Noël

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

Mes amis, qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ? J'ai tapé « Noël » sur Google et j'ai trouvé comment visiter l'atelier du Père Noël, rencontrer des petits lutins. J'ai vu les marchés de Noël, les boules colorées, les guirlandes et les sapins. J'ai vu les recettes de cuisines, les idées de cadeaux ... vraiment tout, sauf... ce que nous dit l'Evangile ! Alors je pose la question : qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ?

Que disent ces rues illuminées, ces vitrines décorées, ces places enrubannées, le chocolat chaud, les odeurs de cannelle et de fleur d'oranger ? Serait-ce seulement la fête pour les petits enfants ou pour les commerçants ? Serait-ce pour célébrer la joie de vivre tout simplement, emmitouflés au plus fort de l'hiver, parce que les jours vont commencer à rallonger ? Serait-ce un devoir familial annuel, un impératif de retrouvailles à vivre le mieux possible, de bons moments à partager, quelques heures volées collectivement dans une année chargée ? Noël est bien sûr tout cela mais certainement plus encore.

Alors, qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ?

***

Certains d'entre nous ici, ont vécu Noël en Afrique, en Amérique, du nord ou du sud, d'autres en Asie ou au Moyen Orient... J'ai vécu Noël au Pérou. Je me souviens des rudes policiers en pleine guerre civile, qui s'enorgueillissaient d'avoir gagné le concours des crèches de Noël... Nous pourrions échanger nos expériences, dire les multiples coutumes, les repas traditionnels : la dinde, la carpe ou le cochon ; les marrons glacés, les bananes frites, les fruits confits, les grosses fourmis grillées... nous avons goûté de tout ! Et nous pouvons en témoigner : partout, que ce soit sous un manteau neigeux ou sous un ciel de plomb, sur tous les continents, deux milliards de chrétiens fêtent Noël aujourd'hui, entrainant l'humanité incrédule dans une sorte de rêve éveillé. L'heure est à la fête et à la joie, à la famille et à l'amour, aux bras grand ouverts pour la prière et l'amitié. L'heure est à la plus grande simplicité, à l'enfance retrouvée. L'heure est à l'espérance que tout ce qui est en germe, presque physiquement palpable cette nuit, devienne permanente réalité.

Qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ?
C'est sensible et en même temps c'est indéfinissable. Ce n'est pas tous les jours Noël ! Il y a un charme particulier à ce jour unique : un silence habité, comme un enchantement qui manque les autres jours. Comme si soudain, tout était possible, enfin : la trêve dans les tranchées, la paix dans les familles, la joie dans le c½ur des vieillards, dans les yeux des enfants. Une parenthèse d'harmonie, quelque chose d'enivrant, de très fort et de très convaincant, comme un parfum qui se diffuse, une musique qui invite à danser. Noël, comme un arrière-monde, toujours présent mais qui pointe le nez et qui clignote, qui nous rend visite et nous fait signe, seulement une fois par an. Pour stimuler notre imagination, pour suggérer un programme alternatif, à portée de main, si tout le monde voulait bien, si tous ensemble on se décidait une bonne fois, à croire l'impossible possible, et vrai : Noël, un trou dans le ciel, une étoile suspendue, un clin d'½il d'éternité...  un super cadeau qui peut changer la vie, sans qu'on ait rien à faire d'autre que d'acquiescer.

Car nous le sentons bien, Noël n'est pas simplement pour les optimistes ni pour les gens heureux. Noël n'est pas une affaire de pensée positive. C'est de l'ordre de l'expérience : une émotion qui monte de l'inconscient collectif, le partage d'une étonnante humanité.

***

Et pourtant, nous le savons bien, certaines personnes le vivent mal. Elles attendent ce jour et le redoutent tout aussi bien. Malades ou isolées, elles en viennent parfois à détester Noël. Noël remet à vif les blessures cachées, la famille que l'on n'a pas eue ou celle que l'on n'a plus, la nostalgie d'amours perdues, le sentiment d'abandon. Pourquoi réveiller tant de souffrances ? Les vieilles plaies, les meurtrissures se remettent à saigner.

Noël, pour être Noël, doit pouvoir combler, ne serait-ce que l'instant d'un sourire, tous ceux que la vie a marqués, tous ceux que la vie a creusés. Noël, pour être Noël, doit faire renaître l'espoir, doit sauver l'espoir. Noël, pour être Noël, doit répondre à l'attente exacerbée de la création blessée. Parce que la frustration est à la hauteur de ce qui doit venir... elle dit, en vide, en creux, l'inconcevable qui doit être conçu, l'inaccessible qui doit se rendre proche, l'invraisemblable consolation qui ne peut plus tarder. Le manque est à la mesure de l'amour infini, impossible mais nécessaire que l'on n'attend plus. Il y a au c½ur de l'homme une immense attente que seul un Dieu pourrait combler.

Je regarde la crèche et devant ce spectacle silencieux, je m'interroge. Cela n'est pas du tout ce que l'on attendait. Mais c'est tellement humain, tellement simple et naturel, que c'en est renversant, divin, surnaturel. Les pauvres, les blessés, les exclus, les pécheurs, les damnés, les noyés, les ratés de la terre, dans leur douleur, peuvent comprendre les premiers. Noël, pour être Noël, est d'abord pour eux. S'il y a un Dieu, un maître de l'impossible, c'est chez eux qu'il va se manifester.

Alors je demandais en commençant qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ? Ai-je répondu à ces questions ?

Pas de père Noël mais un enfant Emmanuel. C'est dans l'ouverture même de nos blessures que Dieu vient nous rejoindre, au c½ur, au creux de l'humanité. Il est le sourcier de toutes les énergies enfouies, pour nous guérir, pour nous sauver, pour nous ressusciter.

Noël

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2012-2013

LE  VRAI  NOËL  EUCHARISTIQUE

Histoire vraie. Il y a quelques années, la Ville de Liège décida d'installer au centre de la cité un grand « Marché de Noël » avec des chalets de bois et de grandes illuminations. Réunion du comité. Un membre suggère: « Il faudrait prévoir un chalet avec la crèche  ». Réplique immédiate d'un autre : «  On ne va pas encore mettre du religieux parce que c'est Noël ?... ». ? ? ? ? ? ?
Oui, le 25 décembre est redevenu ce qu'il était à l'origine dans la Rome antique : la fête du solstice d'hiver, le moment où les jours recommencent à croître. Pour célébrer la victoire du soleil sur les ténèbres, on allumait des feux, on dansait des farandoles, on buvait et on s'échangeait des cadeaux. C'est précisément pour contrer cette festivité païenne (« Sol invictus » : soleil invaincu) que l'Eglise, au 4ème siècle seulement, décréta de fêter la Naissance de Jésus à ce moment-là puisqu'il est « la Lumière du monde », le « Soleil de justice ». Jusqu'alors, et depuis les apôtres et les textes du Nouveau Testament, personne ne s'était jamais soucié de conserver le souvenir de ce jour : nul ne savait quand Jésus était né. Aujourd'hui Noël est une fête païenne de même que Pâques est désormais fête du printemps et temps de vacances.

Mais ainsi se justifie à nouveau la présence du b½uf et de l'âne entourant le nouveau-né. Cette antique tradition vient d'un évangile apocryphe qui l'a reprise au prophète Isaïe. Celui-ci, constatant que Jérusalem ne mettait pas en pratique la Loi de Dieu, qu'elle était une ville remplie d'injustices et de méfaits, transmettait un oracle de Dieu :
« Ecoutez, cieux ! Terre, prête l'oreille ! C'est le Seigneur qui parle. J'ai fait grandir des fils, je les ai élevés et eux se sont révoltés contre moi ! Un b½uf connaît son propriétaire et un âne la mangeoire chez son maître : mais Israël ne me connaît pas, mon peuple ne comprend pas ». (Isaïe 1, 2-3)

Dieu a tant fait pour nous, se lamente le prophète, il nous a libérés de l'esclavage, nous a guidés, nous a comblés de bienfaits et nous ne formons pas une société juste comme il nous le demande. « Malheur, nation pécheresse...ils ont abandonné le Seigneur, ils ont méprisé le Saint d'Israël... ». Alors que des animaux, tels le b½uf et l'âne, reconnaissent toujours leur maître qui les nourrit et qu'ils le servent avec fidélité, Jérusalem, elle, oublie son Dieu.
De même, plus tard, Bethléem demeura aveugle devant l'enfant envoyé de Dieu, l'événement extraordinaire qui venait d'éclore en elle ; la présence de l'âne et du b½uf dans la crèche voulaient rappeler Israël à la fidélité.

