22e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Comme habituellement dans les évangiles, c'est une scène de la vie courante qui sert de point de départ à une mise au point sur un sujet important et délicat : les notions de pureté / impureté et leur lien avec l'identité religieuse profonde.

Les règles relatives au pur et à l'impur ont pris une importance considérable dans le judaïsme à partir d'une certaine époque. Il n'y a pas lieu de tourner ces règles en dérision : elles veulent dire que rien n'est indifférent, que le sacré s'approche avec crainte et tremblement et que le respect de toutes petites choses peut aider à garder la Loi à l'esprit. Mais l'effet pervers n'est jamais loin de l'intention louable. L'effet pervers est ici le formalisme : une mentalité selon laquelle le respect scrupuleux de règles extérieures suffirait pour « être en ordre » et mériter le Salut. Toutes les religions, y compris le christianisme, ont connu ou connaissent ce genre de phase. A l'antipode de cette mentalité, dans le judaïsme même, le courant prophétique avait dénoncé et condamné le culte hypocrite où Dieu est honoré des lèvres mais non des c½urs. Jésus s'inscrit nettement dans cette tradition prophétique. Il veut un culte « en esprit et vérité ». Il veut un respect de la Loi dans son esprit et l'esprit de la Loi est d'être une Loi pour la vie et non pour la mort ni pour tout ce qui est mortifère. Il veut la pureté intérieure, jusque dans les intentions, et non une pureté extérieure. Bref, il veut la pureté morale et peu importe la pureté cultuelle. Cette exigence de pureté morale est illustrée ici par une liste de douze vices (actes ou attitudes) à proscrire.

Que l'esprit de la Loi soit de nous donner la Vie est redit avec force dans l'épître de Jacques. Le respect purement formaliste n'a pas non plus de place chez Jacques, mais même l'écoute -attitude déjà plus intérieure- ne suffit pas. La mise en application de la Loi, dans son esprit, sera notre manière de nous rendre intime, personnelle, cette Loi. Cela se réduit-il à « venir en aide aux orphelins et aux veuves » comme l'exprime ici l'épître ? On sait que cette expression très biblique désigne les ½uvres de charité en général. On connaît l'insistance de Jacques sur les ½uvres de charité, lui qui nous dira plus loin : « la foi sans les ½uvres est une foi morte ». Mais il est assurément sous-entendu que les ½uvres sans la foi ne se situent pas dans cette Vie donnée par la Loi.

L'insistance sur la mise en pratique était déjà également un thème-clé du Deutéronome. La promesse de la Terre n'en est plus une à l'époque où le livret a été écrit puisqu'Israël y était implanté depuis plusieurs siècles (ou bien n'avait plus du tout de terre, si le livret a été composé en exil). Il n'y a pas là marchandage ou récompense à un enfant obéissant mais signe qu'il est question de l'identité profonde du peuple, de son enracinement religieux. Ce qui doit faire la grandeur de cette nation, ce n'est pas sa superficie, ni son nombre d'habitants, ni sa puissance politique, c'est sa sagesse, son intelligence, la justice de ses lois et de ses coutumes. C'est cela son territoire ! Mais un tel idéal n'est-il pas lointain, inaccessible ? Assurément, les divinités du paganisme ont l'air bien plus proches (puisqu'elles ne sont que la divinisation de nos fétiches ou de nos pulsions). Mais ce Dieu du peuple hébreu est proche d'une autre manière. Il est proche parce que sa Parole, appliquée dans son esprit, va transformer profondément nos comportements moraux, sociaux, notre manière de prendre la vie.

22e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Ces dernières semaines, il suffisait d'ouvrir un journal, d'écouter la radio ou encore d'allumer la télévision pour découvrir à quel point l'évangile de ce jour est au c½ur de notre actualité.  En tant que baptisés, nous nous devons de dénoncer le piège dans lequel sont tombés certains décideurs publics et surtout la vague sentimentale sur laquelle de nombreux médias ont décidé de surfer en frisant parfois l'immoralité de leurs propos.  Certains d'entre nous ont peut-être eu le sentiment que notre pays glissait de la démocratie vers une nouvelle forme d'émocratie.  Si la démocratie est le pouvoir par le peuple, l'émocratie  quant à elle est la mise en place d'un système où les émotions prennent le dessus.  Ces dernières iront jusqu'à malmener notre raison.  Dans une émocratie, il n'y a plus de place pour la réflexion.  Sentiments et émotions ont toujours raison.  Les limites du sensé sautent et les frontières du raisonnable sont abattues.  L'émocratie conduit ainsi insidieusement toute une partie de la population à sortir le plus mauvais d'elle-même.
C'est sans doute la raison pour laquelle le Christ rappelle avec force aujourd'hui : « C'est du dedans, du c½ur de l'homme, que sortent les pensées perverses: inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l'homme impur ».  Effectivement, la démesure d'émotions négatives telles que la haine peuvent conduire à des propos qui n'élèvent jamais l'humanité.  Nous en sortons toujours diminués, au risque de nous faire manipuler par certaines personnes aux objectifs nettement moins nobles.  De par le fait que toutes et tous, nous sommes des êtres inachevés mais en voie de réalisation et d'accomplissement, nous ne sommes pas encore à même de vivre à la hauteur des exigences du Nouveau Testament.  C'est vrai.  Dès lors, il est fondamental, comme l'indique Moïse dans la première lecture, que nous écoutions les commandements et les décrets qu'il nous enseigne et que nous sommes priés de mettre en pratique.  Ces lois sont là pour régir les rapports entre les humains.  Elles cherchent à créer une certaine harmonie, c'est pourquoi elles sont au service de la communauté.  Mais une loi n'est jamais son propre objet.  Elle est toujours écrite en vue d'un mieux-être, d'un mieux-vivre ensemble.  Au fil des années, de ces lois vont émerger des traditions.  Certaines pourront faire grandir alors que d'autres risquent d'avilir l'être humain.  Ces traditions des anciens ne s'enracinent pas toujours dans les lois de Dieu.  Elles ont été élaborées par des personnes au fil du temps.   Elles peuvent avoir un relan d'hypocrisie, un goût de puritanisme comme s'il suffisait de simplement les mettre en pratique sans pour autant changer son c½ur.  Certaines traditions deviennent des principes mortifères et il est bon qu'ils soient dénoncés.  Il est alors heureux de revenir aux lois édictées par Moïse sans pour autant ne jamais oublier qu'elles ont été écrites sur des tables de pierre.  Il en va tout autrement avec la loi du Fils de Dieu.  La loi du Christ s'inscrit cette fois dans le c½ur.  Par Jésus, le c½ur devient la source et la finalité de tous nos actes, de tous nos gestes, de toutes nos paroles et également de toutes nos pensées. Dans la foi, notre c½ur  ne peut se laisser déborder par nos émotions mais plutôt se laisse attendrir par notre douceur et notre tendresse. Ces dernières se déclinent dans la manière de vivre nos vies et ont toujours comme visée le bien être de celles et ceux de qui nous nous faisons proches.  Pour que des choses impures ne sortent jamais plus de nous, nous sommes conviés aujourd'hui, avec une certaine urgence, à veiller à ce que nos regards, nos paroles et nos actes soient toujours signes de la foi qui nous anime, de l'espérance qui donne sens à nos existences et de l'amour qui nous ouvre le chemin de l'évangile.  Soyons reconnaissants pour notre démocratie, dénonçons toutes les émocraties qui font ressortir les mauvais côtés de l'être humain et osons mettre en place une cardiocratie, c'est-à-dire une société fondée sur  le c½ur de l'évangile, c'est-à-dire une société où l'amour guide nos vies.  La cardiocratie sera ainsi la mise en ½uvre du Royaume de Dieu au c½ur de notre humanité.

Amen

22e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

DIEU DEMANDE LE COEUR

Après 5 dimanches consacrés à l'admirable chapitre 6 de S. Jean (Le Pain de Vie), nous revenons aujourd'hui à l'évangile de Marc qui nous rapporte un nouvel affrontement entre Jésus et des pharisiens à propos de la pureté. Il importe de restituer l'entièreté de ce texte qui malheureusement, dans le lectionnaire liturgique,  est amputé de plusieurs versets indispensables à sa compréhension.

HYGIENE ET NETTOYAGE

Les pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem. Ils se réunissent autour de Jésus et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c.à.d. non lavées. (Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, fidèles à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s'être aspergés d'eau ; et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d'autres pratiques : lavage de coupes, de cruches et de plats). Les pharisiens et les scribes demandent : «  Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ?... » .

Il faut savoir que ce débat dépasse largement les règles d'hygiène : le problème n'est pas de savoir s'il faut se mettre à table avec des mains propres - ce qui va de soi. Si, depuis  quelques siècles, des scribes-théologiens et des laïcs pieux, membres de la secte pharisienne, avaient développé tout un arsenal de pratiques tatillonnes, d'observances minutieuses, de gestes obsessionnels de propreté, c'était pour lutter contre la tentation de se laisser contaminer par la civilisation grecque dont le prestige était tel que beaucoup de Juifs en venaient à abandonner leur foi. Effrayés par cette contagion hellénistique qui entraînait tant de leurs compatriotes dans « l'impureté païenne », ces croyants fervents voulaient se protéger en inventant des usages qui les gardaient « autres ». Toutes ces pratiques tendaient à marquer la différence, à se distinguer comme juifs, comme « purs » au milieu d'un océan d' « impuretés ».

