5e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012


« Range ta chambre, tu as vu ce capharnaüm ».  Qui d'entre nous n'a pas entendu ou prononcé ce type d'injonction.  Et voilà, qu'au fil des ans, la ville de Capharnaüm est devenue synonyme d'un lieu qui renferme beaucoup d'objets en désordre.  Elle même, du temps de Jésus, était un véritable carrefour de races multiples, de nationalités, de migrants de toutes sortes.  Un vrai bazar et c'est à cet endroit précis que le Christ établit son lieu de refuge.  C'est toujours vers elle qu'il reviendra, c'est-à-dire au c½ur de la vie trépidante et bouillonnante.  Là, où les gens vivent.

Une pièce peut donner le vertige tellement, elle est remplie de bric-à-brac. Une ville peut donner le vertige tellement la vie grouille et semble ne jamais s'arrêter. Mais également un être humain peut donner le vertige tellement il est encombré d'un ensemble de pensées ou d'activités. La vie peut parfois prendre à ce point le dessus que nous nous oublions tellement il y a à faire.  Faire, faire et toujours faire, telle semble être la devise de notre société.  Mais à force de toujours chercher à faire, ne risquons-nous pas à un moment donner d'oublier d'être.  Combien d'hommes et de femmes, arrivés à l'âge de la retraite, ne se sont-ils pas sentis perdus car ils n'avaient plus rien à faire et pouvaient alors être frappés d'un sentiment d'inutilité, voire d'inexistence.  Il y a tout un apprentissage d'une nouvelle forme de vie à découvrir pour mieux se réjouir d'offrir de nous-mêmes aux autres.  Toutes et tous, nous avons besoin de faire quelque chose.  Avec la force de l'âge, la maladie, la perte d'un emploi, nous pouvons parfois être envahis de cette impression que nous n'apporterons plus rien aux autres tellement nous avons le sentiment que nos actions sont réduites, peu éclatantes.  Détrompons-nous car quelle que soit notre situation, où que nous en soyons dans nos existences, assis, debout ou couchés, nous pouvons toujours être signe d'espérance et de confiance lors de chacune de nos rencontres.  En effet, c'est dans la fragilité, dans la brise légère que Dieu notre Père aime se révéler à nous.  Combien de gestes simples, vécus dans la douceur et la tendresse, ne vont-ils pas marquer notre c½ur à jamais. Nos vies se conjuguent dans l'amour au rythme de nos saisons.  Dieu ne nous attend jamais dans le merveilleux ou l'extraordinaire.  Il est plutôt à nos côtés dans le quotidien de nos existences, là où la vie se vit tout simplement.  Il suffit parfois d'un petit rien, mais ici, même un rien est déjà quelque chose qui peut devenir un rayon de chaleur, un fragment de bonheur, une expression de douceur.  Jusqu'à notre dernier souffle, nous pouvons être des passeurs de vie, mieux encore des passeurs de vie éternelle lorsque nos gestes, nos paroles, nos regards trouvent leur fondement en Dieu.  Notre « faire », toutes nos actions permettent ainsi de participer à la construction du Royaume.  Et Jésus ne se prive d'ailleurs pas de faire des choses.  Ses journées sont parsemées de rencontres et d'actions diverses, nous raconte l'évangéliste Marc.  Tout comme le Christ, les actes que nous posons sont l'expression des êtres que nous sommes entrain de devenir.  Toutefois, lorsque nos vies se conjuguent uniquement par ces dernières, nous risquons de nous perdre et de vivre un sentiment de capharnaüm intérieur tellement nous sommes encombrés par un faire qui nous éloigne de notre être.  Nous devenons des êtres alités au seuil de nos âmes.  Et le Fils de Dieu vient tout en douceur au plus intime de nous-même.  Comme avec la belle-mère de Simon-Pierre, Il ne dit pas un mot, pas une parole.  Il nous prend tout tendrement la main et nous invite à nous relever.  C'est dans la douceur de cet acte que le Christ nous ressuscite à nous-même.  C'est vrai, dans la vie, il suffit parfois d'un regard, d'un sourire pour retrouver les forces nécessaires et avancer debout sur nos routes humaines.  Le Fils de Dieu vient à son tour nous relever pour que nous puissions à nouveau le servir dans l'attention que nous nous portons les uns aux autres.  Pour ce faire, il est bon de pouvoir de temps à autre sortir de nous-mêmes pour nous ressourcer dans l'événement de la prière.  Alors et alors seulement pour pourrons partir ailleurs, c'est-à-dire parcourir nos Vies mais cette fois avec cette conviction intime que nous avons d'abord et avant tout une bonne nouvelle à annoncer et que celle-ci se réalise dans la manière dont nous vivons nos vies tout en douceur et tout en tendresse délestés de tout ce qui nous encombre pour revenir cette fois à jamais à l'essentiel : une vie d'amour.

Amen.

5e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

L'évangile de ce jour est composé de trois petits tableaux.

Dans le premier, nous voyons Jésus, accompagné de deux de ses plus proches disciples, se rendre dans la maison de celui qui deviendra le plus important d'entre eux. Nous pouvons déjà y distinguer vaguement une image de l'Eglise. L'Eglise peut donc être malade de l'intérieur et avoir besoin du Christ pour la remettre d'aplomb. Qu'elle ne l'oublie pas ! Le mot grec (traduit ici par « il la fit se lever ») est le même mot que celui qui sera utilisé pour exprimer la résurrection du Christ à la fin de l'évangile. Ainsi le mot « résurrection » est déjà lancé dès les tout premiers versets du premier chapitre. Un des signes de la santé retrouvée est que cette Eglise se (re)mette à « servir ». Le terme grec « diakonia » deviendra dans le vocabulaire de l'Eglise primitive le terme technique pour signifier le souci de l'humble service.

Avec le deuxième tableau, on change de décor. « Le soir venu, après le coucher du soleil... » et je continue en glosant :...« au crépuscule de cet ancien monde, malade et possédé par des esprits mauvais », ce monde se presse à la porte de l'Eglise et en attend une guérison. A l'exemple du Christ et par lui, la mission de l'Eglise, sa diaconie, sera de « guérir », de remettre d'aplomb à son tour les personnes qui s'adressent à elle dans leur mal-être, de corps ou d'esprit. Plus particulièrement ces derniers, tourmentés spirituellement, peuvent avoir compris, avant les autres, la qualité salutaire du message et de l'action du Christ. Pour respecter le cheminement de chacun, il vaut peut-être mieux que la révélation du Salut de Dieu ne se fasse que progressivement, à la mesure de ce que les gens peuvent entendre (comme le dit la formule thomiste). C'est sans doute cela la leçon de ce fameux « secret messianique », curieusement imposé aux « esprits impurs ».

Troisième tableau. Au lendemain de cette évangélisation que nous pourrions croire réussie, n'oublions pas, comme Eglise, que nous ne possédons pas Dieu, qu'il nous échappe toujours, qu'il est toujours au-devant de nous et que c'est quelque part dans la prière que nous pourrons vraiment le rejoindre, bien plus que dans l'efficacité de notre mission. L'Eglise elle-même doit toujours se remettre à la recherche, d'autant plus qu'elle est sollicitée. A l'aube de ce jour nouveau qui se lève pour l'histoire du Salut et préparée par cette rupture et ce recentrement par la prière, l'Eglise doit repartir en mission, proclamant l'Evangile à tout vent, dans les lieux prévus mais aussi les lieux non prévus, comme nous le fera découvrir la suite de l'évangile.

