chose de juste. Dieu n'a pas fait la mort, ce n'est pas lui qui 'a voulu. « La mort est entrée dans le monde parla jalousie du démon, » nous dit l'Écriture. La mort fait mal, pour des hommes et des femmes de tout temps. Mais surtout l'homme d'aujourd'hui, si sensible pour sa liberté et son épanouissement, a du mal à accepter que la vie terrestre nous impose une fin, une limite : la mort. Parfois, il accuse Dieu d'avoir créé une vie « impossible ». Mais en matière de souffrance et de mort, Dieu est totalement à notre côté. Dieu a envoyé Jésus pour nous faire des signes de la fidélité de Dieu, des signes du Royaume qui viendra un jour en toute plénitude. Et la preuve suprême que Dieu nous aime, c'est que dans son Fils, il a participé à la souffrance humaine et à la mort. Il a ressuscité son Fils pour nous dire : vous n'êtes pas faits pour la mort !Je suis frappé par le fait que dans l'évangile d'aujourd'hui, ce sont deux femmes qui sont « ressuscitées » par Jésus. Une femme qui pendant douze ans, souffre de perte de sang. Cela veut dire qu'elle était « intouchable » pour tout juif orthodoxe. Mais c'est elle qui touche Jésus. Par delà, selon la loi juive, Jésus à son tout devenait impur... Il existe un livre qui porte comme titre : Le Dieu impur. Dieu s'est fait impur en se mêlant à notre histoire. Notre histoire est profondément ambivalente et impure : il n'y a rien de parfait sur cette terre. La vie idéale n'existe pas. La société parfaite, l'église toute sainte, la paroisse idéale : ce ne sont que de illusions. Toute histoire humaine est tachée, sali.  Mais Jésus s'y mêle et se laisse toucher par nous ; Et il y a une force qui sort de Jésus, une force qui guérit.L'autre femme qui est guéri, est une petite fille de douze ans. Je suis toujours frappé par la coïncidence dans cet évangile : une femme qui depuis douze ans souffre d'hémorragies, et une jeune fille, un enfant de douze ans qui dort. Et Jésus la ressuscite et elle se lève aussitôt. Et elle commence à marcher et à bouger comme si rien n'était. Elle retrouve la normalité de sa vie, la force de son âge, les préoccupations des enfants de son âge. Elle ne voit plus Jésus ni ses parents, mais elle retourne à ses jeux. Quelle histoire merveilleuse : la rencontre avec Jésus suscite en nous le vrai naturel.Je vois parfois dans ces deux femmes l'image de l'église. Il est bon ton de dire que l'église est vieille, qu'elle souffre d'hémorragies, des pertes de sang, qu'elle est impure, qu'elle n'est pas au clair avec son histoire. Parfois on pense même que cette histoire est irréversible ; certains s'en réjouissent même. N'a-t-on pas besoin d'une autre église, peut être même d'une autre religion plus pure, une religion qui sonne plus juste ? Si on pense en termes de statistiques, on aurait tendance à dire oui. Mais on oublie que l'église est aussi cette jeune fille de douze ans. Je pense que dans l'église, il y a quelque chose d'indestructible et qui fait surface après toutes les crises, là où on ne l'attendait plus. La résurrection  de l'église, c'est son retour au naturel de sa vie, là où nous laissons à côté toutes nos idéologies d'église, même s'ils semblent tout naturels. Mais l'église puise sa force originale dans le naturel : un organisme prend vie de son environnement. Il s'enrichit avec ce que l'environnement lui donne. Mais il rejet tout dont il n'a pas besoin et qui encombre plutôt sa vie. Ma conviction est que l'église sera vivante par le discernement des esprits : qu'est-ce qui vient de Dieu, et qu'est-ce qui donne la vie, et qu'est-ce qui vient de la mort, où sont nos vraies pertes d'énergie ?Aujourd'hui, nous, dominicains, nous célébrons avec vous notre adieu de la paroisse. Le fait que nous quittons, cela donne peut être un sentiment de nostalgie. Mais les dominicains sont fait pour bouger, pour partir. Donc : nous retournons à notre naturel. Mais vous nous avez tant donné : pour des années, vous avez été notre public, notre vitrine. Dans ma paroisse antérieure, j'avais l'impression de prêcher pour trois personnes. Ici, j'ai l'impression que j'ai pu livrer un message. Vous avez vos propres forces pour continuer votre route. J'en ai plein confiance. Vous aussi, vous allez garder votre naturel et être un lieu d'église qui donne vie. La mission de l'église sera toujours plus grande que nos projets, et c'est cela qui justement est très libérateur. Là où tu es, tu donnes la vie. Et puisse Jésus, de temps en temps, nous prendre par la main pour nous donner la force et la joie dont nos avons besoin. Merci pour tout !

