13e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Est-ce que les paroles suivantes vous rappellent quelque chose : « C'est l'histoire de la vie, le cycle éternel qu'un enfant béni, rend immortel ».  Je vous donne un indice, ces paroles proviennent d'une chanson.  Toujours pas ?  Non, ce n'est pas une chanson de Claude François ou de Marie Myriam.  Il s'agit tout simplement des paroles de la chanson d'ouverture du film « Le Roi Lion » de Walt Disney.  Nous sommes au début du film et juste après ce couplet, le lionceau est marqué d'une trace sur le front puis est présenté au peuple des animaux.  Ce dessin animé est profondément théologique et vaut la peine d'être revisité avec les yeux de la foi.  En quelques mots, tout est dit sur le mystère de la vie, sur le mystère de la mort.

Comme le souligne le livre de la Sagesse, « Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. (...) La puissance de la mort ne règne pas sur la terre car la justice est immortelle ».  L'immortalité est en Dieu puisqu'il est en dehors de notre propre temps.  Quant à nous, nous sommes appelés à l'éternité ou pour le dire autrement, nous sommes des êtres éternels.  C'est cela qui nous différencie de certaines religions d'Orient où les êtres sont considérés comme immortels.  Cette fois, nous sommes dans un autre rapport au temps, l'être immortel se perçoit dans un cycle de vie où il n'y a ni commencement, ni fin.  L'horloge n'arrête jamais de tourner.  Ce rapport cyclique au temps conduit à l'idée même de la réincarnation.  La foi en Dieu révélé dans les Ecritures, nous fait découvrir que nous sommes donc bien des êtres éternels.  Notre rapport au temps est donc différent d'une idée cyclique.  Pour nous le temps est linéaire.  Il y a eu un début et il y aura une fin, comme chacune de nos vies.  Nous vivons donc avec deux certitudes qu'il est bon de se rappeler de temps à autre.  La première, nous sommes des êtres vivants, c'est-à-dire des êtres appelés à la Vie.  En effet, nous sommes les biographes de nos histoires et nous écrivons l'histoire de notre vie par la manière dont nous la vivons.  Dans la foi, cette histoire personnelle s'écrit avec l'encre de Dieu, une encre indicible et surtout indélébile qui marque notre c½ur à jamais.  Nous devenons ainsi, ce qu'un théologien belge a appelé, des théographes.  Notre écriture est de l'ordre divine car notre foi est le fondement même de vivre sa vie.  La lumière de la résurrection nous imprègne et nous pousse à oser plonger dans l'existence avec cette confiance qui nous fait prendre conscience que nous ne sommes jamais seuls.  Dieu vient nous saisir la main et nous dit par le biais de son fils « Talitha koum, je te le dis lève-toi ! ».  Notre foi n'est pas une eau dormante mais bien une invitation à se lever pour, à l'instar de la fille de Jaïre, nous mettre en marche.  Oui, depuis le temps de l'Exode, nous sommes un peuple en marche, en quête de foi, en recherche de vérité, en désir de sens.  Le Christ Jésus nous offre cette occasion merveilleuse de vivre notre vie au goût de Dieu.  De plus, par sa mort et sa résurrection, il nous fait entrer dans une nouvelle dimension de notre être.  Grâce à l'événement de la croix, la vie n'est plus mortelle mais bien appelée à l'éternité.  Nous devenons à notre tour des êtres éternels.  D'ailleurs, nous sommes déjà entrés dans le temps de notre éternité.  L'humoriste Pierre Desproges disait que la vie est une maladie mortelle.  Dans la foi, nous pouvons affirmer que la vie est une épiphanie éternelle.  Il est vrai que nous serons toutes et tous un jour confrontés à l'expérience de notre propre mort.  Toutefois, pour nous, celle-ci ne sera qu'un bref instant qui nous fera passer de la vie à la vie éternelle.  « De l'humanité à l'éternité », telle est notre destinée.  Et peut-être qu'en mourant, nous emportons avec nous notre manuscrit, notre biographie et que nous en poursuivons notre écriture mais cette fois avec une encre éternelle.  Le temps de la foi sera derrière nous.  Nous vivrons alors le temps de la rencontre avec Dieu le Père, révélé en son Fils et glorifié dans l'Esprit.  A cet instant précis, nous saurons que nous avions eu raison lors de notre pèlerinage terrestre de mettre notre espérance en ce Dieu qui « n'a pas fait la mort » mais qui nous a créé pour cette vie au goût de l'éternité.
Amen

Saint Pierre et Saint Paul

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Il est fort étonnant que la liturgie célèbre en même temps saint Pierre et saint Paul, tout d'abord, parce que ce sont deux personnalités fort différentes, et ensuite parce que chacun d'eux méritait bien une fête particulière, surtout saint Paul.  Paul a couru dans tous les pays, il a fondé des Eglises partout, il les a organisées avec Tite et Timothée.  C'est vraiment quelqu'un, bien plus que Pierre.  Pierre qui a trahi trois fois, Pierre qui, par crainte, s'est séparé de la table des judéo-chrétiens à Antioche, provoquant ainsi une grave scission dans la communauté chrétienne.  Heureusement que Paul est intervenu.  Paul a publiquement réprimandé Pierre qui n'a rien pu faire d'autre que d'obéir à Paul.  On se demande vraiment pourquoi Jésus a choisi Pierre.  Pierre est bien gentil, mais il n'a pas la carrure de Paul.  Regardez les lettres de Paul.  Elles sont solides.  Elles ont du contenu.  Les lettres de Pierre sont bien gentilles, mais elles sont plutôt pastorales.  Et pourtant, même si Paul a réprimandé Pierre, il est allé rendre compte à Pierre de tout son travail pastoral, et il l'a fait pour être sûr de n'avoir pas couru en vain, comme il le dit lui-même.  Cela nous rappelle une chose fondamentale : c'est que les choix de Dieu ne sont pas basés sur nos critères à nous.  Peut-être Jésus a-t-il choisi Pierre parce qu'il est aimant.  Regardez l'évangile d'aujourd'hui : par trois fois, Pierre dit et répète qu'il aime Jésus, même s'il l'a trahi peu de temps auparavant.  Paul a couru.  Paul a combattu.  Pierre a aimé.  Mais est-il vraiment nécessaire de comprendre pourquoi un tel est évêque et un autre ne l'est pas ? Ne sommes-nous pas invités à faire comme Paul, de donner le meilleur de nous-mêmes et de le remettre à ceux que Jésus a choisis ?