PRATIQUES PIEUSES ET MEPRIS DE LA LOI DE DIEU.

Jésus répond : «  Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, hypocrites, dans ce passage de l'Ecriture :           « Ce peuple m'honore des lèvres mais son c½ur est loin de moi ! Le culte qu'ils me rendent est inutile ;
les doctrines qu'ils enseignent ne sont que des préceptes humains » (Isaïe 29, 13)
Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes.
(Et Jésus prend un exemple vécu - texte dont il faut restituer la lecture)
Vous repoussez bel et bien le commandement de Dieu pour garder votre tradition. En effet :
Moïse a dit : «  Honore ton père et ta mère ». Et vous, vous dites : «  Si quelqu'un dit à son père ou sa mère : Le secours que tu devais recevoir de moi est « qorbane », offrande sacrée », vous lui permettez de ne plus rien faire pour ses parents. Vous annulez ainsi la Parole de Dieu par la tradition que vous transmettez et vous faites beaucoup de choses du même genre ».

A l'époque, il n'y a pas de système de retraite : les vieux parents dépendent de l'aide de leurs enfants (d'où la nécessité d'en avoir beaucoup) et ce soutien est un devoir sacré (5ème commandement du Décalogue). Or Jésus a constaté que, sur le conseil de certains scribes à l'esprit tordu, des jeunes couples refusaient de pourvoir aux besoins de leurs vieux parents en prétextant qu'ils avaient déclaré leurs biens « qorbane », c.à.d. consacrés à Dieu, dédiés pour appartenir au trésor du temple.
Cette ignominie révulse Jésus et le fait hurler : Comment ? Vous êtes obsédés par la propreté de vos mains et de vos casseroles mais vous bafouez un commandement de Dieu ? Vous inventez des pratiques soi-disant pieuses et vous piétinez l'amour des parents ? Vous appelez « tradition des anciens » ce qui n'est qu'inventions récentes ? A nouveau vous retombez dans le mensonge dénoncé jadis par les prophètes : il n'y a là que gestes hypocrites, ce culte est faux et inutile parce qu'il n'est pas donné avec le c½ur.

OÙ SIÈGE LA PURETÉ ?

Jésus appela de nouveau la foule : «  Ecoutez-moi tous et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l'homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui rend l'homme impur ».  Rentré à la maison loin de la foule, ses disciples l'interrogeaient sur cette parole énigmatique. Il leur dit : «  Vous aussi, vous êtes sans intelligence ? Rien de ce qui pénètre de l'extérieur dans l'homme ne peut le rendre impur puisque cela ne pénètre pas dans son c½ur mais dans son ventre puis aux toilettes » -------- Il déclarait ainsi que tous les aliments sont purs ! -

Le débat s'élargit : on passe de la  pureté  des mains et des ustensiles à celle des aliments. Il était bien écrit dans la Loi que certains aliments étaient purs et d'autres, comme le porc, impurs, donc strictement interdits  à la consommation (Lévitique 11). Jésus déclare qu'aucune nourriture ne peut souiller l'homme. Et Marc en profite pour lui attribuer l'interprétation de l'Eglise qui, on le sait par les « Actes des Apôtres » et par Paul, a connu de très vifs débats à propos des aliments autorisés ou non. Jésus, dit-il, a renversé ce mur du régime alimentaire qui séparait Juifs et Païens et empêchait toute commensalité entre eux. Désormais tous peuvent se retrouver à la même table, partager les mêmes menus, sans restrictions.

« Ce qui sort de l'homme, c'est ça qui rend l'homme impur.
C'est de l'intérieur, du c½ur de l'homme que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure.
Tout ce mal vient du dedans et rend l'homme impur ».

Les règles d'hygiène et de régime équilibré sont certes importantes pour la santé du corps : il importe donc de veiller au choix des aliments et à leur préparation. Mais la pureté véritable est celle du c½ur, c.à.d. ce centre profond où murissent nos pensées, où bouillonnent sentiments, passions, désirs, où s'élaborent les projets. C'est au profond de notre personne que se joue la question de la pureté et de l'impureté ; c'est là que l'homme opte pour le bien ou le mal, l'égoïsme ou le partage, l'orgueil ou l'humilité, l'amour ou la haine. Les bains, les vaisselles, les observances diététiques, les régimes alimentaires sont bien impuissants à régler ce problème ultime où se joue notre destinée. La pureté  ne se réduit pas à la propreté extérieure ni au choix de l'alimentation : la vraie souillure est le péché, le mal que nous fomentons et qui s'extériorise en injures, en coups, en malversations, en mépris de l'autre (remarquez : les 12 mots de la liste ne concernent que les rapports à autrui et non à Dieu)

CONCLUSIONS

La ruse peut donc se glisser au sein même de nos préoccupations religieuses. Ne pourrait-on faire plaisir à Dieu, obtenir la grâce, le pardon, la pureté, en pratiquant des ablutions, en nous interdisant certains aliments, en multipliant des rites, en portant de « saints habits », en suivant un régime ascétique ?... Jésus démasque ces tentatives dérisoires, cette fausse religiosité et nous fouaille jusqu'au plus intime : c'est dans le c½ur que se joue la relation avec Dieu et avec les hommes. La pureté ne s'acquiert pas par des rites superficiels, même onéreux : le c½ur est pur quand il aime le prochain.
Ce n'est pas pour rien que cette controverse se déroule entre les deux multiplications de pain, la première aux Juifs, la seconde aux païens. Rien d'extérieur ne peut nous souiller ni nous purifier : seul le Pain de Jésus peut pénétrer au tréfonds de notre être et guérir notre c½ur. Il est l'unique MONSIEUR PROPRE DU C¼UR. En l'accueillant « du fond du c½ur »,  nous sommes purifiés c.à.d. pardonnés : là est l'essentiel. C'est pourquoi nous pouvons, sans discrimination, partager côte à côte la même table. « Le règne de Dieu n'est pas affaire de nourriture et de boisson : il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint. C'est en servant le Christ de cette manière qu'on est agréable à Dieu et estimé des hommes » (Romains 14, 17)
Le chrétien n'est tenu que par un unique « régime » : aimer. A part ça : BON APPETIT

 

21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

L'EUCHARISTIE ,  PIERRE D'ACHOPPEMENT

Arrivés aujourd'hui à la fin de ce très long et très important chapitre 6 de l'évangile de Jean, nous apprenons les réactions provoquées par la révélation de Jésus et nous actualisons la situation de refus.

Jésus avait dit : « Celui qui mange mon corps et boit mon sang a la Vie éternelle ».
Beaucoup de ses disciples qui avaient entendu s'écrièrent : «  Ce qu'il dit là est intolérable ! On ne peut pas continuer à l'écouter ! ».
Ce ne sont pas des païens, des pervers, des ennemis de Jésus qui hurlent et opposent un refus catégorique à sa révélation : ce sont des disciples, des hommes qui admirent son message et ses guérisons et qui le suivent depuis un certain temps. Ils apprécient ses exigences de justice et de partage avec les pauvres, sa révélation d'un Dieu Père et plein d'amour, sa spiritualité élevée, son accent sur le pardon et la miséricorde, ils sont emballés par son espérance du Royaume qui va venir. Mais « le manger lui-même» ??? Comment ose-t-il prononcer pareille affirmation ? Comment a-t-il eu cette idée  absurde qui fait vomir ?

Jésus connaissait ces récriminations, il leur dit : «  Cela vous heurte ?...Et quand vous verrez le Fils de l'homme monter là où il était auparavant ?...C'est l'Esprit qui fait vivre, la chair n'est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont Vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas ».   -----  Jésus savait en effet, depuis le commencement, qui étaient ceux qui ne croyaient pas et celui qui le livrerait. -----  Il ajouta : «  Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père ».
A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s'en allèrent et cessèrent de marcher avec lui.
Attristé mais nullement surpris par cette contestation violente, Jésus donne une réponse brève, difficile à percer. Il semble que l'on puisse noter trois points.   1) Vous serez encore plus scandalisés lorsque vous apprendrez que des hommes proclament que le pitoyable crucifié du Golgotha est passé dans la Gloire de Dieu son Père et qu'il est véritablement le « Fils de l'homme » à qui Dieu a remis la Seigneurie du monde. (Daniel 7)        2) Il est évident qu'il n'était pas question de cannibalisme ! « On ne mange pas le petit Jésus ». Je parle en Esprit, dans l'Esprit.      3) Ma révélation ne peut être admise que par celui qui se laisse attirer par Dieu le Père donc qui accepte de commencer à vivre en faisant confiance, comme un enfant. Sans superstition ni crédulité.
Remarquons que Jésus ne revient pas sur la fermeté et la précision de ses déclarations scandaleuses: s'il faut les entendre « dans l'Esprit », il ne concède pas qu'il a employé des images ou des symboles.

