19e dimanche ordinaire, année A
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : A
- Année: 2008-2009
Thomas Edward Lawrence, mieux connu sous le nom de Lawrence d'Arabie vient un jour rendre visite à un de ses amis Thomas Hardy, poète renommé. Ce jour-là, comme il servait dans la RAF, il était venu en uniforme d'aviateur. Se trouvait également présent l'épouse du Maire de Dorchester. Cette dernière était profondément vexée de devoir passer du temps avec un soldat, ignorant tout à fait à qui elle avait affaire. Elle se tourna vers la femme du poète et lui dit en français que de toute sa vie elle n'avait jamais été obligée de devoir prendre le thé avec un simple soldat. Personne ne dit rien puis Lawrence d'Arabie, dans un parfait français, se tourna vers la femme du Maire et lui dit : « excusez-moi madame, puis-je vous être d'une quelconque utilité en me faisant votre interprète car Madame Hardy ne connaît pas un mot de français ». La femme suffisante et peu courtoise ne savait plus où se mettre tellement elle avait jugé sur les apparences et s'était trompée sur la personne qui était face à elle.
Il en va de même avec les contemporains de Jésus qui ne peuvent imaginer un instant que ce fils de Joseph est également le Fils de Dieu et qu'il vient à nous pour nous annoncer une merveilleuse nouvelle : il est le pain vivant descendu du ciel. Un pain que ne se pétrit pas mais qui se donne entièrement, sans aucune restriction. Un don du Ciel offert à chacune et chacun d'entre nous. Mais quel est donc ce pain vivant si merveilleux dont le prix est à ce point inestimable qu'il nous est offert en toute tendresse par le Père ? Le plus beau cadeau qu'un être humain puisse recevoir est la vie. Le deuxième plus beau cadeau est lorsque cette vie peut se vivre au son de la musique de Dieu, c'est-à-dire lorsque nous faisons de Lui, l'unique voie à suivre, la seule nourriture substantielle qui vaut la peine. En d'autres termes, lorsque nous décidons de répondre à l'invitation de la foi, la vie n'est pas qu'une simple réalité biologique qui commence à la naissance et se termine à l'heure de notre mort. Dans cette perspective précise, le pain ne serait qu'une pure nécessité nous permettant de passer d'un jour au suivant. Il en va tout autrement du pain vivant descendu du Ciel. Ce pain fait de nous des êtres vivants même si nous sommes confrontés à la réalité de la maladie ou à certaines faiblesses inhérentes à notre condition physique. Comme le soulignait Saint Irénée, au deuxième siècle déjà : la plus grande gloire de Dieu, c'est l'homme vivant. Oui, par Dieu dans le Fils et soutenu par l'Esprit, nous sommes des êtres vivants. Et la vie qui nous est promise se nourrit principalement d'un carburant bien spécifique et tellement divin. Il s'agit de l'amour. Le pain vivant n'est donc rien d'autre que cette capacité de pouvoir nous décentrer de nous-mêmes pour entrer dans une autre dimension de la vie qui ne se réalise que dans la rencontre de l'autre. Le pain descendu du ciel est une manne de tendresse divine qui vient éclairer nos vies pour que nous puissions à notre tour être des luminaires d'amour partout où nous sommes et ce, quelles que soient nos situations personnelles. Voilà la richesse du pain vivant. Il ne tient pas compte de nos fragilités personnelles car il se laisse précisément rencontrer au c½ur même de celles-ci. L'amour est fragile, l'amour nous rend fragiles puisque nous devenons dépendants de celles et ceux en qui nous déposons notre propre c½ur. Et pourtant, c'est cet amour-là qui prend sa source en Dieu et qui vient à nous aujourd'hui encore. Le Père s'est révélé à nous par le biais d'un charpentier. Il n'a pas eu besoin des honneurs d'une société pour s'incarner. Depuis l'événement de la Pentecôte, le Père continue de se révéler à nous par le biais de qui nous sommes lorsque nous devenons à notre tour pain vivant, pain d'amour les uns pour les autres. Et c'est sans doute la raison pour laquelle ce pain nous ouvre le chemin de la vie éternelle. Jésus nous le confirme : « si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ». Et l'autre bonne nouvelle de ce jour est que l'éternité n'est pas pour demain, elle est déjà commencée. Si nous vivons du pain de l'amour, nous avons déjà entamé notre vie éternelle. Notre vie s'inscrit dans une nouvelle dimension. Lorsque le frère Timothy Radcliffe prend l'avion et que l'hôtesse à l'aéroport en préparant son ticket lui demande si « Londres est sa destination finale », il se plaît toujours à répondre. Non, ce n'est pas Londres, j'espère que ma destination finale sera le Paradis. Pour que cette destination-là devienne également la nôtre, il nous suffit désormais de nous nourrir d'abord et avant tout du pain vivant, du pain de l'amour. Il s'agit du pain de Dieu qui nous ouvre la voie de la vie éternelle.