Saint Jean-Baptiste ordinaire, année Aucune

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Jean-Baptiste est-il un modèle à imiter ? Nous avons tous besoin de repères et certains personnages que nous rencontrons peuvent nous aider à mieux choisir notre façon de vivre.  La question qui se pose est de savoir qui nous voulons imiter, quel genre de vie nous voulons mener.  Un garçon fera tout pour imiter son papa.  Un adolescent fera tout pour ne pas être comme son père.  Un adulte se sent parfois abandonner, sans repères, car tout est possible et plus rien n'est proposé.  Les seuls modèles que l'on ait, ce sont des personnages inaccessibles, des héros, des supermen, des James Bond aux multiples conquêtes ou  des Harry Potter aux multiples pouvoirs.  Nous en sommes loin.  Voyons  donc avec ce que nous sommes ce que nous pouvons imiter chez Jean-Baptiste.
Il faut reconnaître qu'à première vue ce n'est pas un modèle très engageant.  Il vivait de sauterelles et de goutes de miel, retiré dans le désert, vêtu d'une simple peau de bête.  Ce n'est pas vraiment mon idéal de vie.  De plus, il a connu une triste fin.  Arrêté, il entend parler de Jésus et il envoie ses disciples lui demander : « es-tu celui qui doit venir ? »  Le pauvre homme se demande si son sacrifice a vraiment du sens, s'il ne s'est pas trompé, s'il n'a pas gâché toute sa vie.  Et pourtant c'est lui qui a proclamé haut et fort : « voici l'agneau de Dieu qui vient sauver le monde ».  Mais on a beau avoir parfois des intuitions géniales, il n'en demeure pas moins que la vie érode les convictions les plus profondes.  Un jour, on se dit : oui, c'est avec lui, c'est avec elle que je veux passer toute ma vie.  Les années passent, les sentiments s'émoussent, l'ennui s'installe, le doute commence à ronger le c½ur de chacun. 
C'est peut-être en cela que Jean-Baptiste peut être un modèle  pour nous : il a eu l'audace de se remettre en question.  Il n'a pas confondu fidélité avec entêtement.  Et c'est là une question qui se pose dans tous les domaines.  Dois-je garder ce travail alors que les conditions sont  si difficiles ? Dois-je maintenir cette interdiction aux enfants alors qu'ils deviennent grands ? Dois-je m'astreindre à cette obligation alors que tous les autres semblent l'ignorer ? Quelle est la différence entre fidélité et entêtement ? On a vu tant de communautés religieuses s'enterrer vivantes dans le corset de règles étroites et dépassées.  On a vu des communautés se détruire en ne voulant rien changer à leur intuition des années 60 et 70.  L'énergie que l'on met à garder certaines petites règles ou certains grands principes nous empêche parfois d'écouter l'autre qui me parle, d'accueillir le nouveau qui ne comprend rien, d'aimer celui qui est seul et isolé. 
Si l'on regarde Jean-Baptiste, on se rend compte que, s'il a pu faire la différence entre la fidélité et l'entêtement, c'est parce qu'il s'est attaché à une personne qu'il ne connaît pas, qu'il ne comprend pas, qui le dépasse.  L'attitude de Jésus n'était pas celle d'un sauveur politique ou religieux, tel que Jean-Baptiste l'imaginait.  Mais Jean avait fait le saut dans l'inconnu, vis-à-vis d'un Dieu qui le dépasse et Jean est resté fidèle à ce saut dans l'inconnu. 
En célébrant cette Eucharistie, reconnaissons que Dieu a pris un bien grand risque en nous aimant comme il le fait.  Mais lui aussi est resté fidèle à son amour, malgré nos infidélités, malgré notre petitesse, grâce à sa miséricorde.  Puissions-nous, nous aussi, nous laisser entraîner par cet amour fou pour pouvoir jouir de la présence de Dieu pour l'éternité.

Saint Jean-Baptiste

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

LES FEUX DE LA SAINT JEAN

L'Eglise attribue à Jean-Baptiste une importance exceptionnelle puisqu'il est, à part Jésus et Marie, la seule personne dont elle fête la naissance terrestre (les fêtes des Saints se célèbrent au jour de leur mort, véritable naissance au ciel)  et cette célébration l'emporte même sur celle du dimanche.

DEUX  ANNONCIATIONS

Luc ouvre son Evangile en mettant en parallèle les naissances et les enfances de Jean et de Jésus. La 1ère page se déroule au temple de Jérusalem : alors qu'il est en train d'officier, Zacharie reçoit d'un ange l'annonce que ses demandes vont être exaucées : son épouse mettra au monde un garçon qu'il faudra consacrer à Dieu car il aura la vocation de préparer le peuple de Dieu et accomplir ainsi la dernière prophétie biblique (Malachie 3, 22-24). Zacharie refuse de croire que cela puisse arriver à son couple stérile. L'Ange le punit de mutisme et l'assure que, de toutes façons, le projet de Dieu s'accomplira. Sortant du sanctuaire, Zacharie, muet, est donc impuissant à prononcer la bénédiction sur le peuple prosterné. On comprend le sens du récit : le sacerdoce, qui doit exprimer, par la liturgie, l'espérance du salut d'Israël, ne reconnaît pas ce salut au moment où Dieu décide de le réaliser, il ne peut plus « bénir », donner la Vie divine.
En contraste, saint Luc rapporte l'annonce à Marie. A une toute  jeune fille, dans un village perdu, est aussi proposée une naissance extraordinaire, celle du Messie lui-même,  qui sera appelé Fils de Dieu,  Roi pour toujours, ½uvre de l'Esprit de Dieu ! Marie, elle aussi, est bouleversée, ne comprend pas la signification du message, questionne...mais très vite elle acquiesce et se donne comme collaboratrice du Dessein divin : « Je suis au service du Seigneur : que tout se passe pour moi comme tu l'as dit » (1, 26-38).
A la fin de l'évangile, de façon identique, les grands prêtres resteront aveugles devant Jésus en qui ils ne verront qu'un blasphémateur dangereux tandis que des gens du peuple (des laïcs), apôtres et disciples, le reconnaîtront et « se mettront à son service » en l'annonçant comme Seigneur, Sauveur du monde.

NAISSANCE

On n'arrête pas l'accomplissement du Plan de Dieu : le petit garçon annoncé vient et enfin son père va reconnaître son rôle mystérieux.
Elisabeth mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait accordé sa miséricorde et ils se réjouissaient avec elle. Le 8ème jour, ils vinrent pour la circoncision de l'enfant. Ils voulaient le nommer Zacharie comme son père mais sa mère déclara : «  Non il s'appellera JEAN ». On lui répondit : «  Personne dans ta famille ne porte ce nom ?! » et on demandait au père comment il voulait l'appeler. Il se fit donner une tablette et écrivit : SON NOM EST JEAN.
On était étonné. A l'instant sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia, il parlait et bénissait Dieu. La crainte saisit les gens et, dans toute la montagne de Judée, on racontait ces événements et on disait : «  Que sera donc cet enfant ? ». En effet la Main du Seigneur était avec lui.
Zacharie accepte le dessein de Dieu : son fils s'appellera YOHANAN (en hébreu : YHWH-HEN : « Dieu fait grâce »). Il ne sera pas prêtre comme son père (le sacerdoce était héréditaire) mais NAZIR, consacré au Seigneur, voué à l'ascèse, tenu de ne boire ni vin ni alcool car son « ivresse » viendra de l'Esprit-Saint dont il sera comblé dès le sein de sa mère » (1, 15). Pour quel avenir ?...

