3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2009-2010


Imaginez vous le futur pape, arrivant un jour à l'aéroport de Bierzet pour une visite de notre bonne ville de Liège. Il saute dans un taxi et dit au conducteur : « Je dois aller rue des prémontrés mais, s'il vous plaît, laissez moi conduire». Le conducteur, d'abord surpris, refuse. Le pape insiste, et finalement, le taximan accepte, lui donne le volant, et s'assied à l'arrière de la voiture. Le pape, un peu pressé, dépasse toutes les limites de vitesse, brûle trois feux rouges et se fait finalement arrêter par la police. Le policier, un peu décontenancé et gêné, appelle son chef et lui dit : « Chef, j'ai un problème. J'ai arrêté quelqu'un de très important... »

-- « Est-ce notre  bourgmestre ? » Non !

-- Plus important ? Le gouverneur de province ? Non.

-- Un député, un sénateur, un ministre ? Non. Plus important.

-- Le Roi ? Qui est plus important que le Roi ? lui dit le chef

-- Je ne sais pas --dit le policier-- mais il doit être vraiment très important, car le Pape est son conducteur !

En général les conducteurs --ou les prophètes comme Jean Baptiste-- conduisent des personnes plus importantes qu'eux! Et dans la page d'évangile que nous venons d'entendre, la foule se demande si Jean n'est pas la personne la plus importante. Elle se méprend sur son identité! Elle l'appelle son maître, et lui demande ce qu'elle doit faire. Mais finalement, Jean leur annonce qu'il y a encore plus grand que lui, et qu'il est là simplement pour nous conduire au Christ. C'est cela le baptême que Jean amène : annoncer en nous, qu'il y a plus grand que nous.

Cependant, la méprise première de la foule est avant tout de croire que ce qu'elle doit faire est une question simplement d'éducation. Sa méprise est de croire que si elle savait vraiment ce qu'elle devait faire, elle le ferait ! Et sur ce point, la réponse de Jean Baptiste est extraordinaire. Il dit à ceux qui se font baptiser ce qu'ils savent déjà ! Il ne leur apprend rien. Il demande aux soldats et aux collecteurs d'impôt ce qui est à leur portée, ce qui est à leur mesure.  « Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde. » Rien de bien extraordinaire là-dedans.  Alors,  sur quoi la foule se méprend-t-elle ?  Elle pense que la source de ce qu'ils doivent faire et du changement est dans l'enseignement de Jean, et pas dans la joie qui leur est promise ; cette joie de la Bonne Nouvelle qui doit maintenant devenir le principe de leurs actions.

Aujourd'hui, nous sommes invités à découvrir que la source de notre agir est dans la joie, et non dans le commandement.  « Réjouissez vous »,  nous dit Paul. « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ». Et le livre de Sophonie insistait déjà sur cette joie : « Le Seigneur est en toi... Il aura en toi sa joie et son allégresse ».

Alors, la question «que devons-nous faire ? » ne doit plus prendre simplement sa source dans un enseignement, dans ce qui nous est demandé de faire, mais dans notre espérance et notre joie ! Attendre la venue du Christ à Noël, c'est attendre plus qu'une réponse à la question « que devons-nous faire ? » Jean nous donne plus qu'un message de repentance et d'action. Il annonce Celui qui nous amène sa joie, qui doit devenir la source de nos actions.

Friedriech Nietzsche ne s'est pas trompé quand il disait : « La mère de l'inconduite et de la débauche n'est pas la joie, mais l'absence de joie ! » En termes négatifs, il disait un peu ce que l'Evangile exprime en termes positifs. La mère de notre conduite doit être la joie, pas le commandement de ce que nous devons faire. Alors, réjouissons-nous ! Ce que nous devons combattre, c'est donc cette absence de joie et ce désespoir radical, qui n'arrive pas à voir Dieu dans son lieu natal, en l'homme et en sa capacité à se transcender et à aimer! Porter l'Evangile, ce n'est donc pas transmettre un contenu, mais permettre un relèvement, capable de transfigurer la tristesse en joie, permettre à chacun une nouvelle naissance qui conduit à l'espérance d'une joie qui ne passera pas.

Et bien plus, à l'approche de Noël, nous aussi sommes invités à nous réjouir ensemble. Car Noël est là pour nous faire découvrir en l'autre --dans la surprise de son être-- la vraie clé de notre bonheur. Comme le dit Bernanos, le secret du bonheur, « c'est être capable de trouver sa joie dans la joie de l'autre. » En effet, une joie thésaurisée n'est qu'un plaisir évanescent. La joie partagée, par contre,  conduit à ce bonheur qui ne finit pas. Notre joie ne viendra pas de ce que nous connaissons déjà, elle ne viendra pas simplement du diamant que nous avons reçu en nous. Elle passe par le trésor que nous n'avons pas encore découvert en l'autre.

Par conséquent, aujourd'hui nous est offert quelque chose de plus profond pour nous distinguer qu'un commandement: c'est notre joie capable de transfigurer la tristesse, une  espérance en cette joie qui ne finira pas! C'est à cela que nous devons désormais conduire nos frères et s½urs. Pas une joie mielleuse qui ne prend pas en compte ce que nous sommes et nos fragilités. Mais une joie à notre mesure, et qui paradoxalement dépasse tout ce que nous pouvons imaginer et traverser.

La Bonne Nouvelle qu'annonce Jean Baptiste est une véritable musique de joie, une musique dont  --permettez-moi le jeu de mot--  la clé et la tonalité sont à notre portée, à la mesure de ce que nous sommes. Alors, réjouissons-nous, car la musique des Chrétiens est dès la première note, une hymne à la fête et à la joie. Amen.

 

3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2009-2010

Les conversions de Jean - Baptiste et la nôtre

Pour notre 3ème étape de préparation à Noël, nous retrouvons Jean-Baptiste, ce personnage incontournable pour découvrir Jésus car il demeure à jamais le " pré-curseur" qui nous conduit à lui.

Nous avions déjà évoqué l'itinéraire douloureux de ce Iohanan, le fils de Zacharie et Anne. De famille sacerdotale, il aurait dû se marier et exercer sa fonction au temple de Jérusalem: revêtu de beaux atours, il aurait célébré les liturgies, offert les sacrifices, béni les pèlerins. Mais Jean, sous la guidance de l'Esprit, a constaté le fréquent échec de ces cérémonies somptueuses, le vide de cette ambiance sacrée. Certes les rites y étaient strictement observés selon la Loi mais ils ne changeaient pas les comportements: on sacrifiait des animaux sans vouloir sacrifier son égoïsme, on brûlait de l'encens sans brûler d'amour pour Dieu, on demandait aux prêtres de soigner la liturgie mais en refusant de mettre la Loi de Dieu en pratique. Terrible danger du culte : enfermer la foi dans un rituel !

Alors un jour, Jean a quitté le temple et son faste superficiel pour rejoindre la communauté essénienne de Qumran dans le désert de Judas. Dans la solitude brûlante près de la Mer Morte, vêtu d'une simple robe blanche, symbole de pureté, il s'appliqua à observer la Loi de Dieu dans toute sa rigueur, avec une obéissance sans faille et, plusieurs fois par jour, il se lavait à grandes eaux dans les bassins de purification pour expier ses péchés. C'est de la sorte que "la communauté de l'Alliance" entendait réaliser ce qu'un grand prophète avait crié jadis lorsque les déportés revinrent de leur long exil en Babylonie :

A travers le désert, une voix crie : «  Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route" ( Isaïe 40 - cf. dimanche passé)

Ce qui s'était produit jadis ne pouvait manquer de se reproduire: il fallait demeurer dans le désert, y mener ensemble une vie impeccable afin de préparer l'arrivée du Messie.

Mais cette existence rigoureuse ne conduisait-elle pas à l'orgueil spirituel - le pire de tous - à la certitude d'être "les purs", au mépris de la foule pécheresse ?...Dieu appelait Jean à aller plus loin encore: une nouvelle fois, l'Esprit lui parla et lui fit faire une deuxième rupture. Il quitta les Esséniens et seul, pauvre, vêtu du manteau rugueux en poils de chameau, se nourrissant de miel et de sauterelles, il se mit à arpenter la vallée du Jourdain là où se trouvaient les gués par lesquels transitaient les voyageurs. C'est là que le grand Prophète ELIE avait été enlevé au ciel (2 Rois 2) et l'ultime oracle des Ecritures annonçait qu'il reviendrait pour annoncer la venue imminente du Messie :

« Voici que je vais vous envoyer ÉLIE le prophète avant que ne vienne le Jour du Seigneur,

jour grand et redoutable » ( Malachie 3, 23).

L'ancien prêtre, l'ancien moine est devenu prophète. Il interpelle les passants, il les exhorte à accepter son baptême (non une ablution que l'on se donne mais une "plongée" que l'on accepte d'un autre) et il les presse d'obéir à la Loi de Dieu.

Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : " Que devons-nous faire ? ». Jean leur répondait : «  Celui qui a deux vêtements, qu'il partage avec celui qui n'en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu'il fasse de même ». Des publicains (collecteurs d'impôts) vinrent aussi : «  Maître, que devons-nous faire ? ». Il dit: "N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé". À leur tour des soldats demandaient : «  Et nous, que devons-nous faire ? ». Il leur répondit : « Ne faites ni tort ni violence à personne » ; contentez-vous de votre solde ».