Amen
Imaginez-vous un instant la situation cocasse suivante : vous vous trouvez par un malheureux hasard au c½ur d'une tribu de cannibales et vous essayez de sauver votre propre peau en posant cette question: Pourquoi mangez-vous des hommes ? Le cannibale vous répondra vraisemblablement qu'en fait, celles et ceux qui les connaissent savent qu'ils ne mangent pas d'hommes. En effet, les cannibales risquent d'être mis à mort sur-le-champ pour avoir attenté à la vie d'un homme, s'ils commettaient pareille ignominie. Mais, pourriez-vous alors protester, je viens juste de vous voir mettre mon meilleur ami dans la marmite. Ce n'était pas un homme, répondra-t-il en agitant avec force la tête. Qu'est-ce qu'un homme alors, lui demanderez-vous anxieusement, conscient de l'extrême importance de la réponse à cette question pour ne pas être le suivant dans la casserole. Un homme est un membre de la tribu, conclura le cannibale. Dans sa culture à lui, si vous n'êtes pas membre de sa tribu, vous n'êtes pas un homme. Vous êtes réduit à de la chair à consommer. Pour ma part, je jouerais sans doute dans la pièce du « veau gras ». Quoiqu'il en soit, si nous avions été confrontés à cette situation, vraisemblablement plusieurs d'entre nous, n'auraient pas compris ces subtilités culturelles.
Il en va sans doute de même avec ces nombreuses personnes qui avaient traité les premiers chrétiens de cannibales puisque ceux-ci mangeait la chair et le sang de Jésus. Ils n'avaient pas non plus compris toutes les subtilités sous-jacentes à ces paroles du Christ : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif. » Pour entrer dans une telle dynamique, il nous faut d'abord faire nôtre cette autre affirmation du Fils de Dieu :
« l'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. » Il s'agit donc d'abord et avant tout de vivre dans son c½ur une rencontre ; une rencontre dans la foi avec Celui que le Père nous a envoyé ; une rencontre qui nous fait découvrir combien Dieu aime chacune et chacun d'entre nous. Comme le souligne Pierre Claverie, frère dominicain et évêque d'Oran lâchement assassiné le 1er août 1996, Jésus consent à s'abandonner, c'est-à-dire à être dépendant de cette conscience vive de la présence dans sa vie de Quelqu'un qui est le fondement même de sa liberté. En d'autres termes, le Christ consent à ce qu'il y ait en lui une source d'amour, extérieure à lui. En s'inscrivant de la sorte, il devient un homme libre. Comment ? En laissant Dieu être Dieu et en aucune manière en ne cherchant à prendre la place de Celui qui l'a envoyé. Cette expérience n'est en rien banale. En effet, vouloir être Dieu, chercher à se mettre à sa place, se croire tout-puissant, font partie de ces vieux démons qui peuvent nous habiter et nous envahir au point d'en perdre notre liberté intérieure. Nous courrons le risque d'être frustrés car nous n'arrivons pas par notre simple volonté à changer le cours des événements. Cette frustration vient d'un désir étrange : croire en un Dieu qui obéirait à toutes nos attentes, même les plus légitimes surtout lorsque nous sommes confrontés à l'injustice de la maladie ou de la perte d'un être aimé. Or, dès l'instant de la création de l'humanité, Dieu nous a laissé une part de sa toute puissance pour nous permettre, chacun avec nos dons, de participer à la construction d'un Royaume d'amour et de tendresse. Un royaume où seule la douceur règne puisqu'elle est la source de toutes nos actions, de toutes nos paroles. Dieu le Père se laisse advenir par chacune et chacun d'entre nous. Il nous convie ainsi dans la foi à prendre conscience que vit en nous une présence divine, ce Quelqu'un qui nous aime tels que nous sommes et qui nous accompagne sur la route de notre destinée. Aujourd'hui encore, le Christ vient nous