Aujourd'hui Liège, Bruxelles, Paris, Berlin, les Occidentaux ne connaissent plus Jésus, le Seigneur, qui leur a donné la Bonne Nouvelle, saint François d'Assise et la petite Thérèse de Lisieux,  le père Damien et l'abbé Pierre,  les cathédrales et Jean-Sébastien Bach, Giotto et Michel-Ange. Tant de preuves de la tendresse du Père, tant de signes de la miséricorde du Fils, tant de réalisations de la Force de l'Esprit !...
Dans la fièvre, on monte un « village de Noël », esquisse d'un rêve où les guirlandes donnent la lumière dans la nuit, où le sapin vert signe la victoire de la vie, où les échanges de cadeaux manifestent notre quête d'affection, notre désir de rencontres pacifiées, notre recherche de bonheur.
Lumière, Vie, Echanges de Cadeaux, Paix, Joie, Banquets familiaux, V½ux de bonheur. Mais sans place pour la Source de tous ces biens. Un village sans Christ. Ou avec une crèche réduite au niveau du folklore !

« Le b½uf et l'âne reconnaissent leur maître...Et vous m'oubliez ! ». Noël ne signifie plus « naissance »

Nous, chrétiens, n'avons pas à bouder ces fêtes des hommes, à dédaigner cette recherche d'allégresse, de paix, de bonheur  familial. Mais nous avons la grâce de reconnaître Celui qui est venu sur terre précisément pour nous offrir paix et justice, joie et réconciliation.
Et l'Evangile que nous écoutons à nouveau en cette nuit nous suggère les véritables attitudes à vivre dans la foi.
DEVENIR LES PERSONNAGES DE NOËL

D'abord ne pas être comme l'empereur de Rome qui s'attribuait un titre sacré (Auguste), se dressait comme un dieu, propriétaire des citoyens qu'il « dénombrait » afin de jouir de l'étendue de son pouvoir et espérer les monceaux d'argent à leur extorquer par le tribut et les taxes.

Mais être comme ces petits bergers qui, pour quelques sous, veillaient la nuit sur les troupeaux. Comme eux, demeurer vigilants, conscients des enjeux de l'heure, refusant d'être assommés par l'alcool, les jeux, les slogans publicitaires et accourant pour voir le bébé de la nuit.

Etre comme les Anges, tout empressés de proclamer l'Evangile ; «  Je viens vous annoncer une Bonne Nouvelle, grande joie pour tout le monde : aujourd'hui vous est né un Sauveur ». A quoi le reconnaîtrons-nous ? « Un signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». Vous inventiez un Dieu impitoyable, lointain, tout-puissant : le voici près de vous, aussi ordinaire et aussi extraordinaire qu'un bébé. Faible, fragile, impuissant. Il ne vous commande rien : il vous presse de l'aimer et de le faire connaître.
Etre comme les Anges qui louent Dieu : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes - non pas des « hommes de bonne volonté », ce qui écarterait les autres - mais « des hommes qu'il aime ». Car c'est la louange qui nous désarme et qui permet la paix authentique, sans mensonge ni hypocrisie.

Etre comme Joseph, le brave artisan, emporté dans une aventure stupéfiante, et qui lutte pour protéger  Marie et l'enfant. Car si Dieu nous garde, nous avons à le protéger.

Enfin être comme Marie, la silencieuse. «  Quant à Marie, elle retenait tous ces événements et les méditait dans son c½ur ». Car l'Ange de l'annonciation ne lui a rien dit de son avenir et, comme nous, elle découvre peu à peu le chemin. Elle ne comprend pas tout ce qui se passe mais elle retient, elle garde en mémoire, sûre que tout s'éclairera, que tout prendra sens. La foi est une mémoire qui s'éclaire peu à peu.

Et son petit naît dans le village de son ancêtre David dont il fera enfin advenir le Royaume sans verser d'autre sang que le sien.  Ce village porte le nom de Beth-Léhem, ce qui, en hébreu, signifie « La Maison du Pain ». Et Marie n'a d'autre berceau qu'une mangeoire parce que son fils, un jour, sera la nourriture, le Pain de Vie que les croyants - bergers juifs et mages païens- peuvent manger.
Alors nous, croyants, nous découvrons la merveille : c'est chaque dimanche que nous courons vers l'Eglise - la Maison du Pain partagé -, que nous formons la véritable « société de consommation juste » sans goinfrerie, sans que certains s'empiffrent tandis que d'autres manquent de tout.
Si, comme le b½uf et l'âne, (le chien et le chat, dirait-on aujourd'hui ?), nous reconnaissons notre Maître, de dimanche en dimanche, nous créerons le VRAI VILLAGE DE NOËL.
Chrétien, fais de  ta main une crèche, reçois celui qui se remet à toi pour que tu te remettes à lui et à tes frères. Comme l'âne, tends l'oreille pour écouter la Bonne Nouvelle qui t'apporte la Lumière. Comme le b½uf, rumine, médite la Parole qui te donne la Vie.
Ainsi, peut-être, à Liège et à Bruxelles, à Paris et à Berlin, les Occidentaux redécouvriront la source divine de ce qu'ils cherchent dans la nuit de leurs inquiétudes.

4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Elisabeth et Marie : deux femmes. Il serait donc préférable que ce soient des femmes qui commentent ce récit ! Cela nous changerait, nous ferait bouger... Car cet évangile parle de mouvement et d'émotion, ce qui est encore un mouvement, un mouvement intérieur. Je vous propose tout d'abord de suivre le mouvement des personnages de ce récit, puis d'analyser le lien profond de la foi avec le mouvement, enfin je vous propose de réfléchir à ce mouvement qui anime le c½ur de Dieu et qui le conduit à se rapprocher de nous, à se faire l'un de nous, à se remettre entre nos mains, comme un bébé à Noël.
Tout d'abord, cela saute aux yeux, il y a, dans ce récit, le mouvement géographique de Marie qui rend visite à sa cousine. « Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée... ». Elle se met en route, et même elle se met en route « rapidement ». Elle va vers la montagne. Depuis Nazareth calculez, cela fait plus de 150 km. Il ne s'agit pas d'une petite promenade mais de plusieurs jours de marche, à pieds. Pour une jeune femme enceinte, c'est un voyage sérieux. Mais les détails du voyage n'importent pas. A peine nous a-t-on dit qu'elle est partie que l'on conclut : « elle entra dans la maison ». Elle passe de la condition de voyageur à celle de visiteur. C'est encore un changement.
Ensuite c'est Elisabeth qui se met en mouvement. Un mouvement interne cette fois : elle entendit la salutation de Marie, ce qui fait bouger en elle l'enfant qui n'est pas encore né. Il « tressaillit ». Pour Elisabeth, il s'agit d'un mouvement psychologique, passif, qu'elle assume et reconnaît avec joie. Considérée comme stérile et trop vieille, elle change de statut. Elle accueille la salutation de Marie et ressent les mouvements de l'enfant qu'elle interprète comme mouvements de joie. Jean Baptiste, lui, dès avant sa naissance, est déjà actif, comme un vrai prophète ! Sa mère est remplie de l'Esprit Saint, comme l'a été Marie. L'Esprit Saint se communique à l'enfant qui exulte de joie. C'est Elisabeth qui parle. Plus encore : sous l'effet de l'émotion, donc d'un mouvement intérieur, remplie de l'Esprit Saint, elle s'écrie d'une voix forte « Tu es bénie entre toutes les femmes » !?Vous l'avez peut-être remarqué : Elisabeth n'a pas besoin d'entendre le récit de Marie. Elle est déjà au courant, par un tweet, un sms ou un email, cela n'a pas d'importance. La communication est parfaite, elle est accordée par l'Esprit Saint à la vie qui se manifeste aussi dans sa cousine. Elle est prête à comprendre, à tout comprendre. Elle n'est pas scandalisée de cette grossesse avant mariage. Elle a tout compris et elle encourage. Plus que cela, elle félicite Marie d'avoir cru.
Marie a cru puisqu'elle est venue. Le mouvement signe la foi qui déplace les montagnes et donc les gens. Car la foi s'exprime toujours par la mobilité. Entrer dans la foi, c'est entrer dans une relation de confiance qui fait bouger. La foi permet de surmonter la peur du changement, elle communique une confiance qui aide à traverser les moments d'inquiétude. La foi guérit des différentes formes de paralysie. Elle rend mobile et sûr face à l'inconnu. L'homme de foi accepte de ne pas tout contrôler, de ne pas tout comprendre, de ne pas tout maîtriser. Il marche « comme s'il voyait l'invisible », mais il ne le voit pas. « C'est de nuit » Car la vie n'est pas dans la répétition, ni dans l'autonomie mais dans la relation et dans la transmission, dans le changement et le mouvement, dans la confiance et la réciprocité.?Quand on a peur, c'est à dire en l'absence de confiance et de foi, l'on se crispe dans la répétition du même, dans des rituels figés, et la mort n'est pas loin, elle est même déjà là. Toute la Bible est mouvement. Abraham partit nous dit le livre de la Genèse qui précise en insistant : « et il partit, sans savoir où il allait ! » Jésus est toujours en mouvement et personne ne peut le retenir. Les apôtres aussi s'en vont en mission. « Nul n'est prophète en son pays ».
Pour comprendre cela il est possible de méditer le mystère même de Dieu, un et trois. Au c½ur de la Trinité, disent les théologiens, se trouvent les processions. « Il procède du Père et du Fils » dirons nous tout à l'heure dans le Credo. Le Fils vient du Père, l'Esprit du Père et du Fils. Dieu est mouvement. C'est lui le grand migrant, pas seulement parce que Jésus va fuir avec sa famille d'Israël en Egypte mais parce que le Verbe de Dieu vit un dépaysement radical. Il plante sa tente parmi nous dit l'hébreu. Il prend chair, dit le grec. « Sarx egeneto », il devient un être humain. « Lui qui était de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu » écrit saint Paul (Ph 2). Après demain nous célèbrerons Noël, « Dieu avec nous », Emmanuel. Laissons-nous entraîner dans le mouvement de son amour.