Tant que Jésus offrait du vin et que l'on mangeait avec lui (Jn 2), qu'il pardonnait à la Samaritaine (Jn 4), qu'il faisait marcher un paralytique (Jn 5), qu'il offrait à manger aux pauvres, qu'il exhortait à dépasser les besoins matériels pour s'élever à un désir plus spirituel (Jn 6), les hommes admiraient Jésus et ils le suivaient avec enthousiasme. Mais maintenant qu'il évoque son futur sacrifice (chair donnée), qu'il prétend que ses disciples n'auront la Vie divine qu'à la condition de « manger sa chair et boire son sang », là c'en est trop. Oui aux Béatitudes, oui à l'espérance du Royaume de Dieu, oui même aux miracles, oui aux exigences de justice et de pardon (perdre sa vie, prendre sa croix)....... mais NON A L'EUCHARISTIE  !!!!

LE PETIT RESTE

Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? ».  Simon-Pierre lui répondit : «  Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ?...Tu as les paroles de la Vie éternelle. Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu ». Jésus leur répondit : «  N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les Douze ? Et cependant l'un de vous est un diable ». Il désignait ainsi Judas, fils de Simon l'Iscariote, car c'était lui qui allait le livrer, lui, l'un des Douze » !! »
Remarquons bien : devant la débandade générale, Jésus ne fait aucune tentative pour retenir tous ces disciples qui se détournent de lui. Pas de racolage, de capitulation, de menace. La Bonne Nouvelle s'énonce dans sa dure Vérité et elle s'accueille en toute liberté. Jésus n'a jamais cherché le nombre : il poursuivra sa route, il fera ce qu'il a dit, même s'il ne reste près de lui que 12 pauvres types.
Et même ceux-ci - qui doivent être désemparés, tentés de partir avec les autres -, il ne les force nullement. Il semble même les solliciter : « Vous voulez partir, vous aussi...? ».
Simon-Pierre exprime la foi du groupe : Si nous te lâchons, vers qui nous tourner ? Tu as allumé en nos c½urs une flamme qui ne peut s'éteindre. Nul ne tient le langage que tu tiens : il n'est pas contaminé par l'ambition, porteur de violence, rongé par la cupidité, suspect de mensonge. Nous sentons que tu dis vrai, que tes paroles portent la Vie. Après tous ces mois à te suivre, à t'observer, à méditer ton message, à discuter entre nous, nous sommes parvenus à la conviction : Tu es le Messie, le Saint de Dieu, celui que Dieu a consacré pour la mission de salut.
De cette profession de foi, le disciple ne peut toutefois se vanter : il n'a pas atteint cette certitude à coup d'intelligence,  de science théologique, d'efforts ascétiques.  « C'est moi qui vous ai choisis » (13, 18).
Et les Douze fidèles ne peuvent se vanter d'être « les purs » en contraste avec les autres qui seraient« les mauvais ». Il n'y a pas  les « blancs » et les « noirs », une Eglise parfaite et intègre  et  un monde menteur et lâche. Le mal (représenté par Judas) est aussi dans la communauté groupée près de Jésus, car la lâcheté est toujours possible et le choix de Jésus ne fixe pas dans un état de perfection.
La foi reste toujours fragile non parce qu'elle serait une opinion incertaine mais parce qu'elle est affaire d'amour et que l'amour ne capte ni ne ligote.

CONCLUSIONS

« Beaucoup de ses disciples cessèrent de marcher avec lui » : la débandade se renouvelle aujourd'hui, et dans des proportions colossales. Depuis quelques dizaines d'années, nous assistons, en Occident,  à une hémorragie, jamais vue, des assemblées dominicales : par dizaines de millions, des baptisés européens ont cessé d'aller à la messe le dimanche ou ne s'y rendent plus que de façon irrégulière. Et le phénomène va se poursuivre puisque nos célébrations ne rassemblent plus guère que des personnes âgées. Que faire ? Nous ne pouvons nous résigner à pareille situation (ce serait manquer de foi), ni attendre passivement la fin de la crise (ce serait capituler), ni brandir des obligations (elles n'auraient nul effet), ni menacer des pires châtiments (on se moquerait). Lorsque la masse de disciples s'est éloignée et qu'ils se sont retrouvés à une douzaine,  Pierre a dit: « A qui irions-nous, Seigneur ? Tu as les paroles de la Vie divine. Nous croyons que tu es le Messie ». La religion de beaucoup était un héritage familial, une vague croyance : ce vernis ne pouvait résister à la vague de sécularisation. Le petit reste ne juge pas : il resserre ses liens avec le Maître, il approfondit l'écoute de sa Parole. «  Que veut Jésus exactement ? Que signifie donc le don de l'Eucharistie ? ». Il décide de demeurer près de lui, de le suivre sur le chemin de la foi.  A qui irions-nous ? Quel autre message écouterons-nous ? Les sirènes de la consommation exacerbée ? Les bassesses d'une certaine TV ? Les prophètes de la fin du monde ? Les idoles à la mode ? ...
Notre responsabilité est grande car beaucoup ne rejettent pas l'Eucharistie comme telle mais l'Eglise, son langage dépassé, ses façons désuètes et cléricales de célébrer. Trop facile de dire : « Revenez à nous ». Comment inventer des rites authentiques, créer d'urgence des « communautés évangéliques » où l'on se parle, où l'on se décide à étudier la Parole et à la vivre sans souci des pourcentages de pratiquants, témoigner de la joie d'être chrétien, entrer en communion avec Christ et frères et s½urs .
« L'Eucharistie avait dans ses origines un caractère social et convivial (celui du repas fraternel), raisonnable et langagier (celui d'un partage d'Ecriture) qu'elle a perdu quand elle est devenue, au bout de plusieurs siècles, un pur « sacrifice » dont l'activité était réservée au sacerdoce consacré. L'Eglise y a pris un visage mystérique, sacral qu'elle ne tenait pas de ses origines évangéliques (.........)
Il faudra donner plus d'importance à la présence du Christ à sa communauté, rassemblée pour écouter sa Parole et devenir son Corps, qu'à la présence rituelle de la chair du Christ dans l'hostie consacrée. »

21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Cangh Jean-Marie
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Depuis 5 semaines, la liturgie commente le chapitre 6 de St Jean : le miracle des pains, la Parole vivante venue du ciel qui donne accès au Père dans la foi, et depuis la semaine dernière, le pain eucharistique et sacramentel.
Jean nous met en garde contre une lecture littérale. Il ne s'agit pas de manger la chair du Christ et de boire son sang dans un sens matériel, mais de participer à la vie du Fils de l'homme descendu du ciel pour donner sa vie pour les hommes. Le danger est grand de traduire le verbe trogô par « mastiquer » ou « dévorer » la chair du Christ. On comprend alors les interrogations (« Comment peut-il nous donner sa chair à manger ? », Jn 6, 52) et même le dégoût des assistants (« Elle est intolérable cette parole », Jn 6, 60). Et pourtant, il ne s'agit pas d'anthropophagie, de manger de la chair morte, de la viande d'un cadavre. Jean lui-même nous donne l'interprétation spirituelle : « C'est l'Esprit qui fait vivre ; la chair ne sert à rien », Jn 6, 63.

Ensuite, la belle confession messianique de Pierre en Jn 6, 69-70 :
« Seigneur à qui irions-nous ?
Tu as les paroles de la vie éternelle.
Nous avons cru (hè-èmin) et nous savons (yada') que
tu es le Saint de Dieu ».

Il faut la comparer avec celle des Evangiles synoptiques (Mc 8, 27-33) : « Et pour vous, qui suis-je ? » Pierre répondit : « Tu es le Christ » (Mc 8, 29). A noter que pour Jean la vie éternelle est déjà commencée dans la connaissance que nous avons du Père et du Fils dès cette vie (Jn 17, 3).

Si nous comparons maintenant la partie eucharistique de Jean et celle des évangiles synoptiques, nous pouvons faire quelques réflexions intéressantes. Les synoptiques divisent l'institution de l'eucharistie en deux grandes parties : la bénédiction du pain et celle du vin.
Dans un premier temps, Jésus reproduit les gestes du père de famille juif à l'occasion du repas festif : il prend (labôn) du pain, il prononce la bénédiction (eulogèsen, la berakah juive), il rompt le pain (eklasen) et le donne (edôken) à ses disciples. Mais au lieu de dire la parole de la haggâdâh de la Pâque juive (« Ceci est le pain de la misère d'Egypte », lèhèm 'anyâ), Jésus dit : « Ceci est mon corps » (sôma, en grec, ou gûphâ en araméen). Jésus se donne entièrement aux croyants présents et futurs. Le corps signifie la totalité de sa personne. Remarquons que chez Jean, Jésus donne sa « chair » (basar, en hébreu, ou sarx, en grec) « C'est ma chair pour la vie du monde », Jn 6, 51b.
Dans un deuxième temps, nous trouvons dans les synoptiques une double parole sur le vin :
-    « Ceci est mon sang de l'alliance (Ex 24, 8) qui est répandu pour beaucoup » (Mc 14, 24 et parallèles)
-    « En vérité, je vous le dis, je ne boirai plus du produit de la vigne (pry ha-gèphèn, l'expression hébraïque) jusqu'à ce jour-là, où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu » (Mc 14, 25 et par.)
C'est cette dernière parole toute simple qui est considérée par la plupart des exégètes comme historique. Jésus donne rendez-vous à ses disciples pour le banquet eschatologique où ils boiront avec lui le vin nouveau du royaume.