LE TEMPS DE LA MATURATION

« La main du Seigneur était avec lui. L'enfant grandit et son esprit se fortifiait.
Il alla vivre au désert jusqu'au jour où il devait être manifesté à Israël »
Pourquoi ce départ au désert ? Quand ? Où ?...Jean ne sera donc pas prêtre, il ne présidera pas des cérémonies au temple. « Vivre au désert » : qu'est-ce à dire ? L'hypothèse n'est pas acceptée par tous mais ne peut-on supposer que Jean a rejoint la communauté des Esséniens de Qûmran ?
Plus de 150 ans auparavant, un grand prêtre de Jérusalem, chassé du temple, était allé fonder la « communauté de l'Alliance »  sur les bords de la Mer Morte. Vêtus de blanc, pratiquant des bains rituels quotidiens, les hommes y menaient une vie d'absolue pureté, dans l'obéissance à la règle, l'étude de la Torah, la pénitence et la prière instante pour que vienne le Messie.
Un jour, il sut (comment ?) que le moment était arrivé : il fallait préparer le peuple à la venue imminente du Messie. Il quitta la communauté et alla se poster un peu plus au nord, sur l'autre rive du Jourdain, face à Jéricho, là où le prophète Elie avait disparu dans le ciel (2 Rois 2), lui qui devait revenir puisque le dernier oracle prophétique des Ecritures prédisait son retour pour annoncer le Jour de Dieu :
« Je vais vous envoyer Elie, le prophète, avant que vienne le Jour du Seigneur, jour grand et redoutable. Il ramènera le c½ur des pères vers leurs fils et celui des fils vers leurs pères » (Malachie 3, 23)

Après des années de solitude, de silence, de pénitences, un jour, l'heure de Jean sonna :
« L'an 15 de l'Empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée...sous le sacerdoce de Hanne et de Caïphe, la Parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Il vint dans la région du Jourdain, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés... » (Luc 3,1).
Il baptisait, appelait au changement de vie et surtout annonçait la venue d'un autre :
«  Moi, je vous baptise d'eau, mais il vient, celui qui est plus fort que moi....il vous plongera dans l'Esprit Saint et le feu ».
Jésus de Nazareth parut, demanda le baptême puis s'en alla à sa mission. Peu après des soldats d'Hérode vinrent arrêter Jean qui avait l'audace de dénoncer les m½urs du roi. Dans son cachot, il connut d'affreux moments d'angoisse : «  Allez demander  à Jésus : es-tu celui qui doit venir ou bien me suis-je trompé ? »(Matth 11,2) et il fut décapité (Marc 6,17).
Dans l'annonce, la naissance, la circoncision, la vie cachée, la prédication, le cachot, la mort, il s'était montré le précurseur de Jésus. Toutefois il était resté à la porte du Royaume que seul le Galiléen pouvait inaugurer. Aussi Jésus disait de lui :
« Parmi les enfants des hommes, il ne s'en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste. Et cependant le plus petit dans le Royaume est plus grand que lui »   (Matt 11,11)

REFLEXIONS  - MEDITATIONS

Tous les parents se plaisent à imaginer un bel avenir pour leur enfant mais il arrive que celui-ci prenne une autre route. Mystère des chemins personnels, de la vocation à percevoir. Le fils ne succède pas toujours à son père. Liberté à respecter.
L'appel de Dieu est deviné dans la nébulosité. Son nom (JEAN) disait sa fonction : manifester la grâce de Dieu. Oui mais comment ? Où ? Jean a cheminé, zigzagué, connu des ruptures ; il a été entraîné sur le dur chemin du prophète qui est tenu d'être une sentinelle tenu de dénoncer les péchés de son peuple et même de ses hauts dirigeants. Risque grave, mortel. Le témoin (en grec : martus)  est appelé au « martyre ».
Surtout bien voir la différence, l'abîme entre Jean et Jésus. Peu de choses les distinguaient aux yeux des gens. Mais Jean savait qu'il ne pouvait ouvrir le Royaume de Dieu, qu'il n'était que le précurseur, envoyé le premier pour préparer les gens. Il nous faut l'écouter lorsqu'il nous presse de reconnaître nos fautes, de demander pardon. Mais surtout lorsqu'il nous détache de lui pour nous inviter à suivre Jésus.
Dans l'antiquité, beaucoup de peuples célébraient le solstice d'été (21 juin) et allumaient des feux au moment où les jours commençaient à diminuer. Puis ils célébraient la victoire du soleil au solstice d'hiver (25 décembre) lorsque les jours se remettaient à croître. Nous avons rompu avec le culte des astres : nous avons Jean et Jésus. Le Prophète et le Messie. Le Précurseur et le Fils de Dieu.
Il avait été promis à Zacharie : «  Tu en auras joie et allégresse et beaucoup se réjouiront de sa naissance »(1,14). Aujourd'hui allumons « les feux de la joie de la foi. » Préparés par Jean, nous n'allons pas au désert mais nous suivons Jésus dans sa communauté de l'alliance, l'Eglise, afin de partager l'eucharistie. Nous écoutons les exhortations de Jean-Elie puis nous communions à celui que Jean annonçait et qui nous plonge dans le Feu de l'Esprit. La grâce de Dieu n'est plus seulement promise : elle est offerte et partagée.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Charles Dominique
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