4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

ENTRER DANS LA DANSE

Elisabeth et Marie : deux femmes. Il serait donc préférable que ce soient des femmes qui commentent ce récit ! Cela nous changerait, nous ferait bouger...
Car cet évangile parle de mouvement et d'émotion, ce qui est encore un mouvement, un mouvement intérieur. Je vous propose tout d'abord de suivre le mouvement des personnages de ce récit, puis d'analyser le lien profond de la foi avec le mouvement, enfin je vous propose de réfléchir à ce mouvement qui anime le c½ur de Dieu et qui le conduit à se rapprocher de nous, à se faire l'un de nous, à se remettre entre nos mains, comme un bébé à Noël.
Tout d'abord, cela saute aux yeux, il y a, dans ce récit, le mouvement géographique de Marie qui rend visite à sa cousine. « Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée... ». Elle se met en route, et même elle se met en route « rapidement ». Elle va vers la montagne. Depuis Nazareth calculez, cela fait plus de 150 km. Il ne s'agit pas d'une petite promenade mais de plusieurs jours de marche, à pieds. Pour une jeune femme enceinte, c'est un voyage sérieux. Mais les détails du voyage n'importent pas. A peine nous a-t-on dit qu'elle est partie que l'on conclut : « elle entra dans la maison ». Elle passe de la condition de voyageur à celle de visiteur. C'est encore un changement.

Ensuite c'est Elisabeth qui se met en mouvement. Un mouvement interne cette fois : elle entendit la salutation de Marie, ce qui fait bouger en elle l'enfant qui n'est pas encore né. Il « tressaillit ». Pour Elisabeth, il s'agit d'un mouvement psychologique, passif, qu'elle assume et reconnaît avec joie. Considérée comme stérile et trop vieille, elle change de statut. Elle accueille la salutation de Marie et ressent les mouvements de l'enfant qu'elle interprète comme mouvements de joie. Jean Baptiste, lui, dès avant sa naissance, est déjà actif, comme un vrai prophète ! Sa mère est remplie de l'Esprit Saint, comme l'a été Marie. L'Esprit Saint se communique à l'enfant qui exulte de joie. C'est Elisabeth qui parle. Plus encore : sous l'effet de l'émotion, donc d'un mouvement intérieur, remplie de l'Esprit Saint, elle s'écrie d'une voix forte « Tu es bénie entre toutes les femmes » !
Vous l'avez peut-être remarqué : Elisabeth n'a pas besoin d'entendre le récit de Marie. Elle est déjà au courant, par un tweet, un sms ou un email, cela n'a pas d'importance. La communication est parfaite, elle est accordée par l'Esprit Saint à la vie qui se manifeste aussi dans sa cousine. Elle est prête à comprendre, à tout comprendre. Elle n'est pas scandalisée de cette grossesse avant mariage.  Elle a tout compris et elle encourage. Plus que cela, elle félicite Marie d'avoir cru.

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Marie a cru puisqu'elle est venue. Le mouvement signe la foi qui déplace les montagnes et donc les gens. Car la foi s'exprime toujours par la mobilité. Entrer dans la foi, c'est entrer dans une relation de confiance qui fait bouger. La foi permet de surmonter la peur du changement, elle communique une confiance qui aide à traverser les moments d'inquiétude. La foi guérit des différentes formes de paralysie. Elle rend mobile et sûr face à l'inconnu. L'homme de foi accepte de ne pas tout contrôler, de ne pas tout comprendre, de ne pas tout maîtriser. Il marche « comme s'il voyait l'invisible », mais il ne le voit pas. « C'est de nuit » Car la vie n'est pas dans la répétition, ni dans l'autonomie mais dans la relation et dans la transmission, dans le changement et le mouvement, dans la confiance et la réciprocité.
Quand on a peur, c'est à dire en l'absence de confiance et de foi, l'on se crispe dans la répétition du même, dans des rituels figés, et la mort n'est pas loin, elle est même déjà là. Toute la Bible est mouvement. Abraham partit nous dit le livre de la Genèse qui précise en insistant : « et il partit, sans savoir où il allait ! » Jésus est toujours en mouvement et personne ne peut le retenir. Les apôtres aussi s'en vont en mission. « Nul n'est prophète en son pays ».

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Pour comprendre cela il est possible de méditer le mystère même de Dieu, un et trois. Au c½ur de la Trinité, disent les théologiens, se trouvent les processions. « Il procède du Père et du Fils » dirons nous tout à l'heure dans le Credo. Le Fils vient du Père, l'Esprit du Père et du Fils. Dieu est mouvement. C'est lui le grand migrant, pas seulement parce que Jésus va fuir avec sa famille d'Israël en Egypte mais parce que le Verbe de Dieu vit un dépaysement radical. Il plante sa tente parmi nous dit l'hébreu. Il prend chair, dit le grec. « Sarx egeneto », il devient un être humain. « Lui qui était de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu » écrit saint Paul (Ph 2). Après demain nous célèbrerons Noël,  « Dieu avec nous », Emmanuel.

4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

En cette veille de Noël, nous aurons peut-être un peu de mal à nous reporter là où l'évangile veut nous donner rendez-vous : dans la maison d'Elisabeth, quelques neuf mois avant la naissance de Jésus.

Nous y voilà, dans la peau même d'Elisabeth, cette vieille femme jusqu'ici stérile mais qui s'apprêtait à enfanter malgré son grand âge le futur Jean-Baptiste, pour mieux nous dire que la fécondité spirituelle ne suit pas les mêmes lois que la fécondité biologique mais peut surgir partout où elle trouverait la foi humble et confiante d'une Elisabeth et d'un Zacharie. Cette fécondité spirituelle est même féconde avant terme. Une simple salutation de Marie, elle aussi féconde au-delà des règles biologiques, et voilà que le futur Jean-Baptiste, en signe avant-coureur d'une trentaine d'années, reconnaît et désigne déjà le futur Messie en bondissant de joie dans le ventre de sa mère. Mais la scène en rappelle une autre aux connaisseurs de l'Ecriture qu'était le public des évangélistes.

Avant de faire entrer l'Arche d'Alliance dans Jérusalem, David, quelques mille ans auparavant, l'avait fait transiter dans une ville de la montagne de Judée (exactement comme dans notre texte) et l'avait confiée à une vieille famille de prêtres (exactement comme dans notre texte) afin de mieux se préparer à la recevoir dans une joie digne de l'événement. Jésus, encore porté par Marie, n'est-il pas -nous suggère Luc- la nouvelle Arche d'Alliance avant qu'elle n'entre à Jérusalem ? Jean-Baptiste ne refait-il pas ici les mêmes gestes que David bondissant de joie devant l'Arche ? Ne sommes-nous pas invités à nous préparer à recevoir le Christ pour ce qu'il est, roi d'une Jérusalem nouvelle, avant même son entrée à Jérusalem et avant même que sa mission ne soit réalisée ? Mais l'évangéliste pousse encore plus loin la subtilité : la bénédiction qu'il met dans la bouche d'Elisabeth s'adressant à Marie « bénie es-tu entre toutes les femmes » est une bénédiction toute célèbre que le judaïsme répétait et répète encore chaque année en souvenir de celle que le peuple hébreu adressa à Judith, cette femme qui, seule, là où les armées d'Israël avaient échoué, sauva tout son peuple d'un anéantissement certain. Voilà qui est Marie, explique Luc à ses auditeurs.