révéler que, dans la vie de chacune et de chacun, il y a ce Quelqu'un que, dans la foi, nous osons nommer Dieu et qui nous aime avec une telle force, qu'il nous nourrit d'une confiance telle que nous pouvons avancer plus librement encore sur le chemin de la vie. « Celui qui vient à moi, n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif ». Ces mots ne sont pas vains. Ils nous permettent de découvrir que de mettre nos pas dans les traces du Fils nous ouvre une perspective plus grande encore que nous aurions pu l'imaginer car nous prenons conscience qu'accepter de suivre le Christ et ce, quelque soit notre état de vie, est une occasion unique pour être libre de toutes sortes de contingence car nous serons alors pétris de cette certitude que nous sommes aimés de Dieu. Par le Fils, le Père est entré dans notre vie. Nous avons fait une rencontre merveilleuse. Que l'amour devienne alors l'unique raison de nos vies.
Amen
Nous sommes nombreux à nous lasser de ces images de bergers qui nous rendent méfiants. Faut-il intégrer un troupeau, se conformer aux réflexes du groupe, de manière grégaire et soumise ? Quelles sont donc les intentions de ceux qui utilisent aujourd'hui un tel vocabulaire ? Qui peut se prétendre berger des autres ? Au nom de quelle supériorité ? Faudrait-il revenir aux royautés de droit divin, comme il en existe encore en certains endroits de la planète, au Maroc par exemple ? L'esprit critique est maintenant tellement répandu qu'il n'est plus possible de parler naïvement de bergers et de troupeaux. Il y a un problème dans l'exercice de l'autorité et cela à tous les niveaux.
Car, de fait, cela va mal. Il y a des exceptions certes, des personnages exceptionnels capables et dévoués. L'élection d'Obama vient de faire renaître l'espoir chez les désabusés, mais pour combien de temps ? Car, dans l'énorme majorité des cas nous avons raison de nous plaindre, comme le prophète Jérémie, comme Jésus, comme le tout venant : nos politiques manquent d'idées, de souffle, de générosité, ils manquent de sincérité. Ce sont des mercenaires plus que des gens dévoués. Ils cumulent les fonctions et profitent de tout. Or ce qui est vrai pour la politique est vrai aussi pour l'économie, avec leurs « parachutes dorés » les soit disant « responsables » ont un réflexe commun : « courage, fuyons » ! Ils ne se contentent pas de fuir, ils préparent leur fuite avec préméditation... Alors je me pose une question : après le politique et l'économique, le religieux serait-il différent ?
Comme religieux et ancien responsable moi-même, je suis tenté de dire que oui, par solidarité de classe, probablement. Pour être supérieur, nul n'est davantage payé, mais les nuits sont courtes et les soucis nombreux. Les projets sont immenses, aux dimensions de l'Evangile, et les ressources limitées. Il faut être un peu fou pour accepter certaines charges aujourd'hui, ou bien très vaniteux... Dans l'Eglise que nous connaissons, ce sont en général de braves gens, pas toujours très malins car ils sont choisis en fonction d'un profil bien défini. L'esprit « troupeau » et « conformiste » se trouve paradoxalement davantage du côté des bergers que du côté de la base des chrétiens. Ils ont « bon esprit », c'est gentil mais en temps de crise, cela ne suffit pas, il faudrait de vrais prophètes, des innovateurs, des bergers qui ne marchent pas derrière, mais devant. Et surtout, s'ils marchent derrière, qu'ils ne regardent pas en arrière par-dessus le marché ! Qu'ils soient libres dans leur tête, dans leur c½ur, qu'ils disent ce qu'ils pensent, c'est-à-dire qu'ils osent penser et qu'ils parlent autrement que de manière ventriloque pour répéter une langue de bois officielle que tout le monde a déjà entendu. Mais la critique est aisée, l'art plus difficile...