L'évangile de Marc raconte l'institution du sacrement de l'Eucharistie par Jésus au cours du repas pascal : on remarque dans l'évangile qu'il est question des « préparatifs pour le repas pascal » et aussi de « manger la Pâque ». Le sacrement de l'Eucharistie a donc un lien avec la Pâque de Jésus ! C'est « le mémorial » de son « passage » de ce monde au Père (cf. Jn 13,1). Nous célébrons ce « mémorial » dans le cadre d'un repas parce que, selon Marc, mais aussi selon Matthieu, Luc et Paul, Jésus institua ce « sacrement » au cours du dernier repas qu'il prit avec ses disciples avant d'être arrêté et d'entrer dans sa Passion. Les évangélistes ont considéré ce repas comme un repas pascal, mais cela n'est pas possible puisque Jésus fut crucifié la veille de la fête de Pâque, donc bien avant le moment du repas pascal juif qui ne pouvait commencer qu'après le coucher du soleil. L'évangile de Jean évite cette difficulté en présentant Jésus comme l'Agneau pascal ; Jean le Baptiste proclame dès le début du quatrième évangile : « Voici l'Agneau de Dieu ! » Les agneaux qui devaient être consommés au cours du repas pascal étaient en effet mis à mort la veille de la fête, au début de l'après-midi. Or la fête juive de Pâque, cette année là, tombait un sabbat (samedi) ; les agneaux furent donc mis à mort le vendredi, au moment même où « l'Agneau de Dieu » était crucifié ! Pour saint Jean, la célébration eucharistique est donc le « mémorial » de la mort de Jésus, nouvel « Agneau pascal » mis à mort pour le salut du monde, pour le pardon des péchés : « Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », avait prophétisé Jean Baptiste. Mais l'agneau pascal était mis à mort pour être mangé dans la nuit de la fête juive de Pâque. Il y a donc deux aspects dans la célébration eucharistique. C'est d'abord un repas pascal au cours duquel nous célébrons la présence du Ressuscité au milieu de nous: comme les disciples au soir d'Emmaüs, nous le reconnaissons à la fraction du pain. Mais c'est aussi le « mémorial » du don que Jésus fait de lui-même par amour de nous tous, de l'offrande qu'il fait de sa propre vie sur la croix (sacrifice ou offrande) et qui conduit au pardon de tous nos péchés et au renouvellement de la communion entre Dieu et toute l'humanité. C'est ce que nous rappellent les paroles de Jésus que nous reprenons : « ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés. » Au chapitre 24 du livre de l'Exode, dont on a lu un passage, les deux traditions sont déjà mêlées. Celle du repas fait suite à celle du sacrifice. Le passage qui fait immédiatement suite à celui de la première lecture est celui-ci : « Moïse et les Anciens d'Israël montèrent vers Dieu. Ils virent Dieu. Sous ses pieds, il y avait comme un pavement de saphir aussi pur que le ciel. Ils contemplèrent Dieu. Ils mangèrent et ils burent » (Ex 24,9-11). Il est question ici d'un repas pris en présence de Dieu ! La première lecture (Ex 24,3-8) relate un sacrifice de jeunes taureaux. Moïse répand le sang des taureaux sur l'autel et sur le peuple. Ce rituel sanglant nous étonne : il s'agit d'un vieux rite d'alliance entre Dieu et son peuple. L'auteur de l'épître aux Hébreux (He 9) fait une relecture étonnante de ce rite sanglant en l'appliquant au « sacrifice » du Christ qui, à la fois, remplit la fonction de grand-prêtre et occupe la place de la victime offerte ; « Jésus s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache... » : en s'offrant lui-même, Jésus scelle la nouvelle alliance, définitive, entre Dieu et l'humanité, et l'offrande qu'il fait de lui-même est à la source de la rémission des péchés. Il ne s'agit plus d'un rite de purification extérieure par aspersion de sang comme autrefois, mais d'une purification intérieure qui atteint le plus intime de nos êtres et de nos consciences. Ces catégories - qui viennent du vieux culte israélite - nous déconcertent car elles nous sont culturellement étrangères. Il convient néanmoins d'essayer de les comprendre pour découvrir la richesse symbolique de la relecture chrétienne qui en a été faite aux premiers temps de l'Église. L'offrande que Jésus fait de lui-même sur la croix est unique et définitive et elle abolit tous les autres sacrifices sanglants qui n'ont plus de raison d'être : seul le sang de Jésus, versé une fois pour toutes, obtient le pardon des péchés et introduit dans la vie éternelle : « Qui boit mon sang, dit Jésus, a la vie éternelle » (Jn 6,54). Notre célébration eucharistique a donc de multiples significations : c'est la célébration du grand mystère du Christ qui donne sa vie pour le salut du monde ; c'est le « mémorial » du sacrifice sanglant du Christ qui a versé son sang sur la croix ; c'est la célébration de la Pâque victorieuse du Christ qui passe de la mort à la vie ; c'est la célébration de la Présence du Christ au milieu des siens dans le repas qui les rassemble ; c'est le repas où nous communions véritablement à la vie du Christ pascal et qui, en conséquence, nous unit les uns aux autres et construit la communauté de l'Église ; c'est la célébration de « l'action de grâce » (c'est le sens du mot « eucharistie ») que l'Église, rassemblée autour de Jésus ressuscité, adresse au Père dans l'Esprit-Saint, par le Christ, avec lui et en lui. Notre célébration eucharistique a donc de multiples significations : c'est la célébration du grand mystère du Christ qui donne sa vie pour le salut du monde ; c'est le « mémorial » du sacrifice sanglant du Christ qui a versé son sang sur la croix ; c'est la célébration de la Pâque victorieuse du Christ qui passe de la mort à la vie ; c'est la célébration de la Présence du Christ au milieu des siens dans le repas qui les rassemble ; c'est le repas où nous communions véritablement à la vie du Christ pascal et qui, en conséquence, nous unit les uns aux autres et construit la communauté de l'Église ; c'est la célébration de « l'action de grâce » (c'est le sens du mot « eucharistie ») que l'Église, rassemblée autour de Jésus ressuscité, adresse au Père dans l'Esprit-Saint, par le Christ, avec lui et en lui. Dans la troisième prière eucharistique, juste après la consécration, nous trouvons cet admirable résumé : « En faisant mémoire de ton Fils, de sa Passion qui nous sauve, de sa glorieuse Résurrection... nous présentons cette offrande vivante et sainte pour te rendre grâce. Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Église et daigne y reconnaître celui de ton Fils qui nous a rétablis dans ton Alliance. Quand nous serons nourris de son Corps et de son sang et remplis de l'Esprit-Saint, accorde-nous d'être un seul corps et un seul esprit dans le Christ. » Nous n'aurons jamais terminé de méditer la profondeur du mystère eucharistique, le grand sacrement de la vie chrétienne depuis les origines du christianisme. Il n'est pas étonnant qu'il ait conduit à de nombreuses relectures des traditions de l'Ancien Testament à la lumière du Christ Jésus. L'essentiel pour chacun de nous est d'en vivre aujourd'hui. Le Seigneur Ressuscité nous invite à son repas pascal ; rendons grâce à Dieu notre Père « par lui, avec lui et en lui » et dans l'Esprit Saint. Frère Dominique CHARLES, o.p.

11e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Jésus est vraiment compliqué.  Pourquoi ne parle-t-il pas comme tout le monde ? Pourquoi parle-t-il en paraboles ? Est-ce qu'il vous viendrait à l'idée, un jour, de demander à table : « ô aimable personne qui m'accompagne dans la vie, ne pourrais-tu me passer un peu de cette poudre blanche qui donne tant de goût aux aliments et qui les protège parfaitement ? » Ce serait plus simple de dire : « passe-moi le sel, s'il te plaît »  Et ce n'est pas fini.  Non seulement Jésus parle en paraboles, mais il donne des explications, en particulier, aux apôtres.  Et pourquoi, s'il vous plaît ? Pourquoi n'ai-je pas le droit de recevoir moi aussi toutes les explications nécessaires ? Pas étonnant que je me sente parfois perdu, si on me cache tout, si on ne me dit rien.   Voyons tout cela calmement. 
Commençons par les paraboles.  Les paraboles sont de petites histoires qui cachent ou qui révèlent de profondes vérités sur l'homme et son destin.  Ce n'est pas comme les fables.  Prenons les fables de La Fontaine, le renard et le corbeau, par exemple.  C'est comme une petite pièce de théâtre qui illustre les dégâts de la flatterie.  C'est amusant, c'est vivant, c'est plus amusant qu'une homélie.  Mais une fois qu'on a entendu l'histoire, bon, ça va, ça suffit, on a compris.  Par contre, une parabole se médite toute la vie.  Regardez la première de ce jour.  « Qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit ».  On ne lit pas, on ne comprend pas, on ne médite pas cette phrase de la même façon quand on a sept ou septante-sept ans.  « Qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit » : à sept ans, le plus effrayant, c'est de se lever et de travailler, au lieu de jouer.  A septante-sept ans, la semence ne grandit plus, la plante se fane peu à peu, et c'est avec envie et admiration que l'on voit les plus jeunes se développer, rayonner de vie et de vigueur.  C'est le cycle de la vie qui est ici évoqué en peu de mots.  Non, on ne lit pas de la même façon une parabole à sept ou à septante-sept ans.  C'est qu'il y a des vérités tellement fines, tellement profondes que l'on n'ose pas les révéler à n'importe qui, n'importe comment.  Je me suis senti un jour comme violé quand une personne a tellement insisté et m'a tellement manipulé que j'étais comme obligé d'expliquer quand et comment j'ai rencontré Jésus.  C'est ma vie.  C'est le plus intime de ma vie.  Je l'ai parfois raconté, c'est vrai, mais uniquement à des personnes avec lesquelles j'étais en grande intimité et confiance.  Il y a des choses trop belles pour être jetées comme cela au grand public, dans les journaux, à la télé, sur le net.  L'amour que Jésus a pour chacun d'entre nous est tellement beau, tellement grand qu'il ne peut pas être jeté n'importe comment, n'importe où, à n'importe qui.  Il doit tout d'abord être vécu, il doit tout d'abord être ressenti. 
Et c'est sans doute la raison pour laquelle Jésus explique davantage de choses aux apôtres.  C'est parce qu'ils ont beaucoup marché ensemble.  Ils ont eu faim, ils ont eu chaud, ils ont connu la fatigue, le découragement, la joie d'être accueillis, l'humiliation d'être rejetés.  Ils ont partagé beaucoup de choses ensemble, des choses simples, des choses vraies, pas des choses intellectuelles, de belles discussions sur l'amour et la solidarité.  Cela, ils l'ont vécu, l'amour et la solidarité quand ils marchaient le soir sous une pluie battante, quand ils cherchaient le midi un peu d'eau sous un soleil brûlant.  Il y avait une telle solidarité entre eux, une telle connivence que Jésus pouvait leur parler de son Père qui est dans les cieux.  Les apôtres ne comprenaient pas, mais ils sentaient que c'était sérieux et ils ne se sont pas moqués de Jésus parce qu'il disait des choses incompréhensibles. 
Et c'est là sans doute le cheminement qui  nous est proposé aujourd'hui au cours de cette Eucharistie, de nous laisser impressionner par  Jésus, d'admettre que nous ne comprenons pas, mais que nous sentons qu'il se passe ici quelque chose d'important, quelque chose qui dépasse notre intelligence.  Alors, nous pourrons lui dire : « Merci, Jésus, pour tout ce que tu m'as dit et que tu me dis encore, je sens que c'est parce que tu m'aimes tellement et que tu me fais tellement confiance ».