Il faut nous préparer à recevoir Jésus pour ce qu'il est. Il est ce petit enfant fragile comme le représente un peu trop mièvrement nos crèches mais cet enfant fragile est déjà aussi « celui qui doit gouverner Israël », comme nous le rappelle la lecture de Michée. Sa puissance sera de rassembler comme peut le faire le berger. Sa puissance sera aussi de donner la paix à tous les c½urs meurtris par les blessures de la vie. Michée sait de quel rêve il parle tant son époque était celle de ce « délaissement », de cette impression d'être abandonné, seul. C'est bien la première fois que viendrait un roi, non pas pour conquérir des territoires ou terroriser des peuples mais pour les délivrer du délaissement et de la peur.

Comprendre cela va nous demander un fameux retournement, une fameuse conversion des mentalités et va supposer d'ailleurs un nouveau type de culte, non plus formaliste et extérieur mais « en esprit et vérité », la vérité que manifestera nos actes, des actes dictés non par nos caprices et nos instincts mais par l'écoute de la volonté divine. Que nos sucreries de Noël ne nous le fassent pas oublier.

 

4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

QUELLE JOIE DE RECEVOIR LA MÈRE DU SEIGNEUR


Lorsque les évangélistes rédigent leurs livrets (après les années 70), deux mouvements se répandent dans les communautés juives : les uns annoncent que Jésus est le Messie, les autres répliquent que Jean-Baptiste lui est supérieur puisqu'il est apparu le premier sur la scène publique, et que Jésus, venu derrière lui, a été son disciple et a reçu son baptême. C'est pourquoi Luc, en traçant le parallèle entre les 2 enfants, a bien soin de montrer que c'est Jésus, le cadet, qui a sanctifié son aîné.
D'autre part, il semble qu'à la suite de son décès, la figure de Marie prend de plus en plus d'importance. Qui est cette jeune Galiléenne choisie par Dieu et qui a eu un destin hors du commun ? Comment l'accueillir dans la piété et le culte ?...L'évangile de ce dimanche porte l'écho de ces questions. Accueillons MARIE  qui vient nous visiter et nous apporte son fils pour qu'il devienne le nôtre.

MARIE PART EN VISITE

En ces jours là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth.
Il importe de préciser cette notation vague : « ces jours-là », ce sont ceux qui suivent immédiatement l'annonciation. Dans son village perdu, la jeune Marie vient de vivre un événement bouleversant : il lui a été annoncé qu'elle aura un fils qui sera le Messie attendu et, en même temps, on lui a appris que sa parente, Elisabeth, était enfin enceinte. Marie pourrait se cloîtrer chez elle, se replier dans la méditation  mais sans attendre, « en hâte », affrontant les aléas d'un long voyage (Nazareth - Judée : 150 km ?), elle part chez Elisabeth. Non pour vérifier l'exactitude du message reçu ni pour aller se prévaloir de sa dignité supérieure mais pour se mettre au service de son aînée pendant les dernières semaines de sa grossesse. Celle qui vient de murmurer : « Je suis la servante du Seigneur » se voue à présent comme « servante de l'autre ». Son Fils enseignera que le 1er commandement d'aimer Dieu entraîne le second qui est d'aimer son prochain. La foi, parce qu'elle est espérance, suscite une charité qui ne souffre pas de retard.
Luc suggère que Marie agit envers l'autre de la même manière que le Seigneur à son égard : l'Ange est venu à elle : elle va chez Elisabeth ; l'Ange est entré et l'a saluée de son nom : elle fait de même. Elle devient l' « ange » de l'autre c.à.d. l'envoyée de Dieu. Si Dieu s'occupe des hommes, c'est pour qu'ils s'occupent les uns des autres.
Venir à l'autre sans orgueil, le rencontrer dans sa personne, son nom propre, cela suffit. Point n'est besoin de préparations minutieuses, de tenues d'apparat, de manifestations splendides, de discours théologiques. Trop souvent encore l'Eglise croit nécessaire d'impressionner les foules par un cortège de cardinaux rouges comme des homards, des discours interminables, des catéchèses compliquées, dans un faste suranné. Marie, elle, se rend chez l'autre en toute simplicité, sans « virgimobile », elle demande l'accueil, elle salue l'autre par son nom. On ne dit même pas qu'elle apporte des cadeaux. La réussite exemplaire de la scène, c'est qu'elle est rencontre de deux personnes, non encombrées par le culte des choses. Tu es toi, je suis moi. L'essentiel, c'est la Vie que nous portons et Dieu qui nous rassemble.

ELISABETH BENIT MARIE

Alors Elisabeth fut remplie de l'Esprit-Saint et s'écria d'une voix forte : «  Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? Car lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi »
A l'Annonciation, l'ange Gabriel avait dit à Marie : « L'Esprit-Saint viendra sur toi » : comme la Gloire de YHWH remplissait le Temple contenant l'arche d'alliance, ainsi « la fille de Sion » est comblée de l'Esprit : sa présence et sa simple parole suffisent à rayonner cette Puissance divine. Elisabeth, l'aînée, reconnaît qu'elle-même et son enfant sont sanctifiés par l'enfant présent en Marie. Celle-ci est plus que mère d'un prophète : « Mère de mon Seigneur » ! Elisabeth interprète son émotion non comme un étonnement ou un simple plaisir mais comme l' «allégresse », la joie unique et profonde que le Messie devait, dit-on, apporter à tous. C'est bien Jésus, dit Luc, qui a apporté l'Esprit de Dieu à Jean.
« Bénie sois-tu...Béni soit ton enfant » : comme « fille d'Abraham », comme lui, tu as eu le privilège d'être élue de Dieu, non en récompense de tes mérites mais par grâce et dans le but de répandre cette « bénédiction », cet influx de vie qui vient de Dieu et qui, en se communiquant aux croyants, les restitue à Dieu

LE BONHEUR : CROIRE QUE LA PAROLE DE DIEU S'ACCOMPLIRA.

« Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ».
Et Elisabeth « béatifie » Marie : « HEUREUSE ES-TU... ». Elle la félicite à cause de sa foi car elle a reçu un message inouï, bouleversant et, sans exiger de délai de réflexion ni une preuve, elle a fait confiance. Le messager de Dieu n'avait rien dit de l'avenir : le OUI de Marie n'était que le début, indispensable, d'une aventure dont elle ignorait tout. « Voici la servante du Seigneur » : ce n'est pas un aveu de modestie mais le don courageux de soi : je me mets au service de ce dessein de Dieu qui me dépasse, je remets ma vie dans les mains de Dieu qui a sollicité ma liberté.
Ainsi Elisabeth devient la première de la foule immense de ceux et celles qui, à travers l'histoire, vont chanter la gloire unique de Marie. Celle-ci le dira dans son cantique qui clôturera cette scène : «  Tous les âges me diront bienheureuse », heureuse, bénie. Et lorsque, plus tard, une femme écoutant Jésus s'écriera : «  Heureuse la femme qui t'a porté », Jésus répondra : «  Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (11, 27).
On comprend qu'à l'époque de Luc, les communautés perçoivent déjà la grandeur unique de la petite Galiléenne et elles proclament que l'Eglise, jamais, ne cessera de chanter sa foi-confiance.