Au temple, on peut se contenter d'assister pieusement en chantant quelques cantiques; le prophète, lui, vous accule à chercher la vérité de la vie : « QUE FAUT-IL FAIRE ? ». Là est l'ouverture, la disponibilité nécessaire car la "pratique" religieuse n'est pas d'abord cérémonielle mais existentielle: c'est pourquoi, afin d'éviter la magie, le baptisé doit s'informer sur les conséquences logiques du rite qu'il a accepté.

Que faire ? A la première Pentecôte, lorsque Pierre annoncera la Bonne Nouvelle de Jésus ressuscité, les foules demanderont : «  Que ferons-nous, frères ? » ( Actes 2, 37) . De même, lorsque Saül de Tarse sera terrassé par l'apparition du Ressuscité sur le chemin de Damas, il interrogera : «  Que dois-je faire, Seigneur ? » ( Actes 22, 10 ).

La foi n'est vraie que si elle est obéissance, acceptation de la volonté de Dieu sur nous.

En réponse, le prophète Jean rappelle les principes de base de la Loi divine : vivre selon le droit et la justice, donc partager ses biens, venir en aide aux nécessiteux, ne pas abuser de son pouvoir, ne pas tricher, ne pas s'enrichir au détriment du prochain, ne pas user de violence sur les personnes.

QUE DEVONS-NOUS FAIRE ? Pour préparer un vrai Noël, c'est la question que le chrétien baptisé doit se poser aujourd'hui. Retenons trois niveaux essentiels dans la conjoncture actuelle:

LE PARTAGE: nos frères et s½urs des pays pauvres appellent au secours. Nos communautés installées dans un monde opulent, entendent-elles ces cris ? Y répondent-elles avec suffisamment de générosité ? Des écoles, des églises et des dispensaires voudraient un soutien de survie: devant cette détresse, peut-on se permettre du gaspillage, des décorations somptueuses ?

LE CLIMAT : La conférence de Copenhague s'ouvre dans l'angoisse: le climat se réchauffe, des cataclysmes sont en vue, la planète même est en danger. Or, depuis des dizaines d'années, des prophètes nous alertent : il faut impérativement changer notre mode de vie, respecter la terre, ménager les ressources, ne prendre l'avion qu'en cas de nécessité, favoriser les transports en commun, économiser l'énergie, etc. Les chrétiens se doivent d'être à l'avant-garde de ce combat ( cf. texte ci-dessous )

LES COMMUNAUTES CHRETIENNES : Dans notre société en crise (crise spirituelle plus encore que financière), nos paroisses ne peuvent continuer d'être des juxtapositions de pratiquants. En manque de repères, perdus dans un monde d'hyperconsommation et de matérialisme, des hommes errent en quête non d'un morceau de pain mais d'une communauté où la foi se dynamise en espérance joyeuse et se concrétise en rapports cordiaux. Où sont l'accueil, la concorde, la miséricorde, l'hospitalité qui doivent être les caractéristiques premières des lieux où l'on annonce l'Evangile ?

L'INSUFFISANCE DE LA LOI - DANS L'ATTENTE DE .....

Et cependant, dans cette 3ème fonction de son itinéraire, Jean prend conscience qu'il ne pourra jamais opérer le salut des gens: exhorter, adjurer le peuple de suivre les commandements reste insuffisant, inefficace. Jean le baptiseur reconnaît ses limites et humblement il avoue n'être qu'un « précurseur ».

Le peuple était en attente, tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie.

Alors il s'adressa à tous : «  Moi, je vous baptise avec de l'eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Et je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera dans le feu qui ne s'éteint pas ».

Par ces exhortations et bien d'autres encore, Jean annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

Pas plus que la liturgie du temple ni que la vie ascétique du désert, la Loi clamée par le prophète ne peut sauver. Tous les prophètes en avaient auparavant fait l'expérience. Quelqu'un d'autre doit venir ensuite, quelqu'un qui ne sera pas seulement un prophète plus percutant. Un saut immense va se produire. Plus encore qu'entre un maître et son esclave qui lui dénoue les courroies de ses chaussures, la différence entre Jean et Celui qui vient sera infinie. Le premier ne pouvait que prêcher, admonester et baptiser dans l'eau: Celui qui vient plongera les hommes dans le feu de l'Esprit divin: ½uvre divine que seul Jésus peut opérer. Mais Jean se trompe : il annonce un Juge qui vient terminer l'histoire par un décret définitif. Or Jésus ne déchaînera pas son courroux, il ne triera pas les gens comme blé et paille. Au contraire, il inaugurera le Royaume de Dieu son Père, il proposera le chemin des béatitudes, il sera le bon berger en quête de la brebis perdue, il pardonnera au pécheur repentant. Et finalement il acceptera d'être plongé dans la fournaise de la souffrance et de la mort. Mais c'est ainsi qu'il donnera, enfin, l'Esprit, le Souffle qui transformera l'humanité.

L'itinéraire du Baptiste nous invite à comprendre le nôtre. Belles et nécessaires doivent être nos liturgies - mais à condition d'y entendre une Parole qui nous bouscule et exige notre engagement. Grand est le baptême - à condition qu'il nous conduise à implorer le feu de l'Esprit. Grands sont les prophètes - mais à condition de nous envoyer vers CELUI QUI VIENT.

Nous avons rencontré un prêtre, puis un ascète, puis un prophète. Voici l'ENFANT : il ne demande que d'être accueilli pour renaître encore en nous. Il réussira là où le prêtre, l'ascète et le prophète ont échoué.

2e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2009-2010

Préparez le Chemin du Seigneur !

Au seuil de la nouvelle année, le 1er dimanche de l'Avent a projeté nos regards vers le terme de notre histoire et nous a exhortés à garder l'attitude essentielle: nous allons, personnellement et collectivement, à la rencontre du Fils de l'Homme qui viendra nous juger dans la Gloire divine; c'est pourquoi, dans l'espérance de ce jour (non daté mais certain), nous travaillons dans ce monde tout en restant vigilants dans la prière et la sobriété.

Cette attente risquant toujours de s'amollir, les trois dimanches suivants de l'Avent nous replacent dans le temps qui a immédiatement précédé la première venue de Jésus sur terre. Car l'approche du Noël premier nous apprend à guetter l'ultime Epiphanie, la Manifestation future du Seigneur. Deux grandes figures apparaîtront: Jean le baptiste (2ème et 3ème dimanches) puis Marie, la mère de Jésus (4ème dimanche)

APPARITION DU PRECURSEUR DU MESSIE

Après deux chapitres d'introduction où il a évoqué la naissance et l'enfance de Jésus, St Luc entame le récit de son Evangile de façon extrêmement solennelle. A l'encontre de ceux qui seraient en quête d'une spiritualité éthérée et verraient en Jésus un mythe, il affirme la réalité historique de l'événement qu'il va raconter et qui est bien inscrit dans le contexte politique et religieuse du temps.

L'an 15 du règne de l'empereur Tibère (a régné de 14 à 37) - Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée (en 1961, on a retrouvé à Césarée une pierre antique portant l'inscription " Pontius Pilatus praefectus ..." ) - Hérode, prince de Galilée (un des fils d' Hérode le Grand mort en l'an 4 avant Jésus) - son frère Philippe, prince du pays d'Iturée et de Traconitide - Lysanias, prince d'Abilène (on a retrouvé une inscription à son nom) - les grands prêtres étant Anne et Caïphe ( le 1er, destitué en l'an 15, a été remplacé par son gendre Joseph dit Caïphe, lui-même remplacé en l'an 36).

Ces repères, complétés par Luc 3, 23, permettent de dater l'événement en l'an 28 de notre ère. La foi chrétienne n'est pas évasion dans un autre monde, elle est historique, elle se vit dans les événements. Encore faut-il bien discerner où se passe l'essentiel: là où un homme écoute la Parole de Dieu et se donne à sa mission. Tel est Jean ( en hébreu Yohanan = " Grâce de Dieu" )

LA VOCATION DE JEAN

La Parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie.

Luc a raconté la naissance de ce Jean, dont les parents sont de la famille de Marie. En tant que fils du prêtre Zacharie, il devrait donc se trouver à Jérusalem pour y exercer le sacerdoce au temple. Or le voilà qui arpente le désert de Juda, région située au sud-est de Jérusalem, à l'ouest de la Mer Morte. où se trouvait la communauté essénienne devenue célèbre depuis la découverte des manuscrits de la Mer Morte en 1947.

En effet plus de deux siècles auparavant, quelques prêtres de Jérusalem avaient rompu avec le sacerdoce du temple, jugé infidèle, et ils avaient fondé la "communauté de l'Alliance" à Qumran. Ils s'appliquaient à une observance minutieuse de tous les préceptes de la Loi et pratiquaient de multiples ablutions quotidiennes dans la recherche éperdue de la pureté en attendant le Messie. Tout cela en application de l'ancien oracle d'Isaïe qui était une des bases de leur spiritualité:

" Dans le désert une voix crie: Préparez le chemin du désert" ( Isaïe 40).

Jean a-t-il fait partie de cette communauté ? Beaucoup de commentateurs en doutent mais on pourrait imaginer le curieux itinéraire de cet homme.

D'abord, obligé par son hérédité, prêtre, officiant de cérémonies, appliqué à des liturgies et des sacrifices. Puis "moine", astreint à une vie ascétique, à des ablutions répétées, acharné à obéir au moindre précepte de la Loi, persuadé de faire partie de l'élite sauvée, plein de mépris pour les autres, voués sans nul doute à la colère de Dieu. Et enfin prophète menant une existence précaire, pauvre, dans l'itinérance.