Deux décennies plus tard, un apôtre, Paul, a pris au sérieux cette mission de proclamation à tout vent. C'est devenu pour lui une force irrésistible dont il ne compte retirer ni récompense ni mérite. Au contraire, il en récoltera bien des souffrances dont la moindre ne sera pas, comme ici, les constantes critiques sur sa mission elle-même. Mais peu importe car Paul sait que la plus plénière des récompenses n'est pas de celles que l'on s'arroge soi-même ou que l'on pourrait attendre des hommes ; la plus belle des récompenses sera celle donnée par Dieu et, celle-là, Paul en est assurée.

Cette assurance n'est pas celle de Job. Peu de textes disent la souffrance avec des mots aussi justes, aussi poignants et dramatiques. Toute la souffrance de la condition humaine peut s'y retrouver. On sait que la dynamique du livre est d'évacuer comme non-pertinentes les explications traditionnelles à la souffrance. Cependant, même si chez Job la souffrance est un cri, presqu'une révolte, ce cri est adressé à Dieu. Ce cri, nous les apôtres, nous les serviteurs de l'Evangile, nous devrions l'entendre et nous mettre en état de mission pour soulager ce mal-être de la condition humaine, du mal-être qui est peut-être au-dedans de nous, et retrouver la paix, non pas une paix artificielle mais une paix qui, malgré les blessures, nous remettent debout.



Présentation du Seigneur

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Fêtes du Seigneur et Solemnités durant l'année
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Il y a quelque chose de beau et de pathétique dans ces deux figures de Siméon et d'Anne, fille de Phanuel.  Leur ténacité dans la prière et dans l'attente du Sauveur a quelque chose é la fois d'admirable et d'ambigu.  Est-ce de la fidélité ou de l'entêtement ? On les connaît, ces personnes qui s'accrochent à un fol espoir alors qu'avec un peu de bon sens ils pourraient se rendre compte que c'est bien inutile.  Cela peut prendre des formes dramatiques, comme ces personnes qui attendent vainement le retour de leur bien-aimé à jamais disparu, ces personnes qui croient obstinément en la fidélité de leur conjoint volage et lubrique, ces personnes qui guettent pendant des années une promotion inaccessible.  Et nous, est-ce de la fidélité ou de l'entêtement, ces misérables petites images de Dieu auxquelles nous nous raccrochons comme des naufragés le font avec leur bouée ? Est-ce de la fidélité ou de l'entêtement, ces petites intuitions de foi que nous serrons dans nos mains comme l'avare s'agrippe à sa cassette d'or ? Tout cela est enfoui dans notre c½ur, dur, sec, mort.  Nous les avons étranglés de nos mains avides.  Des paroles de vie sont devenues des paroles de mort.  C'est comme ces grands slogans lancés lors des révolutions libératrices : liberté, patrie.  La barbarie a souvent succédé à l'ivresse de la libération.  Si Siméon et Anne ont pu rester aussi longtemps dans l'attente et la prière, c'est parce qu'ils ont eu le courage de renoncer à de bien belles images de Dieu pour être capables de reconnaître le Sauveur dans un nourrisson.  Un enfant qui sauverait Israël ! Un enfant que le moindre rhume, la plus petite grippe pourrait emporter ! Un enfant qui, dans quinze ans, commencerait à se droguer et à vingt ans commencerait à voler pour se payer son cannabis ! Quelle profondeur de regard devaient avoir Siméon et Anne pour découvrir dans son bébé braillard le Sauveur du monde ! Ils avaient renoncé à la gloire d'un libérateur fort, viril, brutal pour découvrir la force invincible de l'amour qui perce les pires carapaces.  Et c'est peut-être cela la libération que le Christ peut nous apporter, la libération de nous-mêmes, de nos fausses certitudes, de nos mortelles convictions.  Il ne nous reste plus qu'à apprendre à faire comme Siméon et Anne : à guetter dans les yeux de notre voisin l'immense amour que Dieu y a déposé.  Alors nous serons vraiment libres de nous-mêmes pour n'être plus qu'admiration devant l'½uvre de Dieu.

4e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

UNE PAROLE QUI GUERIT

Il y a deux sortes de prédications chrétiennes. La 1ère est inaugurale, essentielle, brève, fondatrice, itinérante : elle est celle que Jésus a adoptée et pratiquée tout au long de sa vie missionnaire. Parcourant la Galilée, il proclame que Dieu vient et donc qu'il faut se convertir et croire à cette Bonne Nouvelle. Jésus apparaît comme un héraut (en grec : kèrux), un envoyé du Souverain, qui circule en annonçant une nouvelle importante qui concerne tout le monde. De ce fait cette proclamation s'appelle « le kérygme ».
L'autre prédication est seconde, longue et explicative : elle détaille le contenu du kérygme, le fait comprendre, en déploie toutes les conséquences pour la vie. C'est ce qu'on appelle « l'enseignement », la catéchèse.
Marc, dimanche passé, nous a présenté le « kérygme », la proclamation par Jésus de l'Evangile : aujourd'hui il nous raconte le 1er exemple de son « enseignement ».

PREDICATION A L'ASSEMBLEE CROYANTE

Jésus, accompagné de ses disciples, arrive à Capharnaüm.
Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes.

Abandonnant le désert judéen de Jean-Baptiste et Nazareth, son village, Jésus vient dans la petite ville de Capharnaüm située au nord-ouest du lac de Galilée, port de pêche et poste de douane. Ce sera le centre de son rayonnement dans la région (sans qu'il y demeure en permanence).
Comme il le fera toute sa vie, en bon Juif observant, Jésus pratique le repos du shabbat et se rend aux offices de la synagogue, y emmenant ses premiers disciples. Sans doute a-t-il déjà commencé à prêcher de-ci de-là : intrigué, le responsable du culte lui a demandé d'assurer la prédication.
Que dit Jésus ? Quel est le contenu de son enseignement ? Marc n'en dit rien parce que Jésus n'apporte pas une autre religion : il dit la Loi de Dieu. Mais Marc souligne la méthode exceptionnelle du prédicateur : il parle « avec autorité » à la différence des scribes. En effet ces spécialistes des Ecritures qui étaient chargés de former le peuple enseignaient tout en s'appuyant sur les traditions anciennes. Il fallait toujours citer tel passage biblique, telle leçon donnée jadis par un grand rabbin afin de justifier ce que l'on disait. Or, à la différence de ces maîtres, Jésus parle sans avoir besoin de références. « Avec autorité » ne signifie pas qu'il force la voix ou qu'il hurle en tapant sur le pupitre mais que son discours tient par sa propre cohérence. L'assistance n'a jamais entendu un prédicateur agissant de la sorte : « On était frappé »(le verbe signale un effet très marqué, une forte stupéfaction).
La question n'est plus « que dit Jésus ? » mais « QUI EST-IL ? »

LA PAROLE QUI EXORCISE LE MAL

Il y avait dans leur synagogue, un homme tourmenté par un esprit mauvais qui se mit à crier : «  Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu ! ». Jésus l'interpella vivement : «  Silence ! Sors de cet homme ! ». L'esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri.
Saisis de frayeur, tous s'interrogeaient : «  Qu'est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais et ils obéissent ».
Et aussitôt sa renommée se répandit dans toute la région de Galilée.