CONCLUSIONS

A notre dernière étape d'Avent, à quelques heures de Noël, MARIE se présente encore à nous, comme elle survenait chez Elisabeth, si jeune, si fragile, souriante.  Elle appelle chacun et chacune par son nom et nous invite à lui ouvrir notre vie et notre c½ur.  Elle ne porte pas de belle toilette telle une princesse sur un palanquin, escortée de gardes suisses. Allons-nous reconnaître cette VISITATION si humble, nous qui faisons tant de cas de la visite de personnalités de marque et serions vexés d'être vus avec un clochard ?   
Allons-nous enfin surmonter nos peurs et sortir de chez nous pour aller à la rencontre de l'autre ?  Nous n'allons pas bardés de notre science théologique, de notre éloquence enflammée, de notre « sainteté » nickelée : ce qui frappera l'autre, ce n'est pas notre belle apparence, mais de deviner que dans le chrétien parfois mal dégrossi, pataud et maladroit, se cache un secret qui le transfigure.
Laissons entrer Marie : elle vient nous saluer, nous partager son secret, sa joie, nous servir afin que, en nous, s'éveille ou se réveille notre propre vocation. Pas de jalousie ni de rivalité : certains ont une vocation plus étourdissante, plus spectaculaire, d'autres une responsabilité plus discrète, plus cachée. Mais le bonheur est de s'étreindre comme ces deux pauvres femmes enceintes qui riaient et sanglotaient d'allégresse. Elles sont les premières choisies  de même qu'à la fin de l'Evangile, Marie-Madeleine et les autres seront les premières à  pénétrer le mystère de la résurrection, les premières à aller dire aux apôtres que Jésus est vivant.
L'icône de la Visitation est la plus apte à nous guider dans nos préparatifs de Noël : amas de choses ou rencontres de personnes ? ivresse d'alcool ou allégresse de foi ?...

3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

QUE  FAUT - IL  FAIRE  ?...

Ecrasé et exilé à Babylone, rentré sur sa terre mais pour être occupé par les Perses, puis les Grecs puis les Romains, le peuple d'Israël se lamentait pendant des siècles sur ses désastres successifs et l'interminable silence de Dieu qui n'envoyait plus de prophètes comme jadis. Or voici qu'apparaît enfin un envoyé de Dieu : sur les bords du Jourdain, à la frontière, Jean appelle à la conversion et confère le baptême. L'évangile de ce dimanche poursuit la présentation de sa mission.
Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : «  Que devons-nous faire ? ». Jean leur répondait : «  Celui a deux vêtements, qu'il partage avec celui qui n'en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu'il fasse de même ! »?Des publicains (collecteurs d'impôts) vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? ». Il leur répondit : «  N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé ».
A leur tour, des soldats lui demandaient : «  Et nous que devons-nous faire ? » ; il leur répondit :
«  Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde ».

Si, à Qumran, on triait les candidats selon des critères très stricts, Jean, lui, baptise tout le monde. Toutefois le baptême n'est pas un rite magique qu'il suffit de recevoir pour être sauvé : l'acte de passage par l'eau symbolise et appelle un changement de comportement. Un baptisé sincère doit regretter ses fautes, renoncer à mener sa vie à sa guise et humblement demander : « Que dois-je faire ? ». Cette démarche est pour lui une bonne nouvelle puisqu'il apprend ainsi que rien n'est jamais joué, que le plus lourd passé n'enferme pas dans une prison définitive. Il reste que le rite engage à une conversion coûteuse : « Apprenez-moi comment je dois vivre ».
Luc donne trois exemples de réponses : renoncer à sa cupidité et son égoïsme pour écouter les appels des pauvres et aller à leur secours ; être honnête en affaires, ne pas être corrompu ; ne faire violence à personne, ne pas profiter de son pouvoir mais l'utiliser au service des faibles. Ces prescriptions laconiques balisent le chemin d'une existence nouvelle.

IMPUISSANCE DE JEAN  :  L'ANNONCE DE JESUS

Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie. Jean s'adressa alors à tous : «  Moi, je vous baptise avec de l'eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint et dans le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas ». Par ces exhortations et bien d'autres encore, Jean annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

Ce Jean à la haute stature et au verbe fort impressionnait : ne serait-il pas le Messie qui doit venir nous libérer ? A cette question qui commence à courir parmi le peuple, le Baptiseur apporte un démenti formel. Ce qu'il fait - exhorter à reconnaître ses fautes, demander la plongée dans l'eau, donner des conseils de morale - est important mais ce n'est qu'une ½uvre préliminaire, préparatoire. Quelqu'un va apparaître, non nommé, mais qui dispose d'un pouvoir infiniment supérieur. Entre Jean et Jésus, il y a un abîme, une différence plus grande encore qu'entre un maître et son esclave agenouillé à ses pieds pour lui rendre un menu service.

LE BAPTEME DANS L'ESPRIT

« Il vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu » : telle sera l'½uvre essentielle que Jésus va accomplir et dont il est seul capable. Tous les prophètes, de Moïse à Isaïe, de Jérémie à Malachie et Jean-Baptiste ne pouvaient qu'enseigner, reprendre, moraliser, exhorter, menacer. Ils transmettaient les lois de Dieu sans donner la force de les accomplir. Devant eux, les gens ne pouvaient qu'écouter, approuver, promettre d'obéir mais ILS N'AVAIENT PAS LE MOYEN ET LA FORCE D'OBEIR ET DE DEMEURER FIDELES A LEURS ENGAGEMENTS.

Cette prise de conscience de l'incurable faiblesse humaine et de la nécessité d'une force divine s'était levée après l'épreuve de l'exil (vers 500 avant J.C.) : Jérémie et Ezéchiel (ou leurs disciples) avaient promis une Nouvelle Alliance qui ne serait pas différente par son contenu mais par sa puissance interne d'animation.
« Des jours viennent - oracle de YHW - où je conclurai avec la communauté d'Israël une NOUVELLE ALLIANCE. Elle sera différente de l'Alliance que j'ai conclue avec leurs pères quand je les ai pris par la main pour les faire sortir d'Egypte. Ils ont rompu mon Alliance...Je déposerai mes directives au fond d'eux-mêmes, les inscrivant dans leur être » (Jér 31, 31-33)
«  Je ferai sur vous une aspersion d'eau pure et vous serez purs...Je vous donnerai un c½ur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; j'enlèverai de votre corps le c½ur de pierre et je vous donnerai un c½ur de chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes » (Ez 36, 25-27)

Jean reconnaît ses limites : sa grandeur est de montrer celui qui va enfin réaliser cette promesse. Mais, dans son intuition eschatologique, Jean lie le don de l'Esprit et la fin du monde : reprenant des images des prophètes, il annonce la venue du Messie comme un Feu terrifiant qui va dévorer les impies, ou comme le Moissonneur de Dieu qui déclenche le règlement final.
Jésus, on le sait, viendra effectivement donner l'Esprit-Saint à ses disciples mais il renverra la « moisson » des hommes dans des temps lointains. Le temps du Messie - c'est le nôtre - introduit un intervalle entre sa venue et son retour en Gloire - temps nécessaire au respect de la décision libre de l'homme, temps de l'extension universelle de la mission. Pour l'heure, il ne sera pas un Messie écrasant et condamnant. Au contraire, il dira : « Venez à moi : je suis doux et humble de c½ur » ; il courra vers les pécheurs - Matthieu et Zachée, des voleurs ; Marie, la pécheresse...- pour leur offrir la miséricorde ; il donnera sa vie sur la croix pour qu'enfin les hommes rejettent l'image d'un Dieu implacable et découvrent le Père qui accueille le larron repentant et le fils prodigue.
Le Feu de la Pentecôte consumera la lâcheté des apôtres et les enflammera pour annoncer la Bonne Nouvelle.

Les quatre évangélistes commencent leur récit par l'½uvre préliminaire de Jean. Il était indispensable qu'il paraisse, appelle à la purification, au passage par l'eau et rappelle les grands commandements. Mais le seul et unique Sauveur, celui qui peut nous « faire passer » dans de nouvelles possibilités, celui qui nous communique l'Esprit d'amour qu'il reçoit de son Père, c'est celui qui vient après Jean.

N'y a-t-il pas encore un certain nombre de chrétiens qui en sont restés à la religion de Jean ? Par coutume, ils demandent le baptême sans trop s'informer sur les attitudes qui en sont les conséquences. D'ailleurs ces prescriptions de l'Eglise leur apparaissent toujours comme des commandements contraignants auxquels il faudrait peut-être obéir mais on n'en a pas la force. Jean-Baptiste, aujourd'hui encore, dénonce cette croyance scolaire et les presse de la quitter pour « passer sur l'autre rive », là où se trouve Celui qui vient, qui est toujours en train de venir, qui répète l'enseignement de Jean en même temps qu'il communique le Souffle de Dieu, la force d'amour qui change l'obéissance forcée en désir de faire. Par le feu de l'Esprit, le croyant se sent porté par une force nouvelle : ce qu'il croyait hors de sa portée devient plus facile, il s'élance vers ce qui lui répugnait, il reprend avec courage ce qu'il avait abandonné par lassitude.
Noël est pour nous une nouvelle occasion de rencontrer « Celui qui est plus puissant » et qui paradoxalement ne se présente pas d'abord comme un prédicateur sévère mais comme un nouveau-né. Devant lui, chacun sait « ce qu'il doit faire » : s'émerveiller, le contempler, le porter, le protéger, l'aider à grandir, le montrer aux hommes. Alors le Feu de l'Esprit rayonnera sur la moisson des hommes qui mûrissent au soleil de l'amour de Celui qui est venu non pour condamner mais pour guérir et sauver.
Noël est vrai quand il signe notre re-naissance.