Dieu l'a guidé dans sa recherche et, un jour, il a perçu l'appel, la PAROLE DE DIEU: à présent, en pleine nature, il interpelle les passants, les caravanes qui traversent les gués du Jourdain pour venir en Israël.

LE MINISTERE DE JEAN LE BAPTISTE

Il parcourt toute la région du Jourdain:

il proclame un baptême de conversion pour le pardon des péchés.

Les grands prêtres de Jérusalem affirmaient que, selon la Loi, c'était au temple qu'il fallait se rendre afin d'offrir des offrandes et des sacrifices d'animaux pour obtenir le pardon de ses fautes. Les esséniens, eux, répliquaient qu'il fallait au contraire rejoindre leur communauté, adopter une vie impeccable et pratiquer des ablutions quotidiennes pour obtenir la miséricorde divine.

Jean, lui, sort du temple, le lieu sacré où il suffisait de suivre des rites, d'offrir des sacrifices (telle portion de bête, tel animal à immoler, etc.) au risque de transformer la religion en marchandage (don contre pardon). Il n'invite pas les gens à quitter leur vie ordinaire pour se cacher dans la solitude et s'astreindre à une discipline pointilleuse afin de conquérir et conserver un état de pureté - au risque de légalisme et d'orgueil spirituel.

Il interpelle les passants et "proclame": il annonce qu'il leur faut descendre dans les eaux du Jourdain, avec la ferme intention de se convertir, c.à.d. de changer de m½urs afin de recevoir le pardon de leurs péchés.

L'ACTION DE JEAN ACCOMPLIT LES ECRITURES

Cette action de Jean accomplit, réalise un vieil oracle prophétique:

...comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe: "A travers le désert, une voix crie: Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées; les passages tortueux deviendront droits, les routes déformées seront aplanies. Et tout homme verra le salut de Dieu"

Jadis les esclaves hébreux, avec Moïse, avaient pu traverser la mer et sortir d'Egypte; en - 538, les déportés judéens avaient pu quitter la Babylonie et revenir au pays. Un prophète s'était alors levé pour clamer la bonne nouvelle: "Préparez-vous, tracez une route à travers le désert, nous allons rentrer chez nous !" ( Isaïe 40). Voici maintenant le temps du nouvel Exode, de la 3ème libération: les premières étaient politiques (sortir d'Egypte puis de Babylonie), celle-ci est spirituelle: rédemption du péché, libération de l'esclavage du mal, pureté nouvelle par la conversion et le baptême.

Marc et Matthieu citent aussi ce même oracle d'Isaïe mais Luc, à la fin, ajoute: ...et tout être humain verra le salut de Dieu. La libération actuelle - que Jésus à la suite va opérer - ne sera plus réservée aux Israélites mais offerte à toutes les nations, aux hommes et aux femmes de tous les peuples. L'½uvre que Jean annonce aura une réalisation mondiale, l'Evangile a une portée universelle. Et tout cela a débuté dans l'ombre: l'Empereur, Pilate, Hérode, Caïphe ignoraient tout de ce qui se passait au Jourdain. Et la face du monde allait changer !...

Osons-nous, à notre tour, écouter la Parole de Dieu et annoncer la venue du Seigneur tout proche ?...

1) L'événement important n'est pas celui des premières pages des journaux: il survient lorsqu'un homme entend l'appel d'une PAROLE DE DIEU et entreprend sa mission - quitte à ce que cette Parole bouleverse son existence et le remette en question.

2) La foi chrétienne ne se réduit pas à une vague spiritualité: elle se joue dans l'histoire. Savons-nous évaluer l'importance des événements selon qu'ils réalisent la PAROLE DE DIEU ?...

3) La foi est réponse totale, décision de "se jeter à l'eau", "plongée" dans une nouvelle manière de vivre. Vivons-nous aujourd'hui les conséquences de notre baptême ?

4) L'attente du salut n'est pas passive: elle doit se traduire en actes. Comment comprenons-nous cet impératif: "Préparez le chemin du Seigneur" ? ....Comment être les cantonniers de Dieu ? Rectifier les comportements tortueux. Sortir des ornières du passé. Lancer les ponts de la réconciliation là où il y a dispute, conflit ......

5) Que faire pour sortir du ghetto, pour que la paroisse soit missionnaire, pour que "tout homme puisse voir le salut de Dieu" ? .....

 

1er dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2009-2010

Certains de mes frères dominicains prétendent que si vous devez m'indiquer la direction d'une
destination, il ne vous servira pas à grand chose de nommer les noms des églises devant lesquelles je
devrai passer. Il semblerait, toujours selon eux, que ma culture n'est pas très développée à ce
niveau. Par contre, si vous souhaitez que j'arrive à destination, il vous suffira de donner les noms des
restaurants se trouvant sur mon chemin. Là, je risque de ne plus me tromper. Fort de ce constat et
suite à la lecture de l'évangile, si vous devez prendre l'autoroute tout à l'heure en quittant cette église.
Je vous invite à reprendre la route en passant par le Boulevard d'Avroy et juste avant de tourner à
droite pour vous engager sur une route vous conduisant à la bretelle de l'autoroute, vous passerez
devant le restaurant Tentation où la chef Roxanne Vranken se fera un plaisir de vous proposer une
déclinaison de menus à trois, cinq, sept ou dix tentations. Chaque que j'y ai été invité, j'ai toujours
succombé à la tentation d'un de ces délicieux menus plein de créativité.
C'est donc avec un bonheur indicible que je succombe à ces tentations et je ne le regrette jamais car
je pense qu'il y a au moins trois types de tentations. Les premières, comme celles dont je viens de
vous parler, nous font du bien. Il serait bien dommage d'y résister. Au-delà de l'exemple pris, dans
nos vies, il y a de nombreuses tentations heureuses qui nous font grandir. Elles sont essentielles
pour notre accomplissement. Nous ne pouvons pas nous en passer. En effet, il est heureux que
nous soyons tentés d'entrer dans une nouvelle relation faite d'amour ou d'amitié. Il est heureux pour
un patient de succomber à la tentation de retrouver la santé. Il est heureux que nous puissions
prendre du temps pour vivre des instants de bonheur. Il est heureux que tout homme, toute femme,
cherche à s'accomplir sur cette terre. Ces tentations-ci sont de véritables béatitudes et je pense que
notre Dieu, révélé en Jésus-Christ, par son Esprit, nous invite à en vivre pleinement car elles nous font
grandir au plus profond de notre humanité.
Il y a par contre d'autres tentations qui ne nous font plus grandir. Cette deuxième catégorie de
tentations vient plutôt grossir l'ombre de certaines zones de nos personnalités. A court terme, nous
pouvons croire qu'elles nous sont nécessaires et nous font du bien. Mais, après réflexion, il y aura
lieu de reconnaître qu'à long terme, ces tentations nous déshumanisent. Elles ne participent
nullement à notre construction intérieure et à l'accomplissement de notre bonheur. Pire, elles peuvent
nous détruire de manière sournoise. Face à elles, nous avons à tout mettre en oeuvre pour résister.
Cette fois, nous chercherons à ne pas nous laisser tenter mais plutôt à nous éloigner d'elles car elles
vont venir encombrer les tréfonds de notre âme. Ce sont ces tentations-ci que le Christ va rejeter lors
de son expérience au désert. Au cours de l'histoire relatée dans l'Ancien Testament, Israël va
trébucher sur chacune d'entre elles et ira jusqu'à se perdre à chaque fois. Jésus nous invite à ne pas
nous enfermer dans une vision magique de la vie, à ne pas nous barricader dans une quête
incessante de pouvoir, à ne pas nous calfeutrer dans un désir de toute-puissance au service de nos
propres égoïsmes. Ces tentations ne nous feront pas du bien. Elles sont une illusion de notre
imaginaire et elles nous détruiront à petit feu que nous le voulions ou non. Les premières nous
faisaient grandir sur le chemin de notre humanité, les deuxièmes viennent grossir les failles de notre
inhumanité et nous conduisent vers une mort intérieure certaine.
Quant au troisième type de tentation, je me permettrai de vous proposer l'adage suivant : « pas
d'alléluia, pas de chocolat ». Je m'explique. Durant le Carême, nous ne chantons pas l'alléluia. Ce
n'est pas une simple question esthétique. Ce n'est pas non plus une privation pour une privation
comme cela avait été compris durant de nombreux siècles. Non, le fait de ne pas chanter l'alléluia,
c'est vivre l'expérience d'un jeûne intérieur pour mieux entrer dans le mystère de Pâques que nous
célébrerons dans un peu moins de quarante jours. En ne le chantant pas au cours de nos
eucharisties de Carême, nous refaisons l'expérience du manque. Non pas le manque pour le manque
mais plutôt un manque qui nous ouvre vers un ailleurs, vers un mieux-vivre. Un manque qui nous
2/2
comble car il nous permet, dès l'instant où nous le ressentons, de revenir à l'essentiel, à l'existentiel et
pour nous, croyantes et croyants, il s'agit de la lumière de Pâques. Ces petites privations que nous
nous offrons n'ont de sens que si elles nous ramènent chaque fois vers une vie vécue au rythme de
l'amour puisque, comme le souligne le poète, l'amour est la plénitude du manque. Et c'est pour cela,
que nous cherchons à aimer l'autre et le Tout Autre afin que nous puissions les uns et les autres nous
combler et participer ainsi à la construction du Royaume de Dieu. S'il en est ainsi, alors succombons
aux tentations qui nous font grandir en humanité, rejetons celles qui font grossir nos failles ombragées
et vivons avec joie, durant quarante jours, le « pas d'alléluia, pas de chocolat » car ce jeûne tout
intérieur nous conduira mieux encore au mystère de Pâques.
Amen

1er dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2008-2009

Bonne  Année  !   L'Eglise "  Avent - Garde "  du  Monde

Un mois avant la société, l'Eglise entre aujourd'hui dans une nouvelle année. Ce décalage de la liturgie vis-à-vis du calendrier du monde n'est pas du tout anodin: il signifie que les chrétiens s'engagent avant les autres dans une nouvelle étape du temps. Prenons une comparaison militaire: lorsqu'une armée doit pénétrer en territoire inconnu, dans l'ignorance des intentions de l'adversaire, son commandant envoie une troupe légère en avant-garde afin de reconnaître les positions de l'ennemi, deviner sa tactique, déjouer les embuscades et ainsi assurer une route aux troupes qui vont suivre.