Chaque sabbat, la petite synagogue était remplie par le peuple qui chantait les psaumes et écoutait les lectures et les sermons du rabbin. Le culte habituel était simple, régulier, paisible, un peu ennuyeux comme tous les offices. On pratiquait les rites sans en rien attendre : que pouvait-il se produire ? On venait puis on sortait de l'édifice comme on y était entré. N'est-ce pas ainsi que nous faisons encore ?...
Mais ce jour-là, avec Jésus, éclate du « nouveau ». Car sa Parole n'est pas un ronron pieux, une enfilade de citations savantes, une leçon théologique, un morceau d'éloquence ampoulée : elle est un « enseignement nouveau » qui recèle une « autorité », un pouvoir divin, une force qui percute la carapace derrière laquelle se cachent les bons pratiquants. Cette Parole vrille les c½urs, interpelle, secoue, questionne. D'elle-même elle est capable d'exorciser, de faire apparaître le mal caché et de le faire sortir avec éclat. Heureux l'homme qui cesse de se blinder dans sa bonne conscience de pratiquant honnête et régulier et accueille enfin cette Parole qui, tel un bistouri, peut extraire la tumeur secrète. Et c'est le plus grand pécheur qui réagit, atteint en plein c½ur Chaque semaine cet homme venait à la synagogue, suivait le culte avec piété, écoutait les lectures, chantait avec les autres ; il pressentait peut-être qu'il aurait fallu se convertir. Mais il repartait  inchangé, auditeur passif d'une prédication qui le laissait indemne.
Aujourd'hui l'homme est atteint au plus profond de lui-même, là où il est aliéné. Et son mal - le démon impur - hurle d'être démasqué. Il n'est pas vaincu par des exhortations plus pressantes ni par des reproches cinglants, ni par des menaces terrifiantes.
Ce n'est pas le contenu de l'enseignement qui agit, mais LA PERSONNE QUI PARLE.
Jésus proclamait la venue du Royaume de Dieu : à présent, tout de suite, l'intérêt se porte sur l'identité de celui qui fait cette annonce et qui a autorité non seulement de s'exprimer sans références mais d'éliminer les puissances mauvaises qui souillent l'homme et l'éloignent de Dieu. « Un plus fort que moi va venir » annonçait Jean-Baptiste qui butait, comme tous les scribes et les prophètes, sur le mur du refus.

L'assemblée est heurtée, « saisie de frayeur » : elle perçoit que l'écoute de la Parole de Dieu n'est pas nécessairement anodine, banale. Que l'on ne vient pas « assister à un office » pour « être en règle », ni pour écouter « quelqu'un qui parle bien ». Mais qu'il s'agit de se présenter devant Dieu comme des malades profonds en quête de guérison. On ne vient pas à « un exercice pieux » : on vient « pour se laisser convertir », pour changer, se laisser arracher des habitudes auxquelles on tenait trop, pour dépasser l'accoutumance au mal, devenir des « hommes nouveaux » grâce à « un enseignement nouveau ».
Et il n'y en eut qu'UN seul à la synagogue ce jour-là ! Le plus difficile peut-être, ce n'est pas d'envisager un changement mais de se lancer seul tout en voyant que les autres ne bougent pas. Ah ! si chaque Eucharistie provoquait UN chrétien à proclamer : «  Je sais qui est Jésus : le Saint de Dieu, mon Sauveur ! ».

Pourquoi tant de baptisés ont-ils quitté l'Eglise ces dernières années ? N'est-ce pas parce qu'ils ont reçu des sacrements et des enseignements  (moraux, liturgiques, sociaux) sans avoir au préalable été interpelés de façon personnelle  par l'annonce du « kérygme » qui leur aurait fait faire « une expérience » de la foi ?
Comment, après tant de siècles d'Eglise, dans des pays habitués au christianisme, faire retentir l'Evangile comme une  « Nouvelle » inouïe, jamais entendue ?...

4e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Les lectures de ce dimanche concernent toutes la qualité du prophète.
Le prophète sera, comme Moïse, quelqu'un qui se fait le porte-parole de Dieu, intermédiaire nécessaire en raison même de la grandeur de Dieu (comme le rappelle l'allusion à l'épisode du Buisson ardent). C'est Dieu qui le choisit et qui parlera par lui. S'il peut prétendre à l'écoute, c'est que lui-même n'est qu'écoute de Dieu. La grande tentation consiste en effet à attribuer à Dieu des propos purement humains. Le prophète, avant de parler, est d'abord celui qui écoute, qui se fait « oreille attentive » à la Parole de Dieu. Corrigeant une image populaire du prophète comme « prédisant l'avenir » (trouvant son origine dans une interprétation simpliste du rôle d'Isaïe), ce texte recentre la mission du prophète comme porte-parole de Dieu. Jésus lui-même a inscrit sa mission dans ce cadre : « celui qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles a son juge, car je n'ai pas parlé de moi-même ; mais le Père qui m'a envoyé m'a lui-même prescrit ce que je devais dire et faire entendre », comme le précise ailleurs l'évangéliste Jean.
La lettre de Paul aux Corinthiens souligne une autre qualité du prophète : il doit être libre par rapport aux soucis de ce monde. Cet extrait a bel et bien servi à la justification théologique du célibat consacré. Nos contemporains n'apprécieront pas la dévaluation implicite du mariage qu'il contient. Il faut préciser que le mariage chrétien (et donc la spiritualisation du mariage comme signe humain de l'Alliance entre Dieu et l'homme) n'existait pas encore à l'époque de Paul. Il se situe donc par rapport à la conception antique et païenne du mariage où l'amour n'avait pas beaucoup de place. Il ne faut donc pas nécessairement y voir une dévaluation de l'amour humain. Tout chrétien étant appelé à être prophète (au sens où sa vie doit parler de Dieu), chacun  aura le souci, quel que soit son état de vie, de ne pas se laisser emprisonner par les soucis du monde mais de garder en vue l'essentiel c'est-à-dire, entre autre, l'écoute de la Parole de Dieu. En ce sens, toute situation (mariage comme célibat) peut et doit devenir prophétique (c-à-d parler de Dieu) et aucune ne l'est automatiquement.

L'évangile, de son côté, met le doigt sur ce qui fait le fondement de l'autorité de la parole prophétique, à savoir : la concordance entre la parole et les actes. Jésus a une parole de Salut ; il a des actes de Salut. Celui qu'il pose ce jour de sabbat dans une synagogue par rapport à un esprit impur est très riche en enseignements. Quel comble en effet de trouver dans une synagogue (lieu où la Parole de Dieu devrait être présentée dans toute sa pureté), quel comble d'y trouver un esprit impur ! Comme nous le fera comprendre la suite de l'évangile de Marc, le véritable esprit impur est la mauvaise foi des scribes non moins que le « c½ur endurci » des disciples. Quel comble ensuite que l'identité de Jésus « tu es le Saint de Dieu » soit révélée par un esprit impur, bien avant de l'être par les disciples eux-mêmes (la fameuse profession de foi de Pierre, qui n'intervient qu'au chapitre 8). C'est que l'esprit impur a, en l'occurrence, l'avantage d'être un esprit « aliéné », étranger. Etranger aux prescriptions formalistes des codes de pureté des scribes et des pharisiens (ce qui lui valait ce statut d'esprit impur), il en est paradoxalement plus libre pour discerner la véritable identité de Jésus. L'ordre de silence a l'air paradoxal lui aussi (puisque le message est fait pour être proclamé !). C'est que la compréhension de ce que cela signifie sera lente et douloureuse, à cause précisément de cette autre espèce d'esprits impurs que sont les c½urs endurcis. L'impureté dans la synagogue était bien la sclérose, le formalisme, dans lequel les scribes et les Pharisiens avaient enfermé la Parole de Salut...qui ne sauvait donc plus ! Le risque n'est-il pas toujours bien actuel dans notre comportement de chrétien ? Sommes-nous vraiment ouverts à l'impact prophétique de la Parole que Dieu nous adresse ?