12e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Il y a des paris et de jeux qui m'ont toujours fait rire. Parmi ceux-ci, celui du «mot caché» qui veut que l'on glisse discrètement dans une conversation, conférence, ou un examen, un mot imposé, connu de certaines personnes seulement. Je ne sais pas si vous avez déjà joué à cela, mais une chose est certaine, c'est que lorsque le mot est prononcé et pas trop bien placé, les auditeurs ont souvent l'impression qu'il arrive par surprise, et on se demande ce qu'il apporte véritablement à la discussion. Je me rappelle, par exemple, d'une discussion où m'avait demandé de placer l'expression 'substantifique moëlle'. Mes auditeurs m'ont regardé avec des grands yeux... Je n'ai jamais fait cela dans un sermon, mais il n'est pas trop tard ! A la lecture de l'Evangile d'aujourd'hui, il m'a semblé que c'était comme si notre évangéliste avait joué au 'mot caché'. En effet, j'ai l'impression que c'est comme s'il avait essayé de glisser le mot «coussin» discrètement dans son évangile. Un mot, je trouve, arrivant un peu par surprise, et il est vrai que les autres évangélistes qui racontent ce récit de la tempête apaisée, n'utilisent pas ce mot. Je dis cela, à première vue seulement... car il est rare que les Evangiles fassent allusion à un détail qui n'aurait aucune d'importance. Alors, ne soyons pas suspicieux en jouant au 'mot caché', mais accordons vraiment de l'importance à ce mot ! N'y aurait-il pas derrière ce mot une réalité, sur laque Marc insiste, et que nous oublierions trop souvent: notre Dieu dort, et se repose, non par négligence, mais pour nous laisser conduire la barque. Comme créatures nouvelles, nous sommes dans le 7ème jour de la création, et Dieu se repose. Il a décidé de dormir, et pris son coussin ! Dans nos vies, tout peut être normalement 'en ordre', même si Dieu est apparemment absent. Dès lors, je me demande si ce mot n'est pas mentionné pour insister sur le fait que Jésus ne s'est pas assoupi, par surprise, en abandonnant ses disciples. S'il est vrai que notre Seigneur est là, caché, dormant à côté de nous, il n'est pas nécessaire à la traversée du lac de notre vie, comme s'il était un argument nécessaire pour nous justifier. Il n'est pas à la barre de notre barque. Il est simplement le présent-absent, ni responsable des événements, ni désintéressé pour autant. Dietrich Bonhoeffer, théologien allemand mort au camp de concentration de Flossenbürg en 1945 a une merveilleuse expression pour décrire ce Dieu qui n'est pas nécessaire, mais qui est continuellement présent avec nous. Il écrit ceci: « L'honnêteté demande que nous reconnaissions que nous devons vivre dans un monde comme s'il n'y avait pas de Dieu. Et c'est juste ce que nous reconnaissons devant Dieu! Dieu lui-même nous amène à réaliser cela. Dieu nous apprend que nous devons vivre comme des hommes qui savent vivre sans Lui. Nous nous trouvons continuellement en présence de Dieu, qui nous fait vivre sans l'hypothèse de Dieu. » Nous vivons dans une barque dans laquelle Dieu a décidé de dormir, pour ne pas que nous ayons constamment recours à lui. Mais dans les barques de nos églises traversant le même lac, il peut aussi nous arriver d'accuser Dieu à tort. Et comme les disciples, en arriver à culpabiliser Dieu! « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Culpabiliser l'autre, c'est avoir peur, et avoir peur, c'est manquer de foi. Manquer de foi, c'est donc culpabiliser l'autre en ne voyant pas qu'une situation peut parfois ne pas avoir d'explication. En effet, notre Dieu n'est pas un Dieu qui comble l'inexplicable, un Dieu qui serait à l'origine de tout ce qui nous arrive. Il est sans doute avant tout un Dieu créateur de l'espace qui fait que les hommes peuvent grandir et advenir à eux-mêmes. Nous pouvons vivre dans un monde où Dieu dort, précisément pour que nous le réveillons, et le fassions exister. Il ne s'assoupit pas en abandonnant des créatures qui auraient besoin constamment de lui. Bien plus, il décide de dormir dans notre barque, en prenant un coussin, pour laisser une distance créatrice! Et, même lorsque la tempête arrive, notre Dieu dort. Il n'est pas un instrument. Alors aujourd'hui, nous sommes invités à redécouvrir que la traversée du lac est peut-être simplement la traversée de notre vie. Elle est faite de calme, de tempêtes, d'imprévus auxquels il ne faut pas chercher des causes pour tout justifier, culpabiliser ou accuser. Et les tempêtes de notre monde ne sont pas un argument contre Dieu, comme si Dieu intervenait dans notre monde à tout moment. Mais lorsque qu'une tempête monte dans nos vies, lorsque la traversée se fait difficile, pour un Chrétien, la tempête ne peut avoir le dernier mot, et ne peut devenir un argument contre Dieu. Paradoxalement, notre Dieu, s'il est véritablement Dieu fragile et proche, peut devenir, par la foi, un «argument», ou plutôt une force contre le mal et les difficultés, et qui nous aide à apaiser nos tempêtes.