Ainsi l'Eglise du Christ, en commençant la période de l'AVENT, se propose comme l' "AVENT-GARDE" de l'humanité. Elle peut remplir cette tâche non à cause des qualités de ses membres ni du génie de ses dirigeants mais parce que son Seigneur lui a confié cette mission difficile et dangereuse. Car la foi chrétienne n'est pas un refuge religieux, une habitude héréditaire mais une réponse à un appel, une obéissance à une vocation. Pourquoi devons-nous et pouvons-nous accomplir ce témoignage ? L'évangile de ce dimanche nous offre les trois piliers de notre certitude.

1. NOUS CONNAISSONS LE BUT DE L'HUMANITE ET LE SENS DU TEMPS

Où llons-nous ? Des constats alarmistes, des cris de savants se font entendre: plus d'un milliard d'hommes souffrent de la famine, le climat se réchauffe, des centaines d'espèces vivantes disparaissent....Quel est notre avenir ?  A la fin de sa vie terrestre, Jésus a tenu des propos apocalyptiques, il a évoqué les catastrophes futures, les ébranlements de la nature mais il a tout de suite ajouté que ces détresses étaient le préliminaire à sa venue glorieuse. L'évangile de ce dimanche nous en rapporte un extrait:

Jésus parlait à ses disciples de sa venue:  " Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde car les puissances des cieux seront ébranlées.   

      Alors on verra le FILS DE L'HOMME venir dans la nuée avec grande puissance et grande gloire.   

                Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête car votre rédemption approche.

 

Nous n'avons donc pas à être des sectaires fanatiques qui brandissent la menace des catastrophes et annoncent la fin du monde en évoquant la Colère de Dieu mais des prophètes qui assurent que, à travers toutes les détresses, le CHRIST VIENT. Jésus veut nous libérer de la panique:

                                      "Redressez-vous, dit-il, relevez la tête: votre libération approche".

L'Avent ne nous fait marcher vers Noël que pour tourner nos regards vers la Parousie, l'avènement du Christ en gloire lorsqu'il viendra sécher nos larmes et recréer une humanité enfin libérée de ses peurs. Nous marchons non vers l'anéantissement et la désintégration mais au contraire vers l'intégration dans une communion éternelle, à la rencontre d'un Dieu qui a visage humain

 

Sommes-nous en attente du Sauveur ? Osons-nous proclamer notre espérance infaillible: "Christ vient" ?.

Magnifique est la première phrase de la liturgie de la Parole de ce dimanche:

 

Parole du Seigneur : " Voici venir des jours  où j'accomplirai ma promesse de bonheur "       

   ( Prophète Jérémie, chap. 33 )

 

2. NOUS SOMMES MIS EN GARDE

 

Les annonces des perspectives catastrophiques n'ont qu'un impact assez faible sur les gens.

Celui-ci se dit "après nous le déluge", celui-là proteste de son impuissance à changer la situation. Et, en attendant une échéance problématique, la plupart se hâtent de profiter des opportunités, de jouir des facilités de vie, de se griser des plaisirs de la table, des voyages et du confort pendant qu'il en est temps.

Jésus a mis en garde ses disciples devant ces dangers de divertissement: suite de l'évangile du jour:

 

Tenez-vous sur vos gardes, 

de crainte que votre c½ur ne s'alourdisse dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie

et que ce Jour-là ne tombe sur vous à l'improviste.     Comme un filet, il s'abattra sur tous les hommes de la terre.

En effet, l'appréhension devant l'avenir incertain peut induire deux conduites d'évasion. Drogues, alcools ou certains médicaments semblent apaiser le stress mais on sait à quel esclavage ils réduisent leurs adeptes: au lieu d'assumer leurs responsabilités, ils "planent " dans un monde faux. Autre fuite: vouloir satisfaire tous ses manques, fonder son existence sur la réalisation de tous ses besoins, se laisser obnubiler par les soucis d'argent, de biens, de titres, d'honneurs, de possessions.

Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez.

 La vie est plus que la nourriture....Tout cela les païens le recherchent sans répit.

Cherchez plutôt le Royaume du Père et cela vous sera donné par surcroît"      ( Luc 12, 22-32)

 

Jésus nous prévient: Gardez votre c½ur indemne de ces dérives mortifères. Ne cherchez pas à oublier l'échéance qui est inéluctable. Restez légers, disponibles, offerts à un avenir qui sera Jour de grâce.

 

L'Evangile n'évacue pas les épreuves, il n'empêche pas les chutes, il n'épargne pas les croix mais, par un chemin resserré, par une porte étroite, il conduit à la lumière. Le peuple chrétien refuse de se conformer aux modes, de se laisser contaminer par "la fièvre acheteuse"; il adopte un style de vie différent des autres. Loin d'être retardataire et geignard, il s'élance avec sûreté sur les pas du Christ et ainsi, dans l'allégresse du détachement,  il montre un chemin de survivance.

 

3. NOUS SOMMES ÉVEILLÉS PAR LA PRIERE.

 

Constituer l'avant-garde de l'humanité, s'enfoncer dans l'inconnu, demeurer fidèles au programme du Christ à travers les tentations de peur et de fuite n'est vraiment pas facile. De nous-mêmes nous restons impuissants à accomplir cette mission. Mais le Seigneur nous indique le remède (fin de l'évangile) :

 

Restez éveillés et priez en tout temps:  ainsi vous serez jugés dignes d'échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l'homme

 

Le risque demeurera toujours d'oublier notre mission, de perdre de vue l'horizon christique de notre existence, de nous laisser prendre dans les rets des occupations immédiates. La PRIERE n'est pas discours, rabâchage de formules mais d'abord EVEIL, sortie de l'assoupissement et de l'aveuglement. A l'écoute du Christ, nous redevenons conscients de notre identité, lucides sur les enjeux, méfiants vis-à-vis des tentations, intrépides dans nos décisions. La Prière nous met debout, prêts à accomplir nos tâches et, si nous tombons, elle nous relève dans la joie d'être toujours pardonnés.

 

34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Ce jour là au catéchisme, quelques enfants avaient lu et commenté le texte de la traversée de la Mer Rouge. Lorsqu'un de ceux-ci --le petit Corentin-- rentra chez lui, sa maman lui demanda ce qu'il avait appris. Il lui répondit : « les israéliens s'enfuirent d'Egypte et Pharaon envoya son armée derrière eux. Les israéliens arrivant devant la Mer Rouge, se trouvèrent bloqués car ils ne pouvaient pas la traverser. Or l'armée égyptienne avançait à grands pas. Moïse voyant cela contacta par son téléphone mobile l'armée israélienne qui envoya un escadron pour bombarder l'armée égyptienne pendant que la marine israélienne faisait un pont de fortune pour permettre aux fuyards de traverser la mer ». La maman fut étonnée par un tel récit. Est-ce vraiment ainsi que ton catéchiste t'a raconté l'histoire de Moïse et de la traversée de la Mer Rouge? demanda-t-elle. « Pas tout à fait, admit Corentin, mais si je te l'avais racontée comme lui l'a fait, tu ne m'aurais jamais cru ». L'enfant de cette histoire avait quelques difficultés à appréhender le mystère de la toute puissance divine. Il ne pouvait l'envisager qu'en perspective de domination, de maîtrise des événements. Et il est vrai qu'une lecture trop rapide du livre de Daniel pourrait d'ailleurs nous entrainer dans une telle voie. Toutefois, le Christ Roi que nous célébrons aujourd'hui nous invite à découvrir qu'il en va tout autrement. « Si ma royauté venait de ce monde » nous dit Jésus « j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs ». Le Roi que nous fêtons en ce jour n'avait ni garde, ni armée pour se défendre. Sa seule arme était de rendre témoignage à la vérité : une vérité qui s'inscrit dans le c½ur de tout être humain, c'est-à-dire une vérité qui se laisse découvrir dans la fragilité et dans la tendresse. Ces dernières se déclinent au rythme des saisons de nos vies comme un souffle doux, une brise ineffable qui vient de notre âme, passe par le coeur pour rayonner dans les yeux, la voix, les gestes, en fait dans l'être tout entier. La tendresse est une lumière si fine et cependant si forte lorsque nous la recevons. Elle nous illumine de l'intérieur et donne un autre sens à notre vie. La douceur et la tendresse ne se mendient pas, mais se donnent naturellement sans bruit, dans le silence de regards aimants. Donner de la tendresse, c'est donner un peu de la lumière de son âme. Aimons donc le souffle de cette douceur car il provient du plus profond de nos entrailles pour permettre aux êtres humains de « se tendresser ». « Se tendresser » est un verbe qui se découvre en le vivant. « Toi, mon enfant, susurre Dieu, à chacune et chacun d'entre nous, tu fais partie de mon royaume. C'est pourquoi, je te tendresse et si tu te laisses tendresser, tu me tendresses également. Nous nous porterons ainsi l'un l'autre dans un amour qui nous étreindra ». Grâce à la douceur de la tendresse, nous assistons à notre mise à la Vie éternelle en nous laissant tout simplement, tout tendrement « tendresser ». C'est pourquoi, nous sommes invités à apprendre à marcher sur le chemin de la vie en rayonnant de cette douceur toute intérieure. Celle-ci est aux couleurs d'éternité, puisqu'elle prend sa source dans notre c½ur, qui ne vieillira jamais tant que nous continuons à désirer, à donner, à partager, à aimer. La royauté de notre c½ur est une royauté qui ne sera pas détruite, car il y a en chacun de nous une force de vie qui nous pousse à nous ouvrir vers celles et ceux de qui nous nous faisons proches. Aujourd'hui encore, Dieu vient nous redire que la toute puissance s'exprime dans la douceur, que la gloire se réalise dans le service, que la force s'accomplit dans notre fragilité intérieure, révélée dans un regard offert doucement à l'autre. En effet, notre regard dit quelque chose de ce que nous ressentons, de ce que nous traversons. Il est comme une page qui n'attend qu'à se laisser déchiffrer par celles et ceux qui acceptent de la lire. Il est cette porte d'entrée qui nous conduit à l'essentiel de notre être, là où se trouve le fondement de notre foi. En nous, il y a comme un socle qui ne peut s'abîmer, se fracasser. Notre foi est cette pierre angulaire qui nous ramène à cette part intouchable malgré notre fragilité qu'elle soit due à la maladie, à la vieillesse, à la mort d'un être cher, aux blessures de l'existence. En chaque créature humaine, il y a ce lieu intérieur qui nous confirme dans notre dignité et ce, qui que nous soyons, quoique nous ayons fait ou subi. Il y a de l'intact en nous, mieux encore du merveilleux divin. Un merveilleux qui nous invite à rendre témoignage de cette vérité dont la puissance se révèle dans la douceur et dans la tendresse. Amen