3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Les lectures de ce 3° dimanche de l'Avent nous invitent à la joie. Traditionnellement, ce dimanche était appelé « Gaudete » (réjouissez-vous).
L'invitation à la joie chez Sophonie éclate en fait dans un ciel bien sombre. Sophonie écrit dans le courant du 7° siècle (avant notre ère) à une époque où l'Assyrie dominait toute la région d'une main « de bronze ». Cette domination militaire était doublée d'une domination culturelle : l'Assyrie était parvenue à réintroduire du polythéisme en Juda et en Israël. Beaucoup de Judéens, par réalisme, s'étaient rangés sous le modèle assyrien. Le livre de Sophonie se présente comme une suite d'imprécations, de condamnations, d'oracles contre les puissances étrangères, certes, mais aussi contre les collaborateurs de l'intérieur (les chefs, les faux prophètes et les marchands). L'extrait que nous venons d'entendre vient tout à la fin et est en rupture totale avec le reste du livret. Il s'adresse en fait au « reste d'Israël » (le petit reste humble et fidèle, pauvre et faible). Il est une promesse, une vision.
Pour le christianisme, cette promesse est réalisée en Jésus-Christ, par sa naissance même. C'est pourquoi l'Eglise nous invite à nous réjouir de cette naissance comme Sophonie se serait réellement réjoui s'il avait connu ce roi-Messie qu'il appelait de ses v½ux. Mais pour vivre cette joie, nous devons prendre conscience du renversement radical, de la rupture qu'introduit la présence de ce Seigneur Dieu, roi d'Israël, par rapport aux habitudes du « monde ». Les habitudes du « monde » du temps de Sophonie sont stigmatisées par lui-même dans son livret. Quelles sont ces « habitudes du monde » à notre époque, en contradiction avec le Royaume de Dieu ? Chaque génération doit refaire ce travail d'analyse et chaque chrétien doit le refaire pour lui-même. Nous ne pouvons pas nous laisser-aller, adopter le modèle ambiant de la société ni les modes idéologiques « pour être dans le vent ». Il nous est demandé « d'être en Jésus-Christ », comme le dit St Paul. Si nous gardons notre c½ur et notre intelligence en Jésus-Christ, nous nous rendrons compte de la rupture et nous connaîtrons cette joie qu'entrevoyait Sophonie.
Cette joie n'est pas une affaire de ripailles, de flots de boisson. Cette joie est sérénité. Mais pas seulement une joie intérieure, privée mais une sérénité qui puisse être connue par tous les hommes, nous précise l'épître. Mais d'où nous viendrait cette sérénité ? alors que dans notre monde -comme à l'époque de Sophonie- tout est là pour nous agresser physiquement, moralement et spirituellement. Ne pas craindre, nous dit Sophonie, relayé par Paul. Dans leur bouche, il ne s'agit pas d'un pieux conseil d'autosuggestion psychologique. Il s'agit de se soustraire à certains mécanismes du monde pour qu'ils n'aient plus prise sur nous, qu'ils ne puissent plus être moyen de chantage, de nous faire faire ce à quoi une conscience chrétienne répugnerait. D'autres passages de la Bible nous parlent de la nécessaire crainte de Dieu, ce qui pourrait nous sembler contradictoire. Mais « craindre Dieu », ce n'est pas trembler toute la journée devant son crucifix, c'est -dans la ligne du texte de Sophonie- ne pas craindre ce qui n'est pas Dieu (se libérer donc de toutes les craintes du monde).
Le texte de l'évangile nous parle du baptême proposé par Jean le Précurseur. Les gens s'y montrent tout disposés. Ils ont bien compris le renversement, la rupture, la conversion que cela supposait. En cela, les temps sont prêts pour accueillir un Messie tel que souhaité par Sophonie et les prophètes. Les gens demandent : « Que devons-nous faire ? », la seule vrai question pratique après tous les raisonnements. Le fait que différents cas soient présentés et qu'un conseil approprié à chaque cas soit donné est une première leçon : Jean le Baptiste ne propose pas de grands slogans ; il propose des conseils concrets, proches des gens. La teneur même de ces conseils est une autre leçon : les directives n'ont rien d'extraordinaire ni d'impossible. Jean le Baptiste n'exige pas des gens de se renier eux-mêmes, ni leur métier, ni de sacrifier leur vie (ou celle des autres !) pour une quelconque cause révolutionnaire. Jean ne leur propose pas quelque chose ; il leur indique Quelqu'un « de plus puissant », mieux à même de nous aider à lutter contre les puissances de ce monde. Car la vie éthique suivant la voie de Dieu est, en effet, un combat : tout n'est pas égal ; il y a du bien, il y a du mal ; et il faut choisir ! Et pour faire ces choix, difficiles, il faut être solide. Nous le serons si nous nous adossons à « plus puissant que nous ». Ce n'est pas en nous réfugiant dans une bulle protégée que nous devons trouver la sérénité. Nous devons la trouver au milieu du combat.
Ayant trouvé nous-mêmes la sérénité et la joie dans la présence de Dieu, nous devrons encore apporter cette sérénité, cette « paix qui dépasse toute imagination » à tout notre entourage, à ce monde inquiet et tourmenté.

2e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Aujourd'hui, comme bien souvent, l'Ecriture ne manque pas d'humour.  L'évangéliste énumère tous les puissants personnages politiques et religieux de son époque, à commencer par l'empereur à Rome, le gouverneur romain de Judée, les princes locaux de Palestine, pour finir avec les grands-prêtres de Jérusalem.  On a l'impression que l'évangéliste se dresse au milieu de la place publique et s'apprête à annoncer une grande nouvelle qui va bouleverser le monde.  Et voilà que c'est tout simplement un ermite qui est la vedette : un homme seul, sale, vivant en dehors de la société.  Et cette solitude, cet isolement est renforcé par le passage suivant, tiré du prophète Isaïe : « dans le désert, une voix crie ».  Une voix qui crie dans le désert, ça sert à quoi ? Si quelqu'un fait sa crise, on le conduit dans un endroit désert.  Là, il peut se défouler et il ne dérange personne.

Et pourtant, Jean-Baptiste aura toujours vécu dans le désert, dans le désert de l'incertitude.  « Est-ce que je me suis trompé ? », voilà bien la question qu'il se posera à la fin de sa vie.  Il est jeté en prison, il est menacé, il mourra à cause du caprice d'une femme.  Alors, il se demande : « cet homme que j'ai vu au bord du Jourdain, j'étais sûr que c'était lui que tout le monde attendait.  Mais voilà que rien ne se passe.  Rien de ce qu'on attendait ne se réalise, comme prévu. » Alors, il envoie à Jésus quelques-uns de ses disciples pour lui demander : « es-tu celui qui doit venir ou doit-on en attendre un autre ? »

Pour lui, comme pour chacun d'entre nous, se pose la question de la fidélité ou de l'entêtement.  Me suis-je trompé ? Est-ce que je reste par fidélité ou par entêtement ? Il est vrai que, pendant certaines périodes de notre vie, nous sommes restés par entêtement.  Il n'y avait plus aucune joie.  Il n'y avait même plus d'espoir d'amélioration.  C'était le sombre cachot du désespoir.  Mais, la fidélité, c'est beaucoup plus que cela.  L'entêtement, c'est pour les choses mesquines : « à Noël, on mettra un napperon rouge sur la table parce que c'est comme ça et qu'on l'a toujours fait. »  La fidélité, c'est pour quelqu'un, mais parfois on réduit son conjoint, on réduit Dieu à une caricature de lui-même.  Il était beau, fort et intelligent.  Maintenant, il est chauve et ronchon.  Est-ce que je me suis trompé ?  Comment le savoir ?  Peut-être en ayant le courage de faire comme Jean-Baptiste.  En allant demander : qui es-tu ? Qui es-tu pour moi ? Et c'est ainsi qu'on comprend mieux le début de cet Evangile.  C'est dans le dépouillement de nos fausses certitudes qu'on peut retrouver la vérité sur nous-mêmes, sur Dieu, sur les autres.  C'est dans le dépouillement de sa gloire céleste que Dieu a manifesté la splendeur de son amour.  Alors, à cette approche de Noël, dépouillons-nous de toutes les fausses formes de gloire et de certitude pour retrouver la vérité de notre existence : être des enfants De Dieu, créés, aimés et sauvés pour l'éternité.