Philippe Henne



11e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Après 4 mois de carême et de temps pascal, et en reprenant aujourd'hui la lecture suivie de l'évangile de Marc, il importe d'abord de nous rappeler l'objectif poursuivi par Jésus, sa mission telle qu'il l'a reçue de son Père au baptême (1, 14-15) : « Jésus proclamait l'Evangile de Dieu et disait : « Le temps est accompli et le Règne de Dieu s'est approché : convertissez-vous et croyez à l'Evangile » Donc après des siècles d'humiliation sous la botte des puissances étrangères, et après l'échec de tous les rois incapables d'instaurer la société voulue par Dieu, Jésus assure que le moment décisif a sonné au cadran de l'histoire : avec lui, c'est Dieu lui-même qui vient inaugurer son règne. Cet événement n'a rien d'un coup de baguette magique qui éliminerait le mal et rendrait à Israël son indépendance. Ce Règne de Dieu n'est ni ethnique ni national ; il ne s'impose pas, il se propose ; il n'est pas déploiement de puissance mais appel à chaque liberté. Pour introduire ce Règne, Jésus PARLE, c.à.d. il interpelle les personnes afin qu'elles CROIENT et REPONDENT en changeant de mode d'existence. A chacun de laisser venir ce règne en « se convertissant », en retournant ses conceptions, fussent-elles religieuses, en faisant confiance à l'annonce de Jésus. Le livre de Marc montre comment Jésus a mis en ½uvre ce dessein et comment, hélas, il a été incompris. La foule demandait des guérisons et des miracles ; les gens religieux, comme les pharisiens et les prêtres, ne voyaient pas pourquoi ils devaient se convertir ; et les disciples suivaient Jésus dans l'espoir d'avoir les meilleures places dans un royaume de grandeur et de puissance (9, 34 ; 10, 37). Mais alors quel est ce Royaume mystérieux ? Aucun évangile n'en donne une définition claire et précise. Parce que c'est impossible. Comme toutes les réalités profondes, on ne peut en parler qu'en images, en symboles : c'est pourquoi Marc consacre son chapitre 4 au DISCOURS DES PARABOLES. Comme les rabbins de son temps mais avec un génie inégalé, Jésus a eu le don d'inventer de petites histoires pour guider les c½urs vers la compréhension de ce qu'il voulait en obéissance à Dieu. L'évangile du jour nous rapporte les 2 dernières de ces paraboles et une réflexion sur leur but.

LA SEMENCE QUI POUSSE TOUTE SEULE

Jésus disait : «  Il en est du règne de Dieu comme d'un homme qui jette le grain dans son champ. Nuit et jour, qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D'elle-même, la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi. Et dès que le grain le permet, on y met la faucille car c'est le temps de la moisson ». Déjà, dans la première parabole, Jésus se comparait à un semeur qui jette les graines (ses paroles) dans les c½urs où elles fructifient selon les bonnes volontés. Ici il affirme sa certitude tranquille : sa Parole peut bien sembler ridicule, inefficace, inutile, mais elle modifiera la vie car elle porte en elle une puissance de vie qui se développera à son rythme et donnera du fruit en son temps. En même temps, il met en garde les disciples contre l'impatience et le zèle intempestif : il ne faut pas désirer des fruits avant le temps comme le paysan sait qu'il est inutile de tirer sur les feuilles. Ce qui est essentiel et toujours urgent, c'est de semer, de faire retentir la Parole, de la rendre compréhensible sans lui enlever sa vigueur, de lui trouver des auditeurs nombreux. Ensuite, à son rythme, elle se développera « on ne sait comment ». Le texte grec dit : elle pousse « automatè », c.à.d. de façon « automatique », par la force même qu'elle contient, par la puissance de Vie. Un prophète l'avait dit au nom de Dieu : « Comme la pluie descend et ne retourne pas là-haut sans avoir donné semence et nourriture, ainsi se comporte MA PAROLE : elle ne retourne pas vers moi sans résultat, sans avoir exécuté ce qui me plaît et fait aboutir ce pour quoi je l'ai envoyée » (Isaïe 55, 10) Et à un moment que personne ne connaît ni ne peut fixer, Dieu interviendra pour la moisson, image du jugement (cf. le prophète Joël 4, 13). Le pape Jean XXIII racontait : lorsque je fus élu sur le siège de Rome, la conscience de mes responsabilités m'écrasait tellement que je n'arrivais plus à dormir. Une nuit il me sembla entendre une voix : « Dis, Jean, qui dirige l'Eglise, toi ou moi ? - Je répondis : « Oh Toi seul, Seigneur - Eh bien alors, dit la Voix : Laisse-moi faire et dors tranquille ».

LE ROYAUME : DEBUTS INSIGNIFIANTS, EXTENSION PLANETAIRE

«  A quoi pouvons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole allons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde. Mais quand on l'a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre ». Quel a été le début de ce règne de Dieu sur terre ? Un pauvre prédicateur juif circulait dans un espace de quelques km2 pendant 2 ou 3 ans, abandonné par ses disciples et condamné (comme tant d'inconnus) à la mort ignominieuse de la croix : événement insignifiant dans l'Empire romain. Or aujourd'hui qu'en est-il advenu ??!!.... Combien d'êtres humains en recherche de sens ou en état de perdition sont venus se réfugier près du Christ, se sont désaltérés à la source d'Evangile, ont accepté de donner leur vie pour ce Nazaréen ? Début insignifiant et extension universelle : dans tous les peuples, sur tous les continents, le baptême de Jésus enfante des disciples, la croix est vénérée, la Bonne Nouvelle est lue, étudiée, proclamée, accueillie avec allégresse ! Jadis François d'Assise, Dominique de Guzman, Ignace de Loyola...aujourd'hui s½ur Térésa de Calcutta ou Andréa Riccardi : combien de jeunes, sans attendre l'appui des Eminences, sans titres, sans moyens, se sont élancés sur de nouveaux chemins, ont ouvert des champs inédits à l'Evangile et connaissent une postérité éclatante ! Lorsque l'on jette le grain de l'Evangile et l'amour de Jésus en pleine terre humaine, au sein profond de l'humanité, ils subissent beaucoup d'échecs certes mais toujours ils fructifient, guérissent les plaies, dilatent les espérances, allument le feu de la charité. Sans arrêt, l'Evangile bout d'impatience à la porte de nouveaux peuples, prêt à s'élancer dans d'immenses territoires et des gens pleurent de joie en découvrant un message qui les bouleverse. Trop souvent, nous aimons rejoindre la foule, participer à un pèlerinage de masse, nous réconforter dans un Mouvement « où il y a du monde ». Nous n'osons pas prendre des initiatives, nous élancer, seuls, en pionniers, inventer des façons inouïes de propager la Bonne Nouvelle, lancer une idée petite comme une graine mais dans l'espérance que -si Dieu le veut et quand il le voudra- elle portera du fruit. Les branches de la Croix glorieuse n'ont pas fini d'étendre leurs ramifications internationales.

