Mes amis, qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ? J'ai tapé « Noël » sur Google et j'ai trouvé comment visiter l'atelier du Père Noël, rencontrer des petits lutins. J'ai vu les marchés de Noël, les boules colorées, les guirlandes et les sapins. J'ai vu les recettes de cuisines, les idées de cadeaux ... vraiment tout, sauf... ce que nous dit l'Evangile ! Alors je pose la question : qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ?
Que disent ces rues illuminées, ces vitrines décorées, ces places enrubannées, le chocolat chaud, les odeurs de cannelle et de fleur d'oranger ? Serait-ce seulement la fête pour les petits enfants ou pour les commerçants ? Serait-ce pour célébrer la joie de vivre tout simplement, emmitouflés au plus fort de l'hiver, parce que les jours vont commencer à rallonger ? Serait-ce un devoir familial annuel, un impératif de retrouvailles à vivre le mieux possible, de bons moments à partager, quelques heures volées collectivement dans une année chargée ? Noël est bien sûr tout cela mais certainement plus encore.
Alors, qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ?
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Certains d'entre nous ici, ont vécu Noël en Afrique, en Amérique, du nord ou du sud, d'autres en Asie ou au Moyen Orient... J'ai vécu Noël au Pérou. Je me souviens des rudes policiers en pleine guerre civile, qui s'enorgueillissaient d'avoir gagné le concours des crèches de Noël... Nous pourrions échanger nos expériences, dire les multiples coutumes, les repas traditionnels : la dinde, la carpe ou le cochon ; les marrons glacés, les bananes frites, les fruits confits, les grosses fourmis grillées... nous avons goûté de tout ! Et nous pouvons en témoigner : partout, que ce soit sous un manteau neigeux ou sous un ciel de plomb, sur tous les continents, deux milliards de chrétiens fêtent Noël aujourd'hui, entrainant l'humanité incrédule dans une sorte de rêve éveillé. L'heure est à la fête et à la joie, à la famille et à l'amour, aux bras grand ouverts pour la prière et l'amitié. L'heure est à la plus grande simplicité, à l'enfance retrouvée. L'heure est à l'espérance que tout ce qui est en germe, presque physiquement palpable cette nuit, devienne permanente réalité.
Qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ?
C'est sensible et en même temps c'est indéfinissable. Ce n'est pas tous les jours Noël ! Il y a un charme particulier à ce jour unique : un silence habité, comme un enchantement qui manque les autres jours. Comme si soudain, tout était possible, enfin : la trêve dans les tranchées, la paix dans les familles, la joie dans le c½ur des vieillards, dans les yeux des enfants. Une parenthèse d'harmonie, quelque chose d'enivrant, de très fort et de très convaincant, comme un parfum qui se diffuse, une musique qui invite à danser. Noël, comme un arrière-monde, toujours présent mais qui pointe le nez et qui clignote, qui nous rend visite et nous fait signe, seulement une fois par an. Pour stimuler notre imagination, pour suggérer un programme alternatif, à portée de main, si tout le monde voulait bien, si tous ensemble on se décidait une bonne fois, à croire l'impossible possible, et vrai : Noël, un trou dans le ciel, une étoile suspendue, un clin d'½il d'éternité... un super cadeau qui peut changer la vie, sans qu'on ait rien à faire d'autre que d'acquiescer.
Car nous le sentons bien, Noël n'est pas simplement pour les optimistes ni pour les gens heureux. Noël n'est pas une affaire de pensée positive. C'est de l'ordre de l'expérience : une émotion qui monte de l'inconscient collectif, le partage d'une étonnante humanité.
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Et pourtant, nous le savons bien, certaines personnes le vivent mal. Elles attendent ce jour et le redoutent tout aussi bien. Malades ou isolées, elles en viennent parfois à détester Noël. Noël remet à vif les blessures cachées, la famille que l'on n'a pas eue ou celle que l'on n'a plus, la nostalgie d'amours perdues, le sentiment d'abandon. Pourquoi réveiller tant de souffrances ? Les vieilles plaies, les meurtrissures se remettent à saigner.
Noël, pour être Noël, doit pouvoir combler, ne serait-ce que l'instant d'un sourire, tous ceux que la vie a marqués, tous ceux que la vie a creusés. Noël, pour être Noël, doit faire renaître l'espoir, doit sauver l'espoir. Noël, pour être Noël, doit répondre à l'attente exacerbée de la création blessée. Parce que la frustration est à la hauteur de ce qui doit venir... elle dit, en vide, en creux, l'inconcevable qui doit être conçu, l'inaccessible qui doit se rendre proche, l'invraisemblable consolation qui ne peut plus tarder. Le manque est à la mesure de l'amour infini, impossible mais nécessaire que l'on n'attend plus. Il y a au c½ur de l'homme une immense attente que seul un Dieu pourrait combler.
Je regarde la crèche et devant ce spectacle silencieux, je m'interroge. Cela n'est pas du tout ce que l'on attendait. Mais c'est tellement humain, tellement simple et naturel, que c'en est renversant, divin, surnaturel. Les pauvres, les blessés, les exclus, les pécheurs, les damnés, les noyés, les ratés de la terre, dans leur douleur, peuvent comprendre les premiers. Noël, pour être Noël, est d'abord pour eux. S'il y a un Dieu, un maître de l'impossible, c'est chez eux qu'il va se manifester.
Alors je demandais en commençant qu'est-ce que Noël ? Sur quoi repose notre joie ? Que peut-on espérer ? Ai-je répondu à ces questions ?
Pas de père Noël mais un enfant Emmanuel. C'est dans l'ouverture même de nos blessures que Dieu vient nous rejoindre, au c½ur, au creux de l'humanité. Il est le sourcier de toutes les énergies enfouies, pour nous guérir, pour nous sauver, pour nous ressusciter.
Noël
- Auteur: Van Aerde Michel
- Temps liturgique: Temps de Noël
- Année liturgique : A, B, C
- Année: 2012-2013