Alors que faire ? Opter pour l'anarchie, comme ces groupes évangélistes qui pullulent ? Surtout pas. Nous sommes incarnés et de même que nous ne pouvons échapper à notre corps, socialement nous avons besoin d'institutions.
La question est bien sûr celle du pouvoir et du service du bien commun. Il ne suffit pas de changer les tenants du pouvoir, il ne suffit pas de faire des révolutions et de mettre les opprimés à la place des oppresseurs, il faut changer la nature du pouvoir. Mais la question, quand il s'agit des choses de Dieu (et tout, finalement, de près ou de loin, se rattache à Dieu), la question est de savoir pourquoi il ne prend pas tout en main, pourquoi il a délégué.
A-t-il délégué dans le passé ? Va-t-il tout reprendre en main comme le souhaite Jérémie ? Faut-il situer son espérance dans cette dynamique là, celle de la théocratie, à la manière médiévale, à la manière marocaine ? Faut-il continuer à se plaindre de la sécularisation et entretenir la nostalgie d'un pouvoir clérical ? Ou, à l'inverse, s'agit-il de découvrir qu'il est dans la nature même de Dieu, dans son essence même de créateur, de s'effacer et de déléguer de plus en plus. Découvrir que l'½uvre de Dieu, c'est aussi de susciter chez nous une responsabilité authentique, qui n'est nullement un jeu et qui doit s'exercer de manière intelligente, compétente, et avec générosité... Nous devenons de plus en plus responsables de la planète et de la survie même de l'humanité, cela les générations antérieures ne le vivaient pas aussi intensément.
Cette question ici, déborde le plan de la simple difficulté de notre organisation, elle est une question théologique : comment Dieu exerce-t-il ses responsabilités ? Comment nous associe-t-il à sa mission, à ses projets, à ses ambitions pour l'humanité ? Comment nous associe-t-il à sa vie, finalement, faisant de nous véritablement des partenaires, des vis-à-vis, plus que des serviteurs ? N'est-ce pas là le programme politique de Dieu, que Jésus reconnaît très clairement quand il nous dit : « Je vous appelle amis » ?... Ce programme a un coût, celui de nos errances, de nos erreurs, celui de notre liberté.
Ce coût, il est le premier à en payer le prix, avec les plus faibles, les enfants et les vieux. Pourquoi donc le peuple se retrouve-t-il sans bergers ? On ne manque jamais de candidats pour diriger ! Pilate, Hérode, Caïphe étaient certainement très occupés. Jésus, en pleine conscience de cause choisira Pierre qui a renié mais aussi Paul qui a persécuté. Peut-être les bergers doivent-ils savoir d'où ils viennent et témoigner du pardon qui les a renouvelés ?
Pourquoi notre Dieu n'exerce-t-il pas directement sa responsabilité ? Pourquoi Pourquoi Jésus refuse-t-il d'être roi ? Pourquoi veut-il tellement déléguer ? Parce qu'il nous aime finalement... Alors, à notre tour, allons-nous aussi accepter de déléguer, de partager les responsabilités, d'éveiller les libertés ? Avec l'âge, de toute façon, il le faudra bien, mais vivons le positivement : c'est le processus même de la vie et de l'amour qui se communique et se transmet à travers les différentes générations.