Le premier texte sur le sang de l'alliance répandu pour la multitude (Mc 14, 24) en rémission des péchés (Mt 26, 28) est une allusion à la théologie de la rédemption de Paul. La première communauté de Jérusalem avait appliqué la figure du serviteur souffrant d'Isaïe 53 à la mort du Christ qui donne sa vie en expiation pour les autres. La communauté hellénistique et Paul, en particulier, vont développer à l'infini la réflexion sur le sacrifice du Christ, sa souffrance vicaire et son sang rédempteur. « Combien plus maintenant, justifiés par son sang, serons-nous par lui sauvés de la colère de Dieu » (Rom 5, 9). Paul ne remplit pas la condition formelle du véritable apôtre définie par les Actes 2, 22 (« avoir accompagné Jésus depuis le baptême de Jean jusqu'au jour où il nous fut enlevé »). Il s'est converti sur le tard et n'a pas connu le Jésus terrestre (2Cor 5, 16 : « A supposer même que nous ayons connu le Christ selon la chair...  ei kai egnôkamen). Il ne peut donc prêcher que le Christ  et le Christ crucifié » (1Cor 2, 2). Marc, ancien disciple de Paul et Barnabé (Ac 15, 36-40) n'utilise qu'une seule fois un texte sur la rédemption par le sang, précisément dans sa péricope eucharistique sur le vin et encore avec beaucoup de discrétion : « le sang de l'alliance (allusion à Ex 24, 8 et à Moïse) répandu pour beaucoup ». C'est Mt 26, 28 qui ajoute « en rémission des péchés ».

Il y a beaucoup de raisons de penser qu'il s'agit là d'un héritage de la tradition sur la rédemption par le sang de Paul qui n'appartient pas au Jésus historique.
-    Jésus n'a pas enfreint l'interdiction juive de boire du sang (Lév 17, 14). Il est impensable qu'il ait ordonné à ses apôtres à la dernière Cène de boire du sang. Ils se seraient tous enfuis, en bons Juifs qu'ils étaient !
-    Cela n'a pas de sens de dire : « Ceci est mon corps » ou « Ceci est ma personne pour vous » et d'ajouter ensuite « Et encore un peu de sang en plus ! ». Le sang fait évidemment partie du corps et de la personne totale. Il apparaît ici comme une pièce ajoutée.

D'autre part, la doctrine de la rédemption de Paul pose un grave problème. Pour obtenir un bien (la rédemption d'Adam et des hommes) faut-il nécessairement passer par un mal (la mort sanglante du Fils de Dieu) ? N'y a-t-il pas quelque chose de barbare  et de cruel dans l'expiation obligatoire par le sang du Christ ? Romains 3, 25 écrit : « Dieu l'a exposé, instrument de propitiation par son propre sang ».

La seconde parole sur le vin est à la fois plus proche du Jésus historique et de la miséricorde de Dieu. Jésus nous invite à le retrouver au banquet de la fin des temps pour y boire avec lui le vin nouveau, le vrai fruit de la vigne. L'eucharistie nous met déjà en présence de la personne totale de Jésus (« Ceci est mon corps ») et nous promet le vin nouveau du Royaume de Dieu (Mc 14, 25). Que peut-on rêver de plus beau ?     

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21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ». La réplique de Pierre est connue. Elle exprime comme une nécessité interne. Pour la rendre plus explicite, on pourrait la compléter : à qui irions-nous d'autre que Toi, après tout ce que nous avons vu et entendu, après ces mois, ces années de compagnonnage... cela s'impose comme une évidence. Une évidence, oui, mais qui est donc le fruit d'un compagnonnage, de tout un cheminement où les surprises, les étonnements mais aussi les perplexités, les incompréhensions, les doutes, n'ont pas manqué ; cheminement qui se termine d'ailleurs par une crise décisive (résumant sans doute toutes les autres), explicitement mise en scène ici et en conclusion de laquelle Jésus provoque par une question décisive : « et vous, voulez-vous aussi partir ? ».

La démarche de Josué est exactement parallèle. Le peuple hébreu a été sorti d'Egypte, a vécu son temps de désert, est tout juste installé en Terre Promise... bref, le peuple a eu l'occasion de vivre un compagnonnage, un cheminement avec ce Dieu de l'Alliance mais, maintenant, à un certain point de maturité, pour continuer le chemin, il faut se décider : « choisissez aujourd'hui qui vous voulez servir » : des dieux ancestraux (simples projections de coutumes traditionnelles divinisées) ou des dieux locaux (on pourrait transposer : l'idéologie dominante de notre culture actuelle ou la plus à la mode), ou ce Dieu -qui n'est pas votre création- qui est intervenu avec fracas dans votre histoire, qui a un projet pour vous mais qui est aussi exigeant parce que l'Alliance qu'il propose implique un comportement bien spécifique : pas seulement l'exécution de rites formalistes mais un genre de vie (avec, entre autre, une exigence éthique très haute). Réfléchissez bien, prenez le temps qu'il faut mais, sans tarder non plus, décidez-vous, car l'indécision est stérile. L'extrait de Josué donné en lecture donne l'impression que la décision du peuple hébreu fut facile, claire et immédiate mais on sait que tel ne fut pas le cas. Tout ceci montre que, en christianisme comme en judaïsme, l'acte de foi -et on ferait mieux de dire, moins abstraitement, l'acte de confiance en Dieu, d'Alliance avec Lui- est une décision libre, consciente, informée, éprouvée, mûrie, tout l'inverse d'une croyance naïve, écervelée, magique, changeante.

Cet acte de confiance ne se réduit pas à un vague sentiment de religiosité innée ; il porte sur un contenu identifié, connaissable. Pierre l'exprimait en disant : « Tu as les Paroles de la vie éternelle ». Cette phrase pourrait sembler une formule passe-partout. Il n'en est rien. Elle n'est là que comme condensé -certes, très, très succinct- mais résumant deux aspects fondamentaux : Jésus-Christ, Dieu, est tout entier présent dans sa Parole, Parole donnée à notre écoute, à notre compréhension, à notre adhésion. Ensuite, cette Parole concerne la vie, une certaine compréhension de la vie. Non pas la survie biologique de notre espèce comme espèce animale, ni l'arrangement sociologique de ces petits bonhommes sur la terre, mais Vie éternelle. Vie dont le critère se situe au-delà du temps (et de l'espace), dont le critère soit Dieu pour que notre vie (et, celle-là, dans la temps et dans l'espace, ici et maintenant) soit à la hauteur de cette Alliance que nous aurons conclue.

L'épître est en dehors de notre sujet mais demande une explication car elle choque nos mentalités modernes. Sans doute, Paul s'y montre quelque peu prisonnier de la culture de sa région et de son époque. D'accord, prenons distance. Mais alors, prenons aussi distance par rapport au modèle dominant dans notre culture à nous, actuelle, pour nous poser la seule vraie question : que serait, en vérité, vivre l'esprit de l'Alliance dans la relation homme / femme dans le couple ? Et Paul a bien l'intuition de cette question puisque, loin de voir le couple comme une simple convention sociale, il le voit comme image du lien, de l'alliance, entre le Christ et l'Eglise, entre Dieu et l'homme.

20e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

DU DON DU PAIN AU DON DE SOI

Le récit du chapitre 6 de Jean, étendu sur 5 dimanches, mérite d'abord un résumé succinct car c'est l'enchaînement qui fait sens.
1) Jésus donne du pain à une foule à partir du don d'un enfant.
2) Il refuse le Pouvoir, traverse le lac et permet la traversée houleuse des disciples.
3) Le lendemain, il refuse de refaire le geste ; il oriente vers une autre faim
4) Il proclame : « Je suis le Pain de Vie ; celui qui croit en moi a la vie divine » - La foule hurle - Il réitère sa promesse
5) (texte d'aujourd'hui :sur le même schéma que 4) : Jésus répète qu'il est bien « le Pain de Vie » mais « chair à manger » ! - La foule conteste et hurle de plus belle  - Jésus renforce et explique.

* * * * *
Jésus poursuit : «  Je suis le Pain vivant qui est descendu du ciel ; si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la Vie ».

L'homme de Nazareth n'est pas seulement un prophète de feu, un guérisseur exceptionnel, un meneur de foules, un martyr : il est le FILS venu du ciel (image pour éviter l'emploi du Nom de Dieu). Dieu est SON PERE. Avec lui, les croyants dépassent le statut de disciples vis-à-vis d'un Maître, ils assimilent sa présence en intégrant sa parole, ils croient comme on mange Ainsi le croyant reçoit et a la Vie divine.
Là-dessus Jésus enchaîne en allant encore plus loin. Il explique que ce pain (En hébreu, le mot « pain » peut désigner toute nourriture, tout aliment), ce sera vraiment sa chair qui sera donnée, sacrifiée en vue de donner la vie au monde entier. L'ombre de la croix se profile.