POURQUOI DES PARABOLES ?

« Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole dans la mesure où ils étaient capables de la comprendre. Il ne leur disait rien sans employer de paraboles mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples ». Donc l'usage de paraboles était un mode courant de l'enseignement de Jésus (il y en a beaucoup d'autres dans l'évangile de Luc) mais attention de se méprendre : elles ne sont ni des historiettes pour enfants ni des rébus dont le secret serait réservé à un petit groupe d'initiés. Pas d'ésotérisme dans l'Evangile. Ces comparaisons posent certes question et l'auditoire ne saisit pas leur signification sur le champ de sorte qu'elles constituent un appel à se rapprocher de Jésus et à lui demander la lumière. Ainsi la parabole provoque la recherche, le questionnement : elle n'est pas une connaissance à emmagasiner mais un déclic pour poursuivre sa conversion personnelle. L'enseignement renvoie à l'Enseignant qui, au fond, est le sujet essentiel, le secret même du Royaume de Dieu en train de s'approcher des hommes.

11e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Lorsque j'étais encore innocent,...  Oui, oui, je l'ai moi aussi été mais c'était il y a très, très longtemps.  Donc, je reprends : lorsque j'étais encore innocent, j'ai appris que la vie humaine commençait par une petite graine.  Or, près de là où nous habitions, il y a avait un magasin de graines.  J'ai immédiatement fait le lien suivant : dans ce magasin, il y a certaines graines que seuls les papas peuvent acheter pour les donner à la maman.  Maintenant, j'ai grandi et je sais que les mamans peuvent aussi les acheter.  Tout commence donc par une histoire de graine.  Et la plus petite d'entre elles deviendra cet arbre où « les oiseaux du ciel peuvent y venir faire leur nid à son ombre ». 

Elle est belle cette parabole proposée par le Christ car elle est tellement proche de ce qu'est la vie humaine.  A notre tour de devenir chacune et chacun des arbres.  Dans la foi, une graine a été déposée dans notre c½ur.  C'est à cet  endroit précis que commence la vie.  Tout être humain s'enracine dans son c½ur.  L'arbre que nous sommes appelés à devenir se nourrit de l'amour qui est notre sève.  Nous ne pouvons pas nous en passer.  Elle est d'ordre vitale et coule en nous.  Au contact du soleil de l'espérance et de la pluie de la tendresse, nous nous mettons à grandir, à croître.  Non pas de manière rectiligne mais à partir des différentes expériences heureuses et plus difficiles que nous traversons.  Toujours à l'image d'un tronc d'arbre qui lui aussi est marqué par des n½uds, des trous, l'histoire des années.  Au fil des ans, nous avançons à tâtons et nos branches se lèvent vers le ciel.  Notre croissance jamais ne s'arrête et nous espérons que nous poursuivrons cette aventure dans cet ailleurs promis.  Quand nous regardons en arrière, nous découvrons que nous sommes partis de rien.  Nous étions comme une petite graine de moutarde.  Puis il y a eu toutes les attentions, tous les gestes d'amour et de tendresse qui font de nous ce que nous sommes devenus.  Quand nous regardons le présent, nous voyons là où nous en sommes sur notre chemin de vie.  Nous prenons conscience que ce n'est jamais seuls que nous grandissons.  Nous avons besoin d'autres pour croître en humanité.  Nous apprivoisons les dons, les qualités mais également l'ensemble des limites qui nous constituent.  Tout est là, en nous, pour renforcer le tronc que nous devenons.  Puis lorsque nous regardons le futur, nous découvrons tout l'espace en nous qu'il nous est encore et toujours possible de parcourir.  Notre seule limite de croissance est notre Ciel.  Jamais nous n'arrêterons.  Et il est bon de sentir que de temps à autre, certains viendront pour un temps y faire leur nid à notre ombre.  Lorsque nous avons cette chance de devenir ainsi soutien pour nos proches, puissions-nous ne jamais oublier que si nous en sommes là aujourd'hui, c'est parce qu'à différents moments de nos vies, nous avons pu également poser notre nid dans d'autres branches.  C'est tout simplement ainsi que se vit le règne de Dieu.  Il ne s'agit pas de grandes déclarations, d'½uvres exceptionnelles à réaliser.  Il s'agit d'abord de pouvoir enraciner sa vie en nous.  Pourquoi ?  Sans doute parce que, comme tout comme les arbres, nous devenons des poumons donnant de l'air à notre humanité.  Et cet air que nous offrons peut être plus vivifiant encore lorsque nous nous enracinons dans les eaux de notre baptême.  A ce moment-là, notre foi devient cette sève qui coule en nous et qui nous donne de nouvelles forces pour vivre la vie.  L'Esprit Saint est en nous.  Il est notre nourriture céleste.  Il est cette force puissante qui nous fait participer à notre propre moisson.  L'Esprit de Dieu n'est pas extérieur à nous.  Il est au c½ur de notre c½ur.  Il nous soutient dans les moments plus difficiles.  Il nous fait naître autrement à la vie.  La graine de la foi a été posée en chaque être humain.  Il suffit de partir à sa rencontre dans un repli de notre c½ur et de la laisser advenir.  Cette graine croît au rythme du temps que nous prenons pour elle.  Elle ne dessèche jamais.  Il suffit d'un instant d'attention pour qu'elle reprenne vie en nous.  Et lorsque nous faisons un avec elle, notre arbre devient ce chêne de confiance où nous offrons à l'humanité entière le goût mais cette fois le goût de l'air de Dieu pour l'éternité.
Amen.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Nous célébrons aujourd'hui la fête du Saint Sacrement. D'où vient cette fête ? De la Belgique ! On la doit à sainte Julienne de Cornillon et à la bienheureuse Ève de Liège. Cette fête fut instituée en 1245 dans la basilique Saint-Martin à Liège puis en 1264, le pape Urbain IV, ancien archidiacre de Liège, l'institua pour l'Eglise universelle. Cette fête doit donc beaucoup aux belges mais aussi aux dominicains. Le frère Hugues de Saint Cher en a élaboré la théologie, Thomas d'Aquin en a composé la liturgie. C'est lui qui a rédigé ces hymnes que l'on utilise encore aujourd'hui, comme le Pange lingua, le  Tantum ergo, le Lauda Sion Salvatorem que les foules chantent à gorge déployée, sans toujours comprendre ce dont il s'agit... A cette occasion permettez-moi d'attirer votre attention sur un verset dont j'ai fait ma devise : quantum potes, tantum aude : « Ose autant que tu le peux ! » Il s'agit d'oser autant que possible dans la louange de Dieu mais je pense que cela peut être élargi à tout un programme de vie !