Dimanche passé, nous avons vu que lorsque Jésus décide de partir en mission, ses disciples doivent s'attendre à traverser des tempêtes. Mais au c½ur du péril, ils découvrent un Seigneur qui les sauve. Trois événements s'ensuivent : Jésus va à nouveau montrer sa puissance en libérant successivement un homme, une femme puis un enfant.1. LIBERATION DE L'HOMME VIOLENTD'abord, en abordant à l'autre côté du lac, en pays païen, se déroule un épisode très bizarre, non repris en liturgie. Voici que surgit un énergumène, nu, hantant les cavernes des tombeaux, se tailladant le corps avec des pierres, et que personne n'avait jamais réussi à ligoter. Mais ce fou est lucide: " Que me veux-tu, Jésus, Fils de Dieu?". D'une parole, Jésus le libère de ses démons qui s'engouffrent dans des porcs et le troupeau de se jeter dans la mer tandis que le sauvage retrouve son calme. Ainsi Jésus est capable de guérir l'homme hanté par la violence et d'apporter la paix dans une région ravagée. Mais, accourus et stupéfaits, les villageois, au lieu de se réjouir de la guérison du forcené, prient Jésus de s'en retourner dans son pays. Bien des gens refusent le Christ s'ils doivent consentir à perdre des revenus et renoncer ...à "leurs cochonneries" ! L'évangile d'aujourd'hui embraie avec la suite de l'histoire.* * * On retraverse le lac pour rejoindre la Galilée où aussitôt une grande foule s'amasse autour de Jésus. Survient un pauvre papa qui implore: Jaïre, un responsable de synagogue, tombe aux pieds de Jésus et le supplie: " Ma petite fille est à toute extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu'elle soit sauvée et vive". Jésus partit avec lui; la foule qui le suivait était si nombreuse qu'elle l'écrasait.2. LIBERATION DE LA FEMMETout à coup dans la cohue, se glisse une femme qui souffrait d'hémorragies depuis 12 ans: elle avait vu beaucoup de médecins, dépensé toute sa fortune sans nulle amélioration. La Loi lui défendait d'être là car son état la rendait rituellement impure (Lévitique 15) et lui interdisait tout contact.Ayant appris ce qu'on disait de Jésus, elle vient par derrière dans la foule et touche son vêtement. Car elle se disait: " Si je parviens seulement à toucher son vêtement, je serai sauvée"...A l'instant elle ressentit dans son corps qu'elle était guérie. Jésus se rend compte qu'une force est sortie de lui: "Qui a touché mes vêtements ?". Ses disciples sont surpris: " La foule t'écrase et tu demandes qui t'a touché ?". Alors la femme craintive et tremblante, se jette à ses pieds et lui dit toute la vérité. La foule se pressait contre Jésus (comme aujourd'hui pour toucher une idole de la chanson ou du sport) mais ne "touchait" pas son être. La femme, elle, alors qu'elle ne pouvait se joindre au culte ni même toucher personne sous faute de transmettre son impureté, a bravé l'interdit, s'est approchée avec une folle espérance et le contact de foi avec Jésus l'a purifiée.Sa démarche est-elle teintée de superstition, de magie ?...En tout cas Jésus ne le pense pas et il la félicite:Jésus reprend: " Ma fille, ta foi t'a sauvée; va en paix et sois guérie de ton mal".Malgré tous ses échecs précédents, elle ne s'est pas résignée à son état: elle a cru à ce qu'on lui rapportait de ce Jésus et elle a osé, elle a fait confiance. La foi est un désespoir surmonté, une main tendue vers le Christ qui peut sauver. Et la personne de Jésus guérit instantanément, sans condition, la pauvre qui humblement osait croire. Il la sauve de sa honte, de sa marginalisation, il lui restitue sa féminité, il la réintègre dans la communauté, il la comble de sa paix.3. LIBERATION DE L'ENFANTDes gens accourent de chez Jaïre et lui annoncent le décès de sa petite fille. Mais Jésus lui dit: " Ne crains pas: crois