REACTION    Evidemment les réactions éclatent de manière extrêmement violente et l'effervescence du groupe monte à son comble :
Les Juifs discutaient entre eux : «  Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
La traduction est édulcorée car Jean écrit : « ils combattaient ». La parole de Jésus suscite une furieuse répulsion, des cris, des hurlements. « Manger sa chair » ? ! Pouah ! Insupportable !  Jamais en Israël on n'a entendu pareille folie, pareille horreur ! L'Eucharistie provoque « la guerre » !! La communauté communiante doit toujours s'attendre à être combattue.

EXPLICATION    Or loin d'édulcorer sa déclaration et de s'excuser pour des mots aussi crus, Jésus va renforcer ses affirmations.
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour... »
Alors que AMEN est d'habitude la réponse finale à un enseignement (Amen = c'est vrai, oui), Jésus, dans Jean, commence ses affirmations essentielles en le doublant : Oui, il n'y a pas à douter de ce que je vais énoncer. Et il répète de double façon, négative et positive : « Si non : pas de Vie - Si oui : Vie et résurrection ». L'acte n'est pas imposé, la révélation ne force personne, on ne peut conduire une classe d'élèves à la messe. «  SI... ». Celui qui écoute doit réfléchir, mûrir une décision : cela prendra du temps, il faudra lutter contre les objections de la raison, la peur de se tromper, les réticences du voisinage, les moqueries des uns, les colères des autres. Il y aura « combat » comme dans cette foule mise en scène par Jean.
Ensuite Jésus tente de dire en bref les effets de ce « repas »

1.     En effet ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson.
En hébreu, le mot « vérité » signifie quelque chose qui est sûr, sur quoi on peut s'appuyer, « fiable » comme on dit aujourd'hui. Chair et Sang de Jésus sont donc une nourriture authentique, plus « vraies » que les nourritures terrestres qui ne font qu'apaiser l'appétit pour un moment, qui entretiennent une existence fragile qui, de toutes façons, ne durera qu'un temps.

2.      Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi, je demeure en lui.
L'amour vrai n'est ni juxtaposition ni fusion mais inhabitation réciproque. Sous la première Alliance, les croyants vivaient sous la Loi : pour rencontrer Dieu, ils se rendaient dans « sa Maison », le Temple.  Maintenant avec Jésus, non seulement ils sont intérieurement instruits (cf. dimanche passé) mais ils communient dans la filiation de Jésus. L'Eucharistie fait qu'Il est en eux comme ils sont en lui. Ils sont le temple, le lieu de « l'adoration en Esprit et Vérité » (Jn 4, 23)

3.      Et comme le Père, qui est vivant, m'a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mangera vivra par moi.
Dans l'évangile de Jean, à plusieurs reprises, on rencontre ce « comme » pour dire les relations entre le Père, le Fils et les hommes. Autant et plus qu'une simple comparaison, ce mot indique une source, une causalité : « Puisque  le Père vivant me fait vivre, moi, son Fils, je peux vous faire vivre... C'est parce que le Père m'a envoyé que je vous envoie ». L'Eucharistie, faisant vivre de cette Vie divine, est en même temps « envoi ». Le repas eucharistique n'a pas pour but une extase statique, un arrêt dans la contemplation : de soi, parce qu'il est communion à un Fils qui vit dans l'envoi par son Père, il provoque l'envoi dans le monde. L'Eucharistie rend missionnaire. Citoyen près des autres, le chrétien est délégué par Dieu vers eux.

4.     Tel est le Pain qui descend du ciel : il n'est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange de ce Pain vivra éternellement ».
----  Tels furent les enseignements de Jésus dans la synagogue à Capharnaüm.
En terminant cet enseignement, Jésus revient au symbolisme de la manne : celle-ci n'était pas un pain de Dieu. La Loi qu'elle symbolisait n'empêchait pas de mourir tandis qu'au contraire, le Pain de Jésus est un véritable Pain de Dieu et il donne une Vie sans fin.

CONCLUSIONS

En racontant l'ultime repas de Jésus avec les siens à la veille de sa Passion, Jean taira l'institution de l'Eucharistie et la remplacera par le lavement des pieds (même symbolique : don de soi maximum) Mais il a anticipé l'enseignement sur l'Eucharistie dans le chapitre 6 en le situant en plein ministère de Jésus donc  en plein dans l'existence des croyants.  Voici ce que nous avons à vivre :
D'abord, sans se laisser écraser par l'ampleur des problèmes, il importe de partager les pains, de veiller à l'alimentation des hommes. Le premier geste (le petit garçon) est l'acte de solidarité. - PARTAGE
Ce partage premier appelle à ne pas en rester là mais à changer de plan, à opérer un passage ardu (ce n'est pas pour rien que le don du pain est suivi par le passage difficile du lac) - PASSAGE
Les gens se contenteraient de recevoir des bienfaits : il importe de creuser leur faim, de les conduire à la recherche d'une autre nourriture. Passer du don au Donateur, de l'objet au sujet -DU BESOIN AU DESIR
Jésus, parce qu'il est Fils de Dieu, se présente comme la Parole à croire. La foi en lui n'est pas croyance en un message mais assimilation par l'écoute, accueil d'une Présence. -  LITURGIE DE LA PAROLE
La manducation de la Parole aiguise la faim de l'amour et le croyant veut « dévorer » son Dieu - comme les amoureux dialoguent, s'écoutent puis s'embrassent - LITURGIE DU PAIN.
---------Marc, Matthieu, Luc et Paul ont souligné fortement le lien entre l'Eucharistie et la Passion de Jésus.  Jean, plus tard, montre comment, ensemble, « le partage fraternel du pain puis l'écoute croyante de la Parole de Dieu puis la consommation du Pain-Chair de Jésus » est la véritable  manne, le moyen de survie du peuple de Dieu qui chemine dans le désert du monde dans l'espérance du ciel. Communauté en exode, libérée de la prison de l'égoïsme, dès maintenant, chaque jour, elle goûte la VRAIE VIE en Jésus.

20e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Nous poursuivons, pour le 3° dimanche, le discours du Pain de vie chez Jean. Dimanche passé, la lecture faisait essentiellement état de l'objection : « qu'est-ce que ce pain venu du ciel ? ». L'extrait de ce dimanche est introduit par une autre objection : « comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? ».

Manger un aliment est, on le sait, la manière la plus intime de l'assimiler afin qu'il se transforme en énergie et en éléments constituants pour notre corps. La tradition juive connaissait l'image puisqu'au livre de Jérémie Dieu demandait au prophète de manger le rouleau où sa trouvait inscrit sa Parole. Car il s'agit bien ici aussi d'assimiler, d'intérioriser la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu, qui est le Christ comme l'expose le prologue de St Jean. Cette Parole doit nous faire vivre, nous donner une vie nouvelle qui nous fera participer à cette vie du Christ, en Christ, dans sa mort et dans sa Résurrection, à la vie selon son Royaume, selon les lois de son Royaume, à l'antipode des lois de notre monde. Ces dernières sont limitées dans les valeurs qu'elles peuvent donner à vivre tandis que celles du Royaume de Dieu transcendent ces limites et nous les fait transcender dans la mesure où nous faisons demeurer Dieu en nous.

Les valeurs que ce Royaume de Dieu veut nous faire vivre constituent la Sagesse dont parle le livre des Proverbes. Il ne s'agit plus d'une sagesse au sens mondain du terme, faite de mesure, de prudence, de scepticisme, d'insensibilité, de soumission aux lois du monde comme le prônaient les sagesses grecques les plus influentes à l'époque de la rédaction du livre des Proverbes. Il s'agit de la sagesse du Dieu biblique, « folie aux yeux des hommes » comme la qualifiera plus tard St Paul, faite de refus du monde tel qu'il est, faite d'exigence d'une vie de qualité d'un autre niveau, faite d'élévation, de ces rêves, de ces promesses, de ces espoirs dont nous parlent les Ecritures. Tout cela, il nous faut l'assimiler ; pas seulement le comprendre et éventuellement l'admirer intellectuellement, mais en vivre, en transformer sa vie. L'image du festin auquel nous invite la Sagesse nous prépare au geste du Christ par lequel il transformera un simple repas-mémorial de l'Exode d'Egypte en participation réelle à son sacrifice. Car il est bien sûr ici question de l'Eucharistie.
Célébrer, rendre grâce à Dieu, fait partie de cette sagesse du croyant qui semble folie, non-sens, du point de vue du monde. C'est là que nous pouvons d'ores et déjà « demeurer en Dieu », nous laisser remplir de l'Esprit Saint, comprendre la volonté du Seigneur pour nous, en ce moment. « Tirer parti du temps présent » ne signifiera pas pour nous de « profiter du moment présent » parce qu'il n'y aurait pas d'avenir, mais doser judicieusement action et contemplation pour qu'il y en ait un à la mesure de la vie éternelle promise par le Christ.