3e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Parmi les lectures de ce dimanche, ce sont les paroles de Paul qui sont les plus difficiles à entendre. Et pourtant, elles contiennent une disposition d'esprit fondamentale du christianisme : « le temps est limité ; le temps se fait court ». Sans doute, à l'époque où Paul écrivait cette lettre (vers 57), Paul pensait-il que le Christ glorieux allait revenir avant la fin de sa génération pour inaugurer, physiquement, le Royaume de Dieu. D'où ce sentiment d'urgence, de temps limité. Plus tard, la chrétienté a mieux compris que le Royaume de Dieu avait été inauguré mais que, comme pour la Création, l'homme se voyait confier sa réalisation concrète dans l'histoire et sur toute la surface de la terre. Mais cela ne devait rien changer au sentiment d'urgence. Même si la fin du monde n'est pas pour demain, le chrétien est appelé à vivre chaque jour comme si le lendemain pouvait être le dernier jour. Et ce, non pas pour le plaisir de vivre dans une situation d'angoisse qui serait morbide et paralysante mais pour vivre dans une situation de responsabilité : de tout le bien que nous avons à faire, nous devons faire le maximum aujourd'hui. Entre toutes les choses que nous avons à faire, nous devons, devant cette échéance que nous nous donnons chaque jour, faire le tri entre l'essentiel et l'accessoire pour nous consacrer principalement à l'essentiel, avec ce que cela comporte d'inversion des valeurs par rapport aux valeurs de « ce monde qui passe ». Si tous les chrétiens agissaient avec ces réflexes-là, il est certain que le Royaume de Dieu se concrétiserait de manière bien plus manifeste et bien plus rapide.
Cette Bonne Nouvelle de salut et de conversion qu'elle implique doit être adressée à tous. C'est une affaire beaucoup trop grave pour le salut de l'humanité que pour être réservée à quelques personnes. Le judaïsme lui-même l'avait bien compris, quand il met en scène le prophète Jonas. Celui-ci voulait bien prêcher le salut, mais uniquement à Israël. Dieu l'envoie à Ninive (à 1.000 km à l'Est, chez des païens invétérés et ennemis ancestraux de surcroît). Jonas essaie de se dérober à sa mission en s'embarquant pour Tarsis (à 1.000 km à l'Ouest). Dieu le ramène à Ninive. Jonas exécute sa mission mais sans y croire et, à sa grande surprise, sa parole est entendue, parce que ce peuple attendait le salut et cherchait une voie pour s'engager dans une démarche de conversion. Jonas, au lieu de se réjouir du succès de sa mission, en conçut une grande colère...car il voulait, lui, réserver le salut à son peuple. Nous devons nous poser la question à nous-mêmes : sommes-nous des Jonas ? nous réservant la Bonne Nouvelle pour nous-mêmes, pour notre communauté ? Peut-être y a-t-il près de chez nous (ou loin de chez nous, ne fut ce que psychologiquement ou socialement) des gens qui attendent une parole, un geste de salut ? Ce n'est pas à nous à en préjuger. Nous devons être des disciples du Christ là où nous sommes. Et c'est urgent.
Le Christ lui-même se fait prophète, porte-parole de son Père, et appelle des disciples. Car la tâche est énorme, dans le temps et sur toute la surface de la terre. Nous sommes, nous aussi, appelés à remplir cette mission selon nos charismes et en fonction de nos contextes historiques, géographiques et culturels. Ce qui est vrai des personnes l'est aussi des communautés. Qu'il y ait eu des Eglises diverses (ceci pour faire le lien avec la Semaine de l'Unité), ayant chacune leurs particularités, aurait pu être estimé bien compréhensible et, au fond, très naturel. Le grand péché de la chrétienté est d'en avoir fait un jeu de discorde où, bien souvent, des considérations humaines, de « ce monde qui passe », l'ont emporté sur l'urgence du Salut et du Salut pour tous.

 

3e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Ils sont pourtant cousins mais qu'est-ce qu'ils sont différents ces deux-là.  Nous ne savons pas grand chose de leur vie familiale et de leurs liens.  Leurs points communs : conceptions étonnantes, morts violentes.  Leurs différences : l'un est ascète, l'autre est traité d'ivrogne et de glouton ; l'un propose un baptême d'eau, l'autre un baptême dans l'Esprit ; l'un prêche dans le désert, l'autre dans les villes.  Il faut venir à Jean-Baptiste pour entendre son message.  Jésus fait le contraire : il va vers les autres pour annoncer sa Bonne nouvelle et pour nous aider à découvrir le Tout-Autre.

Le Christ s'en vient à nous.  Il part encore et toujours à notre rencontre et s'invite là où nous sommes dans nos vies.  Il marche à nos côtés tout en prêchant.  Sa parole est d'ailleurs un tant soit peu provocante : « les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche ».  Nous ne sommes donc pas ici sur terre pour vivoter mais bien pour vivre.  Le Père a besoin de ses créatures.  Il ne peut se passer de nous pour accomplir ce qu'il a commencé.  Pour ce faire, nous sommes une fois encore conviés à êtres des hommes et des femmes debout bien incarnés dans nos vies.  Contrairement à ce que certains pourraient penser, nous n'avons pas à nous « angéliser ».  L'angélisation risque de nous conduire dans un état où nous n'aurions plus les pieds sur terre et où nous pourrions nous enfermer dans de grands discours non suivis d'effets concrets.  Notre destinée est d'un autre ordre : nous avons à nous humaniser car plus nous nous humaniserons, plus nous nous diviniserons.  En effet, notre c½ur est ce lieu d'intimité où se noue en chacun de nous l'humain et le divin.  Poursuivons alors notre humanisation.  Devenons pleinement homme, pleinement femme. Chacun à notre rythme et en fonction de ce que nous avons reçu.  C'est ici que Dieu nous attend.  Nous avons à devenir qui nous souhaitons être.  Fort de cela, nous poserons les actes nécessaires en vue de notre accomplissement.  Toutefois, nous dit Jésus, cette humanisation passe par le chemin de la conversion.  La conversion, ce concept tellement biblique, ne signifie donc pas une vague résolution, un époussetage de l'âme, un instant de culpabilité, un projet éphémère.  Il s'agit plutôt d'un état de vie qui se fonde et se réalise dans l'évangile.

« Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » est une demande qui nous est faite de nous détourner de nous pour mieux nous retourner dans une autre direction.  Quelqu'un me disait, il y a quelques jours, que Dieu avait mal conçu l'être humain.  Il aurait mieux fait de mettre le nombril sur le front des gens.  De la sorte, nous ne prendrions plus le temps de regarder le nôtre mais lors de chacune de nos rencontres, nous pourrions voir celui de l'autre et ainsi s'intéresser à lui.  Mieux encore, aujourd'hui, nous sommes invités à nous détourner de nous pour nous retourner et contempler le nombril de Dieu.  Qu'est-ce à dire ?  Et bien peut-être simplement accepter que le fait de se dire croyant n'est pas un métier à temps partiel.  La foi ne peut se contenter que nous n'y consacrions  que nos temps de loisirs.  A l'instar des premiers disciples, nous sommes tenus à vivre à notre tour une conversion radicale.  Ils ont abandonné leur profession, leurs outils, leurs parents, leur milieu pour partir sans rien vers une nouvelle direction.  A notre tour, détournons-nous de ce qui nous rassure et nous conforte, et retournons-nous dans cette direction dont nous connaissons la destination : la vie divine.  Croire à la Bonne Nouvelle, c'est accepter que l'essentiel de toute vie est d'être avec le Christ.  Cette conviction nous conduit alors à vivre nos vies différemment.  Nous n'aurons plus les yeux rivés sur nous-mêmes mais nous les lèverons vers Dieu qui nous propose cette transformation intérieure, cette conversion du c½ur.  Dieu devient ainsi la finalité de nos existences et nous passons toujours par Lui pour construire avec Lui un monde où la terre tournera plus juste. Dans cette perspective la conversion n'est-elle pas synonyme de l'ouverture de nos vies à l'amour de l'autre en qui nous percevons la présence du Tout-Autre ?  Le nombril de Dieu devient alors le c½ur de chaque être humain.  Notre conversion nous ouvre de la sorte à nous retourner dans la direction du c½ur de tout un chacun. 