34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Grande solennité en ce dernier dimanche de l'année liturgique ! Le nouveau-né pauvre que nous avons accueilli à Noel, le misérable prisonnier qui a comparu devant Pilate, le crucifié du Golgotha, nous proclamons à la face du monde qu'il est LE ROI. Certes ce titre n'a plus guère aujourd'hui que valeur honorifique mais il signifie que Jésus a reçu tout pouvoir: il a inauguré le Royaume de Dieu sur terre, royaume éternel et universel comme le prophétisait le songe du prophète Daniel (déjà donné dimanche passé : 1ère lecture).

L'évangile du jour est repris de S. Jean qui a su raconter la Passion de Jésus comme son couronnement royal, sa glorification. Je propose de proclamer les deux premières scènes du procès devant Pilate afin de comprendre la dramaturgie et, à la fin, d'ajouter la sortie de Pilate pour en saisir le sens.

 

On avait emmené Jésus de chez Caïphe au prétoire (résidence du gouverneur) . C'était le point du jour.  

Ceux qui l'avaient amené n'entrèrent pas pour ne pas se souiller et pouvoir manger la pâque.

Pilate vint les trouver à l'extérieur:

-        Quelle accusation portez-vous contre cet homme ?

-        Si cet individu n'avait pas fait le mal, te l'aurions-nous livré ?

-        Prenez-le vous-mêmes et jugez-le vous-mêmes suivant votre loi.

-      Il ne nous est pas permis de mettre quelqu'un à mort !

                      C'est ainsi que devait s'accomplir la parole par laquelle Jésus avait signifié de quelle mort il devait mourir.                

 

Pilate rentra dans le prétoire; il appelle Jésus:

    -   Es-tu le roi des Juifs ?

    -   Dis-tu cela de toi-même ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ?

    -   Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation, les grands prêtres t'ont livré à moi:  qu'as-tu fait ?

    -  Ma royauté n'est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gardes auraient combattu pour que       je ne sois pas livré aux Juifs. Mais ma  royauté, maintenant, n'est pas d'ici.

   -  Tu es donc roi ?

   -  Tu le dis que je suis roi. Moi, je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité.  Quiconque est de la vérité écoute ma voix.

   -   Bah ! ...Qu'est-ce que la vérité ?

 

Sur ce mot Pilate sortit trouver les Juifs:

                              -   Pour ma part je ne trouve contre lui aucun chef d'accusation. Il est d'usage à Pâque  que je  relâche un                                                           

                                    prisonnier. Voulez-vous que je relâche le roi des Juifs ?

Ils se mirent à crier:

                              -    Non, pas celui-là mais Barabbas  -   qui était un brigand.

 

Dehors une bande excitée veut arracher la condamnation à mort du prisonnier. Dedans Jésus ligoté est avec ses gardiens. Pilate est donc obligé d'aller de l'un aux autres, de sortir puis d'entrer. Sept scènes ainsi se succèdent: quelle en sera l'issue ? Jean enlève tout suspense: Jésus ne sera pas lynché par ses compatriotes mais mis en croix par les Romains comme il l'avait annoncé: " Lorsque je serai élevé de terre,..." (12, 32) - en jouant sur les deux sens du mot: "élevé" entre ciel et terre sur la croix mais en même temps ELEVE dans la Gloire.

 

Pilate ( préfet de Judée de 26 à 36 - connu par les historiens de l'époque pour sa violence et sa haine des Juifs) est perplexe: si cet homme était dangereux, les gens de sa police l'auraient déjà arrêté, s'il s'agit d'outrage à la loi juive, que ces Juifs traitent l'affaire entre eux. Vite il comprend: ils veulent sa mort !  Pour quelle raison ?

Pilate connaît l'espérance juive en un certain "messie", un roi qui serait oint par Dieu pour prendre le pouvoir. Il traduit à sa façon: " Tu es roi ?". Jésus lui donne double réponse: ce que n'est pas sa royauté et ce qu'elle est.

 

LE ROYAUME DE JESUS : TEMOIGNAGE DE LA VERITE

 

" Ma royauté n'est pas de ce monde...": attention ! cela ne signifie pas qu'elle s'exerce dans l'au-delà, ni qu'elle soit reportée à l'avenir ni cantonnée dans une spiritualité intérieure. Jésus n'est pas un chef politique, un leader nationaliste puisqu'il s'est laissé arrêter sans défense. Mais son royaume s'inaugure et se déploie bien dans notre histoire, sur notre terre ! La foi n'est pas une affaire de piété cachée mais d'adhésion libre.

 

Puis il explique positivement par une déclaration majeure de l'évangile: " Je suis né et je suis venu dans le monde pour témoigner de la vérité". Déjà dans son prologue, Jean écrivait: " Le Verbe, le Logos, était la vraie Lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme" (1, 9).  Car le monde gît dans les ténèbres, l'homme se heurte aux murs de sa prison: qui suis-je ? Où vais-je ? Y a-t-il un Dieu ? Et le mal ? Pourquoi cette faiblesse, ce mal que nous ne cessons de commettre ? Pourquoi tant d'horreurs ?...

Certes la loi, la philosophie, la sagesse éclairent notre nuit, elles nous livrent des indications précieuses, nous indiquent un chemin...Mais que notre ignorance et notre lâcheté sont immenses ! Que d'occasions de chutes ! Que de coins obscurs !  Aucun code, aucun art, aucune science ne peut nous sortir du marasme.

 

Mais voici la Bonne Nouvelle: Jésus est le Fils. Il n'est pas seulement le porte-parole de Dieu: IL EST SA PAROLE. Il ne montre pas seulement le chemin de la morale: il offre sa vie pour nous offrir le pardon et nous donner la Vie divine. Il vient nous libérer, il nous introduit dans le royaume de la VERITE et il osera dire: " Je suis le chemin, la Vérité et la Vie"    (14, 6).

 

Ce royaume n'est pas délimité par des frontières: il est offert à quiconque "est de la vérité", c.à.d.  à tout  homme qui se veut fidèle à son origine, qui souffre de ses limites, qui cherche vraiment le dévoilement du mystère, qui commet des péchés mais sans s'y résigner et sans espoir de les surmonter par lui-même.

Celui-là "écoute ma voix" dit Jésus, c.à.d. il perçoit dans l'évangile un ton inouï, il y rencontre non seulement un beau message mais QUELQU'UN, un Dieu qui se donne pour le combler de son amour ! il y entend un appel à sortir de sa nuit et à suivre ce Jésus. Alors, comme Nicodème,  "il fait la Vérité et il vient à la lumière" ( 3, 21).

 

LE PÉCHÉ : REFUSER LA LUMIERE

 

A ce moment précis se joue le drame: au lieu de poursuivre le dialogue, de demander à son prisonnier un éclaircissement, Pilate, arrogant, se détourne de Jésus en lançant ces mots: " Qu'est-ce que la vérité ?".