Assomption de la Vierge Marie 

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

Les lectures de cette fête de l'Assomption nous donne deux images de Marie qui semblent bien éloignées l'une de l'autre.
L'évangile, d'une part, nous présente une future jeune maman surprise sinon effrayée de ce qui lui arrive et qui cherche un soutien auprès d'une parente, parente aussi par le destin. Ces deux femmes connaissent en effet une grossesse contre-nature, l'une par la vieillesse, l'autre par la virginité. Au lieu de vouloir gommer cet élément contre-nature au nom de lois biologiques qui ne font pas l'objet de l'évangile, il faut sans doute au contraire y voir la volonté expresse d'inviter à une réflexion sur la « sur-nature ». Ces deux femmes toutes simples, parce que toutes simples, ont une claire conscience, immédiate, que ce qui leur arrive a quelque chose de sur-naturel. Elles l'expriment sous forme de prière. Elisabeth s'exclame : « Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni ». Marie, à son tour, entonne cette admirable prière du Magnificat qui témoigne de la spiritualité des anawim, ces « pauvres en Dieu ».

Les scribes et les pharisiens, possédant les Ecritures par leurs connaissances et par leurs pratiques scrupuleuses, croyaient posséder Dieu du fait même. Dieu n'avait donc plus besoin de naître, ni dans le monde, ni dans leur monde. Les « pauvres en Dieu » n'avaient pas ces certitudes. On leur avait dit que Dieu était présent dans la royauté davidique mais, manifestement, Dieu n'était pas présent dans ce pouvoir terrestre. Les rois d'Israël ne s'étaient pas mieux tenus que les autres. Ils avaient joué aux puissants ; ils avaient été attirés par les parures et avaient conduit le peuple au désastre. On leur avait dit, après l'Exil, que Dieu était dans le respect scrupuleux d'une multiplicité de commandements et de rituels édictés par les prêtres. Mais Dieu n'était manifestement pas dans ces prescriptions sclérosantes. Alors les anawim attendaient, espéraient, quelque chose d'autre. Il n'y a que dans ces conditions-là, dans l'humble confiance, dans l'attente patiente mais soutenue, dans l'espérance, tout ceci allant de pair avec une inversion des codes sociaux : ce sont les humbles qui sont élevés, les riches qui sont renvoyés les mains vides, cela étant encore confirmé par une inversion des codes biologiques : ce sont une vieille femme stérile et une jeune vierge qui connaîtront une fécondité hors normes. Il n'y a que dans ces conditions-là que Dieu pouvait renaître au monde.

La lecture de l'Apocalypse nous présente, presqu'à l'inverse, une image de grandeur et de majesté : « un signe grandiose dans le ciel, une Femme, ayant le soleil pour manteau et la lune sous les pieds... ». Dans cette vision post-pascale qu'est le livre de l'Apocalypse, l'humble petite galiléenne, parce qu'elle a porté le Christ en sa chair, connaît une transfiguration par avance, sa proximité par les douleurs de l'enfantement revenant à Marie en proximité dans la gloire du Christ ressuscité. Nous avons compris que nous pouvons nous aussi connaître cette proximité, cette assomption, dans la gloire du Christ dans la mesure où nous le portons en nous et l'enfantons autour de nous. C'est ce qu'expliquait l'épître aux Corinthiens. Mais cette gloire que nous partageons ne doit pas nous faire tourner la tête, fut ce dans les étoiles. Car il y a toujours un dragon quelque part et non point seulement pour un combat mythique mais pour un combat bien réel. Les sept têtes et les dix cornes visaient des personnes précises de l'époque des persécutions de Domitien en fin du 1° siècle. Et ce genre de monstre se reproduit à chaque époque. Pourrons-nous dire, avec St Paul, que nous aurons combattu le bon combat ?

Cette femme de l'Apocalypse, c'est le Peuple de Dieu ou, plus précisément, le « petit reste fidèle des pauvres en Dieu » dont Marie est le modèle. Puissions-nous, en ce jour de l'Assomption de Marie qui ne saurait rien perdre de sa proximité avec Dieu mais qui n'a rien perdu non plus de sa proximité avec nous, puissions-nous nous écrier avec Elisabeth : « Quel bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ! ».

Assomption de la Vierge Marie 

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2011-2012

SE LAISSER ASSUMER

Ce lundi 6 août, le robot « Curiosity », après un voyage de plus de 8 mois (570 millions de km), s'est posé sur la planète Mars et il a commencé à nous envoyer les premières  photos. Coût de la mission : 2, 5 milliards de dollars. Nouvel exploit sensationnel de la NASA et promesse sans doute de futurs voyages : l'homme réalise son rêve séculaire de s'élever de plus en plus loin dans le ciel. Même sans le savoir, il réalise ainsi la première mission que Dieu lui a donnée : «  Je vous donne tout...Remplissez la terre et soumettez-la » (Gen 1). Dieu n'est pas jaloux mais fier des merveilles que « son image » accomplit.
Cependant - qui en doute ? - nous allons aller là-haut avec notre raison mais aussi notre démence, notre courage mais nos jalousies, nos solidarités mais nos haines, notre élan mais notre désespérance. « A quoi bon aller sur la lune si c'est pour s'y suicider ?» soupirait André Malraux. La conquête spatiale est-elle un gage certain de paix ?... Comme disait St François de Sales : «  Là où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie ».

Cet événement excite notre « curiosité » : que cherche l'homme dans sa quête sans fin ? Y a-t-il de la vie sur Mars ? Mais n'y a-t-il pas une « autre Vie » ? Au fait que veut donc dire « aller au ciel » ?...

Ce 15 août, nous fêtons une petite femme juive qui, dit l'Eglise, est entrée dans « le ciel ».
Elle ne s'est pas élevée: au contraire elle s'est faite toute petite, menant une existence modeste et humiliée.
Appelée à être la mère du Messie Fils de Dieu, elle ne s'est pas envolée dans une illumination mystique mais s'est élancée en hâte pour se mettre au service de sa cousine. Pour elle, Dieu n'était pas là-haut dans les étoiles ou les nuées de l'extase mais là-bas, près de quelqu'un à aider.
Elle n'est pas demeurée dans l'espace-temps, lieu du choc des égoïsmes incurables: elle a été accueillie dans la GLOIRE divine, dans la Maison du Père où il y a des places pour tous (Jean 14, 2), où il n'y a plus de rivalités ni de conflits mais communion amoureuse entre personnes dont chacune est unique.

Son « Assomption » n'a pas exigé une fortune : elle était une pauvre villageoise qui avait perdu son mari, qui était objet des critiques des membres de son clan et que l'on montrait du doigt dans la Ville sainte comme la mère du condamné à mort.
Elle n'enverra pas de photos mais l'image de sa vie donnée par l'Evangile est le plus pressant appel pour qu'à notre tour, nous ayons envie de suivre son parcours et de la rejoindre.
Car sa disparition n'est pas éloignement : l'amour de Dieu n'est pas concurrent de l'amour des hommes. Dieu n'attire chacun que pour le rendre plus proche des autres.

L'ULTIME IMAGE DE MARIE DANS LES ECRITURES

Saint Luc, qui termine son second ouvrage, les Actes des Apôtres, dans les années 85,  à un moment où Marie est décédée, ne dit rien de sa fin. Ce sont des traditions plus tardives qui évoqueront sa mort parmi les apôtres, sa « dormition », le tombeau vide, son envol pour le ciel.
Pour Luc, l'ultime image de Marie que nous avons à conserver, c'est celle de sa présence au milieu des disciples rassemblés au cénacle dans l'attente de la venue de l'Esprit-Saint.

« Il y avait là, dans la chambre haute, Pierre, Jean, Jacques, André.... Tous, unanimes, étaient assidus à la prière, avec quelques femmes, dont MARIE, la mère de Jésus, et avec les frères de Jésus »
(Actes 2, 14)

Au centre de la communauté - ce jour-là et jusqu'à la fin du monde -, Marie, silencieuse, au c½ur blessé par les stigmates horribles de la croix du Calvaire et maintenant comblé par la Joie de la Résurrection de son Fils, prie afin que l'aventure qu'elle vient de vivre se poursuive dans ces hommes et ces femmes. Qu'eux aussi répètent : «  Voici les serviteurs du Seigneur : qu'il nous soit fait selon sa Parole ».
Qu'ils se laissent investir, comme elle, par la force de l'Esprit qui fait naître en eux le Fils divin à donner au monde.
Qu'ils sortent pour « visiter » les hommes afin de partager la Bonne Nouvelle de la Vie dans toutes les langues du monde.
Qu'ils proclament la certitude de l'espérance que le Seigneur leur a inculquée :
« Que votre c½ur ne se trouble pas. Vous croyez en Dieu : croyez aussi en moi.
Lorsque je serai allé vous préparer une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi
si bien que là où je suis, vous serez vous aussi » ( Actes 14, 1-3).   
« Prendre-avec » signifie « assumer »,  prendre-avec-moi : l' « assomption » de Marie est l'amorce du mouvement résurrectionnel qui, à partir de la Pâque de Jésus, se continue à travers le temps pour que l'humanité soit glorifiée.
Et enfin qu'ils forment des communautés qui rayonnent de joie et qui chantent « Magnifique est Dieu ! ».