seulement". Il refuse que personne l'accompagne, sauf Pierre, Jacques et Jean. A la maison, des gens pleurent et poussent de grands cris. Jésus leur dit: " Pourquoi cette agitation ? L'enfant n'est pas morte: elle dort" On se moque ! Avec le père et la mère et les trois disciples, Jésus pénètre dans la chambre. Il saisit la main de l'enfant et dit: "Talitha koum" - ce qui, en araméen, signifie: " Jeune fille, lève-toi". Aussitôt la petite se lève et marche (elle avait 12 ans). Tous sont complètement bouleversés. Jésus leur recommande que personne ne le sache; puis il dit de lui donner à manger".La mort arrêtait la petite dans l'enfance, au moment de sa puberté. Jésus lui rend un corps vivant, lui ouvre son avenir de femme qui pourra s'épanouir dans la future maternité. Qui est celui-là qui peut même libérer de la mort !!??? ***A l'inverse des autres évangélistes, Marc ne rapporte presqu'aucun discours de Jésus mais il accorde une place énorme à ses miracles : ici, à la fin de son 5ème chapitre, on a déjà lu 8 récits, souvent très détaillés, et en outre, il a noté à deux reprises que Jésus guérissait un grand nombre de gens (1, 34; 3, 10). Tout son livre veut montrer la réalisation de la proclamation originelle de Jésus: " Le temps est accompli: le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle" (1, 15). Une réalité toute neuve est apparue sur la terre - "Dieu en Jésus a inauguré son royaume" - et cela se manifeste. Il est donc faux de réduire l'Evangile à un système de croyances et de rites, à une évasion dans le monde éthéré des belles âmes. Faux de dédaigner le corps, de juger la maladie comme une fatalité ou un châtiment de Dieu, d'en appeler à la résignation. Certes l'essentiel exigé est " Convertissez-vous, croyez à l'Evangile": l'entrée sous le pouvoir divin appelle une réponse, un changement de vie, une FOI. Mais cette foi se joue aussi dans les corps. Ce n'est pas pour rien qu'un tiers des établissements qui soignent les malades du sida en Afrique est tenu par les Eglises.Marc présente Jésus comme un guérisseur - des corps par ses contacts et des âmes par le pardon (2, 10; 2, 17). Les souffrants sont des personnes en appel, ils accourent vers Jésus avec cris et larmes. Et Jésus, loin de se détourner d'eux, de trouver leur démarche intéressée et superstitieuse, sait reconnaître en eux un élan de foi, de confiance.Aujourd'hui, loin d'appuyer la foi, les récits de miracles constituent pour beaucoup un obstacle: ils y soupçonnent un ramassis de légendes. Il nous est impossible de vérifier l'authenticité de faits perdus dans un passé révolu car Marc raconte sans nulle intention d' apporter les preuves de qu'il dit. En effet le problème n'est pas là. C'est à nous de rendre vraies ces pages anciennes en les réalisant aujourd'hui:Être une Eglise qui ose voguer vers de nouveaux rivages.Prête à subir oppositions, orages, tempêtes.Certaine que son Seigneur que l'on dit "endormi" ou mort peut se lever vivant, Sauveur de son Eglise chahutée.Pénétrer dans les zones de conflit où la violence des hommes fait des ravages et y faire entendre la douce Voix de son Seigneur capable d'apporter la paix.Cesser d'inférioriser la femme et de dresser des tabous.Tendre la main aux enfants, les éveiller à la vraie vie, les aider à "faire les passages".Oser proclamer, aux jours de deuil, que le défunt est "endormi" et que le Ressuscité le fera participer à sa Vie nouvelle.Car l'Evangile ne sera jamais une lecture pieuse ni un document livré à nos scalpels: il est interpellation, ouverture de l'avenir et de la libération du lecteur (homme, femme ou enfant). A une condition unique: qu'il ait la foi, la confiance absolue en son Seigneur, maître de l'impossible. " NE CRAINS PAS: CROIS SEULEMENT ".