Amen 

3e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

ENFIN UNE BONNE NOUVELLE !!!

Après les fêtes éclairées par les évangiles de Matthieu, Luc et Jean, nous retrouvons aujourd'hui celui de Marc que nous allons suivre tout au long de cette année. A sa manière rapide, il a commencé son livre en racontant que Jésus de Nazareth, venu se faire baptiser par Jean et remontant de l'eau, a fait une expérience spirituelle. Bouleversé, au lieu de rentrer chez lui, il s'est enfoncé dans la solitude afin de réfléchir à la mission qu'il venait de recevoir. Or tout à coup la nouvelle se répand : Jean a été arrêté ! En effet l'historien juif Flavius Josèphe rapporte que la foule était très exaltée en écoutant la prédication de Jean ; aussi, craignant une révolte, le roi l'avait enfermé dans la forteresse de Machéronte (« Antiquités juives » chap.18). Marc racontera plus tard pour quelle raison le roi fit décapiter le prophète (Marc 6, 17). Cette fin de la mission du prophète suscite le commencement de celle de Jésus.

LA MISSION ESSENTIELLE DE JESUS

Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : «  Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche : convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».

Au contraire de son maître qui s'était posté en Judée, dans le désert, à l'écart, et qui attendait que les pèlerins convergent vers lui, Jésus retourne dans sa province et il ne cessera de circuler dans cette Galilée appelée « district des nations » parce que, située à la frontière du Liban et de la Syrie, sillonnée par des routes commerciales, elle était fortement imprégnée d'influences païennes. C'est en plein monde, là où les gens vivent, où la civilisation hellénistique bâtissait ses villes nouvelles, ses gymnases, ses théâtres, ses cirques, ses commerces, c'est au c½ur de cette société mêlée que l'Evangile va retentir. Jésus n'attend pas que les gens viennent à lui : c'est lui qui va vers eux.
Il ne va pas se plaindre de la décadence ni vitupérer contre les m½urs relâchées ni menacer les pécheurs des châtiments éternels. Dans les rues et près des boutiques, à côté des ateliers d'artisans ou sur le rivage du lac, il ANNONCE LA BONNE NOUVELLE. Dans un monde gangrené par le mal, parcouru de « mauvaises nouvelles », il proclame la joie de l'Evangile. Quelle audace !
« Proclamer » : le message de Jésus se dit, se répète, se colporte, se répercute. Trop souvent nous confondons l'évangélisation avec nos activités : rites, pèlerinages, bonnes ½uvres, constructions. Marc insiste : la première chose que Jésus fait et qui restera son action fondamentale, c'est de parler, de « prêcher » ! (Oh le vilain mot, si dévalué aujourd'hui - parce qu'il a servi de paravent à de la piété fade, un galimatias incompréhensible, une éloquence ampoulée !). Pourtant « une nouvelle » se dit, s'énonce, se lance. Brève, percutante, libératrice. -------     Que dit Jésus ? 4 choses.

« LE KAÏROS (mot grec qui désigne un moment grave) EST ACCOMPLI ». La Bible n'est pas un catéchisme, un code moral ou rituel mais une histoire. Si Dieu demeure un mystère indicible, il est certain pour les acteurs bibliques qu'il est en train de réaliser un projet au creux de notre histoire. Nous ne sommes pas des pantins manipulés, nous disposons même d'une énorme force de résistance au dessein de Dieu. Mais quoi que fassent les hommes, Dieu agit dans un seul but : nous libérer du mal et nous conduire à la communion amoureuse avec Lui. Au cadran de l'histoire, telle que Dieu la lit et non telle que les hommes politiques l'imaginent selon leurs idées, le moment (le kaïros) a sonné. Aucun éclat ne le manifeste. A Rome, l'empereur s'imagine maître absolu du monde. Mais là-bas, en Galilée, un ancien artisan de village se met à circuler et à lancer à tous vents la Bonne Nouvelle. Pointe alors l'aurore du nouveau monde ! Plus rien d'égal ne surviendra dans la suite.

« LE REGNE DE DIEU S'EST APPROCHE ». Israël avait toujours cru obtenir la grandeur grâce à un roi de génie. Las, tous se succédèrent et tous échouèrent. D'ailleurs depuis plus de 5 siècles, Israël n'avait plus de souverain mais un des derniers prophètes avait annoncé :
«  Le Seigneur mon Dieu arrivera...Ce sera un Jour unique...Alors le Seigneur se montrera le Roi de la toute la terre.
En ce jour-là, le Seigneur sera unique et son Nom unique »      (Zacharie 14, 8-9).
Le pauvre Jésus du minuscule village de Nazareth, seul, démuni de tout, sans moyen de puissance, proclame : Moi aujourd'hui je vous l'annonce : Dieu vient, avec moi, instaurer son règne maintenant sur cette terre des hommes. Il ne transforme pas le monde par un coup de baguette magique, il n'anéantit pas le mal, ne supprime pas la souffrance, n' « angélise » pas les hommes. Car son règne n'a d'autre puissance que celle de l'amour et l'amour ne s'impose pas, il s'offre.
Ainsi donc, du côté de Dieu, tout est fait : en Jésus le Règne divin commence en vérité, ici et maintenant.  Rien ni personne ne pourra lui imposer un délai ni encore moins le contrecarrer. Encore faut-il que l'homme l'accueille. Comment ?

« CONVERTISSEZ-VOUS ». L'appel n'est pas réservé à une certaine catégorie de gens plus mauvais que les autres. Il s'adresse à tous sans exception. Chacun et chacune - même les plus observants des pharisiens, les plus pieux des grands prêtres - est invité à se détourner de ses façons de voir, de penser, d'imaginer, de faire, d'espérer. La conversion (« teshouvah » en hébreu ; « metanoïa » en grec) est une notion capitale dans la bible : elle ne signifie pas un simple remords, un époussetage de l'âme, une vague résolution, un projet de se rendre meilleur car l'homme ne peut pas « se faire » pour devenir citoyen du Royaume de Dieu. Mais il lui est demandé de se détourner pour se retourner dans une autre direction.

« ET CROYEZ A LA BONNE NOUVELLE ». C'est une vraie question de confiance car tout contredit cette annonce: le mal qui paraît omniprésent, le passé qui prouve que toutes les tentatives du bonheur de l'humanité ont avorté, notre égoïsme qui s'affirme incurable...et même, pour nous aujourd'hui, l'Eglise qui serine ses sempiternelles fredaines et qui présente le visage lamentable d'une organisation qui échoue sans cesse à faire ce qu'elle dit. Il faut CROIRE, oui, faire confiance. Jésus va opérer ce que David et Isaïe, Platon et Aristote, Cyrus et Alexandre le Grand n'ont jamais réussi à faire. Vous en doutez ? Thérèse de Lisieux rongée par la tuberculose dans son minable carmel de Lisieux, le père Damien mourant de la lèpre à Molokaï, Maximilien Kolbe écroulé dans le blockhaus d'Auschwitz, Soljenitsyne cassant des cailloux dans le froid glacial du goulag sibérien, tous CROYAIENT A LA BONNE NOUVELLE. Non par un miracle soudain, une guérison immédiate. Mais JESUS ETAIT LA ET DIEU AVEC LUI.

APPEL DES 4 PREMIERS DISCIPLES

Passant au bord du lac de Galilée, Jésus voit Simon et son frère André en train de jeter leurs filets (c'était des pêcheurs). Il leur dit : «  Venez derrière moi : je ferai de vous des pêcheurs d'hommes ». Aussitôt laissant là leurs filets, ils le suivent. Un peu plus loin, il voit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean qui étaient dans leur barque et préparaient les filets. Jésus les appelle aussitôt. Alors laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers, ils partent derrière lui ».