 

Le préfet romain a beaucoup vécu, il connaît l'humanité, il a commandé des troupes, il a de la culture, il a lu des livres. Et il en est arrivé à douter de tout: la vérité n'est qu'un rêve, un mirage. Les idées et les théories s'affrontent dans un désaccord permanent; la lâcheté, l'impureté, la violence sont telles que l'on ne peut espérer rejoindre la lumière. Que chacun se débrouille comme il peut. A chacun sa vérité. La vie est un théâtre où gagnent les plus malins et les plus forts.  Et ce n'est pas ce pauvre type de Galiléen ligoté  qui va m'apprendre quelque chose.

 

Pilate vient de rater son existence. Il pouvait, pour la première fois de sa vie, entrevoir la lumière, sortir de son scepticisme, découvrir le salut, le pardon, le vrai bonheur, la joie de Dieu.

Et parce qu'il se croit assez malin pour résoudre tous les problèmes ou parce qu'il se résigne au destin, il se détourne de Jésus et se dirige vers la foule hurlante. A trois reprises, il va lui déclarer qu'il ne voit aucune raison d'exécuter Jésus, ce non-violent, un illuminé, un exalté religieux, un utopiste qui croit encore à l'idéal de la paix universelle. Mais sous la pression des grands prêtres, Pilate craque: il signera l'acte de condamnation à mort.

 

Lorsque l'on ne veut pas connaître la vérité, que l'on refuse d'accueillir la Lumière, on est capable de commettre sciemment une erreur judiciaire. On hurle avec les loups et  la vie d'un homme ne compte plus. Là où l'on refuse Jésus, on piétine sa conscience et l'injustice déferle. 

Condamné à mort, Jésus sera livré aux soldats et ceux-ci, raconte S. Jean, vont se livrer à un simulacre de couronnement. Ah ce type se prétend roi ? eh bien nous allons jouer au couronnement:  On doit le baigner ? On le flagelle...et il baigne ainsi dans son sang    Une couronne ? Oui mais avec des épines ...    On le revêt d'un manteau rouge d'officier - qui évoque le manteau de pourpre impérial    Défiler devant lui pour les révérences ?..- oui mais à tour de rôle on le gifle et on le frappe   Enfin le présenter au peuple pour l'ovation ? Pilate crie: " Voici l'homme"...Et le peuple hurle :" Crucifie-le ! Crucifie-le ! "

 

Mais c'est au sein de cette affreuse mascarade que brille LA VERITE: Jésus se donne pour nous pardonner et nous vivifier.  Avec St Jean et St Pierre, avec St François et St Dominique, avec Fra Angelico et Jean-Sébastien Bach,  avec le ch½ur universel, nous chantons à pleine voix le cantique de l'Apocalypse (1, 5-8  =  2ème lecture) :  

 " A Celui qui nous aime,

      Qui nous a délivrés de nos péchés par son sang,

          Qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père,

                  À Lui GLOIRE ET PUISSANCE POUR LES SIECLES DES SIECLES.      AMEN  !

                                             IL VIENT  ! ...et tous les hommes le verront, même ceux qui l'ont transpercé..."

 

Nous te rendons grâce, Seigneur, pour cette année vécue avec Toi.

32e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Une Eglise  à convertir à la simplicité

 

Dans un pays sous la botte romaine depuis plus de 90 ans, qu'un jeune prophète soit déclaré de la famille royale de David, qu'il annonce la venue imminente du Royaume de Dieu, qu'il manifeste sa puissance par des miracles spectaculaires, qu'il décide de monter à Jérusalem entraînant à sa suite un groupe de disciples et une foule de plus en plus nombreuse, voilà qui ne pouvait qu'ameuter toute la population sur son passage. 

C'est pourquoi, lorsque Jésus entra dans la capitale, on fit un accueil triomphal à celui qui incarnait l'espérance de la libération. " Béni soit le règne qui vient, le règne de David notre père" hurlaient les gens (11, 10). Avec un tel chef, beaucoup ne doutaient plus: "le Jour de Gloire est arrivé", le combat pour l'indépendance nationale va éclater et il ne pourra être que victorieux.

 

Or - et on ne méditera jamais suffisamment sur ce sujet - Jésus ne  lance pas ses troupes à l'assaut de la citadelle de Pilate; au contraire  il va tenter de purifier la religion de son peuple !  Le problème pour lui n'est pas politique, militaire, nationaliste, ni même moral (expurger la ville des bandits et prostituées) mais religieux: qu'en est-il du culte ? comment se comportent les dirigeants religieux ?

Jésus va s'attaquer aux dérives religieuses avec grande violence tant, pour lui, l'enjeu est fondamental: c'est dans ce but qu'il est venu. Et il le sait depuis longtemps: sa lutte pour la conversion de ceux qui ne voient pas qu'ils devraient se convertir lui coûtera cher. Rien moins que sa vie. Mais là est sa mission. Et ainsi naîtra le vrai Israël.

 

Jésus pénètre dans le temple et il en chasse les marchands installés sur l'esplanade; ceux-ci, ne l'oublions pas, payaient bien cher leur emplacement au Grand Prêtre !!! Par son geste, Jésus s'attaque au portefeuille des puissants !  Audace impardonnable, risque mortel, toujours !!!-  11, 15

Puis Marc raconte 5 controverses qui opposent Jésus aux dirigeants:  l'ancien charpentier d'un petit village et qui n'a pas fait les longues études nécessaires, déjoue tous les pièges de ses adversaires et fournit les réponses justes, à la grande joie du petit peuple qui l'écoute avec ravissement. "Un laïc" comme eux cloue le bec aux sommités: quel régal ! 

Enfin, non seulement il répond à leurs questions pièges mais il dénonce la fausseté de leur comportement:  = évangile de ce dimanche.

 

JESUS  CRITIQUE  LES  DEFAUTS  DES SCRIBES

 

Dans son enseignement Jésus disait: " Méfiez-vous des scribes:

- ils tiennent à sortir en robes solennelles,

- ils aiment les salutations sur les places publiques,

- les premiers rangs dans les synagogues et les places d'honneur dans les dîners.

- Ils dévorent les biens des veuves

- Ils affectent de prier longuement.

Ils seront d'autant plus sévèrement condamnés"

 

Les scribes tenaient une place primordiale en Israël: après la catastrophe de - 587 (destruction de Jérusalem, incendie du temple, exil de l'élite ) et le retour en - 536, le grand Scribe ESDRAS avait convaincu le peuple que ce désastre avait été subi non à cause de la puissance de l'armée babylonienne mais en conséquence des infidélités répétées envers la Loi de Dieu. C'est parce que rois, prêtres et chefs n'avaient pas mis la Loi en pratique que les ennemis avaient écrasé Israël.

 

C'est pourquoi il fallait donc revenir d'urgence à une observance minutieuse de tous les décrets, de toutes les fêtes, de tous les sabbats. D'où l'importance capitale d'hommes lettrés, capables non seulement de bien lire et d'interpréter les moindres détails de la Loi mais connaissant en outre parfaitement la Loi orale, la Tradition non écrite.

Le destin d'Israël dépendant de la pratique de la Loi, la fonction des scribes était essentielle: ils étaient les spécialistes que l'on consultait sur les points débattus, les théologiens qui éclairaient les passages obscurs des Ecritures, les enseignants des antiques traditions. Ils étaient les "Maîtres" en Israël, vénérés pour leur science, leur intelligence, leur mémoire.

Mais...!?

Mais hélas, si nombre d'entre eux étaient sans doute de bons croyants, honnêtes, modestes, sincères, édifiants, d'autres, grisés par leur succès, étaient tombés dans les travers qui guettent tous ceux qui sont l'objet de la faveur populaire. Et Jésus de souligner cinq défauts :

 

-       ils revêtaient des habits spéciaux avec de beaux ornements qui les distinguaient.

-       ils étaient flattés par les courbettes, les multiples salutations qu'on leur adressait en rue.

-       évidemment on leur offrait les places d'honneur dans toutes les manifestations.

-       Il y avait pire que leur vanité : ils étaient habiles pour se faire offrir de beaux cadeaux, s'attirer les héritages des veuves isolées. Très grave péché car la Torah exigeait que l'enseignement soit offert gratuitement et ne devienne jamais source de revenus.

-       On les voyait fréquemment en prière en public...mais Jésus dénonce leur hypocrisie: leurs longues prières n'étaient qu'affectation, simulation afin justement de s'attirer les bonnes grâces et l'admiration des naïfs.

 

Vanité, cupidité, hypocrisie: ces mensonges, affirme jésus, ne pourront qu'attirer un plus grand châtiment de Dieu puisque ces hommes devaient savoir qu'ils enfreignaient la Loi qu'ils étaient chargés d'expliquer !

 

LA  GENEROSITE   EST  PROPORTIONNELLE

 

A l'opposé de ces savants intéressés, Jésus propose l'exemple d'une pauvresse:

 

Jésus s'était assis dans le temple en face de la salle du trésor et regardait la foule déposer de l'argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes.

Une pauvre veuve s'avança et déposa deux piécettes. Jésus s'adressa à ses disciples: " Amen je vous le dis: cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence: elle a tout donné, tout ce qu'elle avait pour vivre".

 

Jésus rectifie nos jugements spontanés: nous admirons tel homme qui offre une grosse somme d'argent ...mais ce don ne lui coûte pas grand chose puisqu'il est très fortuné. La générosité doit s'évaluer selon une proportion: par égard à ce que l'on possède. Et en ce sens, il est connu que les pauvres se montrent souvent bien plus généreux que les nantis. C'est une pauvre veuve à toute extrémité qui accueillit le prophète Elie en lui donnant ses ultimes provisions   ( 1ère  lecture )

 

AUJOURD'HUI

 

L'Eglise appelle souvent le monde à devenir meilleur, elle multiplie les documents sur la justice et la paix, elle dénonce des comportements inacceptables. Et si d'abord elle travaillait surtout à sa propre conversion ? Si, comme Jésus le voyait de son temps, elle avait conscience que le 1er problème, c'est elle ? Ainsi, par exemple, les conflits entre nations ne sont-ils pas moins scandaleux que les déchirures des Eglises ? 