Il y a des paris et de jeux qui m'ont toujours fait rire. Parmi ceux-ci, celui du «mot caché» qui veut que l'on glisse discrètement dans une conversation, conférence, ou un examen, un mot imposé, connu de certaines personnes seulement. Je ne sais pas si vous avez déjà joué à cela, mais une chose est certaine, c'est que lorsque le mot est prononcé et pas trop bien placé, les auditeurs ont souvent l'impression qu'il arrive par surprise, et on se demande ce qu'il apporte véritablement à la discussion. Je me rappelle, par exemple, d'une discussion où m'avait demandé de placer l'expression 'substantifique moëlle'. Mes auditeurs m'ont regardé avec des grands yeux... Je n'ai jamais fait cela dans un sermon, mais il n'est pas trop tard ! A la lecture de l'Evangile d'aujourd'hui, il m'a semblé que c'était comme si notre évangéliste avait joué au 'mot caché'. En effet, j'ai l'impression que c'est comme s'il avait essayé de glisser le mot «coussin» discrètement dans son évangile. Un mot, je trouve, arrivant un peu par surprise, et il est vrai que les autres évangélistes qui racontent ce récit de la tempête apaisée, n'utilisent pas ce mot. Je dis cela, à première vue seulement... car il est rare que les Evangiles fassent allusion à un détail qui n'aurait aucune d'importance. Alors, ne soyons pas suspicieux en jouant au 'mot caché', mais accordons vraiment de l'importance à ce mot ! N'y aurait-il pas derrière ce mot une réalité, sur laque Marc insiste, et que nous oublierions trop souvent: notre Dieu dort, et se repose, non par négligence, mais pour nous laisser conduire la barque. Comme créatures nouvelles, nous sommes dans le 7ème jour de la création, et Dieu se repose. Il a décidé de dormir, et pris son coussin ! Dans nos vies, tout peut être normalement 'en ordre', même si Dieu est apparemment absent. Dès lors, je me demande si ce mot n'est pas mentionné pour insister sur le fait que Jésus ne s'est pas assoupi, par surprise, en abandonnant ses disciples. S'il est vrai que notre Seigneur est là, caché, dormant à côté de nous, il n'est pas nécessaire à la traversée du lac de notre vie, comme s'il était un argument nécessaire pour nous justifier. Il n'est pas à la barre de notre barque. Il est simplement le présent-absent, ni responsable des événements, ni désintéressé pour autant. Dietrich Bonhoeffer, théologien allemand mort au camp de concentration de Flossenbürg en 1945 a une merveilleuse expression pour décrire ce Dieu qui n'est pas nécessaire, mais qui est continuellement présent avec nous. Il écrit ceci: « L'honnêteté demande que nous reconnaissions que nous devons vivre dans un monde comme s'il n'y avait pas de Dieu. Et c'est juste ce que nous reconnaissons devant Dieu! Dieu lui-même nous amène à réaliser cela. Dieu nous apprend que nous devons vivre comme des hommes qui savent vivre sans Lui. Nous nous trouvons continuellement en présence de Dieu, qui nous fait vivre sans l'hypothèse de Dieu. » Nous vivons dans une barque dans laquelle Dieu a décidé de dormir, pour ne pas que nous ayons constamment recours à lui. Mais dans les barques de nos églises traversant le même lac, il peut aussi nous arriver d'accuser Dieu à tort. Et comme les disciples, en arriver à culpabiliser Dieu! « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Culpabiliser l'autre, c'est avoir peur, et avoir peur, c'est manquer de foi. Manquer de foi, c'est donc culpabiliser l'autre en ne voyant pas qu'une situation peut parfois ne pas avoir d'explication. En effet, notre Dieu n'est pas un Dieu qui comble l'inexplicable, un Dieu qui serait à l'origine de tout ce qui nous arrive. Il est sans doute avant tout un Dieu créateur de l'espace qui fait que les hommes peuvent grandir et advenir à eux-mêmes. Nous pouvons vivre dans un monde où Dieu dort, précisément pour que nous le réveillons, et le fassions exister. Il ne s'assoupit pas en abandonnant des créatures qui auraient besoin constamment de lui. Bien plus, il décide de dormir dans notre barque, en prenant un coussin, pour laisser une distance créatrice! Et, même lorsque la tempête arrive, notre Dieu dort. Il n'est pas un instrument. Alors aujourd'hui, nous sommes invités à redécouvrir que la traversée du lac est peut-être simplement la traversée de notre vie. Elle est faite de calme, de tempêtes, d'imprévus auxquels il ne faut pas chercher des causes pour tout justifier, culpabiliser ou accuser. Et les tempêtes de notre monde ne sont pas un argument contre Dieu, comme si Dieu intervenait dans notre monde à tout moment. Mais lorsque qu'une tempête monte dans nos vies, lorsque la traversée se fait difficile, pour un Chrétien, la tempête ne peut avoir le dernier mot, et ne peut devenir un argument contre Dieu. Paradoxalement, notre Dieu, s'il est véritablement Dieu fragile et proche, peut devenir, par la foi, un «argument», ou plutôt une force contre le mal et les difficultés, et qui nous aide à apaiser nos tempêtes.