On reste perplexe devant cette obéissance immédiate que rien n'explique. Mais l'évangile de Jean nous a éclairés la semaine passée : tous ces hommes étaient des disciples de Jean-Baptiste, ils se connaissaient et là ils ont rencontré Jésus. Baptisés dans le Jourdain, ils sont rentrés chez eux et ont repris leur métier. Maintenant l'heure est venue : oseront-ils croire à l'appel, faire confiance à ce charpentier ?
La mission à remplir est gigantesque : « pêcher les hommes ». Car les hommes se noient (dans les soucis et les chagrins), ils barbotent (dans les futilités), ils coulent (dans la dépression), ils s'abîment (dans le désespoir), ils perdent pied (dans le déluge des mauvaises nouvelles). Il faut d'urgence les sortir des flots, les redresser, les replacer sur le roc solide de la foi, leur permettre de respirer le souffle de l'Esprit.
On ne s'érige pas en sauveur : on doit apprendre à le devenir. Non par des cours de relaxation ou des méthodes transactionnelles, mais « en suivant Jésus », en mettant ses pas dans les siens, donc en lisant l'Evangile, en regardant, en écoutant celui-là seul qui rend capables de poursuivre cette tâche. « Je ferai de vous... ». On n'exerce pas ce « métier » à temps partiel, en y consacrant quelques moments de loisirs. Les pêcheurs sont tenus à une « conversion » radicale : abandonner leur profession, leurs outils, leurs parents, leur milieu pour partir sans rien, sans connaître la destination, sans savoir de quoi on vivra ni ce qu'on aura à dire et à faire. L'essentiel est là : être avec Jésus.

Jésus n'exigera pas de tous ce détachement total : la majorité des premiers disciples seront des gens engagés dans les responsabilités familiales et professionnelles et qui auront à vivre les exigences de l'Evangile dans leur état de vie. Mais il fallait au préalable et il faudra toujours, des « apôtres » dont la mission sera d'être, à la suite de Jésus, les hérauts de la Bonne Nouvelle.
N'est-ce pas la 1ère fonction à rétablir dans notre Eglise ?...

2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Il y a aujourd'hui, dans l'Eglise occidentale, un problème de « vocations ». Après avoir entendu pendant des décennies des propos rassurants sur la « sortie du creux de la vague », nous sommes maintenant face à un grand silence mais tout le monde a compris. Dans nos régions, le modèle qui s'était imposé dans l'Eglise catholique occidentale depuis le 10ème siècle ne fonctionne plus. Aucun discours ne peut contester les chiffres et la réalité s'impose. Les prêtres célibataires sont trop peu nombreux et trop âgés pour continuer à encadrer les communautés chrétiennes. Il faudra bientôt nous organiser autrement. D'une certaine manière on peut donc dire qu'il a, pour l'Eglise, un appel à changer, un appel qu'il lui faut entendre, même au plus haut niveau. Entre mourir et changer, ceux qui ont choisi « mourir » seront bientôt tous morts.

Cela peut nous stimuler pour réfléchir à ce qu'est la « vocation » de disciple, d'apôtre, la vocation de fondateur et de responsable de communauté. Il faudrait pour cela relire toutes les Ecritures et la Tradition mais nous allons nous limiter aujourd'hui à cet évangile où l'on voit deux disciples qui, paradoxalement ne sont pas appelés. En effet, il n'y a pas ici de la part de Jésus un appel direct comme en d'autres occasions ou en d'autres versions. Il n'est pas dit « venez à ma suite ». L'initiative vient des disciples eux-mêmes qui ont une attente, celle du Messie, qui ont une recherche profonde et qui se sont déjà mis en mouvement (un peu comme les Mages de dimanche dernier, qui venaient de très loin). Ces deux hommes se sont déjà mis en route. Ils sont disciples de Jean Baptiste et ils ont suivi son enseignement. Or celui-ci ne les garde pas captifs, sous son influence, comme dans une secte, il leur désigne un autre : « Voici l'Agneau de Dieu ». Tout cela est dit en trois lignes d'une intense gravité. Quand le fond est là, il n'y a pas besoin de beaucoup de mots et tout va très vite. Il en est ainsi dans les films ou les romans, au moment où les héros principaux se rencontrent, se reconnaissent et se disent l'essentiel. Tout se met à prendre sens, à prendre feu. La vie a changé. La vie a changé au point que Simon va jusqu'à changer de nom.

Pierre est venu après. Il vient d'ailleurs toujours après. Il suit... du début jusqu'à la fin, il vient après un autre, celui qui court plus vite que lui, ou celui qui a rencontré Jésus le premier. Il vient pour constater, pour attester. Ce mystère de la fonction de Pierre devrait être davantage méditée par ceux qui prétendent lui succéder. Lui non plus, dans ce récit, n'est pas appelé directement par Jésus. L'appel lui vient de son frère André, dans la ligne de leur recherche commune « Nous avons trouvé le Messie ». L'appel n'est pas direct, il est médiatisé et il vient dans le prolongement même des aspirations de la personne, dans les illusions mêmes qu'elle nourrit ! Cela s'inscrit dans ses préoccupations, tout aussi obscures qu'elles soient. Pierre, on le sait, se trompe lourdement sur le Messie qu'il attend mais pour le moment, c'est bien le Messie qu'il rencontre, même s'il ne peut pas imaginer une seule seconde tout ce qu'il va devoir découvrir et tous les retournements, toutes les conversions qu'il va devoir réaliser. Pour le moment, il croit avoir trouvé ce qu'il cherchait.

Jésus, lui, se retourne. L'expression, dans l'Evangile, est toujours significative d'un sens symbolique qui exprime la conversion, la métanoïa, le changement profond. Cette expression s'applique normalement aux disciples, Marie-Madeleine, par exemple, au bord du tombeau, se retourne et aperçoit le ressuscité. Ici, curieusement, c'est Jésus qui se retourne, qui doit convertir son regard. Quelque chose d'important change pour lui. Il est suivi ! Autrement dit, il n'est plus seul. Et sa démarche est d'accepter ce changement, d'accepter cette présence auprès de lui « Que cherchez vous ? » « Maître, où demeures-tu ? » « Venez et voyez ! ».
Ceux qui appellent, ce sont les disciples. Ils l'appellent Maître. Et ils lui demandent « où demeures-tu ? » Jésus, en les acceptant, accepte leur demande, celle de les conduire là où il demeure vraiment, c'est à dire non pas dans sa maison ou son appartement, mais auprès de son Père, dans la communion de Dieu.

C'est pour les disciples un changement important, on le comprend bien lorsque l'on prend soi-même une telle décision. Mais c'est pour Jésus lui-même un changement non moins considérable. Cela veut dire qu'il va devoir associer des disciples à sa propre mission, cela veut dire qu'il va déléguer ses fonctions. Cela veut dire qu'il va se faire représenter, qu'il va introduire des intermédiaires dans la communication avec le peuple, qu'il aura des porte-paroles, des lieu-tenants... et cela veut dire aussi qu'il y aura des erreurs, des bavures, des trahisons, des perversions. Il met son message à la merci de toutes les déformations. Il faut qu'il ait confiance lui-même en ses disciples, au moins autant que ceux qui le suivent doivent avoir confiance en lui. Il s'établit un rapport étroit de réciprocité dans la confiance et dans l'identité. Nous sommes appelés « chrétiens », du beau nom de Christ et nous présentons des caricatures qui bien souvent n'attirent pas... Jésus se compromet avec nous ! Et il en souffrira comme il en souffre encore aujourd'hui.

Mais cela même fait partie de sa mission. L'amour de Dieu ne s'exerce pas de loin, d'en-haut, de l'extérieur. Le salut de l'humanité, pour sa propre dignité, va devoir associer cette même humanité à sa propre rédemption.