***

La fête du Saint-Sacrement est une dévotion à l'hostie consacrée qui s'est développée progressivement. Cela a commencé par le désir des fidèles pour la voir. Voir l'eucharistie, voir le pain consacré. A la fin du Moyen Age on se met à faire le geste de l'élévation. Il ne s'agit pas d'un geste d'offrande, il s'agit de montrer à l'assemblée, par dessus le prêtre qui lui tourne le dos, le calice et l'hostie juste après les paroles de la consécration.

Cette fête du Saint-Sacrement n'existe ni chez les orthodoxes ni chez les protestants. Elle fait partie d'une dévotion particulière à l'hostie consacrée qui a conduit à l'invention de l'ostensoir en forme de soleil, aux saluts au Saint-Sacrement, aux processions par les villes et, aujourd'hui, aux nuits d'adorations où les jeunes viennent se relayer pour prier.

Alors que Jésus nous dit explicitement « Prenez et mangez, prenez et buvez », ici, il ne s'agit pas de manger, c'est le regard qui est valorisé. Pourquoi ? Parce qu'il permet un autre type de rencontre. Une rencontre avec le Christ et une rencontre avec soi, en prenant son temps. L'exposition du Saint-Sacrement va dans les deux sens : le Christ s'expose à notre regard et à notre prière mais il invite aussi à nous exposer nous-même à son regard. Sûr de sa présence, je peux lui exposer mes pauvretés intérieures, mes infirmités spirituelles et physiques, lui présenter tous mes soucis.

La rencontre de Dieu est de l'ordre de l'absolu et, quelles qu'en soient les formes, c'est souvent le lieu de certains excès. Dans cette dévotion, l'excès sera une forme de magie. Déjà on n'osera plus toucher l'hostie. Même l'ostensoir, et l'on se couvrira les épaules et les mains d'un linge précieux. Ensuite, des petits groupes excités vont se promener dans les rues des grandes villes avec un ostensoir porté bien haut, comme si la « présence réelle » du Christ dans l'hostie pouvait sanctifier la ville automatiquement. Parfois, on inclinera solennellement l'ostensoir au-dessus des malades en espérant une guérison mais n'y a-t-il pas un sacrement des malades orienté à leur guérison ?

Rien de mal à tout cela bien entendu mais les excès sont souvent symétriques et se succèdent comme un mouvement de pendule. Les protestants n'ont fondamentalement rien contre la présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie mais ils réagiront violemment aux excès de matérialisation. C'est ainsi que nous avons une chasse, à droite en entrant dans l'église saint Nicolas à Bruxelles, avec les reliques de 19 martyrs, dont Jean de Cologne, un dominicain, tués le 9 juillet 1572 par les calvinistes parce qu'ils défendaient leur foi dans l'eucharistie.

***

Pour terminer je rappellerai donc l'essentiel : si l'on conserve le Saint-Sacrement dans une petite armoire, appelée « tabernacle », c'est d'abord pour pouvoir porter la communion aux malades et aux mourants. Nous pouvons prier devant avec respect, sans aucun doute, mais le vrai mystère de ce sacrement est encore plus beau, encore plus profond. Il ne s'agit pas seulement de nous rendre présents et de nous exposer en vis à vis, face à face dans une certaine distance et une certaine extériorité malgré tout, il s'agit radicalement d'être unis à Lui, de le recevoir, de le manger, pour devenir membres de son corps, devenir qui il est, de  une communion fondamentale, une véritable unité. « Devenez ce que vous recevez, vous êtes le corps du Christ ! » Ce que Jésus nous propose va bien au-delà de ce que nous sommes capables d'espérer et même d'imaginer. Ce mystère va bien au-delà de tout ce que nous pouvons penser. Il ne s'agit pas seulement de voir, il s'agit d'être nous même transformés en Lui, de faire corps avec Lui.




Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Le centre de l'année liturgique (rappelons que celle-ci est le chemin de la formation permanente des chrétiens) est balisé par la succession de 7 célébrations qui constituent le c½ur de notre foi.

1) JEUDI SAINT : au moment même où il entre dans ce jour terrifiant où les hommes vont le mettre à mort, Jésus, conscient, réunit ses disciples pour le repas pascal. On ne me prend pas la vie, je la donne moi-même. Ce pain, ce vin, c'est moi : prenez, mangez, buvez. La Pâque n'est plus le signe d'une année nouvelle ni même le souvenir de la sortie d'Egypte des ancêtres esclaves : Jésus est l'agneau qui libère les hommes de la prison du péché et ouvre les temps nouveaux. Aucun convive ne comprend ce que Jésus réalise : nous non plus, nous ne percevons pas l'enjeu et nous nous ennuyons à la messe.

2) VENDREDI SAINT : pouvoir religieux et pouvoir politique se liguent pour supprimer le Nazaréen, la foule laisse faire et les disciples se sont enfuis. Dieu tombe au c½ur du gouffre. Sur la croix,  l'exacerbation des souffrances conduit l'amour à son paroxysme. «  Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime »...même si ceux-ci vous ont lâchement abandonné.

3) PÂQUES : La Bonne Nouvelle éclate à l'aurore : l'amour ne pouvait être prisonnier de la tombe, le suaire ne gardait que des traces sanglantes. Jésus est Vivant. La véritable révolution que le peuple attendait ne consistait pas à chasser les occupants ni à condamner les pécheurs mais à libérer de la tyrannie du remords et de la mort. Jésus s'offre à la reconnaissance des croyants. Foi et doutes s'entrecroisent.

4) ASCENSION : Ne cherchez plus des apparitions miraculeuses, ne restez pas le nez en l'air, ne calculez pas la date de la fin du monde : croyez que Jésus est le seul Seigneur et priez pour recevoir l'Esprit qui vous changera. Le sens de l'histoire, c'est Dieu dans l'homme et l'homme en Dieu.

5) PENTECÔTE : Aspirez le Souffle nouveau. Ne faites pas le fort : accueillez la Force de Dieu. Ne restez pas dans votre coin : rejoignez la communauté royale, pardonnée, joyeuse. Manifestez votre bonheur du salut gratuit et proclamez les merveilles que Dieu accomplit. Aimez-vous donc maintenant comme le Christ vous a aimés.

6) TRINITE : Donc Dieu n'est plus un Nom vague et imprononçable ; Jésus n'est plus un maître, un guérisseur ou un prophète ; la spiritualité n'est plus travail sur soi, ascèse, expériences inédites, perte dans le nirvana. Accueillant la Pâque de Jésus et décidé à faire la sienne, le disciple devient enfant du Père, frère ou s½ur du Fils,  personne animée par l'Esprit. Se glorifiant de la Croix, priant le « Notre Père », les croyants vivent en communion des Trois.

7) Et enfin, aujourd'hui, 7ème et dernier sommet de la série: FETE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST - La fête a été ajoutée longtemps après les autres : elle est le signe que l'Eglise a compris le rôle essentiel de l'Eucharistie. Elle est à l'entrée et à la clôture de la série.

Porte d'entrée dans la Passion et la Résurrection de Jésus, elle est le portique par lequel l'Eglise s'élance dans le monde afin  de témoigner de la victoire de Pâques et inviter tous les hommes à la même table.
C'est par l'Eucharistie que nous entrons dans le chemin de Jésus et le mystère pascal : c'est avec elle que nous allons poursuivre ce chemin en nous retrouvant, chaque dimanche, à la messe.
La fin du parcours ne sera pas le néant mais la communion de Dieu et ses enfants : la TOUSSAINT.