MAGNIFICAT : LE CANTIQUE DE MARIE : PRIERE DE L'EGLISE

La liturgie de ce jour nous invite à écouter, à méditer et à reprendre pour nous le cantique de Marie.

Oui notre c½ur est plein de joie parce que maintenant nous savons qu'il ne faut pas chercher à nous grandir  mais nous laisser regarder par le Dieu de Miséricorde.
Nous ne chantons pas nos exploits, nos réussites, ni encore moins notre perfection mais les merveilles que Dieu accomplit en nous.
Et Marie nous apprend la méthode divine du salut des hommes que son Fils reprendra dans ses Béatitudes :
« Dieu disperse les orgueilleux
Il renverse les puissants de leurs trônes
Il élève les humbles
Il comble de biens les affamés
Il renvoie les riches les mains vides... »
Oui « Son Amour s'étend d'âge en âge ...  Il se souvient de son amour... »

Comme disait le concile, la fête nous invite donc à la prière pour la paix du monde

« Que tous les chrétiens adressent à la Mère de Dieu et des hommes
des supplications instantes
afin qu'après avoir assisté de ses prières l'Eglise naissante, et maintenant exaltée dans le ciel,
elle continue d'intercéder près de son Fils dans la communion des saints
jusqu'à ce que toutes les familles des peuples soient enfin heureusement rassemblées
dans la paix et la concorde
en un seul peuple de Dieu,
à la Gloire de la très Sainte Trinité » 
(Vatican II  -  L'Eglise  -  § 69  -  cf. aussi § 62 et 68)

19e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LA PAROLE DE DIEU S'ÉCOUTE ET SE MANGE

Gardons bien le fil de ce long chapitre 6 de l'évangile de Jean que la liturgie rapporte en ces 5 dimanches.
1ère étape : Jésus, un soir, a effectué  un partage du pain pour une foule et a fui l'enthousiasme.
2ème étape (omise en liturgie) : traversée difficile du lac. Jésus se révèle : «  C'est moi »(en hébreu : YHWH)
3ème étape (la semaine passée) : la foule a retrouvé Jésus et lui demande de réitérer le miracle, sur le modèle de la manne donnée jadis chaque jour aux ancêtres dans le désert. Jésus a refusé net et a exhorté les gens à chercher une autre nourriture qui, elle, donnerait une autre vie, la Vie divine. Et il a lancé cette invitation stupéfiante : «  Croyez en moi, l'Envoyé de Dieu ».
*   Aujourd'hui, 4ème étape : la liturgie a malheureusement sauté les versets 36-40. Je propose d'en rétablir la lecture, indispensable pour bien comprendre.
Jésus leur dit : «  Je suis le Pain de Vie. Celui qui vient à moi n'aura pas faim, celui qui croit en moi n'aura jamais soif. Mais je vous l'ai dit : Vous avez vu et pourtant vous ne croyez pas. Tous ceux que le Père me donne viendront à moi ; et celui qui vient à moi, je ne le rejetterai pas. Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté mais la volonté de Celui qui m'a envoyé. Or la volonté de Celui qui m'a envoyé, c'est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est en effet la volonté de mon Père : que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la Vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour ».

Jésus, à la différence des prophètes, ne ponctue jamais ses oracles par : « Oracle du Seigneur ! » car il se dit le FILS qui est envoyé par Dieu SON PERE, afin d'accomplir la mission ultime : donner la Vie divine aux hommes qui croient en lui. Avec tristesse il constate que beaucoup de gens admirent ses enseignements et ses miracles, mais ne voient en lui qu'un guérisseur, un prédicateur, un sage, un homme admirable. D'un autre côté, il se réjouit de voir que certains hommes « viennent à lui » (expression qui dénote une démarche de foi) et à ceux-là, il fait une promesse  extraordinaire : Quiconque me croit en tant que « Fils de Dieu », quiconque distingue mon origine et vient à moi comme disciple, je lui donnerai la Vie divine, je ne le rejetterai jamais, je le garderai et je le ressusciterai.
(Ici commence la lecture liturgique)
Comme Jésus avait dit : «  Moi, je suis le Pain descendu du ciel », les Juifs récriminaient contre lui : «  Cet homme-là n'est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire : «  Je suis descendu du ciel ? »

Nous l'avions déjà vu (14ème dimanche) lorsque Marc avait raconté la visite de Jésus à Nazareth : les villageois s'étaient cabrés devant ce charpentier dont ils connaissaient bien la famille et ils n'avaient pas accepté qu'il vienne les appeler à la conversion au Royaume de Dieu. Ici de même, Jean souligne la réaction violente soulevée par cet homme bien connu et qui prétend être « descendu du ciel », c.à.d. venir de Dieu. Telle est bien en effet la question fondamentale qui traverse tous les évangiles et spécialement celui de Jean : le comportement de Jésus, sa façon d'enseigner, ses guérisons et ses affirmations sur lui-même forcent toujours à poser la même interrogation: «  Qui donc est-il ? D'où sort-il ? » (7, 27 ; 8, 14 ; 9, 29...). Oui Jésus est un homme situé comme les autres, on connaît ses parents, son âge, son métier, sa façon de parler. Il n'est pas un extra-terrestre ni un ange. Quelle est donc son identité profonde ?...
Jésus ne revient pas en arrière et il va justifier son affirmation.
Jésus reprit la parole : «  Ne récriminez pas entre vous ! Personne ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
Il est écrit dans les Prophètes : « Ils seront tous instruits par Dieu lui-même ». Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à  moi. Certes personne n'a jamais vu le Père sinon celui qui vient de Dieu : celui-là, seul, a vu le Père.
Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi a la Vie éternelle. Je suis le Pain de Vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne et ils sont morts. Mais ce Pain-là qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas ».
La foi en Jésus comme Fils vient donc d'un attrait du Père. Cela ne peut vouloir dire que le Père attire à lui ceux-ci plutôt que ceux-là : il y aurait là un arbitraire intolérable, un fatalisme qui nierait notre liberté. Cela semble donc signifier : certains doutent de l'attrait de Dieu, ils hésitent, ils restent sceptiques alors que d'autres se laissent attirer par lui pour se mettre à chercher qui est Jésus et à le découvrir vraiment.
Et comment faire cette découverte ? Par les Ecritures.
Après l'affreuse destruction de Jérusalem et la déportation du peuple à Babylone (6ème siècle av. J.C.), un prophète (le 2ème Isaïe) avait rendu l'espérance à la ville : «  Pousse des acclamations, le Seigneur te rachète, il est Dieu de toute la terre...Avec tendresse, je vais rassembler tes enfants...Tous tes fils seront enseignés par le Seigneur, et grande sera leur paix... »  (Isaïe 54, 13...).  Jérémie disait de même : «  Ils ne s'instruiront plus entre compagnons en répétant : «  Apprenez à connaître le Seigneur ». Car tous, petits et grands, me connaîtront. Je pardonne leur crime... » (Jér 31, 34).

Donc si, pendant des siècles, il avait fallu écouter les enseignements exprimés par Moïse, les Prophètes, les Sages - tous ceux que la tradition désignait comme les envoyés légitimes de Dieu -, après le désastre, il y aurait une nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes. Quelle serait sa nouveauté ? L'Esprit de Dieu serait donné, les c½urs seraient atteints, la Parole de Dieu ne serait plus un enseignement à écouter et à apprendre mais elle serait inscrite sur les c½urs qu'elle rendrait dociles à la Volonté divine.
Ici donc Jésus assure que cette révolution spirituelle est en train de s'accomplir avec lui : il donne l'Esprit de Dieu et, en l'écoutant, l'homme se laisse enseigner directement par Dieu. La relation de foi n'est plus celle de maître/disciple, enseignant/élève, sermon/amen ...  mais celle de « PERE/FILS ».
En ce nouveau régime le croyant communie avec le Fils Jésus, donc il A LA VIE....et l'espérance de la résurrection finale lui est assurée.
La lecture liturgique ajoute le verset 51 qui amorce le développement suivant quand Jésus va dire que ce Pain, c'est « sa chair » même: ce sera le sujet de la prochaine étape.
Je suis le Pain vivant, qui est descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la Vie.

CONCLUSIONS

« J'ai dévoré ce livre...Je buvais les paroles de cet homme...Je restais bouche ouverte... » : nos expressions manifestent que nous ne vivons pas que de pain, que nous avons faim d'une Vérité qui fait vivre. On parle beaucoup de la pauvreté matérielle (scandaleuse certes) mais la pauvreté morale et spirituelle est pire. Des hommes nantis meurent parce qu'ils n'ont pas entendu une parole vraie. Des jeunes sont gavés et ils ne sont jamais comblés. Leur chambre est pleine, leur c½ur est vide.