Si notre Eglise (c'est à dire la hiérarchie mais aussi chacun de nous) comprenait mieux cela, peut-être aurait-elle moins de résistance à faire confiance à son tour, même à des gens peu capables, peu fiables, peu recommandables. Jésus ne l'a-t-il pas fait le premier ? L'Eglise, si elle comprenait le mystère même qui la constitue, comprendrait que Dieu ne se protège pas, qu'il y a un droit à l'erreur, qu'il ouvre la possibilité du péché. Et l'Eglise insisterait moins sur la peur, davantage sur le pardon, sur la confiance, sur la dignité de tout homme.  Elle n'aurait pas tant de réticence à déléguer

2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

L'AGNEAU  DU  PASSAGE  DANS  LA  VIE

Après les fêtes de la naissance de Jésus, nous le retrouvons déjà aujourd'hui à son baptême. Rien n'est dit de l'intervalle (de -5 à + 28). Quand donc va-t-il sortir de son silence et commencer sa mission ? Suite à un appel. En effet, un jour, parvient la nouvelle : un certain Johanan (Jean) vient de surgir et sa parole de feu rallume l'espérance d'un peuple opprimé et assoiffé de liberté. Comme beaucoup d'autres, Jésus décide de se rendre en Judée et là-bas, au bord du Jourdain, sa vie va basculer. Jean l'évangéliste souligne fortement le témoignage public de Jean-Baptiste.

TEMOIGNAGE DU BAPTISTE ET 1ères VOCATIONS.

« Jean se trouvait de nouveau avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui marchait, il dit : «  Voici l'agneau de Dieu ». Les deux disciples entendirent cette parole et ils suivirent Jésus. Celui-ci se retourna, vit qu'ils le suivaient: «  Que cherchez-vous ? ». Ils lui répondirent : «  Rabbi (c.à.d. Maître), où demeures-tu ? ». Il leur dit : «  Venez et vous verrez ». Ils le suivirent, ils virent où il demeurait et ils restèrent auprès de lui ce jour là. C'était vers la 10ème heure (16/17 h.) »
« L'AGNEAU DE DIEU QUI ENLEVE LE PECHE DU MONDE». Désignation essentielle que la liturgie nous fait proclamer au moment de la communion eucharistique. Il importe donc de l'expliquer car là se cache le « mystère pascal », c½ur de notre foi. L'image de l'agneau fait référence à deux événements clefs.

1.    L'AGNEAU DE LA PAQUE.

L'événement fondateur d'Israël est la libération des Hébreux, esclaves en Egypte, laquelle a eu lieu la nuit de la fête de pessah (pâque) où l'on immolait et partageait un jeune agneau afin de marquer le début d'une année nouvelle et demander la protection des troupeaux. Dorénavant, le vieux rite des bergers est muté en fête de la libération des esclaves. Car l'exode s'est opéré sans combat : c'est, dit-on, grâce au sang de cet agneau qu'Israël a pu sortir et devenir un peuple libre (lire Exode 12). C'est pourquoi tout Israélite est tenu de célébrer la Pâque chaque année jusqu'à la fin du monde.
Mais à présent, avec Jésus, va avoir lieu une seconde et définitive transfiguration de la fête: à Pâque, Jésus, victime innocente, sera rejeté et mis à mort mais son sang (qui représente le don total et volontaire qu'il fait de lui-même) permettra non seulement à Israël mais à toute l'humanité (le monde) d'être libérée de l'esclavage du péché. Jésus est l'Agneau qui ouvre les portes de la prison du mal et crée un nouveau peuple par-delà toute frontière.
A la fin de son évangile, Jean indiquera que la prophétie s'est bien réalisée : Jésus sera crucifié juste au moment de la fête de la Pâque et les soldats ne lui ont pas brisé les jambes. Or précisément le livre de l'Exode disait de l'agneau : « Pas un de ses os ne sera brisé » (Ex 12, 46 ; Jn 19, 36).
Jean Baptiste reconnaît donc son impuissance personnelle. Comme tous les prophètes et moralistes, il ne pouvait que dénoncer les péchés et exhorter à la conversion. Certes il allait, lui aussi, payer de sa vie son audace à  admonester le roi mais son martyre ne pourrait rien changer à la vie de ses disciples, pas plus que les martyres du père Kolbe ou de Martin Luther King. Ces hommes peuvent bien être des figures remarquables devant lesquelles on s'incline, des modèles admirables que l'on peut tenter d'imiter : mais ils nous demeurent extérieurs.
Il en est tout autrement avec Jésus. S'il peut être désigné comme « l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde », c'est parce qu'il est autre. Jean avait témoigné : « J'ai vu l'Esprit, tel une colombe, descendre et demeurer sur lui...J'ai vu et j'atteste qu'il est le Fils de Dieu » (1, 32-34). Donc par son amour jusqu'à la croix, Jésus peut « baptiser dans l'Esprit de Dieu » (1, 33), purifier les croyants de leurs péchés et les introduire dans la Vie de Dieu, la Vie éternelle. Son amour crucifié a la puissance d'opérer la Pâque c.à.d. de nous faire passer de l'esclavage sous le péché à la liberté des enfants de Dieu.
Donner à Jésus ce titre d'agneau pascal n'est pas une invention tardive de Jean et son Eglise. Déjà Paul  écrivait à l'Eglise de Corinthe qu'il avait fondée en 50-52: «  Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle...Car le Christ, notre pâque, a été immolé » (1 Cor 5, 7). Il veut dire : Ne vous laissez pas entraîner par de vieux démons puisque vous avez été entièrement renouvelés par le sacrifice de Jésus, le véritable agneau pascal. Et au début du 2ème siècle, l'Apocalypse nous transmettra les premières et magnifiques acclamations liturgiques adressée au Christ, Agneau devenu Seigneur :   « A Celui qui nous aime, Qui nous a délivrés de nos péchés par son sang,   Qui a fait de nous un royaume, des prêtres, pour Dieu son Père :  A Lui Gloire et Pouvoir pour les siècles des siècles.   Amen » (Apo 1, 5-6)  ---   (cf.4, 8-14.......)

2. LE SERVITEUR SOUFFRANT

D'autre part, l'image de l'agneau renvoie à la page la plus stupéfiante de l'Ancienne Alliance. Après la destruction de Jérusalem, l'incendie de son temple et la déportation du peuple en Babylonie (- 587), en plein c½ur du désastre, l'auteur anonyme d'Isaïe 40-55 raconta une curieuse vision. Il avait vu un homme déchiré, horriblement défiguré  (Isaïe 51, 13 à  53,12) :
«...Homme de douleurs, tordu de souffrances... Nous l'estimions humilié, frappé par Dieu mais il était  broyé à cause de nos perversités. Dans ses plaies se trouve notre guérison...Brutalisé,  il n'ouvre pas la bouche comme un agneau traîné à l'abattoir. Il est retranché de la terre des vivants à cause de la révolte de son peuple...... Si tu fais de sa vie un sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours et la volonté de Dieu aboutira. Ayant payé de sa personne, il verra une descendance..... Juste, il dispensera la justice, lui, mon Serviteur, au profit des multitudes, du fait qu'il a supporté leurs perversités parce qu'il s'est dépouillé jusqu'à la mort, parce qu'il a porté les fautes de tous et que pour les pécheurs, il est venu s'interposer ».
Qui donc est ce Juste accablé de souffrances indicibles ? Le peuple le considère d'abord comme un maudit, un réprouvé de Dieu ; mais on comprend qu'au contraire, lui, le seul Juste, s'offre pour le pardon de la multitude. Il est écrasé, on le tue mais il reste muet comme l'agneau conduit à la boucherie, c.à.d. il ne se révolte pas. Et mieux encore, du fond de sa détresse, il intercède pour les foules, il s'offre pour que les péchés des foules soient pardonnés. Il fait de sa « passion » subie la plus haute « action » d'amour. Et Dieu accepte son sacrifice. C'est pourquoi il verra une descendance infinie.
Qui est ce « Serviteur de Dieu » ? Les premiers chrétiens l'ont vite identifié à Jésus qui, condamné injustement, crucifié horrible à voir, se taisait et s'offrait - nouvel agneau - pour le salut du monde.
Ainsi Luc raconte que, lisant cette page d'Isaïe, un ministre africain demeurait perplexe mais « partant de ce texte, le diacre Philippe lui annonça la bonne nouvelle de Jésus » (Actes 8, 32-35)
Et la 1ère Lettre de Pierre presse ses lecteurs de ne jamais oublier la merveille dont ils bénéficient : «  Ce n'est pas avec de l'argent que vous avez été rachetés de la manière insensée de vivre de vos ancêtres, mais par le sang précieux, comme d'un agneau sans défaut et sans tache, celui du Christ... » (1 Pi 1, 17-20)