Heureusement, sous l'impulsion de Jean XXIII et après le concile, la hiérarchie de l'Eglise a fait quelque progrès en simplifiant rites et décorum; on a éliminé les titres ronflants; les prélats ont simplifié leur garde-robe et raccourci leurs traines; la liturgie est devenue moins triomphale.

Qu'il faille encore oser des réformes plus radicales, qui le nierait ? Pierre, le 1er pape, Paul, le grand apôtre, étaient habillés comme des gens du peuple, sans décorations ni insignes; personne ne leur attribuait  des titres ronflants; ils n'habitaient pas des palais !  Les liturgies se déroulaient à l'intérieur des maisons, sans or ni pierres précieuses, sans robes ni dentelles. On ne cherchait pas à éblouir le peuple par le faste : l'autorité venait de la foi vécue, de la conviction et de la sincérité. On ne marquait pas des zones religieuses, "sacrées" , séparées du domaine "profane" de la famille et du travail.

Et les apôtres, éclairés par cet évangile du jour, veillaient à ne faire acception de personne, à ne pas se laisser acheter par des générosités feintes.

Ils s'inclinaient avec  respect devant la pauvre vieille mal fichue qui n'avait donné qu'une piécette.

Tous les Saints

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

Une Humanité Heureuse

 

Alors qu'elle est traitée par beaucoup de mégère pessimiste, culpabilisante, prophétesse de malheurs, l'Eglise a la joyeuse audace de clore son année liturgique - qui symbolise l'histoire du monde - par une fête qui célèbre la certitude de la réussite du Projet de Dieu. Elle ose proclamer que l'être humain, capable des pires crimes et des horreurs les plus abominables, peut aussi, par la grâce de Dieu, accomplir sa vocation fondamentale, devenir d'une incroyable beauté, être SAINT.

Elle ne dit pas qu'il y d'un côté des bandits, des pervers, des damnés et de l'autre des innocents et des parfaits: elle dit aujourd'hui que tout être humain, si bas soit-il tombé, peut, s'il y consent, atteindre la lumière. Abominables et innombrables peuvent être les chutes: elles ne sont jamais irrémédiables.

" Là où le péché abonde, la grâce surabonde": avec quelle exultation saint Paul écrivait ces mots, lui qui avait été rencontré par un Messie lui offrant son pardon.

 

La Toussaint n'exige pas que, pour être saints, nous réalisions des exploits prodigieux, que nous nous immolions aux flammes, que nous acceptions de nous dépouiller jusqu'à la nudité, que nous vivions des phénomènes mystiques. Certes des chrétiens ont accompli des merveilles mais eux, ils ont leur jour de fête; tout au long de l'année, nous célébrons leur mémoire, nous les appelons " Saint...Sainte...". Aujourd'hui la Toussaint nous tourne vers la foule des anonymes de la sainteté, ces fidèles dont le journal n'a jamais parlé, à qui nul monument n'a été dressé, dont on n'a jamais écrit la biographie mais qui, dans leurs humbles tâches quotidiennes -  famille, profession, voisinage, loisirs, politique... -, ont tout bonnement, et souvent sans s'en rendre compte, obéi à Dieu et vécu selon ses commandements.

 

La Toussaint  torpille la conception janséniste d'une petite élite de sauvés contemplant de haut la masse des damnés et elle nous fait partager la vision merveilleuse de Jean:

 

" J'ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples...

Ils se tiennent debout devant le Trône de Dieu et devant Jésus, l'Agneau immolé,

                    en vêtements blancs, des palmes à la main.

Et ils proclament: " Le salut est donné par notre Dieu, qui siège sur le trône, et par l'Agneau ! "

                                                                                  Livre de l'Apocalypse 7, 2-14    =  1ère lecture du jour.

 

La Toussaint nous dit que la sainteté n'est pas une utopie cachée dans un futur incertain, derrière l'horizon de la vie terrestre: notre transfiguration est commencée. Si nous écoutions saint Jean, nous saurions que déjà, tout de suite, sans attendre, nous pouvons goûter le bonheur de la vie avec Dieu:

 

Mes bien-aimés, voyez comme il est grand l'amour dont Dieu nous a comblés:

il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu - et nous le sommes !.

Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître puisqu'il n'a pas découvert Dieu.

Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu,

mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement

                                                                                   1ère lettre de Jean 3, 1-3   =   2ème lecture

 

Savons-nous assez l'honneur  (immérité), le privilège (gratuit), la joie (bouleversante) de parler à Dieu en lui disant: PERE ... NOTRE PERE ...?  Etre saint, c'est accepter d'être aimé.

 

Les HUIT BEATITUDES : PORTIQUE DU ROYAUME

 

La Toussaint nous dit que la foi est bonheur: non un petit bonheur mesquin, fragile et éphémère comme une bulle qui serait notre refuge contre les coups de la vie. Mais un bonheur qui est dynamisme, recherche toujours tendue, désir toujours ouvert.

Ce bonheur est décrit par le Seigneur Jésus dès sa prédication inaugurale: huit béatitudes qui se ramènent à  quatre couples selon les orientations profondes de l'être humain.

 

L' HUMILITE.

 

Heureux les pauvres en esprit:   le Royaume de Dieu est à eux.

Heureux les doux:                        ils obtiendront la terre promise.

 

La première condition - tous les Saints l'ont redit - est l'humilité, la conscience de son indigence, le refus de se construire sur ses idées propres, son génie, ses biens, ses possessions. La pauvreté n'est pas habillée de loques: elle signifie le retour à l'enfance, à la confiance en l'Autre, à l'abandon à sa volonté.

 

LE  DESIR

Heureux ceux qui pleurent:                            ils seront consolés.

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice:    ils seront rassasiés.

 

Il ne s'agit pas d'être joyeux lors d'un deuil: les pleurs sont ceux du juste qui est passionné par le royaume de la justice de Dieu, qui souffre de voir tant de malheurs: parce que l'amour n'est pas aimé, parce que les hommes bafouent le droit, parce qu'ils se laissent défigurer par le mal, parce qu'ils saccagent le monde que Dieu leur a offert.

Le saint ne se résigne pas au triomphe de l'ignominie, aux blasphèmes contre Dieu et contre l'homme. Il a passionnément soif du Règne de Dieu, d'un monde équilibré où tous les hommes pourraient s'épanouir. Il veut une authentique "société de consommation": non une frénésie d'achats mais un accomplissement de l'amour.

 

LE  C¼UR

Heureux les miséricordieux:  ils obtiendront miséricorde.

Heureux les c½urs purs:    ils verront Dieu.

 

Le salut se joue dans le c½ur, au centre de la personne. Malheur au c½ur endurci, enfermé dans ses volontés propres, tellement retourné sur lui-même qu'il ne voit pas l'autre ni Dieu. Mais bonheur au c½ur tendre qui compatit à la misère, qui ne condamne pas autrui mais le regarde avec compassion, toujours prêt à l'aider, à le servir, à lui pardonner. Alors ce c½ur, débarrassé de sa coque d'égoïsme, libéré de sa prison, purifié de ses miasmes - comme un minerai est purifié de ses scories - pourra voir Dieu. Sans extases ni apparitions, il jouira de la Présence de Celui à qui il a offert son c½ur.

 

LA  PAIX

Heureux les artisans de paix:                        ils seront appelés fils de Dieu.

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice:  le Royaume de Dieu est à eux.

 

Le saint cesse de vouloir en imposer aux autres; il perd toute idée de vengeance. Dans la jungle qu'est souvent la société humaine, il refuse d'être un animal  qui agresse: il veut être un homme qui jamais ne se résigne à l'hostilité permanente, à l'état de guerre perpétuelle. Son patriotisme ne veut pas dire haine de l'étranger; sa couleur de peau ne le rend pas raciste; son statut social ne le remplit ni de morgue ni d'envie; son christianisme ne le juche pas sur un piédestal.

Et il accepte - car il le constate tout de suite - que s'il opte pour le bonheur de la paix, il sera épié, critiqué, vilipendé, combattu, arrêté, jugé, condamné.

Et, avec la grâce de Dieu, il fera cette expérience paradoxale d'être heureux au sein même de ses souffrances. Ainsi recevra-t-il la preuve que son Dieu ne lui a pas menti.

 

Que la Toussaint perde pour nous son  brouillard, son odeur de chrysanthèmes et de feuilles mortes.

Devant les tombes qui réveillent tant de souvenirs, que nos larmes ne nous empêchent pas de nous réjouir.

Dieu n'a pas fait l'homme pour la mort mais pour qu'IL VIVE !

Si la nature descend dans la nuit de l'hiver, c'est pour se réveiller au printemps.

Si nos défunts sont retournés à la poussière, c'est pour en resurgir dans la Lumière de la Résurrection.