Quelle joie d'accueillir l'Evangile non comme un beau texte, une parole extérieure mais comme Parole de Quelqu'un QUI EST CETTE PAROLE. Il faut le « dévorer », le manger comme on mange du pain. Donc fermer les oreilles au tintamarre publicitaire, oublier les catéchismes et les cours de religion, dépasser les critiques (vraies) contre l'Eglise, percevoir qu'il y a autre chose que des croyances et de la morale, des édifices somptueux et des cérémonies présidées par des Eminences rouges.

CHERCHER JESUS. Qui donc est-il ? Un homme, oui, mais encore ... ? L'écouter, le croire. Faire l'expérience intérieure que son message est le messager lui-même. 
Quand le livre de l'Evangile est fermé, quand le prédicateur se tait, il DEMEURE dans le c½ur.
Alors sois-en sûr : TU VIS....TU RESSUSCITERAS. 
Aujourd'hui on peut remettre en valeur la procession d'entrée avec l'EVANGELIAIRE et souligner l'engagement de la réponse : «  ACCLAMONS LA PAROLE DE DIEU »

18e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

QUEL PAIN APAISERA NOTRE DÉSIR ?

A la suite du repas des 5 pains, Jésus a disparu dans la montagne. La liturgie omet la scène suivante que l'on peut résumer comme ceci. La nuit venue, perplexes devant l'absence du Maître, ses disciples décident de retourner à Capharnaüm ; alors qu'une forte bourrasque secoue l'embarcation, ils voient tout à coup Jésus marcher sur l'eau mais il calme leur effroi : «  C'est moi, ne craignez pas ». Le matin, des barques de Capharnaüm viennent rechercher les gens qui avaient passé la nuit à l'endroit du repas ; tous refont la traversée et voilà qu'en ville, stupéfaits, ils retrouvent Jésus.  ---- La lecture liturgique reprend ici.

Ayant trouvé Jésus, ils lui disent : «  Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? ».
Il leur répond : « Amen, amen, je vous le dis, vous me cherchez non parce que vous avez vu des signes mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la Vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'homme, lui que Dieu le Père a marqué de son empreinte ».
Ils lui disent alors : «  Que faut-il faire pour travailler aux ½uvres de Dieu ? ».
Jésus leur répond : «  L'½uvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé »

Dans le repas de la veille, les gens n'ont vu qu'un don miraculeux, ils n'ont pas compris que l'événement était un « signe » qu'il fallait essayer de déchiffrer. Aussi leur recherche de Jésus vient de ce qu'ils ont pu manger gratuitement et ils espèrent bien qu'il va renouveler ce cadeau. Mais le pain de la terre ne peut entretenir qu'une vie terrestre, fragile, éphémère : la nourriture périssable n'empêche pas l'être humain de se perdre dans la mort. Vous devez, dit Jésus, non seulement satisfaire vos besoins naturels (manger, boire, dormir, vous soigner...) mais vous éveiller à un désir bien plus profond qui vous habite et qui n'est rien moins que le désir de la Vie éternelle, la Vie divine. Il ne faut pas seulement vous limiter à la recherche des nourritures terrestres - où l'humanité demeure au plan animal -  mais vous mettre en quête d'une autre nourriture qui échappe au pourrissement.
Cet aliment, vous ne pouvez pas le fabriquer, l'acheter, le gagner, le mériter ; il n'est pas le fruit du labeur, des ½uvres, du génie de l'homme : c'est un don. Un don que seul le Fils de l'homme pourra vous offrir. En effet, affirme Jésus, Dieu m'a oint, consacré, marqué de son sceau, précisément dans cet unique but : donner aux hommes la Vie éternelle, les introduire dans le partage de la Vie de Dieu.  C'est par la FOI, en croyant en moi comme « fils de l'homme, consacré par Dieu » que vous « me mangerez ».

Ils lui disent : «  Quel signe vas-tu faire pour que nous puissions le voir et te croire ? Quelle ½uvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne. Comme dit l'Ecriture : « Il leur a donné à manger le pain venu du ciel ».
Jésus leur répond : «  Amen, amen, je vous le dis : ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c'est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Le Pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde ».
Ils lui disent alors : «  Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours ».
Jésus leur répond : «  Moi, je suis le Pain de la Vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif ».

Croire que l'homme devant vous n'est pas seulement un sage qui vous enseigne ou un prophète qui vous transmet un message de l'au-delà mais celui-là, l'unique, que Dieu a habilité à communiquer sa Vie à l'humanité : cela tombe sur les gens comme une exigence énorme. « Quelle prétention exorbitante ! Comment le croire ?  Si ce Jésus, comme il semble le sous-entendre, est le Messie, qu'il réitère d'abord les miracles de l'Exode racontés dans les Ecritures : de même que Moïse a donné la manne quotidienne de Dieu à nos ancêtres dans le désert, qu'il nous redonne aujourd'hui encore à manger ! »
Lors de l'exode, la découverte de « la manne » (simple sécrétion issue des tamaris du Sinaï et qui donne un agglomérat sucré) avait tellement émerveillé les Hébreux qu'ils en avaient fait une légende : on imaginait un pain qui tombait du ciel à foison, un cadeau de Dieu, la nourriture des Anges, tellement abondante qu'elle avait permis à la multitude des Hébreux de demeurer en vie au long des 40 ans de marche dans le désert avant d'entrer dans la Terre promise (lire Exode 16).  Jésus s'appuie sur cette légende : le don de la manne était le signe prophétique que Dieu, un jour, offrirait un Pain pour donner la Vie. Et non seulement à Israël mais au monde.
Mais le dialogue achoppe sur le même malentendu que celui avec la Samaritaine : Jésus lui ayant promis une eau « qui, en elle, deviendrait source », immédiatement elle avait demandé : «  Donne-moi cette eau que je n'aie plus soif » (4, 15). De même ici les gens comprennent au premier niveau, comme s'il s'agissait d'un pain magique qui résoudrait tous les problèmes.
Là-dessus Jésus fait à la foule une révélation stupéfiante : ce Pain que Dieu donnera, ce n'est pas une chose, c'est MOI !  Oui, JE SUIS

LE PAIN DE VIE :
-    parce que je viens de Dieu qui est Vie
-    parce que Dieu veut donner sa Vie aux hommes du monde entier
-    parce que, comme le pain, je désire être assimilé par les croyants
-    parce que la foi n'est pas obéissance morale, pratique rituelle, théologie dogmatique mais accueil d'une PRESENCE.
Donc croire en Jésus, c'est se laisser combler par Lui, ne plus être enfermé dans les cycles interminables des besoins qui ne sont satisfaits que pour renaître à nouveau. Voilà le grand projet de Dieu : offrir son Fils. Voilà ce qui est demandé à l'homme : le croire. Et la foi  est comme « une alimentation » !!
Qu'est-ce à dire ? Le dialogue qui éclaire ce mystère se poursuivra les prochains dimanches. Mais aujourd'hui il importe de bien comprendre cette rupture, ce saut, ce passage que Jésus appelle à faire.

CONCLUSIONS

Le pain que Jésus a donné est donc bien un « signe ».
D'abord signe qu'il est possible et nécessaire de partager la nourriture, que l'on n'a pas le droit de se résigner aux multitudes affamées en prétextant du peu que l'on a pour soupirer : « Qu'est-ce que cela pour tant de gens ? ». Le petit garçon - gros naïf dira-t-on - est le modèle du chrétien qui n'évalue pas les dimensions gigantesques des problèmes, qui n'attend pas que les spécialistes s'en mêlent mais qui commence par donner ce qu'il a (évangile de dimanche passé)

L'être humain n'a que trop tendance à se limiter à satisfaire ses besoins matériels, à bénéficier de bienfaits gratuits. Notre société veut nous convaincre que le bonheur est de satisfaire nos besoins et pour que le commerce marche, elle crée sans cesse de nouveaux besoins superflus. Course éperdue qui excite l'envie mais du coup la cupidité, la rivalité, l'égoïsme et qui mène à l'abîme.
Or l'homme est habité par une autre faim dont il ne veut pas souvent reconnaître l'existence. Il est à remarquer que Jésus n'a donné à manger à la foule que cette seule fois et il refuse de recommencer parce qu'il ne veut pas que l'homme abdique de sa responsabilité de gagner son pain lui-même et d'organiser une société solidaire où tous peuvent se nourrir.
Certes l'Eglise doit lutter pour nourrir les affamés et partager les ressources de la terre mais elle doit conduire l'homme plus loin, le rendre conscient en lui d'une faim plus essentielle. C'est pourquoi elle ne peut être réduite à un service social, une ½uvre philanthropique. Plus que le pain, le vêtement, le soin qu'elle donne pour satisfaire les besoins primaires, sa mission, comme Jésus ici, est d'interpeler l'homme : Quel est le désir profond qui t'habite ? Où est ton vrai bonheur ? Quelle vie cherches-tu ?  Ce désir, tu ne peux le faire taire et tu resteras toujours impuissant à le satisfaire par toi-même.
Dans une « société de consommation », comment être une Eglise qui dénonce l'enfermement dans la possession des choses, le culte de l'immédiat et qui propose le seul PAIN qui puisse nourrir les c½urs : Jésus, véritable Pain qui donne la vraie Vie ?.......