JESUS ET LE MYSTERE PASCAL

Vers la fin du 1er siècle, alors qu'Israël attendait que Dieu réitère les merveilles de l'Exode, Jean rédige un nouvel évangile qui montre comment la vie de Jésus est la « Pâque » véridique et définitive dont l'antique Exode était une parabole préfigurative. Le parallèle est saisissant :
La Loi (Jean-Baptiste) avoue son impuissance à libérer du péché.
A la fête de la Pâque, Jésus s'offre, muet, comme le nouvel agneau.   -    Il ouvre une brèche dans la mer du Mal, il entraîne les disciples à « passer de ce monde au Père ».   -     Il révèle son Nom : « Je Suis » (8, 58).    -   Il scelle la Nouvelle Alliance. Il donne sa Loi : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».  -    Il conduit son peuple : « Je suis le Bon Berger...J'appelle mes brebis et je les fais sortir ». (Jn 10)   -    Dans la nuit, «  Je suis la Lumière du monde : celui qui me suit aura la lumière de la vie »(8,12)  - 
Il leur donne la nouvelle manne : « « Je suis le Pain de vie : au désert vos pères ont mangé la manne et ils sont morts. Celui qui mange ma chair a La Vie éternelle » (Jn 6).   -     Il les désaltère par son Esprit : « Celui qui a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive » : il désignait ainsi l'Esprit (Jn 7, 38)  -    Plus besoin de sanctuaire : ils sont eux-mêmes le temple nouveau : « « Détruisez ce temple : en 3 jours, je le relèverai ». Il parlait du temple de son corps » (Jn 2).  -    Il est le successeur de Moïse, le nouveau Josué (Jésus en hébreu) qui introduit son peuple dans la Terre Promise. « Celui qui croit le Fils a la Vie éternelle » (Jn 3,36).    -    On comprend combien il est indispensable de lire la Bible afin de pénétrer dans la connaissance de l'Evangile et comprendre la foi.

LES PREMIERS DISCIPLES

Parmi les disciples de Jean-Baptiste, peu acceptent de le quitter car il est plus facile d'en rester à une religion de lois et devoirs. Seuls deux s'en vont : André et un anonyme (invitation au lecteur ?).  Ils ne demandent pas à Jésus « ce qu'il faut faire » : ils se mettent à le suivre et ils désirent « demeurer  avec lui ». Ce chemin les conduira à la croix et à l'exode pascal. Mais alors l'Esprit les comblera.  Heureux ceux qui partent chaque dimanche pour partager « la manne de l'Agneau » et « demeurer » avec lui. Il les sauve de leur prison et, au vent de l'Esprit, il les emmène vers le Père.

2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Il me semble que pour comprendre les lectures de ce jour, il faut être un peu synesthète ! La synesthésie est un phénomène assez rare par lequel deux de nos cinq sens sont associés. C'est un phénomène par lequel nos sens (en général l'ouïe et la vue) communiquent les uns avec les autres. Cela donne des résultats artistiques parfois étonnants. Par exemple, l'écrivain Nabokov, le compositeur Olivier Messiaen et le poète Arthur Rimaud ont subi, de manière plus ou moins heureuse, les conséquences du phénomène de synesthésie. Ils entendaient des couleurs et voyaient des sons !

Lorsque nous prenons ensemble les deux récits de vocation que nous venons d'entendre, vision et écoute sont étroitement mêlés. Le terme « appeler »  revient dix fois dans la première lecture. Et dans l'évangile, deux verbes reviennent constamment: « regarder » et « voir ». 

Pour se plonger dans l'Evangile de Jean, il faut être un peu synesthète !
« La Parole s'est faite chair, et nous avons VU sa gloire »

Mais dans l'appel que Dieu nous offre chaque jour, il nous faut être également  synesthètes.
Pourquoi ? Parce que cet appel que Dieu nous adresse passe par un visage, celui du Christ.
Et bien souvent, l'appel dans nos vies passe par non pas par une voix, une parole que l'on entend et qui nous serait transmise, mais par une figure, un regard, un personne qui, comme Jean-Baptiste, nous dit : « Suis mon regard ».

Mieux encore, nous sommes toutes et tous appelés par le regard de Dieu.
C'est pour cela qu'il nous faut des passeurs de regard.
Des personnes qui nous disent « Ne me suivez pas » mais « suivez mon regard » « Suivez celui que je regarde : l'agneau de Dieu ».

Nous sommes tous appelés, vous comme moi, même si Dieu semble rester sans voix. Car il ne se fait pas entendre directement, mais par la voix de passeurs, par la voix d'André, qui mène Pierre au Christ. L'appel passe toujours par la rencontre, car, comme croyants, nous sommes comme Pierre : nous ne pouvons aller au Christ directement, mais seulement si d'autres personnes nous y amènent...

Jean le Baptiste nous invite non pas à le suivre, mais à suivre son regard, pour contempler celui qui nous invite chaque jour à un nouveau départ. Car « La vie commence là où commence le regard » nous dit le poète.

Cette expérience de recréation par le regard vous est sans doute déjà arrivée. Peut-être avez vous fait l'expérience d'un regard qui en dit long sur vous, qui vous conforte, vous confronte à vous-mêmes, ou vous retire vos masques.
Un regard sans parole, qui fait advenir ce que vous êtes et vous met à nu,
vous dévoile.

Car le regard, pour le synesthète, a cette force de parler sans mettre des mots.
Il a cette extraordinaire puissance de transformation.
Et même s'il y a les regards durs, qui défigurent et qui dévisagent ;
il y a ces regards doux qui préfigurent une nouvelle relation
qui envisagent la réalité avec des yeux remplis d'amour.
Il y a ces regards aimants, qui rendent une personne aimée.

Et voilà que nous sommes toutes et tous appelés par le regard de Dieu.

Voilà que Dieu nous convoque à l'existence par son regard.
Voilà l'appel qui nous est lancé. Celui d'un nouveau commencement dans nos vies. D'un nouveau regard sur nos vies et nos histoires. Une nouvelle création.

Dans cet évangile, ce n'est plus Dieu qui --comme dans la genèse--
cherche l'humain et lui dit « Où es-tu ? ». Mais c'est le disciple bien aimé
qui part à la rencontre de Christ et lui dit : « Où demeures-tu ? »

Dieu a pris le chemin des hommes et nous adresse à chacun un appel. Prenons alors le chemin de Dieu, par le détour du regard des autres.
Dieu pourra alors advenir et nous dire : « suis mon regard ! Il se pose sur toi. Je te convoque à la vie.» Oui, réjouissons, car nous sommes des êtres appelés, convoqués par le regard de Dieu ! Amen.