2e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Luc ouvre son récit du ministère de Jésus presqu'à la manière des grands historiens de l'Antiquité en mentionnant l'année du règne de l'empereur romain en exercice. Mais, dès la seconde ligne, on sent que sa préoccupation est déjà tout autre. Les personnages de référence qu'il cite (Pilate, Hérode, Anne et Caïphe, ...) sont ceux qui interviendront dans la Passion du Christ et donc la préfigurent déjà. Avec la mention, en 3° ligne, d'un certain Jean, fils d'un certain Zacharie, criant dans le désert, on a l'air de décrocher tout à fait par rapport à l'histoire universelle. Du point de vue de la dynamique du récit évangélique lui-même, si l'on veut préparer le terrain pour annoncer une nouvelle capitale, est-ce bien malin de confier une telle mission à un de ces prédicateurs hirsutes de grand chemin ? Si l'on veut qu'une nouvelle se propage au plus vite, est-ce bien malin de commencer par le désert plutôt que par les villes et les marchés ? Il y a bien sûr un message dans cette manière de présenter les choses (et dont elles se sont vraisemblablement passées). La référence à ce Jean « proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés » manifeste l'ancrage dans la grande tradition prophétique « rebelle », celle d'Isaïe, de Jérémie, d'Ezéchiel (Baruch relevant de la tradition de Jérémie). La référence au désert fait lointainement allusion à ce temps de préparation que constitua l'expérience de l'Exode, temps d'intimité avec Dieu, loin des soucis et préoccupations des affaires courantes du monde. Elle fait plus directement allusion, avec Isaïe et Baruch, à une autre expérience fondatrice du Peuple de Dieu, celle de l'Exil. Il s'agit là, après 70 ans à Babylone, de revenir à Jérusalem, ce qui est une perspective propre à remplir de joie, d'enthousiasme et donc d'entrain. La distance entre Babylone et Jérusalem est cependant grande (plus encore au sens symbolique qu'au sens géographique) et le désert à traverser n'est qu'un parcours d'obstacles. Dans l'enthousiasme d'un retour proche, ces obstacles ne devraient n'avoir rien d'infranchissables. C'est au niveau de leur sens moral qu'ils pourraient se révéler plus difficiles à franchir. Ce sont en effet nos comportements qui creusent les ravins, grossissent les montagnes, rendent les chemins tortueux. Ce ne serait d'ailleurs pas non plus la peine de retrouver Jérusalem si c'était pour y refaire ce qu'on y faisait avant, si c'était pour se laisser ré-accaparer par les affaires courantes et en oublier Dieu. Retrouver Jérusalem, retrouver le vrai culte dans le vrai Temple, suppose d'y retourner converti, avec un autre regard, dans de nouvelles dispositions. Il va sans dire que le sous-entendu de l'évangile est celui-ci : cette fois, c'est Jésus qui va être cette nouvelle Jérusalem, ce nouveau Temple. C'est en lui « que tout homme verra le Salut de Dieu ». Il faut s'y préparer. Cela demandera un effort de conversion. Mais c'est une grande joie qui nous attend.
La communauté des chrétiens de Philippes avait été, à cet égard, exemplaire. Paul les félicite et les encourage à faire toujours de nouveaux progrès. L'attente du « jour où le Christ Jésus reviendra » constitue le nouvel horizon. Il faudra un certain temps à la jeune Eglise pour comprendre en quel sens « le Christ viendra ». La tension entre le « déjà là » et le « toujours encore à venir » est la condition même du chrétien et fait la spiritualité de ce temps d'Avent. 

2e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

COMMENT FAIRE LE PASSAGE ?

En rédigeant son évangile dans les années 85, Luc prend soin de préciser qu'il ne raconte pas une fable mythologique, une légende à portée morale ou spirituelle. Ses personnages ont bel et bien existé et sont situés dans l'histoire du monde: cela se passait, dit-il, dans la 15èmeannée de Tibère, successeur d'Auguste et empereur de 14 à 37; Ponce Pilate était préfet de Judée (26 à 36) - comme l'atteste l'inscription sur la pierre découverte à Césarée en 1961 ; Hérode Antipas, fils d'Hérode le Grand, gouvernait la Galilée (-4 à 39) et son frère Philippe, l'Iturée (-4 à 34) ; un certain Lysanias dirigeait la région d'Abilène, au nord-est d'Israël (serait-ce le pays de Luc ?). Au plan religieux, le grand prêtre Hanne avait été déposé et son gendre, Caïphe, exerçait la fonction suprême au temple de Jérusalem (de 18 à 36).
A partir de ces notations chronologiques, le moine Denys, au 6ème siècle, fixa l'année de naissance de Jésus afin d'établir le calendrier chrétien. On sait aujourd'hui qu'il s'est trompé et que Jésus est né 5 ou 6 ans auparavant (ça ne nous rajeunit pas !).
Le christianisme est donc une religion historique, non une sagesse intemporelle ni une fuite du monde. La piété chrétienne n'est pas évasion dans une fausse mystique ; la méditation chrétienne n'est pas « faire le vide dans sa tête » ; l'ascèse chrétienne n'est pas mépris du corps, anorexie, maîtrise totale des réactions, indifférence aux circonstances. La foi se vit dans telle nation, sous tel régime politique...

LE CHEMINEMENT DE JEAN

Dans ses deux premiers chapitres, Luc a tracé un parallèle entre les annonces et les naissances de Jésus et de Jean et, à propos de ce dernier, il a fait une remarque curieuse :
«  Il grandissait et son esprit se fortifiait : et il fut dans les déserts, jusqu'au jour de sa manifestation à Israël »     (1, 80).
Fils du prêtre Zacharie, Jean aurait dû, comme son père, suivre la formation et devenir prêtre au temple de Jérusalem mais il semble avoir renoncé à ce sacerdoce héréditaire, aux liturgies et aux sacrifices d'animaux. Serait-il devenu membre de la communauté essénienne de Qumran, célèbre depuis la découverte en 1947 de sa bibliothèque, les « manuscrits de la Mer Morte » ? En effet, environ un siècle auparavant, un groupe de prêtres, emmenés par le « Maître de Justice », avait rompu avec le temple dont ils n'acceptaient pas les modifications de calendrier qu'on y avait imposées. « La communauté de l'Alliance » regroupait les « purs » appliqués à l'étude incessante des Ecritures, voués à une existence ascétique, tendus dans l'attente du ou des Messie(s) et symbolisant leur recherche de purification par la pratique d'ablutions et de bains quotidiens.
Mais Dieu avait un autre dessein pour Jean : non prêtre au temple, ni « moine » dans la solitude, il est subitement frappé par un appel de Dieu qui l'envoie comme prophète dans le monde et Luc reprend pour lui l'expression utilisée pour Jérémie : « La Parole de Dieu fut sur Jean, fils de Zacharie ».
On ne comprend pas toujours tout de suite sa vocation et certains suivent des chemins très variés. L'essentiel est de poursuivre sa recherche avec bonne volonté en tentant de percer les desseins de Dieu et en répondant à ses appels.

LES TROIS EXODES

Jean va donc commencer sa mission : cette « manifestation » marque une étape capitale dans l'histoire du monde - d'où les notes chronologiques données par Luc au début.
« Jean parcourait toute la région du Jourdain ; il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés ».
Jean a remonté un peu la vallée du Jourdain, dans les environs de Jéricho, et il circule sur la rive orientale (comme le précise Jean 1, 28), lieu de passage important pour les caravanes vers la Transjordanie. Il annonce la purification des c½urs et le pardon de Dieu non plus par les liturgies fastueuses ni par des ablutions toujours répétées. Il appelle à se dévêtir et à traverser le gué du fleuve ; c'est lui qui a l'initiative de ce baptême (mot qui signifie « bain ») qui n'est donné qu'une fois et qui comporte l'engagement à la « conversion », au changement de vie.
Cet emplacement choisi par Jean et ce « passage » n'ont rien de banal car jadis c'est dans cette région qu'étaient parvenus les esclaves hébreux libérés de l'esclavage égyptien et leur guide Moïse y était mort. Le peuple passa le Jourdain sous la conduite de Josué (en hébreu même mot que Jésus !!) mais ne parvint jamais à observer les lois de Dieu. L'Exode avait été la grâce fondatrice d'Israël mais celui-ci n'avait pu dès lors obéir à la Loi de son Dieu.