Tous les Saints

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2008-2009

La semaine dernière, dans cette église, le frère Didier posait une question dont j'aurais été incapable de donner la réponse. Je vous rappelle cette fameuse question : « Savez-vous ce qu'est l'ochlophobie? » Ce dimanche-là, j'ai appris qu'il s'agissait de le peur de la foule. Alors la foule, parlons-en. Permettez-moi à mon tour de vous posez une question : quelqu'un parmi nous peut-il me donner le nom du saint belge qui a été canonisé il y a juste trois semaines et qui a donné sa vie pour les lépreux. En tout cas, il en aura fallu du temps à Damien pour être reconnu saint par les plus hautes instances de notre Eglise. Il est vrai qu'il fumait et un saint qui fume, cela ne fait pas très bon genre, surtout aujourd'hui où même Lucky Luke a remplacé sa cigarette par une tige de blé. De plus, Damien a contracté la maladie en prêtant sa flûte, il semblerait pour certains qu'il ait manqué de prudence. Et enfin, Damien s'en est allé auprès des lépreuses et lépreux de Molokai de sa propre volonté. Pire encore, il a désobéi à ses supérieurs pour suivre sa conscience et le sentiment intérieur qu'il devait aller se mettre au service des exclus de son temps. Un saint désobéissant, vous imaginez l'exemple à suivre ou à ne pas suivre ? A chacun d'en juger. Il aura donc fallu de nombreuses décennies pour qu'il soit reconnu à sa juste valeur. Toutefois, dans le c½ur de beaucoup, il était déjà saint depuis bien longtemps. J'en ai pour preuve cette photo que je vais me permettre de faire passer à travers les rangs. Elle fait partie des archives de ma famille et montre la ferveur de la foule en mai 1936 lors du retour du corps de Damien à Louvain. Je ne peux oublier que lorsque j'étais plus jeune, nous allions très souvent nous recueillir sur la tombe de celui qui aujourd'hui a été élevé au rang de saint alors qu'il l'était déjà depuis bien longtemps pour tant de personnes. Le peuple de Dieu avait reconnu la vie merveilleuse de cet homme.

Il y a donc des saintetés reconnues et puis des saintetés plus anonymes. Quoiqu'il en soit, toutes et tous, en Dieu, nous sommes nous aussi appelés dès l'instant de notre baptême à une forme spécifique de sainteté : la sainteté de tendresse. Qu'est-ce à dire ? Il ne s'agit pas une forme de sainteté au sens d'un héroïsme qui braverait tous les dangers mais plutôt d'une forme merveilleuse et discrète de petits sacrifices quotidiens pour le bonheur des autres. Dans toute relation fondée sur les sentiments du c½ur, nous sommes conviés à devenir des saintes et des saints de tendresse, c'est-à-dire des hommes et des femmes, qui acceptent de donner leur temps à l'autre par le service de petites choses en toute discrétion dans la monotonie du quotidien. Là, il n'y a plus de place pour le splendide, le merveilleux ; simplement un espace pour un ensemble de petits gestes plus insignifiants les uns les autres et qui pourtant pointilleront nos vies d'amour dans cet éloge de la banalité de tous les jours. Devenons ainsi des héros anonymes de la sainteté de tous les jours. Ces héros sont myriades lorsqu'ils chantent leur amour dans la douceur de tous ces gestes qui permettent à tout être humain rencontré de devenir encore plus lui-même, plus elle-même. La sainteté ne se décline pas dans l'exceptionnel de nos vies. Loin s'en faut. Elle se conjugue plutôt au présent. C'est ici et maintenant que nous sommes appelés à devenir des saints et des saintes les uns pour les autres. Le bonheur des béatitudes n'est pas une promesse à venir. Elle s'offre à nous dès à présent. Puissions-nous redécouvrir la richesse de notre quotidienneté et nous réjouir de notre capacité à pouvoir donner de notre temps et de nous-mêmes pour participer, à partir des dons reçus, à la construction du Royaume de Dieu. Il en va de notre responsabilité. En effet, dans la tendresse, nous permettrons ainsi à d'autres de se laisser interpeller dans leur propre vie par la manière dont nous vivons la nôtre. Si la tendresse est devenue l'encre lumineuse et étincelante de notre pèlerinage terrestre, nous donnerions peut-être à d'autres le goût de découvrir cette clé divine qui donne un autre sens à nos propres vies. De cette manière, à notre tour et à notre niveau, nous devenons des saints puisque, par notre qualité d'être, nous convions celles et ceux dont nous nous faisons proches à ce qu'ils puissent à leur tour souhaiter appartenir au monde de Dieu, à découvrir la force de l'Esprit à l'½uvre en nous et à pouvoir boire à la même source telle qu'elle nous a été révélée en Jésus-Christ. Croyons-le avec force et en toute humilité. Devenons les uns pour les autres ces saintes et saints de tendresse qui illuminent notre monde d'une lumière intense aux couleurs de la Trinité.

Amen

30e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009


Permettez-moi de commencer par vous poser une petite une question.
Savez-vous ce qu'est l'ochlophobie?  Je vois que personne ne lève le doigt, alors je vais vous donner la réponse.

L'ochlophobie est la peur de la foule, tandis que l'agoraphobie est simplement la peur des grands espaces.
Les ochlophobes voient dans la foule un poids, ils voient dans le regard des autres une compression, voire une oppression. Et un des symptômes de l'ochlophobie, curieusement, est que ceux qui en souffrent finissent par ne plus distinguer clairement ce qui les entourent. Leur vision est comme troublée !  Parce qu'ils ne voient que la foule, ils ne se voient plus eux-mêmes comme sujet.

Dans le récit d'évangile que nous venons d'entendre, l'aveugle Bartimée semble dans un premier temps confronté au poids de cette foule versatile, qui veut d'abord le faire taire. Il est sur le bord du chemin, comme s'il était ochlophobe. Enfermé dans son manteau de victime, il ne voit pas. Il ne peut voir, comme si le poids écrasant de la foule l'empêchait d'avoir un regard personnel sur sa réalité, comme si la seule vision acceptable était celle de la masse.

Toutes et tous, nous pouvons parfois à des degrés divers, souffrir du poids de la masse versatile, être victimes des opinions, des majorités, de ce que nous n'avons pas choisi.  Nous pouvons parfois nous trouver sur le bord de la route, à cause des clichés d'une identité qui nous serait imposée. «Oh celui-là, c'est un____». «Oh, celle-là, c'est une véritable____» Je vous laisse remplir les blancs. «Celui, c'est bien le fils de Timée...» Il y a toujours comme un désajustement entre ce que nous sommes vraiment et ce que nous sommes pour les autres.

Mais aujourd'hui, que nous sortions de Jéricho avec la foule, ou que nous soyons assis au bord du chemin comme Bartimée, nous avons à nous relever pour quitter ces visions obliques, qui peuvent soit nous limiter, soit enfermer les autres, afin d'acquérir une vue droite pour marcher sur le chemin ouvert par Jésus.

Nous relever, c'est-à-dire partir sur notre propre chemin d'humanité. Dans le récit, Bartimée passe par une série de renaissances. Il est décrit tout d'abord comme 'mendiant aveugle', puis comme un 'aveugle', puis comme 'homme'. Si on reprend le fil du récit, une fois l'appel lancé par Jésus, il n'est plus décrit comme mendiant, peut-être parce qu'il a été entendu. Mais, bien plus, une fois son manteau tombé, il n'est plus présenté comme aveugle. Il devient homme. C'est finalement son manteau qui lui couvrait la vue.


Le manteau des clichés, le manteau de victime, le manteau de ceux qui sont en marge et que la foule n'intègre pas.

Notre chemin d'humanité passe donc par une série de renaissances.
Nous avons donc à laisser tomber notre manteau, nos manteaux. Au temps de Jésus, le manteau était un des seuls bien propres dont on ne pouvait être dessaisi, et qu'il était interdit de prendre en gage plus d'un jour. Le manteau est donc le symbole de ce que la foule considère comme le bien propre, mais qui n'est finalement qu'une identité de superficie, imposée de l'extérieur, et que Jésus ne nous invite pas à subir.

Aujourd'hui, sur notre chemin d'humanisation, nous sommes invités à faire confiance, c'est-à-dire sortir de notre identité donnée par les autres, pour faire naître une identité toute personnelle donnée à l'autre.

C'est cette route de confiance et de foi que nous sommes invités à suivre. Dès lors, dans le récit, ce qui sauve Bartimée n'est certainement pas le regard progressivement positif de la foule, qui reste versatile !
Nous avons à découvrir que comme Bartimée, ce qui sauve est toujours la confiance d'une relation personnelle. C'est cela qui nous donnera notre véritable identité, dans laquelle l'authenticité et la vulnérabilité feront tomber nos manteaux.  C'est en s'ouvrant à l'autre en tant qu'autre, et non aux autres en tant que groupe que nous pouvons nous relever. «Que veux-tu, que je fasse, pour toi?», nous dit Jésus.

Dès lors, quittons l'ochlophobie qui peut sommeiller en nous, pour entrer dans l'ouverture et l'amour de l'autre en tant que sujet. L'amour d'autrui en tant qu'autre, l'inverse de l'ochlophobie, n'est pas l'altéro-philie... même si nous avons tous des poids à relever.

En réalité, l'antidote de l'ochlophobie, c'est l'ouverture à l'altérité d'une relation personnelle, l'allophilie : l'amour de l'autre en tant que prochain, dans sa différence personnelle.

Soyons alors des allophiles, des hommes et des femmes qui découvrent que ce n'est qu'en se dévoilant qu'ils peuvent marcher sur le chemin de la relation à l'autre, afin de passer chaque jour d'une l'identité donnée par les autres -- à une identité du don à l'autre.   Amen.