EVANGILE DE CE DIMANCHE

Le premier jour de la Fête des  pains sans levain où l'on immolait l'agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : «  Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? ». Il envoie 2 disciples : «  Allez à la ville : vous y rencontrerez un homme portant une cruche d'eau ; suivez-le et là où il entrera, dites au propriétaire : «  Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? ». Il vous montrera, à l'étage, une grande salle toute prête pour un repas; faites-y pour nous les préparatifs ». Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit. Et ils préparèrent la Pâque.

Le récit insiste sur la conscience de Jésus : il sait ce qu'il fait, il n'est pas une victime aveugle qui va tomber dans le piège tendu par ses ennemis. Ce repas du soir montre qu'il agit (et avec quel amour !) ce qu'il va subir (avec tant de souffrances !). Ce qu'on appelle sa « passion » est pour lui une « action », son acte suprême. Ses adversaires seront persuadés de « le saisir » : or c'est lui qui auparavant s'offre à ses disciples aimés afin qu'ils « le saisissent » dans le pain et le vin. L'amour va transfigurer l'événement en don. Peut-on se dire « croyant » en se détournant de ce don ? Il est vain d'attendre une Eglise parfaite : à table, saint Jean est toujours proche de celui qui peut devenir « saint Judas ».

Il importe de ne pas réduire ce repas au niveau d'un aimable pique-nique, d'une « petite croûte » mangée entre copains  qui s'entendent bien. Les disciples ne se sont pas choisis par affinité : ils sont ensemble parce que tous appelés par leur Seigneur. Le repas a pour but de les unir d'abord par rapport à Lui.

Ce repas ne s'improvise pas dans un joyeux désordre : certains sont chargés de le préparer c.à.d. de se procurer les aliments, de mettre la table, de veiller à l'éclairage, de prévoir l'installation des convives. Dans toute communauté chrétienne, certains devraient se sentir très fiers d'être choisis pour cette tâche préliminaire. Ainsi les linges ne seraient pas souillés, les livres seraient prêts à la page, les lecteurs auraient préparé leur texte, la sonorisation serait réglée, le lieu serait propre, chaleureux et accueillant, les signes d'hospitalité joyeuse réjouiraient chaque arrivant.

Quel est donc ce signe de reconnaissance de « l'homme qui porte une cruche » - corvée toujours laissée aux femmes ? Un esclave sans doute. Mais qui pénètre chez son maître propriétaire d'une maison spacieuse. Le pauvre porte la vie ; le riche ouvre sa demeure et accueille ceux que le Seigneur lui apporte comme frères ! Révolution sociale de l'Eucharistie de Jésus !

Le but de l'Eucharistie est de réunir les participants (« Que tous soient UN »). Mais peut-on d'emblée entrer en communauté conviviale si dès l'abord on est tenu de se taire, de prendre une mine pieuse (donc ennuyée) ? Car on ne va pas à la messe pour « se recueillir » (but de la prière personnelle) mais pour « se laisser recueillir ensemble » en Corps du Christ.

La Pâque est un repas sacré qui comporte un rituel.  Il fallait obligatoirement se raconter l'un à l'autre la sortie d'Egypte dans le but de louer Dieu qui prend le parti des pauvres contre les tyrans et dans la joie de bénéficier de cette libération car tout convive doit se considérer comme libéré par Dieu. Les chrétiens ont-ils l'occasion de « parler leur foi », de débattre sur les liens liturgie / vie quotidienne ?...

S. Paul écrira : «  Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne » (1 Cor 11, 26). L'acte présent du repas est porteur du mémorial de la Croix passée et il envoie vers l'avenir. L'Eucharistie donne à l'existence humaine sens et signification.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Cette fête du St Sacrement, connue aussi sous le nom populaire de Fête-Dieu, n'est entrée que fort tardivement dans le calendrier liturgique. C'est en effet au 13°s., dans un contexte polémique au sujet de la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie, qu'une religieuse du monastère du Mont Cornillon à Liège proposa, sous l'inspiration de visions, d'instaurer cette fête afin de remettre en valeur ce point difficile de la théologie du sacrement de l'Eucharistie. Elle fut d'abord célébrée dans le diocèse de Liège et étendue ensuite à l'Eglise universelle. Il s'agit donc d'une fête doctrinale -et tardive- et non d'une fête d'origine biblique. Bien sûr, la doctrine ne se serait jamais imposée s'il n'y avait pas eu d'appuis dans les textes bibliques. Les lectures de ce jour nous permettent de rentrer un peu mieux dans l'intelligence de ce point de vie chrétienne.

L'extrait de l'Exode que nous avons lu est celui qui clôt et ratifie l'Alliance entre Dieu et son Peuple au Sinaï. Au contraire de nombreux rites des religions antiques, le rite hébreu n'est que le signe extérieur d'une réalité profonde. Il ne signifie rien s'il n'exprime pas une conviction profonde, un engagement personnel impliquant une mise en pratique, une conduite cohérente avec ces convictions. Au fond, fêter l'Alliance, fêter la présence de Dieu parmi nous, c'est -comme on le lit dans cet extrait- prendre l'engagement de « mettre en pratique toutes ces paroles ». Mais il ne faut pas croire que l'on puisse se passer de signes. Ceux dont il est question dans cette scène de l'Exode peuvent nous sembler désuets, sinon même un peu cruels. Mais le sang ainsi versé ne l'est pas avec désinvolture ni sadisme ; il l'est dans un geste sacré qui se veut fort et impliquant intimement le fidèle. Ce qui nous intéresse nous, chrétiens, dans ce texte, c'est l'expression « le sang de l'Alliance » car c'est elle qui sera reprise plus tard par le Christ lors du repas de la Pâque alors qu'elle n'était pas prévue en cette occasion par le rituel juif. La Pâque, on le sait, commémorait la sortie d'Egypte, le fait d'avoir quitté une terre d'esclavage, de péché, d'idolâtrie, de mort, ...pour gagner la Terre Promise où l'homme pourra enfin vivre d'une vie réconciliée avec Dieu. La Passion du Christ qui se prépare en ce moment d'une Pâque annuelle qui aurait pu rester anodine (et dont la préparation fut anodine en effet) vient ajouter à la signification juive de la Pâque plusieurs éléments nouveaux. Le sacrifice du Christ, le sang du Christ qui fut versé lors de cette Passion n'était pas comme le sang des jeunes taureaux dans l'Exode. Ce n'était pas le sang d'une violence symbolique ritualisée. C'était le sang d'une violence réelle qui n'aurait pas dû être, qui est le signe d'un désordre dans la relation à Dieu. Voilà pourquoi il fallait un médiateur d'une nouvelle alliance, nous dit l'épître aux Hébreux. Le Christ reprend à son compte le sens du sacrifice développé quelques siècles plus tôt par Isaïe dans d'autres conditions dramatiques. Il veut prendre sur lui tout le péché du monde, toutes les formes de mort et les transfigurer en Résurrection, en vie nouvelle. Voilà qui n'est pas de l'ordre du symbole ! Le mal à l'½uvre dans le monde est une réalité ; sa transfiguration, déjà réalisée comme par avance par Dieu en Jésus-Christ, est une nécessité cruciale que nous avons à notre tour à incarner.

De ce sacrement de l'Alliance Nouvelle, chargé de toute cette signification, puissions-nous nous en approcher avec respect et ferveur pour y puiser force et confiance, mais aussi pour y trouver la joie de la Présence de Dieu.