Or, quelques siècles plus tard, en -587, Jérusalem et le temple furent détruits, le roi et la population déportés à Babylone ; mais en -538, un prophète se leva et proclama la bonne Nouvelle du prochain retour, un nouvel « exode » qui serait encore plus merveilleux que le premier. Et de façon poétique, il invitait à réfectionner la route afin de permettre un retour triomphal :
« Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les routes déformées seront aplanies ; et tout homme verra le salut de Dieu » (Is 40, 3-5)
Las, on sait que, comme le premier exode, ce retour ne conduisit pas à la réussite : Israël continua à être infidèle à la Loi de son Dieu et les occupations étrangères manifestèrent qu'il n'était quand même pas un peuple libre.

Voici donc qu'à présent, à la frontière du pays, là où les tribus se présentèrent, Jean propose son baptême comme un 3ème « exode ». Cette fois, il ne s'agit plus d'une sortie hors d'un pays étranger oppresseur pour rentrer dans sa propre terre mais d'une conversion vue comme une « rentrée » dans son vrai moi- puisque le péché est une « sortie » hors de soi.
L'événement ne concerne plus seulement un peuple particulier : maintenant le passage d'eau est proposé à tout être humain pour qu'il sorte de la domination du mal et passe dans le monde de Dieu. L'exode n'est plus local mais spirituel ; il n'est plus ethnique mais universel. Le salut ne vient plus par des liturgies et des sacrifices d'animaux (le temple). Ni par une fuite hors du monde et des ablutions successives (la communauté du désert). 
Et Luc montre bien que la mission de Jean est dans la ligne du retour d'exil en reprenant à son sujet la citation du « 2ème Isaïe » qui avait proclamé cette bonne nouvelle  (cf. ci-dessus) :
Jean proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe : « Préparez le chemin du Seigneur, etc..... ».

La Bonne Nouvelle du retour se comprend désormais au niveau de l'intériorité : celui qui demande le baptême s'engage à « passer sur l'autre rive », à laisser Dieu venir à lui en comblant les fossés des désespoirs, en quittant les ornières des habitudes, en rabotant les élévations de l'orgueil, en rectifiant les conduites sinueuses et perverses. Alors « tout humain verra le salut de Dieu ». Mais le chrétien sait déjà que « le salut » n'est pas un état de perfection, un idéal à construire, un chemin à tracer par ses propres forces. Il faudra dépasser cette tentative de Jean et passer par « le baptême de Jésus »
Car ce qu' « on verra », ce ne sera pas « le salut » mais « le SAUVEUR », quelqu'un, Jésus, devant lequel Jean va s'effacer, comme on le dira dimanche prochain.

Qui, dans ma vie, a joué le rôle de « précurseur » de Jésus ? Je rends grâce pour tous ceux-là qui me l'ont fait connaître. Je reprends conscience de l'importance de mon baptême : décision de reconnaître ses fautes et désir de « passer » afin de mener une vie nouvelle.
Sein maternel, enfance, adolescence, âge adulte, vieillesse, mort... : le chemin de l'homme n'est-il pas une succession de « passages », de sorties de prison, de naissances à la Vraie Vie ?...

1er dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

La fin du monde est annoncée pour ce mois-ci et l'Evangile semble s'accorder à cette prévision. Tous les âges de l'histoire l'ont d'ailleurs perçue comme imminente. La précarité du monde a toujours été ressentie avec intensité et dans l'angoisse. Jésus insiste sur ce point. « Les hommes, dit-il, seront morts de peur ». Tout sera déstructuré, plus de temps, plus d'espace organisé : des signes dans le ciel, le soleil, la lune, les étoiles ; sur terre la panique ; sur la mer, la tempête. Il n'y aura plus de repères extérieurs pour s'orienter, comme cela peut arriver dans notre vie au c½ur de certaines grandes épreuves personnelles, quand tout semble nous abandonner, nous échapper, quand on ne sait plus où donner de la tête ni à quel saint se vouer. Il n'y aura plus de repères collectifs non plus comme en période de guerre, de catastrophe climatique ou nucléaire, comme en période de crise sociale aigüe. Et face à ce chaos généralisé : le Fils de l'Homme, comme unique référence d'organisation, de stabilité, d'humanité. Cela rappelle la Genèse, quand la terre était informe et vide. Il y a un rapport entre la fin de l'histoire et son commencement, entre le chaos final et le chaos primitif sur lequel Dieu a parlé et à partir duquel le Verbe créateur a organisé, structuré le cosmos, en l'harmonisant, en l'humanisant. A la fin de l'histoire, tandis que le monde est un nouveau chaos, le Créateur survient pour une nouvelle création, pour une re-création.

Il faudra vivre cette crise : sans continuité entre ce monde tel qu'il va et la manifestation du Ressuscité. Le monde nouveau n'est pas présenté ici comme le fruit de nos efforts ni de nos travaux. Il ne dépend pas de nous, il ne nous appartient pas, nous ne le contrôlons pas. Il survient librement, autrement. Et la rupture n'est pas seulement celle d'un monde d'en bas d'avec un monde d'en-haut, ou du monde matériel avec le monde spirituel. C'est le passage de l'avant à l'après. Ce qui était avant se décompose et se détruit. Cela ne se fait pas dans la douceur, comme un accomplissement progressif mais dans la tension, l'angoisse, la peur.?L'enfantement du futur est douloureux. C'est dans un contexte de catastrophes et d'effondrements que survient la nouveauté radicale que nous attendons, que nous devrions espérer. Comment s'en réjouir ? Sinon en adoptant l'attitude d'esprit de ceux qui n'ont rien à perdre, tout à gagner ; en ayant l'attitude de c½ur de ceux qui sont aimantés à ce point par Celui qui vient, que les convulsions du monde leur paraissent normales et même libératrices. Comment le Ressuscité pourrait-il en effet se manifester dans le monde tel qu'il va, sans faire tout exploser ? Sans faire craquer les structures d'égoïsme, de mensonge, de lâchetés collectives, tous les systèmes plus ou moins conscients d'exploitation et d'asservissement ? Les pauvres et les humiliés le comprennent naturellement. « Redressez-vous et relevez la tête car votre délivrance est proche ! »

La tentation serait de courber le dos, de se replier sur soi, dans un monde protégé. La tentation serait de s'isoler. Mais il s'agit de surmonter ses peurs pour s'avancer bien droit, dans une souveraine liberté.
Car il s'agit de liberté et d'une vraie liberté. Il s'agit d'être libre en son dedans, à l'intérieur de soi, sans cette dépendance qui enchaîne avec des références aliénantes extérieures, non assimilées. Car on peut vivre sans chaîne, mais sans liberté non plus. Il s'agit bien de libérer notre intérieur, cette source de vie qui est en notre c½ur, comme un mystère qui nous constitue et qui nous échappe à nous aussi. Il s'agit de trouver en soi comment aller et où aller vraiment : décider de ce que l'on fait, évaluer et soutenir ce que l'on fait sans jamais emprunter une quelconque évidence, parce qu'il n'y a plus d'évidences. Les repères extérieurs, qu'ils soient dans le ciel, sur la mer ou sur la terre, se sont décomposés. Comme dit Jean de la Croix, il n'y a plus de chemin. Il n'y a plus de modèles tout faits. « El camino se hace al andar » , c'est en marchant que l'on trace le chemin. C'est en vivant librement que l'on invente le modèle.?Dans le chaos général que provoque l'approche de la grande révélation finale, se manifeste l'exigence d'un autre type de présence à soi et à l'extérieur de soi, voici qu'apparaît le Fils de l'Homme, l'en-avant de l'Homme, l'homme à la fois souverainement libre et harmonieusement relié, ressuscité, premier né d'entre les morts, premier mutant de vie définitive, sur laquelle la mort n'a plus aucun pouvoir.

Se tenir sur ses gardes, ce n'est pas vivre l'angoisse dans une hyper vigilance, mort de trouille et à l'écoute du moindre bruit. Se tenir sur ses gardes, ce n'est pas se replier dans une fidélité au passé pour se recroqueviller dans la pseudo sécurité d'un monde à part et dépassé. Se tenir sur ses gardes, c'est vivre debout, comme le Ressuscité, comme ceux qui reviennent de la mort et n'ont plus peur de rien.